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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 3 - Témoignages du 28 mars 2001


OTTAWA, le mercredi 28 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été confiée l'étude du projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law, se réunit aujourd'hui à 15 h 40 pour examiner ledit projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Chers collègues, je déclare la séance ouverte. Le comité est-il d'accord pour passer à l'étude article par article du projet de loi S-4, Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et modifiant certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le comité désire-t-il réserver le titre?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le comité désire-t-il réserver le préambule?

Le sénateur Grafstein: J'ai déposé un amendement auprès de la greffière du comité. Cet amendement est simple. Si vous me le permettez, je vais vous l'expliquer brièvement, mais je vais d'abord en faire la proposition.

La présidente: Nous en sommes à nous demander si le comité souhaite réserver le préambule. Une fois que nous nous serons prononcés sur tous les articles, nous reviendrons à l'article 1, puis au préambule et enfin au titre.

Le sénateur Grafstein: Très bien.

La présidente: Le comité désire-t-il réserver le préambule?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le comité désire-t-il réserver l'article 1?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Les articles 2 à 178 sont-ils adoptés?

Le sénateur Joyal: Je ne vois pas d'objection à ce que tous les articles de fond du projet de loi soient mis aux voix en bloc, sauf en ce qui concerne les articles 4 à 7, au sujet desquels j'aimerais exprimer mon opposition.

La présidente: Très bien. Vous voulez que les articles 4 à 7 inclusivement soient traités à part.

Le sénateur Joyal: C'est juste.

La présidente: Dans ce cas, chers collègues, les articles 2 et 3 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Les articles 4 à 7 sont-ils adoptés?

Le sénateur Joyal: Je le répète, si vous me permettez d'intervenir, j'aimerais que mon opposition à ces articles soit consignée au compte rendu des délibérations du comité.

La présidente: Très bien.

Les articles 4 à 7 sont-ils adoptés? Nous allons consigner au compte rendu des délibérations du comité l'opposition du sénateur Joyal à l'adoption de ces quatre articles.

Le sénateur Grafstein: Peut-être que le sénateur Joyal pourrait prendre une minute pour nous expliquer la teneur de son objection; de cette façon, nous pourrions juger si nous sommes d'accord avec lui ou pas.

Le sénateur Joyal: Avec votre permission, comme je l'ai déjà indiqué à l'occasion de la discussion et des échanges que nous avons eus avec la ministre de la Justice, Mme McLellan, il y a, concernant nos deux systèmes juridiques, le système de droit civil et le système de common law - c'est-à-dire le système de droit civil au Québec et le système de common law en Ontario et en Colombie-Britannique - deux causes où l'on remet en question la validité de la définition de «mariage» qui figure à l'article 5 du projet de loi.

Ce que j'ai suggéré alors, c'était que nous reportions à plus tard l'harmonisation sur cette question jusqu'à ce que le tribunal canadien ait rendu sa décision finale à cet égard, vu que nous n'en sommes qu'à la première étape du processus d'harmonisation et que ce projet de loi sera suivi par d'autres de même nature. Il n'est pas urgent de statuer dès maintenant sur les articles 4 à 7.

Compte tenu de l'arrêt de 1999 de la Cour suprême dans le pourvoi M. c. H., je suis d'avis qu'il y a, dans la définition contenue à l'article 5, une présomption d'inconstitutionnalité étant donné que cette définition pourrait aller à l'encontre de l'article 15 de la Charte canadienne des droits et libertés - qui établit le principe du droit à l'égalité et aux avantages qui en découlent. Ce que je propose à ce sujet, c'est que nous reportions à plus tard notre examen de ce volet du projet de loi, étant donné que les tribunaux des deux systèmes sont actuellement saisis de la question et devront rendre une décision à cet égard.

La présidente: Y a-t-il d'autres discussions à ce sujet?

Le sénateur Beaudoin: Si je me souviens bien, cette objection n'a pas été retenue par l'un de nos experts, en ce sens que, bien que les tribunaux soient saisis de la question, celle-ci n'a pas de lien avec l'objet du projet de loi. Je ne me souviens pas exactement de ce qu'on en a dit, mais je crois me rappeler que ces dispositions ont été incluses dans le projet de loi pour des raisons bien précises. Si jamais nous devions toutefois modifier la législation à cet égard, ce serait dans une autre mesure législative.

Il s'agit là d'une question de procédure. Je comprends parfaitement votre point de vue. Je le respecte au plus haut point, mais je croyais qu'après l'audience, nous avions convenu, au moins une certaine majorité d'entre nous, que nous nous prononcerions sur les articles en question tels quels.

Le sénateur Joyal: Je ne voudrais en aucune façon empêcher mon collègue d'appuyer ces articles du projet de loi.Personnellement, je suis d'avis qu'il faut interpréter l'arrêtM. c. H. sur le principe de l'égalité comme s'appliquant non seulement à la définition de conjoint de fait mais aussi à cellede couple marié. C'est sur cette base que je soutiens que l'interprétation qu'en donne l'article 5 du projet de loi S-4 n'est pas valide au sens de l'article 15 de la Charte. C'est là, essentiellement, le point que je veux faire valoir.

Étant donné que le lieutenant-gouverneur en conseil de la Colombie-Britannique a renvoyé la cause devant la Cour d'appel et que le tribunal l'examinera probablement incessamment, j'estime que nous serions mieux avisés pour le moment de reporter cette harmonisation sur la question du mariage.

La présidente: Sommes-nous prêts à passer au vote?

Les articles 4 à 7 sont-ils adoptés? Quels sont ceux qui sont en faveur de leur adoption?

Des voix: D'accord.

La présidente: Y en a-t-il qui s'y opposent? Sénateur Joyal.

Le sénateur Cools: D'accord.

La présidente: Vous vous y opposez?

Le sénateur Grafstein: Non, je ne m'y oppose pas. Quand un sénateur soulève une objection de fond d'ordre constitutionnelet affirme qu'une disposition que nous examinons estanticonstitutionnelle, j'opte généralement pour m'abstenir, comme je l'ai fait par le passé, vous le savez très bien, à propos de plusieurs projets de loi qui étaient à l'étude au Sénat. N'ayant pas été en mesure d'explorer à fond cette question, je ne saurais exprimer une opinion en pleine connaissance de cause; cependant, quand le sénateur Joyal, ou tout autre membre du comité, soulève une objection de fond, je m'interroge. Je ne vais pas me prononcer sur cette question, car je ne sais trop si je souscris à cette objection d'ordre constitutionnel. Dans les circonstances, je vais donc m'abstenir.

La présidente: Dans ce cas, nous devrions peut-être procéder par appel nominal.

Le sénateur Cools: J'aimerais qu'on me dise où nous en sommes exactement.

La présidente: Nous votons sur les articles 4 à 7, qui portent sur le mariage.

Le sénateur Cools: Avons-nous voté sur les articles 1 à 3?

La présidente: Nous avons voté sur les articles 2 et 3.

Le sénateur Cools: Nous réservons, comme nous le faisons habituellement, l'article 1, et nous avons voté sur les articles 2 et 3.

La présidente: Exactement.

Le sénateur Cools: Nous nous apprêtons à voter sur l'article 4.

La présidente: Nous nous apprêtons à voter sur les articles 4 à 7.

Le sénateur Cools: Merci.

La présidente: Il s'agit des articles qui se trouvent au bas de la page 2 et qui portent sur le mariage.

Le sénateur Cools: Je suis en faveur de l'adoption de ces articles.

La présidente: Puisque ces articles ne font pas consensus, peut-être devrions-nous les mettre aux voix par appel nominal. Les articles 4 à 7 sont-ils adoptés?

Mme Jill Anne Joseph, greffière du comité: Sénateur Milne.

La présidente: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Buchanan.

Le sénateur Buchanan: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Cools.

Le sénateur Cools: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Je m'abstiens.

Mme Joseph: Sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Contre.

Mme Joseph: Sénateur Moore.

Le sénateur Moore: D'accord.

Mme Joseph: Sénateur Gustafson.

Le sénateur Gustafson: Je m'abstiens.

Mme Joseph: Sénateur Pearson.

Le sénateur Pearson: D'accord.

La présidente: Les articles 4 à 7 sont adoptés.

Les articles 8 à 178 sont-ils adoptés?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Donc, les articles 8 à 178 sont adoptés.

L'article 1 est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le préambule est-il adopté?

Le sénateur Grafstein: J'ai déposé une motion à ce sujet auprès de la greffière, et je devrais peut-être prendre une minute ou deux pour vous en parler. Il ne s'agit pas d'une motion compliquée; essentiellement, elle a pour objet de supprimer le préambule.

Il y a un certain nombre de motifs qui militent en ce sens. D'abord, après avoir passé en revue les témoignages, j'en suis venu à la conclusion qu'il apparaît clair que le préambule, d'après les observations qu'ont formulées certains témoins et sénateurs, n'est pas un simple énoncé de principes. Il est là pour des raisons précises, comme l'ont confirmé le ministère et ses fonctionnaires, raisons dont certaines sont d'ordre politique et sur lesquelles je ne vais pas m'attarder.

Normalement, en common law, du moins d'après mon expérience en ma qualité d'avocat et de conseiller juridique ayant été appelé à examiner des lois, notamment de common law, les lois ne comportent pas de préambule, car elles sont en elles-mêmes explicites. Heureusement, le ministère nous a dit, la semaine dernière, que le projet de loi ne souffrirait en aucune façon de l'absence de ce préambule. À la séance du 22 mars dernier, le sénateur Moore a posé la question suivante:

Ai-je raison de dire qu'il vous importerait peu que l'un ou l'autre de ces amendements soient adoptés ou non?

