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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule No. 31, Témoignages du 18 avril 2002


OTTAWA, le jeudi 18 avril 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, saisi du projet de S-32, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais), se réunit ce jour à 10 h 55 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous entendons aujourd'hui l'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien. Elle est accompagnée de Judith LaRocque, sous-ministre adjoint, et de M. Hilaire Lemoine, directeur général des Programmes de soutien aux langues officielles.

Vous avez la parole.

[Français]

L'honorable Sheila Copps, ministre du Patrimoine canadien: Madame la présidente, j'ai préparé un tableau qui illustre ce que nous faisons actuellement dans le domaine des langues officielles. Pour aborder en profondeur le projet de loi proposé par le sénateur Jean-Robert Gauthier, il serait utile de revoir ce qui s'est fait depuis les cinq ou six dernières années. Je vais d'abord m'étendre sur cette stratégie plus large pour ensuite parler du projet de loi de façon plus précise.

Nous avons d'abord commencé par une analyse des fonds alloués depuis que le Parti libéral est au pouvoir. Nous voyons à la page 5 que les fonds alloués au programme des langues officielles ont été réduits de 33,2 p. 100 en cinq ans. À la suite des révisions apportées aux budgets, ces fonds sont passés de 309 millions de dollars en 1992-1993 à 2 680 000 de dollars en 1999-2000.

Depuis ce temps, les contributions allouées aux provinces et territoires en ce qui concerne le programme des langues officielles et d'éducation ont connu leurs plus grandes réductions. Leur budget a diminué de 43 p. 100. L'appui aux organismes communautaires a également été réduit de 23,2 p. 100, passant ainsi de 28,4 millions de dollars à 21,8 millions de dollars par année.

Depuis 1999, avec l'aide des députés et des sénateurs, j'essaie de majorer les fonds reliés au domaine des langues officielles. Je profite de cette occasion pour souligner les efforts du sénateur Jean-Robert Gauthier, du député Mauril Bélanger ainsi que du caucus du Québec et de plusieurs autres dans l'accomplissement de cette tâche. Nous avons réussi à obtenir un investissement annuel supplémentaire de 70 millions de dollars pour le programme des langues officielles. De ce montant, 50 millions de dollars seront utilisés pour l'enseignement des langues minoritaires et des langues secondes.

Nous avons également réussi à obtenir une injection de 10 millions de dollars par année pour l'aide directe communautaire. Ce programme passe donc de 21,8 millions de dollars à 32 millions de dollars. Cet investissement assure également la francisation des communautés.

[Traduction]

Nous avons obtenu les nouveaux crédits, si bien que nous avons presque retrouvé les niveaux de financement de 1992. En effet, au cours des dix dernières années, ces niveaux ont accusé un recul considérable. Il nous faut encore un investissement supplémentaire de 38 millions de dollars par an pour retrouver les niveaux de 1992, soit d'il y a dix ans, ou 89 millions de dollars en dollars constants, rien que pour remplacer ce que nous avons perdu au cours des dix dernières années.

[Français]

Beaucoup de jeunes ont maintenant accès à l'instruction dans leur langue. Cela n'existait pas pour tous auparavant. La gouvernance en français est maintenant en place dans tout le pays.

[Traduction]

C'est là un phénomène relativement nouveau. L'idée que la gestion en français des écoles francophone est maintenant enracinée dans toutes les régions du Canada est un phénomène relativement nouveau. Des millions de Canadiens apprennent et perfectionnent une deuxième langue et 64 p. 100 des jeunes Canadiens estiment que le bilinguisme est important pour le Canada. Nous avons été fiers ce matin de signer un protocole d'entente avec la ville d'Ottawa portant sur la prestation bilingue de services dans la capitale nationale. C'est là une manifestation de la conviction que l'on rencontre dans tout le pays que le bilinguisme est un avantage. J'ai également souligné les importants investissements que nous avons effectués à l'appui de la langue et de la culture française.

[Français]

Normalement, le comité étudie les investissements que nous faisons pour les langues officielles. Cependant, des investissements dans d'autres domaines, comme par exemple le multimédia ou le cinéma, contribuent également à assurer l'épanouissement des deux langues officielles à travers le Canada. Les investissements culturels sont très importants parce qu'ils encouragent le choix de la langue de travail.

[Traduction]

Le cinéma et la télévision représentent un secteur économique de six milliards de dollars et lorsque les créateurs peuvent s'exprimer dans la langue de leur choix, cela contribue à créer des emplois et une capacité.

[Français]

Des réseaux d'organismes communautaires locaux, régionaux et nationaux dans tous les domaines d'activités assurent la vitalité des communautés. Il existe 18 centres scolaires et communautaires. On a commencé par les centres communautaires afin de donner aux familles vivant en situation minoritaire la chance de parler dans leur langue maternelle non seulement à l'école, mais aussi à la garderie, au théâtre, au cinéma, et cetera. C'est la raison pour laquelle ces 18 centres scolaires et communautaires sont reliés à travers le Canada à des projets culturels.

Les médias jouent également un rôle important. Ainsi on a mis sur pied un réseau de radios, de journaux et hebdos communautaires. On encourage la programmation télévisée en français: Radio-Enfants, Radio-Ados, Société Radio- Canada. On a augmenté le nombre des productions françaises afin de se prémunir contre la vague d'anglicisation qui traverse le pays en provenance des États-Unis. Il faut accentuer l'apport culturel en français.

Pour la première fois, on touche le secteur des activités économiques. Le département de Patrimoine canadien a lancé le premier forum des gens d'affaires dans la Beauce. J'ai lancé ce forum en me disant que si des gens vivant à l'extérieur des frontières des grandes villes francophones telles que Québec et Montréal apprenaient quelque chose sur le développement économique, des gens de Saint-Boniface, de Moncton où d'ailleurs pourraient obtenir des résultats similaires.

Un réseau de gens d'affaires existe actuellement au Canada. Les gens se réunissent tous les ans. Des ententes commerciales sont conclues. C'est une autre façon d'assurer, une fois les études terminées, la capacité de chacun à travailler dans la langue de son choix.

Actuellement, 252 000 élèves de niveaux primaire et secondaire et de langue minoritaire étudient dans leur langue maternelle. Au Québec, 102 000 anglophones étudient en anglais. À l'extérieur du Québec, 150 000 francophones étudient en français. À travers le Canada, 1 039 écoles des niveaux primaire et secondaire soutiennent l'éducation en langue minoritaire.

Le défi vient du fait que la plupart de ces écoles sont récentes. Au passage du niveau primaire au niveau secondaire, si de nouveaux fonds ne sont pas injectés, les jeunes entre 11 et 13 ans continueront de déserter ces nouvelles institutions au profit des anciennes. Le défi reste entier aux niveaux collégial et universitaire. Les étudiants privilégient les établissements d'enseignement dont la réputation est solidement établie.

[Traduction]

Le soutien des anciens élèves et parents d'élèves est important. Le désir de fréquenter une école ayant une longue histoire constitue malheureusement l'un des facteurs qui amène les jeunes à quitter les écoles francophones à cet âge clé, le cycle secondaire. Nous commençons à envisager des investissements supplémentaires pour des éléments tels que gymnases et bibliothèques, tenant compte du fait que l'enseignement en langue française coûte 20 p. 100 de plus qu'en langue anglaise. Ce sont là des facteurs dont nous tenons compte s'agissant de répartir les fonds entre les 1 039 écoles qui fonctionnent en français et en anglais en situations minoritaire.

[Traduction]

En ce qui concerne la gestion scolaire, son établissement à Terre-Neuve, par exemple, ne remonte qu'à deux ans. Pour ce qui est de la Colombie-Britannique, la première entente remonte peu avant la sortie de l'ancien gouvernement. On a signé une entente avec l'ancien ministre Ian Waddell. En tant qu'ancien député, M. Waddell avait acquis certaines connaissances sur la gestion scolaire en français dans cette province.

Les défis sont présents là où le système de gestion scolaire n'est établi que depuis un an. Des études de faisabilité sont-elles réalisables si on n'a pas la capacité de voir à plus long terme? Fait intéressant à noter, depuis que des programmes d'enseignement sont offerts aux groupes linguistiques minoritaires, le nombre des francophones vivant à l'extérieur du Québec et ayant reçu des diplômes universitaires a connu une révolution étonnante depuis 20 ans. En effet, les francophones diplômés universitaires hors Québec sont actuellement plus nombreux que ceux du Québec. Ils représentent 13,5 p. 100 de toute la population. C'est le pourcentage le plus élevé de tous les groupes.

C'est à peu près le contraire de ce qui existait lorsqu'on a commencé le processus d'éducation dans les deux langues officielles, lequel a été entériné dans la loi depuis quelques années.

[Traduction]

Au Canada, le nombre moyen de diplômés universitaires est de 13,1 p. 100, tous groupes linguistiques confondus. Les chiffres des francophones hors Québec montrent qu'ils sont la catégorie de Canadiens les plus instruits. Ce chiffre marque un renversement intervenu au cours des 20 dernières années, car lorsque Jean Robert a commencé son travail à Penetanguishene et a mené certaines des grandes batailles en Ontario au début des années 70, la tendance était inverse. Les francophones hors Québec étaient parmi les moins instruits.

