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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 2 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 3 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 20 heures pour étudier diverses questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous accueillons ce soir les représentants de la Coalition of Concerned Citizens of Caledon.

Veuillez nous présenter votre exposé, s'il vous plaît.

M. Charles Birchall, conseiller juridique, Coalition of Concerned Citizens of Caledon: Mesdames et messieurs les sénateurs, je pratique à Ottawa comme avocat spécialisé en droit de l'environnement. L'étude Birchall Northey est un bureau privé d'avocats dont une bonne partie du travail consiste à défendre l'intérêt public au nom de groupes de citoyens et d'organismes sans but lucratif des quatre coins du Canada.

J'ai avec moi M. Rod Northey, un avocat spécialiste des questions d'environnement. Il vous entretiendra ce soir d'évaluation environnementale. Il est l'auteur d'un très volumineux dossier sur cette question, qui s'intitule The 1995 Annotated Canadian Environmental Assessment Act and EARP Guidelines Order.

Je suis également accompagné de M. Andrew Dumyn, un homme d'affaires chevronné du secteur minier, qui, au cours des trois dernières années, a donné bénévolement énormément de son temps au service du bureau de direction d'une coalition de plus de 3 000 résidents de Caledon, une ville située juste au nord-ouest de Toronto. Certains des membres de la coalition ont fait le trajet en automobile jusqu'ici pour être des nôtres ce soir.

La ville de Caledon est située dans le sud de l'Ontario, à la source des rivières Credit et Humber, qui se déversent au sud dans le lac Ontario. En 1996, Environnement Canada a justement souligné l'importance de la nappe phréatique de cette région.

Nous sommes ici ce soir pour vous faire part de nos vives préoccupations en ce qui concerne les pratiques du MPO en matière de conservation et de protection des ressources halieutiques des eaux douces canadiennes. Son attitude à l'égard du projet de la carrière Rockfort, à Caledon, illustre bien le problème. On prévoit y extraire, sur une superficie de 200 acres, des millions de tonnes d'agrégats à une profondeur allant jusqu'à 100 pieds sous la nappe phréatique, et ce, sur un emplacement entouré d'habitats de poisson sur trois de ses côtés. M. Dumyn vous parlera des problèmes que pose ce projet de carrière. Une analyse plus détaillée de la question a été transmise à ce sujet à votre président en janvier, je crois.

Pour faire court, disons que nos doléances portent sur cinq points. Premièrement, nous croyons qu'en vertu de la Loi sur les pêches et de la politique qu'il s'est lui-même donnée, le MPO a clairement pour mandat de conserver et de protéger les ressources halieutiques des eaux douces canadiennes.

Deuxièmement, la Loi sur les pêches, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et la politique de 1986 sur la gestion des habitats du poisson constituent pour le MPO, pourvu qu'il les applique adéquatement, des outils lui permettant de prévoir et de prévenir les torts qui peuvent être causés à nos ressources halieutiques, y compris à celles de nos eaux intérieures.

Troisièmement, alors que, dans des documents comme celui où il énonce sa politique de poursuite du développement durable de la pêche, le MPO insiste beaucoup sur l'importance de la conservation et de la protection des ressources halieutiques, il ne semble pas mu par cette conviction lorsque vient le temps pour lui d'agir.

Quatrièmement, le cas de la carrière Rockfort illustre éloquemment cette dichotomie.

Cinquièmement, nous sommes ici pour presser instamment le comité de se faire l'instigateur de la tenue d'une étude ou d'une enquête sur ces questions. Nous savons que votre comité s'est déjà penché sur certains problèmes touchant les ressources halieutiques de nos eaux intérieures. On lui a parlé de l'importance de cette ressource renouvelable non seulement dans une perspective de conservation, mais également du point de vue économique. Les faits sont là pour le prouver.

Ainsi, d'après un document produit par le MPO en 1995, les amateurs de pêche récréative en eau douce dépenseraient annuellement au Canada quelque 6 milliards de dollars pour la pratique de ce sport. Une étude du gouvernement de l'Ontario datant de 1990 signale que la pêche récréative génère dans cette province des dépenses de 3,4 milliards de dollars par an. L'étude du MPO indique que 4,2 millions de personnes, dont près d'un million de touristes étrangers, s'adonnent à la pêche à la ligne chaque année dans notre pays. On estime que les pêcheurs consacrent bénévolement plus de 700 000 jours par an au nettoyage des habitats, à la construction de passes à poisson, et cetera. Les Canadiens sont profondément attachés à cette ressource.

Compte tenu de ce niveau virtuellement incomparable d'engouement pour cette activité récréative, comment les Canadiens perçoivent-ils ce que fait le gouvernement fédéral, par l'entremise du MPO, pour la conservation et la protection du poisson? La réponse, c'est qu'ils n'en sont pas trop impressionnés. D'après un récent sondage dont les résultats ont été publiés dans les journaux, à peine 6 p. 100 des répondants croient que le MPO protège adéquatement nos ressources halieutiques. Les Canadiens craignent qu'on ne dilapide cette précieuse richesse renouvelable.

Il est pourtant clair que c'est le gouvernement fédéral, par l'entremise du MPO, qui a la responsabilité constitutionnelle de gérer et de protéger les ressources halieutiques de notre pays.

Le mandat du MPO repose sur la Loi sur les pêches. Depuis le début de la Confédération, le MPO a le pouvoir de poursuivre quiconque cause du tort au poisson ou aux habitats du poisson. En 1977, Le MPO a été investi du pouvoir d'intervenir dans le processus de planification d'un projet avant que sa réalisation ne détériore, ne détruise ou ne perturbe l'habitat du poisson. Nous utiliserons tous trois l'abréviation «DDPH» pour parler de détérioration, de destruction et de perturbation de l'habitat du poisson.

Depuis 1977, le MPO a maintes fois clairement indiqué qu'il estimait hautement prioritaire d'intervenir dans le cycle de planification d'un projet. Voici ce qu'a déclaré à cet égard en 1977 l'ancien ministre du MPO, l'honorable Roméo LeBlanc, en présentant les modifications à la Loi sur les pêches:

[...] il nous sera possible d'examiner les plans en premier et d'exiger des modifications ou, au besoin, d'interdire la réalisation du projet. Au lieu d'accuser quelqu'un après coup d'avoir détruit les habitats du poisson, nous interviendrons dès le processus de planification pour protéger la ressource.

En 1986, le MPO s'est fondé sur ces modifications à loi pour présenter au Parlement sa politique de gestion de l'habitat du poisson. Depuis lors, cette politique demeure, avec la Loi sur les pêches, le document de base en cette matière.

Elle vise avant tout la conservation de l'habitat du poisson. La loi et la politique donnent au MPO deux pouvoirs réglementaires distincts qui lui permettent d'intervenir au stade de la planification du projet. Premièrement, le MPO peut accorder à un promoteur qui en fait la demande une autorisation de réaliser un projet. Deuxièmement, le MPO peut prendre un arrêté interdisant la réalisation d'un projet si le promoteur n'a pas demandé l'autorisation de le réaliser ou si le MPO veut prévenir le risque d'incidence négative sur l'habitat du poisson.

En vertu de ces pouvoirs, le MPO peut exiger du promoteur qu'il applique des mesures propres à prévenir ou à atténuer le risque d'incidences négatives sur l'habitat du poisson. Il peut même faire arrêter la réalisation du projet lorsqu'un tort est causé à la ressource.