Voici ce qu'a répondu M. DeMontigny:

Cela ne changerait en rien la substance du projet de loi. Nous en sommes persuadés. Le projet de loi porte sur l'harmonisation des lois fédérales avec le nouveau Code civil du Québec, et le présent préambule n'est là que pour expliquer dans quel contexte s'inscrit cet exercice, rien de plus, rien de moins.

Essentiellement, nous nous sommes prononcés sur le fond du projet de loi, et, à vrai dire, le préambule ne change rien à ce que nous avons fait. Ce qu'on constate habituellement en common law - et je vois certains sénateurs hocher de la tête en signe d'approbation -, c'est qu'on rédige un préambule quand les auteurs d'un projet de loi veulent donner aux personnes qui auront à faire appliquer la loi en question des indications concernant son interprétation.

Permettez-moi de vous illustrer concrètement mon propos en vous donnant l'exemple de la Loi sur la radiodiffusion, qui régit le CRTC. Cette loi comporte normalement un préambule pour indiquer au CRTC, un tribunal administratif, quels objectifs il doit poursuivre. Il en va de même dans le cas de la Loi sur les transports nationaux. Ainsi donc, il y a un certain nombre de lois où le gouvernement prend soin d'imprimer une orientation, soit directement par décret, soit par énoncé de principes généraux, d'affirmer que le Parlement tient à ce qu'on prenne en considération tels priorités ou objectifs particuliers dansl'interprétation desdites lois. Il n'en est rien dans ce cas-ci. Le préambule ici n'est pas nécessaire. Le ministère nous a fait savoir qu'il ne l'est pas.

Et voilà qu'à l'examen, nous nous rendons compte que les témoignages que nous avons entendus concernant l'interprétation à donner au contenu de ce préambule sont parfois contradictoires, certains ne donnant pas le même sens que d'autres à tel mot ou telle expression.

D'ailleurs, le sénateur Moore vient de porter à mon attention un élément qui m'avait échappé jusque là, le quatrième «attendu» du préambule, qui dit ceci:

Attendu que le plein épanouissement de nos deux grandes traditions juridiques ouvre aux Canadiens une fenêtre sur le monde et facilite les échanges avec la grande majorité des autres pays;

Or, cela ne veut rien dire, chers collègues, ce qui m'amène à mon prochain point.

D'après Erskine May et Beauchesne, le libellé de tout texte législatif, qu'il s'agisse d'un préambule ou d'un amendement, doit satisfaire à deux exigences. D'après Erskine May, à la page 346 de la 22e édition, premièrement, le texte doit être intelligible, et, deuxièmement, il doit y avoir cohérence interne entre ses divers éléments. Beauchesne abonde dans le même sens en affirmant essentiellement qu'un préambule doit être rédigé dans un but précis; il ne doit pas constituer un simple énoncé descriptif.

Puis, il y a les discussions concernant l'interprétation à donner à certains mots. Ainsi, je suis frappé par les énormes divergences qui se manifestent au sein de notre comité, de même que chez les témoins que nous avons entendus, en ce qui a trait à la signification de certains mots. Un bel exemple de telles divergences, c'est la motion d'amendement qu'a présentée le sénateur Joyal sur laquelle nous allons nous pencher dans un moment.

Pour certaines personnes, «société distincte» veut dire une chose et «société unique», autre chose. Il y a, si l'on se fonde sur le témoignage du ministère, une incohérence, une incohérence de fond, dans le fait qu'on dise qu'on a rédigé ce préambule pour deux motifs: premièrement, pour assurer la concordance avec une certaine résolution qu'a adoptée le Parlement.

Si on examine cette résolution du Parlement, on constate que sa teneur est différente. Il y est question de «société distincte», alors que, dans ce préambule, on parle plutôt de «société unique». Les mots «distincte» et «unique» ont un sens très différent. J'ai fait remarquer que, selon le dictionnaire Oxford, «distinct» signifie «différent» et «unique» signifie «qui n'a pas son pareil». Ce sont des mots qui n'ont pas la même signification. C'est donc dire qu'il n'y a pas de cohérence interne dans la raison d'être de ces deux énoncés.

Le deuxième motif est d'en faire un outil d'interprétation, ce qui contredit le point de vue de ceux qui disent que ce préambule n'aura aucun impact sur le plan juridique. Là encore, le ministère est de l'avis à la fois de ceux qui croient qu'un préambule sert à interpréter la loi et de ceux qui pensent le contraire. Les témoignages que nous avons entendus ne nous permettent pas non plus de trancher. Cependant, comme d'autres qui s'y connaissent bien en la matière, j'ai personnellement une idée claire de ce qu'il en est. À notre séance du 22 mars dernier, M. DeMontigny, en réponse à une question du sénateur Cools, a affirmé ce qui suit:

En ce qui a trait à votre première question, peut-être ne me suis-je pas exprimé assez clairement. Je ne crois pas avoir jamais dit que les préambules n'étaient d'aucune utilité sur le plan juridique. Ils ont une telle utilité, car, en cas d'ambiguïté concernant la substance d'une loi, ils servent à interpréter les mots, les phrases et les sections qui posent problème.

Voilà qui affirme on ne peut plus clairement que les tribunaux se servent des préambules comme de guides pour faire appliquer la loi en cas de litige.

Voici ce à quoi tient la cohérence interne du projet de loi. D'une part, le fond même du projet de loi indique... de toute évidence c'est là l'intention du législateur, il n'y a aucun doute là-dessus. Le projet de loi a expressément pour objet d'«harmoni ser», de faire concorder, des concepts différents.

Ce qui est beaucoup plus intéressant encore, c'est que le projet de loi, à l'article 8, est même plus explicite à cet égard. Je tiens à remercier de nouveau les fonctionnaires du ministère d'avoir dit qu'il y a dans ce projet de loi un élément nouveau, qui n'a en réalité rien à voir avec les notions de deux solitudes ou de sociétés «distinctes». Les rédacteurs du projet de loi cherchent à implanter une nouvelle façon de rédiger les lois, non pas hybride, car je n'aime pas ce mot - bijuridique est le terme exact -, qui consiste à tenter d'amalgamer les deux systèmes juridiques sans que l'un prenne le pas sur l'autre. Il s'agit là d'un objectif digne de louanges. Voilà quel est l'objet de l'article 8, à savoir modifier la Loi d'interprétation, proposer un nouvel outil d'interprétation fondé sur des concepts bijuridiques.

C'est pourquoi j'en viens à conclure que, si le préambule n'est pas clair, il risque d'engendrer la division. Il se peut que le préambule ne concorde pas avec le fond de la mesure législative et qu'en fait, il donne lieu à de fausses interprétations. Si on le supprime, le projet de loi ne comportera aucune ambiguïté. Les tribunaux s'inspireront de l'article 8 projeté - qui, selon moi, ne concorde pas tout à fait avec le préambule - qui vise à faire accepter comme base le principe du bijuridisme et à en venir à harmoniser les deux systèmes juridiques dans le droit fédéral.

Je n'étais pas présent, madame la présidente, à la séance de jeudi dernier. Vous y avez fait l'affirmation suivante, qui n'est pas claire à mes yeux.

La présidente: Simplement en guise de conclusion, serait-il juste de dire, monsieur DeMontigny, qu'étant donné que ce que l'on vise dans tout ce processus, c'est de clarifier le droit fédéral, le projet de loi a pour objet d'en éliminer toute ambiguïté, et que, partant, le préambule n'est là que pour situer le projet de loi dans son contexte et ne servira probablement jamais?

M. DeMontigny: Je crois que vous avez tout à fait raison.

Je ne crois pas que ce processus ait pour objet de clarifier le droit fédéral, ni d'y dissiper toute ambiguïté, mais simplement d'harmoniser le droit fédéral.

Si je vous cite ici, madame la présidente, ce n'est pas pour vous critiquer. Votre conclusion illustre la difficulté que pourra causer la prise en considération de ce préambule, du fait qu'il n'est pas aussi clair qu'on voudrait bien qu'il le soit. Les sénateurs ont le devoir envers eux-mêmes, de même qu'envers les gens des régions qu'ils représentent, de supprimer du projet de loi toute ambiguïté qu'il pourrait comporter et tout élément qui pourrait prêter à équivoque. Je crois que c'est précisément ce que fera ce préambule. Plutôt que de conserver un préambule qui risque d'engendrer des divergences d'interprétation, nous devrions donc ne retenir que le corps proprement dit du projet de loi, dans lequel il est nettement établi que l'objet de la loi est l'harmonisation et qui indique clairement aux tribunaux comment en interpréter le contenu.

Je ne prendrai pas soin de réfuter les autres arguments qui ont été avancés pour justifier le maintien du préambule. Je suis certain que le sénateur Joyal et d'autres s'en chargeront.

Je propose donc l'amendement tout simple que voici:

Que le projet de loi S-4 soit modifié:

a) aux pages 1 et 2, par suppression du préambule;

b) dans la version anglaise de la formule d'édiction, à la page 2, par substitution, à la ligne 1, de ce qui suit:

«Her Majesty, by and».

La présidente: Le sénateur Grafstein ayant proposé sa motion d'amendement, la discussion est maintenant ouverte.

Le sénateur Beaudoin: Je suis en désaccord avec vous sur les prémisses mêmes de votre argumentation. Le projet de loi n'a pas pour objet d'harmoniser le droit civil et la common law. Ce n'est pas là l'objet de ce projet de loi. Le droit civil est le droit privé du Québec. La common law est le droit privé dans toutes les autres provinces. Il en demeurera ainsi. Il en a été ainsi depuis le début de la Confédération. Au Québec, il en est ainsi depuis l'Acte de Québec.

Que fait ce projet de loi? Il harmonise le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec. Un point, c'est tout.

Le sénateur Grafstein: Non. Poursuivez, je vous prie.

Le sénateur Beaudoin: J'ai le plus grand respect pour votre thèse.

Le sénateur Grafstein: Nous avons déjà adopté le titre. Allez-y, continuez.

