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RAPPORT DU COMITÉ

Le jeudi 6 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales

a l'honneur de présenter son

DIX-SEPTIÈME RAPPORT


 Votre Comité auquel a été déféré le Budget des dépenses 2002-2003 a, conformément à l'ordre de renvoi du 6 mars 2002, examiné le dit Budget, plus précisément, le crédit pour éventualités du gouvernement - le Crédit 5 du Conseil du Trésor et présente ici son troisième rapport intérimaire.

Respectueusement soumis,

Le président,
Lowell Murray


INTRODUCTION


Lors de la préparation d'un budget il est presque impossible de prévoir exactement tous les besoins futurs. Un budget sain contiendra donc une provision pour les dépenses imprévues. Le gouvernement du Canada a jugé bon d'inclure des provisions dans la loi de crédits depuis l'exercice 1876-1877. Le libellé de ce crédit a dû être changé au fil des années afin de tenir compte des préoccupations du Parlement et des besoins du gouvernement en place. Ce crédit, appelé le Crédit pour éventualités du gouvernement - Crédit 5, existe dans sa forme actuelle depuis l'exercice 1964-1965. Depuis, il est arrivé au vérificateur général et aux deux Chambres du Parlement de manifester leurs inquiétudes au sujet du recours au fonds de prévoyance et de la diversité des initiatives qu'il sert à financer.

La façon dont le fonds pour éventualités est utilisé est une source de préoccupation périodique du présent Comité, qui s'est penché sur la question la dernière fois vers la fin des années 1980. Dans son rapport du 16 décembre 1986 sur le Budget supplémentaire des dépenses " A " 1986-1987, le Comité a indiqué avoir relevé deux explications pour justifier le recours au crédit 5, d'une part, que le crédit devait servir à effectuer diverses dépenses urgentes qui ne peuvent être prévues au moment de l'établissement du Budget des dépenses et, d'autre part, qu'il devait servir à effectuer diverses menues dépenses imprévues. Le Comité a recommandé que le Conseil du Trésor précise la distinction entre des " dépenses imprévues " et des " dépenses urgentes ". D'où l'adoption par le Conseil du Trésor de la définition actuelle, qui ne fait nullement référence aux " dépenses urgentes ".

Ailleurs dans son rapport de 1986, le Comité a souligné qu'il y avait ambiguïté au sujet de l'affectation des fonds du crédit 5 pour des postes non liés à la feuille de paye. Il a donc recommandé que le Conseil du Trésor établisse des lignes directrices à l'intention du Secrétariat afin de faciliter l'évaluation du bien-fondé des demandes de crédits pour couvrir des dépenses autres que celles liées à la feuille de paye.

Dans son rapport du 29 novembre 1989 sur le Budget supplémentaire des dépenses " B " 1988-1989, le Comité a fait l'observation suivante :

" En cas d'urgence, et si le Conseil du Trésor est convaincu que l'autorisation nécessaire peut normalement être obtenue au moyen d'une loi de crédits, les fonds pour éventualités peuvent servir à verser des subventions non prévues dans le Budget des dépenses ou encore à régler les dépenses additionnelles de fonctionnement des nouveaux programmes, activités, offices et organismes, dont les budgets sont couramment (et délibérément) sous-estimés dans le budget des dépenses principal " (page 3).

Il a aussi indiqué que le Conseil du Trésor estimait que :

" Le libellé actuel du crédit pour éventualités du gouvernement fournit à celui-ci une grande marge de manœuvre pour accorder le financement non seulement aux fins des déficits de la paye mais également pour faire face aux dépenses imprévues et pour fournir des autorisations de paiement particulières. Cependant les principes qui régissent le fonctionnement du crédit […] limitent le recours à l'autorisation accordée et garantissent qu'il existe un niveau pertinent de contrôle parlementaire " (page 3).

Le Comité a souligné qu'il existe un niveau pertinent de contrôle parlementaire dans la mesure où les principes directeurs en vigueur continuent d'être respectées.

Plus récemment, dans son rapport du 12 juin 2001, le Comité s'est dit inquiet au sujet de la création d'autres systèmes d'exécution des programmes gouvernementaux dont le financement repose sur le crédit 5. Enfin, le 23 avril 2002, le Comité a commencé une nouvelle série d'audiences sur l'utilisation des fonds du Conseil du Trésor en vertu du crédit 5 pour financer diverses initiatives du gouvernement. Le Comité a entendu le témoignage de la vérificatrice générale, Sheila Fraser, qui a discuté du recours au crédit 5 dans son dernier rapport à la Chambre des communes en avril 2002. Le 1er mai, M. Richard Neville, sous-contrôleur général du Secrétariat du Conseil du Trésor et M. David Bickerton, directeur exécutif, Division des opérations et prévisions des dépenses, ont répondu aux questions touchant les aspects techniques du fonctionnement du compte pour éventualités. Le 8 mai, M. Frank Claydon, secrétaire du Conseil du Trésor et contrôleur général du Canada ainsi que M. Neville ont répondu à des questions plus générales sur l'utilisation de ce crédit. 