À ces importants pouvoirs, il vient s'en ajouter d'autres qui sont directement liés aux principaux objectifs de la loi et de la politique pertinentes, dont celui d'exiger d'un promoteur qu'il fournisse l'information appropriée dès le début du stade de planification du projet.

Il est explicitement mentionné dans l'énoncé de politique du MPO que, si celui-ci a obtenu ces pouvoirs de collecte d'information, c'est pour qu'il puisse intervenir de manière proactive dans la planification des projets. Le MPO peut exercer ces pouvoirs même si le promoteur ne lui a pas adressé de demande d'autorisation.

En dépit de cette orientation et de ce mandat on ne peut plus clairs, le MPO n'a, dans la pratique, cherché à obtenir de l'information qu'en de rares circonstances. Plutôt que de prendre l'initiative de la démarche, il préfère attendre, avant d'effectuer quelque évaluation que ce soit, que le promoteur lui soumette une demande d'autorisation. Dans le cas de la carrière Rockfort, il a fallu qu'une coalition de 3 000 citoyens exerce des pressions pour que le MPO déclenche des enquêtes.

Pourtant, la stratégie de l'attente passive comporte une lacune évidente. Un promoteur peut opter pour ne pas demander d'autorisation du MPO. Le cas échéant, un même projet peut parfois donner lieu à de multiples études sans que la question de l'habitat du poisson fasse partie intégrante des aspects examinés dans le cadre de la conception du projet.

C'est ce qui se produit dans le cas de la carrière Rockfort. Alors qu'on a entrepris de tenir des audiences provinciales sur le projet, le MPO en est encore à se demander si un projet dont les répercussions se feront sentir sur 80 ans et qui, selon toutes les parties intéressées, y compris le promoteur, entraînera vraisemblablement une DDPH, mérite d'être officiellement évalué aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Je vais maintenant céder la parole à M. Northey qui vous entretiendra du MPO et de l'évaluation environnementale.

M. Rodney Northey, membre associé de Birchall Northey: Mesdames et messieurs les sénateurs, je vais vous donner un aperçu de l'historique de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. Comme vous le savez peut-être, c'est vers la fin des années 80, par suite de jugements rendus par la Cour fédérale du Canada, que la politique fédérale en matière d'évaluation environnementale s'est traduite dans une loi.

En 1992, le gouvernement du Canada a approuvé l'adoption d'une nouvelle loi canadienne sur l'évaluation environnementale, mais il en a reporté la promulgation à plus tard.

En 1995, le gouvernement du Canada a enfin proclamé l'entrée en vigueur de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale et il en a fait une importante mesure en matière de protection de nos ressources halieutiques. À l'occasion de cette promulgation, le gouvernement a adopté des règlements en vertu desquels le MPO est tenu d'exiger le déclenchement d'une évaluation environnementale lorsqu'il est amené soit, premièrement, à accorder à un promoteur une autorisation de chercher des moyens de limiter les dommages pouvant être causés à l'habitat du poisson, soit, deuxièmement, à prendre contre un promoteur un arrêté ayant pour effet de lui interdire de poursuivre la réalisation d'un projet susceptible d'avoir une incidence négative sur l'habitat du poisson.

Il est donc tout à fait indéniable que, depuis 1995, l'application de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale doit faire partie du processus décisionnel du MPO.

En ce qui a trait à la politique du MPO, la loi de 1995 reprend vraiment un à un les divers éléments de la politique du MPO de 1986 concernant l'habitat du poisson, politique à laquelle M. Birchall a fait allusion. Sur le plan législatif, la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale vient en outre compléter à cet égard les amendements apportés en 1977 à la Loi sur les pêches, amendements dont M. Birchall vous a également parlé tout à l'heure. Ces amendements à la Loi sur les pêches ainsi que la LCEE exigent que le MPO s'implique tôt dans la planification des projets dans tout processus décisionnel fédéral.

Pour bien vous montrer ce que prévoit la loi à cet égard, je vais maintenant vous citer certains passages de la LCEE. Premièrement, cette loi exige que l'évaluation environnementale d'un projet soit effectuée «le plus tôt possible au stade de la planification de celui-ci».

Deuxièmement, le préambule de la loi mentionne que le gouvernement du Canada «s'engage à jouer un rôle moteur tant au plan national qu'au plan international dans la prévention de la dégradation de l'environnement».

Malgré ces prescriptions de la LCEE concernant l'évaluation environnementale, le MPO semble déterminé à ne déclencher le processus d'évaluation environnementale d'un projet qu'en dernier ressort.

Au lieu d'avoir comme attitude de ne pas tarder à déclencher une évaluation, le MPO a adopté une pratique interne qui l'amène à s'abstenir de procéder à une telle évaluation tant qu'il n'a pas envisagé toutes les mesures possibles de prévention ou d'atténuation du risque de perturbation de l'habitat du poisson et qu'il ne se voit pas forcé de reconnaître que de telles mesures ne pourront être efficaces.

Voilà à quoi se ramène la pratique interne du MPO. Or, il faut comparer cette pratique avec ce que prescrit la loi d'évaluation environnementale, à savoir la mise en branle d'un processus législatif public d'examen des mesures à envisager pour prévenir ou atténuer les incidences négatives des projets sur l'habitat du poisson.

En combinant ces deux visions, on obtient, dans la logique du MPO, un processus où ce n'est qu'après en être arrivé à la conclusion que les mesures de prévention et d'atténuation ne seront pas efficaces que l'on doit appliquer la loi sur l'évaluation environnementale.

À toute cette absurdité bureaucratique, deux autres éléments viennent s'ajouter. Premièrement, il y a le fait qu'un des objectifs énoncés dans la loi est d'éviter le double emploi, objectif qu'on a d'ailleurs tenu à renforcer par l'adoption d'un règlement, le «Règlement sur la coordination», qui établit à l'intérieur de quels délais le processus d'évaluation environnementale doit être enclenché.

Ce règlement lie la mise en branle du processus d'évaluation environnementale à la réception d'une «description de projet», une expression dont la définition ne fait aucunement référence à des mesures d'atténuation. Il précise également que le processus d'évaluation devrait être enclenché dans un délai d'au plus 40 jours ouvrables.

Or, comme M. Dumyn vous l'expliquera tout à l'heure, bien que le MPO ait reçu la description du projet de carrière au printemps 1998, il y a donc presque trois ans, aucune évaluation n'a encore été effectuée.

Le deuxième élément qui illustre combien l'attitude du MPO est anormale à cet égard, c'est le peu de cas qu'il fait d'un règlement ministériel qu'on a adopté en rapport avec l'application de la LCEE dans le cas des projets de grande envergure. Le règlement en question prévoit que de tels projets doivent automatiquement faire l'objet de ce qu'on appelle une «étude approfondie». Si on a pris soin d'adopter ce règlement, c'est sans doute qu'on a jugé que tout projet de grande envergure risque fort d'avoir d'importants effets négatifs sur l'environnement.

Le Règlement sur la liste d'étude approfondie s'applique dans le cas de tout projet de carrière de pierre d'une capacité de production d'un million de tonnes et plus par an. On tire de la carrière Rockfort jusqu'à deux millions et demi de tonnes d'agrégats par an, dont la majeure partie sera extraite sous la nappe phréatique.