Le sénateur Beaudoin: S'il vous plaît, laissez-moi la chance de dire ce que je veux dire et ce que la loi, à mon avis, dit.

Le projet de loi a pour objet d'harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec et de modifier certaines lois pour que chaque version linguistique tienne compte du droit civil et de la common law.

Le droit civil demeurera le droit civil et la common law, la common law. Cependant, les lois fédérales, les lois fédérales du Canada, seront harmonisées avec le génie du droit civil au Québec, tout comme elles sont déjà harmonisées avec le génie de la common law dans les autres provinces. C'est merveilleux. Je n'y vois aucun problème. Il y a fort longtemps que nous aurions dû faire adopter un tel projet de loi.

[Français]

Je félicite les fonctionnaires, qui ont très bien rédigé ce projet de loi. Un préambule, à mon avis, peut exister et peut ne pas exister. Il serait bien dommage de ne pas avoir ce préambule dans une loi, la première depuis la Confédération du Canada, qui harmonise les lois fédérales au Code civil de la province de Québec.

Non seulement j'appuie le préambule, mais aussi je me félicite qu'il y en ait un. N'oubliez pas que l'on est en pleine histoire. Le droit civil, les lois civiles françaises ont été réintroduites au Québec, en 1774, par le Parlement britannique. C'est peut-être une des raisons pour lesquelles nos ancêtres sont restés fidèles à la Couronne britannique au lieu d'aller rejoindre les Américains; je pense que c'est le cas.

Enfin, c'est un statut, un projet de loi qui baigne dans l'histoire. Alors qu'un projet de loi comme celui-là soit précédé d'un préambule relève de la nature même des choses. C'est un projet de loi historique.

Je ne discute pas ici de la terminologie. On l'a déjà fait. Je pense que tous les attendus se justifient, y inclus le deuxième où on dit très clairement que c'est pour la province de Québec, et que la province de Québec a des pouvoir constitutionnels dansnotre Constitution, entre autres, l'article 92.13. On dit qu'une harmonisation harmonieuse de la juridiction fédérale etprovinciale s'impose.

Je reviens au concept. On ne change pas le droit civil et la common law. On n'harmonise pas le droit civil à la common law. On harmonise les lois fédérales au système de droit civil de la province de Québec. Il y a déjà une certaine harmonisation à la common law des autres provinces. J'espère que le système civil et de common law demeureront comme ils sont. Ce sont les deux plus beaux régimes au monde. On le dit dans le préambule. On n'harmonise pas les deux systèmes. On harmonise les lois fédérales au Code civil du Québec et c'est ce que le préambule dit.

Enfin, je ne veux pas prendre des heures et des heures à l'expliquer. C'est le premier projet de loi de cette nature. Il y en aura d'autres. Pour la première fois depuis la Confédération, on harmonise les lois fédérales au Code civil, qui a son génie propre, comme la common law a son génie propre.

Je ne vois pas pourquoi on voterait contre ce préambule. Je sais que certains prétendent que le deuxième attendu pourrait être différent. Il pourrait l'être. J'espère que je connais bien l'histoire de mon pays. D'après moi, cela reflète bien les grandes valeurs du Canada et de chacune de ses provinces. Je vais voter pour qu'on retienne le préambule.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Je vais intervenir en ma qualité de non-avocate. La plupart des Canadiens ne sont pas avocats. Par conséquent, pour autant que les lois sont des choses que nous sommes censés connaître et inclure dans notre éducation, il n'est peut-être pas mauvais que je ne sois pas avocate dans les circonstances. Je suis moi aussi en faveur du maintien du préambule, et ce, pour un certain nombre de raisons, dont certaines sont analogues à celles qu'a exposées le sénateur Beaudoin. Comme lui, je crois qu'il s'agit là d'un événement historique. Je crois que nous y perdrions quelque chose en ne maintenant pas le préambule. Il me semble que le préambule offre une occasion d'éduquer, si l'on peut dire, les gens qui auront à utiliser cette loi et la population en général.

Je trouve que les propos les plus convaincants et les plus intéressants que nous ayons entendus de la part de témoins sont ceux qui portaient sur la description de l'impact que cette harmonisation aura sur notre ouverture au monde extérieur. Selon moi, ce préambule est important parce qu'il souligne que cette harmonisation nous ouvre une fenêtre sur le monde. Il est fascinant de constater que nous avons à la fois le droit civil en anglais et en français et la common law en anglais et en français et que nous avons trouvé dans le droit fédéral le moyen d'harmoniser et d'assimiler le génie des deux systèmes et d'adapter le droit fédéral en fonction du génie de l'un et l'autre de ces deux systèmes. Les propos des professeurs qui ont décrit la façon dont cet atout peut être utile sur la scène internationale m'ont impressionnée. C'est quelque chose d'important.

Quant à cette question du caractère unique, j'ai été fascinée par ce qu'a dit un de ces professeurs à propos de ce que signifie le mot «société». Une société, c'est un ensemble de personnes qui sont unies par certains types de liens. Si vous demeurez dans la province de Québec, il importe peu que vous soyez anglophone ou francophone. Là n'est pas la question. Si vous demeurez dans la province de Québec, vos interactions privées sont guidées par le droit civil, ce qui n'est pas le cas si vous vivez dans la province de l'Ontario. Aucune autre société au Canada, dans aucune des provinces canadiennes - et on a fait mention tant de la province de Québec que de la société québécoise - ne possède cette caractéristique. Par conséquent, il s'agit là, selon moi, d'une réalité unique.

C'est pourquoi j'aurais du mal à décrire - et je n'essaierai certes pas de le faire - les caractéristiques précises qui différencient les gens qui sont régis par le Code civil et ceux qui sont régis par la common law, mais cette différence nous apparaît manifeste quand, appelés à nous pencher sur d'autres mesures législatives, nous constatons qu'au Québec, les choses se passent en quelque sorte autrement que dans les autres provinces. Or, non seulement cette constatation ne m'inquiète pas, mais, à mon avis, il est important que nous en prenions acte. Le sénateur Beaudoin a parlé du génie propre de chacun de nos deux régimes. Voilà de quoi il s'agit, de rien de moins que de leur esprit respectif. Autrement, ce serait dire que la loi ne nous touche pas du tout. Or, il se trouve que la loi nous touche. En société, nous sommes régis par ces codes différents - les individus comme les entreprises privées, quelles que soient nos interactions. Ce préambule me convient, et j'estime qu'on doit le maintenir.

[Français]

Le sénateur Joyal: J'ai écouté attentivement les commentaires du sénateur Beaudoin. Il n'y a personne d'entre nous qui dispute l'objectif du projet de loi. Bien au contraire, nous avons eu l'occasion de se prononcer là-dessus en deuxième lecture. Il est superfétatoire d'insister à cette étape-ci. Je trouve, cependant, extraordinaire que le sénateur Beaudoin appuie le préambule sans reconnaître que la difficulté tient essentiellement au concept de caractère unique de la société québécoise. Nous le savons, il ne faut pas tourner autour du pot, c'est le problème. Je comprends les bonnes intentions du sénateur Pearson de vouloir reconnaître que le Québec a un Code civil.

Selon moi, il faut procéder de la même façon que la Constitution canadienne. Elle est le modèle de référence lorsqu'on veut reconnaître, au Québec, l'existence d'un Code civil et d'une magistrature pour l'interpréter. C'est l'article 98 qui le dit, et je le cite en anglais:

[Traduction]

Les juges des cours du Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province.

On ne dit pas: «Les juges des cours du Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province à cause du caractère unique de la société québécoise.» La Constitution ne dit pas cela. Elle n'a pas besoin de le dire. Un texte de loi se doit d'être factuel et neutre.

Nous savons tous, sénateur Pearson, que le débat sur le caractère unique du Québec a divisé les Canadiens. En réalité, les Canadiens ont voté à deux reprises contre cette notion. Ils ont refusé d'endosser l'Accord du lac Meech. Ce projet d'accord a d'abord recueilli un appui passablement important, mais il a fini par être rejeté. Laissons aux historiens le soin de se prononcer sur cette question. Comme mon collègue, le sénateur Buchanan, s'en souviendra sans doute, si l'Accord du lac Meech n'a pas été adopté, ce n'est pas parce que les Canadiens n'y souscrivaient pas et ne voulaient pas en arriver à un règlement de la question constitutionnelle ou pour quelque autre raison de ce genre. Je crois que les gens ont été de bonne foi, mais l'accord ne s'est pas matérialisé. La question est demeurée en suspens.

Puis il y a eu l'Entente de Charlottetown, et les Canadiens ont alors voté contre l'inclusion de cette notion dans la Constitution. Les Canadiens se sont prononcés sur cet accord. La thèse que je vous?

Le sénateur Pearson: Eh bien?

Le sénateur Joyal: Vous pouvez toujours dire «Eh bien», mais cela ne change pas un iota à la situation qui règne dans la province de Québec. Le Québec a encore un Code civil. En 1984, on y a adopté un Code civil révisé qui est censé être moderne et précis du point de vue du gouvernement du Québec et de la population québécoise. À ce moment-ci, nous n'avons pas à inclure cette notion dans un projet de loi qui, essentiellement, constitue un exercice de la responsabilité du gouvernement fédéral qui vise à refléter dans les lois fédérales nos deux traditions juridiques. C'est là le seul point que je veux faire valoir à ce moment-ci.

Nous savons que cette notion est génératrice de division. Nous en débattons ici, et nous en débattrons ailleurs. On en débattra jusqu'à ce que le peuple canadien décide de trancher la question, si jamais il est invité à le faire à un moment donné dans l'avenir.

