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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 7 - Témoignages du 16 mai 2001


OTTAWA, le mercredi 16 mai 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur les juges et une autre en conséquence, se réunit aujourd'hui à 15 h 35 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, comme nous avons le quorum, je déclare ouverte cette séance du Comité des affaires juridiques et constitutionnelles du Sénat.

Nous accueillons aujourd'hui, sur le sujet du projet de loi C-12, M. Denis Guay, commissaire intérimaire à la Magistrature fédérale; Richard Drouin, président, Commission d'examen de la rémunération des juges; Debi Lapierre, directrice générale, Commission d'examen de la rémunération des juges; et Wayne Osborne, directeur, Services financiers.

C'est M. Drouin qui va présenter l'exposé. Vous avez la parole.

M. Richard Drouin, président, Commission d'examen de la rémunération des juges: Honorables sénateurs, je suis également accompagné d'André Sauvé, l'actuaire que la commission a embauché pour s'occuper de ses affaires.

En guise d'introduction, je tiens à vous dire que la commission a été créée en vertu d'une loi adoptée par le gouvernement en 1998. Son mandat de quatre ans a débuté en septembre 1999. Mes collègues, Mme Eleanore Cronk et M. Fred Gorbet, sont tous deux membres, avec moi, de la Commission d'examen de la rémunération des juges.

Nos fonctions ne prennent fin que le 31 août 2003, mais la loi exigeait que nous présentions au gouvernement un premier rapport accompagné de recommandations au plus tard le 31 mai 2000. Nous avons donc mis la commission sur pied à l'automne 1999. Nous avons invité les citoyens à nous présenter des mémoires. Au cours du printemps 2000, nous avons tenu des audiences publiques, une en février et l'autre en mars. Bien entendu, la Conférence des juges et la Magistrature ont participé étroitement aux travaux de la commission, tout comme le ministère de la Justice.

Nous avons ensuite déposé notre rapport le 31 mai 2000. Je crois qu'il est inutile de passer en revue ce qui s'est passé depuis. Nous témoignons maintenant devant le comité sénatorial sur le projet de loi qui a par la suite été déposé et adopté à la Chambre.

Voilà ce que j'avais à dire en guise d'introduction, madame la présidente. Je laisse aux membres du comité le soin de nous poser des questions plus précises sur le rapport ou sur notre mandat.

[Français]

Denis Guay, commissaire intérimaire à la magistrature fédérale: Il me fait plaisir d'être ici pour répondre aux questions concernant le projet de loi C-12, Loi modifiant la Loi sur les juges. En vertu de l'article 74 de la Loi sur les juges, le commissaire à la magistrature fédérale est responsable de l'administration de la partie I de cette loi, qui prévoit les traitements, les indemnités et les pensions des juges des Cours supérieures au Canada.

[Traduction]

Notre bureau sera donc responsable de la mise en oeuvre du projet de loi C-12 une fois qu'il aura été approuvé par le Parlement. Je serai heureux de répondre aux questions que vous aurez à ce sujet.

La présidente: Les sénateurs ont-il des questions?

Le sénateur Cools: Je suis sûre qu'il y a beaucoup de questions, mais je crois que nous étions nombreux à penser que les témoins nous feraient un exposé un peu plus long. Ils savent bien que leur rapport ainsi que le projet de loi qui est issu de ce processus relativement nouveau sont des premières. J'aurais pensé qu'ils nous auraient donné un peu plus d'informations sur le fonctionnement de la commission d'examen. Il s'agit d'un nouveau processus et la commission a maintenant un statut d'organisme permanent. J'aurais pensé que l'exposé aurait été un peu plus long. Je suis sûre que beaucoup d'entre nous ont des questions.

La présidente: Je dois dire que je suis d'accord avec le sénateur Cools. Vous pourriez peut-être nous donner un peu plus de détails quant à la façon dont vous êtes arrivés à ces chiffres dont vous vous êtes servis comme niveaux de référence.

Le sénateur Cools: Dites-nous comment la commission en est arrivée aux chiffres et aux recommandations qui ont été soumises à la ministre. Je vous l'assure, c'est un mystère pour beaucoup d'entre nous.

M. Drouin: Je serai heureux de vous donner plus de détails.

Le sénateur Cools: Nous serons très heureux de les avoir.

M. Drouin: L'information se trouve dans notre rapport, qui est très complet. Vous y trouverez toute l'information voulue ainsi qu'un certain nombre de recommandations. Il y en a 22 en tout. Comment sommes-nous arrivés à ces recommandations? Je vais vous en parler brièvement.

Au cours de l'automne 1999, nous avons invité les citoyens à faire parvenir à la commission leurs idées sur la rémunération des juges. La Conférence des juges et le Conseil de la magistrature ont participé étroitement à nos délibérations.

La commission est composée de trois membres. Un des commissaires est nommé par les juges et l'autre est nommé par le gouvernement fédéral. Ces deux commissaires recommandent ensuite au gouverneur en conseil le nom d'une personne qui assume la présidence de la Commission d'examen de la rémunération des juges.

Notre rapport et les discussions ont porté essentiellement sur la rémunération et la pension des juges. Notre première recommandation concerne la rémunération. À l'instar des commissions d'examen de la rémunération des juges qui ont précédé la nôtre, nous avons notamment eu recours à la référenciation par rapport à certains fonctionnaires, à savoir les sous-ministres du niveau trois. Nous avons aussi commandé une étude sur la rémunération des avocats à l'échelle du Canada. Nous nous sommes également servi d'une étude sur la rémunération des avocats à l'échelle du Canada. Il s'agit d'une étude réalisée par le ministère du Revenu national qui indique le revenu d'un certain nombre d'avocats au Canada.

Dans notre rapport, nous présentons des chiffres qui permettent de suivre l'évolution de la rémunération par rapport au niveau DM-03. Au tableau de la page 34, nous comparons la rémunération des juges de cour supérieure avec l'échelon salarial médian des DM-03 depuis 1980. Je vous donne quelques exemples: En 1995, par exemple, les juges de cour supérieure touchaient 155 800 $, tandis que l'échelon médian pour les DM-03 était de 155 300 $. Nous avons ensuite pris les chiffres les plus récents pour les années 1999 et 2000. Pendant ces deux années, les DM-03 touchaient 188 000 $, tandis que les juges recevaient 178 000$.

C'est une question que nous avons examinée de façon exhaustive. Vous trouverez dans notre rapport les détails que je suis en train de vous présenter.

L'autre facteur dont nous avons tenu compte est la rémunération des avocats en exercice privé. À la page 47 de notre rapport, nous dressons un tableau comparatif de la rémunération des juges et de celle des avocats du 75e centile de la population de référence. Quand on ne tient compte que du salaire, on constate que la rémunération des juges est inférieure à celle des avocats. Ainsi, d'après le tableau de la page 47, le revenu moyen des avocats pour l'ensemble du Canada est de 230 000 $. Quant à la rémunération des juges, les données les plus récentes dont nous disposions étaient celles de l'année 1997. Leur salaire à l'époque était de 172 000 $. Les juges gagnent donc 25 p. 100 de moins que les avocats en exercice privé.

Nous avons ensuite examiné les chiffres relatifs aux grandes régions métropolitaines et fait une comparaison semblable. Ainsi, pour la région de Toronto, nous arrivons à une rémunération inférieure de 49 p. 100 à celle des avocats.

Pour la première fois, toutefois, la commission a décidé de tenir compte des avantages estimatifs liés aux pensions des juges. Nous avons constaté que, quand on ajoute cet élément de la rémunération, l'écart entre les juges et les avocats est moins grand. En Alberta et en Ontario, il est à l'avantage des avocats, tandis que dans les autres provinces, il est à l'avantage des juges.

Le sénateur Cools: À ce propos... Il me semble qu'il ne fait qu'improviser, alors nous pouvons...

La présidente: N'hésitez pas à interrompre, sénateur Cools.

Le sénateur Cools: J'ai toujours pensé que les personnes nommées à la magistrature touchaient un traitement beaucoup plus élevé en tant que juges que ce qu'elles gagnaient auparavant. C'est un fait qui est consigné au compte rendu de notre comité, de comités antérieurs et du Comité des finances nationales. Par ailleurs, ceux d'entre nous qui connaissent les rouages de la politique et qui savent un peu comment se font ces nominations savent très bien qu'il y a de nombreux candidats pour chaque poste de juge. On ne manque certainement pas de candidats.

Quand il s'agit d'en arriver à un certain montant, je me demande s'il n'y aurait pas lieu d'élaborer une norme plus objective, car il me semble que c'est toujours un énorme défi que de déterminer ce que vaut tel ou tel emploi. Je m'interroge sur le bien-fondé de tout cela.

M. Drouin: Vous voulez parler de ce qui se trouve dans le document?

Le sénateur Cools: Je songe à la prémisse qui sous-tend votre étude, car je ne veux pas mettre en doute l'exactitude de l'information. Je ne trouve guère vraisemblable que certains de ces juges aient vraiment du mal à joindre les deux bouts. C'est pourtant là la prémisse, d'après ce que vous avez dit, à partir de laquelle la commission a établi sa méthodologie pour en arriver à un montant. Dans d'autres pays, on a recours à des critères différents, comme la rémunération des ministres et des premiers ministres pour en arriver à une rémunération équilibrée. Quel est, par exemple, le traitement du premier ministre du pays. Nous avons cette information.

Je pars du principe, madame la présidente, que nous avons tous lu le rapport et que certains d'entre nous en connaissent bien les détails. J'essaie d'en arriver à un critère de référence pour déterminer le montant qu'il convient de verser à un juge. Je me laisse peut-être aller à des réflexions philosophiques, mais les critères utilisés me semblent laisser beaucoup à désirer.

J'ai lu beaucoup des reportages dans les médias qui ont entouré le dépôt du rapport de votre commission. Certains étaient étonnants. Ainsi, d'après ce que j'ai compris, on disait que certains juges étaient d'avis que leur traitement de base devrait se situer entre 400 000 $ et 700 000 $ par an. J'ai trouvé cela sidérant. J'espérais que, dans votre témoignage, vous pourriez répondre à mes préoccupations. Ce n'est tout simplement pas vraisemblable.

M. Drouin: Les montants dont vous parlez ne nous ont jamais été présentés sous forme de demandes en tant que telles. Vous avez parlé de ce que vous avez lu dans les journaux. Je suppose qu'à l'époque nous avons reçu le témoignage de la Conférence sur les propositions du Conseil de la magistrature. On disait plus tôt dans les manchettes que les juges demandaient une augmentation de 27 p. 100 de leur traitement. Voilà ce qui a été présenté à notre commission parce que c'est ce que la Conférence et le Conseil nous ont présenté comme étant leur position.

Le sénateur Cools: Les montants que j'ai cités, madame la présidente, se trouvaient dans un article du National Post du 15 février 2000. Dans cet article, signé par une journaliste du nom de Luiza Chwialkowska, on dit que les juges se plaignent de ce que leurs traitements sont de beaucoup inférieurs à ceux des avocats chevronnés et que, d'après les chiffres des juges, le premier tiers des avocats les mieux payés en Ontario s'élève en moyenne à 381 239 $ par an, certains gagnant jusqu'à 700 000 $.

Je tiens à faire remarquer au comité qu'il était question de ces montants-là dans le débat public. Le président vient de nous dire que ces montants-là n'ont jamais été présentés à la commission.

