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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 3 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 22 mars 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit à 11 h 05 ce jour pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe la fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, peut-on commencer?

Comme vous le savez, l'ordre du jour aujourd'hui pour notre comité est l'état du système de soins de santé au Canada. Nous en sommes à la deuxième phase de nos audiences. Nous recevons trois témoins ensemble à qui nous demanderons à chacun de faire un exposé d'environ 10 minutes avant que nous ne passions aux questions.

Nous avons tout d'abord William Robson, qui est vice-président et directeur de la recherche à l'Institut C.D. Howe. Dans un exposé écrit publié en février dernier, celui-ci aborde la question des pressions exercées par les changements démographiques sur les budgets des soins de santé des provinces.

Le Dr William Dalziel est chef de la Division de médecine gériatrique de l'Université d'Ottawa et du Programme d'évaluation gériatrique régional d'Ottawa-Carleton. Il a récemment publié un article intitulé: «Demographics, aging and health care: Is there a crisis?».

Nous avons aussi Byron Spencer, qui est professeur de science économique à l'université McMaster à Hamilton, en Ontario. Son champ d'expertise inclut la démographie, les méthodes de prévision et l'économie de la santé. Il a beaucoup écrit sur l'incidence du vieillissement démographique sur les coûts de santé et d'autres programmes sociaux.

Nous allons commencer par M. Robson. N'oubliez pas, lorsque vous parlez, que nous avons l'interprétation simultanée et qu'il nous arrive parfois de parler trop vite.

M. William B.P. Robson, vice-président et directeur de la recherche, Institut C.D. Howe: Honorables sénateurs, je vous remercie de m'avoir invité aujourd'hui. Je suis très impressionné par le travail de votre comité et je vous souhaite tout le succès possible dans l'analyse des problèmes difficiles relatifs aux soins de santé au Canada et dans la recherche de solutions.

Certains d'entre vous ont peut-être lu l'exposé que j'ai rédigé pour l'Institut C.D. Howe. Vous savez que l'on est toujours tenté, quand on a écrit quelque chose, de revenir sur tous les détails publiés mais ce n'est pas ce que j'entends faire aujourd'hui.

Si vous me le permettez, j'aimerais vous faire un bref résumé des résultats de certaines de ces projections. Les chiffres effrayants semblent passionner les gens. Je vous expliquerai aussi certains des problèmes que je vois dans la façon d'aborder cette situation au Canada. Je conclurai par ce que j'espère être des suggestions utiles sur la manière d'améliorer les choses.

Commençons donc pas ces chiffres alarmants. Il y a beaucoup de prévisions possibles et beaucoup d'incertitude quant aux différences éventuelles entre le financement futur de la santé publique et la situation actuelle. Les tendances générales sont claires. Dans les prochaines décennies, la population âgée, qui utilise davantage de services de santé, va rapidement croître. La population active plus jeune, qui rapporte des recettes fiscales, augmentera relativement lentement si elle ne diminue pas.

Si l'on résume cela comme on le fait maintenant assez souvent -- par exemple, en considérant le nombre de personnes de plus de 65 ans par rapport à 100 personnes d'âge actif --, vous voyez que, pour l'ensemble du pays, le rapport va plus que doubler entre 2000 et 2040.

Ce tableau montre les tendances à partir de 1980 par tranche de 20 ans. La moyenne nationale du Canada apparaît à gauche, puis les provinces de Terre-Neuve à la Colombie-Britannique soit d'est en ouest, et les territoires se trouvent à droite. Je vous ferai remarquer que les perspectives varient beaucoup d'une province à l'autre.

Si l'on superpose certaines hypothèses économiques au sujet de l'utilisation des ressources en matière de santé, des coûts et de la croissance de la production par personne dans l'ensemble de l'économie, on obtient des implications de ce phénomène pour les budgets de santé provinciaux.

Un indicateur récapitulatif des dépenses de santé dans chaque province en fonction des recettes propres de chacune d'elles -- de ses propres recettes fiscales. Par exemple, avec le type de projections indiquées sur le tableau et certaines hypothèses économiques médianes, si les provinces continuent à imposer la même part de leurs économies qu'aujourd'hui, on constate une sensible augmentation dans les dépenses de santé portées au budget provincial et de grosses différences d'un bout à l'autre du pays. J'ai tronqué l'échelle verticale de ce tableau pour ne pas supprimer trop de détails. Le chiffre pour Terre-Neuve en 2040 est en fait supérieur à 100 p. 100 dans ce genre de projection mécanique et considérablement plus élevé dans les Territoires du Nord-Ouest.

À propos de tous ces chiffres, il y a un indicateur récapitulatif qui est utile. Considérez que la hausse dans les dépenses de santé est un passif que l'on peut comparer à d'autres types de chiffres que nous connaissons mieux dans les finances gouvernementales. Imaginez que notre régime de santé promette implicitement à tous les Canadiens qu'ils continueront de recevoir les mêmes services aux mêmes conditions toute leur vie. Cela permet de considérer cette augmentation des dépenses de santé d'une façon similaire à ce qu'on a fait, par exemple, pour le Régime de pensions du Canada, et à l'exprimer comme une provision actuarielle.

Sur ce tableau, je compare les barres claires, qui représentent les provisions pour la santé calculées au sens quasi actuariel à la dette nette actuelle des provinces. Comparé à certains de ces chiffres familiers relatifs aux provisions, c'est très important. Je répète qu'il y a beaucoup de différences d'un bout à l'autre du pays. Certaines provinces constateront que le fardeau des dépenses de santé sera extrêmement lourd et ne sont pas bien placées pour le supporter si l'on considère leur dette ordinaire. Pour d'autres, cela ne semble pas poser de gros problèmes ni dans un cas ni dans l'autre.

Évidemment, c'est une façon d'exprimer ce passif. Son montant ultime est incertain et je me ferai un plaisir de répondre à vos questions sur certaines de ces hypothèses à la suite de mon exposé.

Pour le moment, j'aimerais insister sur le fait que les implications de ce passif pour la qualité des services de santé que nous recevons, et pour les impôts que nous payons pour les financer, sont également incertaines. Nous allons prendre des tas de décisions au cours des prochaines décennies qui détermineront notre degré de satisfaction quant à ce solde. C'est le climat dans lequel ces décisions seront prises dont j'aimerais vous entretenir brièvement parce que je crains que les jeux politiques qui nous attendent à ce sujet soient dangereux.

En résumé, les pressions sont intenses et inégales selon les provinces. Dans ces circonstances, il me semble probable que le gouvernement fédéral soit appelé à payer une bonne partie de la facture, d'une façon ou d'une autre. D'après ce que l'on a vu récemment, le plus probable est que cela se fasse par des augmentations ponctuelles dans les transferts, comme le TCSPS ou les paiements de péréquation. Cette perspective m'inquiète parce que ce genre d'augmentation crée un mauvais climat pour l'élaboration des politiques en matière de santé. Il y a trois raisons connexes à cela. Tout d'abord, les augmentations ponctuelles menacent la stabilité qu'un financement de base reposant sur une formule, comme le TCSPS, est censé assurer. Plutôt que de savoir de combien elles pourront disposer à long terme, les provinces viennent quêter chaque année davantage à Ottawa. C'est ainsi que ces subventions globales deviennent des subventions conditionnelles et que cela brouille la comptabilité en matière de services de santé.

La deuxième raison est que les augmentations ponctuelles encouragent fortement chaque province à faire payer le coût de ces programmes aux contribuables des autres provinces. Ce n'est pas un jeu à somme nulle mais plutôt un jeu à somme négative parce que lorsque les provinces agissent ainsi, il est évident qu'elles ne s'occupent pas de leurs programmes de santé comme elles le devraient.

La troisième raison qui fait que je m'inquiète, c'est que cela nuit aux excédents budgétaires que nous devrions nous constituer pour faire face à ces dépenses accrues en matière de santé qui nous attendent. L'exemple le plus frappant que nous ayons s'est produit après le supplément au TCSPS annoncé dans le budget de 1999 -- 3,5 milliards de dollars qui seraient versés aux provinces sur trois ans. Dès que cet argent est passé au compte autonome, les provinces ont continué à se plaindre du manque d'aide fédérale pour les programmes de santé. La réaction immédiate du gouvernement fédéral fut que les provinces trompaient les malades en ne dépensant pas la totalité de cet argent à leur disposition pour en réclamer davantage. Le message est très clair -- dépenser autant que vous le pouvez et aussi vite que possible. Ce n'est pas sain si l'on veut essayer de créer les excédents budgétaires qui seraient souhaitables.

J'aimerais vous soumettre une ou deux idées qui permettraient de créer un climat d'élaboration des politiques à l'opposé de celui que je viens de décrire. Un climat qui permettrait d'envisager la stabilité, dans lequel les incitatifs seraient neutres et où la prudence financière serait possible.

Je sais que votre comité a déjà discuté du TCSPS, des impôts et de la trésorerie. Si je pouvais, à l'aide d'une baguette magique, transformer le TCSPS en espace fiscal, cela réglerait certainement beaucoup des problèmes d'incitation et faciliterait la prudence financière. Toutefois, ce ne serait pas stable parce que les pressions varient selon les provinces. Le gouvernement fédéral céderait à la pression et nous nous retrouverions avec ce pèlerinage annuel de quémandeurs à Ottawa.

Il y a une autre solution et ce serait que les transferts d'Ottawa aux provinces soient davantage fonction des pressions exercées par le vieillissement démographique sur les budgets de santé. Je suggérerais ainsi que nous convertissions une partie du TCSPS en subventions par aîné, ce que j'appelle la «subvention santé des aînés». Je n'entrerai pas dans les détails mais, à titre d'exemple, nous pourrions remplacer une partie du TCSPS par une nouvelle subvention, fixée à 3 000 $ par aîné et financer au début celle-ci par une diminution correspondante ailleurs pour que le coût soit le même la première année. Avec le temps, la subvention pourrait augmenter au même rythme par habitant que toute autre subvention relative à la population générale, sauf que celle-ci serait relative à la population aînée et augmenterait ainsi plus rapidement. Cela permettrait de faire face à certaines des pressions démographiques sur les transferts fédéraux.

La provision que j'ai décrite tout à l'heure figure dans les barres bleues du tableau et les barres blanches montrent combien chaque province voit sa provision diminuer du fait des transferts d'Ottawa. Les chiffres nationaux que j'indique à gauche présentent la perspective provinciale. Ainsi, du point de vue du gouvernement fédéral, il y a une augmentation du fardeau; c'est un transfert des provinces au gouvernement fédéral. J'estime que ce n'est pas simplement un transfert neutre car il crée un climat plus positif.

Dans ce genre de système, les transferts seraient plus stables à long terme parce qu'il s'agit d'une formule de financement global qui augmente progressivement Cela règle deux des problèmes qui m'inquiétaient.

Venons enfin à la prudence en matière financière. C'est un défi relativement connu. Il s'agit d'un passif qu'il faut essayer d'éliminer progressivement. On peut le faire en accumulant de l'actif ou en réduisant la dette.

Le défi politique est également assez connu. Quand un ministre des finances a un excédent budgétaire, le danger est toujours qu'on l'accuse de laisser des malades mourir dans les couloirs d'hôpitaux en n'investissant pas directement dans les soins de santé. Une façon de réagir est de prendre une partie de ces excédents et, en fait, de mettre cet argent dans une tirelire sur laquelle on inscrit en lettres rouges «santé». Cela permettra aux gens de comprendre qu'un excédent budgétaire n'est pas l'inverse d'une dépense en matière de santé mais permet au contraire de telles dépenses -- quelque chose qui nous permettra plus tard de faire face à cette responsabilité.

Le parallèle qui me semble utile est le modèle du Régime de pensions du Canada. Il y avait un passif qu'il nous fallait essayer de couvrir et nous sommes essentiellement parvenus à un compromis. Nous ne l'avons pas entièrement financé. Nous avons adopté une cible de coefficient de capitalisation à long terme. C'était un compromis entre le désir de financer entièrement le régime et de garder un taux de cotisation politiquement acceptable à court terme. Dans un éclair de génie de marketing, nous avons décidé que 9,9 p. 100 serait un bon chiffre pour les charges sociales.

