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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Pêches

Fascicule 20 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 4 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des pêches se réunit aujourd'hui à 19 h 15 pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.

Le sénateur Gerald J. Comeau (président) occupe le fauteuil.

[Français]

Le président: Nous avons l'habitude à ce comité d'inviter le nouveau ministre des Pêches et des Océans à comparaître devant nous pour qu'il nous fasse part de sa vision et de la direction qu'il entend faire prendre à son ministère. Nous sommes très honorés de recevoir l'honorable Robert Thibault.

Pour les gens qui ne le connaissent pas, M. Thibault a été élu dans le comté de West Nova en novembre 2000. Son premier ministère fut l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. Monsieur le ministre est également mon député et, j'ose le dire, un ami de longue date. C'est donc un immense plaisir de le recevoir à notre comité ce soir.

Je demanderais au ministre de nous présenter ses collègues et ensuite de nous faire sa présentation, qui sera suivie de la période de questions.

M. Robert Thibault, ministre des Pêches et des Océans: C'est un plaisir d'être ici ce soir pour vous présenter mes priorités en tant que ministre des Pêches et des Océans.

[Traduction]

J'ai été heureux de répondre par l'affirmative à votre invitation. Je compte sur d'excellentes relations de travail avec les comités des pêches à la Chambre des communes et au Sénat.

Je saisis l'occasion de me présenter. J'ai accepté le portefeuille des Pêches et des Océans en janvier, laissant pour cela mes fonctions de ministre d'État de l'APECA.

[Français]

Je suis particulièrement fier de me présenter devant vous en tant que Néo-Écossais et je suis le premier ministre des Pêches à venir de cette belle province en 65 ans. J'ai grandi dans une petite communauté côtière de pêche et j'apprécie fort bien le rapport qui existe entre la vitalité de nos pêches et la prospérité des communautés qu'elles soutiennent.

[Traduction]

Ma vision de ces secteurs est façonnée par diverses priorités, dont la gestion durable des pêches, le développement durable de nos océans et de nos eaux douces, et enfin la sécurité et l'accessibilité des eaux canadiennes. Ces priorités, à leur tour, contribuent à concrétiser les objectifs que le gouvernement fédéral s'est donnés dans le dernier discours du Trône, des objectifs comme un environnement sain, le commerce et l'innovation, des communautés fortes et sûres. Selon moi, les ingrédients nécessaires au succès comprennent des structures de gouvernance modernes, une ferme assise scientifique et une infrastructure marine solide — trois éléments que le MPO apporte à cette recette du succès.

[Français]

Votre comité présente une voix très écoutée au sein de mon ministère. Vos rapports récents sur l'aquaculture, ainsi que sur les pêches d'eau douce et du Nord, m'ont donné à moi et aux fonctionnaires du MPO ample matière à réflexion.

Enfin, notre décision d'accorder au Nunavut un quota de 4 000 tonnes de la nouvelle pêche du flétan noir dans le sous-secteur O de l'OPANO découle en partie de votre recommandation pour que le plus jeune territoire du Canada ait sa juste part de l'accès aux ressources halieutiques de l'Atlantique.

Nous présenterons sous peu une réponse officielle à vos recommandations. Je vous remercie donc pour votre intérêt soutenu et vos précieux conseils sur des points comme celui-là.

[Traduction]

Aujourd'hui, j'aimerais vous entretenir de la façon dont le MPO remplit ses objectifs et coopère avec bon nombre d'intervenants, de gouvernement, et de communautés partout au Canada dans cette mission.

La première des activités principales du MPO est la pêche, qui reste un pilier de nos économies côtières et intérieures, et demeure aussi au coeur des activités de mon ministère. Le rôle du MPO dans les pêches est toujours aussi important. Nous continuons d'élaborer, de mettre en oeuvre et d'appliquer des stratégies de récolte rigoureuses pour les pêches du Canada, en nous appuyant sur toute une gamme de facteurs, notamment la science et les besoins de nos communautés de pêche.

Vous le savez, nous trouvons aussi des moyens d'améliorer nos politiques de pêche. Sur la côte Est, la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique tire à sa fin. De concert avec les provinces et les intervenants, nous avons élaboré un nouveau cadre stratégique qui va nous donner une orientation claire et un ensemble solide de principes qui guideront la prise de décision pour l'avenir.

Et sur la côte Ouest, l'ensemble de Nouvelles orientations consistant en projets de politiques nous aidera à élaborer de meilleures politiques sur la pêche du saumon. Nous avons déjà annoncé notre politique sur la pêche sélective, et nous comptons progresser plus avant dans l'élaboration d'un cadre d'allocation pour le saumon du Pacifique.

[Français]

La gestion des pêches autochtones représente également une activité clé du ministère. Par le biais du programme de la Stratégie des pêches autochtones, le MPO s'est engagé à faciliter la participation des Autochtones à la pêche, et ce, en harmonie avec les pêches commerciales des deux côtes canadiennes.

De plus, nous avançons dans la ligne des progrès accomplis. Quant à notre programme de mise en œuvre de l'arrêt Marshall de la Cour suprême, ce travail est un pas de plus vers des pêches inclusives et productives dont pourront bénéficier à l'avenir les communautés autochtones et non autochtones.

[Traduction]

Nous ne négligeons pas pour autant la question des pêches internationales, nous efforçant de régler le problème de la surpêche étrangère. Tout récemment, vous le savez, nous avons interdit nos ports aux flottilles de pêche des îles Féroé et de l'Estonie à la suite de l'inobservation des règles par leurs bateaux. La résolution avec laquelle nous cherchons à régler ce sérieux problème porte fruits. Je vous informe que la semaine dernière, lors de réunions en Russie, des représentants des îles Féroé m'ont déclaré personnellement que les pratiques de pêche de leurs flottilles présentaient des écarts et qu'ils étaient prêts à changer leurs façons de faire.

Cependant, nous croyons fermement qu'il y a lieu de renforcer l'Organisation des pêches de l'Atlantique nord-ouest, l'OPANO. Mes fonctionnaires et moi-même travaillons de concert avec nos partenaires de l'industrie et des provinces afin de préparer le dossier que nous présenterons à la réunion annuelle de l'OPANO, en septembre.

[Français]

Comme vous le savez, l'aquaculture vient maintenant s'ajouter à la pêche des stocks sauvages en tant que moteur de l'économie. Le ministère prend des mesures pour donner à ce secteur les outils dont il a besoin pour se développer avec succès, tout en gardant l'œil au respect de nos obligations en matière de réglementation.

Le programme de 75 millions de dollars pour l'aquaculture durable annoncé en l'an 2000 nous a apporté l'équilibre que nous recherchions. Aujourd'hui, nous consolidons cette base par l'ajout d'un plan d'action et d'un cadre stratégique exhaustif visant à augmenter la confiance du public dans le secteur de l'aquaculture et à améliorer sa compétitivité sur les marchés internationaux.

Vous avez maintenant reçu la réponse détaillée de mon ministère à votre rapport. Je serai heureux de tout nouveau commentaire et avis que vous pourrez procurer à mesure que nous continuons dans la foulée des réussites enregistrées et que nous guidons ce jeune secteur prometteur vers d'autres succès à l'avenir.

[Traduction]

À vrai dire, l'aquaculture illustre bien la façon dont nous savons faire place à des possibilités innovatrices de développement économique de nos espaces aquatiques. Autrement dit, de la façon dont nous pouvons mettre ces espaces en valeur durablement. En effet, nos océans sont les théâtres d'activités de plus en plus nombreuses. Sur les deux côtes, nous observons comment les communautés tirent parti de nouvelles perspectives économiques comme le tourisme, l'aquaculture et l'exploitation pétrolière et gazière. Mon ministère joue un rôle important en appuyant les communautés canadiennes dans leurs efforts pour saisir ces possibilités et pour se développer de façon équilibrée et durable sur le plan écologique.

La recherche de cet équilibre constitue le but de la Loi sur les océans. Cette loi suppose des changements fondamentaux de notre façon de gérer nos océans. Jusqu'ici, 21 projets pilotes de gestion intégrée, auxquels participent un large éventail d'intervenants et tous les paliers de gouvernement, ont vu le jour. Dans l'année qui vient, nous prendrons d'autres mesures pour améliorer notre gestion des océans, dans le cadre de la Stratégie canadienne des océans — qui prévoit des plans pour une meilleure gestion et une plus grande protection de nos océans.

[Français]

Nous abordons aussi un certain nombre d'enjeux concernant les eaux douces. Par exemple, j'ai appris que le Commissaire à l'environnement et au développement durable s'est présenté devant vous pour discuter de son rapport sur les Grands Lacs et le bassin du Saint-Laurent. Le MPO cherche à réagir face aux recommandations contenues dans le rapport, et ce, en collaboration avec nos partenaires fédéraux et provinciaux, ainsi qu'avec le gouvernement des États-Unis.

La coopération domine aussi nos travaux concernant la protection de l'habitat du poisson. Nous continuons de travailler avec les intervenants et les différents ordres de gouvernement à rendre ces fragiles habitats sains, vigoureux et bien protégés à long terme.