M. Drouin: Excusez-moi, madame la présidente. Non, j'ai dit que les juges n'ont jamais demandé à toucher un traitement de 700 000 $. Dans cet article, on disait que certains avocats en exercice privé gagnent jusqu'à 700 000 $ - et c'est tout à fait possible. J'ajouterai qu'il n'y a rien de mal à cela, mais les juges ne sont jamais venus demander à la commission un traitement qui s'approchait même de ce montant.

Le sénateur Cools: Cela me rassure. Il faudrait peut-être tirer les choses au clair, car on dit bien dans cet article que les juges se plaignent de ce que leurs traitements sont de beaucoup inférieurs à ceux des avocats chevronnés.

Je l'ai déjà indiqué aux fins du compte rendu. D'après cet article, il semble que ces plaintes venaient des juges et qu'elles avaient été soumises à la commission. Je ne peux pas me mettre à défendre les erreurs des journalistes, mais s'il s'agit, comme vous dites, d'une erreur, il faudrait que cela soit tiré au clair.

M. Drouin: Non, ce n'est pas une erreur.

Le sénateur Cools: L'article a été lu par bien des gens d'un bout à l'autre du pays et en a sidéré beaucoup.

M. Drouin: Si vous me permettez d'essayer de tirer les choses au clair, madame la présidente, je dirais que, la première fois qu'ils ont témoigné devant nous, les juges ont demandé une augmentation de 27 p. 100. Je m'en souviens bien puisque cela avait tout de suite fait les manchettes. Bien entendu, quand on demande une augmentation de 27 p. 100, on peut invoquer le fait que les avocats en exercice privé peuvent gagner jusqu'à 700 000 $. Ce qu'on dit dans l'article n'est pas faux puisqu'il est vrai que certains avocats gagnent 700 000 $ ou même plus. Les revendications qui nous ont été présentées par la voie normale, c'est-à-dire par la Conférence et par le Conseil, visaient à obtenir une augmentation salariale de 27 p. 100.

La présidente: Ce tableau comparatif que j'ai sous les yeux établit la comparaison avec le 75e centile des avocats en exercice privé.

M. Drouin: Oui. Ils nous demandaient de nous fonder sur le 86e centile. Nous avons ramené cela au 75e centile, parce qu'après en avoir discuté entre nous et avec les actuaires et les experts, nous avons jugé qu'il s'agissait là d'un bon niveau de référence. Aux termes de la loi, la commission doit essentiellement tenir compte des conditions économiques qui ont cours au Canada, y compris du coût de la vie. Nous avons ensuite tenu compte de la sécurité financière des juges de même que de leur indépendance. Troisièmement, nous avons pris en considération le besoin d'attirer à la magistrature des candidats de grand calibre.

Je dirais que plusieurs des commissions qui ont précédé la nôtre ont tenu compte de cet élément, sans toutefois le considérer comme un critère absolu qui les aurait amenées à dire: «Nous allons leur donner un traitement comparable au troisième échelon de l'échelle des sous-ministres, un point c'est tout.» Ce n'est pas non plus ce que nous avons fait. Comme les commissions qui nous ont précédés, nous avons évalué la rémunération des sous-ministres. Comme vous le savez sans doute tous, les sous-ministres ont reçu des augmentations considérables au cours des deux ou trois dernières années.

Le deuxième critère était la rémunération des avocats en exercice privé. On nous avait laissé entendre qu'il faudrait tenir compte de la rémunération dans d'autres pays, comme les États-Unis, l'Australie et le Royaume-Uni. À la lumière des chiffres provenant du Royaume-Uni et de l'Australie, nous aurions très bien pu recommander des augmentations considérables pour les juges canadiens. Nous avons toutefois conclu que nous ne connaissions pas suffisamment bien les descriptions de tâches, si vous me passez l'expression, des juges du Royaume-Uni ou des États-Unis. Aussi nous ne nous sentions pas en mesure de tenir compte des chiffres relatifs à ces pays. Si nous l'avions fait, nous aurions eu une raison de plus d'augmenter les traitements des juges canadiens.

Nous avons tenu compte de ces deux critères, sans toutefois nous livrer à des calculs mathématiques pour dire que ce serait X p. 100 de ceci ou 100 p. 100 de cela. Nous avons examiné les deux critères, puis nous nous sommes fiés à notre jugement pour dire: «Voilà ce qui nous semble convenable.» C'est ainsi que nous sommes arrivés à une augmentation de 11 p. 100 plutôt qu'à l'augmentation de 27 p. 100 qui avait été demandée.

Le sénateur Cools: J'ai deux questions au sujet du projet de loi.

La présidente: Sénateur Cools, j'ai aussi le sénateur Moore sur ma liste.

Le sénateur Cools: J'achève.

Le législateur dit qu'un des commissaires représente la magistrature.

M. Drouin: On dit, non pas qu'il représente, mais qu'il est nommé par la magistrature.

Le sénateur Cools: C'est le ministre qui nomme la personne qui a été choisie. Comment la magistrature choisit-elle son candidat? Quelle est la marche à suivre pour en arriver là?

M. Drouin: Je ne saurais vous le dire parce que je n'ai pas été partie au processus. C'est parce que le président est nommé une fois que les deux autres membres ont été nommés.

Le sénateur Cools: Qui choisit le candidat de la magistrature? Autrement dit, le candidat est censé être le choix de la magistrature.

M. Drouin: Oui.

Le sénateur Cools: C'est le ministre qui nomme le commissaire, mais supposons que c'est la magistrature qui le choisit. Par quel processus le candidat est-il choisi par la magistrature?

M. Drouin: Tout d'abord, le processus n'est pas établi par le législateur. Même si je n'ai aucunement participé au processus, je peux tout de même vous dire que la conférence et le conseil ont tous deux un processus qu'ils ont mis au point pour choisir leur candidat. Il n'entrait pas dans le mandat de la commission d'examiner ce processus.

Le sénateur Cools: C'était là une énorme lacune dans la loi précédente. Les points d'interrogation sont tellement nombreux qu'on ne peut pas les évoquer tous.

Je me demande, madame la présidente, si nous ne pourrions pas, à un moment donné, nous pencher sur la façon dont le candidat est choisi.

Quand vous parlez du Conseil de la magistrature, vous voulez parler des juges en chef. C'est une autre façon de parler des juges en chef ou de certains juges en chef ou peut-être d'un juge en chef qui choisirait la personne.

La présidente: Sénateur Cools, je crois que cela dépasse la portée de cette mesure législative. Nous devrions peut-être l'envisager si d'autres mesures législatives de ce genre nous sont présentées.

Le sénateur Cools: Au contraire, cela est compris dans l'objet du projet de loi. Si vous regardez l'article 18, vous verrez que la sphère d'activité de la commission est contenue dans l'article 26.3 proposé de la Loi sur les juges. Grâce à la création de cette commission, à son énorme expansion et à son champ d'activité, le projet de loi lui confère des pouvoirs en matière d'identification des représentants de la magistrature.

La présidente: Ces pouvoirs permettent de désigner les personnes qui ont droit au paiement des dépens.

Le sénateur Cools: Au paragraphe 26.3(2), ce champ d'action est de nouveau étendu et comprend les réclamations sur le Trésor. Cela est vraiment exprimé dans le paragraphe 26.3(3) proposé.

La présidente: Mais il s'agit là encore de paiement, n'est-ce pas? Il s'agit de paiement sur le Trésor.

Le sénateur Cools: Voilà qui est extraordinaire. Il s'agit d'un tout nouveau concept dans la Loi sur les juges.

M. Drouin: Puis-je apporter une précision à ce sujet?

Le sénateur Cools: Je vous en prie. La présidente n'y accorde pas d'importance. J'aimerais que vous m'apportiez des précisions à ce sujet car c'est une mesure extraordinaire.

La présidente: Monsieur Drouin, allez-y.

M. Drouin: Dans cet article proposé, madame la présidente, les représentants de la magistrature dont on parle au paragraphe 26.3(1) proposé sont en fait les avocats et non la commission ou le commissaire. On dit dans ce paragraphe que la commission identifie les représentants de la magistrature qui participent à une enquête devant elle et auxquels des dépens peuvent être versés en vertu du présent article. Cela s'applique aux avocats.

Le sénateur Cools: Je comprends ce que dit l'article. Je comprends également les conséquences qu'il pourrait avoir. Je m'interroge sur son fondement. Cette disposition augmente le champ d'activité de la commission. Elle permet à la commission d'aller chercher des fonds sur le Trésor et c'est vraiment une mesure révolutionnaire dans le contexte de la Loi sur les juges.

J'espérais que ces questions ne figurent pas dans la mesure législative. Je croyais qu'on pourrait nous fournir une explication.

M. Drouin: J'essayais de préciser ce qu'il en est.

Le sénateur Cools: Je sais bien. Je comprends que votre réponse est sincère.

Je vois que M. Guay est peut-être en mesure d'expliquer pourquoi on veut ajouter à la loi cette utilisation du paragraphe proposé.

M. Guay: Je crois savoir que votre comité entreprendra demain l'examen article par article du projet de loi. Vous pourriez peut-être poser cette question demain aux fonctionnaires du ministère de la Justice.

La présidente: Il n'y aura pas de fonctionnaires du ministère de la Justice lorsque nous ferons l'examen article par article du projet de loi.

Le sénateur Cools: Je crois savoir que ces dispositions sont incluses dans le projet de loi grâce à la coopération du commissaire à la magistrature fédérale. On nous l'a dit à de nombreuses reprises.

Pourriez-vous m'expliquer le postulat de base et l'intention en matière de politique publique qui sous-tendent les paragraphes proposés 26.3(1) et, plus particulièrement, 26.3(2) - qui créent maintenant de nouveaux droits au paiement des dépens sur le Trésor? C'est vraiment une mesure inédite.

M. Guay: Comme l'a dit M. Drouin, cette disposition permet le paiement des honoraires des représentants de la magistrature qui participent aux enquêtes de la commission. Dans cet article, le gouvernement dit qu'il paiera la moitié des honoraires d'avocat que doivent payer les magistrats pour comparaître devant la commission.

Le sénateur Cools: Je soumets respectueusement, monsieur Guay, que cette disposition signifie davantage que le gouvernement prendra certaines dépenses en charge. On y dit également que certains droits au remboursement des dépens seront payés sur le Trésor, ce qui est inédit dans l'évolution de cette loi. La loi elle-même a été élaborée afin de pouvoir rembourser certaines dépenses sur le Trésor. Bon nombre des pouvoirs nécessaires sont contenus dans cette loi. Je me demande pourquoi il faut maintenant inclure dans la loi un nouveau pouvoir au titre d'une nouvelle dépense ou une formulation supplémentaire d'une dépense payable sur le Trésor.

M. Guay: J'avoue que c'est inusité. Toutefois, M. Drouin a mentionné une recommandation au sujet des paiements. Il s'agit de la recommandation no 22 de la commission, que le gouvernement a refusé de mettre en oeuvre. M. Drouin pourra vous expliquer la recommandation no 22. Je répondrai ensuite à la question.

M. Drouin: Les parties qui comparaissaient devant la commission devaient payer leurs propres représentants pour défendre leurs dossiers. Nous avons jugé que le gouvernement devrait également payer une partie des dépenses des magistrats qui participent à une enquête de la commission. C'est une mesure normale dans ce genre de financement. La procédure créée par la mesure législative oblige une partie à payer des dépenses pour participer aux enquêtes de la commission. Par conséquent, nous avons recommandé que les dépenses soient payées en partie par le gouvernement. Cet article du projet de loi C-12 traite la question de façon différente parce que le gouvernement a accepté de payer la moitié des dépenses des magistrats qui comparaissent devant la commission.