En 1999, le MPO a reconnu que le projet qui nous occupe devra faire l'objet d'une étude approfondie si le ministère déclenche une évaluation environnementale, et pourtant, à l'heure où nous nous parlons, on n'a pas encore effectué de telle évaluation.

Permettez-moi ici de résumer la situation. Nous avons une loi qui dit qu'on est tenu de déclencher une évaluation dès le début du stade de la planification du projet, d'inviter le public à participer au processus et d'éviter le double emploi. Nous avons un règlement ministériel qui dit qu'on est tenu de déclencher un processus d'évaluation sur la base de la description de tout projet qui ne fait pas référence à des mesures d'atténuation, et ce, dans les 40 jours ouvrables suivant la réception de la description du projet. En outre, un règlement ministériel établit que tout projet de grande envergure qui aura vraisemblablement des effets négatifs importants sur l'environnement nécessite dès le départ une étude approfondie.

Or, le MPO a comme pratique interne, irrespectueuse des délais, illégale et secrète de ne pas déclencher d'évaluation environnementale, même dans le cas de projets de grande envergure, tant qu'il n'arrive pas à la conclusion qu'aucune mesure de prévention ou d'atténuation des effets négatifs pour l'environnement ne saurait être suffisamment efficace pour dissiper toute inquiétude. Dans le cas qui nous occupe, cette approche a amené le MPO à donner au promoteur trois ans, et trois occasions distinctes, pour modifier la conception de son projet de manière à ce que le ministère n'ait pas à déclencher d'évaluation environnementale.

Si le cas de la carrière Rockfort faisait exception dans les pratiques du MPO, nous ne serions pas ici ce soir, mais le MPO nous a fait savoir à plusieurs reprises que c'est là une procédure qu'il applique couramment. En fait, on nous a même dit que, dans le cas de cette carrière, nous devrions remercier le MPO d'avoir fait davantage qu'à l'accoutumée en demandant au public d'exprimer ses vues à ce stade du processus.

Nous pourrions vous parler d'autres projets où le MPO a agi de la sorte, et nous serions d'ailleurs heureux de le faire. Dans les circonstances, il n'est pas étonnant que le public n'ait pas une haute opinion du bilan du gouvernement fédéral en matière de protection de nos ressources halieutiques.

Nous demandons respectueusement à votre comité de faire la lumière sur ces graves questions en tenant des audiences pour tenter de trouver réponse aux trois interrogations suivantes: Le MPO utilise-t-il une approche prudente ou préventive dans sa façon de s'acquitter de ses responsabilités aux termes de la Loi sur les pêches et de sa politique de 1998 relative à la gestion de l'habitat du poisson de manière à prévenir le risque que des dommages soient causés à l'habitat du poisson d'eau douce? le MPO se sert-il pleinement des prérogatives et de l'autorité législatives que lui confère la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale pour intervenir dans la planification des projets afin de prévenir le risque que des dommages soient causés à l'habitat du poisson? Le MPO utilise-t-il les pouvoirs législatifs qui lui sont conférés aux termes de ces lois pour atteindre les objectifs qu'il s'est lui-même fixés dans sa stratégie de développement durable pour faire en sorte que son procesus décisionnel soit plus transparent, plus responsable, plus rapide, plus efficace et davantage axé sur la consultation?

M. Andrew Dumyn, membre de la Coalition of Concerned Citizens of Caledon: Mesdames et messieurs les sénateurs, je vous invite à vous reporter à notre lettre de 10 pages. Si vous regardez la carte que vous a remise le greffier, vous aller noter que les ressources halieutiques auxquelles nous faisons référence sont celles que renferme un bassin hydrographique situé dans le Sud de l'Ontario, au nord-ouest de Toronto. Les tableaux 1 et 2 joints à notre lettre montrent une forme rectangulaire hachurée qui correspond à l'emplacement projeté de la carrière Rockfort. Les cercles indiquent, sur trois des côtés de la carrière, les endroits où l'on trouve du poisson.

Depuis 1996, l'entreprise James Dick Construction Limited s'est engagée publiquement à construire et à exploiter une carrière d'une superficie de 200 acres dans la partie ouest de la ville de Caledon. Au cours des 30 prochaines années, le taux d'extraction prévu d'agrégats atteindra jusqu'à 2,5 millions de tonnes par an, le gros des agrégats exploitables se situant jusqu'à 100 pieds sous la nappe phréatique, soit l'équivalent d'un édifice de 10 étages. Il faudra compter par la suite environ 50 autres années, longtemps après que James Dick Construction aura cessé de tirer un revenu de la mine, pour que le niveau des eaux souterraines à l'endroit où se trouve la carrière se stabilise. Il ne s'agit donc pas d'un petit projet sans importance. Je crains que mes petits-enfants n'aient encore à assumer les coûts de ce projet.

Une fois que le projet de carrière a été rendu public vers la fin de 1996, la Coalition s'est constituée pour réaliser trois objectifs: faire la lumière sur les faits, les enjeux et les risques pertinents associés à ce projet de carrière; fournir rapidement une information exacte; et représenter tous ceux que ce projet de carrière pourrait léser. La Coalition compte maintenant plus de 3 000 membres.

Depuis trois ans, la Coalition, le maire et le conseil municipal de la ville de Caledon ainsi que d'autres citoyens concernés et des organismes locaux de réglementation ont consacré beaucoup de temps et des centaines de milliers de dollars à essayer d'obtenir de l'information concernant ce projet de carrière et à étudier les tenants et aboutissants de cette affaire. La Coalition et les autorités de la ville ont retenu à cette fin les services d'experts en pêcheries, en écologie, en hydrogéologie, en conception minière et en génie. Même si ce projet devrait manifestement faire l'objet d'une étude approfondie aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, nous en sommes toujours à essayer de convaincre le ministère des Pêches et des Océans de déclencher à son égard une évaluation environnementale.

À trois reprises durant cette période, la Coalition s'est adressée aux autorités du MPO. La première fois, en 1999, c'était pour essayer d'amener le MPO à se pencher sur le projet. Devant la probabilité de DDPH, le MPO s'est d'abord contenté de s'en remettre à la Credit Valley Conservation Authority, un organisme provincial qui n'a nullement le pouvoir d'exiger du promoteur qu'il lui fournisse l'information pertinente et qui, après 16 mois, n'a d'ailleurs pas encore réussi à obtenir les renseignements qu'il demandait.

La deuxième fois, au début de l'an 2000, c'était pour essayer de convaincre le MPO que, d'après les renseignements fournis par James Dick Construction, il y avait effectivement risque de DDPH et que, par conséquent, une évaluation environnementale s'imposait. En février 2000, le bureau du ministre nous informait qu'une évaluation serait effectuée aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale. En mars 2000, toutefois, on nous avisait que la décision avait été reportée dans l'attente de la réception d'information supplémentaire de la part du promoteur.

La troisième fois, au début de cette année, c'était pour faire part au MPO des observations de nos experts à propos de l'habitat du poisson et de considérations d'ordre hydrogéologique.

Nous ne sommes pas les seuls à avoir pressé le MPO d'intervenir. M. Murray Calder, le député fédéral de la circonscription concernée, a rencontré les fonctionnaires compétents du MPO et fait parvenir des lettres au ministre à diverses occasions pour demander au ministère de déclencher sans tarder une évaluation environnementale. Au dire de M. Calder, le déclenchement d'une étude approfondie s'impose par souci de prudence et de prévention.