[Traduction]

La troisième grande activité du MPO consiste à rendre nos eaux sûres et accessibles. De toute évidence, la vaste gamme de services fournis par la Garde côtière canadienne figure largement dans cette mission. En fait, la Garde côtière a un rôle à jouer dans pratiquement tous les aspects du travail de mon ministère, et marque une forte présence fédérale sur nos eaux. Partie intégrante du MPO, la Garde côtière est un membre important et respecté de la communauté maritime canadienne avec sa flotte civile, son expertise maritime et son infrastructure à terre dispersée un peu partout sur les côtes, rendant cette organisation prête à intervenir en cas d'urgence et à fournir ses services. La vision de la Garde côtière en tant qu'organisme national prêt à opérer, fournissant des services de sécurité maritimes et contribuant au commerce maritime et au milieu marin et d'eaux douces ne se ternira pas, j'en suis sûr, avec le temps.

Même si le MPO et la Garde côtière canadienne n'ont pas la responsabilité de la sécurité maritime, les organismes centraux reconnaissent la part que joue le MPO dans le renforcement de la sécurité maritime, surtout depuis les événements du 11 septembre. Le budget fédéral du mois de décembre allouait 15 millions de dollars sur trois ans au MPO, dont 11 millions de dollars destinés à la Garde côtière. Nous continuerons de travailler en étroite collaboration avec Transports Canada et d'autres organismes fédéraux à trouver des moyens de garder nos côtes sûres.

[Français]

Tout comme la Garde côtière, le Programme des sciences du MPO, de renommée mondiale, est un autre pilier des travaux de notre ministère et une des clés de notre succès. Toutes les décisions prises au ministère doivent s'appuyer sur les meilleurs avis scientifiques mis à notre disposition. Plus particulièrement, l'approche des précautions et celle qui concerne l'écosystème sont des éléments importants du processus de prise de décisions pour nos pêches, autant que pour nos océans.

Aussi, à mesure que notre démarche quant à la gouvernance évolue, nous travaillerons en plus étroite collaboration avec nos partenaires et avec les intervenants pour faire avancer et pour interpréter ces avis scientifiques. Voilà pourquoi il est important de maintenir un programme solide dans les années à venir. Nous procédons actuellement à un examen qui nous permettra de déterminer quelles sont les priorités en matière de science du MPO et qui nous permettra aussi de rendre disponibles des ressources nécessaires à la prestation continue de ces avis scientifiques.

[Traduction]

Vous le voyez bien, le MPO fait en sorte de pouvoir continuer à offrir, dans les années qui viennent, sa prestation de services aux Canadiens, qui comptent sur nous. Les objectifs dont je vous ai donné un aperçu aujourd'hui contribueront à renforcer nos industries océaniques et serviront la cause de plusieurs engagements pris par le gouvernement du Canada envers les Canadiens.

En réalité, je suis très fier de la contribution de mon ministère et de la qualité des services qu'il offre aux Canadiens. Mon but ultime, honorables sénateurs et honorables sénateurs, est de laisser à mon successeur, à la fin de mon mandat, un ministère plus fort encore que celui que j'ai trouvé et, pour ce faire, de travailler avec des groupes comme le vôtre.

[Français]

Le président: Merci, monsieur le ministre. Vous avez parlé d'un grand nombre de sujets qui intéresseront sûrement les membres du comité et je suis très confiant qu'ils seront à la hauteur de la tâche pour demander plus de détails et de renseignements.

[Traduction]

Le sénateur Robertson: Monsieur le ministre, nous avons bien hâte de travailler avec vous. Je viens de la côte Est et je suis très heureuse qu'un des nôtres soit responsable des questions des pêches.

Vous avez mentionné, dans vos commentaires liminaires, la RPPA, la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique. Ma question porte sur l'accès au processus d'allocation. Nombre d'intervenants de la côte Est m'ont dit que d'aucuns ont l'impression que le processus est entaché parce que le ministre a en fait tout pouvoir dans ce processus. Puisque vous occupez votre poste depuis peu de temps, ces commentaires ne vous visent pas.

Cependant, j'aimerais savoir ce que vous pensez de la création d'un comité indépendant d'allocation qui permettrait d'éliminer cette impression que certains ont que le processus décisionnel est politique — c'est ce qu'on me dit très souvent. Accepteriez-vous la création d'un comité consultatif indépendant? On pourrait permettre à l'industrie et aux collectivités de nommer des représentants au sein de ce conseil.

M. Thibault: J'accepterais mal la création d'un tel conseil. Il est vrai qu'aux termes de la loi, le ministre semble avoir d'importants pouvoirs, tant qu'il n'essaie pas de s'en servir. À ce moment-là sa marge de manoeuvre est plus limitée.

Dans la région atlantique et sur la côte du Pacifique, il y a des groupes qui savent quelles options j'étudie lorsque je dois prendre ces décisions, soit les décisions qui ont été prises par le passé et l'évolution historique du dossier de la distribution des ressources. Nous consultons des comités consultatifs comme le CCRH, le Conseil pour la conservation des ressources halieutiques, qui représente les pêcheurs des collectivités. Le CCRH reçoit des conseils scientifiques, il consulte les organisations de pêcheurs et les collectivités avant de formuler des recommandations au ministre. À l'occasion, certaines de ces recommandations n'ont pas été retenues, mais dans l'ensemble elles sont acceptées et suivies de très près.

La difficulté, c'est que les conseils de répartition des ressources peuvent aussi faire l'objet de pressions politiques de la part de personnes qui souhaiteraient exercer une influence sur l'attribution des quotas. Ils pourraient prendre des décisions qui donneraient l'impression aux collectivités qu'elles ont été exclues du processus décisionnel. Un mécanisme de surveillance politique assure la transparence du processus étant donné que je dois rendre des comptes à tous les députés à la Chambre des communes et que je dois comparaître devant des comités comme celui-ci. La nomination d'un conseil de répartition des ressources composé de membres à plein temps n'assurerait pas nécessairement la même transparence alors que les décisions qu'il prendrait auraient une grande incidence sur le développement social et économique des collectivités, des provinces et des régions visées.

Il serait aussi compliqué pour les collectivités d'élire les membres d'un tel conseil. Quelles sont les limites? Jusqu'où aller à l'intérieur des terres? Est-ce que ça s'appliquerait seulement à la partie de la collectivité située le long de la côte? Est-ce que seuls les syndicats seraient visés? Est-ce que ce serait seulement les entreprises de transformation qui le seraient? Il serait très difficile de faire en sorte que le processus soit équitable. Dans le cadre de la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, nous tenons des discussions fructueuses avec les collectivités et nous cherchons à être aussi transparents que possible dans la façon dont les décisions seront prises dans l'avenir.

Le sénateur Robertson: En résumé, vous ne comptez pas modifier le processus, n'est-ce pas?

M. Thibault: La révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique, qui est actuellement en cours, constitue en elle-même un changement au processus. Bien que la décision finale continuera d'appartenir au ministre, la révision de la politique sur les pêches de l'Atlantique assure la transparence du processus décisionnel, ce qui est en soi important puisque le ministre ne peut pas prendre de décisions arbitraires.

Le sénateur Robertson: Je suis sûre que certains préféreraient un processus plus indépendant. J'accepte cependant l'explication que vous m'avez donnée. Je reviendrai sans doute sur cette question une fois que la révision sera terminée parce que cette politique comporte des failles. Je comprends cependant que vous l'appuyez. Certains ont l'impression d'être exclus du processus. La transparence est toujours une bonne chose, mais je ne suis pas sûre de partager votre conception de la transparence.

J'aimerais maintenant traiter d'une question que le sénateur Comeau et moi-même avons soulevée au Sénat il y a quelques mois. Depuis environ un an, il y a eu fléchissement du prix du saumon de l'Atlantique. À New York, le prix du saumon de l'Atlantique est tombé à environ 1,60 $ avant Noël et il est maintenant d'environ 2,35 $. Il semblerait que le Chili ait réduit sa production, qui serait attribuable aux efforts déployés par le gouvernement fédéral. Les fermes d'élevage chiliennes ont été ravagées par une maladie. La bonne nouvelle, c'est que la baisse de l'offre et l'augmentation de la demande ont entraîné une augmentation des prix.

Vous vous souviendrez que pendant cette période, l'industrie cherchait à négocier avec notre ministère pour un ensemble de mesures d'aide destinées aux salmoniculteurs ou un programme de maintien des prix semblables à celui qui existe dans le domaine agricole. Bien que les prix du saumon aient augmenté, certains d'entre nous pensent que c'est le bon moment de procéder à une planification à long terme. Comptez-vous mettre en place un régime d'assurance qui serait destiné à aider les salmoniculteurs?

M. Thibault: Nous envisageons cette possibilité et nous travaillons avec les provinces et le secteur privé à la mise en oeuvre d'un programme de santé des animaux aquatiques qui permettrait d'aider les salmoniculteurs si une maladie ravage leurs salmonicultures. Le programme vise à promouvoir de bonnes pratiques aquicoles.

Il n'a cependant pas été beaucoup question d'un programme de stabilisation des prix. J'en ai toutefois discuté avec l'Agence de promotion économique du Canada atlantique. J'ai entamé ces discussions lorsque j'étais ministre de l'APECA et l'objectif visé était de permettre aux salmoniculteurs de suspendre leurs paiements jusqu'à ce que le prix du saumon se stabilise ou augmente. Nous avons donc exploré ces possibilités. Il n'existait pas de programmes au sein de mon ministère qui permettaient de subventionner les producteurs. Il aurait fallu demander des fonds à cette fin au gouvernement. Le projet n'est jamais allé aussi loin parce que les prix du saumon se sont rétablis comme vous l'avez mentionné.