[Français]

Ils souffraient aussi d'un taux de décrochage élevé après le niveau primaire. En résumé, on va dans la bonne direction. Il ne faut toutefois pas s'asseoir sur ses lauriers. En 1996, seulement 3,3 p. 100 des francophones en situation minoritaire avaient moins de neuf ans de scolarité, comparativement à 31,6 en 1971.

[Traduction]

Vous voyez ici les statistiques. Seuls 3,3 p. 100 des francophones vivant en situation minoritaire avaient moins de neuf années de scolarité en 1996, comparé à 31 p. 100 en 1971. On a donc assisté à une augmentation incroyable du nombre de francophones hors Québec qui souhaitent suivre des études longues et y parviennent.

[Français]

Ils comprennent l'importance de l'éducation pour améliorer leur statut économique. Chaque année, près de 15 000 jeunes Canadiens participent aux programmes que nous offrons pour assurer et encourager la dualité linguistique. J'ai voulu remettre cela dans son contexte.

Jeunesse Canada au travail est un programme d'échange dans les deux langues officielles. Les fonds sont nombreux pour les programmes de ressources humaines, mais trop peu nombreux pour les programmes d'échange. Je suis fière d'avoir soumis ce programme au Conseil du Trésor. Plus de 900 jeunes ont participé à ce programme l'année dernière, et plus de la moitié d'entre eux étaient des francophones. Ce programme est géré par l'Association des jeunes francophones du Canada. Il consiste à faire connaître d'autres parties du Canada et ce, dans les deux langues officielles.

Nous avons également un programme de bourses d'été en langue seconde, dans le cadre duquel nous avons parrainé près de 7 000 participants. Nous avons investi aussi des fonds dans un programme de moniteurs des langues officielles. Ce programme a profité annuellement à plus de 900 participants. Nous avons encouragé les échanges bilingues réciproques au profit de 4 800 jeunes au cours de l'année dernière, parmi lesquels 2 663 étaient des francophones du Québec.

Nous avons encouragé l'usage du français pour l'avenir. Forum Jeunesse, Rendez-vous de la Francophonie, et cetera, tous ces programmes visent à mettre en valeur l'apprentissage de la langue seconde. En tant que ministre de la Francophonie, j'ai lancé en 1999 la première Année de la Francophonie canadienne, avant même l'arrivée du Sommet de la Francophonie à Moncton. Cette mesure a encouragé toutes les communautés francophones à s'impliquer dans la sensibilisation de ce qu'est la francophonie au Canada.

[Traduction]

Deux millions d'élèves étudient la langue seconde à l'école. Je parle là de cours de langue, non d'études en immersion. Trois cent dix-huit mille élèves sont en immersion française et plus de 2 000 écoles à travers le pays offrent des programmes d'immersion en langue française. Au Québec, 558 000 élèves étudient l'anglais et 40 000 sont placés en immersion française.

Les chiffres montrent que les Canadiens à travers tout le pays sont fortement partisans de l'enseignement de la langue française. De fait, on a assisté à une énorme progression du bilinguisme dans le groupe cible des 15 à 19 ans, celui sur lequel nous axons nos efforts.

Je me souviens que lorsque j'étudiais le français à l'école secondaire et à l'université, j'étais un cas isolé. Une religieuse des Soeurs grises m'enseignait, mais nous étions très peu nombreux. Nous étudiions Molière.

[Français]

Grâce aux programmes dont nous disposons, la proportion des diplômés aptes à travailler dans les deux langues officielles est maintenant de un sur cinq.

[Traduction]

Si je prends les athlètes qui nous ont rendus si fiers aux Jeux olympiques, j'ai été étonné par le nombre de ceux qui pouvaient non seulement s'exprimer dans les deux langues, mais qui les parlaient extrêmement bien. Il était pratiquement inouï il y a 20 ans de voir un jeune de Vancouver parlant couramment le français. Tout cela ne va pas sans quelques difficultés.

[Français]

Le gouvernement du Canada accorde un appui de premier plan aux langues officielles. Cet appui va même au-delà, car dans sa foulée il entraîne également des investissements importants dans des domaines connexes, culturels ou autres.

[Traduction]

Je vais passer en revue les différents programmes de soutien aux francophones vivant en situation minoritaire vers lesquels nous canalisons spécifiquement des crédits. Je suis fière de dire que j'ai moi-même lancé cela. J'ai commencé il y a sept ans en veillant à ce que nos institutions nationales, et les nominations par décret, soient véritablement représentatives de la dualité linguistique canadienne. Nous avons des représentants à Radio-Canada, à la CBC et à Téléfilm et dans d'autres institutions qui sont en mesure de commencer à mettre les Canadiens en prise les uns avec les autres.

Nous avons consacré 2,1 millions de dollars, sur un budget de 4,6 millions de dollars, au titre du Programme d'initiative culturelle à des festivals et événements artistiques spéciaux en milieu francophone. Nous avons mis sur pied un programme national de formation dans le secteur des arts qui n'existait pas avait 1999.

[Français]

Nous finançons, par exemple, l'école du Cirque du Soleil, le Théâtre national, l'industrie du cinéma.

[Traduction]

Nous appuyons la Commission internationale du théâtre francophone.

Dans l'édition, non seulement avons-nous des programmes spécifiques et ciblés, mais nous fournissons en outre un soutien annuel de 12,4 millions de dollars à l'édition de livres en français. C'est une autre façon importante d'assurer que nous ayons une capacité d'expression. Au niveau des périodiques, nous dépensons 9,1 millions de dollars pour les publications et 5,7 millions de dollars pour les magazines de langue française. Nous appuyons également l'enregistrement de disques en français à hauteur de 3,9 millions de dollars.

[Français]

Lorsque le premier ministre a annoncé pour l'année prochaine un investissement de 560 millions de dollars, certains croyaient qu'il s'agissait de fonds visant uniquement le domaine des arts de la scène. Cependant, le plus gros montant fut utilisé pour la numérisation du contenu Internet de tous les musées du Canada dans les deux langues officielles. Actuellement, un minimum de 50 p. 100 du contenu Internet est en français. Il s'agit d'un programme de 75 millions de dollars qui seront étalés sur trois ans.

Vous avez sans doute entendu parler du lancement du Musée virtuel du Canada. Notre défi d'ici deux ans consiste à lier dans Internet tous les musées du Canada. Au cours des huit premières semaines de son existence, ce musée virtuel a accueilli 20 millions de visiteurs de plus de 100 pays. Ce musée est une excellente source d'information pour les jeunes.

[Traduction]

La présidente: Madame la ministre, j'hésite à interrompre une ministre mais on m'a dit que vous deviez partir vers 11 h 30. Je sais que les sénateurs sont très désireux de vous poser des questions et de connaître votre réaction au projet de loi du sénateur Gauthier.

Mme Copps: Je préfère terminer mon exposé, quitte à manquer le vote. J'espère que le gouvernement ne va pas tomber à cause de mon abstention. Je pense que ces renseignements sont importants. Si vous allez examiner ce projet de loi, il faut le placer en contexte.

La présidente: Si vous êtes disposée à rester plus longtemps, c'est merveilleux.

Mme Copps: Je resterai.

L'Initiative pour le contenu culturel canadien numérisé comporte également des objectifs spécifiques de numérisation à l'intention des communautés minoritaires. Une fois que nous avons eu relié toutes les écoles canadiennes à Rescol, nous nous sommes adressés aux communautés minoritaires, considérant important que toutes soient reliées entre elles. Nous avons pris des mesures spécifiques sur le plan du contenu, investissant 10 millions de dollars pour le contenu en ligne, en donnant accès à la Bibliothèque nationale, à la SRC, et cetera.

[Français]

Les Jeux de la Francophonie, lancés ici dans la région, ont exigé une contribution importante. Cependant, il est intéressant de noter qu'au-delà de la contribution financière, par le biais de la compétition sportive, c'est événement a contribué à mettre en valeur les communautés francophones. Il y a deux ans, nous avons mis sur pied les premiers Jeux de la Francophonie canadienne. Nous nous étions alors rendus au Nouveau-Brunswick où nous avions rassemblé tous les jeunes athlètes francophones. Cet événement a démontré aux francophones qu'ils n'étaient pas isolés et il leur a permis de resserrer leurs liens.

Nous sommes responsables de la gestion du réseau de télévision TV-5 pour les Amériques. Nous avons investi dans l'acquisition de productions de sources canadiennes. Pour ce qui est de la société Radio-Canada, les dépenses d'exploitation représentent presque 285 millions de dollars pour la télévision française et 93,6 millions de dollars pour la radio française.

En ce qui concerne le Conseil des arts du Canada, la liste que vous voyez n'est pas exhaustive, car elle ne comprend pas les investissements que nous faisons ailleurs, par exemple, dans l'orchestre symphonique de Montréal ou autres instruments de la culture. Cette liste comprend uniquement les programmes du Conseil des arts du Canada visant à aider des organismes qui sont spécifiquement francophones.