Le sénateur Cools: Ai-je tort de dire que la Loi sur les juges contient déjà un article relatif à cette question des paiements et que l'article 26.3 proposé est une disposition supplémentaire? L'article 53 de la Loi sur les juges porte sur la question du paiement sous le régime de la loi. Cet article est l'instrument qui permet d'aller chercher de l'argent sur le Trésor. À mon avis, ce nouveau paragraphe 26.3(2) constitue une nouvelle méthode. Je soumets que cette méthode est distincte de celle de l'article 53.

M. Guay: Oui.

Le sénateur Cools: Très bien. Nous progressons, monsieur Guay.

M. Guay: Cette disposition est différente de l'article 53 puisque l'article 53 porte sur le traitement et la pension de retraite des juges.

Le sénateur Cools: Il porte également sur d'autres sommes, n'est-ce pas?

M. Guay: Oui. Comme on le dit à l'article 26.3, nous devons payer une partie des dépenses au titre des représentants de la magistrature qui participent à une enquête de la commission.

Le sénateur Cools: Permettez-moi de vous corriger, monsieur Guay. L'article 53 porte sur tous les paiements et tous les traitements sous le régime de la loi; on ne dit pas que ce sont ceux «des juges». Il y a plus de 40 ans, on mentionnait qu'il s'agissait «des juges», mais ces dispositions ont été éliminées. Cet article a été élargi de façon à s'appliquer au traitement du personnel et de tous les autres. Il faudrait peut-être inscrire l'article 53 au compte rendu. Il se lit comme suit:

53.(1) Les traitements, indemnités et pensions prévus par la présente loi, ainsi que les montants payables au titre des articles 46.1 et 51, sont payés sur le Trésor.

L'article 53 ne s'applique donc pas exclusivement aux juges. Sa portée a déjà été étendue à d'autres. Voici ma question: Pourquoi propose-t-on à l'article 26.3 d'élargir encore cette disposition pour payer des dépenses directement sur le Trésor en plus de ce qui est payé sous le régime de l'article 53? J'estime que c'est une question importante. Ce n'est pas facile à comprendre et je prie le comité de se montrer indulgent à ce sujet.

M. Guay: Sénateur Cools, de nombreux articles de la Loi sur les juges permettent des paiements. Par exemple, on trouve à partir de l'article 73 des dispositions pour le paiement de notre personnel et de notre bureau. Nous payons le personnel de notre bureau.

Le sénateur Cools: Que trouve-t-on dans l'article 73 au sujet des paiements?

M. Guay: L'article 77 porte sur le personnel du commissaire, qui fait partie de la fonction publique.

Le sénateur Cools: L'article 77 n'a rien à voir avec les paiements.

M. Guay: On y dit que le personnel du commissaire fait partie de la fonction publique.

Le sénateur Cools: Effectivement, il ne s'agit donc pas de paiement.

M. Guay: Nous devons payer ces employés. Je puis vous donner d'autres exemples.

Dans la deuxième partie de la loi, qui porte sur le Conseil canadien de la magistrature, on peut lire à l'article 62:

62. Le Conseil peut employer le personnel nécessaire à l'exécution de sa mission et engager des conseillers juridiques pour l'assister dans la tenue des enquêtes visées à l'article 63.

Le sénateur Cools: Je n'en doute pas. L'article 53 est l'article habilitant qui permet de payer certaines dépenses sur le Trésor. On ne trouve le mot «Trésor» nulle part avant l'article proposé 26.3. Si vous ne pouvez pas répondre à cette question aujourd'hui, je comprends cela et j'y suis sensible, mais je crois néanmoins que le comité devrait avoir une explication complète de cette question.

M. Guay: Wayne Osborne, notre directeur des finances, répondra à votre question, sénateur.

M. Wayne Osborne, directeur, Services financiers, Commission de la magistrature fédérale: D'après ce que nous avons compris de cet article, comme l'ont expliqué M. Drouin et M. Guay, l'objectif est de rembourser les dépens des magistrats qui comparaissent devant la commission. Vous avez raison lorsque vous dites que c'est une méthode inédite.

Le sénateur Cools: C'est extrêmement inusité. Le comité doit savoir que c'est inédit puisqu'on crée maintenant un mécanisme de réclamation directe sur le Trésor, en plus des paiements généraux qui sont autorisés sur ce même Trésor. Cela va très loin. M. Guay a raison. À une certaine époque, l'article 53 ne portait que sur les traitements des juges. À l'origine, cet article visait à payer le traitement des juges. Il ne visait pas à payer les traitements d'autres gens très biens.

Ce qui me préoccupe, c'est qu'il s'agit d'une méthode inédite. J'espérais qu'on pourrait me fournir une explication à ce sujet.

M. Osborne: La seule explication que je puisse vous donner, c'est qu'en ajoutant cette disposition à la loi, il est plus facile du point de vue administratif d'obtenir des fonds pour payer ces dépens.

Le sénateur Cools: Vous avez raison sur ce point. Ce que vous dites, c'est que cette disposition permet d'accroître le champ d'application de l'article 26.3 de la Loi sur les juges.

M. Osborne: C'est pour une fin bien précise.

Le sénateur Cools: C'est l'objectif visé à l'heure actuelle, mais je ne doute pas qu'on l'utilisera plus tard à de nombreuses autres fins.

M. Osborne: D'après ce que nous savons, la disposition vise à rembourser ces dépens.

La présidente: Cette question dépasse probablement le champ de compétence de nos témoins.

Le sénateur Cools: La mesure a toutefois été ajoutée à leur initiative. On nous a dit que ce projet de loi vise à mettre ce rapport en oeuvre. L'idée est issue de leur travail.

La présidente: Le gouvernement n'a pas accepté la recommandation no 22 de la commission. En réponse à cette recommandation, le gouvernement a déclaré qu'il n'avait aucune obligation constitutionnelle de payer les frais de représentation ou les autres honoraires que doivent débourser les magistrats qui participent aux enquêtes de la commission. À titre de politique, le gouvernement a reconnu qu'il était dans l'intérêt public que les magistrats participent aux enquêtes de la commission. Il a pour cela versé à titre de faveur un montant de 80 000 $ aux représentants de la magistrature pour contribuer équitablement à la participation des magistrats aux enquêtes de la commission. Cela a déjà été fait dans le cadre d'une politique. Je suppose qu'on veut maintenant intégrer une telle mesure à la loi.

Le sénateur Cools: Nous constaterons peut-être que l'origine du paragraphe proposé 26.3(2) est légèrement différente. Ce paragraphe crée des droits de paiement. En voici le libellé:

(2) Sous réserve du paragraphe (1), un représentant de la magistrature qui participe à une enquête de la commission a droit au paiement sur le Trésor de la moitié des dépens liés à sa participation, déterminés en conformité avec le paragraphe (3).

Je ne conteste pas le montant des paiements. Je conteste le fait que ce soit payé directement sur le Trésor. Le Trésor est une question qui touche directement le Parlement.

La présidente: Il s'agit de transformer en droit de paiement ce qui se fait déjà dans le cadre d'une politique.

M. Drouin: Je tiens à préciser que la méthode proposée à l'article 26.3 exige que la Cour fédérale détermine le montant des dépens. Cela signifie plus ou moins que chaque fois que le gouvernement fédéral, ou le gouvernement lui-même, doit être entendu par un tribunal ou une commission, il existe un moyen d'établir que les coûts sont raisonnables. Je dis simplement qu'il existe une mesure de protection.

Le sénateur Cools: Je ne mets pas en doute votre sincérité et votre objectivité. Ce que je conteste, c'est la technique parlementaire dont on use ici pour faire payer des dépens sur le Trésor. C'est une question parlementaire très importante. C'est pourquoi je vous pose la question.

Je ne conteste pas le fait que la ministre, dans sa sagesse, a déterminé qu'il convenait de payer un montant X plutôt qu'un montant Y. Ce qui me préoccupe, c'est cette nouvelle création, dans ce cas-ci, d'un paiement direct sur le Trésor, autorisé par la loi. Le ministère de la Justice aurait pu facilement continuer de payer ces dépens.

Madame la présidente, c'est une question qu'il faudra étudier plus tard, puisque ce projet de loi est volumineux. On ne peut pas tout traiter. Vous savez à quel point c'est difficile. Je trouve cela un peu - pas vraiment étrange, mais très particulier et inédit. Je ne suis pas absolument convaincue que c'est l'orientation que nous devrions prendre.

Comme je l'ai déjà dit, je ne conteste pas le montant ou l'à-propos des paiements.

La présidente: C'est probablement le tour de quelqu'un d'autre.

Le sénateur Cools: Je suis désolée de vous poser des questions aussi difficiles.

Le sénateur Moore: Monsieur Drouin, au début du rapport, on parle de la structure du comité, d'un candidat présenté par les juges nommés par le gouvernement fédéral et d'un autre présenté par le ministre de la Justice. Qui a nommé vos deux autres commissaires?

M. Drouin: C'est le gouverneur en conseil qui fait les nominations.

Le sénateur Moore: Qui a présenté les candidatures?

M. Drouin: M. Fred Gorbet est le candidat choisi par le gouvernement fédéral. Mme Eleanore Cronk est celle présentée par la magistrature.

Mme Eleanore Cronk a démissionné de la commission pour des raisons personnelles. Il y a donc un poste vacant.

Le sénateur Moore: Dans le tableau que vous avez mentionné précédemment, à la page 34, on dit que le salaire des juges de cour supérieure est de 165 500 $. À la page 47, on dit que le traitement est de 172 000 $. Ces 165 500 $ font-ils partie des autres chiffres pour 1997? D'où viennent ces chiffres?

M. Drouin: M. Sauvé pourrait peut-être répondre à cette question.

M. André Sauvé, actuaire, Commission d'examen de la rémunération des juges de 1999: Les chiffres pour 1997 comprennent une augmentation qui devait entrer en vigueur par la suite et qui avait déjà été accordée.

Le sénateur Moore: Dans le tableau de la page 47, on mentionne 165 500 $, plus une augmentation pour porter ce chiffre à 172 000 $. Est-ce exact?

M. Sauvé: C'est exact. C'est bien l'augmentation qui avait été prévue ou accordée en 1997. Nous en avons tenu compte afin de garantir que nous n'accordions pas une augmentation qui avait déjà été accordée.

M. Drouin: Ces tableaux ont été créés à des fins de comparaison.

Le sénateur Moore: Pourriez-vous m'expliquer ce qu'on entend par le 75e centile dans le groupe de comparaison? Qu'est-ce que cela signifie?

M. Sauvé: Parmi le groupe des avocats en exercice privé qui peuvent être candidats à des postes de juge, nous avons choisi le traitement qui correspond au 75e centile, c'est-à-dire que 25 p. 100 des avocats sont payés plus et 75 p. 100 sont payés moins.

Le sénateur Moore: C'est là que vous avez tracé la ligne. Vous n'avez pas fait de recherche au sujet de la rémunération dans les territoires ou les grandes métropoles de chacune des provinces? Pourquoi? Comme vous le savez, on nomme des juges de cour supérieure dans tout le pays. N'avez-vous pas pensé qu'il serait nécessaire de faire une telle recherche?

M. Sauvé: Ces chiffres nous ont été fournis par Revenu Canada. Dans les provinces où il n'y avait pas suffisamment d'avocats, il n'existait pas de données enregistrées pour des raisons de confidentialité. Nous n'avions pas nécessairement des chiffres pour toutes ces régions. Par exemple, nous n'avions pas de chiffres pour l'Île-du-Prince-Édouard.