J'ai eu des discussions avec des représentants de la Norvège, pays où il existe une énorme industrie aquicole. Les Norvégiens ont fait des investissements au Chili ainsi que sur la côte Ouest. Comme nous, ils se préoccupaient du prix du saumon chilien et des pratiques de dumping apparentes des producteurs chiliens. Il est cependant vrai que le Chili peut produire du saumon à moindre coût que nous parce que les températures moyennes de l'eau sont plus élevées et parce que le pays jouit de certains autres avantages environnementaux. Notre industrie aquicole prend tous les jours plus d'ampleur et peut produire du saumon à un coût raisonnable.

Le sénateur Watt: J'aimerais traiter du prix pour services rendus que l'ancien gouverneur général Roméo LeBlanc a accordé à M. Allan Gordon.

Comme vous le savez, de nombreux défis se posent dans l'Arctique et notamment celui voulant que de plus en plus de gens comptent pour leur subsistance sur les ressources renouvelables. Des résidents de l'Arctique tirent parti des occasions qui se présentent à eux, mais il n'en demeure pas moins que la mise en oeuvre de projets valables est souvent retardée en raison de facteurs comme le coût élevé du transport et des marchandises.

Monsieur le ministre, votre ministère est-il en mesure de favoriser la mise en oeuvre de projets qui sont gérés par des sociétés foncières dans ma petite localité? Il existe deux projets de ce genre. L'un vise à permettre à l'omble chevalier à frayer dans le cours supérieur de la rivière et dans le réseau de lacs, ce qui permettrait d'accroître la quantité d'ombles chevaliers. L'autre projet vise à améliorer l'habitat de certaines rivières de manière à ce que l'omble chevalier puisse y frayer. Il s'agirait notamment de construire des échelles à poissons.

Votre ministère peut-il assurer le financement de ces projets?

M. Thibault: Nous pouvons dans certains cas collaborer avec des organismes comme la Société Makivik et nous adresser au ministère des Affaires indiennes et du Nord, par exemple, ou aux provinces et aux territoires pour qu'ils participent à la mise en oeuvre de programmes existants et mettent à leur disposition des connaissances et des fonds. Il est possible de discuter de toutes ces possibilités.

Nous attribuons aussi les ressources. Je ne sais pas si votre localité a un quota pour la crevette du Nord, mais les collectivités peuvent utiliser les quotas de ce genre pour investir dans des projets comme ceux que vous nous avez décrits parce qu'ils ont des retombées économiques plus larges. J'espère pouvoir me rendre dans votre collectivité cet été. Je ne sais pas si mon emploi du temps me le permettra parce qu'il s'alourdit tous les jours, mais j'aimerais pouvoir discuter plus à fond de cette question.

Le sénateur Watt: Je voudrais m'assurer que ces projets soient mis en oeuvre. Les capitaux manquent actuellement pour réaliser ces projets et l'immeuble actuel est inadéquat. Il est nécessaire de renouveler l'infrastructure, mais il faut aussi tenir compte des besoins des collectivités avoisinantes. Il serait à tout le moins bon qu'il y ait une personne- ressource au sein de votre ministère à qui l'on confierait la tâche de voir ce qui peut être fait pour favoriser le dialogue entre ces deux groupes au Nunavut. C'est ce que je vous recommanderais de faire.

M. Thibault: Mme Ruth Danzer, qui m'accompagne aujourd'hui, communiquera avec vous à ce sujet après la réunion.

Le sénateur Watt: L'autre question que je veux aborder avec vous remonte à 1993. Le Comité d'examen de la réglementation, un comité mixte, s'est penché sur cette question. Les ministres qui vous ont précédé ont délégué aux chefs de bande le pouvoir d'émettre des permis de pêche. Comptez-vous aussi le faire, monsieur le ministre?

M. Thibault: Oui, le comité mixte a présenté un rapport à la Chambre des communes et nous y répondrons très bientôt.

Vous parlez de la désignation des pêcheurs aux termes de permis communaux. Le comité soutient que le ministère va au-delà du mandat législatif que lui confère le règlement.

Ce n'est pas l'avis qui m'a été donné à ce sujet. Quoi qu'il en soit, nous préparons des modifications au règlement qui porte sur cette question. Le règlement accordera le pouvoir au gouverneur en conseil d'émettre un permis communal et il appartiendra soit à la collectivité ou à moi-même de désigner les personnes qui pourront exercer le droit conféré par le permis.

À mon avis, il n'y a pas de différence avec ce que nous faisons avec les entreprises qui s'adonnent à la pêche ou avec ce que nous faisons dans bien des cas avec les collectivités et les familles. Le propriétaire du permis n'est pas à bord du navire chaque fois que celui-ci va pêcher et il désigne quelqu'un d'autre pour le remplacer. Lorsque nous attribuerons un quota à une collectivité, ce quota précise qui va exercer le droit de pêche. Pour que la paix continue de régner dans les familles, et par respect pour ce comité, le processus sera précisé dans le règlement pour que tout le monde sache à quoi s'attendre.

Le sénateur Watt: Les mesures qui ont été prises à Burnt Church n'étaient pas nécessaires. Afin d'éviter tout conflit entre les deux groupes, je suis heureux que vous me disiez que vous allez étudier sérieusement cette question puisqu'il s'agit d'une question délicate. Je ne dis pas qu'il faudrait supprimer la pratique suivie par vos prédécesseurs, mais je dis simplement que la question est trop délicate pour s'en reporter uniquement à la position exprimée par le comité. La question revêt suffisamment d'importance pour qu'elle soit examinée minutieusement avant de prendre une décision.

M. Thibault: Il importe de comprendre que le règlement n'a pas été abrogé. Il demeure en vigueur. Il est tout à fait légal. Nous avons 90 jours pour répondre au rapport du comité et nous allons apporter des changements au processus réglementaire.

Nous avons dit que nous allions répondre aux autres préoccupations exprimées en apportant certaines modifications à la loi. Nous assurerons la stabilité dans le domaine des pêches et nous permettrons l'utilisation de permis communaux conformément à ce qui est prévu à cet égard dans la stratégie des pêches autochtones et conformément également à la décision Marshall.

Le sénateur Watt: Mes collègues, les sénateurs autochtones, ont été alarmés d'apprendre que nous n'avions pas encore été informés de la façon dont ces permis seraient attribués. J'espère que nous serons dans l'avenir consultés lorsque ce genre de discussions ont lieu parce que nous avons peut-être des solutions à proposer.

M. Thibault: Je suivrai votre conseil.

[Français]

Le sénateur Meighen: Ce soir, j'aimerais vous poser une question à deux volets sur un sujet qui me préoccupe et qui, comme vous le savez peut-être, préoccupe beaucoup de communautés dans l'Est du pays, soit le sort du saumon de l'Atlantique.

[Traduction]

Comme vous le savez, la survie du saumon sauvage de l'Atlantique est gravement compromise. Un grand nombre de saumons meurent en mer et c'est peut-être en raison de la température de l'eau. Personne ne sait trop à quel facteur attribuer cette situation.

J'aimerais connaître votre avis sur deux questions: l'habitat et l'interaction avec l'industrie aquicole. J'aimerais dire clairement que je pense que les deux secteurs devraient survivre et prospérer.

En ce qui touche l'habitat, la commissaire à l'environnement et au développement durable nous a dit lorsqu'elle a comparu devant le comité que seule l'une des huit stratégies sur lesquelles repose la politique fédérale relative à l'habitat du poisson, adoptée en 1986, a été mise en oeuvre. Il n'est pas sûr que votre ministère sache — et je ne cherche pas ici à critiquer le ministère, mais plutôt à énoncer un fait — s'il se rapproche de son objectif ultime qui est d'améliorer l'habitat du poisson.

Lorsqu'il a comparu dernièrement devant nous, M. Stephen Chase, de la Fédération du saumon atlantique, nous a dit que des programmes d'amélioration de l'habitat du poisson sont mis en oeuvre dans toutes les provinces à l'ouest du Québec. Il a fait remarquer que l'élaboration d'une politique et d'un programme d'amélioration de l'habitat du poisson serait bénéfique dans le cas du saumon sauvage de l'Atlantique et d'autres espèces importantes de poisson de la côte Est.

J'aimerais d'abord connaître votre avis sur la politique de protection de l'habitat du poisson. Si je ne m'abuse, on investit des fonds importants — et je n'y vois rien à redire — pour améliorer l'habitat du poisson sur la côte Ouest. À ma connaissance, des fonds semblables n'ont pas été investis sur la côte Est. Qu'avez-vous à nous proposer, monsieur le ministre, en ce qui touche l'amélioration de l'habitat du poisson?

M. Thibault: On ne peut pas vraiment présenter les choses de cette façon. Il y eu déclin des stocks de saumon sauvage sur les deux côtes. Les deux régions ont obtenu des sommes importantes pour favoriser la restructuration de l'industrie dans le cadre de toutes sortes de programmes fédéraux.

C'est le saumon qui constituait la pêche commerciale sur la côte Ouest. Beaucoup d'argent a été investi dans cette pêche. Si je ne m'abuse, 30 millions de dollars ont été investis dans un fonds et d'autres organismes et institutions participent aussi financièrement à la gestion de l'habitat.