Nous offrons un programme dédié aux artistes et organismes de théâtre francophones. Nous offrons un programme visant à encourager les écrivains et éditeurs francophones. Nous offrons des fonds d'une valeur 2,8 millions de dollars pour les artistes et organismes médiatiques. Cela totalise une somme de 16,5 millions de dollars pour favoriser le développement culturel francophone en dehors des programmes normaux du Conseil des arts du Canada.

[Traduction]

Le Centre national des arts est devenu un lieu d'expression en plein essor. Certains d'entre vous sont peut-être allés voir l'autre jour Charles Aznavour.

[Français]

Nous avons établi pour la première fois des ententes entre le Centre national des arts et d'autres centres afin de s'assurer que le reflet de la capitale nationale soit vraiment entériné. Nous nous sommes même consacrés spécifiquement au développement du théâtre français. Toutes ces choses n'existaient pas lorsque nous avons entamé le processus: offres de spectacles de variétés, et cetera.

L'Office national du film joue un rôle important avec 45 p. 100 de ses productions et coproductions qui sont réalisées en français. Dans le domaine de la coproduction, domaine qui représente pour le Canada maintenant un investissement de plus de 6 milliards de dollars dans le monde audiovisuel, 50 p. 100 des coproductions sont réalisées dans les deux langues officielles.

Prenons l'exemple du film Le violon rouge, une coproduction Canada-Angleterre. Ce film a été conçu en français, en anglais, en chinois et en allemand. Il s'agit vraiment d'un tour de force en ce qui a trait à un film. Nous avons soutenu la production de 66 films indépendants en français l'année dernière.

On a aussi 8,9 millions de dollars consacrés à la programmation. De plus, à Téléfilm, 34 p. 100 des projets multimédias et télévisuels sont en langue française pour aider la francophonie au Canada. En ce qui concerne la politique canadienne du long métrage, 30 p. 100 des investissements doivent être consacrés aux films de langue française.

J'ai eu la semaine dernière une conservation avec Richard Gaudreau qui a eu le plaisir d'être le producteur des films Les Boys I, II et III. Il envisage la production d'un spectacle international au Canada avec la participation, entre autres, de Gérard Depardieu. Il entend faire quelques enregistrements à Louisbourg.

Il s'agit encore une fois de démarches visant à améliorer la situation des médias et de la télévision canadienne.

[Traduction]

Et nous en venons maintenant à l'essentiel — c'est un élément dont je suis très fière bien qu'il ne soit pas encore achevé. En 1994, nous avons élaboré un cadre d'imputabilité aux fins de la stratégie fédérale d'appui aux communautés de langues officielles en situation minoritaire destiné à donner effet aux articles 41 et 42 de la Loi sur les langues officielles. Comme vous le savez, nous recevons chaque année de 29 ministères et organismes fédéraux un plan d'action et un état des réalisations. La collectivité francophone a su reconnaître que lorsque l'on n'est pas un ministère opérationnel — c'est-à-dire un ministère qui exécute des programmes — on est parfois mal placé pour opérer des changements au centre et encourager l'action pour les langues officielles au centre. Je fais rapport au Parlement chaque année. En 1997 — et c'est à la suite du travail de Jean Robert et d'autres — nous avons signé un protocole d'accord. C'était lorsque Marcel Masse, alors président du Conseil du Trésor, et moi-même avons rassemblé nos forces et décidé que ce serait important pour le gouvernement.

[Français]

Il relève maintenant non seulement du ministère du Patrimoine canadien mais aussi du Conseil du Trésor de veiller à ce que les ministères et institutions fédéraux assurent la reconnaissance de la politique des deux langues officielles dans nos programmes. Ce nouveau protocole permet au Conseil du Trésor de questionner toute décision d'autres ministères susceptible de nuire à l'épanouissement du français au Canada. Il sensibilise les ministres et autres fonctionnaires à leurs responsabilités.

Le Conseil du Trésor est devenu le champion des leçons de responsabilité ministérielle. On a créé le comité consultatif des ministères et sociétés d'État. Il est présidé par l'honorable Stéphane Dion. On fait pour la première fois une analyse opérationnelle de tous les mémoires du Cabinet afin de s'assurer qu'on va au-delà des belles paroles et que la politique sur les langues soit appliquée. Nous avons tenté de le faire de deux façon: d'une part, le bâton, et d'autre part, la carotte. En politique, les changements sont parfois difficiles et il faut de temps en temps offrir des carottes.

Nous avons établi un programme — PICLO — qui encourage d'autres ministères à s'intégrer dans une politique plus large des langues officielles en leur procurant des incitatifs fiscaux. Nous avons un budget annuel de 5,5 millions de dollars. Nous acceptons les projets d'autres ministères afin de voir si on peut travailler ensemble.

À titre d'exemple, la semaine dernière, le ministre de l'Immigration a signé une entente visant à favoriser l'immigration, par exemple, dans les régions où les francophones sont en situation minoritaire. Nous savons, par exemple, qu'à Saint-Boniface, dans la région de Whelan et dans d'autres au Canada, on a la possibilité de vivre et de travailler en français, mais il n'y a pas de relève chez les jeunes. La relève se fait dans les grandes villes, mais sans la reconnaissance des langues officielles. Nous avons signé une entente avec l'honorable Denis Coderre dans le but d'encourager une politique d'immigration dans les régions qui ont besoin d'une relève. On observe une diminution du taux de natalité chez les Canadiens. Il n'appartient pas au gouvernement de changer cela mais il peut certainement, par le biais des programmes d'immigration, s'assurer que la francophonie se retrouve partout au Canada.

Jusqu'à présent, par le truchement du programme PICLO, on a signé 13 protocoles d'entente. Grâce aux 5,5 millions de dollars, nous avons reçu des investissements de 11 millions de dollars de la part d'autres ministères. Nous essayons donc de les encourager à investir des fonds. Les secteurs de la santé, de l'économie et autres font des interventions.

Il est certain que nous avons plusieurs défis à relever et nous avons besoin de financement supplémentaire. Il s'agit de s'assurer que les langues officielles ne soient pas seulement la responsabilité d'un ministère. L'application de la Loi relève doit être faite dans tous les secteurs du gouvernement. Nous avons déjà amplement parlé de la question du soutien des communautés.

Je crois que l'idée principale du projet de loi proposé par le sénateur Jean-Robert Gauthier est de s'assurer que les francophones ou les anglophones qui se trouvent négligés par le gouvernement soient en mesure de faire respecter leur droit. Lorsqu'on a étudié le projet de loi en profondeur entre ministères, on avait certaines questions à poser en ce qui concerne les amendements possibles. Une des choses que nous voulons éviter est, par exemple, d'endosser la responsabilité d'autres gouvernements. Quant à la formulation du projet de loi, le ministère de la Justice posait la question si cela pourrait toucher le domaine de l'éducation et créer certaines responsabilités pour lesquelles on ne dispose pas des outils législatifs nécessaires.

L'idée mise de l'avant par l'honorable Jean-Robert Gauthier est la possibilité d'avoir accès à des recours judiciaires lorsque le gouvernement du Canada ne respecte pas ses engagements. Je propose que les amendements qui ont fait l'objet de discussions au comité fassent partie d'une analyse que nous pourrions joindre au projet de loi au Comité mixte sur les langues officielles afin d'avoir une étude plus approfondie visant à s'assurer que les changements dans la loi ne toucheraient pas les responsabilités qui ne sont pas du ressort du gouvernement du Canada.

Le sénateur Gauthier: Madame la ministre, il me fait plaisir de vous recevoir avec vos collègues, Mme Larocque et M. Lemoyne.

L'adoption de la Charte en 1982, de la Loi sur les langues officielles en 1988, la nouvelle loi adoptée par le Parlement, ont octroyé des droits fondamentaux aux minorités linguistiques vivant en milieu minoritaire. On les a mentionnés hier: droit de liberté, droit de justice et surtout le droit d'égalité. Je veux m'y attarder car mon projet de loi S-32 vise l'égalité.

Habituellement, la majorité veille au respect de ses droits. En démocratie, la pluralité l'emporte habituellement. En démocratie, les minorités doivent recevoir justice et égalité. C'est un autre problème.

Voilà pourquoi on a un système judiciaire fortement respecté au Canada. Le projet de loi S-32 que je soumets veut éclaircir la portée de l'article 41 de la Loi sur les langues officielles, la rendre exécutoire plutôt que déclaratoire, comme certaines personnes le prétendent au ministère de la Justice.

Je reconnais que cette position a été développée ici par les témoins. Jusqu'à maintenant, on a tenu sept réunions et entendu plus de quinze témoins, dont la grande majorité représente les communautés de langues officielles. Certains étaient des experts dans les domaines juridique et constitutionnel. Tous, d'emblée, ont appuyé l'objectif du projet de loi excepté Justice Canada, qui a patiné autour de la question, à savoir si c'était déclaratoire ou exécutoire.

J'ai été un peu surpris du témoignage des représentants de Justice Canada. Je pensais qu'on avait passé outre cette position voulant que la majorité décide et que les minorités suivent. La partie VII de l'article 41 de la loi n'est pas sujette à un droit de recours. Lorsqu'on l'enlève, on restreint nos droits. Comme je l'ai dit dans mon témoignage, pas de recours, pas de droit, c'est simple.