Nous ne parlons pas de faits ici, sénateur Pearson, mais plutôt de concepts politiques. C'est là que vous et moi divergeons d'opinion sur cette question. Vous parlez des faits - à savoir qu'au Québec, il y a un Code civil et que, dans les autres provinces, il y a la fluidité de la common law. Nous en convenons. Ce que nous disons, c'est qu'en n'utilisant que ce concept, vous prenez position sur une question politique dont nous pourrions débattre longuement, qui a été débattue et qui continuera de l'être. Voilà ce sur quoi vous et moi divergeons d'opinion.

La présidente: Heureusement, nous n'avons pas à être tous du même avis au Sénat.

Le sénateur Joyal: J'ai écouté attentivement ce que le sénateur Pearson avait à dire et je vous serais très reconnaissant de m'écouter également jusqu'à ce que j'aie terminé.

Le sénateur Cools: Il me semble que, d'après ce que nous avons entendu, nous pouvons définitivement affirmer qu'il n'y a absolument pas de désaccord sur la substance du projet de loi, mais seulement sur la question du préambule. On nous a également dit que le préambule d'une loi a pour objet d'en faciliter l'interprétation.

Si nous sommes entièrement d'accord en ce qui concerne la substance du projet de loi - le problème étant en rapport avec le préambule -, il me semblerait politiquement souhaitable que, peut-être, nous envisagions de modifier le préambule. Le sénateur Grafstein a proposé un amendement portant suppression du préambule.

J'ai entendu les arguments très clairs du sénateur Beaudoin. Son point de vue concorde bien avec son opinion concernant l'Entente de Charlottetown. Peut-être que le groupe de constitu tionnalistes qui a approuvé l'Entente de Charlottetown devrait éventuellement intervenir dans le débat. Il me semble toutefois, chers collègues, que nous y gagnerions beaucoup et que nous éviterions d'y perdre beaucoup si nous convenions tout simple ment de supprimer le préambule.

Le sénateur Fraser: Cette expression ne vient ni de l'Accord du lac Meech ni de l'Entente de Charlottetown. Elle est tirée de la déclaration de Calgary, qui a été rédigée par les premiers ministres de toutes les provinces sauf celui du Québec. Elle a été abondamment débattue dans l'ensemble du pays par des gens ordinaires - non seulement par les premiers ministres et les élus - et elle a obtenu un large appui dans tout le pays.

Le sénateur Beaudoin: Permettez-moi de rappeler la célèbre motion qui a été adoptée par le Sénat et la Chambre des communes. Elle dit ceci:

Attendu que le peuple du Québec a exprimé le désir de voir reconnaître la société distincte qu'il forme, [il est résolu que]:

(1) la Chambre reconnaisse que le Québec forme, au sein du Canada, une société distincte;

(2) la Chambre reconnaisse que la société distincte comprend notamment une majorité d'expressionfrançaise, une culture qui est unique et une tradition de droit civil;

(3) la Chambre s'engage à se laisser guider par cette réalité;

(4) la Chambre incite tous les organismes des pouvoirs législatif et exécutif du gouvernement à prendre note de cette reconnaissance et à se comporter en conséquence.

Ainsi donc, même si d'aucuns affirment que cette expression est tirée de la déclaration de Calgary, elle s'inspire probablement également de ce que je viens de vous lire, à savoir la fameuse motion. Cette prise de position n'a jamais été écartée par la Chambre des communes et le Sénat. Je tenais à le mentionner. Je ne veux pas déclencher un nouveau débat, mais le fait est que cette motion a été adoptée et figure encore dans les comptes rendus des délibérations des deux chambres du Parlement. Le deuxième «attendu» du préambule a manifestement été en partie inspiré par cette motion. C'est tout ce que je voulais faire valoir. Quant à la question de savoir si nous devrions conserver cette expression, c'est une autre affaire. Toutefois, le fait est que l'expression existe.

Le sénateur Joyal: Sur ce point, j'aimerais qu'on mette les choses au clair. Le sénateur Fraser a mentionné qu'à son avis, le deuxième «attendu» renvoyait à la déclaration de Calgary, n'est-ce pas?

Le sénateur Fraser: J'ai dit que c'est de cette déclaration qu'on a tiré cette expression.

Le sénateur Joyal: Exactement. J'y vois quelque similitude. Par contre, nous ne saurions affirmer qu'elle provient de la déclaration de Calgary et en même temps de la résolution des deux chambres. Sur le plan juridique, il s'agit de deux textes tout à fait différents.

[Français]

Nous ne pouvons pas dire, soutenir ou laisser sous-entendre que la résolution de 1995 lie le Parlement actuel. À mon avis, cette résolution n'a aucune force liante sur le Parlement. Elle a une force dans la mesure de l'existence du Parlement où elle a été adoptée. Si on veut diriger les mêmes instructions au Parlement canadien d'aujourd'hui, il faudrait la réintroduire.

[Traduction]

Lorsque le Parlement est prorogé pour la tenue d'élections générales, les instructions qui ont été données au gouvernement par le Parlement meurent le lendemain. Le gouvernement suivant n'est pas tenu de suivre les mêmes instructions. Le gouvernement suivant n'est d'ailleurs pas forcément le même gouvernement.

Cette résolution n'a absolument aucune portée ou valeur juridique à l'heure actuelle en ce qui touche la reconnaissance du Québec au sein de la fédération canadienne.

Le sénateur Beaudoin: Je ne suis pas en désaccord avec vous là-dessus. L'expression «la tradition de droit civil de la province de Québec» est la même que celle que je vois dans cette résolution. En effet, «tradition de droit civil» figure également dans la résolution. Comme je l'ai dit à maintes reprises, le seul mot sur lequel nous ne nous entendons pas, c'est le mot «société».

Le sénateur Joyal: «Société distincte» ou «société unique», oui.

Le sénateur Beaudoin: Nous sommes en désaccord là-dessus. Le Sénat tranchera. Le reste revient toujours au même, que ce soit dans la déclaration de Calgary ou dans la résolution adoptée par les deux chambres. Je comprends parfaitement votre point de vue. Je le respecte au plus haut point, mais cette expression est là, et nous pouvons l'utiliser dans le préambule. Je suis d'avis que, dans le cas qui nous occupe, le préambule a son utilité.

Le sénateur Fraser: Quand cette résolution a été adoptée, je n'avais pas le privilège d'être membre de cette chambre, mais je demeurais au Québec au moment où on y a vécu les bouleversants lendemains du scrutin référendaire. Je me souviens de la façon dont ces résolutions ont été accueillies au Québec. Elles n'y ont pas été perçues comme de petites formules vides de sens, sans conséquences et appelées à mourir. Elles ont été reçues comme un engagement politique solennel - politique au meilleur sens du terme - et non comme quelque chose qui allait s'évanouir au bout de 18 mois.

Le sénateur Cools: J'invoque le Règlement. De telles résolutions ont la même durée de vie que celle du Parlement qui les adopte. Que cela nous laisse perplexes ou non, c'est là la nature des résolutions du Parlement. Elles meurent au moment de la dissolution du Parlement.

Le sénateur Fraser: Ce n'était pas le point que je faisais valoir.

Le sénateur Cools: Cela n'importe pas vraiment. Ce qui compte, c'est que cette résolution ne lie actuellement personne.

La présidente: Je ne vois personne d'autre qui veuille intervenir sur cette question. Sommes-nous prêts à nous prononcer sur la proposition d'amendement du sénateur Grafstein?

Le sénateur Grafstein propose:

Le sénateur Grafstein: Je vous dispense de la lecture!

La présidente: Êtes-vous prêts à voter?

Des voix: D'accord.

La présidente: Le comité désire-t-il adopter la motion? S'il y a dissidence, nous voterons par appel nominal.

Le sénateur Joyal: Votons par appel nominal, s'il vous plaît.

Le sénateur Beaudoin: Ce dont nous sommes saisis, c'est d'une proposition d'amendement.

Le sénateur Fraser: Non. Le vote par appel nominal.

Le sénateur Cools: Oui, nous avons été saisis de la proposition d'amendement du sénateur Grafstein.

La présidente: Nous sommes en effet saisis de la proposition d'amendement du sénateur Grafstein.

Le sénateur Cools: C'est sur quoi nous votons maintenant.

La présidente: Nous voterons d'abord par oui ou non, et si je constate que quelqu'un veut exprimer son désaccord, nous procéderons par appel nominal.

Ceux qui sont en faveur de la proposition d'amendement du sénateur Grafstein?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente: Nous allons donc procéder par appel nominal.

Mme Joseph: Sénateur Milne?

La présidente: Contre.

Mme Joseph: Sénateur Beaudoin?

Le sénateur Beaudoin: Contre.

Mme Joseph: Sénateur Buchanan?

Le sénateur Buchanan: Contre.

Mme Joseph: Sénateur Cools?

Le sénateur Cools: Pour.

Mme Joseph: Sénateur Fraser?

Le sénateur Fraser: Contre.

Mme Joseph: Sénateur Grafstein?

Le sénateur Grafstein: Pour.

Mme Joseph: Sénateur Gustafson?

Le sénateur Gustafson: Je vais m'abstenir.

Mme Joseph: Sénateur Joyal?

Le sénateur Joyal: Pour.

Mme Joseph: Sénateur Moore?

Le sénateur Moore: Pour.

Mme Joseph: Sénateur Pearson?

Le sénateur Pearson: Contre.

La présidente: Les «contre» l'emportent. La motion d'amen dement est rejetée.

Y a-t-il d'autres amendements au préambule?

Le sénateur Joyal: Oui.

La présidente: Le sénateur Joyal a quelques amendements à proposer. Pendant qu'on en distribue le texte, monsieur le sénateur Joyal, pourriez-vous lire votre motion d'amendement pour le bénéfice du compte rendu ou voulez-vous que je le fasse moi-même?

Le sénateur Joyal: Vous pouvez la lire.