Sur la côte Est, certains projets d'amélioration de l'habitat ont été mis en oeuvre grâce à des fonds accordés par Pêche et Océans. Il y a quelques années, certains projets de ce genre ont été mis en oeuvre grâce à un financement obtenu de l'APECA.

Il est vrai qu'il reste du travail à faire et je me réjouis d'engager des discussions à cet égard avec les parties intéressées. C'est l'une des priorités que je me fixerai au cours de l'année.

Le secteur privé m'a dit qu'il était prêt à participer à des projets d'amélioration de l'habitat. Certains gouvernements provinciaux ont aussi dit qu'ils étaient prêts à le faire. La Fédération du saumon atlantique a toujours été une excellente partenaire ainsi qu'un chef de file dans ce domaine. La fédération fait de l'excellent travail. Ensemble, je pense que nous pouvons proposer un train de mesures utiles.

Il est facile de toujours pointer du doigt le gouvernement fédéral. Tout le monde peut aider à améliorer l'habitat et les aires de fraie. Des problèmes se posent en mer. Il y a aussi le cas des prédateurs.

Je ne pense pas que ce soit une coïncidence que ce soit dans les rivières du Canada atlantique qui reçoivent des pluies acides que le saumon connaît des difficultés. Le poisson se porte mieux dans les rivières qui ne reçoivent pas de pluies acides. En fait, les stocks augmentent dans certaines rivières. L'environnement et l'habitat jouent un rôle très important, tout comme l'industrie sylvicole, l'agriculture, l'exploitation minière ainsi que la construction de routes. Nous devons prendre en compte tous les facteurs qui exercent une influence sur l'habitat du poisson. Nous devons établir des partenariats avec un grand nombre d'intervenants et il faut se donner une stratégie à long terme. Je ferai de mon mieux pour que le gouvernement fédéral participe au processus. Nous établissons beaucoup de partenariats à l'heure actuelle, en particulier dans le domaine scientifique.

Le sénateur Meighen: C'est encourageant. Le saumon de l'Atlantique est évidemment une pêche sportive maintenant. Il n'existe plus de pêche commerciale sauf pour l'aquaculture. Il n'y a plus de pêche commerciale du saumon sauvage. Les retombées économiques de la pêche sportive du saumon au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle- Écosse et au Québec sont énormes. Tout ce que vous pourriez faire pour améliorer encore davantage cette pêche serait apprécié. Je vous invite à ne pas attendre que tous les partenaires se soient entendus sur l'approche à adopter avant d'agir parce que ça prendra beaucoup de temps.

Permettez-moi maintenant d'aborder un autre sujet. Je voulais vous demander s'il n'y avait pas contradiction inhérente dans le fait que le mandat du MPO prévoit à la fois la protection des espèces sauvages et la promotion de l'aquaculture. Vous aurez peut-être l'occasion de nous parler de cette question à un autre moment.

Dans votre déclaration préliminaire, vous avez dit que nous avons interdit nos ports aux flottilles de pêche des îles Féroé et de l'Estonie à la suite de l'inobservation des règles par leurs bateaux. D'après les discussions que vous avez eues à l'étranger, on semblerait accepter cette décision. Si la fermeture des ports à ces flottilles ne donne pas le résultat escompté, que ferez-vous alors?

M. Thibault: La fermeture des ports constitue une mesure parmi toutes les mesures auxquelles nous pouvons recourir.

Le sénateur Meighen: Que ferez-vous donc si cette mesure ne suffit pas à mettre fin à la pêche illégale ou à la surpêche?

M. Thibault: Il est important de garder les choses en perspective. Cette question retient beaucoup l'attention des médias parce que de nombreux Terre-neuviens pratiquent la pêche. On soutient que la pêche illégale compromet la reconstitution des stocks.

En 1995, il y a eu l'escarmouche de la plie à grande bouche. À cette époque, aucun pays ne respectait les règles de l'OPANO. C'est l'OPANO qui établit les quotas. Tous les pays établissaient un quota supérieur au quota de l'OPANO. Tous les pays pêchaient au moyen de filets ayant de très petites mailles. Lorsque nous avons arrêté le Estai, nous avons découvert que le bateau était gréé de filets ayant des mailles très petites. Les bateaux de tous les pays utilisaient des filets semblables.

Si ma mémoire est bonne, il y a eu 26 infractions aux règles il y a deux ans et 25 l'an dernier. Nous nous sommes rendu compte de ces infractions parce que nous avons des observateurs à bord des bateaux, que nous avons recours à la surveillance satellitaire et qu'il y a aussi surveillance exercée par des avions ainsi que surveillance au quai. Le problème est beaucoup moins grave qu'il ne l'était. Nous voulons évidemment faire en sorte que la situation s'améliore. Nous voulons que l'OPANO adopte de meilleures règles et de meilleures mesures de conservation. Nous voulons des mesures qui permettent une pêche commerciale raisonnable des espèces suffisamment abondantes et des mesures qui interdiront les prises secondaires d'espèces qui font l'objet d'un moratoire ou qui ne sont pas suffisamment abondantes.

Avant de fermer les ports, M. Chamut et moi-même avons fait un exposé devant l'OPANO; toutefois, nous n'avons pas réussi à obtenir les changements que nous souhaitions. La décision a été prise avant que tout le monde puisse y être, je crois; ils savaient déjà comment ils allaient voter au sujet des propositions du Canada. Ils ont quand même pris très au sérieux les arguments de la délégation canadienne et la plupart des membres de l'organisation ont ensuite fait de plus grands efforts. Beaucoup de membres de l'organisation collaborent très bien; d'autres sont récalcitrants. Certains pays récalcitrants ont commencé à améliorer leurs pratiques.

Ce n'est pas de gaieté de coeur que nous avons fermé nos ports aux Féroïens et aux Estoniens. Cela fait du tort à nos localités qui les accueillent, et à leurs pays d'origine. Ce n'est pas vraiment la taille du pays qui compte, mais plutôt celle de leur effort de pêche. Dans le cas des Féroïens, nous avons eu d'excellentes négociations. Ils ont porté des accusations contre leurs bateaux. Prochainement, ils vont rencontrer nos fonctionnaires afin de discuter de ce qu'ils sont prêts à faire pour nous assurer qu'ils suivent le règlement. Quand ce sera chose faite, j'espère que nous pourrons leur ouvrir le port.

Nous avons eu certaines discussions avec les Estoniens. D'autres pays, avec lesquels j'ai discuté de la question lorsque j'étais en Russie la semaine dernière, ont accepté d'avoir des discussions avec certains des pêcheurs qui battent pavillon estonien.

Il y a des signes encourageants. On ne peut pas s'attendre à ce que l'OPANO change du jour au lendemain. C'est une organisation liée par un traité international qui compte 18 membres. On ne peut pas la faire bouger rapidement et nous devons continuer à la pousser graduellement dans la bonne direction.

Le sénateur Adams: J'ai plusieurs questions. Vous nous avez dit que votre ministère a approuvé un quota de 4 000 tonnes de plie à grande bouche cette année pour le Nunavut. Il y a quelques semaines, j'ai rencontré des fonctionnaires de votre ministère pour discuter des quotas à accorder au Nunavut. Comme vous le savez, le nouveau gouvernement du Nunavut n'existe que depuis trois ans. Auparavant, le gouvernement du territoire s'occupait des pêches par l'intermédiaire de son ministère du Développement économique. C'est aujourd'hui la direction de la gestion de la faune du ministère des Pêches du gouvernement du Nunavut qui s'en occupe.

Les villages de pêche du Nunavut se sont organisés au sujet des quotas de flétan. Je pense en particulier à Pangnirtung, Broughton Island, Clyde River et Pond Inlet. Avant, les pêcheurs n'avaient pas le bon matériel, mais ils ont réglé le problème grâce à la Baffin Fisheries Coalition. Ils ont collaboré avec les fonctionnaires de votre ministère et attribué une partie des quotas à certaines compagnies de pêche de l'extérieur du Nunavut.

D'après mes renseignements, Pangnirtung s'est vu attribuer un quota de 600 tonnes de crevette et de 700 tonnes de flétan. À Pangnirtung, la pêche au flétan se pratique surtout en hiver. Ils n'ont pas l'équipement nécessaire pour le faire en été. Ce sera beau s'ils arrivent à capturer 300 tonnes à travers la glace.

Comme votre ministère est responsable des politiques relatives aux pêches au Canada, je tiens à vous signaler que plus de 60 p. 100 des eaux côtières canadiennes sont aux larges du Nunavut. Les 40 p. 100 qui restent se répartissent entre les autres provinces et territoires. La pêche est donc une activité très importante pour l'avenir du Nunavut.

Comme vous le savez, l'état des glaces cette année a causé des difficultés aux pêcheurs; les pêcheurs du Nunavut n'ont rempli que 6 p. 100 de leurs quotas cette année. Vous allez annoncer un quota de 4 000 tonnes, dites-vous, mais la réalité, c'est que les pêcheurs du Nunavut ne pourront capturer que 6 p. 100 de ce quota.

En été, ils peuvent faire de la pêche à la palangre et au chalut — ils ont l'équipement qu'il faut — comme on le faisait anciennement à Terre-Neuve. Ils arriveront peut-être à louer un navire pour les aider. Actuellement, il y a pour 30 millions de dollars de quotas de poissons qui ne sont pas capturés et les habitants ignorent où ils trouveront l'argent dont ils ont besoin pour acheter le matériel nécessaire et tirer profit de ces quotas.