Je suggérerais que nous songions à quelque chose d'analogue pour le passif des soins de santé. Nous pouvons créer quelque chose comme un compte santé des aînés. Le défi consiste à préfinancer une partie de ce passif futur. Comme dans le modèle du Régime de pensions du Canada, nous devrions penser à le financer progressivement, viser quelque chose de similaire à ce que l'on a fait pour le régime de pensions. Si l'on considère le coût annuel additionnel de l'assurance en santé pour les aînés, il faudra un fonds environ cinq fois plus important.

Qu'en coûterait-il? En utilisant des projections similaires à celles que l'on a utilisées pour le Régime de pensions du Canada -- 4 p. 100 de rendement réel, 2 p. 100 d'inflation -- si on mettait de l'argent de côté immédiatement, cela coûterait deux tiers d'un point de pourcentage du PIB. C'est-à-dire que cela coûterait 7 milliards de dollars d'aujourd'hui actualisés.

Quel serait le résultat? Plutôt que de dépenser pour les aînés selon les projections que j'ai mentionnées, les reçus d'investissement de ce compte fourniraient, comme dans le cas du Régime de pensions du Canada, des fonds supplémentaires qui allégeraient le fardeau des futurs contribuables. D'ici au milieu des années 2020, lorsque les pressions du départ à la retraite des baby-boomers seront plus intenses, les recettes de ce compte, et les versements couvriraient un sixième du coût des soins de santé pour les aînés.

À long terme, comme le Régime de pensions du Canada, les enfants et les petits-enfants des baby-boomers décideraient s'ils veulent maintenir indéfiniment ce compte. Pour le moment, il est utile de réfléchir à une formule qui pourrait finalement nous aider à protéger une partie de nos excédents budgétaires actuels pour financer ce passif qui nous attend.

Je conclus en disant que les baby-boomers vont exercer une pression énorme sur les budgets de santé. J'ai montré des chiffres alarmants. Ce passif est tout à fait inégal d'une province à l'autre et cela représente donc un défi politique.

Un système d'augmentations ponctuelles est instable et présente des risques graves. C'est mauvais pour les excédents budgétaires. Je vous soumets donc une ou deux idées.

Vous pouvez envisager de réviser le Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux pour faire face aux pressions démographiques. Vous pouvez rendre le système de transfert plus stable et offrir aux décisionnaires de meilleurs incitatifs. À partir du modèle du Régime de pensions du Canada, vous pouvez envisager une façon de préfinancer les futures dépenses en matière de santé afin de protéger la prochaine génération de contribuables qui devra supporter ce fardeau.

Merci beaucoup, vous avez vu les chiffres et entendu mes sujets de préoccupation et mes suggestions. J'attends maintenant vos commentaires et vos critiques.

Dr William Dalziel, professeur associé, Division de médecine gériatrique, Hôpital d'Ottawa et Université d'Ottawa; chef du Programme gériatrique régional d'Ottawa: Je suis désolé, mais je ne parle pas lentement, surtout lorsque j'enseigne. Par contre, je parle lentement aux personnes âgées parce qu'elles entendent mal.

Vous avez mes titres ici mais je veux insister sur le fait que je travaille sur la ligne de front depuis 20 ans en tant que spécialiste gériatrique. J'aimerais vous présenter la perspective des aînés face à ce phénomène.

Un spécialiste gériatrique fait quatre ans de médecine interne après la faculté de médecine, puis deux ans de spécialisation. Il y a environ 150 spécialistes gériatriques au Canada.

Je m'arrêterai sur trois éléments fondamentaux: le modèle, la main-d'oeuvre et l'argent. Je parle de main-d'oeuvre pour aller plus vite mais il s'agit des ressources humaines. C'est même plus une ressource féminine car la majorité des spécialistes gériatriques au pays sont des femmes.

Je vous parlerai d'abord de ce que souhaitent les personnes âgées. Elles ne veulent pas vivre indéfiniment. Elles veulent rester aussi longtemps que possible en bonne santé et indépendantes. Elles disent que si elles doivent dépendre d'autres personnes, elles se sentent vieilles.

Comment maintenir les gens en bonne santé et indépendants aussi longtemps que possible? Il y a trois réponses fondamentales. D'une part les services de soutien; d'autre part un vieillissement réussi et, troisièmement, des services gériatriques spécialisés.

Les aînés vivent dans trois pays. Le pays des biens portants, où vivent 80 p. 100 d'entre eux, celui de ceux qui sont fragiles, 15 p. 100 et celui des foyers, environ 5 p. 100 mais qui peut aller jusqu'à 10 p. 100 dans certaines provinces.

Le plus gros facteur risque de pratiquement toute maladie est l'âge. Si l'on est âgé, on a des maladies multiples. Ces maladies doivent être traitées, et il faut s'occuper aussi des handicaps qui en découlent.

Le principal point d'action de la gériatrie est le monde des personnes âgées de santé fragile. Ce groupe s'accroche difficilement. Soit ces gens-là dépendent d'autres pour leurs activités quotidiennes soit risquent fortement d'en dépendre. C'est là qu'il faut agir. Si l'on fait le nécessaire auprès de ce groupe, on peut les ramener parmi les biens portants ou les garder fragiles sans accroître leur dépendance ou sans qu'ils soient obligés d'aller dans des foyers.

Si l'on considère la façon dont fonctionne actuellement le modèle, il semble que l'on revienne à l'entrepôt. Nous construisons davantage de lits de foyer, mais peu de foyers offrant des services à domicile. La mentalité actuelle semble être que s'il y a des personnes âgées qui ont du mal à faire le nécessaire, la solution est de leur trouver une auxiliaire familiale. Si la situation s'aggrave, on les met dans un foyer.

Nous n'essayons pas d'optimiser l'intéressé avant d'envisager ce type de services. Les services pour les personnes âgées sont à très long terme et très coûteux.

Quand on considère que les personnes âgées passent du monde des biens portants à celui des personnes fragiles puis à celui des personnes en foyer, il faut reconnaître que les flèches vont dans les deux sens entre les biens portants et les fragiles. Les études de Statistique Canada confirment bien que d'année en année une bonne partie de la population fragile peut devenir bien portante ou redevenir fragile.

L'évaluation gériatrique et les services de traitement visent à optimiser la santé des personnes fragiles en diagnostiquant, traitant et optimisant les maladies. Nous ne pouvons pas améliorer les maladies, mais nous pouvons améliorer les handicaps. Nous pouvons rendre quelqu'un plus indépendant et faire que cette personne ait moins besoin de l'aide d'autrui, car c'est en fait ce que veulent les personnes âgées. Nous devons donc tirer le meilleur d'une personne avant d'envisager des services de soutien.

Notre modèle de soins est de mettre les aînés qui ont des problèmes dans un foyer, solution qui ne marche pas. Un vieillissement réussi peut marcher aux trois étapes parce que, si les gens font les choses eux-mêmes, ils seront en aussi bonne santé que possible.

Quand j'en arrive là, mes étudiants en médecine ont tendance à s'endormir et c'est pourquoi je présente un dessin humoristique. C'est sur le vaccin contre la grippe, qui est une intervention magnifique. Cela diminue la morbidité, la mortalité et l'hospitalisation. Une étude américaine a permis de constater que cela économise 139 $ par aîné vacciné.

La clé de la santé est l'exercice, et je vais vous parler de deux études. On a fait plus de 100 études sur l'exercice, l'aérobie, le coeur et les poumons.

Des femmes âgées faisant de l'exercice deux fois par semaine pendant six mois ont rajeuni de cinq ans pour ce qui est de leurs capacités cardiaque et pulmonaire. Après un programme d'exercice de huit semaines pour des femmes de plus de 90 ans vivant dans des foyers, on a constaté que la force de leurs quadriceps avait augmenté de 174 p. 100. Elles ne tombaient plus. Elles abandonnaient leurs cannes et leurs ambulateurs. Ce ne sont là que deux exemples.

Je dirige des services gériatriques spécialisés. Il existe tout un éventail de services, tant pour les patients internes que pour les patients externes. Nous sommes une équipe de professionnels et examinons ensemble les maladies et les handicaps dont souffrent ces personnes et comment les aider.

Un des gros problèmes est qu'il y a des idées très fausses à ce sujet. Nous partons du principe que beaucoup de maladies, handicaps et problèmes de dépendance chez les personnes âgées peuvent être évités, traités ou gérés. Beaucoup de gens n'en sont pas convaincus.

Les personnes âgées qui souffrent de sérieux problèmes de santé ont des besoins qui leur sont propres et posent des défis particuliers. J'explique aux médecins que, comme elles ne lisent pas les manuels médicaux, elles ne savent pas que lorsqu'elles sont déprimées, elles seront nécessairement tristes. La maladie passe souvent inaperçue et n'est pas traitée. De nombreux facteurs expliquent qu'il n'est pas toujours possible de poser un diagnostic exact.

L'acétate suivante reproduit un article paru il y a deux jours dans le Toronto Star et provenant d'un important journal médical canadien qui fait la pluie et le beau temps dans le domaine de la politique de la santé en Ontario. Je suis sûr de ce que j'avance. William Molloy est un gériatre irlandais renégat d'Hamilton qui est cité dans ce reportage et qui dit en avoir assez et être prêt à abandonner sa profession.

Comme de nombreux médecins qui traitent les personnes âgées, il se plaint de travailler pendant de longues heures, d'être mal payé et de constamment faire face à un mur.

Le deuxième point dont je voulais vous parler, celui des ressources humaines, comporte deux aspects. Il y a d'abord l'aspect du généraliste. Nous devons nous assurer que tous les professionnels de la santé possèdent une formation de base dans le domaine gériatrique là où se concentre la plupart du travail. Le second aspect est celui des spécialistes comme moi qui sont rares et vers lesquels on ne dirige les patients que lorsque ceux-ci souffrent de problèmes particuliers.

Quand est-il de la formation dispensée dans les facultés de médecine? Le programme d'études médicales comporte plus de 8 000 heures d'études réparties sur huit ans. Ces chiffres proviennent de sondages que j'ai menés au cours des deux dernières décennies sur le temps consacré à la formation gériatrique. Un sondage que nous dépouillons actuellement montre que la formation gériatrique dispensée dans les facultés de médecine se limitait à 10, 31 et 65 heures. La tendance est à la hausse, mais nous sommes loin de consacrer un pour cent du programme d'étude à la gériatrie, et ce, malgré le fait que les médecins de famille que produisent aujourd'hui nos facultés de médecine consacreront le tiers de leur temps clinique à traiter des personnes âgées. Force nous est de constater que la formation qu'ils reçoivent dans le domaine gériatrique ne reflète pas cette réalité.

Revenons au reportage du Toronto Star. David Hogan, l'actuel président de la Société canadienne de gériatrie, affirme dans cet article que seuls sept médecins canadiens commenceront une spécialisation en gériatrie à compter du mois de juillet. Quatre de ces médecins sont du Québec où la médecine gériatrique est plus avancée qu'ailleurs au Canada. Il est impensable que trois médecins seulement dans tout le Canada se dirigent vers cette spécialité. Qu'adviendra-t-il dans l'avenir? Le ratio recommandé pour ce qui est des gériatres est de un par 10 000 habitants de plus de 75 ans. Il s'agit du ratio recommandé en Grande-Bretagne. D'après le spécialiste de la question en Ontario, le ratio dans la province devrait être le même. Or, nous en sommes très loin. La province compte 144 gériatres à l'heure actuelle et devra en compter 640, un écart de 500. En l'an 2016, lorsque la population comptera beaucoup plus de personnes âgées, nous manquerons encore davantage de gériatres si la situation actuelle se maintient. Rien n'est actuellement fait pour former davantage de gériatres. Des résidents s'adressent à moi et me demandent pourquoi ils devraient faire deux ans d'étude de plus pour devenir gériatres et gagner de 30 à 50 p. 100 de moins que d'autres spécialistes. Le système de la rémunération à l'acte ne fonctionne pas. La situation est encore plus grave pour ce qui est des spécialistes en soins infirmiers cliniques.