 

RENSEIGNEMENTS GÉNÉRAUX

Le processus d'affectation des crédits du gouvernement (le mécanisme au moyen duquel les ministères sont autorisés à dépenser les fonds du Trésor) débute par la présentation du Budget principal des dépenses en mars. Il n'est pas toujours possible pour les ministères de décrire les dépenses qu'ils entendent faire au cours de l'exercice dans ces documents. Malheureusement, ils ne sont pas toujours en mesure de prévoir tous leurs besoins futurs. Aussi, le processus leur permet de demander des crédits additionnels au moyen du Budget supplémentaire des dépenses, qui est normalement déposé au Parlement trois fois durant l'exercice : en juin, en décembre et en mars.

Il arrive aussi à un ministère de vouloir des fonds pour un poste hautement prioritaire après la présentation du Budget principal mais avant de pouvoir obtenir l'approbation du Parlement dans le Budget supplémentaire des dépenses. À ce moment-là, le ministère peut obtenir les fonds du crédit pour éventualités du Conseil du Trésor, lequel est autorisé, au moyen du crédit 5 du Budget principal. Le crédit 5 permet aussi au Conseil du Trésor d'accorder aux ministères le financement, normalement à la fin de l'exercice, au chapitre de certaines dépenses salariales non discrétionnaires difficilement prévisibles qui n'ont pas fait partie du processus de planification du Budget principal des dépenses ou qui surviennent trop tard pour y être incluses.
L'autorisation parlementaire d'utiliser le crédit pour éventualités est énoncée dans le texte du crédit 5 du Conseil du Trésor dans le projet de loi des crédits:

Sous réserve de l'approbation du Conseil du Trésor, pour suppléer à d'autres crédits relativement à la feuille de paye et à d'autres besoins et pour payer diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues, y compris les primes attribuées en vertu de la Loi sur les inventions des fonctionnaires; autorisation de réemployer toutes les sommes affectées à des besoins autres que ceux de la feuille de paye, tirées d'autres crédits et versées au présent crédit.

Le Conseil du Trésor doit approuver toutes les demandes ministérielles d'utilisation des crédits pour éventualités. Tous les crédits, sauf ceux relatifs aux dépenses salariales imprévues, doivent être remboursés. Les crédits inutilisés sont récupérés à la fin de l'exercice. Le crédit pour éventualités a toujours récupéré la plupart des crédits inutilisés à la fin de chaque exercice. Toutefois, étant donné que les ministères sont tenus de rembourser le crédit, celui-ci devient en pratique un fonds renouvelable. Généralement, les dépenses annuelles totales sur le crédit 5 dépassent souvent le montant initial des crédits autorisés en vertu du Budget des dépenses principal.

 

LE PROCESSUS

Après l'étude du Budget principal et l'approbation du projet de loi de crédits, le Conseil du Trésor a pleine autorité pour utiliser les crédits pour éventualités, sous réserve des limites du texte du crédit, sans avoir à demander l'autorisation du Parlement. Les demandes ministérielles de crédits pour éventualités doivent respecter des lignes directrices établies par le Conseil du Trésor. Le Secrétariat du Conseil du Trésor les a communiquées au Comité en 1989 :

1. L'autorisation de faire des paiements sur le fonds des éventualités est précisée dans le texte du crédit 5, tous ces paiements doivent être pleinement conformes à ce texte (autrement dit, si de tels paiements sont nécessaires, il pourrait s'agir d'imputations légitimes au crédit 5).

2. En règle générale, on n'imputera pas de dépenses permanentes au crédit pour les besoins autres que les déficits au chapitre de la rémunération ou les primes accordées en vertu de la Loi sur les inventions des fonctionnaires. Toutes les autres avances imputées au crédit pour éventualités doivent être considérées comme des avances temporaires devant être couvertes par des postes inscrits au Budget supplémentaire des dépenses et être remboursées lorsque la loi de crédit y afférente est adoptée.

3. Lorsque ces avances sont demandées pour faire face à un besoin financier, le Conseil du Trésor doit s'assurer que le paiement en question s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère et qu'il existe un besoin de liquidités légitime devant être comblé avant l'approbation du Budget supplémentaire des dépenses.