M. Thibault: Nous n'avons pas de fonds de développement pour acheter des navires et du matériel. Il arrive que les gouvernements provinciaux en aient. J'ignore ce qu'il en est pour le territoire.

Il y a aussi le ministère des Affaires indiennes et du Nord. Il a un fonds de développement économique qui pourrait peut-être servir. Il pourrait aussi se servir de l'argent des redevances pour investir dans le matériel. Cela s'est fait sur la côte du Labrador. On s'en est servi pour obtenir des navires et des usines et pêcher d'autres espèces. Ce sont des éléments que vous voudrez peut-être envisager.

Le sénateur Adams: J'ignore combien exactement possède le Baffin Regional Council, mais je sais qu'avec 500 000 $ on peut peut-être embaucher une vingtaine de travailleurs ou acheter du nouveau matériel.

Vous avez parlé d'un quota de 4 000 tonnes dans la division 0A. Un nouveau quota a-t-il aussi été fixé pour la division 0B et la pêche au flétan? Vos fonctionnaires pourraient peut-être nous le dire.

M. Thibault: Votre portion est de 27 p. 100 du quota, soit 1 500 tonnes.

Le sénateur Adams: Y a-t-il un quota de crevette dans la division 0B?

M. Thibault: Je n'ai pas les chiffres sous la main. M. Chamut le sait peut-être. Assez prochainement, nous allons faire connaître le plan d'allocation de la crevette du Nord. Quand je dis «assez prochainement», cela pourra être dans deux, trois ou quatre semaines.

Les villages dont vous parlez ont-ils déjà un quota dans ces régions?

Le sénateur Adams: Ce qui nous inquiète, c'est le quota de 4 000 tonnes que vous avez mentionné.

M. Thibault: Actuellement, tout le monde pratique la pêche, de sorte qu'il n'y a pas beaucoup...

Le sénateur Adams: Il faut que votre ministère et la coalition de Baffin travaillent ensemble. Les gens de l'endroit ne peuvent pas attraper suffisamment de poissons pour remplir leur quota; il faut donc se tourner vers d'autres compagnies pour l'atteindre.

Le sénateur Mahovlich: Notre plus gros marché de fruits de mer, ce sont les États-Unis. Récemment, les États-Unis ont adopté une loi qui exige que les fruits de mer vendus au détail portent une étiquette qui indique le pays d'origine et qui précise qu'il s'agit de poissons et fruits de mer sauvages ou d'élevage. À votre avis, les changements apportés aux États-Unis auront-ils une incidence sur les exportations canadiennes de poissons et de fruits de mer et le Canada devrait-il adopter une réglementation semblable pour nos produits de pisciculture?

M. Thibault: La plupart de nos produits d'élevage sont déjà étiquetés comme tel. C'est une exigence de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, je crois. Cela relève de l'agence ou du ministère de la Santé parce que comme produits alimentaires, ils doivent être étiquetés pour être vendus au Canada.

Pour ce qui est de nos exportations aux États-Unis ou ailleurs, nous nous adaptons à la réglementation à la frontière, et cela est appliqué par l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Lorsqu'elle fait des inspections, elle s'assure que cela correspond aux exigences du pays.

Le sénateur Mahovlich: Le mois dernier, ma femme et moi avons acheté du saumon coho du Président. Est-ce que ce saumon coho commercial vient du Pacifique?

M. Thibault: Il y a très peu d'exploitations commerciales du saumon coho. Je ne connais pas le chiffre exact. Je pense que c'est du coho élevé en Colombie-Britannique. Par contre, la grande majorité du saumon d'élevage est de l'Atlantique. Il se vend mieux sur le marché du poisson d'élevage.

Le sénateur Mahovlich: Moi, je n'ai pas de préférence, mais ma femme préfère le coho.

M. Thibault: Il y a de la pêche au coho sauvage en Alaska. Il y a certaines espèces de saumons indigènes élevés en Colombie-Britannique, mais très peu. Pour l'essentiel, c'est du saumon de l'Atlantique.

Le sénateur Mahovlich: Quel est l'avenir du saumon coho sauvage?

M. Thibault: J'entrevois un bel avenir pour tout le saumon, surtout sur la côte Ouest. Les gens pratiquent la conservation depuis longtemps. Il est difficile de dire exactement lesquels auront plus de difficultés que d'autres.

Certaines pêcheries se reconstituent très bien. Les associations de pêche locales ont fait beaucoup de bon travail. Nous avons collaboré avec elles en faveur des pratiques de conservation et de la remise en état de l'habitat. Dans certains cas, des programmes d'élevage et d'écloserie ont aidé. On se demande parfois si trop de produits d'écloserie dans l'eau est une bonne chose ou pas.

Le sénateur Cook: Vous dites qu'une de vos priorités est la gestion durable des pêches. J'attends de voir comment cela va se faire. Je suis Terre-Neuvienne. Nous avons été traumatisés par l'effondrement des stocks de morue du Nord. Nous avons vu 30 000 personnes partir et nous nous en ressentons encore aujourd'hui. Si nous avions eu une véritable gestion durable des pêches, cela ne serait pas arrivé. Comme vous, quand vous dites que du saumon c'est du saumon, si vous allez dans un magasin à Terre-Neuve et demandez du poisson, on va vous donner de la morue. Pour nous, c'est le poisson.

Je veux revenir sur ce qu'a dit le sénateur Meighen. Il a dit que de la recherche se faisait sur les stratégies de mise en oeuvre de la politique fédérale de gestion de l'habitat du poisson, rédigée en 1996. Y a-t-il des travaux permettant de garantir que ce qui est arrivé à la morue ne se reproduira pas parce que l'on ignore ce qui est arrivé à la morue, n'est-ce pas?

De quels travaux de recherche le ministère dispose-t-il pour protéger cet espace grouillant que l'on appelle la mer pour veiller dans la mesure du possible à ce que cela ne nous arrive jamais plus?

De nombreux éléments de l'étude sur la pisciculture ont mené à l'étude actuelle sur l'habitat. Que se passe-t-il? Que se passe-t-il dans cet espace grouillant dont vous parlez? Je parle de travaux de recherche dans votre ministère.

M. Thibault: Je vais parler de la recherche dans un instant et je vais aborder un ou deux autres points. Au ministère des Pêches et des Océans, il y a quatre grandes installations de recherche. Nous collaborons avec l'Institut maritime de Terre-Neuve. Nous collaborons également avec les universités, les entreprises et les autres pays. J'ai moi-même visité un institut qui fait du travail sur les océans et l'habitat. C'est un écosystème immense et il nous faudra beaucoup de temps avant de le comprendre au complet, si jamais nous y arrivons. Il est important pour nous d'avoir des partenariats et de concentrer nos énergies. Nous faisons beaucoup de travail sur les eaux douces ainsi que sur la côte Est à plusieurs endroits. J'estime qu'il reste encore beaucoup à faire.

Nous ne pouvons pas accomplir tout ce que nous voudrions. Il y a des contraintes financières. Il y a deux ans, nous avons augmenté de 300 millions de dollars sur trois ans la somme consacrée à la recherche parce que nous avions fait des réductions considérables en 1993 ou peu après, lors de l'examen des programmes.

Nous essayons de beaucoup plus collaborer avec les autres ministères. Le gouvernement investit des milliards de dollars dans la recherche et la science au pays, soit par l'intermédiaire de la FCI ou des chaires de recherche universitaires. Nous produisons d'excellents travaux de recherche ici. Nous pourrons peut-être nous raccrocher à cela. La spécialité de notre nouveau sous-ministre, ce sont les questions intergouvernementales et la science. Nous espérons pouvoir améliorer ce que nous faisons.

Quant à savoir si nous serons à jamais à nouveau témoins de l'effondrement des stocks de morue, il faut d'abord voir où nous avons fait fausse route et comprendre ce qui s'est passé. La première erreur a été de porter à 200 milles la mer territoriale. J'étudiais la gestion des pêches à l'époque. L'objectif était de constituer une immense flotte pour maximiser le nombre d'emplois découlant de cette immense richesse qui relevait désormais de nous. Nous avons pêché et pêché et bâti de grandes usines, mais nous l'avons détruite.

Après sa disparition et après que les gens cessèrent de gagner de l'argent, l'expression à la mode est devenue «les espèces sous-utilisées» et c'est là-dedans que nous avons investi. Nous nous sommes précipités sur le capelan, le hareng, le calmar et le merlu argenté et beaucoup d'autres espèces. Toutes les espèces n'étaient pas sous-utilisées. La morue, elle, les utilisait. Elle faisait partie de l'écosystème.

Aujourd'hui, nous procédons un peu autrement. Nous nous servons de la gestion des quotas plutôt qu'une d'une pêche compétitive, ce qui avait créé un effort de pêche excédentaire. C'était endémique. Deuxièmement, nous adoptons l'approche de la prudence. Le ministère et moi-même essuyons des blâmes parce que les gens disent avoir besoin de quotas plus élevés. Nous préférons pêcher par excès de prudence et protéger le poisson et ne pas dépasser notre quota.