Le sénateur Moore: Ces chiffres viennent donc tous du ministère du Revenu national.

M. Sauvé: Oui.

Le sénateur Moore: Vous connaissez les montants, mais pas les noms correspondants. Vous savez de quelle province ou de quelle ville il s'agit cependant, n'est-ce pas?

M. Sauvé: C'est exact.

Le sénateur Moore: Vous dites ne pas avoir de chiffres pour ces régions?

M. Sauvé: Un certain nombre de conditions minimales devaient être respectées avant que l'information ne puisse être divulguée, et cela pour des raisons de confidentialité.

M. Drouin: Le Yukon ne compte que cinq avocats. Je présume que le ministère refuserait de divulguer ces chiffres, pour empêcher qu'on puisse identifier ces personnes.

Le sénateur Moore: Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Cools, vous avez parlé de l'identification des représentants de la magistrature. S'agit-il de la représentation juridique seulement? Est-ce que cela s'applique au conseiller juridique ou au cabinet de relations publiques dont on a pu retenir les services?

M. Drouin: Selon notre interprétation, il s'agit de la représentation juridique.

Le sénateur Moore: Pourquoi ne le dites-vous pas? Je pose simplement la question. Je ne sais pas où vous vouliez en venir avec votre question, sénateur Cools, mais j'ai souvent vu devant les tribunaux de la Nouvelle-Écosse une partie demander à un cabinet de relations publiques de faire un petit boniment.

La présidente: Ce n'est pas la façon dont les témoins se sont exprimés.

M. Drouin: J'aimerais préciser que dans un cas semblable, les actuaires joueraient un rôle important et auraient les compétences voulues pour être des représentants.

Le sénateur Moore: Dans ce cas, il ne s'agit pas simplement de représentation juridique.

M. Drouin: Non, vous avez raison, je me suis trompé en disant qu'il s'agissait seulement d'avocats. Les actuaires seraient donc d'abord visés mais certainement pas les agents de relations publiques. C'est mon point de vue et je suis sûr que c'est également celui de la commission.

Le sénateur Moore: Les règles devraient être resserrées.

Le sénateur Banks: Nous avons établi que le sénateur Cools s'interrogeait non pas au sujet du bien-fondé du paiement, mais au sujet du moyen adopté pour effectuer le paiement. J'aimerais poursuivre dans la même veine que le sénateur Moore.

Monsieur Drouin, vous avez dit plus tôt que vous aviez sollicité la participation du public? Quelle a été l'envergure de cette participation? Ces participants avaient-ils qualité pour agir? Est-ce que seuls les représentants de la magistrature peuvent être indemnisés lorsqu'ils comparaissent devant la commission pour présenter leurs arguments? Avez-vous entendu des parties intéressées dont les recommandations ne cadraient pas avec celles de la magistrature, d'une part, et celles du gouvernement, d'autre part? Y a-t-il d'autres parties intéressées et devraient-elles avoir droit à l'indemnisation?

M. Drouin: Tout dépend de l'envergure de leur contribution. Voyons ce qu'il en est. Nous avons fait paraître des annonces dans environ 30 journaux canadiens. Nous avons reçu 20 mémoires. Enfin, quatre ou cinq parties ont comparu aux audiences publiques.

Parmi ces parties, il y avait la cour d'appel qui réclamait un écart de salaire. Le juge Robert, de la Cour d'appel du Québec, représentait cette cour. Des membres de l'Association du Barreau canadien ont aussi présenté leurs points de vue et ont comparu devant la commission.

Le gros du travail a été fait par le gouvernement du Canada, représenté par le ministre de la Justice, la conférence et le conseil, qui ont comparu conjointement devant la commission. Aucune autre partie n'a demandé à ce qu'on lui rembourse ses frais. Un groupe de juges de l'Alberta ou du Manitoba se sont cependant fait représenter par un avocat. Ils n'ont pas demandé le remboursement de leurs frais.

Le sénateur Banks: Vous avez donné comme repère le traitement des sous-ministres de niveau trois. L'avez-vous fait parce que des spécialistes des ressources humaines vous ont dit qu'il s'agissait d'un poste comparable. S'agit-il du niveau auquel il faudrait comparer les juges?

M. Drouin: C'est ce qui a été fait par le passé. Les six, sept ou huit dernières commissions se sont penchées sur cette question. Nous n'avons cependant pas fait une comparaison objective et précise de divers postes. C'est une question que nous étudions avec les avocats en exercice privé pour établir où ils se situent.

En réponse à un rapport déposé dernièrement, le gouvernement a relevé les salaires des DM-03 à compter d'avril 2000, ce qui modifie les chiffres qui figurent dans notre rapport. Nous nous fondons sur les chiffres de 1998; le salaire d'un DM-03 qui se situe au milieu de l'échelle est donc passé de 188 250 $ à 203 300 $ à compter du 1er avril 2000. Cela ne tient pas compte de la rémunération conditionnelle qui peut atteindre jusqu'à 20 p. 100. Comme la rémunération conditionnelle moyenne représente 10 p. 100 du salaire, il s'ensuit qu'un DM-03 qui se situe au milieu de l'échelle des salaires touche 219 000 $ depuis le 1er avril 2000. Nous avions recommandé un traitement de 198 000 $.

Le sénateur Banks: Combien de commissaires sont-ils avocats? À brûle-pourpoint, savez-vous aussi quel est le traitement du premier ministre du Canada?

M. Drouin: Je pense que ce doit être 240 000 $, mais je me trompe peut-être. Je me trompe?

Le sénateur Cools: C'est beaucoup moins. Il gagne 100 000 $ de moins.

Le sénateur Banks: Je sais qu'il s'agit d'une comparaison exécrable. Je posais un peu la question à la blague.

Le sénateur Cools: Vous avez dit vous être reportés au revenu moyen d'un avocat en exercice privé. Pour poursuivre dans la même veine que le sénateur Banks qui faisait une comparaison avec le traitement du premier ministre, quel est le salaire moyen de ce qu'on appelle les avocats publics? Vous vous êtes reportés à ce que touchent les avocats du secteur privé. Qu'en est-il des avocats qui pratiquent le droit au sein du gouvernement, c'est-à-dire des avocats du ministère de la Justice?

Les données indiquent que bon nombre de juges proviennent aujourd'hui des associations du Barreau et des ministères. Pourquoi ne s'est-on pas reporté aux salaires des avocats du ministère de la Justice?

M. Drouin: Il y a plusieurs façons d'envisager la question. Nous avons essayé de le faire du mieux possible. Soixante-dix pour cent des juges viennent des rangs de ce que nous appelons dans notre rapport les avocats.

Voilà pourquoi nous nous sommes reportés aux avocats en exercice privé. Nous ne disons pas catégoriquement que les traitements des juges doivent correspondre à ceux des avocats en exercice privé. Nous essayons simplement d'établir certains repères.

Le sénateur Cools: Vous auriez pu établir une comparaison avec les salaires des avocats du secteur public étant donné que vous avez choisi le poste de DM-03 comme poste repère.

Cette question va au-delà de cette étude. Il existe beaucoup d'études sur la question de la nomination des juges. Bon nombre de juges viennent des rangs des avocats du secteur public. Il semblerait que ce repère soit aussi bon qu'un autre.

Tout revient à la question de savoir ce que constitue une rémunération raisonnable. Je sais que vous avez établi les revenus des avocats du secteur privé. Tout ce que j'ai lu à ce sujet semble indiquer que le salaire moyen des avocats au pays est beaucoup moins élevé que celui que vous nous avez indiqué.

[Français]

Le sénateur Nolin: Ma question concerne les juges qui travaillent dans les territoires. Lorsque vous avez examiné leur rémunération, surtout celle des trois juges principaux, comment se fait-il que vous n'ayez pas recommandé qu'ils reçoivent le traitement d'un juge en chef d'une Cour suprême ou d'une Cour d'appel?

Leur charge de travail est semblable à celle des juges en chef de la Cour d'appel et de la Cour supérieure de l'Île-du-Prince- Édouard. Pourquoi ne pas offrir la même rémunération que celle offerte à ces juges?

M. Drouin: Je vais vous répondre de manière simpliste: cela ne nous a pas été demandé. Vous parlez des juges qui ont reçu une prime de 12 000 $?

Le sénateur Nolin: Ce montant représente une prime d'éloignement, mais en ce qui concerne la rémunération de base, les fonctions de ces juges sont en effet semblables à celles des juges puînés.

M. Drouin: C'est de l'essence même de notre rapport. En ce qui a trait à la rémunération des juges sur le plan historique, depuis la Confédération, il y a toujours eu une uniformité salariale à travers le Canada. Si vous regardez nos tableaux, en matière de comparaison avec la pratique privée, vous constaterez une fluctuation énorme relativement aux différentes parties du Canada. Les traitements à Toronto et Calgary sont évidemment très élevés, et dans le reste du Canada, à divers degrés, ils sont inférieurs. Nous avons mentionné ce fait.

Il serait intéressant de faire une étude sur le plan régional. Sur le plan historique, cette question de l'uniformité de la rémunéra tion des juges à travers le Canada n'a pas été abordée jusqu'à maintenant. À certains endroits, cela désavantage, et à d'autres endroits, c'est avantageux.

Le sénateur Nolin: J'ai bien aimé votre rapport sur la question des juges de la Cour d'appel qui, encore une fois, ont demandé un salaire médian entre le leur et celui des juges de la Cour suprême. J'abonde dans ce sens. Il est approprié que les juges de la Cour d'appel aient une rémunération semblable à celles des juges de la Cour supérieure, puisque certains juges de la Cour supérieure, comme vous le dites dans votre rapport, sont appelés à siéger. On a seulement à penser au cauchemar de la rémunération à un taux horaire ou au per diem. J'imagine le travail des personnes chargées de compiler les heures, en se demandant si ces heures incluent les jours de tribunal ou de recherche, et cetera.

Ma question porte plutôt sur les juges principaux des trois territoires qui ne reçoivent pas la même rémunération que celle des juges en chef des autres cours. Pourquoi auraient-ils un salaire différent?

M. Drouin: Cela peut avoir du mérite, mais la ministre de la Justice a le dernier mot sur cette question.

Le sénateur Nolin: Nous l'avons accepté.

Le sénateur Joyal: Il me fait plaisir d'accueillir M. Drouin. Cela doit lui rappeler beaucoup de souvenirs de sa famille. Je m'en voudrais de ne pas consigner au procès-verbal d'aujourd'hui la contribution faite par plusieurs membres de sa famille de M. Drouin aux travaux du Sénat du Canada. Je vous remercie, monsieur Drouin.

J'ai lu votre rapport avec intérêt, d'autant plus que c'était le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles qui avait amendé le projet de loi sur les juges, il y a environ deux ou trois ans, afin d'inclure dans le projet de loi des critères de base objectifs pour fixer la rénumération.

J'ai lu en particulier les recommandations du chapitre sept sur la méthode. Il me semble extrêmement important que les critères et la méthode soient, autant que possible, les plus clairs et les plus objectifs possible afin d'assurer l'impartialité de la recommanda tion que vous faites.