La présidente: Le sénateur Joyal propose:

Que le projet de loi S-4 soit modifié, dans le préambule, à la page 1,

a) par adjonction, avant la ligne 2, de ce qui suit:

«que la coexistence de deux traditions juridiques, le droit civil et la common law, apporte au Canada un enrichissement exceptionnel;

qu'il est essentiel, pour assurer l'expression la plus complète du droit civil et de la common law dans le contexte canadien, que les deux traditions juridiques évoluent et s'épanouissent à la fois en français et en anglais;»

b) par substitution, aux lignes 5 à 9, de ce qui suit:

«que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec

c) par adjonction, après la ligne 22, de ce qui suit:

«que le gouvernement du Canada a pour objectif de faciliter le plein épanouissement des traditions de droit civil et de common law dans les versions française et anglaise de la législation fédérale;»

Le comité souhaite-t-il débattre de cette motion?

Le sénateur Joyal: J'aimerais attirer votre attention, chers collègues, sur une autre page qu'on est à vous distribuer, une page qui ne porte aucun titre, mais qui, en réalité, constitue une consolidation des divers «attendus» dont je propose l'ajout au préambule, dans l'ordre où ils apparaîtraient dans un nouveau texte. Je vous fais remarquer que le quatrième «attendu» a été supprimé et remplacé par l'«attendu» suivant:

Que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec.

Autrement dit, je tiens à ce que vous puissiez, chers collègues, vous faire une idée claire de la façon dont le nouveau texte se présenterait.

La présidente: De la façon dont le préambule serait alors libellé?

Le sénateur Joyal: Oui. Quand nous avons diversamendements qui touchent à de longues sections, comme dans le cas du présent préambule, il est difficile de comprendre dans quelle section chacun de ces amendements s'inscrit précisément.

Le premier amendement est nécessaire pour énoncer ce qui caractérise vraiment le Canada à cet égard. Quelle est,essentiellement, cette caractéristique de notre pays? C'est qu'il est enrichi par la coexistence de nos deux systèmes juridiques - autrement dit, par le fait que les deux systèmes y existent ou coexistent. Ils ont une existence différente. Voilà ce que signifie au Canada le terme «coexistence» - c'est-à-dire l'existence parallèle de la common law et du droit civil. D'abord, l'amendement affirme ce fait. Tout part de là. C'est la coexistence de nos deux traditions juridiques qui caractérise le Canada.

Le deuxième «attendu» porte sur le fait que chacun de ces deux systèmes s'exprime et évolue en anglais et en français. Cela est très important.

[Français]

Je fais référence à M. le doyen Perret, de la faculté de droit de l'Université d'Otttawa.

[Traduction]

Il a clairement affirmé qu'il y a des millions de francophones qui utilisent la common law en anglais tout comme il y a environ un million de Canadiens anglophones qui vivent au Québec et qui utilise le Code civil en anglais. Autrement dit, il est important de reconnaître que l'une et l'autre de nos deux traditions juridiques s'expriment dans les deux langues officielles du Canada. Il s'agit là d'un élément important de la réalité que nous voulons reconnaître.

L'«attendu» litigieux est celui qui correspond au deuxième «attendu» de la proposition, celui qui porte sur le Code civil du Québec. Je tiens à vous faire remarquer, chers collègues, que je me suis efforcé de le rédiger de la façon la plus neutre possible. Ce qui donne: «que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec». En d'autres termes, le Code civil du Québec existe au Canada et il est la principale expression de la tradition de droit civil au Canada. Autrement dit, nous n'avons pas à préciser qu'il caractérise la société québécoise. Il est tout à fait manifeste que c'est le Code civil du Québec qui est le porteur de la tradition de droit civil au Canada.

Comme je l'ai mentionné précédemment, cela est en tout point conforme à l'article 98 de la Constitution, qui dit: «Les juges des cours du Québec seront choisis parmi les membres du barreau de cette province». C'est tout à fait clair et neutre. On n'y fait aucune référence à un concept socio-politique voulant que le Québec forme une société distincte au sein du Canada de par la langue de sa majorité, ou je ne sais quoi. On n'y fait pas référence à la déclaration de Calgary ni à quelque chose d'autre de ce genre; l'énoncé est neutre.

Le dernier «attendu» dit:

Que le gouvernement du Canada a pour objectif de faciliter le plein épanouissement des traditions de droit civil et de common law dans les versions française et anglaise de la législation fédérale;

Il est important de reconnaître que le gouvernement fédéral a assumé un rôle particulier de leadership en facilitant à chacune de ces deux traditions son expression dans les deux langues officielles de notre pays. Les fonctionnaires du ministère - et je vois que M. Bisson est présent ici - insistent sur l'importance de la terminologie à cet égard et sur tout ce que le gouvernement du Canada a fait pour développer la terminologie pertinente de manière à ce que la common law s'exprime dans les deux langues officielles. Dans la poursuite du projet global d'harmonisation, il est utile de reconnaître ce fait, qui ne me semble d'ailleurs pas contesté.

Si vous vous reportez à la version définitive du texte du préambule proposé, vous allez constater, sur la page qui ne porte aucun titre ou en-tête, que les deux premiers «attendus» en italique sont nouveaux, que le troisième figure déjà dans le projet de loi, que le quatrième est celui que nous supprimons, et que le suivant, en italique, vient remplacer le précédent. Si vous allez au bas de la page, les deux derniers «attendus» sont les nouveaux qui viennent s'ajouter de manière à ce que l'ensemble du préambule soit logique, en commençant par la reconnaissance du fait que le Canada est singulièrement enrichi par la coexistence de nos deux traditions juridiques et par les avantages que nous en tirons.

Voilà ce que je vous propose, chers collègues, comme moyen de résoudre notre problème.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: C'est le troisième «Whereas» en italique que j'ai du mal à comprendre.

[Traduction]

Que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec.

[Français]

C'est une expression totale, non pas principale. Toute la province de Québec est soumise au droit civil; seulement la province de Québec est soumise au droit civil. Je ne comprends pas le libellé. Dans le préambule, on dit que la tradition de droit civil de la province de Québec trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec. C'est vrai. Cela témoigne du caractère unique de la société québécoise.

Mais là on dit que la tradition de droit civil au Canada est dans le Code civil du Québec. Je ne comprends pas pourquoi. Au Canada, on a un système de droit civil restreint à une province, et on a un régime de common law dans les neuf autres provinces, cela fait deux grandes traditions dans notre pays. J'ai un peu de difficulté avec ce libellé.

[Traduction]

La tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec.

Le sénateur Cools: C'est juste.

Le sénateur Beaudoin: Oui, parce que le Québec fait partie du Canada, mais le Code civil est la principale expression du droit civil au Québec également.

Le sénateur Cools: Mais le Québec ne fait-il pas partie du Canada?

Le sénateur Beaudoin: Bien sûr.

Le sénateur Cools: Exactement.

Le sénateur Beaudoin: Pourquoi mettre le Québec à part?

Le sénateur Joyal: On ne met pas le Québec à part. Je ne crois pas que ce soit le sens de cette proposition.

[Français]

Essentiellement, le texte dit qu'il y a deux traditions juridiques différentes au Canada, la common law et le droit civil. La tradition de droit civil, au Canada, est exprimée par le Code civil du Québec. Pourquoi? Parce que le Code civil du Québec n'est pas la seule expression de la tradition juridique au Québec. D'autres éléments dans le droit civil au Québec trouvent leur existence ailleurs que dans la Code civil. C'est ce que vous souteniez dans votre interprétation. Relisez le «Whereas».

[Traduction]

La tradition de droit civil de la province de Québec... trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec

La tradition de droit civil ne s'exprime pas uniquement dans le Code civil. Elle s'exprime principalement dans le Code civil, mais pas seulement dans le Code civil. Je crois que vous en avez convenu dans une question que vous avez posée à des témoins que nous avons entendus.

L'énoncé que je propose est factuel en ce sens qu'il établit que «la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec» ou dans la province de Québec - et j'emploie le mot «Québec» pour reprendre la mention de 1998 dans la Constitution. Autrement dit, c'est là qu'au Canada, on trouve la tradition de droit civil. C'est-à-dire dans le contexte canadien. On n'y fait pas référence à la notion de société, ni à ce qui caractérise ou ne caractérise pas la société québécoise. Essentiellement, c'est un énoncé factuel. Il m'a semblé que c'était là la meilleure façon de rédiger cette proposition.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Je peux le comprendre, mais c'est une idée différente. On dit: «La tradition de droit civil de la province de Québec [...]», et on ajoute: «qui trouve sa principale expression dans le Code civil». Oui, il y a une tradition civile qui peut déborder le Code civil du Québec. On veut exprimer que la tradition de droit civil de la province de Québec, qui trouve sa principale expression dans le Code civil, témoigne du caractère unique de la société.

On voit la chose différemment. On dit que la tradition de droit civil au Canada - c'est vrai qu'il y a une tradition de droit civil au Canada - trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec. Mais elle ne la trouve que là.

Le sénateur Joyal: Oui, elle trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec, mais il y a une autre expression de droit à l'extérieur du Québec.

[Traduction]

«La tradition de droit civil de la province de Québec trouve sans principale expression dans le Code civil du Québec». On ne dit pas «trouve son expression»; on dit: «sa principaleexpression». Si c'est là son expression «principale», c'est dire qu'il y en a d'autres formes, que cette tradition a d'autres façons de s'exprimer. Voilà pourquoi on affirme très clairement ici que le Code civil demeure la principale expression de la tradition de droit civil au Canada. Nous affirmons cela. Ça ne pose aucun problème. Nos vues ne sont nullement divergentes à cet égard.

L'un de nous l'exprime en plaçant le deuxième membre de la phrase en premier; l'autre le place en dernier. C'est ce qui explique que vous craigniez un peu que nous n'omettions quelque chose concernant la tradition de droit civil au Québec.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: Ou bien les deux paragraphes signifient la même chose, ou ce n'est pas la même chose. Si c'est la même chose, j'aime mieux le libellé devant moi que celui de l'amendement. C'est tout ce que je dis.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Je ne veux pas négocier ici avec le sénateur Beaudoin.