Nous, nous appliquons une approche écosystémique à la gestion des pêches, c'est-à-dire que nous examinons chaque espèce par rapport aux autres par rapport à l'habitat. C'est un concept très difficile à appliquer. Mais nous faisons des progrès. Nous tenons des discussions sur la collaboration internationale au sujet de l'approche écosystémique parce que la plupart des autres grands pays veulent aller dans cette direction. C'est complexe, comme vous le savez, à cause de la complexité de la ressource, de l'évolution des conditions climatiques, qui sont cycliques. Tous les 10 ou 15 ans, la situation et l'écosystème changent. Beaucoup de facteurs viennent compliquer la gestion, mais il ne faut plus jamais n'examiner qu'une seule espèce ou essayer de maximiser la création d'emplois. Il faut songer au développement durable, à la gestion raisonnable et avoir une pêche solide, de qualité, orientée vers l'entreprise qui soit viable pour réduire la tendance à la surpêche.

Le sénateur Cook: Beaucoup d'argent a été réalisé grâce à la vente de capelans femelles. Comme vous avez fait pas mal de recherches et investi beaucoup d'argent là-dedans, je pense que l'on peut dire que si vous avez de l'information scientifique qui nous aidera dans cette étude de l'habitat, ensemble nous pourrons comprendre précisément ce qui se passe et voir si nous pouvons aboutir à une conclusion raisonnable qui permette d'assurer la gestion durable des pêches. Toute information de ce genre nous serait fort utile.

M. Thibault: Bien sûr. Nous allons ajouter cela à la liste de documents à vous transmettre, ainsi qu'une liste d'experts auxquels vous voudrez peut-être vous adresser.

Le sénateur Phalen: Monsieur le ministre, il y a quelques semaines, nous avons reçu des représentants de la Fédération du saumon atlantique. À ce moment-là, j'avais un tableau. Même si je ne l'ai pas ici ce soir, je peux vous donner une idée des chiffres.

Le tableau indiquait qu'en 1996, je crois, il y a eu 110 000 jours de pêche au cap Breton. En 1998, le chiffre était de 107 000. En 2000, il est passé entre 11 000 et 12 000 jours. C'est une nette diminution du nombre de jours de pêche sur les rivières.

Je viens du cap Breton. Ailleurs en Nouvelle-Écosse, il y a un problème de pluies acides dans un certain nombre de rivières; pourtant, à ce que je sache, aucune étude n'a été faite au cap Breton concernant les pluies acides.

M. Thibault: Il y a eu certaines études qui ont été faites et le problème des pluies acides est beaucoup moins grave au cap Breton que dans le sud de la Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Phalen: Ce ne sont donc pas les pluies acides qui expliquent la grande diminution du nombre de poissons.

Le ministère envisage-t-il un programme pour la pêche sportive qui a été si durement touchée en Nouvelle-Écosse, et en particulier au cap Breton?

M. Thibault: C'est comme je le disais tout à l'heure à propos du partenariat, de la collaboration avec les gouvernements provinciaux et les villages, les associations environnementales comme la Fédération du saumon atlantique et le gouvernement provincial, l'industrie, et la mise sur pied d'un programme ensemble pour le saumon dans la région de l'Atlantique. Je vais y travailler. Je ne sais pas exactement à quoi cela va rassembler. Cela peut varier d'un endroit à l'autre. Il y a des signes encourageants, toutefois. Cette année, la remonte du saumon serait plus importante dans la Miramichi, la Restigouche et la Margaree ainsi que dans La Havre. Le plus gros problème, ce sont les stocks de la baie de Fundy parce que la plupart de ces stocks remontent des cours d'eau touchés par les pluies acides.

Est-ce tout? Je ne sais pas. Si l'on regarde les cartes des cours d'eau qui sont touchés par les précipitations acides, c'est à l'ouest et au sud de la Nouvelle-Écosse où ils vont essentiellement vers la baie de Fundy.

Le sénateur Phalen: Je comprends ce que vous dites, mais les statistiques ne le confirment pas. Quand on passe de 107 000 jours de pêche à quelque chose comme 11 000 jours, quelqu'un doit savoir quelque chose. On ne pêche pas parce qu'il n'y a pas de poissons. Vous avez parlé de la Margaree. S'il n'y a pas d'augmentation cette année, il n'y avait pas tellement de pêche sur la Margaree l'année dernière. Il y avait moins de poissons dans la Baddeck et la Middle. Il y en avait dans tous ces cours d'eau, mais la chute est très sensible dans chacun.

M. Thibault: Je ne dis pas que tout va bien ou que les conditions sont parfaites dans la Margaree. Je dis simplement que la remonte a augmenté. Je crois que la Margaree était incluse dans les chiffres que nous avons reçus. Ce n'est certainement pas autant qu'avant. Il y a beaucoup de causes environnementales.

Je ne sais pas si cela a eu un effet, mais si vous considérez les 20 dernières années à l'île du Cap-Breton, lorsque nous avons eu le problème de la tordeuse des bourgeons de l'épinette, il y a eu d'énormes secteurs déboisés. Cela doit avoir un effet. S'il y a autant de déboisement, cela doit avoir un effet sur l'environnement, sur les fleuves et rivières, sur les frayères. Si l'on endommage ces frayères, la remonte diminue. On ne devrait pas considérer les éléments séparément. Je ne pense pas que ce soit la pêche sportive. Il y a eu la pêche commerciale, mais elle a disparu depuis un certain temps. Je dirais que beaucoup d'éléments ont contribué aux problèmes que nous connaissons.

Le sénateur Phalen: La Margaree était l'une des meilleures rivières du pays. Est-ce que l'on envisage de réouvrir les écloseries ou d'aider les écloseries dans la Margaree?

M. Thibault: Je ne suis pas au courant. C'est certainement quelque chose que l'on pourrait examiner. On a eu des discussions à propos d'un certain nombre d'écloseries. Dans certaines régions, les localités particulières en ont pris le contrôle. Je ne sais pas où cela en est pour celles de la Margaree. Je suppose qu'elle a été transférée mais je pourrais vérifier.

La responsabilité en a été confiée à la localité.

Le sénateur Hubley: J'aurais une question sur votre programme scientifique. J'ai voulu avoir une idée d'où se faisaient ces travaux scientifiques. Je crois que vous avez dit que cela touchait différents centres d'expertise maritime au pays.

Nous nous soucions tous du changement climatique. Nous pouvons penser qu'il est à l'origine de certains problèmes. Dans le secteur des pêches, vos informations scientifiques vous permettent-elles de déterminer que dans certains secteurs le changement climatique a eu des conséquences pour la pêche? Je pensais, par exemple, à l'Île-du- Prince-Édouard où il y a eu cette année un problème d'acide domoïqe dans les moules. Je ne sais pas quelle explication on a finalement donnée, mais il y avait une question de glace, de température d'eau, et cetera. On pense immédiatement au changement climatique. Est-ce quelque chose que votre programme scientifique examinerait?

M. Thibault: Nous participons. Pêches et Océans et Environnement s'occupent de certains éléments alors que d'autres ministères s'occupent d'autres éléments et nous travaillons sur la scène internationale avec d'autres institutions. Cela nous inquiète beaucoup. C'est quelque chose qu'il faut comprendre.

Définir l'incidence exacte du changement climatique sur les océans et les pêches, c'est un peu comme demander un avis juridique. Si l'on met 100 avocats dans une salle, on a 100 avis différents. En ce qui concerne le changement climatique, il ne fait aucun doute qu'il y a un effet de serre, qu'il y a un réchauffement de la planète, que cela a des conséquences. Chaque fois que je lis un article ou que je participe à une discussion, j'entends des avis différents.

L'autre chose qui est également difficile, c'est que notre connaissance ou notre compréhension du changement climatique est relativement récente. C'est ce que nous avons dans les données des 20 ou 30 dernières années, et c'est international.

Nous savons qu'il y a des variations décennales dans les températures et les courants océaniques. Tous les 10 ans environ, nous avons des effets, comme El Nino et d'autres, qui se produisent. L'environnement n'est pas statique. Il y a des courants, des tempêtes et beaucoup d'effets qui changent les choses dans l'océan. Alors, dire que le réchauffement de la planète ou le changement climatique ou un autre élément est la cause, ce n'est pas certain, cela a bien sûr un effet, mais nous ne connaissons pas encore l'effet exact.

J'ai entendu dire que le changement climatique ou le réchauffement de la planète pourrait en fait réchauffer les eaux de l'Atlantique Nord dans nos régions, mais au fur et à mesure que la calotte polaire fond, il y a plus d'eau de fonte, qui est aussi froide que peut être l'eau, qui s'ajoute à l'océan plus rapidement. Je ne sais pas si c'est vrai ou non, mais ce n'est pas quelque chose que j'aurais considéré être un effet du réchauffement de la planète. C'est pourtant quelque chose que j'ai entendu.

Le sénateur Jaffer: Je vous remercie de votre rapport très complet et je suis prête à vous donner une leçon de pêche élémentaire à propos du poisson de la Colombie-Britannique.

Je tiens à vous féliciter d'avoir parlé de la stratégie des pêches autochtones comme vous l'avez fait à la page 3. Comme vous le savez, c'est un gros problème en Colombie-Britannique. Je suis également membre de ce comité et vous avez entendu nos débats. Je ne les répéterai pas.

Dans ce comité, un certain nombre de députés ont déclaré qu'il y aurait des problèmes cette année en Colombie- Britannique à propos de cette stratégie. Je suis content de vous avoir entendu parler d'harmonie et de la décision Marshall. Ce sont des termes qui me plaisent beaucoup. Je le dirai aux députés provinciaux auxquels j'écris à ce sujet et je leur communiquerai votre rapport.