4. Lorsqu'il effectue un transfert afin de fournir une autorisation de paiement, le Conseil du Trésor doit être convaincu qu'il existe une raison valable et suffisante pour laquelle le paiement doit être fait avant que l'on ait reçu l'approbation normale du Parlement. Si le paiement peut raisonnablement être différé jusqu'au dépôt du Budget supplémentaire des dépenses et si l'autorisation du Parlement peut être accordée au moyen d'une loi de crédits, le financement des éventualités ne devrait pas être assuré pour accorder cette autorisation. 
Plus tard, le Secrétariat du Conseil du Trésor en a ajouté quatre autres :

5. Les fonds prévus au crédit 5 du Conseil du Trésor doivent être suffisants.

6. L'autorisation appropriée du Ministère ne suffit pas pour couvrir les besoins existants et ceux de la nouvelle initiative (à l'exception des postes de subventions) jusqu'à la fin de la période visée par le crédit.

7. Il doit exister un sentiment d'urgence lié à l'initiative tel que la dépense ne peut pas attendre que le Parlement approuve l'élément en question dans une loi de crédits. 

8. Il doit exister un bénéficiaire valable et légalement constitué auquel la subvention sera versée.

Ces lignes directrices sont toujours en vigueur et le Secrétariat s'en sert pour évaluer chaque demande ministérielle d'utilisation du crédit 5. Il présente ensuite la demande au Conseil du Trésor assortie de ses recommandations. Des huit lignes directrices dont se sert le Secrétariat du Conseil du Trésor, les quatre premières ci-dessus seulement ont été approuvées par les ministres du Conseil du Trésor comme politique officielle du Conseil du Trésor. Les autres, élaborées pour usage interne par le Secrétariat, n'ont pas encore été officiellement sanctionnées par le Conseil du Trésor. 

Si la demande est approuvée, le ministère récipiendaire doit indiquer le montant reçu en tant que besoin dans son Budget supplémentaire des dépenses. Après l'approbation du projet de loi de crédits pour le Budget supplémentaire des dépenses, le ministère rembourse le crédit pour éventualités.

 

LES QUESTIONS

Au cours des audiences, plusieurs questions relatives à l'utilisation des crédits pour éventualités ont été soulevées. La plupart concernaient la reddition de compte du gouvernement au Parlement.

A. Le montant des crédits 

Le gouvernement demande au Parlement d'autoriser un montant spécifique pour éventualités à chaque exercice. Le montant global du Budget principal des dépenses de 2002?2003 est d'environ 172 milliards de dollars et le crédit 5 est de 750 millions de dollars, ce qui représente 0,44 p. 100 du Budget des dépenses. Étant donné que les crédits pour éventualités constituent une dépense budgétaire votée, contrairement à une dépense légiférée, il serait peut-être préférable d'examiner le montant du crédit 5 dans le contexte des postes budgétaires votés. Le montant du crédit pour éventualités a toujours représenté environ 1 p. 100 du Budget des dépenses global, bien que, comme l'illustre le Tableau I, le montant ait fluctué entre 0,85 p. 100 et 1,7 p. 100 depuis l'exercice 1990-91. Au fil des décennies, le montant réel du crédit 5 a augmenté graduellement de 90 millions de dollars en 1974-1975 à 750 millions de dollars en 2002-2003. 

 

TABLEAU I

Montant du crédit 5 pour éventualités et pourcentage
Budget des dépenses principal voté 

Exercice financier

Budget des dépenses

principal voté

(millions $)

Montant

du crédit 5

(million $)

Montant du crédit 5

en tant que pourcentage du Budget des dépenses principal vote (%)

1990-91

44 314,3

775,0

1,70

1991-92

47 029,3

400,0

0,85

1992-93

48 756,2

450,0

0,92

1993-94

48 904,5

450,0

0,92

1994-95

48 574,9

450,0

0,93

1995-96

48 005,9

450,0

0,94

1996-97

45 322,4

450,0

0,99

1997-98

42 826,3

450,0

1,05

1998-99

42 422,6

450,0

1,06

1999-00

45 676,2

550,0

1,20

2000-01

50 096,9

550,0

1,09

2001-02

52 334,6

750,0

1,43

2002-03

56 269,0

750,0

1,33


Le processus d'autorisation des crédits pour éventualités pratiqué ailleurs où le modèle Westminster a été adopté, comme au Royaume-Uni et en Australie, fonctionne selon des règles différentes. Dans le premier cas, les dépenses gouvernementales pour éventualités ne sont assujetties à aucune limite législative bien qu'elles soient arbitrairement plafonnées à 1 p. 100. Dans le second cas, elles sont législativement limitées à 2,5 milliards de $AUS ou environ 1,5 p. 100 des fonds alloués. La vérificatrice générale n'a exprimé aucune réserve au sujet du montant actuel, et, selon le Secrétariat du Conseil du Trésor, ce montant est suffisant pour répondre aux besoins du gouvernement à ce moment-ci.