Je comprends qu'un des facteurs de base déterminants pour la rénumération est le salaire que reçoivent les membres de la profession légale - on n'est pas nommé juge si on n'est pas d'abord membre de la profession légale. Vous avez recommandé de développer des critères relativement précis, de sorte que si une nouvelle commission avait à se pencher à nouveau sur la question, elle n'ait pas à réinventer la roue, puisque l'objectif est de développer des critères. Si la définition des critères est bien faite, une commission qui entreprendrait de poursuivre vos travaux aurait déjà une base relativement fiable.

Le ministère ne semble pas avoir retenu cette recommandation de façon aussi précise que la façon dont vous l'avez exprimée. J'ai lu le mémoire que le Barreau canadien a déposé et que madame la présidente nous a fait parvenir. Le mémoire, à la page deux, reprend cette recommandation d'une façon très précise.

Parmi les priorités dans le développement de méthodes nous avons la détermination du salaire des avocats et de leur rajustement - en tenant compte de la compensation que l'actuaire fait selon les avantages qui sont reconnus à la profession de juge, avantages qui ne sont pas nécessairement disponibles dans le secteur privé de façon comparable. La détermination de cette méthode ne devrait-elle pas être la recommandation la plus importante, mis à part le rajustement qu'on retrouve sur l'échelle proposée, à laquelle le ministère de la Justice devrait se consacrer au cours des prochaines années afin de conserver l'acquis des travaux que vous avez faits?

Vous dites que la commission triennale qui vous a précédé n'a pas fonctionné selon un formalisme aussi clair que celui que vous avez voulu vous-même lui donner.

Comment pouvons-nous nous assurer que d'ici quelques années, les données essentielles seront rassemblées de façon à permettre un travail objectif de la commission?

M. Drouin: Il me semble que la ministre de la Justice a indiqué dans son énoncé qu'elle avait l'intention de demander à la commission - puisque nous sommes en place jusqu'en août 2003 - de se pencher sur deux aspects. Le premier aspect traite de la mise en place des critères et des données qui permettent une meilleure évaluation de la rémunération des praticiens. Le deuxième traite du régime de retraite.

Dans le premier cas, j'ai compris que, pour la ministre, c'était une réponse à ce chapitre, parce que la Loi sur les juges prévoit que la ministre peut demander à la commission de faire certains travaux en plus des travaux principaux qu'elle a faits durant les premiers neuf mois.

Je n'ai pas devant moi l'énoncé de la ministre, mais à la fin de son énoncé, elle mentionne des éléments qui visent particulière ment le point que vous avez soulevé.

Le sénateur Joyal: À ce moment-ci, on ne vous a pas encore demandé formellement de poursuivre vos travaux sur ce point particulier?

M. Drouin: Non.

Le sénateur Joyal: En ce qui a trait aux autres critères qui peuvent être développés, il existe un aspect du travail des juges qui est difficilement quantifiable, et c'est le suivant: il est relativement rare que des juges soient nommés sans avoir exercé auparavant, pendant une période de temps raisonnable, leur profession en pratique privée, et sans avoir reçu une reconnaissan ce de leurs pairs. Un avocat qui obtient une certaine reconnaissan ce professionnelle dans sa communauté, après avoir accumulé un certain nombre d'années de pratique, est appelé à participer à des activités paralégales qui font partie d'une certaine forme de qualité de vie professionnelle. Lorsque la même personne est nommée juge, elle doit s'abstenir d'une série d'activités profes sionnelles satisfaisantes tant sur le plan personnel que sur le plan financier.

Un avocat peut être nommé directeur de société, participer à des campagnes de souscription publique en faveur de certaines causes qui lui sont chères, et cetera. Il exerce donc une certaine forme de rayonnement social et professionnel qui fait partie de ce dont un individu peut bénéficier à une certaine étape de sa carrière. Lorsque cet avocat est nommé juge, il doit abandonner cette partie de son activité et éviter dans toute la mesure du possible, puisqu'il est surveillé, de se placer dans des positions où son indépendance pourrait être mise en cause.

Comment arrivez-vous à quantifier une compensation pour ce «manque à gagner» qui est quand même réel? Tous ceux qui côtoient des membres de la profession juridique sont en mesure de le constater. Comment arrivez-vous à quantifier et à refléter cela dans le salaire des juges?

M. Drouin: Il n'est pas possible de quantifier cette compensa tion. Je suis entièrement d'accord avec les énoncés du sénateur Joyal, surtout dans le fait que l'évolution de la profession d'avocat et de celle de juge a été très importante au cours des 20 dernières années. Mon père et mon oncle, dont vous avez souligné l'apport au Sénat, avaient une pratique à l'époque qui leur permettait lorsqu'ils plaidaient des causes, à Chicoutimi, en Beauce ou ailleurs, d'aller dîner le soir avec le juge et avec l'avocat de l'autre partie et de fraterniser. Aujourd'hui, les juges ne font plus ce genre de choses. J'ai des amis qui étaient dans mon cabinet et qui sont devenus juges, pour lesquels on ne peut pas, indépendamment de la relation avec un cabinet ou pas, avoir de relations sociales ouvertes. C'est clair que cela fait partie du rôle que doit avoir un juge, mais ce n'est pas quantifiable. Par conséquent, cela fait partie des impondérables, un peu comme on ne peut pas évaluer ce que vaut la sécurité d'emploi pour un fonctionnaire du gouvernement. Cela ne s'évalue pas, et c'est la même chose pour un juge qui doit faire face aux conditions que vous avez mentionnées.

Le sénateur Joyal: Quels sont les autres critères d'évaluation de la rénumération, comme dit le code, «justes et raisonnables» pour lesquels il est difficile de déterminer une mesure, sans développer une base comparative qui donnerait à la décision le caractère le plus objectif possible. Car c'est vers cela que l'opinion de la Cour suprême, dans la référence dans la cause de l'Île-du-Prince-Édouard, nous amène. Vous le citez bien dans votre rapport, lorsque le juge Lamer dit, et je cite le jugement à ce sujet:

De plus, si après avoir étudié le rapport de la Commission, l'exécutif ou l'assemblée législative, selon le cas, décide de rejeter une ou plusieurs des recommandations, il doit être prêt à justifier sa décision au besoin devant une cour de justice. Toute décision non justifiée pourrait entraîner une déclaration d'inconstitutionnalité.

C'est donc dire que le gouvernement aussi doit avoir des critères objectifs, d'une certaine façon, pour pouvoir équilibrer les recommandations que vous faites et la décision que l'exécutif et le Parlement sont appelés à prendre.

L'importance de définir les critères a été considéré par notre comité comme un élément essentiel du fonctionnement de la loi. Si on est pour bénéficier de vos travaux et de l'expérience que vous avez accumulée pour produire ce rapport, pouvons-nous nous attendre à ce qu'au cours des prochaines années, vous formuliez des critères, de manière à ce que la décision finale soit prise avec le moins de discrétion possible?

M. Drouin: Je mentionnerai que nous sommes quand même soumis de par la loi aux critères de l'article 26. Ces critères, en soi, ne peuvent pas être d'une objectivité telle que vous la souhaiteriez. Par exemple, lorsqu'on parle de sécurité financière ou d'indépendance judiciaire, ce sont des critères très subjectifs dans leur évaluation. Les critères auxquels vous faites allusion et que nous avons énoncés dans notre rapport, sont davantage des critères qui permettent de se baser sur des données de valeur sûre. Autrement dit, il faut organiser toutes les données que nous pouvons recevoir, par exemple, celles du ministère du Revenu, afin de les étudier en détails et plus à fond.

Pourquoi les disparités régionales sont-elles si grandes? Doit-on faire quelque chose relativement aux disparités régionales? Nous serons toujours, de par la loi, - à moins que nous en changions le contenu, mais je ne crois pas qu'un changement serait conforme au jugement de la Cour suprême - soumis à des critères subjectifs en soi. Il s'agit donc d'en arriver à la meilleure décision ou à la meilleure recommandation, à l'aide de données que nous considérons plus fiables.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Mes collègues vous ont dit à quel point nous sommes mal à l'aise de devoir nous prononcer sur une augmentation «raisonnable» des traitements, étant donné qu'il y a un tel écart entre la fonction législative et la fonction exécutive. Mes collègues y ont fait allusion.

Plus la commission mettra au point une méthode précise pour établir la rémunération des juges, plus elle pourra servir à établir la rémunération des législateurs et des membres de l'exécutif. Il s'agit d'un travail important si le Canada veut se doter d'une bonne méthode pour établir la rémunération de ceux qui sont chargés de la conduite des affaires du pays. Votre travail revêt donc beaucoup d'importance.

Il n'existait par le passé de méthodes et de critères fiables, mais la méthode que vous allez établir permettra de mieux apprécier la contribution professionnelle des parlementaires. J'insiste sur l'importance de cette méthode. J'appuie sans réserve la comparaison avec les salaires des membres du Barreau et avec les DM-03, mais si je faisais partie d'une commission sur la rémunération comme la Commission Lumley et si j'avais des recommandations à formuler, je m'assurerais que la méthode proposée est juste et s'applique à toutes les assemblées législatives pour que nous ne donnions pas l'impression pénible que nous essayons de nous enrichir sur le dos des contribuables. Comme vous l'avez mentionné, d'autres gens qui occupent un poste comparable à celui de juge doivent décider de recommander des candidats à ces postes et donner leur avis sur la rémunération qui devrait leur être versée et sur les augmentations de salaire à accorder.

M. Drouin: Je prends bonne note de vos observations.

Le sénateur Moore: Monsieur Drouin, j'aimerais poursuivre la discussion au sujet des représentants de la magistrature. Ce n'est pas exactement ce que vous avez dit, mais vous pensez qu'un actuaire pourrait être considéré comme le représentant de la magistrature et avoir droit au paiement de ces dépens en vertu de l'article 26.3. Le paragraphe 26.3(3) parle des dépens sur une base avocat-client. À titre d'avocat, je crois que cela s'applique qu'aux avocats et non pas aux experts comme les actuaires, les agents de relations publiques ou les médecins. Je ne vois pas comment d'autres experts pourraient être visés par cet article.

M. Drouin: C'est mon actuaire qui m'a poussé à vous donner cette réponse.

Le sénateur Moore: C'est ce que je pensais.

M. Drouin: Nous avons recommandé que seuls les dépens des avocats soient remboursés.

Le sénateur Moore: Je pense que c'est ce qui devrait se faire.

M. Drouin: La loi parle d'un représentant.

Le sénateur Moore: Ce n'est pas suffisamment précis. Il faudrait dire qu'il s'agit d'un représentant juridique ou avocat-conseil.

Le sénateur Banks: Êtes-vous d'accord avec le sénateur Moore?

M. Drouin: Oui.

Le sénateur Banks: Pensez-vous que la loi devrait être plus précise à cet égard?

M. Drouin: Je ne voudrais pas me prononcer là-dessus. J'ai simplement dit que comme la loi ne précise pas que le représentant doit être un avocat, les actuaires pourraient être considérés comme des représentants. Si ce n'est pas le cas, il vaudrait mieux que la loi le précise.

Le sénateur Banks: Il pourrait s'agir d'un spécialiste en orientation professionnelle ou d'un conseiller en investissement.

Pour revenir à ce que disait le sénateur Nolin, autrefois - et je ne sais pas si c'est toujours le cas - certains juges des tribunaux provinciaux et, si je ne m'abuse, certains juges en chef des tribunaux provinciaux étaient également des juges des tribunaux territoriaux. Savez-vous si c'est toujours le cas? Et si ce l'est, qu'est-ce que cela signifie au point de vue traitement? Les traitements sont-ils cumulatifs?