Puis-je vous demander de jeter un coup d'oeil à la page 3 dernière phrase du deuxième paragraphe:

Ce travail est un pas de plus vers des pêches inclusives et productives dont pourront bénéficier à l'avenir les communautés autochtones et non autochtones.

Pourriez-vous développer un peu votre pensée?

M. Thibault: Nous avons eu des décisions de la Cour fédérale qui touchent la côte Est. Sur la côte Ouest, nous avons eu des décisions sur la pêche alimentaire qui en ont inquiété certains. Nous avons d'autre part des collectivités autochtones qui vivent sur la ressource et qui ne participaient pas à la pêche. Avec cette stratégie des pêches autochtones, nous avons essayé de les faire participer à la pêche, afin qu'ils gagnent de quoi vivre, qu'ils tirent un intérêt économique de cette pêche, dans ce cas, pour s'alimenter, et dans d'autres, à des fins cérémoniales, et qu'ils s'intéressent à comprendre les méthodes de conservation et y participer. Ce n'est pas que les Autochtones ne comprennent pas bien, c'est surtout que nous voulions leur participation afin d'envisager des démarches de cogestion et d'harmoniser les choses entre les pêcheurs traditionnels et les nouveaux venus dans ce secteur. Je crois que nous en ressortirons tous plus forts. Nous ne pouvons pas avoir un pays fort ou des régions fortes si nous avons une population pauvre et une population riche ou une population qui a accès à certaines des ressources et une population voisine qui n'y a pas accès. Or, c'est la situation que nous connaissions depuis un certain temps.

Dans certaines régions, nous sommes obligés de réagir suite aux décisions de la cour, mais ce sont des choses que nous aurions déjà dû faire et que nous avions commencé à faire. La stratégie des pêches autochtones date d'avant la décision Marshall. Nous avons des bandes à Terre-Neuve qui développent leurs capacités en tablant sur les stratégies des pêches autochtones et l'accord Marshall. J'ai eu des rencontres avec certaines collectivités autochtones de la Colombie-Britannique qui, il y a un certain nombre d'années, du temps de Roméo LeBlanc, développaient leurs pêches avec l'assistance du gouvernement fédéral. Elles ont eu des problèmes depuis du fait de la diminution du saumon, mais je crois que l'aquaculture, la pêche commerciale, la participation à la cogestion et à la mise en application des règlements sont toutes des possibilités.

Le sénateur Jaffer: Je suis de la région du référendum, où il y a de fortes tensions entre les deux collectivités malheureusement. On pourrait croire que les peuples autochtones sont les bénéficiaires de tout cela, ce qui n'est pas vrai, comme nous le savons tous. J'ai vu les dépliants et les tracts de votre ministère. Pourrais-je en suggérer un sur la stratégie des pêches autochtones? Vous en avez peut-être un que j'ai manqué. Surtout en Colombie-Britannique, il serait utile que les gens comprennent bien de quoi il est question. Je vous suggérerais d'envoyer un article expliquant exactement ce que vous dites aux journaux locaux autour de Delta et de Tsawwassen ou des villes côtières. J'ai été ravie d'entendre cela et je vous félicite de le diffuser.

M. Thibault: Nous examinerons ce que nous avons et s'il y a des choses que nous pourrions améliorer, nous le ferons.

Vous avez dit que certains membres du comité avaient indiqué qu'il pourrait y avoir des problèmes en Colombie- Britannique. Ce genre de discours me déçoit car cela peut en soi susciter des problèmes. Cela peut pousser à la désobéissance. Un membre du comité qui a fait une déclaration après le dépôt du rapport au Parlement a déclaré que les règlements avaient été éliminés. Or, ces députés savaient très bien que ce n'était pas vrai, qu'il s'agissait d'un rapport au Parlement qui donnait le temps de revenir au comité et d'apporter des changements, mais ils essayaient de susciter un problème, de créer un vide afin que les gens croient qu'il n'y a pas de règlements.

Le président: Il y a quelque temps, en réponse à des questions du très honorable Joe Clark à propos de la surpêche étrangère et à sa demande que la question soit soulevée au Sommet du G-8, vous avez notamment répondu: «Le gouvernement adoptera des mesures favorables aux ressources halieutiques et ne fera pas comme le gouvernement précédent, dont les décisions ont été adoptées à des fins politiques et ont ruiné notre secteur des pêches».

J'ai trouvé ça assez intéressant. Cela mériterait peut-être d'être examiné par le Parlement. Ce comité tient toujours à ce qu'il y ait des contrôles et à ce que lorsque de mauvaises décisions sont prises en matière de pêche, on veille à ce que cela ne se reproduise jamais.

Pourriez-vous préciser quelle pêche a ruinée le gouvernement précédent?

M. Thibault: J'ai parlé du gouvernement précédent parce que c'était un membre de ce gouvernement qui me posait la question et la période de questions est toujours très amusante. Je pense que vous pouvez regarder la façon générale dont on gérait les pêches jusqu'à ce que cela s'écroule.

Je me souviens que j'étais administrateur municipal et président de la chambre de commerce de ma ville et que j'écrivais au ministre du jour pour lui dire que les avis qu'il recevait du ministère et de ses services scientifiques étaient erronés, que l'on pourrait pêcher davantage sur le Banc Georges, que les pêcheurs nous l'avaient dit et qu'ils pêchaient là depuis 50 ans et comprenaient cela mieux que quiconque. Malheureusement, bien trop souvent, le gouvernement a répondu à des pétitions et a augmenté les quotas dans des régions où ils n'auraient pas dû être augmentés.

Le président: Quelle pêche a en fait été ruinée? J'aimerais quelque chose de précis.

M. Thibault: La morue du Nord.

Le président: Le ministère ou le ministre estime-t-il que ce sont des décisions politiques qui ont ruiné la morue du Nord?

M. Thibault: Je crois que l'on pourrait répondre des milliers de choses. Il y a le changement climatique. Il y a la pêche internationale. Sans aucun doute, le développement des ressources au point où il a été poussé sans tenir compte de l'écosystème et des tas d'autres problèmes sont également à l'origine. J'ai dit tout à l'heure que nous pensions que c'était une panacée, que nous pourrions prendre des tas de poissons et créer des emplois. Nous n'avions jamais pensé que c'était une ressource finie. Nous n'avions jamais imaginé que nous pourrions faire chuter les stocks en dessous d'une masse critique où ils ne pourraient plus se reproduire facilement.

Le président: Ce n'était pas nécessairement le gouvernement précédent, mais les gouvernements précédents.

M. Thibault: Oui, les gouvernements.

Le président: Si on remonte au début des problèmes, cela remonte peut-être à 1982-1983 lorsque l'on a étendu la limite à 200 milles. Nous avions le groupe de travail Kirby qui a créé l'élément visant à accroître la flotte de chalutiers hauturiers parce que nous allions avoir une pêche durable de 400 000 tonnes de morue du Nord en haute mer et ces 400 000 tonnes incluaient à la fois la pêche côtière et la pêche hauturière. Cela remonte à 1992, si je ne m'abuse.

M. Thibault: Ce sont certains des éléments. Il est également sorti de la Commission Kirby les quotas transférables et les différents éléments que cela contenait, ce qui est un excellent outil de gestion et qui fait partie des solutions actuelles.

On ne peut pas dire qu'une seule chose est à l'origine du problème. Sénateur, dans la Baie Ste-Marie, il y avait des tas d'usines de hareng. Il y en avait autant qu'on en voulait. Il y avait des usines dans la baie de Fundy ainsi qu'à Black Harbour. C'était énorme. Après un certain temps, quand on a commencé à pêcher à la seine, on sortait beaucoup plus de hareng. Personne ne pensait que cette ressource était limitée. Les questions d'écosystème, de gestion prudente, de précautions, doivent toutes être examinées.

Le président: En fait, ce sont tous les gouvernements précédents et pas un gouvernement en particulier qui sont à l'origine du problème.

M. Thibault: Tout allait bien jusqu'en 1984.

Le président: Une chose qui m'a souvent ennuyé, c'est qu'en juillet 1992, lorsque l'on a imposé le moratoire sur la morue du Nord, le stock de morue du Nord, la biomasse, diminuait d'année en année depuis plusieurs années. Nous ne prenions même pas notre TAC à l'époque. Les chiffres ont continué de diminuer même après l'imposition du moratoire. Cela semble indiquer que la surpêche aurait pu être un problème, mais qu'il y avait d'autres facteurs aussi; non seulement des décisions politiques ont été prises ou même de mauvaises décisions scientifiques, mais il y a eu beaucoup de décisions. Une des choses qui m'a ennuyé très vite après le moratoire et quand les chiffres ont continué à descendre, c'est que nous avons diminué les recherches. Ces recherches auraient pu nous permettre de déterminer de façon plus précise les causes de la disparition de la morue du Nord. Nous avons diminué les budgets de recherche. N'est-ce pas?

M. Thibault: Il y a plusieurs choses. Il y a le problème lui-même. Quand pour une pêche, on ne peut prendre le TAC, quand on ne peut trouver de poisson pour prendre le TAC et que le poisson n'arrive pas aux usines de transformation, il est évident qu'il y a un problème. Toutefois, nous avons eu du mal à le comprendre.

Il y a eu des compressions dans les budgets de recherche, cela ne fait aucun doute. Les montants ont toutefois été rétablis. Mais il faut reconnaître que ce ne sont pas des recherches qui auraient créé du poisson.