La présidente: Comme je n'ai aucun autre sénateur sur ma liste d'intervenants, je permets que cet échange de vues se poursuive.

Le sénateur Grafstein: Au sortir de cette discussion, j'aurai une brève observation à formuler.

Le sénateur Cools: En toute justice, il serait souhaitable que d'autres que des Québécois interviennent dans ce débat.

La présidente: J'attends que d'autres sénateurs me signifient leur intérêt à y prendre part. J'ai maintenant le sénateur Grafstein et le sénateur Pearson sur ma liste.

Sénateur Joyal, finissez votre développement, et nous pourrons vous redonner la parole au second tour.

Le sénateur Grafstein: Si vous regardez ce sur quoi nous nous sommes déjà mis d'accord, à savoir «Loi no 1 visant à harmoniser le droit fédéral avec le droit civil de la province de Québec», vous constaterez que cela concorde avec la section d) du préambule. Essentiellement, où le droit fédéral se trouve-t-il? Où réside le droit fédéral que nous harmonisons? Où existe-t-il?

Le sénateur Beaudoin: La Loi sur la responsabilité de l'État en est un bon exemple.

Le sénateur Grafstein: Où le droit fédéral existe-t-il?

Le sénateur Beaudoin: Dans la loi fédérale.

Le sénateur Grafstein: Mais où la législation fédérale existe-t-elle? Où intervient-elle?

Le sénateur Beaudoin: Dans les lois que vote le Parlement. S'il se produit un accident d'automobile au Québec, c'est le Code civil qui s'applique. Si un tel accident se produit à Ottawa ou à Toronto, c'est la common law qui s'applique.

Le sénateur Grafstein: Si, de par l'application de cette loi, le principe du bijuridisme a pour conséquence de nous amener à modifier la common law pour la faire mieux concorder avec le droit civil, le droit civil a donc une incidence ailleurs que dans la seule province de Québec, n'est-ce pas?

Le sénateur Beaudoin: C'est probablement là que nous divergeons d'opinion. Pour moi, ce projet de loi ne modifie ni le droit civil ni la common law. Il harmonise tout simplement la législation fédérale en fonction du génie du Code civil au Québec et du génie de la common law dans les autres provinces.

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord là-dessus.

Le sénateur Beaudoin: Les deux droits demeurent toutefois différents.

Le sénateur Grafstein: J'en conviens également. Allons un peu plus loin et voyons le dernier «attendu» du préambule: «Que le gouvernement du Canada a pour objectif de faciliter l'accès à une législation fédérale qui tienne compte, dans ses versions française et anglaise, des traditions de droit civil et de common law». Nous avons certes entendu certains de nos témoins nous dire de l'impact de l'harmonisation qu'elle gardait les deux systèmes intacts... en d'autres termes, les deux systèmes influent l'un sur l'autre. Des notions du droit civil ont un effet sur la common law et vice versa. C'est ce que certains de nos témoins ont fait valoir.

Si tel est le cas, il est juste d'affirmer que c'est dans la province de Québec que la loi s'applique principalement puisque qu'elle vise à harmoniser la loi fédérale avec le droit civil. Par ailleurs, toutefois, ces notions jurisprudentielles ne touchent pasuniquement la province de Québec. C'est là le point que je tiens à faire valoir. Si tel est le cas, il est plus approprié de dire «attendu que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec» que de se limiter à ne faire référence qu'à la province de Québec. Mon point va dans le sens de ce que soutient le sénateur Joyal. Je ne cherche pas à déformer les témoignages que nous avons entendus, car c'est bien cela que nous avons entendu.

Le sénateur Pearson: J'ai deux ou trois observations à formuler. Instinctivement, je suis portée à voir dans leremplacement du deuxième «attendu» par l'autre libellé - ce sentiment me vient du plus profond de moi-même - la manifestation d'une perception réductrice de la réalité québécoise. Je suis convaincue que c'est de cela qu'il s'agit, et ça me déplaît. Je préfère la première formulation.

Le Code civil existait au Québec bien avant que le Canada existe, n'est-ce pas?

Le sénateur Beaudoin: Il est né un siècle plus tôt.

Le sénateur Pearson: C'est ce que je croyais. Le Canada est né plus tard, et comme le Québec en fait partie, il y a dans notre pays un Code civil.

Je ne comprends pas l'argument selon lequel le Code civil aurait une incidence au-delà des frontières du Québec. Je suis davantage à l'aise avec votre interprétation de ce qu'il en est. Étant membre de ce comité depuis six ans, ce que je constate, c'est que les lois évoluent constamment. Nous les amendons et les modifions sans cesse, et ce, pour les adapter en fonction de l'évolution de notre société. C'est ce que nous faisons en ce moment. Il va sans dire que certaines choses qui se produisent au Québec ont une influence sur la législation fédérale. Il n'y a qu'à songer à ce qui se passe avec les gangs de motards pour s'en convaincre.

Personnellement, l'«attendu» que propose le sénateur Joyal ne me convainc pas. Il me semble convenir moins bien que le premier. Le premier va davantage dans le sens de ce que j'aimerais voir dans cette loi.

Le sénateur Fraser: Si vous me permettez d'intervenir en ma qualité de non-avocate dans la foulée des observations du sénateur Grafstein, je note que l'article 8 du projet de loi dit explicitement ce qui suit:

«est entendu dans le sens compatible avec le système juridique de la province d'application le texte qui emploie à la fois des termes propres au droit civil de la province de Québec et des termes propres à la common law des autres provinces»

C'est donc dire qu'on ne parle pas ici de mélange des deux systèmes juridiques. Il s'agit plutôt d'adapter le vocabulaire des lois fédérales de manière à ce que celles-ci puissent être intelligibles sur tout le territoire canadien. Je suis sûre que ceux parmi vous, chers collègues, qui étaient ici au cours de la dernière session du Parlement, quand nous avons examiné la précédente version de ce projet de loi, se rappelleront que la ministre avait alors parlé éloquemment du fait qu'on serait malavisé de présumer qu'on pourrait s'en tenir à avoir un vocabulaire de droit civil en français et de common law en anglais, étant donné qu'il y a des avocats francophones dans les provinces qui sont régies par la common law et des avocats anglophones au Québec. Pour que tous les citoyens canadiens aient accès au même titre à la loi, il faut tenir compte des deux traditions dans les deux langues. C'est précisément ce que nous faisons ici. Je ne voudrais pas qu'en prenant connaissance du compte rendu on ait l'impression que ce que nous faisons ici, c'est de dire en quelque sorte aux diverses provinces: «Vos lois seront dorénavant combinées.» Ce n'est pas le cas. N'est-ce pas là ce que vous vouliez dire, sénateur Grafstein?

Le sénateur Grafstein: Ce n'est certes pas là ce que j'ai voulu soutenir.

Le sénateur Fraser: Si ce n'est pas là ce que vous avez dit, je m'en excuse. C'est ce que je croyais vous avoir entendu dire.

Le sénateur Grafstein: C'est ce que soutiennent les théori ciens qui parlent de l'interinfluence des deux systèmes.

Le sénateur Cools: Je voudrais qu'il apparaisse au compte rendu que j'appuie la proposition d'amendement du sénateur Joyal, concernant ses préoccupations à propos du caractère unique et des définitions, qu'il formule comme ceci: «Attendu que la tradition de droit civil, au Canada, trouve sa principale expression dans le Code civil du Québec». Je crois que ce libellé reflète plus clairement l'objet de ce projet de loi.

La ministre a longuement insisté sur le fait qu'il y a deux traditions juridiques au Canada. Il me semble que le contenu de ces propositions va davantage dans le sens de ce que vise le projet de loi.

Je souhaiterais fortement qu'on passe au vote sur la question.

La présidente: D'autres sénateurs veulent-ils s'exprimer?

Dans la négative, nous allons procéder au vote sur la motion d'amendement du sénateur Joyal

Le sénateur Cools: Comment procéderons-nous, paragraphe par paragraphe?

La présidente: Je vais d'abord vous faire voter par oui ou par non sur l'amendement.

Le sénateur Cools: Sur tous les paragraphes?

La présidente: Le sénateur Joyal les a réunis en une seule motion.

Le sénateur Cools: Il s'agit d'une seule motion?

La présidente: Exactement. Les quatre «attendus» forment une seule motion. Je vais procéder au vote par oui ou par non surcet amendement. Si je constate que quelqu'un est contre l'amendement, nous voterons par appel nominal.

La présidente: Chers collègues, désirez-vous adopter la motion?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente: Nous allons donc voter par appel nominal.

Mme Joseph: Sénateur Milne.

La présidente: Non.

Mme Joseph: Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: Non.

Mme Joseph: Sénateur Buchanan.

Le sénateur Buchanan: Non.

Mme Joseph: Sénateur Cools.

Le sénateur Cools: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser: Non.

Mme Joseph: Sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Gustafson.

Le sénateur Gustafson: Non.

Mme Joseph: Sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Moore.

Le sénateur Moore: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Pearson.

Le sénateur Pearson: Non.

La présidente: Le compte est de six contre quatre. La motion d'amendement est rejetée.

Je vais maintenant revenir au vote article par article. Y a-t-il d'autres motions d'amendement?

Le sénateur Moore: Oui.

La présidente: Je vais lire la motion pour qu'elle figure au compte rendu dans sa version française.

Le sénateur Moore propose:

Que le projet de loi S-4 soit modifié, dans son préambule, à la page 1, ligne 18:

a) par suppression des mots «une fenêtre sur le monde»; et

b) par substitution des mots «des perspectives nouvelles dans le monde entier».

Le sénateur Beaudoin: S'agit-il de l'«attendu» de la ligne 16?