Hier, on a entendu M. Tyler, d'Alliance Québec, nous parler de la partie VI de la loi. On a entendu les représentants du Quebec Community Group Network, qui est le groupe «parapluie» des anglophones du Québec. Le président de ce groupe, M. Maynard, est venu ici. Peu appuient l'initiative du projet de loi S-32.

Hier, M. Tyler a beaucoup parlé de la partie VI de la loi, mais j'aimerais qu'on se restreigne aujourd'hui à la partie VII, l'article 41. Les communautés francophones vivant en milieu minoritaire sont également venues devant le comité et ont appuyé la proposition. La commissaire aux langues officielles a aussi appuyé la proposition, mais avec certains amendements qu'elle a proposés.

Presque tous les témoins, à l'exception de Justice Canada, ont appuyé le projet de loi. Madame la ministre, je ne sais pas si c'est juste de poser la question, mais quelle est votre position vis-à-vis le projet de loi S-32 actuellement?

Il faut que vous sachiez que j'ai fait deux propositions. Le projet de loi S-32 devra traverser plus étapes avant d'être adopté; ce n'est pas facile. J'ai passé à travers un projet de loi, celui du vérificateur général du Canada. J'ai réussi à faire adopter ce projet de loi, qui a modifié le comportement habituel du vérificateur général du Canada.

Le gouvernement fédéral, et vous en faites partie, aura à se pencher sur cette proposition. Les communautés ont donné leur appui, les experts ont fourni leurs conseils. En grande partie, ils ont dit que c'était bon. D'après nous, l'article 41 est exécutoire. Quelle est votre position en tant que ministre responsable du Patrimoine canadien?

Vous avez donné un long exposé à ce sujet et sur la façon dont vous voyiez l'article 43. Quelle est la position du gouvernement quant au projet de loi S-32?

Mme Copps: D'abord, comme je ne suis pas avocate, je ne peux pas trop parler des questions de politiques judiciaires, justiciables et déclaratoires. En 1981, j'ai proposé le statut de province bilingue pour l'Ontario. La proposition ne fut pas très populaire. Selon mon expérience, en tant que francophile de longue date, l'avancement des minorités francophones a plutôt été le fait des tribunaux que du Parlement. C'est pour cela qu'on a besoin d'une possibilité de recours, comme nous l'avions institué dans le statut de la gestion scolaire et de l'hôpital Montfort. Les gouvernements n'octroient pas facilement de droits aux minorités. Dans ce contexte, j'appuie la démarche que vous entreprenez pour vous assurer que ce droit de regard reste en place pour les francophones.

Selon ce que vous avez entendu au ministère de la Justice, le projet de loi, tel que conçu, a pour but de donner au gouvernement du Canada la responsabilité de s'assurer des activités des gouvernements provinciaux. Mais légalement, on ne peut pas faire cela. C'est pour cela que je vous ai suggéré d'entreprendre une démarche plus large avec les amendements proposés. On pourrait soumettre la question devant un sous-comité du Comité mixte des langues officielles pour justement voir le fond des choses et examiner les autres possibilités.

Croyez-vous qu'on pourrait faire comme nous l'avions fait lors du protocole d'entente conclu avec le Conseil du Trésor, renforcer les mesures? Ce n'est pas un secret, mais lorsque nous avions signé l'entente avec les provinces en ce qui concerne la Loi sur la main-d'oeuvre, on nous avait assurés de respecter les droits linguistiques reconnus par la loi. En réalité, ce ne fut pas nécessairement le cas. Si la responsabilité du Conseil du Trésor était plus fortement démarquée dans ces démarches, on aurait davantage de possibilités de révision au fur et à mesure que les choses arrivent.

Lorsqu'est survenue la première démarche à propos des ressources humaines, j'ai retiré le projet de loi afin de m'assurer que les droits linguistiques des deux communautés officielles étaient respectés. C'était la seule garantie que j'avais. Mais comme je n'étais pas là pour lire le document dans son contexte, ce qui s'est produit par après n'était pas exactement ce qui nous a été dit au cours de la discussion. Je pense que vous avez déjà étudié les effets que cela causait sur les francophones en situation minoritaire lorsqu'ils n'ont pas la possibilité de se faire servir par les ressources humaines dans leur langue. C'est une perte d'énergie.

Le sénateur Gauthier: Un des arguments que Justice Canada a utilisés est que ce projet de loi augmenterait la judiciarisation, que cela créerait des attentes dans les communautés et qu'il y aurait plus de recours judiciaires. Lorsqu'on a adopté la Charte en 1982 et la nouvelle loi des langues officielles en 1988, j'avais posé la question à M. Bouchard, ministre responsable à l'époque. Il m'avait affirmé en comité que l'article 41 de la loi créait des obligations pour le gouvernement. Je me souviens de lui avoir répondu: «Très bien.» Sauf que plus tard, le ministre de la Justice a rétorqué que cela ne créait pas du tout d'obligations.

J'ai fait des recherches. À l'article 15, proclamé en 1997, 15 ans après l'option en 1982, il y a eu 733 causes sur cet article devant la Cour suprême du Canada. Il y a eu cinq causes sur l'article 16.1 et 16.2, sur la même constitution. Il y a eu 31 causes en éducation à l'article 23(1).

De dire que cela va augmenter la judiciarisation, je ne pense pas qu'on puisse justifier cela, pas sur la foi de ce qui s'est passé aux articles 16 et 23. De dire que cela va augmenter la judiciarisation, ce n'est pas prouvé.

J'ai toujours soutenu que si je ne pouvais pas me présenter devant le tribunal pour défendre mes droits, c'est parce que je n'avais pas de droit. La partie VII de l'article 41 est exclue du recours judiciaire. La Loi sur les langues officielles est une loi fédérale. Je parle donc strictement des obligations du gouvernement fédéral. Je voudrais lui donner un peu plus de mordant, c'est tout. Êtes-vous d'accord?

Mme Copps: L'épanouissement des minorités ne doit pas dépendre d'un carnet de chèques. Et même si cela coûtait plus cher! Pourquoi sommes-nous ici? On dépense des millions sur d'autres programmes. Ne pourrait-on pas s'assurer des droits des minorités même si cela coûte plus cher? Aurait-il été moins dispendieux de faire du Canada un pays ne possédant qu'une seule langue? Je ne le sais pas, mais est-ce le Canada? Je ne le crois pas. Votre proposition a du mérite.

La cause de l'hôpital Montfort n'aurait jamais été tranchée n'eut été des recours devant les tribunaux. On peut travailler à contrer les craintes de ceux qui croient que l'on va piétiner dans le domaine d'autres gouvernements. On peut aller de l'avant avec la possibilité d'une étude approfondie.

Dans le cas des ressources humaines, lorsqu'on a fait le transfert, on m'a indiqué que l'application de la Loi sur les langues officielles était respectée. L'adoption du projet de loi a été retardée afin de s'assurer que c'était bel et bien le cas. Un an plus tard, on trouve qu'elle n'est respectée qu'en partie. Les langues officielles sont respectées, mais il est possible qu'une province ait une loi qui peut avoir préséance. Il est probable que les personnes qui ont signé cette entente n'avaient pas l'intention d'affaiblir ces droits. Toutefois c'est le résultat qui a été obtenu. Ceux qui travaillent dans le domaine des ressources humaines, dans plusieurs parties du Canada, reçoivent moins de services en français qu'auparavant. Que faisons-nous pour contrer cela? On ne peut pas se dire en faveur de la politique des langues officielles et en même temps en donner la responsabilité à d'autres gouvernements.

S'il est possible d'avoir une politique qui vise directement la responsabilité du gouvernement du Canada, je crois que votre projet de loi recevra un appui plus large.

Le sénateur Nolin: Nous tenons ce débat très prometteur. Je n'ai pas eu accès à ces propositions d'amendements, mais après avoir lu votre texte et vous avoir entendu, j'en arrive à la conclusion que vous allez bien au-delà de l'obligation légale non seulement de l'article 43 mais aussi de l'article 41. Il faut reconnaître l'effort du gouvernement. Le président du Conseil du Trésor n'est pas le champion de cette cause; vous êtes cette championne. Vous avez définitivement poussé les limites des responsabilités du gouvernement du Canada en matière de langues officielles.

Vous êtes ministre et je ne le suis pas. Vous ne serez peut-être pas d'accord mais il m'apparaît que vous soyez en faveur du projet de loi du sénateur Gauthier. Vous prenez les mesures nécessaires pour assurer l'épanouissement et le développement selon l'amendement du sénateur Gauthier. Toutefois, votre crainte vous vient des avocats du gouvernement. C'est le rôle normal d'un avocat de vous suggérer le scénario du pire et de vous inciter à vous protéger contre le pire. Je crois honnêtement que c'est un faux prétexte.

Aucun tribunal ne permettrait au gouvernement fédéral d'envahir un champ de compétence d'une autre juridiction parce qu'un texte de loi semblerait lui donner cette responsabilité. Le sénateur Beaudoin pourra élaborer sur cette question. Je ne crois pas qu'en amendant l'article 41, on impose au gouvernement du Canada des responsabilités qui vont au-delà de sa juridiction constitutionnelle.