Parlons maintenant d'un sujet que je connais peu, celui des coûts. Les personnes âgées de 65 ans ont de bonne chance de vivre jusqu'à 80 ans. En fait, 73 p. 100 des femmes vivront jusqu'à cet âge et 58 p. 100 des hommes. À 80 ans, les personnes âgées commencent à avoir besoin de beaucoup plus de soins. Elles accaparent maintenant jusqu'à 44 p. 100 du budget des soins de santé en Ontario. Ce dont on ne semble pas être tellement conscient, surtout parmi les PDG des hôpitaux de soins actifs, c'est que la plupart de leurs clients sont des personnes âgées. Lorsque je m'entretiens avec les PDG des hôpitaux, ils sont surpris d'apprendre que 50 à 60 p. 100 des jours d'hospitalisation sont utilisés par les personnes âgées. L'hôpital de l'avenir comportera une petite unité de soins aigus pour les gens d'âge moyen et pour les jeunes, et le reste de l'hôpital sera consacré au traitement des personnes âgées.

Une bonne partie de l'augmentation des coûts des services médicaux est attribuable aux médicaments. Quand on vieillit, on dépense davantage au chapitre de la santé. Il est intéressant de savoir que tant d'argent est consacré aux personnes âgées. Un collègue suédois m'a demandé pourquoi nous consacrions tant d'argent aux personnes d'âge moyen parce qu'ils sont censés être en santé.

Une dernière citation du Toronto Star attribuée au Dr Michael Rachlis:

On a exagéré l'impact du seul phénomène du vieillissement de la population. Les personnes âgées sont en meilleure santé que jamais. L'augmentation réelle des coûts de santé semble attribuable à une intensification des services, et non pas à une augmentation du nombre de personnes âgées.

Or, les études révèlent que les coûts de santé augmentent de 1 p. 100 par an en raison de la seule augmentation du nombre de personnes âgées. Ce taux d'augmentation est peut-être soutenable, mais il représente des coûts élevés. Le Dr Rachlis ne dit jamais comment les services s'intensifient et il ne dit pas non plus que la prochaine génération de personnes âgées exigera encore davantage dans le domaine de la santé.

Or, seulement 16 p. 100 des personnes âgées qui souffrent de troubles cardiaques et d'hypertension artérielle sont traitées pour ces maladies. Il existe une condition qu'on appelle la fibrillation auriculaire qui prédispose à un accident cérébrovasculaire. L'administration d'anticoagulants réduit les risques d'accident cérébrovasculaire de 70 p. 100; or, seulement 20 p. 100 des personnes âgées qui devraient prendre ces médicaments le font. Je pense qu'on ne peut pas vraiment parler d'une intensification des services.

En fait, je pense que nous ne nous occupons pas vraiment suffisamment de la santé des personnes âgées.

J'aimerais maintenant vous parler de l'ostéoporose. Après une fracture de la hanche, combien de femmes âgées passent-elles un test de dépistage de l'ostéoporose? Seulement 10 p. 100. Voilà un autre exemple qui montre qu'il n'y a pas d'intensification des services.

Les soins de santé augmenteront et c'est un fait. Je ne peux cependant pas vous dire dans quelle proportion ils augmenteront. Certains choix s'offrent à nous quant à la façon dont nous allons dépenser notre argent. Il est bien évident que si nous continuons à le faire comme nous le faisons maintenant, nous allons faire face à de sérieux problèmes. La bonne nouvelle, c'est que nous pouvons faire beaucoup pour réduire les frais de santé dans l'avenir. Aucun effort concerté n'est fait pour inciter les personnes âgées à s'occuper de leur santé. Comment peut-on se surprendre du fait qu'elles ne reçoivent pas les vaccins voulus ou qu'elles ne font pas d'exercice pour conserver leur force. Or, ce genre de mesures contribueraient grandement à réduire le coût des services. On pourrait économiser beaucoup d'argent en donnant une meilleure formation dans le domaine gériatrique aux médecins de famille et à tous les médecins en général. Au lieu d'augmenter les services destinés aux personnes âgées, il conviendrait d'accroître la formation gériatrique des médecins.

Les trois dernières acétates font ressortir les points communs entre l'augmentation du nombre de personnes âgées et le phénomène de la conformité à l'an 2000. Tout comme une crise se profilait à l'horizon à l'approche de l'an 2000, une crise menace d'éclater en ce qui touche les personnes âgées. Dans le cas de l'an 2000, on a attendu jusqu'à la dernière minute pour prendre les mesures voulues. Les journaux nous parlent tous les jours de la situation des personnes âgées ou de l'Alzheimer, mais force nous est de constater qu'on a très peu fait depuis cinq ans pour venir en aide aux personnes âgées.

Nous sommes conscients que des phénomènes comme la conformité à l'an 2000 et le vieillissement de la population exigent des investissements importants. Certains problèmes exigent des solutions multidimensionnelles. L'avant-dernière acétate montre ce qui se distingue ces deux phénomènes l'un de l'autre. C'est ce que je trouve le plus effrayant au sujet de l'avenir. La solution était plus simple dans le cas de la conformité à l'an 2000 puisqu'elle était de nature technologique.

Dans le cas des personnes âgées, la solution repose sur les ressources humaines. Une formation en gériatrie représente six années d'études après la faculté de médecine. Comme les doyens de ces facultés me semblent tous atteint de la «sclérose du programme», il faudra sans doute attendre un siècle avant qu'on change le programme d'études dans les facultés de médecine.

On peut s'activer à la dernière minute dans le cas d'un problème comme celui de la conformité à l'an 2000, mais dans le cas du vieillissement de la population, il faut s'y préparer longtemps à l'avance. Cela fait partie du problème. Or, les dirigeants politiques et les gouvernements négligent souvent la planification à long terme. Il est nécessaire de planifier aujourd'hui pour l'avenir, même si le nombre de personnes âgées n'augmentera pas de façon considérable avant 10 ans.

De grandes occasions s'offrent à nous aujourd'hui d'apporter des modifications importantes à notre système de soins de santé, qui permettront non seulement d'améliorer la santé des personnes âgées, mais de réduire nos dépenses au titre de la santé.

M. Byron G. Spencer, professeur d'économie et directeur du Research Institute for Quantitative Studies in Economics and Population, université McMaster: Lorsqu'on m'a invité à comparaître devant le comité, on m'a demandé de préparer un exposé sur le vieillissement de la population et sur l'impact économique de ce phénomène sur le régime de soins de santé. J'ai pensé qu'il s'agissait d'un sujet assez vaste, compte tenu en particulier du fait que mon exposé ne devait pas dépasser 10 minutes. Il s'agit d'un sujet que j'enseigne pendant tout un trimestre à l'université. Je vais donc essayer de condenser en 10 minutes le contenu de cet enseignement.

Parlons d'abord du vieillissement de la population. Il ne fait aucun doute que la population vieillit et qu'on peut s'attendre à ce que la population soit beaucoup plus vieille dans l'avenir que ce que nous avons observé jusqu'ici. Le vieillissement de la population est un phénomène qui se constate dans tous les pays développés, et je pense qu'il convient à cet égard de faire des comparaisons internationales.

Sur cette acétate, le Canada représente cette ligne rouge, qui correspond au ratio de dépendance, lequel est fonction du nombre de personnes âgées. Ce graphique est tiré d'une publication de l'OCDE. On définit une personne âgée comme une personne ayant au moins 65 ans. Le ratio est établi en fonction de la proportion de personnes âgées dans une population âgée de 15 à 64 ans. Il s'agit d'une définition assez large.

D'après ce graphique, le ratio de dépendance est faible au Canada. Comme nous le savons, ce ratio augmente, mais il n'est pas très élevé. On s'attend cependant à ce qu'il ait augmenté considérablement en 2011 lorsque les premiers membres de la génération du baby-boom atteindront 65 ans ainsi que pendant les 20 années suivantes, lorsque l'ensemble de la génération atteindra cet âge.

Bien que le ratio augmente, on voit sur ce graphique qu'il n'est pas très élevé par rapport au ratio international. Le ratio de dépendance au Canada est élevé par rapport au ratio historique, mais il n'est pas élevé si on le compare au ratio des autres pays développés. D'après ces prévisions, il demeurera à l'avenir à peu près le même qu'aux États-Unis. Il continuera d'être inférieur au ratio dans la Communauté européenne et de beaucoup inférieur au ratio prévu au Japon.

Le ratio de dépendance est un indicateur qui est souvent utilisé pour décrire l'importance du phénomène du vieillissement de la population. L'acétate suivante montre un ratio de dépendance qui diffère de celui de l'acétate précédente. Il s'agit du ratio de la population par membre de la population active. Ce ratio était très élevé lorsque les membres de la génération du baby-boom étaient jeunes. Depuis de nombreuses années, il est maintenant très bas.

Le ratio de dépendance au Canada est très bas et demeurera très bas jusqu'en 2011, date à partir de laquelle il commencera à augmenter. J'insiste sur le fait que le ratio augmentera progressivement. Le ratio par rapport à la population active passe à 2 lorsque l'ensemble de la génération du baby-boom aura atteint l'âge de la retraite. Lorsque les membres de la génération du baby-boom étaient jeunes, ce ratio s'élevait à environ 2,8.

Comme M. Robson l'a fait remarquer plus tôt, ce ratio varie beaucoup d'une partie du pays à l'autre. Il importe de comprendre l'importance de ce facteur au point de vue budgétaire, particulièrement dans le domaine de la santé, mais dans d'autres domaines également.

L'acétate suivante montre la situation à cet égard au Canada et présente les deux provinces où le ratio est le plus élevé et le moins élevé. Le ratio de dépendance est très élevé à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick et est peu élevé en Ontario et en Alberta.

Qu'est-ce que cela signifie sur le plan des dépenses gouvernementales en particulier? L'acétate suivante présente des projections à cet égard. Quelle serait l'incidence sur les dépenses au titre de la santé ainsi que sur d'autres dépenses gouvernementales si l'on maintient le niveau de service actuel par groupe d'âge et par sexe?

Ce graphique donne des projections pour lesquelles l'année de référence est 1986. D'après ces projections, la population sera en 2031 50 fois plus élevée qu'elle ne l'est à l'heure actuelle. Les soins de santé augmenteront de 100 p. 100 pendant cette période. Voilà l'un des chiffres effrayant dont je vous parlais plus tôt bien qu'il ne me semble pas si effrayants que cela.

La population augmente de 50 p. 100 pendant cette période. L'augmentation des dépenses, au titre de la santé pendant la même période, double.

Cette acétate-ci montre les chiffres les plus alarmants pour ce qui est des dépenses. Pendant la même période de référence, les dépenses au titre de la sécurité sociale font plus que tripler. L'augmentation est de 200 p. 100 comparativement à une augmentation de 50 p. 100 de la population devant financer le régime de sécurité sociale qui comprend la SV, le SRG, le RPC et le RRQ.

Parallèlement à l'essor démographique, on constate une augmentation du coût des études. Pendant la période où la population augmente de 50 p. 100, le coût des études augmente de 10 p. 100. Le coût des études augmente, mais il augmente lentement par rapport à l'augmentation de la population.

Ce graphique donne un aperçu de la situation d'ensemble. Les dépenses au titre des soins de santé et de la sécurité sociale représenteront au total 25 p. 100 des dépenses gouvernementales totales. Si on ajoute à ce chiffre les dépenses au titre de la santé, les dépenses dans ces trois domaines représentent moins de 40 p. 100 des dépenses gouvernementales totales. D'autres services, dont le coût représente 60 p. 100 des dépenses totales, sont des services qui, pour la plupart, ne sont pas utilisés par des personnes âgées.

Si nous consolidons toutes les catégories de dépenses et que nous ne tenons pas simplement compte des domaines où le vieillissement de la population risque de créer une crise, on constate que les dépenses gouvernementales augmentent progressivement dans une proportion comparable à l'augmentation du vieillissement de la population et à l'augmentation de la population en général. Les dépenses gouvernementales augmenteront d'environ 50 p. 100 pendant cette période, c'est-à-dire pendant la période où la population augmentera de 50 p. 100.

Je crois qu'il s'agit d'une constatation très intéressante dont on ne tient pas suffisamment compte. Les spécialistes de la question confirment la validité de ces projections.

Cette constatation nous montre que le principal problème que pose le phénomène du vieillissement de la population n'est pas l'impact global qu'il aura sur les dépenses gouvernementales, mais plutôt sur l'affectation des crédits.