La présidente: Il s'agit de mots qui se trouvent à la ligne 18.

Le sénateur Grafstein: Ces mots font partie du quatrième «attendu».

Le sénateur Moore: Oui, du quatrième «attendu» dupréambule.

La présidente: À la ligne 18, «une fenêtre sur le monde». L'amendement a pour objet de remplacer l'expression «une fenêtre sur le monde» par «des perspectives nouvelles dans le monde entier».

Le sénateur Moore: J'ai exprimé la semaine dernière mon inquiétude et mon étonnement à propos du libellé actuel. Je ne sais pas ce que signifie «fenêtre sur le monde», mais je sais ce qu'on entend par «perspectives nouvelles». Je crois que c'est précisément là que se situent les avantages de cette harmonisation pour les Canadiens.

Il me vient souvent à l'esprit l'exemple que donne notre premier ministre de l'utilité de nos deux langues officielles, l'anglais et le français, notamment quand nous traitons avec des pays francophones. Le premier ministre parle de son expérience avec l'Algérie. S'il a pu y vendre la technologie canadienne, c'est parce que nous en faisions la mise en marché en français.

Cette harmonisation marque un autre pas en avant à cet égard; elle accroîtra nos possibilités dans le monde. Voilà pourquoi je propose cet amendement.

La présidente: Veut-on débattre plus avant de la question?

[Français]

Le sénateur Beaudoin: L'expression «une fenêtre sur le monde», et la facilité des échanges avec la grande majorité des autre pays, me satisfait

On l'a fait déjà avec la langue française et la langue anglaise, qui sont nos deux langues officielles au Canada, qui nous permettent une ouverture à une très grande partie du monde. La fenêtre comprend également la tradition du droit civil que nous avons au Canada et au Québec, comme nous avons la common law dans les autres provinces. C'est donc la même ouverture sur le monde. Pour l'un, c'est la langue et, pour l'autre, c'est le bijuridisme. Je suis très favorable au bijuridisme parce que60 pays se sont inspirés d'un code - que ce soit le code de Napoléon ou un autre, - et 60 pays se sont inspirés de la common law. Comme fenêtre, c'est quelque chose.

J'aime bien cette expression «ouvre une fenêtre sur le monde». On l'a déjà en anglais et en français, on le dit pour la tradition du droit civil et la tradition de la common law. Je trouve cela parfait.

Le sénateur Joyal: J'appuie l'amendement du sénateur Moore parce qu'il m'apparaît plus précis que le texte que nous avons. Lorsqu'on dit que les deux traditions ouvrent une fenêtre sur le monde aux Canadiens, cela veut tout dire et cela ne veut rien dire. C'est tellement poétique. Je ne voudrais pas insulter les poètes en disant cela, car le sénateur Grafstein a présenté un projet de loi portant sur les poètes. Je crois que le sénateur Moore essaie de promouvoir, si je le traduit en français, les Canadiens qui ont des opportunités nouvelles et augmentées. Ce sont les Canadiens eux-mêmes, ce n'est pas la fenêtre: la fenêtre c'est de voir le monde. On le voit déjà le monde. Ces deux traditions nous donnent une capacité accrue, individuellement, de pouvoir - comme le doyen Perret l'a si bien expliqué, - maintenir des échanges avec des pays où les deux traditions existent.Je crois que la suggestion du sénateur Moore est plus heureuse sur les objectifs que l'on veut poursuivre avec cette harmonisation que simplement dire qu'on voit le monde à travers une fenêtre. Ce n'est pas ce que l'on veut faire fondamentalement. Notre objectif est que l'harmonisation nous donne un avantage accru, comme Cana diens, d'avoir des échanges internationaux plus larges. Je crois que sa suggestion est beaucoup plus en accord avec l'esprit de ce que l'on veut exprimer dans le préambule.

[Traduction]

Je vais l'appuyer sans hésitation.

Le sénateur Grafstein: Je me réjouis de l'amélioration que le sénateur Moore propose d'apporter à cette section du préambule. En lisant sa proposition, il m'est venu à l'esprit une analogie cinématographique; cette proposition m'a rappelé le film A Room with a View.

Ceux d'entre vous, chers collègues, qui ont vu ce film saisissant se souviendront sans doute qu'on y voit, dans une chambre, des gens qui regardent par une fenêtre; ils sont confinés à cette pièce à faire des choses dont l'importance est manifeste ment amplifiée. Ces personnes sont en interface, mais n'ont pas beaucoup d'interaction avec l'extérieur. Ce qu'ils vivent, c'est tout le contraire de l'ouverture, de sorte que, quand la fenêtre s'ouvre sur le monde, ils sont toujours assis dans cette chambre à regarder le monde extérieur par cette fenêtre. Quand j'ai vu l'expression «fenêtre sur le monde», c'est précisément cette vision qui m'est venue à l'esprit.

Je félicite le sénateur Moore. Il a perçu cette analogie dans cette expression et s'est empressé de la faire disparaître de cette section du préambule, pour lui donner plus de sens. D'après la ministre et les témoins auxquels le sénateur Beaudoin a fait allusion, ce que nous essayons de faire par ce préambule, c'est de souligner que le fait que nous ayons deux systèmes juridiques qui peuvent s'adapter aussi bien à l'univers francophone qu'à l'univers anglophone ouvre aux Canadiens de nouvelles perspecti ves à l'étranger. À mon sens, nous tenons là un précieux atout.

Parler de «fenêtre sur le monde» m'apparaît réducteur, me semble simplement évoquer l'image de gens assis dans leur chambre à regarder par leur fenêtre. J'y vois donc une analogie avec le film A Room With a View, qui, à mon sens, n'est pas particulièrement appropriée pour illustrer ce que nous visons ici, à savoir inciter les Canadiens à sortir de chez eux, à ne pas se contenter de regarder par la fenêtre, mais à parcourir le monde et à exploiter commercialement nos deux traditions juridiquescanadiennes. Cette vision a beaucoup plus de sens à mes yeux.

Le sénateur Fraser: Je me souviens que, lors de précédentes séances, le sénateur Moore s'était déclaré mal à l'aise avec cette formulation. J'avais l'intention d'effectuer une recherche sur l'origine de l'expression en question, mais je regrette de ne pas l'avoir fait. En anglais comme en français, cette expression, «fenêtre sur le monde» ou «window on the world», m'est familière et ne me déplaît pas. J'aimerais pouvoir préciser d'où elle vient, mais je ne suis pas en mesure de le faire. Elle n'a pas été inventée par les rédacteurs de ce préambule.

Si cette image me plaît tant, c'est surtout que, contrairement au sénateur Grafstein, je l'ai toujours vue comme une façon succincte d'exprimer la possibilité d'échanges dans les deux sens. Une fenêtre nous permet non seulement de regarder vers l'extérieur, mais également de recevoir de la lumière et de l'air.

Le sénateur Beaudoin: De voir la tour Eiffel.

Le sénateur Fraser: Oui, de voir la tour Eiffel, et, avec un peu de chance, de sentir la brise provenant des prairies françaises. C'est pourquoi les mots qu'utilise le sénateur Moore, tout en n'étant pas très originaux, ne m'apparaissent pas avoir tout à fait la même signification que ceux du préambule, car je leur trouve une connotation plutôt commerciale. Nous pouvons toujours aller vers l'extérieur pour gagner des sous sans toutefois profiter pleinement de notre atout, de l'incroyable enrichissement que peut nous procurer, sur les plans juridique, intellectuel, philoso phique et social, le fait de posséder ces deux traditions qui sont si bien représentées dans le monde entier.

J'espère que mes propos ne vous ont pas semblé trop poétiques.

Le sénateur Pearson: Je suis portée à croire que cette expression nous vient de Pierre le Grand, qui disait de la fondation de St-Petersbourg qu'elle ouvrait à son peuple une fenêtre sur l'Ouest. Je suis quand même tentée d'appuyer l'amendement. Cette tentation ne m'habite que depuis un moment, et j'ai du mal à arrêter mon choix. Si je tiens compte de ce que nous ont dit certains témoins, l'expression du sénateur Moore m'apparaît plus claire. Je comprends l'idée qu'une fenêtre puisse être utile dans les deux sens, mais il y a quand même quelque chose d'un peu plus dynamique dans la référence à des «perspectives nouvelles dans le monde entier», et c'est de cela qu'on nous a parlé. Je suis donc encline à appuyer l'amendement.

La présidente: Comme il ne semble pas y avoir d'autres personnes qui veulent s'exprimer sur cette question, je vais mettre l'amendement aux voix.

Désirez-vous, chers collègues, adopter la motion d'amende ment que propose le sénateur Moore?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente: Nous allons procéder par appel nominal. Le sénateur Fitzpatrick remplace le sénateur Cools.

Mme Joseph: Sénateur Milne.

Le sénateur Milne: Non.

Mme Joseph: Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: Non.

Mme Joseph: Sénateur Buchanan.

Le sénateur Buchanan: Non.

Mme Joseph: Sénateur Fitzpatrick.

Le sénateur Fitzpatrick: Non.

Mme Joseph: Sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser: Non.

Mme Joseph: Sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Gustafson.

Le sénateur Gustafson: Non.

Mme Joseph: Sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Moore.

Le sénateur Moore: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Pearson.

Le sénateur Pearson: Oui.

La présidente: La motion d'amendement est rejetée par six voix contre quatre.

Y a-t-il d'autres motions d'amendement au préambule? Dans la négative, le préambule est-il adopté?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

La présidente: Nous allons voter par appel nominal.

Mme Joseph: Sénateur Milne.

Le sénateur Milne: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Beaudoin.

Le sénateur Beaudoin: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Buchanan.

Le sénateur Buchanan: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Fitzpatrick.

Le sénateur Fitzpatrick: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Fraser.

Le sénateur Fraser: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Non.

Mme Joseph: Sénateur Gustafson.