La Coalition craint fortement qu'au lieu d'opter pour un processus ouvert et transparent, le MPO ne préfère examiner à l'interne les observations soumises par les parties intéressées pour ensuite simplement continuer de demander à James Dick Construction, à l'abri des oreilles indiscrètes, d'étayer sa demande d'autorisation de renseignements supplémentaires concernant le risque de DDPH et les mesures d'atténuation qu'elle entend prendre. Bref, le MPO semble s'évertuer à chercher le moyen de donner à James Dick Construction le feu vert pour aller de l'avant avec son projet sans que soit effectuée l'étude qui s'impose.

Au nom de la Coalition, je demande au comité sénatorial permanent de faire la lumière voulue sur la mission et les pratiques du MPO. La conduite d'une enquête sur cette question pourrait avoir pour effet d'amener le MPO à exercer enfin un rôle moteur en matière de conservation et de protection des ressources halieutiques de nos eaux intérieures avant qu'il ne soit trop tard dans des cas comme celui de Caledon.

Je vous remercie de l'occasion que vous nous avez donnée de vous exposer nos points de vue sur ce sujet. Nous serons maintenant très heureux de répondre aux questions que vous voudrez bien nous poser.

Pour mieux éclairer les membres du comité, nous allons vous faire distribuer des copies de notre mémoire ainsi que des cartes illustrant les conséquences négatives qui pourraient résulter de l'abaissement du niveau de la nappe phréatique dans la région immédiate où serait située la carrière projetée.

Le président: Au nom des membres du comité, je tiens à vous remercier, vous et les autres membres de la Coalition, d'avoir bien voulu comparaître devant nous ce soir. Votre témoignage montre bien l'intérêt que vous portez à ce projet.

Votre exposé arrive en quelque sorte à point nommé. Notre comité s'intéresse à l'ensemble de la question de la protection de l'habitat du poisson, aussi bien du poisson d'eau douce que du poisson de mer.

Votre témoignage nous servira peut-être de catalyseur pour nous inciter à approfondir notre analyse de la question, même si certains des points que vous avez soulevés ont déjà été exprimés par d'autres témoins.

Le sénateur Corbin: J'aimerais avoir un complément d'information. Avez-vous bien dit que la province mène sa propre série d'audiences publiques concernant ce projet? Si oui, pourriez-vous me dire quel est le but ou l'objectif de cet examen, et quel lien il aura avec les responsabilités environnementales du MPO ou du gouvernement fédéral?

M. Northey: Brièvement, je vous répondrai que le processus d'examen provincial qui est en cours depuis le début de 1998 est dirigé par une commission, la Commission municipale de l'Ontario. Cette commission traite généralement de questions de planification. Sur le plan provincial, elle est en outre la première responsable de la gestion des agrégats aux termes de la Loi sur les ressources en agrégats. C'est pour s'acquitter de ses responsabilités sur ces deux plans qu'elle a, dans le cas de cette carrière, déclenché ce processus d'audiences publiques.

Une des limitations auxquelles se heurte actuellement ce processus, et qu'il convient ici de souligner, c'est que, depuis 1997, je crois, il n'y a plus d'entente entre la province d'Ontario et le gouvernement fédéral sur la question de l'habitat du poisson, alors qu'il y en avait une auparavant.

Il se trouve que, lorsqu'il y avait une telle entente, la province avait un rôle officiel de premier plan à jouer en matière d'examen des questions relatives aux habitats du poisson et, au besoin, de renvoi de ces questions au MPO. Or, cette entente n'ayant pas été reconduite, le MPO a augmenté depuis son effectif dans tout l'Ontario parce qu'il reconnaît y avoir maintenant une responsabilité au premier chef en ce qui concerne la gestion de l'habitat du poisson.

Ce qui n'est pas clair à ce moment-ci, c'est ceci: quel est le pouvoir de la Commission en cette matière précise? À cet égard, on peut invoquer certaines décisions de longue date qui établissement clairement que la pêche est une responsabilité de ressort fédéral. On peut dès lors se demander si la Commission est habilitée à intervenir, ne serait-ce qu'indirectement, dans la gestion des pêches?

D'autres provinces envisagent de se doter de processus conjoints d'évaluation. De fait, Pêches et Océans évalue déjà des projets en collaboration avec certaines provinces dans le cadre d'un processus intégré de réglementation. Dans le cas qui nous occupe, il n'y a pas de tel processus à l'heure actuelle, et rien ne laisse présager qu'on en instituera un bientôt.

Au départ, nous espérions que le MPO mette en branle un processus fédéral d'évaluation environnementale pour forcer cette intégration. Ainsi, il y aurait deux processus parallèles de réglementation pour un même projet. Le cas échéant, comment concilierait-on deux visions concurrentielles sur ce qui devrait être fait?

Dans l'état actuel des choses, c'est la province qui va de l'avant. On ne sait trop si le MPO réagira à cette initiative provinciale ni s'il contribuera à l'établissement d'une stratégie commune, car il n'a encore strictement rien fait pour déclencher cette évaluation ou pour appliquer des mesures réglementaires.

M. Dumyn: Cela soulève également un autre problème. Nous sommes placés devant un dilemme. Le promoteur a soumis aux autorités provinciales tous les documents requis pour sa demande d'autorisation et a informé la Commission municipale qu'étant donné qu'il avait produit tous les documents exigés, la province pouvait poursuivre l'examen du dossier.

Or, en même temps, ce promoteur dit aux fonctionnaires du MPO chargés de se pencher sur l'ensemble de ce projet d'exploitation minière de même que sur les mesures d'atténuation envisagées que, son dossier de demande d'autorisation n'étant pas encore complet, ils ne doivent pas en entreprendre dès maintenant l'examen.

Ainsi, on permet au promoteur de faire avancer son dossier auprès des autorités provinciales, alors que le processus d'examen fédéral est bloqué.

Le président: J'ai ici une note qui indique qu'en 1997, le ministère des Ressources naturelles de l'Ontario s'était officiellement retiré de tout genre d'entente avec le gouvernement fédéral concernant l'examen des demandes d'autorisation de projets. Est-ce bien ainsi qu'il faut interpréter cette note?

M. Northey: Oui, c'est exact.

Le président: C'est donc dire que le promoteur n'avait pas à soumettre ses documents aux autorités locales ou provinciales, puisque c'est auprès du MPO qu'une telle demande d'autorisation doit être faite, n'est-ce pas?

M. Northey: Vous avez raison. Mais il s'est posé un autre problème en Ontario mettant en cause des organismes qu'on appelle les offices de protection de la nature. En l'absence d'entente fédérale-provinciale, il y a, dans la loi ontarienne, une disposition qui autorise les offices de protection de la nature à s'occuper de questions touchant les bassins hydrographiques. Le ministère des Pêches et des Océans s'est employé à négocier des ententes en vue de se charger de questions par rapport auxquelles la province préférait prendre ses distances.

J'ajouterai toutefois qu'il y a un office de protection de la nature d'impliqué dans ce projet de carrière, et ce, depuis le début de 1998, au moment où le promoteur a déposé les documents exigés par la province. Or, l'office en question a demandé des renseignements supplémentaires pour pouvoir trouver réponse à certaines interrogations, mais il n'avait nullement le pouvoir d'exiger qu'on lui fournisse ces renseignements. C'est le MPO qui a ce pouvoir, mais il n'est intervenu que 16 mois plus tard.

Il y a lieu de se demander si ces offices de protection de la nature sont habilités à faire à la place du MPO ce qui devrait être fait dès le début du processus.