La présidente: Je ne sais pas si cette situation existe toujours. Je crois que c'était le juge en chef de l'Alberta qui était aussi juge pour les Territoires du Nord-Ouest.

M. Guay: Le juge en chef de l'Alberta est aussi le juge en chef des Territoires du Nord-Ouest et du Nunavit et le juge en chef de la Colombie-Britannique est aussi le juge en chef du Yukon. Ils ne touchent pas de supplément de rémunération. Leur traitement reste le même.

Le sénateur Cools: Leurs dépens remboursables sont plus élevés, n'est-ce pas?

M. Guay: Ils obtiennent un supplément à cet égard.

Le sénateur Cools: Ils touchent donc un traitement mais deux allocations pour dépenses de représentation.

Le sénateur Banks: Comme il se doit.

M. Guay: Je voulais simplement signaler le fait que le juge en chef de la Colombie-Britannique est le juge en chef du Yukon et le juge en chef de la Cour d'appel du Yukon, mais au nom de la Cour suprême, c'est le doyen des juges de la Cour suprême.

Le sénateur Cools: J'ai une coupure de presse du Toronto Star datée du 13 mai 1998. Cet article se fonde sur des données tirées du recensement. D'après cet article, les juges viennent en première place au pays et les avocats en septième pour ce qui est de leur rémunération.

Je vous signale qu'il y a un écart important entre le traitement des juges et le salaire moyen des avocats. Je ne remets pas en question vos conclusions et je ne remets pas en question non plus la méthode que vous avez utilisée pour y parvenir, mais je conviens avec le sénateur Joyal que cette méthode continue d'être quelque peu arbitraire.

Nous entendons parler d'avocats qui font des centaines de milliers de dollars chaque année, mais ce n'est pas ce qui ressort des données. Quelques avocats font autant d'argent, mais ce n'est pas la majorité d'entre eux. Nous rendons un très mauvais service aux avocats en parlant comme s'ils gagnent tous des centaines de milliers de dollars. Ce n'est pas le cas.

L'avocat moyen qui travaille au ministère de la Justice - ou notre propre conseiller juridique au Sénat - gagne beaucoup moins.

Il nous faut établir des normes qui nous conviennent à tous. Le public se demande comment on arrive à de telles conclusions. Je vous invite à réfléchir à cette question. Les normes doivent être objectives et rationnelles. Je ne conteste pas la nécessité d'établir des normes. Je me demande simplement s'il convient vraiment que la rémunération des juges de sa Majesté corresponde à un certain pourcentage du salaire des avocats les mieux rémunérés au pays.

Je crois que le Parlement a un rôle important à jouer. Je crois aussi que les gens qui servent le public doivent être convenablement rémunérés. Je ne pense pas qu'ils devraient vivre dans la pauvreté et qu'ils devraient travailler par simple amour du métier. Il faudrait être fou pour le penser.

J'encourage nos témoins à établir des critères réellement scientifiques. Étant donné que cette question préoccupe le public.

M. Drouin: J'en prends bonne note.

Le sénateur Cools: Nous voulons tous que le système fonctionne et que les normes soient justifiées.

La présidente: Je remercie les témoins qui ont comparu devant nous cet après-midi.

Nous accueillons maintenant du Bureau du surintendant des institutions financières, MM. Ménard, McCleave et Cornelis. Bienvenue, messieurs. Veuillez commencer.

[Français]

M. Jean-Claude Ménard, actuaire en chef au Bureau de l'actuaire en chef: Avant de commencer, je voudrais vous dire que nous sommes très heureux d'avoir été invités à prendre la parole devant votre comité. MM. Lou Cornelis et Steve McCleave, également du Bureau de l'actuaire en chef, qui m'accompagnent aujourd'hui, sont des actuaires chevronnés qui ont fourni des avis actuariels tout au long du processus suivi par la Commission, et lors de la préparation du projet de loi C-12.

Le Bureau de l'actuaire en chef fait partie du Bureau du surintendant des institutions financières qui surveille et réglemen te toutes les banques du Canada et toutes les sociétés de fiducie et d'assurance, associations coopératives de crédit et sociétés de secours mutuels, et tous les régimes de retraite constitués ou agréés sous le régime des lois fédérales.

Au sein du Secteur du soutien spécialisé du BSIF, le Bureau de l'actuaire en chef offre des services actuariels au gouvernement fédéral à l'égard d'une vaste gamme de programmes que parraine ce dernier. Les deux plus importants programmes, le Régime de pensions du Canada et la Sécurité de la vieillesse, versent des prestations de retraite et d'autres prestations à la plupart des Canadiens et Canadiennes. Les autres programmes sont les régimes de retraite et d'assurance à l'intention des membres de la fonction publique, des Forces armées canadiennes, et de la Gendarmerie royale du Canada, et des juges et parlementaires fédéraux. En plus de préparer des rapports actuariels réglementai res portant sur la situation financière des régimes, le Bureau de l'actuaire en chef offre aux ministères concernés des conseils actuariels au sujet de la conception, de la capitalisation et de l'administration de ces régimes.

Conformément à la Loi sur les rapports relatifs aux pensions publiques, le Bureau de l'actuaire en chef procède à des évaluations actuarielles triennales du régime de pension des juges depuis 1985. Pour ce faire, nous avons examiné de près les données démographiques sur les juges, plus particulilèrement les deux principaux éléments, c'est-à-dire les taux de retraite et les taux de mortalité. Les hypothèses de taux de retraite découlant de l'analyse des données historiques du régime varient selon l'âge et les années de service, tandis que les hypothèses du taux de mortalité varient selon l'âge et le sexe. Le plus récent rapport d'évaluation réglementaire portant sur le régime de retraite des juges a été préparé par le Bureau de l'actuaire en chef le 31 mars 1998. Il révèle que l'âge normal moyen où l'on prend sa retraite s'établit à 73 ans pour les juges. Selon les taux de mortalité estimés dans ce rapport, l'espérance de vie restante s'élève à 13,8 années pour les juges de sexe masculin et à 17 années pour les juges de sexe féminin.

À la demande du ministère de la Justice et de la Commission d'examen de la rémunération des juges, le Bureau de l'actuaire en chef a participé activement à la conception et au calcul des coûts des diverses propositions de retraite et d'assurance destinées aux juges. À la demande de la commission, mon bureau a aussi fourni de l'information actuarielle requise par l'expert constitutionnel de la commission.

[Traduction]

Le coût des modifications au régime de pension prévu dans le projet de loi C-12 a été établi surtout en fonction d'hypothèses actuarielles fondées sur le rapport de 1998 et sur des hypothèses relatives aux imprévus comme les retraites anticipées avec prestations calculées au prorata. Ces coûts ont été établis de la même façon que les pensions prévues par la loi, ce qui signifie qu'on a estimé les changements dans la charge à payer et les coûts normaux.

La charge à payer correspond aux prestations gagnées pour le service antérieur à la date d'évaluation. La charge à payer pour le régime de pension des magistrats augmenterait de 6 millions de dollars si les modifications au projet de loi C-12 sont adoptées, ce qui représente une modeste somme par rapport à la charge à payer totale qui s'élève à plus d'un milliard de dollars. Cette augmentation de 6 millions de dollars n'est pas répétitive.

Le coût normal est le coût des prestations gagnées pour le service rendu au cours de l'année commençant à la date d'évaluation. Si le taux d'intérêt annuel est de 6 p. 100 et que le traitement des juges est celui qui est prévu au projet de loi C-12, le coût normal du régime de pension pour les magistrats est de 61 millions de dollars par année. Si le projet de loi C-12 est adopté, ce coût augmentera de 3,5 millions de dollars par année.

La plus grande partie de l'augmentation du coût pour le gouvernement est attribuable à la réduction sélective des cotisations de pension versées par les juges. Le projet de loi C-12 énonce que les juges qui ont droit à une pleine pension doivent verser des cotisations équivalant à 1 p. 100 de leur traitement plutôt que les 7 p. 100 payables avant de devenir admissibles.

Les autres changements que le projet de loi C-12 apportent au régime de pension en ce qui concerne la pension de retraite anticipée proportionnelle et l'amélioration de la pension de réversion n'augmenteraient pas beaucoup la part des dépenses assumées par le gouvernement.

Le Bureau de l'actuaire en chef a participé à la mise au point de la pension de réversion améliorée de façon à neutraliser le plus possible son incidence sur les coûts. Ce résultat a pu être obtenu en imposant un délai de carence d'un an avant l'entrée en vigueur de la pension à 60 p. 100 ou 75 p. 100 et ensuite en permettant aux juges de choisir l'une des deux formules uniquement à leur départ pour la retraite. Ce sont là des précautions importantes étant donné que la pension de réversion améliorée va sans doute avoir du succès.

Le Bureau de l'actuaire en chef a également fourni une estimation des coûts que les dispositions du projet de loi C-12 concernant la pension représenteront pour le gouvernement au cours des cinq prochaines années en se servant des mêmes hypothèses actuarielles que pour les coûts actuariels. Ces modifications coûteront en moyenne un peu plus de 2 millions de dollars par an. Ces coûts sont importants étant donné que les prestations de retraite des juges sont financées par répartition.

En plus du travail qu'il a réalisé au sujet du régime de retraite, le Bureau de l'actuaire en chef a estimé le coût des diverses assurances proposées. L'assurance de base est la plus coûteuse étant donné que le gouvernement paiera, la première année, plus de 4 millions de dollars en primes. L'assurance-vie après la retraite lui coûtera très peu, la première année, étant donné que seuls les juges qui prendront leur retraite après la date de mise en oeuvre seront couverts. Leur nombre va toutefois augmenter rapidement et le coût annuel de cette assurance devrait dépasser un million de dollars d'ici cinq ans. Cette estimation a été faite à partir des mêmes hypothèses concernant la mortalité que pour le calcul du coût de la pension.

Je tiens à vous remercier de nous avoir invités à comparaître devant le comité. Mes collègues et moi-même nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Cools: J'ai une question concernant les pensions. Le nouvel article 44.2 remplace l'article 44.2 de la loi actuelle. Avez-vous participé à l'élaboration de cette nouvelle disposition du projet de loi?

Vous semblez étonné. Je vais vous lire le nouveau paragraphe en question.

44.2(1) Le juge à qui une pension a été accordée en vertu de la présente loi peut choisir, sous réserve des règlements, de réduire le montant de sa pension afin que soit versée une pension à la personne qui, au moment du choix, est son époux ou conjoint de fait et n'a pas droit à une pension au titre de l'article 44.

Pourriez-vous nous éclairer au sujet de cette nouvelle disposition? C'est là toute une innovation. Ce nouveau paragraphe prévoit une sorte de partage du revenu, n'est-ce pas?

M. Lou Cornelis, actuaire principal, Unité d'évaluation B, Bureau du surintendant des institutions financières: Le paragraphe 44.2(1) remplace le paragraphe 44.2(1) actuel qui se rapporte aux prestations de survivant. Ce paragraphe doit être légèrement modifié parce que les dispositions actuelles ne permettent pas à un juge de faire un choix en ce qui concerne la pension de survivant s'il a choisi une pension différée conformément au nouveau paragraphe 43.1(1).

Ce changement a pour effet d'accorder à un juge qui a obtenu une pension différée le droit d'exercer son choix en ce qui concerne la pension de survivant avant d'atteindre l'âge de 60 ans, l'âge auquel il reçoit une pension immédiate. Les autres régimes de retraite de la fonction publique n'accordent pas ce droit.