Le sénateur Gustafson: Oui.

Mme Joseph: Sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Non.

Mme Joseph: Sénateur Moore.

Le sénateur Moore: Non.

Mme Joseph: Sénateur Pearson.

Le sénateur Pearson: Oui.

La présidente: Cette fois-ci, le compte est de sept contre trois. Le préambule est adopté.

Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Le comité est-il d'accord pour le que projet de loi soit adopté sans amendement?

Des voix: Oui.

Des voix: Non.

Le sénateur Grafstein: À la majorité.

La présidente: À la majorité.

Le sénateur Grafstein: J'aimerais porter à votre attention un point que j'ai déjà soulevé précédemment devant d'autres comités et dont chaque comité traite quelque peu différemment. Lors de la mise aux voix de certaines dispositions, je me suis abstenu de voter et la motion a été rejetée. J'espère qu'il sera clair que je ne me suis abstenu que sur les dispositions en question, ou encore que le rapport comportera une note mentionnant que le projet de loi a été adopté sans amendement et à la majorité, mais qu'il y a eu une abstention. J'espère qu'on a bien compris pourquoi je me suis abstenu de voter sur ces dispositions. Je l'ai fait parce qu'elles comportaient d'importantes implications constitutionnel les et j'apprécierais qu'il en soit fait mention dans le rapport, si possible.

Une telle mention ne diminue en rien la position majoritaire qui a été adoptée, mais elle indique clairement dans le rapport qu'il y a eu une abstention fondée sur une objection d'ordreconstitutionnel.

La présidente: Je ne suis pas certaine d'avoir déjà eu l'occasion de rendre compte dans un rapport des résultats d'un vote à ce comité. Étant donné que nous avons voté par appel nominal, le compte rendu indiquera la façon dont le vote s'est déroulé. Chose certaine, je peux mentionner le fait qu'il n'y a pas eu unanimité sur ce point au sein du comité.

Le sénateur Grafstein: Dans ce cas, il y aurait peut-être une autre façon de traiter la question.

La présidente: En réalité, nous avons déjà adopté le projet de loi.

Le sénateur Moore: Non, nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Grafstein: Non.

La présidente: Le projet de loi a été adopté avec dissidence.

Le sénateur Moore: Très bien, alors.

La présidente: Sans amendement, avec dissidence.

Le sénateur Beaudoin: Employez-vous l'expression «en faire rapport avec dissidence»?

La présidente: Non. À ce moment-ci, le comité peut, s'il le désire, s'interroger sur les observations qui pourraient figurer dans le rapport

Le sénateur Grafstein: À cet égard, je vous ai déjà fait part de mon souhait.

La présidente: Oui.

Le sénateur Pearson: Nous pourrions ajouter au sommaire, comme cinquième paragraphe, le passage suivant de la lettre que nous a fait parvenir la ministre McLellan concernant la nécessité d'établir clairement où les mots devraient être placés:

En général, dans les dispositions où une notion juridique s'exprime par l'usage d'un terme de droit civil et d'un terme de common law, le terme de droit civil est mentionné le premier dans la version française et le terme de common law, le premier dans la version anglaise. Par exemple, on retrouvera «immeuble» suivi de «biens réels» dans la version française et «real property» suivi de «immovables» dans la version anglaise.

Cette citation est tirée directement de la lettre de la ministre.

Le sénateur Beaudoin: Comment se fait-il que nous en soyons saisis?

La présidente: Chers collègues, j'ai lu la lettre pour le bénéfice du compte rendu. Ce qu'on vient de citer, c'est un passage de cette lettre, dont on est à vous distribuer des copies de manière à ce que chacun de vous puisse voir ce dont le sénateur Pearson veut parler. Vous trouverez ce passage à la page 2 de la lettre en question; il correspond au paragraphe placé en retrait aux trois cinquièmes de la page.

Le sénateur Beaudoin: Il ne fait pas partie du projet de loi.

La présidente: Non. Vous proposez que cette citation soit ajoutée au sommaire?

Le sénateur Pearson: Oui.

La présidente: À l'endos de la page couverture du projet de loi?

Le sénateur Grafstein: Puis-je faire une suggestion? Je saisis ce que le sénateur essaie de faire. Peut-être que le mieux serait de mentionner dans le rapport ce que la ministre a dit à ce sujet. Je n'y vois aucun problème. C'est son opinion, et elle a exprimé le souhait qu'il en soit fait mention. Si nous procédons de la sorte, son observation figurera dans le rapport, comme le voudrait le sénateur Pearson. Je n'y vois pas d'objection, mais nous n'avons en aucune manière discuté de cette question. Nous pourrions présenter la chose comme étant une observation de sa part, sous forme de note, et mentionner que cette question n'a pas été débattue au comité.

Le sénateur Fraser: Mais elle l'a été, sénateur Grafstein. J'ai personnellement traité de la question à plusieurs reprises.

Le sénateur Beaudoin: Je préfère quand même ce que propose le sénateur Grafstein.

Le sénateur Grafstein: Cela ne change en rien ma suggestion, à savoir de mentionner que la ministre a fait cette observation dans une note. Les membres du comité n'ont pas à se prononcer sur la teneur de cette note.

La présidente: Non, mais nous pouvons ajouter cette citation aux observations que nous formulerons dans notre rapport, si le comité en convient.

Le sénateur Beaudoin: Comme étant son opinion à elle.

Le sénateur Moore: D'accord.

La présidente: Tout à fait.

Le sénateur Fraser: Cette remarque devrait figurer dans le sommaire. Sa lettre dit que les rédacteurs législatifs du ministère de la Justice proposent d'incorporer cette note dans le sommaire de la loi pour qu'elle soit bien comprise par quiconque en prendra connaissance, par exemple les sénateurs.

Le sénateur Grafstein: Il s'agit là d'une pratique inhabituelle. La meilleure façon de procéder serait de reproduire cette note dans le rapport et de mentionner qu'il s'agit d'une observation de la ministre. Ce serait une pratique plus normale.

La présidente: Le sénateur Pearson propose donc que nous ajoutions ce paragraphe dans notre rapport en signalant qu'il s'agit d'une note provenant de la ministre.

Des voix: D'accord.

La présidente: Êtes-vous tous en faveur?

Le sénateur Beaudoin: Purement de sa part.

La présidente: Oui, et non de la part du comité.

Le sénateur Beaudoin: La note ne ferait cependant pas partie intégrante du rapport du comité.

La présidente: C'est exact.

Le sénateur Pearson: Puis-je poser une question d'ordre pratique? Étant donné que ce projet de loi émane du Sénat et que la Chambre des communes en sera maintenant saisie, si jamais celle-ci voulait que cette note fasse partie du sommaire du projet de loi, comment procéderait-on pour le faire?

La présidente: Quoi qu'il en soit, cette note ne saurait faire partie du projet de loi.

Le sénateur Pearson: Seulement du rapport?

Le sénateur Beaudoin: Juridiquement parlant, il ne s'agit là que d'une observation. Je ne dis pas qu'elle soit fausse, mais au Comité des affaires juridiques, nous devons nous conformer à la loi.

Le sénateur Fraser: Il ne s'agit que d'un énoncé de fait. C'est de cette façon que le projet de loi est actuellement rédigé. Tout ce que fait cette note, c'est d'attirer l'attention sur ce fait, de façon à éviter toute confusion à cet égard.

Le sénateur Grafstein: C'est la une façon affreusement mauvaise de procéder. Cependant, la ministre, qui a eu cette idée après coup, tient à ce que sa note figure au compte rendu, ce à quoi je ne vois aucune objection. J'aimerais toutefois que les fonctionnaires du ministère de la Justice sachent qu'il s'agit là d'une pratique affreusement mauvaise. La façon dont nous cherchons ici à nous rendre au souhait de la ministre, c'est d'inclure cette note dans notre rapport et de la présenter comme venant d'elle. C'est le plus loin que nous puissions aller. Autrement, nous dénaturerions le rôle du comité et de ses audiences et amènerions le comité à traiter indûment une mesure législative à caractère juridique.

Le sénateur Buchanan: D'accord.

La présidente: Je suis de votre avis, sénateur Grafstein. Nous allons en faire mention dans le rapport en indiquant que la note vient de la ministre.

Le sénateur Beaudoin: Et en mentionnant qu'il s'agit d'une observation de sa part?

La présidente: Oui.

Certains d'entre vous ont-ils autre chose qu'ils voudraient voir ajouté au rapport que je vais remettre demain?

Des voix: Non.

La présidente: Le comité est-il d'accord pour qu'à la prochaine séance du Sénat, je dépose mon rapport sur ce projet de loi en y formulant des observations?

Des voix: D'accord.

La présidente: Adopté.

Avant de nous quitter, il nous reste à nous pencher sur les travaux futurs du comité. Au cours de la dernière session du Parlement, nous avons entendu comme témoin M. Kingsley, le directeur général des élections. Il nous a offert de comparaître de nouveau pour nous entretenir de plusieurs choses. À l'heure actuelle, nous ne sommes saisis d'aucun projet de loi. Pour faire revenir M. Kingsley, nous devons obtenir du Sénat un ordre de renvoi en ce sens. Je vous demande donc l'autorisation de proposer ceci:

Que le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles soit autorisé à examiner le rapport de l'an 2000 du directeur général des élections portant sur les 37es élections générales; et

Que le Comité soumette son rapport au plus tard le 30 juin 2001.

Êtes-vous tous en faveur de cette proposition?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Beaudoin: Pourquoi pas plus tard? Est-ce urgent?

La présidente: Non, mais nous voulons le faire avant l'été. Puisque nous n'avons rien d'autre au programme, nous lui demanderons de comparaître le plus tôt possible pour que nous ayons quelque chose sur quoi nous pencher.

Le sénateur Beaudoin: Très bien.

La présidente: Adopté.

La séance est levée.


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