 

B. L'autorité du Conseil du Trésor en vertu des fonds pour éventualités du Crédit 5

L'autorisation d'accorder des fonds que confère le crédit 5 au Conseil du Trésor est source d'inquiétude. Lecture faite du libellé du crédit, celui-ci semble conférer le pouvoir d'accorder des fonds suivant au Conseil du Trésor :

· L'autorisation de suppléer à d'autres crédits relativement à la feuille de paye;
· L'autorisation de suppléer à d'autres besoins;
· L'autorisation de payer diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues; 
· L'autorisation d'attribuer des primes en vertu de la Loi sur les inventions des fonctionnaires; et
· L'autorisation de réemployer toutes les sommes affectées à des besoins autres que ceux de la feuille de paye, tirées d'autres crédits.


Tant la vérificatrice générale que les porte-parole du Secrétariat du Conseil du Trésor affirment que le pouvoir de dépenser du gouvernement dépasse largement le recours qu'il en jamais fait en vertu de ce crédit. Les porte-parole du Conseil du Trésor l'ont souligné et ont invoqué d'autres interprétations pour faire valoir que le recours par le gouvernement à l'autorisation accordée en vertu du crédit 5 a toujours été plus restrictif que l'utilisation autorisée. En vertu de cette autorisation, le Conseil du Trésor peut engager des dépenses relativement à des initiatives n'ayant pas été préalablement soumises à l'examen du Parlement. Normalement, un ministère qui se voit allouer des crédits pour une dépense autre que la feuille de paye est tenu de les rembourser par le biais des crédits obtenus en vertu du Budget supplémentaire des dépenses. Ainsi, la dépense est portée à l'attention du Parlement, qui l'approuve lors de l'adoption du projet de loi de crédits. Des difficultés semblent surgir toutefois lorsque le Conseil du Trésor paie pour la même initiative en puisant directement dans le fonds pour éventualités. La vérificatrice générale a indiqué que si le Conseil était disposé à accepter un tel poste comme une charge permanente imputée sur le crédit 5, il n'y aurait pas alors lieu de demander au Parlement d'approuver la dépense. Les porte-parole du Conseil du Trésor ne se souvenaient pas d'avoir puisé dans le fonds en vue d'effectuer un paiement direct et de ne pas avoir demandé le remboursement au moyen du processus des budgets supplémentaires. De plus, ils ont indiqué avoir pour politique de demander le remboursement toutes les fois qu'ils le jugent approprié et ainsi obtenir l'approbation du Parlement relativement à toutes les dépenses engagées.

C. Diverses menues dépenses imprévues

L'autorité législative d'utiliser les crédits pour éventualités se trouve dans le libellé du crédit. Malheureusement, le libellé n'est pas clair. La vérificatrice générale a fait remarquer que le libellé du crédit pour éventualités est extrêmement général et que les termes " diverses menues dépenses imprévues " n'ont été définis d'aucune façon par le Secrétariat du Conseil du Trésor. Selon elle : " Ce libellé a donné au Secrétariat beaucoup de latitude au fil des ans pour interpréter l'autorisation de dépenser. " Elle a aussi souligné que les analystes avec lesquels son bureau avait discuté au cours de la vérification en vue de son rapport publié en avril 2002 avaient tous des points de vue différents sur le sens de ces termes. Cette latitude dans l'interprétation du libellé est inquiétante. De l'avis de la vérificatrice générale, elle a donné lieu à des dépenses gouvernementales n'ayant pas été approuvées par le Parlement. Lors des audiences du Comité elle a déclaré: " Nous craignons que les dépenses faites par le gouvernement sous forme de subventions, en vertu de l'autorisation provisoire de dépenser conférée par le crédit pour éventualités du gouvernement, ne soient pas conformes à l'intention du Parlement. " 

M. Neville a convenu que le libellé du crédit 5 était très général. Toutefois, il conteste l'affirmation voulant que cela ait donné lieu à des abus du pouvoir de dépenser du gouvernement. Il a fait remarquer à juste titre que le " recours à l'autorisation accordée aux termes du crédit 5 a toujours été plus restrictif que les utilisations autorisées par le Parlement ". Aussi, bien que le libellé soit assez général pour " permettre au gouvernement de faire face aux imprévus, […] le gouvernement l'utilise comme un mécanisme de financement temporaire qui permet de composer avec les problèmes urgents et imprévus que le gouvernement doit financer ". Cela sous-entend que les postes auxquels sont alloués des crédits pour éventualités, seront éventuellement approuvés par le Parlement par le biais de la loi de crédits relative au Budget supplémentaire des dépenses.