Le président: Si j'ai bien compris, les accords généraux qui devaient être signés avec les offices de protection de la nature ne l'ont pas encore été.

M. Northey: Je crois qu'ils l'ont été dans de nombreux cas.

Le président: Sauriez-vous si l'office qui est censé être responsable de ce projet a signé une telle entente?

M. Northey: Sauf erreur, ces ententes ont été signées, et elles sont renouvelables annuellement. Je ne saurais dire si, dans le cas de la Credit Valley qui nous occupe, l'entente a été reconduite, mais, chose certaine, une telle entente était en vigueur encore récemment.

Le président: Et ce, même si le groupe en question n'est pas habilité à exiger des informations?

M. Northey: C'est justement pour cette raison qu'en dernier ressort, nous nous sommes adressés directement aux fonctionnaires du MPO pour leur dire de cesser d'attendre que cet office fasse le nécessaire puisqu'il n'avait même pas le pouvoir de le faire.

Le sénateur Chalifoux: Je viens de l'Alberta, et nous avons eu nous aussi certains problèmes au sujet des pêches dans le Nord de la province. J'ai cherché à savoir de qui relevait la gestion du poisson et de ses habitats au Canada, et on m'a dit qu'elle était du ressort non pas du gouvernement fédéral, mais des gouvernements provinciaux. On m'a précisé que la compétence fédérale en cette matière se limitait au poisson des rivières qui se jettent dans l'océan. Ce serait là sa seule responsabilité, le reste étant de ressort provincial. J'aimerais que vous me disiez ce que vous en savez.

M. Northey: La prochaine fois que quelqu'un vous donnera ce genre de réponse, vous devriez l'enregistrer, car elle n'est absolument pas fondée.

La protection de notre ressource halieutique est l'un des rares domaines où la Constitution confère au gouvernement fédéral un pouvoir incontestable sur des questions locales en matière d'environnement. Son pouvoir dans ce domaine est absolu. Les provinces ne sont pas habilitées à exercer leur compétence sur cette ressource à moins que ce pouvoir ne leur soit délégué, en vertu d'une entente, par le gouvernement fédéral. Depuis que la Confédération existe, cette question controversée a donné lieu à une série de litiges d'ordre constitutionnel qui ont été portés devant les tribunaux. L'Ontario a été l'une des premières provinces à contester cette compétence fédérale. Toutes les instances judiciaires ont invariablement soutenu que la responsabilité première de la gestion de cette ressource incombait au MPO et que celui-ci avait avant tout le devoir d'en assurer la conservation. Dans ce domaine, le MPO est l'autorité suprême.

Dans les années 70, cette responsabilité législative a été étendue à la gestion des habitats du poisson par une mention expresse à cet égard dans la Loi sur les pêches. Dans les années 80, ce pouvoir conféré au MPO par la Constitution a été contesté à deux reprises. La première fois, le tribunal a donné tort au MPO et lui a signifié qu'il allait trop loin. La seconde fois, la cour a confirmé le bien-fondé de l'action du ministère.

Si cela peut éclairer le comité, je lui signale qu'à ma connaissance, le pouvoir constitutionnel du MPO n'a fait l'objet d'aucune contestation depuis le début des années 80.

Le sénateur Chalifoux: Si je n'y étais pas du tout, c'est que j'ai été distraite par le fait que toutes les rivières de ma région se jettent dans l'océan Arctique.

De quelles espèces de poisson s'agit-il dans le cas de ce projet de carrière?

M. Northey: De truites, principalement. L'eau des rivières concernées est froide, de sorte qu'elles comptent diverses espèces de poisson, d'eau froide comme d'eau chaude.

M. Dumyn: On y trouve environ 16 espèces de poisson en tout, mais surtout de la truite et de l'achigan.

Le sénateur Callbeck: Au point 35 de votre mémoire, vous résumez la situation. Vous y dites que le MPO est tenu par la loi de déclencher un processus d'évaluation dès le stade de la planification d'un projet, de faire participer les citoyens au processus et d'éviter le double emploi. Vous parlez d'un délai de 40 jours, ainsi que de l'adoption d'un règlement ministériel. Vous mentionnez également que les grands projets qui risquent de causer des dommages importants à l'environnement doivent être soumis à un examen approfondi dès le début. Puis il y a un «mais». Selon vous, le MPO ne respecte pas la loi et ses règlements.

Est-il bien vrai que le MPO ne respecte jamais la loi et ses règlements?

M. Northey: Croyez-le ou non, c'est le cas, car c'est ainsi que ses fonctionnaires interprètent la loi, à ce que nous constatons. Ils se sont créé une procédure circulaire qui les amène à se demander constamment si de nouvelles mesures d'atténuation ne pourraient pas constituer un compromis acceptable. Permettez-moi de vous décrire ce cercle: les fonctionnaires examinent le projet, obtiennent de l'information, se demandent si des mesures d'atténuation ne permettraient pas de limiter les risques, le promoteur fournit l'information supplémentaire demandée, les fonctionnaires lui demandent s'il est sûr de n'avoir rien d'autre à proposer, et on continue ainsi de tourner en rond. Le MPO ne se résigne jamais à cesser de demander des renseignements pour déclencher enfin le processus d'évaluation et y impliquer officiellement les citoyens.

La réponse est donc oui, c'est bien ce que nous en déduisons.

M. Birchall: Dans le cas qui nous occupe, nous avons appris, par suite de demandes d'accès à l'information, que le MPO avait embauché un hydrogéologue de l'extérieur qui semble aider le promoteur à consolider sa cause autour des mesures d'atténuation.

Le sénateur Cook: Dans le sens de la question de le sénateur Callbeck, avez-vous des preuves que le promoteur ne parviendra pas à proposer des mesures de prévention et d'atténuation qui puissent être acceptables?

M. Northey: En mars de l'an dernier, le bureau du ministre nous a informés que le MPO appliquerait la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, car il en était arrivé à la conclusion que le risque que présentait le projet pour l'habitat du poisson ne saurait être contré par des mesures d'atténuation. En nous réclamant de la Loi sur l'accès à l'information, nous avons obtenu copie de la lettre même que l'on devait remettre à ce sujet au promoteur lors d'une réunion. Or, à ce que nous comprenons à partir des renseignements que nous avons obtenus au moyen de la Loi sur l'accès à l'information, le promoteur s'est présenté à la réunion en question avec un avocat qui a affirmé ceci: «Nous allons modifier le projet. Par conséquent, si vous déclenchez un processus d'évaluation portant sur le projet qui vous paraît devoir causer une DDPH, vous allez le faire prématurément car nous nous apprêtons maintenant à modifier le projet.»

Il en est résulté que le MPO a donné au promoteur jusqu'au mois de septembre 2000 pour lui fournir un complément d'information devant vraisemblablement porter sur des modifications dans la conception du projet propres à prévenir tout dommage à l'habitat du poisson. En septembre, le promoteur a produit des renseignements supplémentaires, mais l'information demeurait incomplète. Nous avons alors de nouveau écrit au MPO pour lui faire remarquer que, le promoteur n'ayant pas respecté les conditions convenues, le verdict tenait toujours, et que, par conséquent, nous réclamions le déclenchement d'un processus d'évaluation aux termes de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Or voilà qu'au mois d'octobre suivant, le promoteur, à notre grand étonnement, faisait valoir auprès de la Commission municipale de l'Ontario que, l'information concernant son projet étant complète depuis mars 1998, elle devrait procéder au plus vite à ses audiences publiques; en même temps, il tient un tout autre discours aux fonctionnaires du MPO et leur affirme qu'il s'apprête à changer considérablement son projet.