Le PIB augmente de même que les dépenses gouvernementales. Il s'agit d'une question d'affectation des crédits. Les dépenses au titre de l'éducation n'augmenteront pas autant que les dépenses au titre de la sécurité sociale et de la santé. Il s'agit donc d'une question d'allocation des crédits et non pas d'une crise qui serait causée par le vieillissement de la population.

J'aimerais maintenant vous parler plus particulièrement d'un aspect des besoins en matière de santé et du vieillissement de la population. Je songe ici au besoin en médecins. Je vais prendre l'exemple de l'Ontario et me reporter à cet égard à une étude récente.

Voici les taux d'utilisation des services médicaux par groupes d'âge. Le tableau va des plus jeunes aux plus vieux. Il s'agit de chiffres en dollars, mais ce qui importe, c'est la courbe du tableau. Ces chiffres correspondent à la médecin générale, à la médecine interne, à l'anesthésie, etc. -- on donne 19 catégories de spécialisations médicales -- et ensuite, on donne le total pour l'ensemble de toutes les catégories.

Il importe d'observer la courbe du tableau. Il n'est pas surprenant de voir que le recours aux services, représenté par les paiements à l'acte par habitant, augmente avec l'âge. Cela vaut certainement pour la médecine générale. Si l'on prend le cas des spécialisations médicales, on voit que les dépenses plafonnent avant d'atteindre le groupe des personnes très âgées. C'est typique. Dans certaine spécialisations médicales, les dépenses et le taux d'utilisation des services diminuent bien avant d'atteindre ce groupe. Je songe notamment à la pédiatrie, à la psychiatrie, à l'obstétrique et à la gynécologie. De façon générale, on constate cependant que les dépenses au titre de la santé et le taux d'utilisation des services médicaux augmentent avec l'âge.

La question qui se pose est celle-ci: comment se présentera la demande en médecins à l'avenir, compte tenu du vieillissement de la population? Nous pouvons nous servir de ces chiffres pour essayer de répondre à cette question en formulant diverses hypothèses sur l'évolution de la population.

J'aimerais mentionner brièvement qu'on s'attend à ce que la population totale de l'Ontario augmente de 20 p. 100 d'ici 2020. Je voudrais faire remarquer que la raison pour laquelle nous utilisons des données portant sur l'Ontario plutôt que sur l'ensemble du Canada est qu'en Ontario, la rémunération à l'acte des médecins représente 98 p. 100 de tous les services facturés. Ces chiffres portent sur un ensemble global de services médicaux et n'existent pas pour d'autres provinces, c'est pourquoi nous utilisons les données provenant de l'Ontario bien que nous ayons essayé au départ d'utiliser des chiffres pour l'ensemble du Canada.

Voyons maintenant ce que les projections nous enseignent au sujet du passé et de l'avenir. Si l'on attribue à l'an 2000 la valeur 100, on déduit de ces projections que l'index relatif au besoin en médecins est passé de 71 à 2 000. Le taux de croissance sur cinq ans des besoins plafonne avec des augmentations prévues de 8,6 p. 100 et de 12, 3, 7, 8, 7 et 4 p. 100, à supposer que le profil d'utilisation des services par groupe d'âge demeure le même.

Le point que fait ressortir ce document est que jusqu'ici, l'augmentation des besoins en médecins était fonction de la croissance de la population et non pas du vieillissement de la population. Sur ce graphique, voici la partie du taux de croissance qui est attribuable à la croissance de la population et celle qui est attribuable au vieillissement de la population. On voit que la partie de l'augmentation attribuable au vieillissement de la population représente, sur cinq ans, un sixième ou un cinquième de l'augmentation totale.

D'après les projections-types, les besoins totaux en médecins pour dispenser les mêmes services à mesure que la population vieillit augmentera de 30 p. 100 de 2000 à 2020 pendant que le taux de croissance de la population dans son ensemble sera de 20 p. 100. La majeure partie de la croissance des besoins sera lente dans son ensemble, mais elle demeure surtout attribuable à l'augmentation de la population et non pas à son vieillissement.

Il est très important de comprendre ceci: l'augmentation de la demande pour les services de santé, et en particulier de la demande de médecins, qui n'est pas le résutat du vieillissement de la population, comme le suggère souvent la presse populaireé. Cette augmentation est surtout attribuable à la croissance de la population.

J'aimerais faire remarquer en terminant que ces projections varient grandement en fonction des hypothèses qui sont formulées en ce qui touche l'évolution de la population. On obtient cependant le même résultat que la population augmente dans l'avenir plus rapidement ou moins rapidement que prévu, ou que le taux de mortalité augmente plus rapidement ou moins rapidement également. L'augmentation des besoins en médecins est davantage attribuable à l'augmentation de la population elle-même qu'à son vieillissement.

Que faut-il en déduire pour ce qui est du type de services médicaux dont on aura besoin à l'avenir? Ces renseignements intéresseront sans doute le Dr Dalziel.

Nous avons repris les mêmes 19 spécialisations qu'au début comme la médecine générale, la chirurgie et la recherche en laboratoire. Ce graphique montre les besoins prévus en médecins pour chacune de ces catégories, et se fonde sur la population actuelle et son augmentation prévue.

Je vous rappelle qu'on prévoyait une augmentation des besoins en médecins de 30 p. 100 bien que l'augmentation prévue de la population soit de 20 p. 100. La répartition des besoins varie cependant selon les spécialisations. L'augmentation prévue pour les omnipraticiens est de 28 p. 100. L'augmentation pour la chirurgie thoracique et cardio-vasculaire est de 30 p. 100 et l'urologie de 50 p. 100. On prévoit des augmentations moins importantes dans le domaine de l'obstétrique-gynécologie et la pédiatrie.

Ce qu'il faut retenir c'est que les changements démographiques entraînent des conséquences prévisibles en matière de soins de santé. Cette évolution a d'abord une incidence sur le type de spécialisations médicales nécessaires. Il serait vraiment souhaitable que cette information soit transmise aux facultés médicales, et qu'on leur fasse aussi savoir qu'elles devraient accroître la formation en gériatrie.

Je vous ai présenté la situation actuelle et celle qui est prévue dans l'avenir. Nous devrions aussi chercher à régler les problèmes qui se posent actuellement. Si nous ne le faisons pas, le vieillissement de la population exigera des changements plus importants au système.

La vice-présidente: Honorables sénateurs, M. Spencer nous a envoyé un exposé par courriel qui ne nous est malheureusement pas parvenu. Lorsque nous l'aurons, nous en ferons des exemplaires et nous vous le distribuerons parce qu'il est très instructif.

J'aimerais signaler à mes collègues et à nos témoins qu'on nous a apporté de la nourriture. Je vous invite à vous servir. Je sais qu'il est difficile à nos témoins de se servir et de répondre en même temps à nos questions. Si vous préférez attendre, vous pourrez vous servir plus tard.

Le sénateur Roche: Comme je suis le premier à poser une question, permettez-moi d'abord de vous féliciter et de vous remercier de ces trois exposés fascinants et stimulants.

Docteur Dalziel, vous avez insisté sur les avantages de l'exercice pour les personnes âgées et je me suis senti vertueux en vous entendant parce que je nage chaque jour.

Vous avez aussi fait remarquer que nous devons former davantage de gériatres. Je ne comprends pas, n'étant pas médecin moi-même, pourquoi les facultés de médecine ne forment pas davantage de gériatres étant donné que le besoin dans ce domaine semble tellement évident.

Le Dr Dalziel a fait valoir que si les jeunes médecins ne s'intéressent pas à la gériatrie, c'est en raison du système de rémunérations à l'acte. Autrement dit, la rémunération ne suffit pas à compenser les années d'étude supplémentaires. Pourquoi les médecins pensent-ils qu'ils seront lésés financièrement s'ils se spécialisent surtout dans les soins aux personnes âgées?

Dr Dalziel: C'est une question de temps. Je peux consacrer entre 15 et 20 minutes à l'examen d'une personne d'âge moyen qui me consulte pour un problème de santé simple, quand une personne âgée peut avoir cinq autres problèmes de santé et prendre six médicaments. Il faut en moyenne consacrer de une heure à une heure et demie à l'examen d'une personne âgée. Dans la plupart des provinces, l'âge du patient n'est pas pris en compte. La situation est peut-être même pire dans le cas des médecins de famille. Que le patient soit jeune ou vieux, le médecin de famille touche exactement la même chose bien qu'il doive pouvoir consacrer de trois à quatre fois plus de temps aux patients âgés.

Si j'étais médecin de famille, j'installerais mon bureau au haut d'un immeuble de trois étages sans ascenseur. Ils ne peuvent pas s'occuper comme ils le devraient des personnes âgées, sinon ils gagneraient moins que les caissiers chez Loblaws.

Le sénateur Roche: Cela nous amène à aborder la question plus vaste de la rémunération à l'acte. C'est une question distincte, mais nous voyons bien qu'elle a un lien avec la question du vieillissement de la population.

Avez-vous bien dit qu'un médecin doit poursuivre ses études pendant six ans après la faculté de médecine pour obtenir une spécialisation en gériatrie? Pourquoi est-ce si long?

Dr Dalziel: La discipline de base est la médecine interne qui exige une formation de trois ou quatre ans. La spécialisation en gériatrie exige deux ans de plus.

Ce n'est pas inhabituel. Une spécialisation en cardiologie exige six années supplémentaires d'études.

Le sénateur Roche: Je comprends en gros ce que vous nous dites. Je comprends pourquoi une formation de cardiologue est si longue parce que le coeur est un organe complexe. Pourquoi la formation en gériatrie doit-elle être aussi longue puisqu'il s'agit simplement de traiter une personne âgée?

En vieillissant, le corps se détériore et devient plus vulnérable. J'espère que vous ne vous offusquerez pas de ma question parce que je cherche pas du tout à vous insulter. Vous êtes gériatre vous-même et peut-être pouvez-vous nous expliquer pourquoi il faut une spécialisation aussi poussée pour traiter les personnes âgées?

Dr Dalziel: Vous devriez peut-être songer à devenir doyen d'une faculté de médecine puisque les doyens semblent se poser la même question. Je vais vous donner la même explication que celle que je leur donne.

Il faut avoir une formation de base solide. Cette formation permet à un bon omnipraticien ou à un bon interniste de pouvoir traiter 80 p. 100 des personnes âgées. Comme spécialiste, je traite une petite proportion de personnes âgées, peut-être 10 p. 100, dont les problèmes de santé sont particulièrement complexes.

Si vous souffrez d'arythmie cardiaque, un simple cardiologue pourrait être en mesure de vous aider, mais les choses pourraient se compliquer à un degré tel que vous deviez vous adresser à quelqu'un qui a plus d'expérience avec les personnes âgées.

La dépression est un cas classique. Elle touche environ 10 p. 100 des personnes âgées. Mais si les médecins se contentaient de l'information qui figure dans leurs manuels, ils ne diagnostiqueraient que 1 p. 100 des cas. Il s'agit des cas classiques, où le patient se sent triste, a du chagrin, pleure, est suicidaire, refuse de manger, ne peut dormir, il se sent dépressif. Dans 90 p. 100 des cas, la dépression présente des symptômes atypiques. Peut-être s'agit-il de déclin non spécifique, de syndrome de douleurs chroniques, ou d'anxiété.

Si vous êtes une personne âgée et que vous dites à votre médecin que vous souffrez d'anxiété, celui-ci diagnostiquera le syndrome de carence en valium. Or, le problème sous-jacent de la dépression ne s'améliore pas.

Il se fait de plus en plus de recherche dans ce domaine. Mais cela fait à peine dix ou quinze ans que des pays autres que le Canada ont commencé à consacrer des fonds à la recherche pour comprendre ce qui distingue les personnes âgées des autres. Les connaissances dans ce domaine se sont accrues depuis dix ans.

Le sénateur Roche: Si quelqu'un comme moi peut comprendre ce que vous dites, comment se fait-il que les doyens des facultés de médecine ne le comprennent pas?

Dr Dalziel: C'est que vous êtes plus intelligent. Il y a plus de considérations politiques dans les facultés de médecine qu'ailleurs. Il faut secouer les responsables de ces facultés, car ils ne sont vraiment pas attentifs.