Il a également rassuré le Comité que " L'accès au crédit 5 est rigoureusement contrôlé, surtout dans le cas de nouvelles subventions ou de l'augmentation de subventions déjà accordées. Ces demandes ne sont approuvées que dans des circonstances exceptionnelles, s'il est établi que le gouvernement doit prendre certaines mesures. " De plus, des lignes directrices avaient été élaborées pour aider les analystes à effectuer leur travail. Le Secrétariat y adhère rigoureusement. M. Neville a déclaré: " le Secrétariat du Conseil du Trésor a géré ce fonds avec la rigueur et la diligence nécessaires, et [il] a toujours obtenu l'autorisation du Conseil du Trésor pour les demandes d'accès au crédit 5 du Conseil du Trésor ".
Qu'à cela ne tienne, le libellé actuel du crédit crée des incertitudes en utilisant des fonds aux termes du crédit 5. Étant donné que les analystes interprètent différemment les termes " diverses menues dépenses imprévues ", il faut s'attendre à ce qu'ils ne prennent pas les même décisions relativement à des demandes analogues. Après avoir interrogé les témoins en profondeur au sujet de ces termes et d'autres termes du libellé du crédit 5, le Comité a trouvé que la difficulté la plus importante résidait dans l'utilisation du terme " menues " parce qu'il est tributaire du contexte de la demande d'approbation. Ce terme est celui qui est le plus susceptible de donner lieu à toutes sortes d'interprétations.

Le tableau II montre la gamme des activités du gouvernement qui ont fait l'objet du crédit 5 au cours des dernières années. Ces postes budgétaires ont été choisis parce qu'ils représentent la nature variée des demandes de fonds pour éventualités que reçoit le Conseil du Trésor. Le Comité craint que le libellé actuel décrivant le crédit accorde au Conseil du Trésor un grand trop de pouvoir de dépenser. Le Sénat souhaitera peut-être restreindre le recours à ces fonds pour éventualités.

Restreindre indûment la capacité du gouvernement d'agir en période de crise est un aspect particulièrement inquiétant pour M. Neville. Il a fait remarquer que, même si le libellé du crédit 5 a subi des modifications mineures depuis le milieu des années 1970, il y a des limites aux modifications qui peuvent être apportées. Adopter un libellé plus restrictif pourrait sérieusement restreindre la capacité du gouvernement d'agir. Selon lui, il est important de reconnaître qu'il est impossible de prévoir une autorisation de dépenser pour toutes les catégories de dépenses, et que le gouvernement a besoin d'une certaine souplesse pour faire face aux dépenses imprévues. Même la vérificatrice générale a convenu dans sa déclaration préliminaire que : " on ne peut pas s'attendre à ce que le gouvernement prévoie tous les types de dépenses qui peuvent être engagées au cours d'un exercice, et il doit donc disposer d'une certaine marge de manœuvre pour couvrir les dépenses imprévues ". Il n'en demeure pas moins que le sens des termes doit être éclairci, et M. Neville a rassuré le Comité que le Secrétariat entend " examiner diverses options ayant pour objet de clarifier les choses tout en conservant la marge de manœuvre du gouvernement ".

Une possibilité pourrait être de reformuler l'expression " diverses menues dépenses imprévues " en remplaçant " menues " par le mot " urgentes ". Cette partie de l'étude du Comité au sujet du crédit 5 mentionne à plusieurs reprises le fait que les ministères demandent souvent du financement aux termes du crédit 5 pour des postes nécessitant un besoin urgent de fonds. Il y aurait peut-être lieu de mieux définir la notion d'urgence pour que tous ceux qui interviennent dans les décisions de recourir aux crédits pour éventualités la comprennent. Par conséquent le Comité recommande :


Recommandation 1

Que le gouvernement change le libellé du crédit 5 du Conseil du Trésor en substituant au mot " menues " dans l'expression " diverses menues dépenses imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues " le mot " urgentes " afin que la nouvelle expression se lisent " diverses dépenses urgentes et imprévues qui n'ont pas autrement été pourvues ".

TABLEAU II

Exemples des postes budgétaires pour éventualités du Conseil du Trésor
dans les Budgets supplémentaires des dépenses entre 1996-1997 et 2001-2002

Budget supplémentaire des dépenses (A) 1996-1997
Ministère du Patrimoine canadien - Établir le Bureau d'information du Canada. 