Finalement, on a maintenant en main ce que le promoteur appelle un «dossier complet». L'envergure du projet n'a pas été réduite. La conception du projet n'a pas été modifiée. Nous voici donc en avril 2001, plus d'un an après que le MPO a conclu que le projet dont il était saisi risquait de causer une DDPH, avec un projet qui est demeuré le même, et on n'a toujours pas établi comment on allait en traiter.

Le sénateur Mahovlich: Merci d'avoir accepté de comparaître devant nous ce soir. Je tiens à faire clairement savoir à mes collègues que ce projet touche une zone environnementale très sensible. Il serait réalisé en terrain élevé, à la source même de toutes ces rivières qui se jettent dans le lac Ontario et que la truite de lac remonte pour aller frayer.

Les terrains de golf constituent-ils une menace pour cette région?

M. Dumyn: Nous avons entendu des rumeurs voulant que le terrain de golf Devil's Pulpit consomme énormément d'eau, mais je crois que ses propriétaires ont réglé le problème.

Le sénateur Mahovlich: L'utilisation de fertilisants a-t-elle un effet nuisible sur les eaux des lacs de la région?

M. Dumyn: Nous ne nous sommes pas vraiment penchés de près sur cette question. Nous nous sommes concentrés surtout sur le cas de la carrière, car ses promoteurs projetaient d'abaisser la nappe phréatique d'au moins 100 pieds. Ce faisant, non seulement on détruirait l'habitat du poisson, mais également on assécherait les puits des résidents à deux kilomètres à la ronde.

La dernière carte annexée à notre mémoire comporte une série de cercles concentriques. L'emplacement de la carrière y est indiqué en rouge. Les cercles concentriques montrent jusqu'où la nappe phréatique va être abaissée. Son niveau sera réduit de 25 mètres dans les environs immédiats de la carrière, d'environ 5 mètres à un kilomètre et demi, et de deux mètres à environ deux kilomètres de la carrière.

M. Northey: Cette carte, qui a été produite par la Coalition pour être jointe au mémoire que nous avons soumis au ministère des Pêches et des Océans au début de cette année, est basée sur l'opinion de l'hydrogéologue de la Coalition. Cette opinion tente de prédire les effets qu'aurait la réalisation de ce projet de carrière si aucune mesure d'atténuation n'était prise. On a ainsi essayé de déterminer quels problèmes de telles mesures devraient chercher à régler.

Cette carte est importante, car, après trois ans, le promoteur n'a jamais produit d'information sur ce qui arriverait à l'habitat du poisson si les mesures d'atténuation devaient se révéler inefficaces. Cette page a pour objet de fournir une indication de l'effet de base qu'aurait ce projet si les mesures d'atténuation envisagées ne donnaient pas les résultats escomptés. Les cercles qui apparaissent sur la carte ont pour but de montrer dans quelle mesure il y aurait abaissement du niveau de la nappe phréatique dans cette zone sensible.

Le sénateur Robertson: Merci, messieurs, d'avoir accepté de comparaître devant nous ce soir. Je me sens un peu comme Alice aux pays des merveilles. En 34 ans d'évolution dans les milieux gouvernementaux, je n'ai jamais entendu parler d'une pareille histoire.

Les fonctionnaires du ministère des Pêches et des Océans vous ont-ils offert de discuter avec eux de la façon de résoudre ce problème? Avez-vous eu des échanges de vues en face-à-face avec eux à ce sujet, ou tout s'est-il déroulé par correspondance? Je crois qu'on a parfois trop tendance à procéder de manière occulte dans ce genre de situation. Quels ont été vos rapports en personne avec le ministère des Pêches?

M. Birchall: Nous avons eu un certain nombre d'échanges de vues avec les fonctionnaires du ministère, depuis ceux qui sont en poste à Burlington et qui seraient normalement chargés d'effectuer sur le terrain cette évaluation jusqu'à ceux du bureau du ministre. Nous nous efforçons depuis le printemps de 1999 de leur faire part avec conviction de nos vues sur la question. Nous leur avons écrit des lettres. Nous leur avons fourni des notes d'information. À une occasion, nous avons rencontré le conseiller juridique du MPO. Les communications en ce sens n'ont pas manqué.

Comme nous l'expliquons dans notre mémoire, le MPO a une approche bien à lui de la question. Ses fonctionnaires estiment qu'ils n'ont pas à entreprendre d'évaluation tant qu'ils ne sont pas arrivés à la conclusion que le projet détruira ou perturbera l'habitat du poisson et que des mesures d'atténuation n'y changeraient rien. Ils attendent que le promoteur vienne à eux. Ils ne prennent en aucune manière l'initiative de faire le nécessaire pour aller aux sources afin d'y vérifier eux-mêmes de quoi tout cela retourne. Tant qu'ils n'arriveront pas à ce genre de conclusion, ils ne procéderons pas à la mise en application de la loi.

Ça été un très long processus. Pas plus tard qu'il y a deux semaines, nous avons rencontré les fonctionnaires compétents du MPO ainsi que M. Calder pour les convaincre que le principe de la prévention devrait s'appliquer dans le cas de ce projet de carrière. Vu qu'il s'agit d'un projet qui figure sur la liste de ceux qui nécessitent une étude approfondie en vertu de la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, une telle étude devrait être entreprise. Jusqu'à maintenant, nos démarches ont été vaines. En fait, nous en sommes même venus à nous réjouir de ce que les bulldozers n'aient pas encore commencé à creuser la carrière.

M. Dumyn: À l'aide de la Loi sur l'accès à l'information, nous avons pu obtenir bon nombre de renseignements utiles. Nous avons mis la main sur certaines notes internes qui ont passé par divers bureaux du MPO. Dans l'une des plus révélatrices de ces notes, le MPO cherche à aider le promoteur à empêcher l'application des dispositions de la loi. Dans les notes du MPO on dit que Ray Blackburn, un hydrogéologue engagé par le MPO comme vérificateur indépendant de ce projet, est intervenu et a formulé à l'intention du promoteur des suggestions intéressantes et valables en vue de lui permettre de renforcer sa position dans le dossier. Voilà qui confirme bien qu'on hésite par tous les moyens à mettre la loi en vigueur.

Le sénateur Robertson: Si je vous ai bien compris, vous avez fait allusion aux fonctionnaires des pêches en poste à Burlington. Comprennent-ils votre problème? Se montrent-ils coopératifs? À quoi tient le blocage? Se situe-t-il à Burlington ou à Ottawa?

M. Northey: Je ne suis pas sûr de pouvoir décrire exactement ce qui s'est passé au sein de toute la hiérarchie à cet égard, mais l'information que nous avons réussi à obtenir grâce à la Loi sur l'accès à l'information montre que le MPO savait déjà en mars de l'an dernier que ce projet causerait des dommages à l'habitat du poisson et qu'il y aurait lieu d'en effectuer une étude approfondie comme le prescrit la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale.