Le sénateur Graham: Tout ce sujet me fascine aussi. On croirait assister à un débat entre General Motors et Chrysler. Étant donné que vous êtes spécialiste en gériatrie, vous passerez peut-être une heure et demie avec un patient, alors qu'un généraliste lui consacrera 15 minutes. Cela me fait penser à un concept, celui de généralistes salariés -- et je sais que les généralistes seraient horrifiés d'entendre de tels propos. Que pensez-vous d'un tel concept?

Dr Dalziel: Personnellement, j'exerce sous un régime différent. Je suis salarié, car je ne pourrais payer mon hypothèque si j'étais rémunéré à l'acte. C'est la seule solution qui s'offrait dans mon domaine. Nous ne pouvons pas attirer de médecins, pas même avec un salaire. Nous sommes au bas de l'échelle, et c'est là le problème. Si le salaire était plus intéressant, et je ne prêche pas pour ma paroisse, on pourrait alors attirer des médecins dans ce domaine, et la situation serait tout à fait différente.

Les étudiants savent bien où ils peuvent faire fortune. Les jeunes résidents savent qu'ils ne peuvent pas faire beaucoup d'argent dans notre domaine, et cela les dissuade énormément. Nous suivons un régime de traitement différent depuis une dizaine d'années. Nous avons été les premiers dans la province à le faire, car il y allait de notre survie. Ce régime n'a pas changé depuis sept ans, en ce sens que nous n'avons pas eu de hausses de salaire et nous n'avons pas recruté de nouveaux gériatres à Ottawa. Nous avons le même nombre de gériatres que nous avions il y a sept ans.

Le sénateur Graham: Entre autres groupes de témoins, nous avons entendu le Conseil consultatif national sur le troisième âge. M. Michael Gordon en était le porte-parole. On lui a demandé de comparer le régime canadien de soins de santé à celui des États-Unis. Avant même qu'on ne lui pose la question, il a déclaré que le régime de soins de santé au Canada était en bien meilleur état.

En fait, il a dit qu'il était né aux États-Unis et qu'il est venu s'établir au Canada où il a exercé la médecine pendant 25 ans et qu'à son avis, il n'y a vraiment pas lieu de comparer les deux régimes. Nous entendons beaucoup parler de l'exode des cerveaux, notamment celle des médecins et des infirmiers et infirmières, au profit des États-Unis. Qu'en pensez-vous?

Dr Dalziel: Prenons le cas de trois pays. Le Canada, les États-Unis et la Grande-Bretagne. Si j'étais un citoyen ordinaire qui avait besoin de soins médicaux et qui n'en avait pas les moyens, je voudrais absolument être soigné au Canada. Le régime britannique est sous-financé, et le régime américain offre les meilleurs soins de santé au monde, à condition que vous en ayez les moyens.

En gériatrie, cependant, la situation est tout à fait différente, puisque les Américains investissent massivement dans ce domaine. Ils réussissent beaucoup mieux que nous dans différents aspects de la question, qu'il s'agisse d'enseigner la gériatrie, d'ajuster la rémunération ou de faire pression sur différents niveaux de gouvernement pour réaliser d'énormes progrès en gériatrie. Le Canada, par contre, n'en est pas là. Les Américains nous dépassent dans ce domaine. Toutefois, leur système de documentation est affreux, à tel point qu'ils vont se retrouver avec des petits créneaux d'excellence en gériatrie, encore faut-il y avoir accès.

En Grande-Bretagne, la gériatrie se porte beaucoup mieux qu'au Canada et aux États-Unis. En effet, les services de prestation y sont bien organisés, et les groupes de prestataires travaillent en plus étroite collaboration, d'une manière intégrée. L'un des problèmes du Canada, c'est que nous avons réalisé certains objectifs dans les années 80 et même jusqu'au début des années 90, mais depuis, nous n'avons pratiquement rien fait de nouveau. Ayant estimé que nous en avions fait assez, nous n'avons rien fait de nouveau durant une décennie. C'est pourquoi nous accusons un retard aujourd'hui.

Le sénateur Graham: Je connais un médecin d'Antigonish, en Nouvelle-Écosse, qui est allé aux États-Unis pour étudier la gériatrie. Après ses études, il es retourné en Nouvelle-Écosse, où il exerce toujours.

Hier, nous avons entendu, entre autres témoins, un représentant de l'Institut canadien des actuaires, le Dr Brown, qui a fait partie du Groupe de travail sur le financement des soins de santé. Le Dr Brown a surpris tout le monde en déclarant qu'il ne pensait pas qu'il fallait investir davantage dans notre régime de soins de santé, mais qu'il fallait plutôt miser sur une meilleure gestion de la prestation de services.

M. Robson: C'est vrai, mais je ne vois pas en quoi cela nous est utile.

Le sénateur Graham: C'est utile dans la mesure où cela me fait voir que les différents ordres de gouvernement injectent une tonne d'argent dans les soins de santé, et que c'est le système de prestation de services qui cloche.

M. Robson: Dans mes remarques, j'ai insisté sur le contexte dans lequel des décisions sont prises, car il est extrêmement difficile d'être rentable dans ce qui est essentiellement une économie dirigée. Les forces du marché finissent toujours par réguler l'économie, mais parfois cela nécessite beaucoup de friction et de désagréments. Cependant, le mécanisme des prix tend à diriger les ressources vers les utilisations les plus rentables.

Le régime de soins de santé ne subit pas ce genre de pressions, et il est très difficile d'imaginer une façon de les créer. Je vous offre ici une réponse partielle à votre question. Dans mon exposé, j'ai voulu présenter un environnement plus neutre. Très souvent, l'interaction entre les gouvernements fédéral et provinciaux nuit à nos efforts pour atteindre nos objectifs d'efficacité.

Après la publication de ces études, j'ai entendu des responsables provinciaux dire que le nouveau régime de financement fédéral les obligeait à désintégrer des systèmes qui, autrefois, étaient intégrés afin de pouvoir réorienter leurs programmes pour s'assurer le financement fédéral. Ce sont là des décisions qu'ils n'auraient pas forcément prises. Quand on pense au rôle du gouvernement fédéral, je crois qu'il importe d'insister sur la façon dont le financement fédéral pourrait encourager les provinces à réaliser plus d'économies. C'est le type d'information qui serait vraiment utile.

Durant la période des compressions budgétaires, les provinces ont dû adopter des approches novatrices en matière de soins de santé, qui leur ont permis de brider les coûts. On sait que cela a suscité beaucoup de grogne politique et que, dès que la conjoncture économique a commencé à s'améliorer, on s'est remis à injecter d'énormes sommes dont les régimes de soins de santé. C'est une lutte constante, et quand on veut améliorer les régimes de soins de santé pour leur permettre de réaliser des gains de rendement, chaque petite miette compte.

Le sénateur Graham: Les exposés étaient excellents. J'aurais une dernière question: Que se passera-t-il quand les baby-boomers ne seront plus de ce monde?

M. Spencer: Est-ce que vous parlez de la tranche d'âge que représente la génération des baby-boomers?

Le sénateur Graham: Oui, c'est ce dont je parle.

M. Spencer: Tout dépend du taux de mortalité, mais la population comptera un segment de plus de 65 ans inférieur à ce qu'il est actuellement. Ce segment continuera d'être important, mais il sera stable plutôt que fluctuant, si le taux de mortalité continue d'être faible.

Si vous le permettez, je voudrais revenir à la question précédente. J'approuve la réponse. Cependant, au Canada, nous avons un régime de soins de santé qui, de par sa nature, est financé par l'État. Si l'État n'en assure pas la gestion, il ne sera pas géré du tout. Par conséquent, il doit être géré et planifié par un organisme public, si l'on veut qu'il fonctionne bien.

Je crois qu'il est important de recueillir des informations sur les économies réalisées actuellement et d'essayer d'apporter des correctifs. Les médicaments sont l'un des aspects les plus importants. Ainsi, bien des patients se trouvent hospitalisés, parce qu'on ne leur a pas administré le bon médicament. C'est ce que je crois comprendre. Ce problème peut être résolu de façons raisonnables en faisant peut-être participer plus activement les pharmaciens à la prescription de médicaments et en leur faisant examiner la composition des médicaments administrés aux personnes âgées, en particulier. C'est un problème parmi d'autres. Il se trouve que c'est un problème qui entraîne des coûts élevés et où les coûts croissent le plus rapidement.

Le sénateur Graham: Hier, j'ai dit que, alors qu'on s'affairait à mettre sur pied le programme d'assurance-maladie, je travaillais avec le ministre de la Santé d'alors. À l'époque, je rentrais chez moi au Cap-Breton, et je me souviens qu'on était en train d'établir la Société de développement du Cap-Breton, qui n'existe plus maintenant. J'expliquais aux gens en quoi consistait le régime d'assurance-maladie et ce qu'il signifierait pour la collectivité. Je leur expliquais ce que serait sa fonction, et déjà, je leur parlais de la nécessité de réaliser des économies. Dans mes explications, je leur parlais des économies à réaliser dans les secteurs de l'acier, de l'exploitation de charbon et de l'importance de la production par personne. Mais je leur parlais également d'éducation et de soins hospitaliers. Je leur citais le cas d'une petite collectivité, petite par rapport aux grandes villes. Il y avait deux hôpitaux à Sydney, deux à Glace Bay, deux sur la rive nord, un à New Waterford et un à Point Edward. En tout, il y avait huit hôpitaux pour quelque 130 000 habitants.

Lorsque je parlais des économies, j'ai dit que la dernière fois que je me suis penché sur ce dossier, j'ai constaté qu'il n'y en avait pas. Je m'étais penché sur le cas d'un hôpital public catholique-protestant. Je me souviens d'avoir dit qu'il n'existait pas de cancer catholique, de polio protestante, ni de jaunisse juive. D'où la nécessité de mettre sur pied un hôpital général qui servirait l'ensemble de la collectivité. Cela a pris beaucoup de temps, mais nous y sommes finalement parvenus. Voilà le genre de problème avec lequel l'ensemble du pays est aux prises.

Peut-être voudriez-vous dire quelque chose.

Dr Dalziel: Il y a bien des choses que nous ne faisons pas comme nous le devrions. L'étudiant en médecine moyen reçoit peut-être une heure d'instruction sur les médicaments d'ordonnance à l'intention des personnes âgées. Nous avons réalisé un sondage auprès de médecins de famille à Ottawa et nous avons appris que 30 à 40 p. 100 d'entre eux considèrent que leur capacité de prescrire des médicaments à des personnes âgées est passable ou médiocre.

S'agissant des soins hospitaliers, imaginez-vous que le patient moyen est une personne qui porte une chemise d'hôpital bleue ouverte à l'avant ou à l'arrière, et soyez sûr que cette personne restera alitée. Les patients perdent 5 p. 100 de leur masse musculaire chaque jour qu'ils passent au lit. Que l'on ne s'étonne donc pas si, deux semaines plus tard, le patient ne peut plus marcher, ce qui ne fait que prolonger son séjour à l'hôpital. Si des bénévoles aidaient les patients à marcher, le séjour serait considérablement écourté. Dans les secteurs de l'éducation comme celui de la santé, nous faisons bien des choses de travers.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi est-ce qu'on n'insiste pas davantage sur le recours à des bénévoles pour aider les patients à marcher?

Dr Dalziel: L'une des raisons est que les syndicats bloqueront tout effort de ce genre, quoiqu'il y a parfois moyen de contourner cela. Cela dit, on pourrait songer à la politique de recrutement et payer quelqu'un à un taux beaucoup plus bas pour accomplir ces tâches. C'est ce que nous avons fait dans notre unité de gériatrie à l'hôpital d'Ottawa afin de répondre à des besoins de services de faible priorité. Il est difficile de convaincre des bénévoles de travailler avec des personnes âgées, contrairement à l'unité des soins intensifs ou au service d'urgence. C'est un peu la situation dans laquelle je me retrouve quand j'essaie d'obtenir des fonds pour l'unité gériatrique par opposition à l'unité de soins intensifs ou l'Institut de cardiologie. Je ne gagnerai jamais mes batailles, car le sujet n'est pas suffisamment attrayant.

La vice-présidente: En réponse au sénateur Graham, vous avez évoqué le Royaume-Uni et la Californie, et le sénateur Callbeck a ajouté d'autres cas.