Le sénateur Gauthier — il est certainement plus expert que moi en la matière — ne demande pas d'amender l'article 77 de la loi qui prévoit les recours judiciaires par le commissaire aux langues officielles. La partie VII n'est pas du tout incluse dans l'article 77. L'amendement du sénateur Gauthier vise exactement ce que vous faites déjà.

Certains diront que, comme vous le faites déjà, on n'a pas besoin d'un amendement à un texte législatif, au contraire. Je vis dans une province où je suis majoritaire. Ce n'est pas le cas du sénateur Gauthier et de plusieurs de mes collègues de langue française qui vivent dans une situation minoritaire dans d'autres provinces. Une protection légale comme celle proposée par l'amendement du sénateur Gauthier est un minimum facilement atteignable puisque vous le faites déjà.

Mon intervention est peut-être davantage un discours qu'une question. Je crois que vous êtes d'accord avec moi. Je vais néanmoins vous demander de commenter ma question.

Mme Copps: Quand nous avions proposé que le protocole d'entente soit signé par le Conseil du Trésor il y a cinq ans, c'est parce qu'au ministère du Patrimoine canadien, il n'est pas possible de s'assurer dans tous les domaines. Nous ne pouvons le faire que là où nous sommes responsables.

Chose utile au ministère du Patrimoine canadien, nous disposons de plusieurs autres outils. Par exemple, nous pouvons nous assurer d'avoir des liens aux différents paliers du sport. Ce sont des éléments importants pour la jeunesse. Je pense à la façon dont nous pouvons encourager la jeunesse à s'épanouir dans sa propre langue.

Il est inconcevable que le ministère du Patrimoine canadien puisse réviser toutes les ententes gouvernementales de tous les ministères et de toutes les institutions. C'est la lacune de l'article 41. Dans le cas de l'article 41, on demande au ministère du Patrimoine canadien de s'assurer que toute entente du gouvernement respecte les deux langues officielles. Toutefois, nous n'avons pas une agence centrale.

Le sénateur Nolin: L'article 43 découle de votre responsabilité. À l'article 41, il s'agit du gouvernement dans son ensemble.

Mme Copps: Notre ministère est responsable de l'article 41.

Le sénateur Nolin: En effet. Vous avez réussi à forcer le gouvernement, en utilisant une agence centrale comme le Conseil du Trésor, à respecter l'article 41. En d'autres mots, vous avez utilisé l'article 43 en disant que le gouvernement a beaucoup plus qu'un engagement, il a des responsabilités. Puisque moi, j'en ai, vous en avez aussi. C'est le coup de maître que vous avez réussi.

Je disais plus tôt que vous mettiez déjà en application ce que le sénateur Gauthier propose. Vous le faites déjà.

Mme Copps: Même si nous avions signé une entente avec le Conseil du Trésor, cette responsabilité m'incombe néanmoins, car la loi n'a pas changé. La proposition du sénateur Gauthier offre la possibilité d'amener le gouvernement du Canada en cour s'il ne respecte pas ses responsabilités.

Il faut un appui de tout le système judiciaire. Je ne suis pas en mesure de vous dire qu'on a cet appui. On a quand même une reconnaissance du Conseil du Trésor et d'autres pour continuer à développer le dossier. C'est pour cela que je proposais d'ajouter les amendements mis de l'avant par plusieurs intervenants au projet de loi du sénateur Gauthier. Je ne suis pas avocate. Ces amendements pourraient être soumis à un sous-comité du Comité mixte des langues officielles pour continuer le dialogue.

Le sénateur Nolin: C'est une proposition mais le sénateur Gauthier mène sa barque. Je vous dis qu'il y a des craintes non fondées. Je comprends votre réponse. Vous êtes allée au-delà de votre mandat en réussissant ce que vous avez fait. Il faut reconnaître votre effort et votre réussite.

[Traduction]

La présidente: Avant de donner la parole aux autres sénateurs sur ma liste, pourrais-je vous demander, madame la ministre, si j'ai bien saisi? Si notre comité et le Sénat adoptent le projet de loi du sénateur Gauthier et l'envoient à la Chambre des communes, vous aurez tout loisir de l'amender comme bon vous semble à la Chambre des communes avant de nous le renvoyer ici. Est-ce que cela vous donne des munitions?

Mme Copps: Je préconise que, au lieu d'adopter le projet de loi tel quel, puisqu'un certain nombre d'intervenants ont exprimé certaines réserves, en particulier le ministère de la Justice, on retire le projet de loi actuel et le renvoie, avec les amendements proposés, à un sous-comité du Comité mixte des langues officielles, afin d'y poursuivre le processus, en assurant que les engagements qui sont pris lient uniquement le gouvernement du Canada et non pas d'autres paliers, et ce en veillant à avoir un libellé en bonne et due forme.

Les mesures gouvernementales ne sont pas le fait d'un ministère, mais de tout le gouvernement. Vous pourriez envisager une étude plus approfondie des relations établies par le protocole d'entente et de la façon de les renforcer, non seulement sous l'angle des recours mais également d'un rôle élargi qui pourrait être confié au Conseil privé. J'ai quelques idées à cet égard. Je ne veux pas les énoncer ici dans le détail, car il ne m'appartient pas de m'ingérer dans les rouages administratifs du gouvernement. Cependant, je pense que le protocole était un bon début. Après cinq ans, il est probablement judicieux de faire le point de son application et de voir de quelle manière le sénateur Gauthier pourrait remplir son objectif, à savoir établir un recours juridique, et non pas simplement politique lorsque les ministères ne respectent pas les droits des minorités.

La plupart des gouvernements provinciaux n'auraient rien fait au cours des 25 dernières années pour protéger et promouvoir les droits des minorités s'ils n'avaient pas été contraints par des décisions de justice. Or, alors que ces gouvernements ont peut-être agi sous la contrainte, on commence aujourd'hui à en voir les effets positifs. Si l'on avait régressé il y a 20 ans et si les droits en matière d'éducation, par exemple, n'avaient pu faire l'objet de recours en justice, ils n'existeraient pas aujourd'hui.

Aussi, je pense qu'il faut tirer les leçons de l'histoire et les appliquer au fonctionnement du gouvernement du Canada, assurer que celui-ci soit tout à fait respectueux des minorités. Quant à la forme juridique, je ne suis pas avocate et je ne puis vous parler des aspects juridiques, mais je sais que le ministère de la Justice a quelques réserves sur ce projet de loi.

La présidente: C'est très intéressant.

Le sénateur Beaudoin: Je dois dire, premièrement, que je suis très impressionné par tout ce qui se fait.

[Français]

Pour revenir à la question du sénateur Nolin, vous agissez comme si l'article 41 était impératif. Je vous dis: Bravo! Je suis d'accord. À mon avis, il est impératif. Il y a encore beaucoup de gens qui ne croient pas que ce soit le cas. Tôt ou tard, il faudra bien recourir aux tribunaux. Il n'y a pas d'autres issues. Lorsque vous dites qu'on devrait référer cette question au Comité mixte des langues officielles, je n'ai pas d'objection. J'ai l'impression que c'est d'abord et avant tout une question juridique et constitutionnelle. Si un comité est bien outillé pour mener cette affaire, c'est bien le Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles. Je n'ai pas d'objection, au contraire.

Le sénateur Nolin a soulevé la question des droits des provinces en matière d'éducation. Il n'est pas nécessaire de rencontrer les provinces à ce sujet, la Constitution nous a précédés. Il est clair, net et précis que tout ce qui touche à l'éducation est de juridiction provinciale. On n'a pas le droit d'envahir ce champ.

On peut se servir du pouvoir de dépenser. Vous vous en servez très bien, d'ailleurs! On ne peut pas changer la Constitution. On peut essayer, mais c'est autre chose.

Mme Copps: Bonne chance!

Le sénateur Beaudoin: Je serais porté à croire que cette question devrait demeurer au Comité sénatorial des affaires juridiques et constitutionnelles ou à un de ses sous-comités. Tôt ou tard, on ne pourra pas éviter la question de l'amendement. On a les amendements de Mme Adam. C'est de plus en plus compliqué et cela me tracasse. Cela devient dangereux quand il y a trop d'amendements. À ce moment, les gens ne font rien. J'ai toujours cru qu'on pourrait soulever ce sujet devant les tribunaux.

Ma première réaction serait d'étudier les amendements, de s'entendre sur un amendement qui comprendra tous les autres. Cet amendement débouchera sur une obligation vraiment exécutoire et impérative. Je pense qu'il n'y a pas d'autres issues. Je suis favorable au projet de loi et je voterai en faveur de son adoption demain matin. Si la justice n'est pas prête à aller de l'avant, continuons à prôner l'amendement.

Mme Copps: Il est plutôt entre les mains du sénateur Gauthier. Je pense qu'on pourrait atteindre un consensus. Si l'amendement retourne en Chambre des communes tel que proposé, vous n'aurez probablement pas de consensus. On cherche à atteindre un consensus qui reflète la responsabilité du gouvernement du Canada et le pouvoir des gens d'assurer leurs droits par le gouvernement et par les tribunaux.