Depuis ce moment où tous ont reconnu ce fait, nous avons appris que le promoteur a dit qu'il modifierait la conception de son projet. D'après les notes d'information que nous recevons maintenant en invoquant la Loi sur l'accès à l'information, on ne peut reconnaître que le MPO a déjà cru qu'il y avait risque de dommage à l'habitat du poisson, même si, comme je l'ai déjà dit, le projet est demeuré tel quel. En un sens, nous en sommes venus à craindre que le MPO non seulement ne soit pas maintenant davantage disposé à déclencher une évaluation, mais qu'il soit même plus loin que jamais de vouloir le faire.

Vous nous demandez si les fonctionnaires de Burlington sont au fait de la situation. Ils le sont assurément, puisque ce sont ces fonctionnaires qui, au départ, ont établi que le projet causerait de tels dommages, après quoi tous l'ont reconnu, jusqu'au plus haut niveau.

Le sénateur Robertson: Vous faites montre d'une grande patience. J'imagine que le comité se fera un devoir de faire quelque chose. Je n'ai jamais entendu parler d'une situation aussi anormale.

M. Northey: L'attitude du ministère a mené à la perte de la ressource ailleurs.

Le sénateur Robertson: Je n'en doute pas.

Le sénateur Mahovlich: Il y a de nombreux clubs privés de pêche dans cette région, n'est-ce pas?

M. Dumyn: Oui, en effet. Il y a aussi Trout Unlimited Canada et Izaac Walton. Il y a environ une demi-douzaine de clubs dont les membres pêchent dans la rivière Credit et son bassin hydrographique.

Le sénateur Mahovlich: Appuient-ils activement votre cause?

M. Dumyn: Oui, bien sûr. Nous nous sommes entretenus avec des représentants de ces clubs, et ils sont très sensibles à nos préoccupations. Ils sont conscients que la rivière Credit attire une foule de touristes. Des gens viennent des États-Unis pour y pratiquer la pêche. C'est une réalité importante, et tout le monde le reconnaît. La zone des embranchements de la rivière Credit est réputée comme étant un des bons endroits où pêcher en Amérique du Nord.

Le sénateur Adams: Je viens du Nord, messieurs. Vous avez mentionné que votre coalition compte quelque 3 000 membres. Vous avez également indiqué que, selon une étude ontarienne, les adeptes de la pêche récréative en Ontario y dépensent annuellement quelque 3 milliards de dollars. Y a-t-il des pourvoyeurs qui font partie de votre organisation?

M. Dumyn: Nous sommes indépendants. Certains membres des associations de pêcheurs appuient notre cause. Il y a des gens dans la région qui se spécialisent dans la pêche à la mouche, qui offrent des services de guide, qui enseignent aux amateurs comment pratiquer la pêche, et cetera. Comme je le disais, nous nous tenons en communication avec quelque cinq clubs de pêche. Ils sont au courant du combat que nous menons, et ils nous appuient. Cela répond-il à votre question?

Le sénateur Adams: Oui. Y a-t-il quelque chose, un minerai ou une substance quelconque, à l'emplacement de la carrière projetée, qui aura un effet nocif sur le poisson? Savez-vous ce qui nuira au poisson ou le tuera?

M. Dumyn: Nous avons fait appel à un expert en la matière qui a effectué un inventaire des ressources halieutiques de la région. Il en est arrivé à la conclusion qu'il s'y trouve du poisson d'eau froide, que nous y avons quelques espèces de truite et d'achigan. Il a établi que, si ce projet de carrière devait se réaliser, l'abaissement de la nappe phréatique aux alentours assécherait toutes les sources naturelles qui alimentent les ruisseaux nécessaires à la survie des poissons d'eau froide. Il ne fait aucun doute que la ressource halieutique des environs de la carrière s'en trouverait touchée, voire détruite. L'habitat du poisson serait anéanti.

Le sénateur Adams: À l'heure actuelle, le MPO ensemence-t-il les lacs de cette région?

M. Dumyn: Non, pas de cette région. Celle-ci s'autosuffit à cet égard. Le MPO n'y intervient pas. C'est une région sauvage, un environnement naturel. Aucun cours d'eau n'y est ensemencé.

Le sénateur Adams: Sans la pêche, la région attirerait-elle quand même les touristes? Existe-t-il une autre source potentielle de revenu dans cette région?

M. Dumyn: Je n'étais pas conscient de l'ampleur de ce que rapporte la pêche récréative dans cette région. L'impact économique de cette activité est beaucoup plus important que je ne l'aurais cru. Il paraîtrait que les revenus qu'on en tire tiennent à la pêche commerciale dans une proportion d'environ 20 p. 100 et à la pêche sportive dans une proportion d'environ 80 p. 100. Ce n'est pas peu.

Le sénateur Robertson: Vous avez mentionné que M. Murray Calder, votre député fédéral, s'est impliqué dans votre combat. A-t-il parlé au ministre pour lui faire part de vos problèmes ou pour prendre arrangement avec lui afin que les représentants de votre coalition puissent le rencontrer à ce sujet? Le cas échéant, son intervention a-t-elle été fructueuse?

M. Birchall: M. Calder est intervenu auprès du ministre. En mai 1999, il a fait parvenir au ministre des Pêches alors en poste une lettre lui demandant de déclencher une évaluation environnementale, mais il l'a fait en vain. Il a écrit de nouveau, cette fois à l'actuel ministre, pour lui faire la même demande, mais encore là, sans succès. Pas plus tard qu'il y a trois semaines, il a rencontré les fonctionnaires compétents du MPO, mais il n'a rien obtenu. Il a rencontré les attachés du ministre à au moins deux occasions, mais ces rencontres n'ont pas eu de suite.

Le sénateur Mahovlich: Les clubs privés disposent de plans d'eau bien peuplés, n'est-ce pas?

M. Dumyn: Oui, c'est bien le cas. Les clubs de pêche à la truite disposent d'étangs peuplés. Ils y élèvent des poissons.

Le sénateur Corbin: Par pure curiosité, j'aimerais savoir ce qui rend cet emplacement si attrayant pour le promoteur. Je n'ose pas vous demander si, à votre avis, il y aurait d'autres emplacements propices, certes pas dans cette même région, j'imagine, car c'est sans doute la dernière chose que vous souhaiteriez.

M. Dumyn: Ce qui rend cet emplacement attrayant pour le promoteur, c'est qu'il est à proximité de ses autres installations. James Dick Construction Limited exploite des cimenteries. À l'heure actuelle, cette société doit se procurer de la pierre concassée auprès d'autres producteurs. Elle peut en obtenir facilement, mais le promoteur veut la produire lui-même. L'emplacement de la carrière projetée est commode pour lui, car il est situé tout près de ses autres installations.

Si vous vous interrogez à savoir s'il y a rareté dans ce secteur, je vous ferai remarquer que, pour ce qui est de la pierre dolomitique, qui est nécessaire à la fabrication de ciment de bonne qualité, l'Ontario dispose à cet égard d'un massif qui s'étend depuis Hamilton jusqu'au-delà de la frontière américaine en longeant l'escarpement du Niagara et en passant par la péninsule de Bruce et tout autour de l'île Manitoulin. C'est une bande rocheuse d'une largeur de 10 à 20 milles qui contient littéralement des milliards de tonnes de minerai exploitable. On ne manque pas de ce matériau. Si M. Dick a choisi cet emplacement, c'est tout simplement qu'il est commode pour lui. Sachant que la Commission municipale de l'Ontario n'avait jamais rejeté de demande d'exploitation de sablière ou de gravière, il s'est dit qu'il pourrait s'en tirer à bon compte.