D'après votre exposé, il est très clair que pour bien vieillir, il faut faire de l'exercice et miser sur le mieux-être et la santé. Dans une perspective de politique gouvernementale, que pourrait faire le gouvernement pour encourager les personnes âgées à participer à des programmes de mieux-être et les familles de celles-ci à veiller à ce qu'elles le fassent? Peut-être pourrions-nous ainsi régler certains des problèmes avec lesquels vous êtes aux prises.

Dr Dalziel: Le gouvernement devrait peut-être aller chercher de nouveau ce vieux Suédois -- la campagne Participaction. Au début, tout cela était des balivernes, mais peut-être le gouvernement devrait-il relancer ce genre de campagne pour sensibiliser les gens à l'exercice. Quand je parle à des personnes âgées de ce genre de choses, elles sont abasourdies. Elles ignorent qu'un petit peu d'exercice peut faire toute la différence. Hier encore, on publiait une étude dans laquelle on révélait que les femmes d'un certain âge qui marchent une heure par semaine pouvaient réduire leur risque de maladies cardiaques. Nous ne faisons pas bon usage de ces connaissances, et nous n'avons pas les vecteurs nécessaires. Certains choisissent de faire de la marche dans un centre commercial, par exemple. Voilà le genre d'activité dont on pourrait faire la promotion pour maintenir les personnes âgées en santé.

La vice-présidente: Il suffit que quelqu'un prenne l'initiative d'en faire la promotion.

M. Robson: Je voudrais revenir à un point soulevé plus tôt. À l'échelle du pays, on constate que les provinces dont les populations sont relativement vieillissantes dépensent un peu moins que les autres provinces au chapitre des soins de santé. On peut interpréter cela de façon très simple. Ces provinces réalisent des économies d'échelle.

J'espère sincèrement que quand la population vieillira davantage, étant donné que les personnes âgées sont, dans l'ensemble, considérablement plus aisées et mieux instruites qu'elles ne l'ont été historiquement, l'essentiel de l'aide et des soins accordés aux personnes âgées proviendront d'autres personnes âgées, qui seront peut-être mieux placées que quiconque pour promouvoir le genre de comportement qui leur aura permis de rester en bonne santé.

Comme nous l'avons constaté plus haut, les provinces dont les populations sont relativement vieillissantes dépensent relativement moins au chapitre des soins aux personnes âgées. La difficulté que soulève ce constat est que, au fur et à mesure que la population vieillissait dans le courant des années 80 et jusqu'au milieu des années 90, encore faut-il se fier aux statistiques de Santé Canada sur les dépenses relatives par tranche d'âge, le rapport entre les dépenses engagées au chapitre des soins aux personnes de 65 ans et plus et aux soins aux jeunes n'a pas changé. Ce rapport est resté relativement stable, et ce, malgré le fait que durant toute cette période, la population vieillissante se faisait plus riche, mieux instruite et ainsi de suite.

Comme nous l'avons signalé plus tôt, le mécanisme de prestation des services est crucial. C'est là que la question se pose: qu'est-ce que les baby-boomers exigeront et à quoi s'attendront-ils?

Le sénateur Cordy: Je voudrais vous remercier de vos exposés, qui étaient fort intéressants. Comme les sénateurs Graham et Roche, j'ai écouté attentivement vos observations sur la rémunération à l'acte et sur l'effet négatif que cela a sur les étudiants de médecine, qui choisissent de ne pas se spécialiser en gériatrie. Je suis de la Nouvelle-Écosse, où le sujet a suscité beaucoup de discussion, quoique le débat n'ait pas porté sur la gériatrie en particulier. Le régime de rémunération à l'acte décourage les médecins d'exercer dans des régions rurales. C'est peut-être un sujet que nous pourrions aborder séparément.

Docteur Dalziel, vous avez parlé de trois groupes de personnes âgées: celles qui sont en bonne santé, celles qui sont faibles et celles qui sont placées en institutions. Vous avez évoqué brièvement la notion de soins à domicile. Je crois vous avoir entendu dire que parfois, nous fournissons trop vite des soins à domicile, et c'est ce qui fait que les patients se retrouvent dans le groupe des personnes faibles pendant trop longtemps. Pourriez-vous en parler davantage?

Dr Dalziel: Le parfait exemple est celui d'une personne qui fait une chute ou deux. On fournit à cette personne un déambulateur, dont elle se sert à la maison. Résultat: la maladie de Parkinson n'est pas diagnostiquée avant deux ans.

Nous faisons des choses dans le but d'aider, mais nous ignorons le problème sous-jacent et n'essayons même pas de voir si nous pouvons y remédier. Quand les gens éprouvent de la difficulté à faire quelque chose chez eux, nous leur envoyons quelqu'un pour les aider au lieu de chercher à savoir s'ils manifestent des symptômes de dépression ou de début de démence, ou encore si leur arthrite a atteint un état très avancé. En matière de soins à domicile, nous utilisons une approche qui tient presque du rafistolage. Les soins à domicile sont à la mode ces temps-ci. Qui oserait les critiquer? Entre-temps, nous gaspillons beaucoup d'argent. Les services ne sont pas bien organisés, ni bien intégrés aux autres services spécialisés du régime. En fait, ils peuvent être très locaux.

Les soins à domicile ne sont pas une solution, pas plus que la construction de nouveaux foyers de soins infirmiers. C'est peut-être une solution, mais ce n'est pas la bonne.

Le sénateur Cordy: Serait-il juste alors de dire que les soins à domicile sont en principe une très bonne idée, mais que les effets qu'ils peuvent entraîner seraient semblables à la prescription de médicaments à outrance sans pour autant déterminer s'ils sont nécessaires ou non?

Dr Dalziel: Exactement.

Le sénateur Morin: Vos exposés étaient extrêmement intéressants.

Madame la présidente, c'était une excellente idée d'inviter deux économistes et un clinicien. Ainsi, nous avons un équilibre.

Monsieur Robson, j'ai lu votre rapport sur l'Internet. Le Globe and Mail et d'autres quotidiens en ont parlé en bien d'ailleurs. Je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de discuter entre vous, mais il est surprenant de voir à quel point vos idées convergent.

D'autres pays ont fait d'autres tentatives. Par exemple, l'Allemagne, la France, le Japon et l'Autriche ont tous un régime d'assurance soins de longue durée. Si j'ai bien compris votre propos, la différence entre ces modèles et ce que vous recommandez est que vous proposez des soins plus généraux pour les personnes âgées.

La Commission Clair a recommandé un plafond. En Allemagne, ce régime existe depuis 1994 et il est plafonné. C'est le patient qui paie pour les services supplémentaires dont il a besoin. Or les dépenses ne resteront pas stables. Pour reprendre l'exemple du Dr Dalziel, l'intensité des services s'élèvera et les attentes aussi. Je me rends bien compte qu'il existe deux types de technologies, et que certaines technologies permettent de réaliser des économies. Mais quand on pense à la dialyse, au pontage, et j'en passe, il est tout à fait évident que l'utilisation de la technologie ne fera que croître. De même, l'utilisation des médicaments augmente de 15 p. 100 par an.

À propos des salaires, dès que l'on injecte des fonds dans le régime de soins de santé, la première chose que les gens voudront, c'est une augmentation de salaire. C'est inévitable. Le Dr Dalziel n'est pas une exception. D'ailleurs, la première chose qu'il a dite est que les responsables devraient avoir plus d'argent. Si nous avions une infirmière ici, elle nous dirait la même chose. Tous les intervenants le font, car ils ont le monopole. Le marché n'a pas d'influence sur les ressources ou sur les échelles de salaire, et c'est pourquoi la demande est croissante. De toute évidence, les dépenses en matière de santé pour le même nombre de personnes continueront d'augmenter.

Monsieur Robson, comment envisagez-vous l'augmentation des coûts pour les soins aux personnes âgées?

M. Robson: Si j'ai bien compris votre question, vous faites une distinction entre des régimes qui s'alignent un peu sur le modèle canadien, le Régime de pensions du Canada, où le calcul d'un compte se fait sur la base des cotisations et des prestations, par opposition à un régime qui serait beaucoup plus variable. Il s'agit essentiellement d'un modèle qui rappelle celui des régimes d'assurance-médicaments américains, où l'on prévoit des fonds dans le budget et l'on anticipe des dépenses, sans pour autant savoir quelles seront ces dépenses. Selon ce modèle, on n'établit pas de lien entre les dépenses et les besoins individuels.

Pour ma part, je penche plutôt pour la deuxième catégorie. Le quotidien Toronto Star m'a appelé sur-le-champ, convaincu que le montant de 3 000 $ que je citais était un compte d'épargne médical, ce qui montre l'importance des attentes que l'on peut avoir quand on achète un journal.

Le Canada pourrait éventuellement envisager un modèle de ce type, car à l'instar des pensions, qui comportent un volet invalidité, il y a un risque envisageable, sinon une dépense certaine, que chacun devrait assumer en estimant qu'il s'agit d'un devoir. Je suis beaucoup moins ambitieux que cela. Je cherche simplement à créer une structure institutionnelle qui permettrait au gouvernement de résister à des pressions à court terme pour injecter des fonds supplémentaires dans le régime de soins de santé, ce qui manifestement ne ferait qu'accroître les coûts. Nous devons plutôt opter pour une méthode plus contrôlée de répartition de l'argent à long terme, puisque, vu les tendances actuelles, les dépenses ne feront que s'accroître avec le vieillissement de la population.

Sans vouloir être normatif relativement aux diverses catégories, on peut dire sans se tromper que l'on peut s'attendre à certaines pressions budgétaires. Étant donné l'état de nos connaissances, surtout du point de vue du gouvernement fédéral, je dirais qu'il vaut sans doute mieux de ne pas essayer de relier ces dépenses à des secteurs précis comme les médicaments, les soins à domicile, etc. Cela reviendrait à recréer un contexte dont nous essayons de nous écarter, où une bonne partie des subventions sont conditionnelles et où bon nombre de priorités provinciales sont établies en fonction de la disponibilité des fonds fédéraux. Dans l'ensemble, je ne pense pas que nous soyons en mesure de gérer un système de financement conditionnel qui donnera des résultats concrets sur le terrain.

Le sénateur Morin: À votre avis, les provinces diront-elles que 3 000 $ par personne âgée, ce n'est pas suffisant, et que, l'an prochain, elles demanderont 4 000 $ et ensuite 6 000 $? Cette demande est peut-être justifiée.

M. Robson: Il y a évidemment un risque. Quelle que soit la formule qu'on élabore, elle ne sera valable que dans la mesure où les circonstances politiques le permettent au fil du temps. Lorsque j'ai parlé de progrès minimes, j'étais très sérieux. Il y a des propositions visant des formules de péréquation fondées sur les besoins, par exemple, ou on pourrait envisager de reformuler le TCSPS de façon à tenir beaucoup plus compte des divers indicateurs des besoins. Le fait que nous n'options pas pour cette solution me préoccupe vivement car cela crée toutes sortes de problèmes du côté des bénéficiaires étant donné ce qui est subventionné au minimum par opposition à ce qui ne l'est pas.

Ma proposition ne permettrait en aucun cas de défrayer le coût total des dépenses relatives aux personnes âgées, et c'est sans doute une bonne chose. Au seuil minimum, il faut que les provinces continuent à assumer la totalité du coût. C'est une façon de faire face aux pressions sans devoir l'augmenter d'une année à l'autre.

C'est une faible augmentation qui nous permet de progresser vers une solution sans gruger d'aucune façon les autres mesures importantes qu'il nous faudra prendre.

Le sénateur Morin: Docteur Dalziel, j'approuve pleinement votre recommandation relative aux changements sur le plan de la pratique médicale et de l'enseignement de la médecine. Vous devez comprendre qu'en tant qu'ancien doyen de la faculté de médecine, je ne suis pas d'accord avec tout ce que vous avez dit, mais là n'est pas la question. Je n'aborderai pas ce point.

Pour ce qui est de l'augmentation des ressources, avez-vous une idée de ce que cela coûterait?

Dr Dalziel: De quel poste précis parlez-vous?

Le sénateur Morin: Vous recommandez d'accroître l'intensité des services à l'intention des personnes âgées. Combien cela coûtera-t-il?