Le sénateur Beaudoin: Lorsqu'on parle des juridictions provinciales, des pouvoirs provinciaux des articles 92 et 93, ce n'est pas avec le Québec qu'on va avoir des problèmes. Québec nous dira de ne pas toucher aux articles 92 et à 93, qu'ils s'en occuperont. Est-ce que les provinces de langue anglaise auront majoritairement la même latitude? Peut-être que oui, mais ma première réaction serait de chercher une solution sans qu'il soit nécessaire de consulter les provinces. On sait ce que les provinces peuvent faire.

Mme Copps: Pour aller de l'avant avec le fond de sa proposition, il faudrait s'assurer que le projet de loi ne touche pas au domaine provincial. Comme le ministère de la Justice prétend que cela touche à leur domaine, il faut s'assurer d'avoir des explications et des garanties juridiques. Pour cette raison, cela nécessite un peu plus de travail.

Le sénateur Beaudoin: Diriez-vous que le projet de loi du sénateur Gauthier envahit les champs provinciaux de juridiction? Je ne pense pas.

Mme Copps: Les provinces disent peut-être. C'est pour cela qu'ils veulent une étude plus en profondeur. Je n'aimerais pas que le projet de loi se rende à la Chambre des communes et qu'il soit défait. Je vous propose donc d'avoir une discussion plus approfondie.

Le sénateur Beaudoin: On peut le faire.

Mme Copps: Elle peut se tenir ici aussi. Combien d'entre vous sont des avocats?

Le sénateur Nolin: Plusieurs.

Le sénateur Beaudoin: Si nécessaire, on peut avoir un article disant que ceci n'a pas pour but d'envahir les pouvoirs provinciaux. Cela est facile.

[Traduction]

Le sénateur Fraser: J'ai écouté vos suggestions avec fascination, madame la ministre. Comme vous le savez sans doute, un certain nombre de personnes ici ont été ou sont des membres fidèles du Comité des langues officielles. Je vous fais remarquer que le comité n'est pas habilité à se pencher sur des projets de loi, et si on passe par lui le processus sera beaucoup plus long et plus lourd. Tout ce que peut faire ce comité, c'est déposer un rapport. Je suis sûr que vous connaissez bien la dynamique politique au sein de ce comité.

J'ai l'impression que si l'on dressait un tableau comparatif de la plupart des amendements proposés par les divers témoins, on décèlerait une convergence considérable entre eux et constaterait qu'ils vont dans une direction qui répond à la plupart des réserves que j'avais au sujet du libellé de ce projet de loi. Je suis sûre que nous aurons une bonne discussion sur votre présentation.

Je n'ai pas coutume de lancer des compliments aux ministres, mais je le ferai cette fois-ci car je veux m'assurer que vous compreniez bien ce qui m'anime. Je pense que votre dévouement personnel à la cause des droits et services francophones et du développement communautaire francophone est non seulement admirable, mais aussi un exemple éclatant de ce que devrait être ce pays. Vous nous avez amenés là à la force du poignet. C'est merveilleux. Vous n'avez pas pu le faire seule, bien entendu — même vous ne le pouviez pas — mais chacune des mesures que vous avez décrites est merveilleuse.

Cela dit, je suis une anglophone du Québec. Souvent, dans le discours fédéral, et encore aujourd'hui dans votre exposé, je retire l'impression que nous sommes oubliés. Les besoins des minorités francophones sont si évidents et si grands que les besoins différents des anglophones du Québec passent à l'arrière-plan. Vous vous en occuperez un jour, peut-être. J'exagère peut-être, mais je suis sûre que vous voyez à quoi je veux en venir.

Puisque ce projet de loi porte sur le développement des communautés, pourriez-vous m'expliquer quelles sont les priorités sur le plan du développement des communautés anglophones du Québec et ce que vous faites déjà et ce que vous aimeriez faire et comment cela s'inscrit dans le tableau d'ensemble.

Mme Copps: La difficulté pour les francophones, s'agissant du développement d'une communauté qui n'a pas d'histoire institutionnelle, d'histoire scolaire et d'histoire de services, est qu'ils partent en dessous de zéro. Au contraire, la communauté anglophone du Québec possède une longue histoire institutionnelle et la question est de savoir comment la préserver.

Au ministère nous avons cherché à cibler des investissements effectués en dehors des grands centres urbains. Je songe là aux personnes qui vivent la même situation minoritaire sans le soutien institutionnel qui existe dans les grandes villes. Parfois, il y a des malentendus.

Lorsque j'ai parlé tout à l'heure de l'investissement dans l'éducation, l'Université McGill possède une longue histoire et beaucoup d'étudiants la fréquentent à cause de ses anciens qui ont gagné des prix et jouissent d'une renommée mondiale. Son conseil d'administration est un peu comme le bottin mondain du Canada. Les autres universités ne jouissent pas d'une telle renommée. J'ai mentionné l'Université Laurentienne, mais j'aurais pu tout aussi bien mentionner l'Université de Moncton.

Lorsque nous décidons nos investissements, nous cherchons à édifier ces institutions là où elles n'existaient pas auparavant ou manquaient réellement de moyens, et à cibler également au Québec anglophone les régions en dehors de Montréal qui ne bénéficient pas du même type de soutien institutionnel et à maintenir en vie les soutiens institutionnels qui existent déjà. Par exemple, la radio anglophone de la SRC est réellement importante pour les régions. Ce sont là des éléments clés du développement des collectivités anglophones.

N'oubliez pas que le soutien institutionnel dont jouissent les collectivités anglophones depuis plus d'un siècle est nettement supérieur à ce que connaissaient les francophones hors Québec. Ils n'avaient pas d'écoles. À Terre-Neuve, ils n'ont un conseil scolaire que depuis deux ans. Les deux minorités sont à des stades différents.

Le sénateur Fraser: Justement. Les besoins sont différents mais néanmoins réels. Par exemple, parmi vos 18 centres scolaires et communautaires, y en a-t-il au Québec?

Mme Copps: Oui. D'ailleurs, nous pêchons par excès de discrétion. Nous avons effectivement un rôle dans la construction de chacune des écoles anglophones du Québec. Nous les finançons par le biais de nos programmes.

Le sénateur Fraser: En a-t-on construites dernièrement?

Mme Copps: Oui. L'une a ouvert il y a juste six mois. Je n'ai pas la liste, mais je pourrais l'obtenir. Nous contribuons à couvrir les frais supplémentaires des écoles de langue minoritaire.

Certains différentiels de coûts touchent surtout les écoles francophones, car évidemment les manuels et ressources pédagogiques sont principalement disponibles en langue anglaise.

Nous finançons des centres communautaires. M. Lemoine peut vous en donner la liste. Croyez-moi, nous sommes actifs dans toutes les régions du pays.

Pour en revenir au projet de loi lui-même, il s'agit réellement d'examiner le protocole que nous avons signé avec le Conseil du Trésor pour déterminer s'il n'y aurait pas moyen de le renforcer en parallèle. Je n'aimerais pas voir votre comité adopter un projet de loi qui serait ensuite rejeté à la Chambre des communes, et que tout votre travail ne serve à rien. Je pense que nous avons obtenu avec le protocole d'entente une intégration substantielle des responsabilités et vous voudrez peut-être en tenir compte dans votre examen d'ensemble. J'ai suggéré de faire ce travail au Comité des langues officielles car je suis sûr que certains d'entre vous ne connaissez même pas cet accord et sa signification sur le plan de l'élaboration de la politique et l'opportunité de peut-être faire du Conseil privé un partenaire. Au lieu d'avoir seulement le Conseil du Trésor et Patrimoine canadien signataires d'une entente, on pourrait peut-être également inclure le Conseil privé car il est lui aussi à l'avant-garde des négociations que nous menons. Il peut y avoir différentes façons de réaliser ces objectifs.

Le sénateur Gauthier a signalé la limitation des droits qui est énoncée dans la loi, et nous cherchons les moyens de surmonter cette limitation, moyens qui pourraient être soit judiciaires soit administratifs. Je pense que ce que nous avons fait avec le protocole d'accord de 1995 a fait avancer les choses.

J'ai du mal à croire que nous ayons maintenant un comité présidé par Stéphane Dion qui se penche sur le rôle de tous les ministères. Cela s'est avéré incroyablement efficace car tous savent maintenant que lorsqu'ils présentent une politique, il y aura un examen horizontal. Cela ne serait jamais arrivé si nous n'avions pas signé ce protocole d'entente. Je pense qu'il faut un examen dans une optique plus large.

Le sénateur Fraser: Je connaissais le protocole grâce au Comité des langues officielles. Il est très utile de pouvoir en discuter là.

Revenant au Québec anglophone, quelle proportion de votre financement va au Québec anglophone?

Mme Copps: M. Lemoine peut vous le dire. Je ne sais pas. Je pense que c'est assez considérable au niveau scolaire.

Le sénateur Fraser: Vous nous avez remis 32 pages de programmes chiffrés globalement. Quelle proportion de tout cela va au Québec anglophone?