15 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (B) 1996-1997
Ministère des Affaires étrangères - ACDI - Aide humanitaire et soutien de la planification préalable aux catastrophes accordés aux pays, à leurs organismes et à leurs citoyens, à des organismes internationaux ainsi qu'à des organisations non gouvernementales canadiennes et internationales. 



20 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (A) 1997-1998
Diversification de l'économie de l'Ouest - Montants versés dans le cadre de l'Initiative de rétablissement économique et des emplois de vallée de la rivière Rouge. 


25 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (B) 1997-1998
Ministère de la Défense nationale - Montants versés aux provinces à titre d'aide en cas de catastrophes naturelles. 


75 000 00 $

Budget supplémentaire des dépenses (A) 1998-1999
Conseil privé - Établissement du Bureau du Canada pour le millénaire. 

10 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (B) 1998-1999
Ministère des Finances - Paiements versés à la Banque européenne pour la reconstruction et le développement. 


9 100 000 $

Ministère du Développement des ressources humaines - Versements dans le cadre du Programme d'adaptation et de restructuration des pêches canadiennes. 
55 400 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (C) 1998-1999
Ministère des Ressources naturelles - Société de développement du Cap-Breton - Exigences opérationnelles supplémentaires en raison de retards imprévus dans la production. 


36 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (A) 1999-2000
Ministère du Patrimoine canadien - Commission de la capitale nationale - Revitalisation de la rue Sparks.


40 000 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (B) 1999-2000
Ministère de la Justice - Programme sur le contrôle des armes à feu. 
Ministère des Finances - Paiements de transfert aux gouvernements territoriaux. 
41 000 000 $
102 800 000 $

Budget supplémentaire des dépenses (A) 2000-2001
Ministère des Travaux publics - Bureau d'information du Canada - Soutien de l'approche axée sur les citoyens en matière de communications de l'État. 
Ministère des Affaires indiennes - Règlement des revendications de la Première nation de Squamish. 

23 682 000 $


58 713 000 $


Budget supplémentaire des dépenses (A) 2001-2002
Ministère de l'Agriculture - Versements en vertu de la Loi sur la protection du revenu agricole. 
Ministère des Pêches et des Océans - Programme d'accès aux pêches. 

100 000 000 $
88 000 000 $



D. Les lignes directrices du Conseil du Trésor

Le Comité a également étudié le libellé des lignes directrices du Conseil du Trésor relatives à l'utilisation des crédits pour éventualités ainsi que les lignes directrices additionnelles du Secrétariat. Ces lignes directrices ont été adoptées en vue d'aider les analystes du Secrétariat du Conseil du Trésor. Le Comité croit nécessaire de modifier leur libellé afin de mieux définir l'intention du Parlement. 


Ligne directrice numéro 3

Le Comité craint que le libellé souligné ci-dessous risque de permettre une interprétation trop générale d'une demande de financement aux termes du crédit 5. 

" Lorsque ces avances sont demandées pour faire face à un besoin financier, le Conseil du Trésor doit s'assurer que le paiement en question s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère et qu'il existe un besoin de liquidités légitime devant être comblé avant l'approbation du Budget supplémentaire des dépenses. "


Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 2

Que le Conseil du Trésor modifie le texte de la ligne directrice numéro trois en substituant les termes " s'inscrit dans le cadre des obligations légales du ministère ou de la réglementation d'un programme existant " aux termes " s'inscrit dans le cadre du mandat du ministère ".


De plus, le Comité recommande :

Recommandation 3

Que le Conseil du Trésor modifie le texte de la ligne directrice numéro trois en substituant " un besoin de liquidités légitime et urgent " à l'expression " un besoin de liquidités légitime ".


Ligne directrice numéro 4

Le Comité aimerait également que le Conseil du Trésor étudie la possibilité de modifier le libellé souligné ci-dessous de la ligne directrice numéro quatre :

" Lorsqu'il effectue un transfert afin de fournir une autorisation de paiement, le Conseil du Trésor doit être convaincu qu'il existe une raison valable et suffisante pour laquelle le paiement doit être fait avant que l'on ait reçu l'approbation normale du Parlement. Si le paiement peut raisonnablement être différé jusqu'au dépôt du Budget supplémentaire des dépenses et si l'autorisation du Parlement peut être accordée au moyen d'une loi de crédits, le financement des éventualités ne devrait pas être assuré pour accorder cette autorisation. "

Il y aurait lieu de substituer " raison valable et impérieuse " à l'expression " raison valable et suffisante " étant donné que le principe en cause est l'interdiction d'engager des dépenses sans l'autorisation du Parlement. C'est le principe de base à respecter. 