Le sénateur Cools: Cette disposition ne porte pas sur la pension de survivant. Elle s'applique aux juges de leur vivant. Les dispositions concernant le conjoint survivant s'appliquent seulement quand le juge est décédé.

Ce n'est pas le but de ce nouveau paragraphe. J'ai peut-être mal compris. J'aimerais avoir mal compris. À première vue, ça s'applique à un juge de son vivant. Je suis prête à entendre vos explications.

M. Steve McCleave, aide-actuaire, Unité d'évaluation B, Bureau du surintendant des institutions financières: Il appartient au juge d'exercer ce choix.

Le sénateur Cools: Je comprends.

M. McCleave: Le juge exerce ce choix si le conjoint n'était pas son conjoint au moment où il a pris sa retraite.

Le sénateur Cools: Cette union se crée au moment où le juge est encore en exercice, n'est-ce pas?

M. McCleave: Non, si cette union se crée au moment où le juge est encore en exercice, le conjoint a droit à une pension viagère en vertu du paragraphe 44(2). Si cette union se crée après que le juge a pris sa retraite, c'est-à-dire après qu'il a cessé de siéger, le conjoint n'a pas droit à une pension de survivant en vertu du paragraphe 44(2).

Le sénateur Cools: Ce qu'on dit ici, c'est que la disposition relative au conjoint s'applique si le juge meurt en fonction, et la situation est différente s'il s'agit d'un juge à la retraite. Est-ce bien ce que vous dites?

M. McCleave: C'est la date du mariage qui compte. Si le juge s'est marié ou a cohabité avec la personne après avoir quitté la magistrature ou après sa retraite et que le juge meurt, alors cette personne n'a pas droit à une prestation de survivant en vertu du texte de loi actuel.

Le sénateur Cools: Pouvez-vous me dire le but que l'on recherche avec cette disposition? C'est très étrange. On remplace un article qui n'a été inscrit dans la loi que l'an dernier. C'est très intéressant. Le projet de loi C-37 a été amendé au Sénat. Ces amendements ont été relégués aux oubliettes, et ce nouvel article a trait à la pension viagère. Nos témoins sont des spécialistes des retraites et des pensions viagères.

M. McCleave: Ce n'est pas nous qui avons apporté ce changement.

Le sénateur Cools: Autrement dit, l'article que l'on remplace n'a été adopté qu'il y a un an de cela.

Le sénateur Nolin: Qu'y a-t-il de nouveau dans cette proposition?

Le sénateur Cools: Ce qu'il y a de nouveau se trouve au nouveau paragraphe 44.2(1)?

La présidente: Notre attaché de recherche a un exemplaire du projet de loi où les nouveaux éléments ont été soulignés. Cela peut nous aider. Je vais vous en donner lecture.

Au nouveau paragraphe 44.2(1), à la mention «Le juge à qui une pension a été accordée, sous réserve des règlements», les mots «à qui» sont nouveaux, ainsi que les mots «a été accordée». Au bas du paragraphe, le mot «qui» est nouveau également, et à l'avant-dernière ligne de cette disposition, les mots «n'a pas droit» sont nouveaux aussi.

Au nouveau paragraphe 42.2(2), à l'avant-dernière ligne, le mot «accordé» est nouveau.

Le sénateur Cools: Il y a toute une série de nouvelles dispositions. Après le paragraphe 44.2(3), il y a deux dispositions entièrement nouvelles.

La présidente: Les paragraphes 44.2(3.1) et 44.2(4) sont nouveaux.

Le sénateur Cools: Le paragraphe 44.2(4) est nouveau, mais la loi a été modifiée il y a un an à peine.

La présidente: Ce n'est qu'une partie du libellé du paragraphe 42.2(4).

M. McCleave: Premièrement, au paragraphe 44.2(1), on ne prévoit pas de pension différée que le juge ne peut toucher avant l'âge de 60 ans. La pension sera accordée mais pour la toucher, le juge devra attendre encore quelques années, jusqu'à l'âge de 60 ans, pour l'obtenir.

Le sénateur Nolin: Maintenant je n'y comprends plus rien.

La présidente: Auriez-vous l'obligeance de redire cela en mots que comprendront des personnes qui ne sont pas actuaires.

M. McCleave: On a modifié le libellé pour inclure la pension différée dans le cas des juges qui ont pris une retraite anticipée. Dans un tel cas, le juge ne touche pas sa pension immédiatement, mais on lui accorde le droit de la toucher à l'âge de 60 ans.

Le sénateur Cools: Il est curieux, madame la présidente, que la Loi sur les juges soit fondée sur les obligations relatives au fait que le juge a siégé, mais ici, on parle d'une obligation qui n'a rien à voir avec les états de service du juge. Cela m'intrigue.

La présidente: Cela permet au juge bénéficiaire d'une pension viagère de réduire le montant qu'il ou elle reçoit afin d'assurer la subsistance du conjoint survivant qui, autrement, n'aurait pas droit à une pension viagère en vertu de l'article 44.

Le sénateur Nolin: Je lis le changement en français. Ce n'est qu'une affaire de mots. En français, dans le texte de loi de l'an dernier, l'expression «le juge pensionné» était tout à fait nouvelle. Si je substitue au mot «pensionné» qui veut dire qu'il «reçoit une pension» les mots «à qui une pension a été accordée», cela veut dire qu'elle sera accordée. On peut donc avoir droit à une pension mais ne pas être pensionné.

[Français]

Est-ce une bonne explication?

M. Ménard: C'est une excellente explication. La principale raison est qu'il fallait prévoir, puisque les juges sont maintenant éligibles à recevoir une rente différée. Ils ne reçoivent pas une rente, mais s'ils décèdent pendant cette période, cela assure que le survivant est couvert.

Le sénateur Nolin: En autant que le décès ne survient pas dans l'année du choix. C'est ce qui expliquerait le nouveau paragraphe 3.1?

M. Ménard : Oui.

[Traduction]

La présidente: Quelle que soit la teneur de cette disposition, si le juge meurt dans l'année qui a suivi son choix, ce choix est réputé ne pas avoir été fait.

Le sénateur Nolin: Exactement.

Le sénateur Cools: Je me pose également la question suivante: Quel est le lien entre ces deux dispositions? Premièrement, vous ajoutez une disposition et vous changez l'ordre. Il me semble que nous devrions examiner cela parce que les dispositions relatives aux pensions viagères doivent demeurer. Je suis toujours très sceptique lorsque l'on a une disposition qui est suivie, quelques dispositions plus tard, d'une nouvelle qui dit «mais ceux qui n'y ont pas droit». C'est insuffisant ou c'est mal rédigé. Ce n'est pas votre problème. Nous avons ce problème-là tout le temps.

M. Cornelis: Il y a un aspect actuariel ici. Le régime de retraite des juges est unique dans la mesure où les juges sont beaucoup plus vieux que tous les autres employés, si vous voulez. À l'âge où ils sont, s'ils choisissent cette prestation de survivant, ils sont plus susceptibles d'avoir des ennuis de santé. Par conséquent, pour protéger le régime, pour s'assurer que cette prestation de survivant facultative se répercute le moins possible sur les coûts, nous avons décidé que si la personne qui fait ce choix meurt dans la première année qui suit, ce choix n'est pas valide. Ainsi, nous éliminons les personnes qui...

La présidente: Alors le choix est réputé ne pas avoir été fait. Il est invalidé.

M. Cornelis: Excusez-moi. Autrement dit, c'est seulement pour s'assurer que cette prestation de survivant facultative se répercute le moins possible sur les coûts. Le régime est fondé sur l'idée qu'on ne saurait verser de prestation à des personnes qui font ce choix sachant parfaitement bien qu'ils ne sont pas en bonne santé.

Le sénateur Cools: Vous dites que les juges prennent leur retraite à un âge plus avancé, mais depuis plusieurs années, cette loi a essentiellement pour but de permettre aux juges de prendre une retraite complète à un très jeune âge. Je ne comprends pas ce que vous dites à propos de l'âge avancé à la retraite. Les juges prennent leur retraite beaucoup plus jeunes aujourd'hui qu'avant.

M. Cornelis: Les juges prennent encore leur retraite à un âge assez avancé. L'âge moyen des pensionnés était de 73 ans en 1997. Les juges ont peut-être tendance maintenant à prendre leur retraite plus tôt, mais même s'ils prennent leur retraite à 70 ou 71 ans, c'est encore à un âge plus avancé que la personne moyenne qui est prestataire d'un régime de retraite. Tout ce que je dis, c'est qu'à l'âge de 70 ans, par exemple, il y a beaucoup plus de gens qui ont des ennuis de santé qu'à 55 ou 60 ans, et tout le problème est là.

Le sénateur Moore: Monsieur Ménard, à la page 4 de votre mémoire, vous écrivez:

La plus grande partie de l'augmentation du coût pour le gouvernement fédéral est attribuable à la réduction sélective des cotisations de pension versées par les juges. Le projet de loi C-12 énonce que les juges qui ont droit à une pleine pension doivent verser des cotisations équivalant à 1 p. 100 de leur traitement plutôt que les 7 p. 100 payables avant de devenir admissibles.

Quand deviennent-ils admissibles, à 60 ans?

M. Ménard: Ils sont admissibles à une pension complète lorsque leur âge et leurs années de service totalisent 80, avec un minimum de 15 ans de service.

Cette modification harmonise le régime des juges avec les autres régimes des fonctionnaires. Si une personne a déjà droit à la pension complète, il est normal qu'on réduise sa cotisation.

Le sénateur Moore: Si une personne est nommée à la magistrature à l'âge de 50 ans, doit-elle travailler jusqu'à l'âge de 80 ans?

M. Cornelis: Cette personne serait obligée de travailler jusqu'à l'âge de 65 ans.

Le sénateur Moore: Elle doit travailler un minimum de 15 ans, jusqu'à l'âge de 65 ans, auquel moment sa cotisation tombe de 7 p. 100 à 1 p. 100. Est-ce exact?

M. Ménard: Parfaitement.

Le sénateur Moore: Pourquoi en est-il ainsi? Cette personne peut-elle alors toucher sa pension? A-t-elle droit alors à une pension complète?

M. Ménard: Si elle le veut, oui.

Le sénateur Moore: Quelle est la cotisation de pension des députés, exprimée en pourcentage?

La présidente: On nous a dit que c'est 5 p. 100.

Le sénateur Moore: Je crois comprendre que la loi oblige cette personne à cotiser, donc c'est à 1 p. 100. Mais si cette personne a droit à une pension, pourquoi cotise-t-elle?

La présidente: On me dit qu'il s'agit d'une indexation réglementaire.

Le sénateur Moore: La loi l'oblige à cotiser.

M. Cornelis: Il existe une disposition semblable dans la LPFP où, après 35 ans de service, la cotisation tombe à 1 p. 100. Officiellement, le 1 p. 100 assure l'indexation. On a toujours considéré que c'était l'équivalent de l'indexation.

Le sénateur Moore: Cela reflète le régime de retraite de la fonction publique à cet égard. Est-ce exact?

M. Ménard: Parfaitement. Le 5 p. 100 que vous mentionnez est le pourcentage du taux actuariel pour les députés de la Chambre des communes, et c'est 3 p. 100 pour les sénateurs. Le taux de cotisation est de 9 p. 100. Si vous avez six années de service, par exemple, on multiplie par 5 p. 100 et vous aurez droit à une retraite de 30 p. 100.

La présidente: Étant donné le salaire de famine qu'on verse aux sénateurs, j'ai intérêt à vivre longtemps.