Mme Copps: Dans le domaine du développement culturel, l'accent a été mis sur la protection de la langue française à travers le pays. Ce n'est pas un programme ciblant un groupe particulier. Lorsqu'on met en place des politiques d'assistance aux films de long-métrage, par exemple, on fait en sorte qu'un certain pourcentage aille aux films français. Le pourcentage des films anglais ne pose pas de problème. Lorsque je suis devenue ministre, pas mal de nos programmes ne tenaient pas compte de la langue du produit.

Le sénateur Fraser: Je ne prétends pas que l'industrie cinématographique de Toronto a des problèmes.

Mme Copps: Nous avons nommé au conseil des membres appartenant aux communautés minoritaires car on constatait que les cinéastes francophones travaillaient au Québec et les cinéastes anglophones travaillaient hors Québec. Nous avons changé ce système. Est-ce que cela aide les cinéastes québécois anglophones? Oui, certainement. Est-ce un programme ciblé sur eux? Non.

Le sénateur Fraser: Quels sont vos résultats? Il y a d'une part votre vision, et d'autre part les résultats concrets.

Mme Copps: À un autre niveau, il y a probablement davantage de Québécois parlant anglais que jamais auparavant dans l'histoire de la province. C'est probablement un bon indicateur.

Le sénateur Fraser: Ils n'ont pas l'anglais pour langue maternelle.

M. Hilaire Lemoine, directeur général, Programme d'appui aux langues officielles, Patrimoine canadien: Parmi les fonds dépensés par le ministère pour les programmes de langues officielles, je dirais que de 17 p. 100 à 20 p. 100 vont au Québec, principalement pour l'éducation ou les services en langues minoritaires ou des postes apparentés.

Mme Copps: Cela n'englobe pas nombre des soutiens dont j'ai fait état.

Le sénateur Fraser: Cela n'englobe pas les budgets pour la CBC et ce genre de choses. C'est le chiffre le plus utile, et je vous en remercie.

Mme Copps: Si cela vous est utile, nous pourrions vous remettre une liste des localités où nous avons fait des investissements, car nous construisons des centres communautaires dans les collectivités minoritaires. Par exemple, si vous vivez à Montréal, de façon générale vous avez accès au théâtre dans votre langue ou vous pouvez être servi au restaurant et vivre dans votre langue; en revanche, si vous vivez dans le Bas-du-Fleuve, ce n'est pas toujours le cas, et c'est là-dessus que nous nous concentrons.

De la même façon, s'agissant de centres communautaires hors Québec, nous en établissons dans des localités où il est difficile autrement de vivre dans sa langue. À quoi sert-il d'envoyer quelqu'un à l'école et de l'encourager à parler la langue minoritaire si, après la scolarité, la personne ne peut travailler ou ne trouve pas de garderie où sa langue est parlée?

Lorsque les enfants arrivent au cycle secondaire dans les collectivités minoritaires, ils passent de l'école française à une école anglaise à cause de l'histoire et de la réputation de ces écoles. L'image de ces écoles est associée à des équipes qui gagnent des championnats de football et à des grands noms, par exemple l'école qu'a fréquenté Wayne Gretzky. Ce sont tous là des attraits dont il faut tenir compte lorsque l'on édifie un nouveau système.

La présidente: Merci, madame la ministre. J'ai plein d'idées sur ce que nous pouvons faire et ne pas faire avec le projet de loi du sénateur Gauthier.

[Français]

Le sénateur Joyal: Madame la ministre, il nous fait grand plaisir de vous recevoir et en particulier, Mme LaRocque, avec laquelle nous avons déjà eu plusieurs projets conjoints et communs ainsi que M. Lemoine à d'autres étapes.

Je voudrais souligner que les convictions exprimées par la ministre du Patrimoine canadien ont déjà été mises à l'épreuve. J'aimerais vous remercier de votre intervention dans le cas de l'hôpital Montfort, en particulier lorsque le gouvernement canadien a pris le décision d'intervenir en appel. L'ex-juge en chef Antonio Lamer a témoigné à notre comité lundi dernier.

[Traduction]

Quelqu'un a mentionné combien il est important que les intervenants puissent aller en tribunal et expliquer une perspective plus large. On peut se féliciter de la décision du Cabinet prise sous votre impulsion et je peux dire que mon expérience personnelle avec le Secrétariat d'État et Patrimoine canadien a été généralement positive, beaucoup plus qu'avec le ministère de la Justice. Ce dernier s'attache non pas à l'esprit mais à la lettre de la loi et je veux donc vous féliciter de vos efforts car ils ont donné des résultats positifs.

Votre présentation renforce la position défendue par le sénateur Gauthier et de nombreux témoins. Lorsqu'on regarde attentivement votre présentation, on voit à la page 5 que la diminution des crédits depuis 1992 a été spectaculaire. Il a fallu beaucoup d'efforts politiques depuis 1997 pour renverser la tendance et je me souviens que vous êtes intervenue auprès de nombreux parlementaires des deux Chambres afin de convaincre le gouvernement à donner priorité à l'augmentation des crédits pour le programme.

Il est troublant de voir que ces coupures ont miné des droits constitutionnels fondamentaux. Nous ne parlons pas ici de construction de ports ou d'aéroports, mais de droits constitutionnels. D'une part, vous faites ressortir que la protection des communautés linguistiques est laissée au gré du gouvernement du jour. Je ne critique pas les décisions prises alors par le gouvernement, il était confronté à un problème et se devait d'agir. Néanmoins, la dernière page de votre présentation, la page 31, montre bien une lacune dans le cadre de responsabilité du gouvernement fédéral à l'égard de la prestation des programmes à l'échelle de l'appareil étatique.

Lorsque je regarde les deux éléments de votre présentation, je ne peux que conclure qu'il faut renforcer le fondement législatif des responsabilités gouvernementales et d'autres ministères que le vôtre, tels que le Conseil du Trésor, ont un rôle à jouer. Le ministre Dion a été chargé de ces responsabilités suite aux critiques très acerbes adressées au gouvernement fédéral par le Commissaire aux langues officielles. Dans la mesure où nous avons un gouvernement à l'esprit ouvert et un bon ministre du Patrimoine comme vous, les coupures que le gouvernement doit infliger seront minimales mais à défaut on ne pourra que constater les effets dramatiques sur les taux d'assimilation, tels qu'ils ressortent des chiffres de Statistique Canada qui nous ont été communiqués.

L'amendement qu'il faudrait apporter au projet de loi du sénateur Gauthier pour respecter le partage des pouvoirs fixé par la Loi constitutionnelle de 1867 est très simple. Il suffirait de dire: «Conformément à l'article 16 le gouvernement du Canada prendra, dans le respect du partage des pouvoirs énoncés dans la Constitution de 1867, toutes les mesures nécessaires...». Cela réglerait votre problème. Je vous ai indiqué une formule rapide.

On pourrait l'affiner, mais c'est en gros l'idée. Il est possible d'apporter un amendement au projet de loi du sénateur Gauthier, soit dans ce comité soit en troisième lecture, qui le rendrait plus acceptable dans l'ensemble. Un tel amendement ne changerait pas l'esprit de la proposition du sénateur Gauthier. Il dessinerait simplement un cadre autour de la responsabilité du gouvernement fédéral, et c'est tout à fait possible.

J'exprime mon adhésion à la suggestion et au commentaire de la présidente. Vous avez besoin d'un soutien au sein de l'appareil gouvernemental afin d'assurer la pérennité de la structure et du cadre et éviter ce que j'appelle le mythe de Sisyphe, soit le fait de rouler le rocher jusqu'au haut de la montagne et de devoir recommencer tous les dix ans parce que des choix différents auront été faits et que l'on sera revenu au point de départ.

J'estime que nous pouvons modifier facilement le projet de loi ici, ou au Sénat en troisième lecture, de façon à vous donner l'assise dont vous avez besoin et que ce protocole ne soit pas simplement l'expression d'une volonté politique mais devienne aussi un instrument permanent d'intervention gouvernementale à l'appui des langues officielles.

Le sénateur Moore: Merci d'être venue, madame la ministre. Il est toujours bon de vous voir et d'entendre les efforts que vous déployez à l'appui du pays et de sa grande diversité.

Est-ce que vous-même ou vos collaborateurs avez eu l'occasion de lire les témoignages que nous avons entendus hier?

Mme Copps: Non, quelqu'un de la Gazette de Montréal vient de me poser une question à ce sujet. Cette journaliste en a parlé, mais je ne sais rien de plus et nous allons nous renseigner.

Le sénateur Moore: M. Brent Tyler a comparu et a parlé de la demande présentée par son organisation. Il est le président d'Alliance Québec, comme vous le savez peut-être. Dans sa demande de subvention adressée à votre ministère, cette organisation décrivait son action et après avoir entendu son témoignage hier, il me paraît approprié de vous citer cette description de ses activités:

Effectuer des recherches sur l'application de la Loi sur les langues officielles afin d'assurer le respect de ses règles par les institutions gouvernementales fédérales, et en évaluer les résultats.

Il nous a déclaré ceci:

Après le dépôt de notre demande de crédits au titre du programme, des employés du ministère du Patrimoine canadien nous ont contactés et invités à retirer cette description de notre demande, ce que nous avons fait.