Un certain nombre de choses ont pu se produire à propos de la morue. Il y a sans aucun doute eu surpêche. C'est indéniable. Personne ne dirait le contraire. Pourquoi les stocks ne se sont pas renouvelés quand on a ralenti la pêche? Est-ce parce que nous avions fait tomber la biomasse en deçà du niveau critique où elle aurait pu se renouveler rapidement? Est-ce parce qu'elle n'avait plus de quoi se nourrir pour des tas d'autres raisons? Ce sont des questions que l'on pourrait se poser pendant des centaines d'années.

Certains vous diront, d'après ce que nous savons des flottilles européennes, qu'il y a eu des cycles semblables dans le passé, pour ce qui est du climat, mais que ce n'était jamais descendu au niveau que nous avons constaté. La surpêche doit être une des causes majeures.

Le sénateur Robertson: Nous avons parlé de ratification et du fait que nous n'avons pas ratifié à cause des méthodes d'inspection des bateaux suspects. Un représentant du ministère me l'a dit. Est-ce que nous allons bientôt régler le problème afin de pouvoir ratifier?

M. Thibault: Nous traitons avec l'Union européenne et d'autres partenaires. L'Union européenne a adhéré à l'entente des Nations Unies sur les pêches. Cela nous ouvre la voie pour adhérer au droit international de la mer des Nations Unies.

Le sénateur Robertson: Et vous êtes satisfait de la façon dont l'inspection se fait à l'heure actuelle?

M. Thibault: La méthode d'inspection s'améliorera énormément lorsque tous les partenaires qui pêchent dans la zone de l'OPANO auront signé l'entente des Nations Unies sur les pêches.

Le sénateur Robertson: Pour ce qui est de la deuxième recommandation dans notre rapport, à la page 3, à la fin du premier paragraphe concernant le rapport du vérificateur général, nous demandions que le vérificateur entreprenne, pour la côte Est, le même genre de vérification qui a été faite sur la côte Ouest. Vous avez dit que le ministère prenait les recommandations du vérificateur général au sérieux, qu'il avait pris les mesures nécessaires pour répondre aux questions soulevées et pour ce qui est du niveau régional ainsi que du niveau national. Ensuite, vous avez ajouté la petite expression «où c'est nécessaire». Se trouve-t-il quelque chose qui ne soit pas nécessaire dans les recommandations du vérificateur général?

M. Thibault: Il me faudrait revoir quelles étaient ces recommandations, ce que nous avons pu mettre en oeuvre ainsi que les délais nécessaires pour mettre en oeuvre les recommandations au fur et à mesure de la disponibilité des ressources. Parfois, certains éléments changent entre le moment où la recommandation est faite et où surgit le moment opportun pour la mise en oeuvre.

Le sénateur Robertson: Lorsque vous aurez eu cette occasion, vous pourriez peut-être nous faire connaître votre réponse, ce serait intéressant qu'une vérification semblable se fasse pour la côte Est.

M. Thibault: Je serais heureux de le faire.

Le sénateur Watt: Le président mettait l'accent sur la surpêche de la morue. Cela m'inquiète quand les gens nous parlent des répercussions sur la morue et de la façon dont les quantités ont diminué à cause de la surpêche. Les gens oublient qu'un des plus gros responsables de cette situation est le phoque du Groenland.

Les témoins ne semblent pas tenir compte du fait que la pêcherie de la morue s'est effondrée dans l'Arctique. La surpêche a peut-être constitué un des facteurs contributifs, mais je crois que le phoque du Groenland est le principal responsable de l'effondrement des stocks de morue. Nous savons que le phoque doit manger quelque chose. Ce qu'il mange, c'est la morue. Il arrache le ventre de la morue, en garde ce qui fait son affaire et recrache le reste.

Le phoque du Groenland commence aussi à nuire à d'autres espèces océanes. Comme vous le savez probablement déjà, il n'y a plus de saumon de l'Atlantique dans ma région. Son nombre diminue énormément. À mon avis, le saumon de l'Atlantique ne se rétablira probablement jamais. Que fera-t-on des phoques. Il nous faut prendre une décision à cet égard. Si nous ne nous occupons pas du problème, ces phoques continueront de représenter un problème pour notre pays. Cela vaut probablement pour d'autres pays aussi. Ici, au Canada, les phoques commencent à remonter nos rivières. Que font-ils dans nos rivières? Nous le savons: ils mangent. Qu'est-ce que vous répondez à cela?

M. Thibault: Il est intéressant d'aborder cette question des phoques en examinant l'ensemble de l'écosystème. Le président et moi-même venons de cette petite communauté dans cette baie.

D'après des documents écrits, il y avait des phoques en amont dans la rivière. En aval, on pouvait voir les nasses dont se servaient les Autochtones pour pêcher le saumon. Il y avait des quantités énormes de saumon et les phoques se rendaient jusque là. Le homard était tellement abondant dans la baie qu'ils s'en servaient comme fertilisant. Ils envoyaient le hareng fumé aux Antilles par pleins bateaux. Les pêcheurs locaux pêchaient autant de goberge et de morue qu'ils voulaient pour les saler pour eux-mêmes. L'écosystème ne présentait pas de problème et il y avait des phoques en abondance. À l'heure actuelle, il n'y a plus de phoque et il n'y a plus de saumon. Il y a aussi beaucoup moins de harengs. L'écosystème est déséquilibré. Il reste encore beaucoup de homards, mais ils ne se promènent plus sur la plage comme auparavant.

Les phoques ne mangent pas que de la morue. Nous avons demandé à un groupe de personnalités éminentes d'examiner la population de phoques et son effet sur la morue. Nous examinons sérieusement les recommandations que le groupe a faites à la lumière de la demande du Conseil pour la conservation des ressources halieutiques de réduire le troupeau de phoques ou d'améliorer le rendement de la morue. Quand les stocks de morue baissaient, les phoques étaient rendus à moins de 2 000. Il y a maintenant plus de cinq millions de phoques, et il y a très peu de morue. Par conséquent, cette croissance ne s'est pas produite à cause de la morue. Si c'était l'inverse, avec le rétablissement des stocks de morue on verrait probablement plus de phoques. Je pense qu'il y a autre chose à manger dans l'océan.

Nous avons changé notre manière de gérer la population de phoques pour deux raisons: premièrement, nous avons vu la population de phoques croître trop rapidement; et deuxièmement, le phoque est un produit rentable cette année parce que le marché est intéressant. Auparavant, nous avions un quota de 275 000 phoques. Sur les 10 dernières années, je crois qu'il n'y a qu'une seule année où nous avons atteint ce quota de 275 000.

Nous étions d'accord en ce qui concerne l'optique de gestion du risque, par laquelle nous permettions à certaines collectivités d'aller au-delà de leur allocation à condition qu'on termine l'année autour du quota de 275 000. Vu les mouvements des glaces, certaines collectivités n'atteignent pas leur allocation de phoques. Nous avons même permis le prolongement de la saison cette année, sachant que nous avions dépassé le quota de cette année. Nous avons atteint le niveau de 307 000 phoques. Néanmoins, nous sommes toujours en dessous de ce qui serait considéré comme une récolte soutenable quand on tient compte de ce qu'on n'a pas récolté les années précédentes.

Nous sommes en train d'examiner les meilleurs conseils scientifiques que nous avons. Nous allons nous pencher sur un régime de récolte pluriannuel axé sur la viabilité économique qui pourrait éventuellement nous amener à une augmentation du quota de phoques.

Le président: Monsieur le ministre, au nom du comité, je voudrais vous remercier de nous avoir donné autant de votre temps ce soir. Vous avez été très ouvert et franc avec nous. J'espère que nous pourrons compter sur d'autres visites dans l'avenir. La soirée a été des plus agréables. Vous verrez bien d'après l'intérêt manifesté par les membres du comité que la soirée nous a bien plu. Nous avons un groupe de sénateurs très engagés au sein du comité, et ils ont manifesté un très grand intérêt dans le domaine des pêches et des questions liées aux océans.

Nous n'avons pas parlé des océans, mais j'aurais voulu le faire. Je sais que le sujet vous intéresse beaucoup. J'avais des pages et des pages de questions que je voulais soulever à ce sujet, notamment sur le projet de loi sur les aires marines de conservation, et les problèmes qui en découleront pour la Loi sur les océans. C'est un tout autre sujet. J'espère qu'on pourra se pencher là-dessus dans l'avenir.

Est-ce que les honorables sénateurs désirent annexer la réponse de Pêches et Océans Canada à notre rapport intitulé «L'aquaculture dans les régions canadiennes de l'Atlantique et du Pacifique» à nos délibérations?

Des voix: Oui.

Le président: Monsieur le ministre, je vous remercie de vos gentils commentaires concernant notre rapport. Les membres du comité les ont bien appréciés. Vous avez dit le suivant: «Dans l'ensemble, le rapport du comité est équilibré et donne une excellente vue d'ensemble des nombreux enjeux auxquels le secteur de l'aquaculture fait face actuellement.»

Je n'aurais pu mieux faire.

M. Thibault: Je vous remercie pour votre travail sur ce rapport, pour votre travail infatigable, ainsi que votre attention ce soir. Je me réjouis à l'idée de notre prochaine discussion sur la Loi sur les océans.

La séance est levée.


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