[Français]

Le sénateur Joyal: Je voudrais vous soumettre le cas suivant et vous demander votre interprétation de la loi. Un juge choisit de contribuer à l'établissement d'un fonds pour son survivant. Il est marié ou vit en union libre. Il cotise, prend sa retraite et son conjoint de fait ou de droit décède. Automatiquement, la personne cesse de pouvoir bénéficier du régime. Ce juge se remarie éventuellement et décède, laissant son second conjoint survivant. A-t-il ou a-t-elle droit à la pension?

M. Ménard: Je voudrais être sûr d'avoir bien compris. Vous parlez d'un cas où le juge serait bénéficiaire d'une rente ou aurait deux conjoints ou deux épouses décédées.

Le sénateur Joyal: Non, pas du tout. Je peux répéter.

M. Ménard: Oui, s'il vous plaît.

Le sénateur Joyal: Un juge cotise au fonds où il est lié de cotiser ou de faire une réserve pour un conjoint survivant. Le juge prend sa retraite. Il cesse donc de cotiser au fonds du survivant. Son conjoint décède, alors qu'il est à la retraite. S'ensuit, disons, un an d'intervalle, et ce juge se rétablit en situation maritale et décède par la suite. Le second conjoint survivant aura-t-il accès aux bénéfices du conjoint survivant alors que ce n'est pas la même personne?

[Traduction]

M. Cornelis: Si le juge prend sa retraite et que son conjoint décède au moment où il prend sa retraite, on ne verse aucune prestation de survivant si le juge se remarie, à moins que le juge ait choisi cette prestation de survivant facultative.

Lorsque le premier conjoint du juge décède et que le juge se remarie, le nouveau conjoint n'est normalement pas protégé. Cependant, le juge peut lui faire obtenir une prestation de survivant s'il accepte une pension réduite. C'est ce qu'on appelle la prestation de survivant facultative. Cependant, cela ne coûte rien pour le régime. C'est le juge qui paie pour cela.

Le sénateur Moore: Est-ce qu'on a toujours la possibilité de choisir, ou est-ce que cette possibilité disparaît après un certain temps après le décès du premier conjoint? Le juge aura-t-il toujours cette possibilité?

M. Cornelis: Je crois que le choix doit être fait dans l'année qui suit le second mariage. Vous pouvez vous remarier après 10 ans, mais le compteur se met à tourner dès que vous vous remariez.

Le sénateur Joyal: J'essaie de comprendre le principe. Si le juge qui est en fonction décide de cotiser au régime de retraite, la cotisation est versée au régime.

Il est curieux que le second conjoint ait moins de droits que le premier du fait que cette personne n'était pas le conjoint au moment où le juge était en fonction. Quelle est la logique ici? Pouvez-vous nous éclairer à ce sujet?

M. Cornelis: Il s'agit simplement de donner au juge la possibilité d'assurer la subsistance du second conjoint après son décès.

La présidente: S'inquiète-t-on du fait que le juge pourrait épouser une personne de 25 ans?

M. Cornelis: J'imagine que l'on tient compte de cela, oui.

M. McCleave: La question était de savoir ce qui adviendrait du fonds de réserve. Dans la conception originale du régime, quand on essayait de calculer combien chaque personne devait cotiser pour maintenir au minimum le pourcentage total des cotisations, on partait du principe qu'au décès du conjoint, le droit à la pension n'existait plus. Sans cette disposition, il aurait fallu hausser le taux de cotisation. Je ne crois pas qu'il s'agisse là d'une décision gouvernementale.

M. Cornelis: Ce qu'on a toujours craint, je crois, c'était ces mariages «in extremis» ou, autrement dit, si l'on se marie à un âge avancé strictement pour donner une pension à son conjoint survivant. C'était la raison, il y a des années de cela, pour ne pas reconnaître les mariages qui se faisaient après la retraite.

La présidente: Est-ce une disposition normale dans les autres régimes de retraite?

M. Cornelis: C'est une disposition normale dans les autres régimes de retraite du gouvernement, oui.

Le sénateur Nolin: Depuis quand?

M. Cornelis: Il en a toujours été ainsi. Cette notion de la prestation de survivant facultative n'existe que depuis cinq ans. Il y avait une demande en ce sens parce que les gens peuvent vouloir légitimement assurer la subsistance de leur conjoint après la retraite.

Le sénateur Moore: Dans l'exemple que vous avez mentionné, monsieur McCleave, si le juge a cotisé, puis il prend sa retraite et son conjoint décède, le juge peut se remarier une année ou deux plus tard, mais le juge a quand même cotisé tout ce temps. Je ne comprends pas ce qu'il y a de différent. Est-ce que cela dépend de l'âge du second conjoint? Qu'en est-il si le second conjoint est du même âge que le conjoint décédé? Le juge a cotisé sur cette base actuarielle. Pourquoi le second conjoint n'a-t-il pas droit à la pension complète? Oubliez ces mariages «in extremis», oubliez ces histoires où le juge épouse une personne de 50 ou 60 ans son cadet. Pouvez-vous nous expliquer le raisonnement qui inspire cette mesure?

M. Cornelis: Les cotisations d'un adhérent à un régime de retraite à prestations déterminées n'appartiennent pas qu'à l'adhérent. On cotise à régime de retraite sur une base collective. Les règles du régime de retraite sont telles que si vous vous mariez après avoir pris votre retraite, votre conjoint n'y a pas droit. Ce n'est peut-être pas équitable. Je ne dis pas nécessairement que ce l'est.

Dans la mesure où les gens se marient légitimement après avoir pris leur retraite, il s'agit simplement d'un facteur coût pour le régime. Si le régime voulait reconnaître des droits au conjoint qu'on a épousé après le départ à la retraite, il faudrait hausser les taux de cotisation.

Le sénateur Moore: Le coût est fonction du versement. Est-ce exact?

M. Cornelis: C'est exact.

Le sénateur Moore: Le juge a cotisé. Pourquoi le versement devrait-il être moindre? Vous dites simplement parce que telles sont les règles du régime.

M. Cornelis: Si vous avez toujours été célibataire, vous versez exactement les mêmes cotisations au régime de retraite. À votre mort, on ne versera aucune prestation de survivant. Telles sont les règles du régime. Essentiellement, la prestation de survivant est un complément, une prime.

Le sénateur Moore: La prestation n'est versée qu'au conjoint ou la douce moitié avec qui l'on vit, et c'est tout.

M. Cornelis: Au moment de la retraite.

La présidente: C'est basé sur des moyennes et sur la longévité des survivants.

Le sénateur Moore: Je comprends cela. Cependant, dans l'exemple du deuxième conjoint qui a à peu près le même âge que le premier conjoint décédé, pourquoi le versement ne serait-il pas le même? Pourquoi y a-t-il une réduction aussi importante? C'est ma question.

Le sénateur Joyal: Encore là, je ne veux pas embrouiller les choses, mais si un juge qui décide de cotiser au régime prend sa retraite, divorce et se remarie, si je vous ai bien compris, le deuxième conjoint n'aura droit à aucune pension. Est-ce exact?

M. Cornelis: S'il se remarie après la retraite, oui.

Le sénateur Joyal: Nous discutons de cette question avec les représentants du Bureau du surintendant des institutions financières, mais il y a une question de politique gouvernementale qui est très importante.

Il y a quelque chose dans cette logique qui défie ce que j'appellerais le statut naturel d'une personne qui a la liberté de se remarier parce que ceux qui ont cotisé au régime ont plus ou moins acheté le droit de vivre avec quelqu'un, dans le contexte d'une union libre. Qu'il s'agisse d'un mariage légal ou d'une union libre, une fois qu'on a acheté ce droit, on a cotisé au régime de retraite et l'on conserve les droits de son conjoint, peu importe de qui il s'agit.

M. Cornelis: Comment pourriez-vous alors assurer l'équité à une personne célibataire? Une personne célibataire verse les mêmes cotisations.

Le sénateur Joyal: C'est une question de choix.

M. Cornelis: Vous pourriez dire qu'une personne célibataire peut désigner un frère ou une soeur, ce qui est une façon d'envisager la chose.

Le sénateur Joyal: C'est une autre question. Dans le cas d'un frère ou d'une soeur, il ne s'agit pas d'une relation conjugale.

La cour a été claire sur cette question. Tant que c'est la loi, nous devons le reconnaître.

Un juge qui contribue à un fonds de pension pour son conjoint a le droit de continuer à vivre avec un conjoint. Je ne vois pas pourquoi une différence d'identité, à un certain moment, pour quelque raison que ce soit, modifie l'obligation légale de cette personne envers le conjoint.

Le sénateur Moore: Cela n'a pas modifié sa cotisation.

Le sénateur Joyal: C'est pourquoi j'estime que ces dispositions ne mettent pas tout le monde sur le même pied d'égalité.

La présidente: Sénateur Joyal, vous avez raison mais ce projet de loi ne corrigera pas la situation.

Le sénateur Joyal: Il est important que nous utilisions le savoir-faire et les connaissances de nos témoins pour nous aider à comprendre ces questions.

La présidente: Chers collègues, s'il n'y a pas d'autres questions, je tiens à remercier les membres du groupe d'avoir comparu devant nous afin de nous fournir des éclaircissements qui débordent le cadre du projet de loi. Cette séance a été très intéressante.

Chers collègues, on a demandé que nous passions à huis clos, et nous le ferons dès que les témoins auront quitté la salle.

Le sénateur Joyal: Avant que nous passions à huis clos, vous avez indiqué que nous avons reçu un mémoire de l'Association du Barreau canadien. J'ai lu le mémoire et j'aimerais faire une observation. Je n'ai pas l'intention de lancer de débat, mais je tiens à exprimer ma position. Il s'agit de la page 3 du mémoire. Je vais vous lire ce passage en anglais mais j'ai la version française devant moi. On indique que l'objectif n'est pas de dire que le comité devrait éviter un examen minutieux du projet de loi mais que cet examen devrait plutôt mettre l'accent sur la rationalité des propositions mêmes et non sur des questions qui n'ont aucun rapport avec la rémunération.

[Français]

Le texte français se lit comme suit:

Il va sans dire que votre comité devrait éviter de procéder à un examen trop minutieux du projet de loi lui-même et se concentrer plutôt sur le bien-fondé des propositions et non pas sur des questions qui ne relèvent pas de la rémunération.

[Traduction]

Je tiens à dire que je désapprouve la façon dont est formulée la version française. Je suis désolé mais à titre de législateurs, nous devons examiner des projets de loi et procéder à un second examen objectif. Le mémoire a mentionné que nous ne devrions pas aborder la question dans un esprit partisan. S'il y a un comité dénué d'esprit partisan, c'est bien celui-ci. Je suis étonné qu'un mémoire venant de l'Association du Barreau canadien conseille aux législateurs chargés d'un second examen objectif de ne pas procéder à «un examen trop minutieux du projet de loi». J'ai l'impression d'avoir été assermenté en tant que sénateur pour procéder à un examen et proposer des modifications et des changements. Je ne tiens pas à lancer de débat mais je tiens à apporter cette précision car à un certain moment le Barreau aura peut-être l'occasion de prendre connaissance de nos commentaires et de comparaître devant nous peut-être sur d'autres questions. Il est très important que cela soit consigné au compte rendu.

La présidente: Vous avez raison, sénateur Joyal. La prochaine fois que l'Association du Barreau canadien nous transmet un mémoire, il ne sera pas identique à celui qu'ils envoient à la Chambre des communes, comme c'est le cas ici. Nous n'avons certainement pas suivi leur proposition.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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