Dr Dalziel: L'un des problèmes qui se pose, c'est que nous cloisonnons les coûts. Nous examinons une dépense et ne pouvons pas faire le lien avec une autre zone d'épargne. C'est un gros problème lié aux médicaments, par exemple. Je parle principalement des mesures visant à faciliter le vieillissement, à éduquer la population, ce qui ne coûte généralement pas très cher.

Le deuxième point consiste à modifier l'éducation des médecins. Là encore, modifier le programme d'études ne coûtera pas très cher.

Le sénateur Morin: Je crois que vous accordez trop de foi aux cours magistraux. Est-ce que les deux tiers du programme devraient être consacrés à la gériatrie?

Dr Dalziel: Loin de moi cette idée, et je ne parle pas des cours magistraux. À l'Université d'Ottawa, les médecins de famille résidents consacrent un mois à la gériatrie. Selon eux, ces services fonctionnent de façon très différente des services médicaux ordinaires. Je n'accorde aucune foi aux cours magistraux. J'ai confiance dans l'expérience pratique, dans le fait d'apprendre comment procéder différemment et quels résultats concrets on peut obtenir.

Cela ne coûterait pas très cher d'augmenter le nombre de spécialistes en gériatrie. Reste alors à voir si cela va entraîner un coût ou une économie pour le système.

De nombreuses recherches ont été faites sur la gériatrie car c'est une nouvelle discipline. Il nous a fallu prouver que nous pouvions faire des choses, et ce, de façon rentable. Il y a beaucoup plus d'études sur les services de gériatrie qu'il n'y en a jamais eues sur les services de cardiologie, et ces études indiquent simplement qu'il est possible d'améliorer la qualité de vie des personnes âgées.

Il vous faudra examiner ces études et vous demander quels sont les coûts initiaux par opposition aux avantages qui en découleront. Il ressort d'une étude que nous avons faite que, lorsqu'on a évalué des personnes dont on a recommandé le placement en foyer de soins infirmiers, 17 p. 100 de plus de personnes étaient chez elles deux ans plus tard au lieu d'être dans un foyer. Cela représente une économie assez importante, compte tenu du coût des foyers de soins infirmiers, car l'intervention peut être assez brève.

Le sénateur Morin: Vous voulez dire qu'il n'est pas nécessaire de trouver de nouvelles ressources et que le résultat net est positif?

Dr Dalziel: Les coûts initiaux seront presque entièrement compensés par les économies en aval.

Le sénateur Morin: Vous avez parlé d'un ami qui veut quitter cette spécialité en raison d'un manque de ressources. Cela ne pose pas vraiment un gros problème, n'est-ce pas?

Dr Dalziel: Je pense que c'est un gros problème.

Le sénateur Morin: De quelles ressources financières a-t-on besoin?

Dr Dalziel: Il nous manque 500 gériatres. S'ils obtenaient une augmentation raisonnable, ils pourraient gagner 170 000 $ par an. On peut calculer le coût. On peut dire la même chose des spécialistes en soins infirmiers gériatriques. Toutefois, le plus gros changement touche le secteur des généralistes.

Si on peut éduquer, au sens le plus large du terme, les infirmiers et infirmières aux premières lignes pour qu'ils remettent un patient sur pied, cela permettra de réaliser d'énormes économies liées à la durée du séjour. Le coût d'une journée d'hôpital est énorme.

Il suffit de voir ce que nous faisions par le passé pour les patients en cardiologie. Ils restaient alités pendant une semaine ou plus. Aujourd'hui, ils sont sur pied le lendemain, et la différence dans la durée de l'hospitalisation est énorme.

Si nous agissions différemment, on pourrait peut-être compenser l'essentiel des coûts initiaux.

Le sénateur Morin: Monsieur Spencer, avez-vous tenu compte du fait que la population des aînés vieillit toujours? Vous avez peut-être lu le document publié par les ministres provinciaux de la Santé, il y a un an, sur les dépenses liées à la santé. Ils n'ont pas tenu compte du fait que la population des gens de plus de 85 ans vieillissait, ce qui double les dépenses. Comme vient de le dire le Dr Dalziel, à partir de 85 ans, les dépenses liées à la santé doublent.

Avez-vous tenu compte du vieillissement de la population du troisième âge?

M. Spencer: Oui, nous en avons tenu compte. Les prévisions s'appliquent à l'ensemble de la population, y compris les augmentations prévues d'espérance de vie dans tous les groupes d'âge. En effet, non seulement la population vieillit, mais les plus âgés de celle-ci vieillissent particulièrement rapidement.

Le sénateur Morin: C'est un élément très important que l'on oublie souvent.

M. Spencer: J'en conviens. C'est important, mais les données que je vous ai fournies en tiennent compte.

La vice-présidente: Monsieur Robson, vos chiffres effrayants laissent entendre que le vieillissement de la population est la cause d'une augmentation sensible des dépenses publiques. Pourtant, M. Spencer est d'avis que les dépenses publiques sont gérables et que la croissance démographique a plus d'incidence que le vieillissement de la population.

Utilisez-vous des données différentes pour en arriver à ces conclusions apparemment divergentes?

M. Spencer: Je ne suis pas convaincu que nos opinions divergent. Les prévisions dont j'ai parlé indiquent des augmentations considérables des budgets de la santé qui sont dues uniquement au vieillissement de la population. La différence, c'est que M. Robson s'est concentré précisément sur les dépenses des soins de santé et non sur l'ensemble des budgets gouvernementaux. Il importe de signaler que si l'on s'intéresse à l'incidence globale du vieillissement de la population, il n'est pas logique de se concentrer sur un secteur où les dépenses vont augmenter et de dire qu'il y a une crise, sans se concentrer également sur les autres secteurs où les dépenses n'augmenteront pas et risquent même de diminuer. Par exemple, les détenus sont principalement des jeunes. Dans ce domaine, il y aura des économies sensibles. Les personnes âgées ne touchent pas l'assurance-emploi, et pourtant cela représente un énorme élément des dépenses gouvernementales, etc.

M. Robson: Même si l'on s'entend à dire que le vieillissement a entraîné une augmentation annuelle de 1 p. 100 des dépenses de santé, les opinions divergent fondamentalement quant à l'importance de cette hausse de 1 p. 100 par an. Pour ma part, je pense que c'est assez important. Il est impressionnant de voir ce que représente 1 p. 100 par an au bout de quelques décennies. Il est logique de compartimentaliser dans une certaine mesure, comme nous le faisons pour les pensions, puisque c'est un secteur où l'on peut prévoir des tendances générales avec quelque certitude. Il va sans dire qu'il est plus difficile de calculer ces sommes au centime près, mais l'orientation générale est claire. Lorsque nous connaissons un transfert démographique comme c'est le cas à l'heure actuelle, pour des raisons comparables à la situation des pensions, il est étrange pour nous d'imaginer que, à l'avenir, les descendants de la génération de l'après-guerre diront à leurs parents: «Vous l'avez vu venir et vous n'avez rien fait pour l'empêcher.» Je préférerais pouvoir leur dire: «Nous l'avons vu venir et, au mieux de nos moyens limités, nous avons essayé de faire face aux pressions et désormais, en effet, c'est à vous de prendre les choses en main pour l'avenir.» Nous pourrions nous entendre de cette façon, d'une génération à l'autre.

Pour aborder deux points essentiels, relativement aux prévisions par rapport à 1986, j'aimerais savoir -- et même si je ne connais pas la réponse, j'ai certains doutes -- comment ont évolué les budgets de l'éducation par rapport à ce qu'on avait prévu en fonction des données démographiques à partir de 1986. Nous n'avions pas prévu à l'époque que la diminution du taux de croissance des élèves aux niveaux élémentaire et secondaire serait compensée comme c'est le cas par une diminution du rapport enseignant/élève et une augmentation des dépenses dans tous les autres secteurs du système. Nous n'avions pas prévu l'explosion de la demande d'enseignement postsecondaire, et c'est un secteur où, à mesure que les gens continuent de perfectionner leurs compétences à intervalles réguliers au cours de leur vie -- ce qui constitue une juste prévision -- nous serons témoins d'une demande permanente énorme à l'égard de ressources croissantes.

Si l'on part du principe que les dépenses en matière d'éducation sont en grande partie reliées aux enseignants plutôt qu'aux étudiants, l'argument est encore plus convaincant.

C'est une chose de parler de la possibilité de faire des économies en principe, mais c'en est une autre de dire vraiment que nous devrions réduire les dépenses d'éducation pour faire de la place aux soins de santé. Il faut être bien prudent sur ce point.

Une dernière chose au sujet de l'autre colonne du budget. Certaines personnes ont souvent tendance à oublier, même si ce n'est pas le cas de M. Spencer, l'incidence de la croissance plus lente de la population en âge de travailler sur l'assiette fiscale. Certains soutiennent qu'il y aura des effets compensatoires; par exemple, lorsque les retraités commencent à puiser dans leur régime de pensions et leurs RÉER. Je prends pour hypothèse des taux d'impôt constants. De façon implicite, certaines personnes se disent que ces taux d'impôt globaux vont augmenter, que les gouvernements vont puiser dans cette source de revenu beaucoup plus que nous ne l'escomptons.

C'est peut-être vrai, mais les personnes qui ont mis de côté de l'argent pour leur retraite, ne prévoient sans doute pas qu'il pourra servir à d'autres fins.

Il importe également de penser à l'évolution des recettes. Si la population part à la retraite plus tard, si les gens sont en santé et travaillent plus longtemps, si le taux de productivité est plus élevé, de toute évidence, les scénarios que je présente ici ne se concrétiseront pas et ce sera tant mieux pour nous. Toutefois, nous devrons faire de gros efforts pour en arriver là.

Le sénateur Cook: Je vous remercie de cet exposé très complexe.

Je viens de Terre-Neuve. J'examine vos tableaux et je me trouve en haut de la liste. Quelles sont les solutions pour ma population vieillissante dont le taux de croissance est relativement faible? Je comprends l'option que vous proposez relativement au Transfert canadien pour la santé et les programmes sociaux. Cela m'a beaucoup impressionné. Rien ne change. Nous sommes ici, et si nous avons de la chance, nous vieillirons, espérons-le dans de bonnes conditions.

Grâce au regroupement des hôpitaux à Terre-Neuve, j'ai une idée de ce que pourrait être une clinique communautaire: un centre ayant pignon sur rue qui est là pour répondre aux besoins fondamentaux des gens de la région, jeunes ou vieux, mais pour le moment je parlerai de la population vieillissante. Il y aurait des programmes d'exercice, de régime et de nutrition et des services de diagnostic de base. Il y aurait sur place une infirmière de première ligne. Cette clinique communautaire pourrait servir de plaque tournante pour le palier tertiaire ou le palier suivant de soins.

D'après vous, est-ce un modèle simple et pratique qui permettra de s'occuper de moi? Parce que j'y suis.

M. Robson: La situation de Terre-Neuve semble particulièrement étrange lorsqu'on fait ce genre de prévisions mécaniques. Je signale la sensibilité extraordinaire des résultats des hypothèses que font les gens au sujet de la migration interprovinciale. Terre-Neuve, dont la population était relativement jeune par le passé, a vu un nombre disproportionné de jeunes quitter la province. Dernièrement, il semblerait que la tendance soit inversée. Si nous revoyons ces chiffres en partant du principe que Terre-Neuve devient un endroit plus attrayant qu'elle ne l'a été par le passé, et que les jeunes restent dans la province, y reviennent ou peut-être viennent s'y établir en provenance d'autres régions du pays, ce sombre tableau change du tout au tout.

Je tiens à insister sur cette question en ce qui concerne Terre-Neuve et la rapidité de la transition entre une population relativement jeune et une qui est relativement âgée.

Pour les cliniques communautaires, je vais donner la parole au Dr Dalziel. Je tiens à affirmer catégoriquement que je ne parle pas de choses que je ne connais pas. Les réformes comme celles dont vous parlez représentent sans nul doute une bonne partie de la solution.

Je le répète, il faut que le gouvernement fédéral n'accorde pas de subventions conditionnelles à diverses sortes d'activités qui risquent d'empêcher l'intégration dont vous parlez. Je m'inquiète même de la possibilité que les augmentations du financement fédéral soient conditionnelles à la mise en place de régimes d'impôt per capita et d'établissements d'horaires de travail. Tout nous porte à croire que cela représente l'essentiel de la solution. Toutefois, même dans ce domaine, je ne suis pas convaincu de pouvoir recommander que le gouvernement fédéral en fasse le pivot de son orientation.