Par conséquent, le comité recommande :

Recommandation 4

Que le Conseil du Trésor modifie le texte de la ligne directrice numéro quatre en substituant " raison valable et impérieuse " à l'expression " raison valable et suffisante".


Ligne directrice numéro 6

Le Comité aimerait également que le Conseil du Trésor étudie la possibilité de modifier le libellé souligné ci-dessous de la ligne directrice numéro six :

" L'autorisation appropriée du Ministère ne suffit pas pour couvrir les besoins existants et ceux de la nouvelle initiative (à l'exception des postes de subventions) jusqu'à la fin de la période visée par le crédit. "

L'expression " nouvelle initiative " est trop générale et doit être plus précise. Par conséquent, le Comité recommande :

Recommandation 5

Que le Conseil du Trésor modifie le libellé de la ligne directrice six en ajoutant les termes " annoncée dans un discours budgétaire " après l'expression " nouvelle initiative ".

Ligne directrice numéro 7

Le Comité aimerait également que le Conseil du Trésor étudie la possibilité de modifier le libellé souligné ci-dessous de la ligne directrice numéro sept :

" Il doit exister un sentiment d'urgence lié à l'initiative tel que la dépense ne peut pas attendre que le Parlement approve l'élément en question dans une loi de crédits. "

L'expression " un sentiment d'urgence " est trop vague. Il faudrait que les ministères soient tenus de démontrer que leur besoin est effectivement urgent. Par conséquent, le Comité recommande :


Recommandation 6

Que le Conseil du Trésor modifie le texte de la ligne directrice numéro sept en substituant l'expression " Il faut démontrer que l'initiative est suffisamment urgente " à l'expression " Il doit exister un sentiment d'urgence lié a l'initiative ".


Ligne directrice numéro 8

Le Comité aimerait également que le Conseil du Trésor étudie la possibilité de modifier le libellé souligné ci-dessous de la ligne directrice numéro huit :

" Il doit exister un bénéficiaire valable et légalement constitué auquel la subvention sera versée. "

Le Comité voudrait que la ligne directrice fasse référence d'une façon quelconque aux conditions et règlement régissant les subventions et contributions. Par conséquent, il recommande :

Recommandation 7

Que le Conseil du Trésor modifie le texte de la ligne directrice numéro huit en ajoutant après le mot " versé " l'expression " en conformité avec la réglementation gouvernementale régissant les subventions et contributions ".

Le Conseil du Trésor a officiellement approuvé les lignes directrices un à quatre alors que les lignes directrices cinq à huit ont été approuvées par le Secrétariat seulement. Le Comité croit que ces dernières devraient avoir autant de poids que les quatre premières. Il recommande donc :

Recommandation 8

Que le Conseil du Trésor approuve officiellement les huit lignes directrices relatives à l'utilisation des crédits pour éventualités.



E. Différence entre " responsabilité d'un programme " et " autorisation de dépenser " 

1. La vérificatrice générale

En ce qui a trait à l'utilisation des crédits pour éventualités, la vérificatrice générale croit qu'il existe une distinction entre les notions " responsabilité d'un programme " et " autorisation de dépenser ". À son avis, le fait que le gouvernement ne fasse pas cette distinction entre ces deux notions explique pourquoi deux ministères ont engagé des dépenses pour des subventions à l'égard desquelles ils n'avaient pas obtenu du Parlement l'autorisation d'engager de telles dépenses lorsqu'ils ont effectué les paiements. Pour la vérificatrice générale, la responsabilité d'un programme émane de dispositions législatives importantes établissant le mandat du ministère et les programmes qu'il administre. Le pouvoir de dépenser, par ailleurs, émane de l'autorisation d'effectuer un paiement aux termes d'un programme donné. Dans le cas de nombreux programmes gouvernementaux, le pouvoir permanent, ininterrompu, de dépenser est conféré par les lois créant les programmes. Par exemple, la Loi sur la sécurité de la vieillesse autorise le paiement des prestations de sécurité de la vieillesse. Le pouvoir de dépenser qui préoccupe la vérificatrice générale est celui qu'accorde annuellement le Parlement au gouvernement aux termes des lois de crédits. Le gouvernement compte sur les fonds autorisés pour de nombreux programmes aux termes de ce processus. L'argent ne peut être dépensé qu'aux fins décrites dans les divers postes énumérés en annexe des lois de crédits. Bien que le crédit 5 puisse suppléer à un poste ministériel en prévoyant des fonds additionnels, selon la vérificatrice générale, il ne peut accorder l'autorisation de verser des subventions non prévues au Budget des dépenses dans les crédits ministériels. Si les subventions n'étaient pas prévues au Budget des dépenses lorsque les paiements ont été effectués ou si elles ne tombaient pas dans une des catégories de subventions inscrites au Budget des dépenses, d'après elle, l'autorisation de dépenser aux termes des crédits ministériels n'avait pas été accordée lorsque les subventions ont été versées. Alors que le crédit 5 peut être utilisé pour suppléer aux crédits ministériels prévus pour des subventions ou des catégories de subventions déjà inscrites au Budget des dépenses, il ne devrait pas, selon elle, être utilisé pour financer des subventions non inscrites au Budget des dépenses. Par conséquent, la vérificatrice générale a prétendu que le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait soumettre au Conseil du Trésor une politique ou des lignes directrices officielles sur le recours au crédit pour éventualités du gouvernement dans le cas des subventions, pour faire en sorte que l'autorisation de dépenser soit obtenue avant que les paiements soient effectués.