Le sénateur Corbin: Y a-t-il d'autres installations d'extraction de gravier ou d'agrégats de ce genre dans la région qui vous concerne?

M. Dumyn: Il y a de nombreuses sablières et gravières dans les limites de la ville de Caledon. En fait, il y en a tellement qu'elles sont visibles de l'espace. La ville de Caledon possède probablement plus de carrières de sable et de gravier de grande étendue que toute autre région du monde. Ce n'est donc pas que nous n'ayons pas notre juste part de ces produits d'agrégat.

En ce qui touche la pierre concassée, des carrières sont en exploitation juste à l'ouest et au sud de notre région. Nous n'avons pas de problème d'approvisionnement en pierre concassée, mais il se trouve que ce promoteur ne désire pas acheter cette pierre. Il veut fabriquer la sienne.

Le sénateur Corbin: L'exploitation de la carrière projetée aurait des conséquences nocives pour l'environnement et les valeurs que vous voulez protéger.

M. Dumyn: La réalisation de ce projet aurait certainement un impact négatif sur la nappe phréatique. Toutes les autres carrières en dedans de 20 à 30 kilomètres sont situées sur des terres plus hautes et à des endroits où il n'est pas nécessaire de creuser en dessous de la nappe phréatique. Cet emplacement particulier est exceptionnel en ce sens que M. Dick prévoit y creuser jusqu'à 100 pieds en dessous de la nappe phréatique. Je ne comprends pas pourquoi il a décidé d'aller de l'avant avec son projet tout en sachant que tel était le cas, mais il l'a fait.

M. Northey: Monsieur le président, je me rends compte qu'il se fait tard, mais vaudrait-il la peine que le comité prenne quelques minutes pour entendre parler d'un autre exemple comparable dans une autre province? Il ne concerne pas une carrière, mais il n'en est pas moins révélateur de ce que le MPO omet de faire.

Le président: Très brièvement.

M. Northey: Au Manitoba, il y a de nombreux projets d'exploitation forestière. Nous sommes assez au fait de celui proposé à l'origine par la société Repap Manitoba, devenue aujourd'hui Tolko Manitoba. En 1989, Repap Manitoba s'est vue octroyer un permis d'exploitation forestière sur une superficie de 11 millions d'hectares, c'est-à-dire sur un territoire plus grand que l'Île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick réunis.

À l'époque, le ministère des Pêches et des Océans avait mis deux ans avant de décider que le projet en question nécessiterait le déclenchement d'une évaluation environnementale en vertu de la loi alors en vigueur. Sous le gouvernement du temps, cette évaluation, une fois entreprise, a franchi toutes les étapes normales jusqu'à celle de l'examen par un comité de révision, ce qui était alors la forme la plus poussée d'évaluation environnementale. Cependant, l'examen du comité de révision a été suspendu par suite de la contestation devant les tribunaux de la constitutionnalité même d'une telle évaluation environnementale par le gouvernement fédéral. Le comité de révision n'a jamais poursuivi son examen.

Au moment où le comité de révision était intervenu, l'attention se portait principalement sur les deux usines qui devaient être construites dans le cadre de ce projet. Ce que le MPO ne pouvait pas se représenter, c'était le tort que pourraient causer ces éventuelles coupes forestières aux habitats du poisson.

En 1992, le MPO a effectué à cet égard une étude fort éclairante. Il s'est interrogé sur les conséquences que pourraient avoir de telles coupes forestières sur une superficie de 11 millions d'hectares et en est arrivé à la conclusion que, sur les 11 millions d'hectares en question, plus de 6 millions constituaient pour le poisson un habitat de très grande qualité qui serait menacé par de telles coupes.

Si, une fois que tout a été déclaré conforme à la Constitution, on n'a pas repris le processus à l'étape du comité de révision, c'est que le promoteur a annoncé qu'il abandonnait son projet, un scénario familier.

En 1995, le projet, après qu'on y eut apporté certaines modifications, comme de nouvelles usines et de nouvelles routes, est revenu sur la table sous la nouvelle loi. Jusqu'à maintenant, la seule évaluation que le gouvernement fédéral a enclenchée concerne un pont, alors que le projet comporte la construction de 35 ponts et de 800 kilomètres de routes. Les coupes que l'on prévoit effectuer pendant un nombre illimité d'années représentent quelque 2 millions de mètres cubes de bois par an. Tout ce que le MPO a fait dans les circonstances, c'est de laisser la Garde côtière effectuer une évaluation concernant un seul pont. Tous les intéressés ont forcément été mis au courant de cette situation, puisque les tribunaux ont même été saisis de l'affaire. La Cour fédérale du Canada a déclaré que tout ce qui était nécessaire, c'était l'évaluation d'un seul pont; peu importe l'usine, l'abattage des arbres, ou quoi que ce soit d'autre. Le MPO est donc par le fait même justifié de permettre qu'on abatte ainsi 6 millions d'hectares de forêt sans aucune évaluation fédérale de l'impact éventuel d'un tel projet. Celui-ci devait d'ailleurs toucher dans cette région 3 autres millions d'hectares à propos desquels le MPO ne détenait aucune information concernant l'impact potentiel sur l'habitat du poisson, sauf la présomption que l'habitat en question ne pouvait être que d'une grande qualité étant donné qu'il se trouvait dans une zone tellement éloignée que personne ne pouvait y avoir accès.

Le président: J'aimerais prendre ici un instant pour vous faire remarquer quelque chose concernant les prévisions de dépenses en équivalents temps plein au titre de la gestion de l'habitat du poisson. Pour l'exercice 2000-2001, ces prévisions représentent 131,5 millions de dollars, contre 80,8 millions de dollars pour l'exercice 2003-2004. Nous observons donc une diminution radicale des dépenses prévues au titre de la gestion de l'habitat du poisson et de la science de l'environnement, ce qui donne à croire que nous nous dirigeons tout droit vers une situation plus problématique encore. Avec une telle orientation, les choses ne pourront qu'empirer.

Je tiens à remercier nos témoins d'avoir comparu devant nous ce soir. Leur témoignage nous a vivement impressionnés. Nous leur sommes reconnaissants de la façon dont ils nous ont présenté cette information. Elle nous a été extrêmement utile.

J'aurais besoin que les membres du comité m'autorisent à écrire aux fonctionnaires du MPO pour leur demander des éclaircissements concernant l'état d'avancement de ce projet. Je vais les prier de nous fournir de plus amples renseignements à cet égard. On verra au moins que nous nous intéressons à ce qui nous a été exposé ce soir.

Pour nous, cette séance a représenté une première approche fort utile de cette question de la protection de l'habitat du poisson. On a bien fait ressortir les problèmes qui se posent dans ce domaine.

Le sénateur Kenny: Dans cette lettre, monsieur le président, peut-être pourriez-vous indiquer que nous aimerions obtenir toute l'information relative au projet pour que nous puissions juger s'il y a lieu de tenir des audiences à ce sujet.

Le président: Êtes-vous favorables à ce que nous déposions tous les documents que nous avons reçus de la Coalition?

Des voix: D'accord.

Le président: Il nous reste un dernier point à l'ordre du jour, à savoir le budget dont nous avons discuté plus tôt ce soir à huis clos. Je crois que les membres du comité ont devant eux la version définitive du budget proposé, qui s'élève à 43 250 $.

Je vois qu'il y a consensus à cet égard autour de la table.

La séance est levée.


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