Je lui ai posé quelques questions à ce sujet et il était clair à ce sujet que la demande de crédit serait rejetée si cette phrase n'était pas rayée de la demande. Selon ses dires, Beverley Caplan, du bureau montréalais de votre ministère, a pris langue avec Lynn Roy, la directrice des communications de son organisation, pour l'instruire de retirer cela de la demande.

Cela me chiffonne. Il me semble que cette phrase décrit parfaitement bien la raison d'être de l'organisation, et il a indiqué également que toutes les activités de cette nature ne recevraient pas de financement de votre ministère. Êtes- vous au courant de cela, madame la ministre?

Mme Copps: J'ignore tout de cela. Cependant, je dirais que l'une de mes tâches dans ce portefeuille est que j'essaie d'encourager toutes les collectivités à travers le pays de participer aux décisions sur l'aide distribuée. Nous avons, dans chaque province, une enveloppe globale gérée par les collectivités. Ce n'est que dans la province de Québec que nous n'avons pu parvenir à faire s'entendre les collectivités. Nous avons accordé quelques crédits supplémentaires à Alliance Québec pour l'aider à construire des passerelles avec les régions. J'aimerais bien que dans un avenir proche les collectivités s'accordent et puissent parler d'une seule voix. L'unité fait la force, au Québec comme ailleurs. Dans toutes les autres provinces, nous avons une enveloppe de financement globale. Il y a peut-être là quelques éléments qui ne sont pas apparents à première vue, mais je ne sais pas.

Le sénateur Moore: J'ai eu l'impression hier que tel est bien le cas. J'aimerais que vous vous penchiez là-dessus. Je ne pense pas que ce soit une orientation appropriée. C'est l'action que cette organisation a toujours menée et continue de mener et je considère que cette instruction donnée par votre ministère n'est pas appropriée. Elle ne donne pas le ton voulu. Je pense que cela nuit aux efforts que vous avez déployés.

Mme Copps: Il faudrait que je connaisse tous les faits avant de pouvoir prendre position. Il a formulé une allégation et je me suis déjà engagée à vérifier les faits. Je ne puis parler au nom d'employés sans leur faire au moins la courtoisie d'écouter leur version. Je vais certainement me renseigner.

Le sénateur Moore: Je vous en serais reconnaissant, et peut-être vous et moi pourrons en reparler.

Mme Copps: Certainement.

Le sénateur Bryden: Je vous souhaite la bienvenue, madame la ministre. Malheureusement pour ce comité, je suis avocat et j'ai tendance à lire les textes de loi de très près et peut-être à trop les décortiquer.

Je suis fondamentalement opposé — surtout au moment où nous fêtons le vingtième anniversaire de la Charte canadienne des droits et libertés — à ce que notre gouvernement, dans une démocratie parlementaire, cède aux tribunaux les responsabilités qui sont les siennes et qu'il devrait assumer sous la supervision du Parlement, et beaucoup de gens partagent mon avis.

Je n'adopte pas la même position que les autres membres du comité sur le projet de loi du sénateur Gauthier. Je doute qu'il accomplisse ce que le sénateur Gauthier espère et pense.

Les articles 41, 42 et 43 de la loi, selon ma lecture, érigent un ensemble de droits, d'obligations et de responsabilités, notamment sur le plan de l'application, sensiblement différent de ce que prévoit le reste de la loi. Je soulève cet aspect car vous avez montré que les progrès réalisés avec le protocole s'appuient sur l'article tel qu'il se lit actuellement. Ce protocole vise à appliquer une politique du gouvernement fédéral. Il s'agit là d'une volonté politique pour laquelle vous-même et le gouvernement devez rendre compte au Parlement et donc, si vous ne respectez pas vos engagements, le peuple vous démet et vous remplace par quelqu'un qui les tiendra. Vous avez fait ce pour quoi la partie VII est conçue, à mon avis. L'article 43 dit, entre autres:

Le ministre du Patrimoine canadien prend les mesures qu'il estime indiquées pour favoriser la progression vers l'égalité de statut et d'usage du français et de l'anglais dans la société canadienne et, notamment, toute mesure [...]

Suit une longue liste, notamment le renforcement des deux langues officielles, des deux communautés linguistiques, et cetera. Je pense que ce protocole d'entente constitue précisément l'une de ces measures.

Même si le projet de loi du sénateur Gauthier transforme ces engagements politiques en droits exécutoires pouvant être imposés au gouvernement du Canada par la Cour suprême — ce qui me semble être le but qu'il recherche — au lieu d'avoir des politiques envers lesquelles le gouvernement s'engage et dont il rend compte au Parlement et donc au peuple, on instaurera un nouveau droit dont le contrôle sera assuré par la Cour suprême du Canada.

Je ne pense pas qu'il soit équitable de prendre pour position que si vous avez un droit constitutionnel, aucune coupure budgétaire générale ne pourra le concerner. Nombre de droits constitutionnels, qu'il s'agisse du droit à la santé ou à la sécurité de la personne, sont touchés par la nécessité de mettre de l'ordre dans nos finances.

Ce à quoi je veux en venir c'est que vous m'avez prouvé que le système, tel qu'il est esquissé dans les articles 41 à 43 de la partie VII, peut fonctionner de manière à promouvoir les politiques du gouvernement. Je ne pense pas que l'on gagne grand-chose à confier l'épanouissement de ces deux collectivités aux tribunaux, au lieu qu'ils soient gérés par le gouvernement responsable devant le Parlement.

Je ne sais si vous souhaitez répondre à cette prise de position, mais c'est la mienne et je l'ai déjà exprimée ici à cette table, autant que vous le sachiez.

Mme Copps: Je ne pense pas que l'intention des modifications proposées soit de bien faire cela. L'intention est de soustraire les droits des minorités aux courants politiques. C'est là la différence. L'intention des articles 41 et 42 peut toujours être accomplie par le biais du système politique. C'est l'une des raisons pour lesquelles j'aimerais que vous regardiez de plus près ce que nous pouvons faire pour renforcer le protocole et l'étendre à d'autres acteurs. Il ne fait aucun doute que l'objectif du gouvernement a été et est de renforcer l'action dans ces domaines, mais parfois cela ne se fait pas. Pourquoi? Parfois parce que le ministère responsable de la Loi sur les langues officielles dans son intégralité, c'est-à-dire le ministère du Patrimoine canadien, a plus de capacité à favoriser l'épanouissement des collectivités qu'à intervenir dans la machinerie gouvernementale. C'est là le noeud de l'affaire.

Lorsque c'est l'appareil d'État qui est en jeu, le projet de loi du sénateur Gauthier, d'une certaine façon, érige les tribunaux en arbitre final. Je comprends votre argument qui conteste l'opportunité de soumettre les droits parlementaires à la volonté des tribunaux. C'est là un débat politique général, mais je pense que son intention est de renforcer la capacité institutionnelle à garantir le respect de la loi.

Personnellement, je pense qu'il faudrait se pencher plus avant sur le protocole. Il est peut-être prématuré de modifier la loi avant de revoir les problèmes structurels inhérents à l'appareil administratif. Nous voyons ces choses d'un peu loin, mais je sais qu'au moment où nous avons introduit le protocole d'entente avec le Conseil du Trésor, ce sont les politiciens qui étaient le moteur. J'ai réussi à convaincre beaucoup de responsables politiques et l'administration n'était pas totalement ravie alors. Cependant, je pense que depuis 1997, le Conseil du Trésor a perçu les avantages d'une telle politique. C'est maintenant la politique officielle, mais il y a peut-être lieu de l'élargir et d'amener le Conseil privé à la table.

La nomination de M. Dion comme coordonnateur des divers aspects des politiques place au centre du gouvernement ce qui était une simple responsabilité ministérielle, et c'est une bonne chose. Cela nous aidera à progresser sur le plan des droits.

Sommes-nous prêts à saisir les tribunaux en ce moment? Peut-être faudrait-il encore plus de travail auparavant. C'est ce que je préconise. Je n'aimerais pas voir ce projet de loi rejeté à la Chambre; je n'aimerais pas que tout le travail que vous y avez consacré soit perdu. J'aimerais travailler avec vous et voir si l'on ne pourrait pas rallier d'autres pour faire avancer ce dossier.

La présidente: Nous en serions très heureux. Sénateur Gauthier, aimeriez-vous dire un mot?

J'aimerais moi-même dire une chose. Je pense qu'il serait bon que notre comité ait le texte de ce protocole. Je n'en avais pas conscience. Je ne siège pas au Comité des langues officielles.

Le sénateur Gauthier: Je tiens à dire que je suis très heureux de la façon dont les choses tournent.

La présidente: Je vous remercie infiniment, madame la ministre, de votre comparution aujourd'hui et d'avoir accepté de passer plus de temps avec nous, manquant ainsi deux votes.

Honorables sénateurs, j'ai demandé à notre personnel de dresser une liste de tous les amendements proposés, en indiquant qui était pour et qui était contre et pour quelles raisons. Nous voudrons peut-être entendre quelques autres témoins.

Nous ne prendrons pas une décision rapide à ce sujet; nous avons des projets de loi du gouvernement à examiner. Nous reviendrons à cette question aussitôt que nous le pourrons et nous aurons beaucoup de temps pour réfléchir à la question.

La séance est levée.


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