2. Le Conseil du Trésor

Les porte-parole du Conseil du Trésor ne sont pas entièrement d'accord avec l'interprétation que fait la vérificatrice générale de l'autorité conférée au gouvernement aux termes du crédit 5. Comme M. Bickerton l'a expliqué devant le Comité, l'autorisation législative de faire les paiements émane des lois régissant un ministère, et le " crédit 5 accorde l'autorisation de verser certaines sommes d'argent de même que l'autorisation législative requise à cette fin en attendant l'adoption du Budget supplémentaire des dépenses ". Il ajoute plus loin : " Il y a essentiellement deux situations qui amènent un ministère à demander à recourir au crédit pour éventualités au moment même où il reçoit l'approbation d'inscrire un poste au Budget supplémentaire des dépenses. La première surviendrait lorsqu'un ministère aurait besoin de liquidités avant l'approbation du Budget supplémentaire des dépenses et que l'affectation de fonds ministériels applicable n'aurait pas un solde suffisant pour permettre d'engager la dépense prévue. L'autre situation concernerait un ministère qui n'aurait pas une autorisation suffisante pour faire un versement précis- autorisation qui pourrait lui être conférée par le biais d'une Loi de crédits - et qu'il serait nécessaire de faire ce versement avant l'adoption de la Loi de crédits. "

Quant à la question de l'utilisation du crédit 5 du Conseil du Trésor pour autoriser le paiement de subventions avant d'obtenir l'approbation du Parlement, M. Neville a rappelé au Comité que le " Budget supplémentaire des dépenses a donc pour objet de prévoir des dépenses additionnelles pour financer de nouveaux programmes ou des révisions à des programmes existants, y compris des subventions et des contributions qui n'ont pas fait partie du processus de planification du Budget principal des dépenses ". Selon M. Neville, " le gouvernement s'est prévalu à l'occasion de l'autorisation de dépenses que prévoit le texte du crédit pour autoriser de nouvelles subventions ou augmenter des subventions existantes ". Il a également fait remarquer que les " ministres peuvent demander une autorisation temporaire d'accès au crédit 5 quand des paiements sont urgents et ne peuvent attendre le Budget supplémentaire des dépenses suivant ". Le Secrétariat du Conseil du Trésor détermine donc la légitimité de la demande de recourir au crédit 5 et évalue le degré d'urgence et si le montant demandé est justifié. M. Neville a souligné que les demandes n'étaient pas toutes approuvées.

Le Conseil du Trésor semble rejeter la distinction entre l'autorisation législative et l'autorisation de dépenser, du moins aux fins du crédit 5. C'est dangereux du point de vue reddition compte au Parlement. Mené à sa conclusion logique, même si elle semble extrême, cette absence de distinction pourrait signifier que le Parlement pourrait être appelé à adopter un crédit pour chaque ministère, crédit qui serait dépenser en conformité avec le mandat législatif du ministère. Le Budget des dépenses n'aurait plus d'utilité. Le Comité recommande donc :

Recommandation 9

Que le Conseil du Trésor adopte une politique ou des lignes directrices officielles régissant l'utilisation aux fins de subventions des crédits pour éventualités du gouvernement afin de faire en sorte qu'il faille obtenir l'autorisation de dépenser du Parlement avant d'effectuer les paiements.



F. Mot de la fin

Le Comité maintient son intérêt envers le Crédit 5. Le Conseil du Trésor a indiqué qu'il examine actuellement ses pratiques et lignes directrices relatives à l'utilisation des fonds du crédit 5. Il s'attend à pouvoir annoncer des changements à l'automne 2002. Le Comité les étudiera et se prononcera à leur sujet à ce moment là.


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