J'aime l'idée de la rémunération à l'acte pour les médecins de premier recours, car je souhaite personnellement pouvoir faire appel à quelqu'un qui sera mon représentant et mon défenseur au sein du système. Je ne veux pas que la personne que je rencontre en première ligne ait un intérêt direct à m'exclure.

De nos jours, on a souvent tendance à tenir le réseau hospitalier responsable de nos problèmes. Il est certain qu'il existe des problèmes, mais il faut se montrer très prudent pour éviter que, si l'on opte pour une transformation fondamentale du système, on ne se retrouve dans une situation encore pire. Par conséquent, même si je suis favorable au système que vous recommandez, lorsqu'il s'agit du rôle du gouvernement fédéral -- et je vous prie d'excuser mes répétitions -- nous devons faire preuve d'une grande circonspection dans l'attribution des fonds, pour éviter que les provinces prennent des orientations que nous regretterons par la suite.

Dr Dalziel: Tout être humain a plusieurs dimensions. L'idée qu'on puisse avoir divers professionnels pour s'occuper de chacune de ces dimensions représente sans doute une bonne organisation. Nous n'avons pas encore mentionné que un tiers des personnes âgées du Canada habitent dans des régions rurales ou des villes de 10 000 habitants ou moins. Ces personnes sont, à toutes fins utiles, totalement privées de leurs droits de profiter des compétences et des services gériatriques spécialisés. Il faut élaborer des modèles qui visent à résoudre ce problème.

J'ai passé beaucoup de temps à Timmins, en Ontario, à travailler avec des médecins de famille pour acquérir de l'expérience en gériatrie et dans les soins aux personnes âgées, et aussi à former des personnes qui peuvent offrir des soins à domicile en évaluant tous les aspects de la santé, qu'il s'agisse de facteurs physiques, sociaux ou psychologiques. Elles apprennent à connaître les médicaments afin de travailler en tandem avec les médecins de famille, c'est-à-dire de collaborer pour résoudre les problèmes des personnes âgées. Il y a diverses façons de tirer partie au maximum de ce que savent faire les médecins et aussi des compétences des autres professionnels. Je suis très préoccupé par les Canadiens âgés qui habitent dans les régions rurales.

Le sénateur Cook: Selon vous, les bénévoles ont-il leur place dans une clinique rurale?

Dr Dalziel: On s'est beaucoup penché sur la question, surtout avec les conseillers et d'autres responsables s'occupant de counselling au sujet des médicaments, de programmes d'exercice et d'autres questions. C'est une capacité qu'il faudrait utiliser.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Robson, lorsque j'examine les pourcentages de personnes âgées de plus de 65 ans par rapport aux personnes en âge de travailler, cela me préoccupe vivement. Si ma vue est bonne, on dirait que l'île-du-Prince-Édouard et le Nouveau-Brunswick, par exemple, avaient les mêmes chiffres que l'Ontario en 1980. Toutefois, en 2040, si j'ai bien compris, il y aura au Nouveau-Brunswick 55 personnes de plus de 65 ans qui seront tributaires de 100 personnes en âge de travailler, contre 38 seulement en Ontario. Qu'est-ce qui explique une telle différence entre la région de l'Atlantique et l'Ontario au cours de cette période de 40 ans?

M. Robson: Je ne sais pas comment un démographe expliquerait les choses, mais ce dont nous sommes témoins, c'est d'un niveau différent pour le sommet de la courbe du baby-boom. Il y a aussi les taux de fertilité qui ont diminué à des rythme différents par la suite. En tout cas, dans la région de l'Atlantique, en général, il y a un changement plus spectaculaire, et une population relativement jeune qui vieillit plus rapidement. Pour réitérer ce que j'ai dit plus tôt, les migrations interprovinciales expliquent la situation, le fait que les jeunes se déplacent assez rapidement.

Dans mes prévisions de base, pour éviter de faire des hypothèses trop catégoriques, je vais tout annuler au bout de cinq ans en décidant que nous partirions du principe que la migration cesse pour l'essentiel au bout de cette période. Une économie en pleine expansion qui attire les jeunes peut changer du tout au tout ce genre de perspective. En fait, à bien des égards, c'est la chose la plus importante qu'on puisse faire pour renverser la vapeur. Lorsque les gens parlent d'une économie forte qui sert de fondement solide à un système de soins de santé, je ne peux qu'être totalement en accord avec eux.

En fait, et au sujet de la rapidité de la transition démographique, si nous nous considérions comme des ingénieurs sociaux très ambitieux, nous pourrions envisager des politiques natalistes et autres initiatives de ce genre. On s'interroge sur l'efficacité de ces politiques, et sur l'opportunité d'envisager ce genre de mesures. J'évite de le faire. Je préfère m'intéresser à la migration. Dans la mesure où il est possible de changer les choses dans ce domaine, cela permet d'entrevoir les problèmes qui obligeront le gouvernement fédéral à intervenir grâce à des mesures qui tiennent compte des pressions démographiques et qui facilitent la tâche aux provinces qui sont du côté des perdants. Il est possible de le faire sans obliger l'île-du-Prince-Édouard, ou une autre province, à réorganiser tous ses programmes, ce qui risque d'avoir des effets négatifs et d'aller à l'encontre du but recherché. Tout dépend de ce que le ministère du Développement des ressources humaines à Ottawa, par exemple, juge approprié pour une année donnée.

M. Spencer: Ce qui explique en bonne partie l'écart entre les provinces atlantiques et l'Ontario, dans nos prévisions, c'est que l'Ontario reçoit énormément d'immigrants provenant du reste du monde, alors que très peu d'entre eux vont vers la région de l'Atlantique. Il faut souligner, à ce sujet, que presque toute la croissance démographique future, et surtout l'expansion de la population active au Canada, est due aux migrations internationales.

Le sénateur Morin: Pour en revenir à M. Robson, les provinces qui ont la plus forte population de personnes âgées dépensent généralement moins que les autres. Ce sont les plus pauvres et on s'attend à ce qu'elles dépensent moins.

M. Robson: Je parle du ratio des dépenses visant les personnes de 65 ans et plus.

Le sénateur Morin: Oui, mais ces provinces ont moins de ressources. L'Ontario, l'Alberta et les provinces riches ont une population âgée proportionnellement moins importante pour les raisons que vous venez d'énoncer.

M. Robson: Je parlais du ratio dans chaque province et du rapport personnes âgées/jeunes au niveau des dépenses. Rien ne permet de suggérer qu'automatiquement, si une province est moins nantie, ses dépenses sont proportionnellement moins élevées toutes catégories d'âge confondues. Il se trouve que c'est le cas même si la relation de cause à effet n'est pas évidente. Par exemple, en Saskatchewan, où la population a déjà tendance à être plus âgée, les dépenses consacrées aux personnes âgées sont relativement moindres. Il y a des interprétations de cette tendance qui sont plus ou moins bénignes. Celle que j'ai suggérée relève de la première catégorie.

Le sénateur Cohen: Je crois que je ne me plaindrai plus des services qui me sont offerts car j'ai l'impression que l'avenir n'est pas très rose, si j'en crois les statistiques alarmantes et les changements prévisibles dont on nous a parlé ce matin. À votre avis, quelles mesures spéciales devrait prendre immédiatement le gouvernement fédéral pour faire face au vieillissement de la population et aux nombreux problèmes qu'on nous prédit? Quelle offensive devrait être menée immédiatement et sur quel front?

M. Robson: Je ne mentionnerai qu'une chose, et avec l'humilité appropriée pour vous montrer combien cela répond à l'attente de l'ensemble des Canadiens qui souhaitent un système de services de santé de meilleure qualité.

Je me limiterai au contexte financier. Les Canadiens ont démontré, lorsqu'ils débattent des régimes de pension et qu'ils sont confrontés aux tout derniers problèmes financiers, une très grande capacité à penser sur le long terme et à trouver des solutions durables.

Il faudrait, selon moi, essayer de protéger un petit peu plus longtemps l'excédent fédéral afin qu'à plus long terme, une dette plus réduite nous permette de financer plus facilement les programmes de santé que nous désirons.

Ce n'est peut-être pas grand-chose mais un de nos problèmes à court terme, notre économie ayant connu une période d'euphorie même si elle semble retomber un peu aujourd'hui, les finances fédérales se sont améliorées de manière spectaculaire.

En réponse au désir de services de meilleure qualité à court terme, le gouvernement a dépensé beaucoup d'argent. Je crois que les Canadiens sont tout aussi prêts à une discussion raisonnable sur la nécessité de plans à plus long terme et qu'ils réagiraient favorablement si le gouvernement proposait qu'une partie de l'excédent fédéral actuel soit mis de côté pour n'être utilisé que dans 10, 15 ou 20 ans.

M. Spencer: C'est avec plaisir que j'aimerais ajouter le fond de ma pensée sur cette notion de planification de l'avenir.

Dans le domaine tout particulier des soins de santé, il est évident que le système réclame une planification. C'est un système financé publiquement, et s'il n'est pas planifié par les autorités publiques d'une manière intégrée ayant pour objectif l'amélioration des services de santé pour la population, on ne peut pas parler de planification. Tous les rapports successifs accordent une importance prioritaire à ce problème. Il n'y a actuellement dans aucune province de plan cohérent pour la prestation des soins de santé, rien sur le nombre de médecins à former, et dans quelle spécialité, rien sur le nombre d'infirmières à spécialiser dans tel ou tel domaine, etc. Aucun gouvernement provincial n'en a fait une de ses priorités de planification.

Dr Dalziel: Le sous-ministre adjoint de la Santé de l'Ontario nous a dit comment avait été décidée la planification des soins de santé dans cette province. Un matin, il a été réveillé à 4 heures par le bruit du Toronto Star qui était jeté devant sa porte. Il l'a lu et c'est alors qu'il a décidé de ce que serait la santé en Ontario.

Le sénateur Cohen: C'est bien triste.

Dr Dalziel: La majorité de la planification actuelle se fait par réaction. Il n'y a pas deux provinces qui prêtent la même attention aux soins de santé de leur population âgée. Si on pouvait leur envoyer un signal, si quelqu'un pouvait inciter les provinces à prêter beaucoup plus d'attention à ce problème plutôt que de s'occuper exclusivement de ceux des unités de soins intensifs et des services d'urgence, ce serait merveilleux. Le vieillissement de la population occupe le dernier rang de leurs priorités.

Le sénateur Cohen: Comment secouer ces doyens qui semblent vivre dans un autre monde?

Dr Dalziel: C'était une plaisanterie. Je compte parmi ces doyens de très bons amis. Ils n'ont pas vraiment non plus les pouvoirs de changer les programmes. Ils ne peuvent que proposer quelques changements, et aussitôt les couteaux sortent. Il y a des intérêts qui s'opposent à toute modification des programmes, ce qui fait qu'ils ne répondent plus aux besoins sociaux. Prenez par exemple la nutrition et l'alcoolisme. Il n'y a pas que les services aux personnes âgées qui coincent. C'est tout l'ensemble qu'il faut revoir.

Le sénateur Cohen: Ce n'était pas une plaisanterie. Vous avez tout à fait raison.

Dr Dalziel: L'éducation, si elle est dispensée correctement -- si elle permet de modifier le comportement des médecins et des autres professionnels de la santé -- est un instrument puissant. Le problème c'est que l'éducation actuellement dispensée n'incite pas à un changement de comportement.

M. Spencer: J'ajouterais qu'à mon avis, il importe que cette planification ne s'applique pas qu'aux médecins. J'aimerais insister sur l'importance d'un examen global et intégré de l'ensemble du système de santé afin que le remplacement d'un type de personnel par un autre, ou que la question des soins en milieu hospitalier par opposition à des soins en milieu communautaire, et tout le reste soit aussi pris en considération. C'est très important. Les possibilités d'économies associées à de meilleures pratiques ne cessent d'être démontrées dans toutes sortes d'études. Il existe de meilleures solutions, mais il semblerait que notre système n'accueille pas volontiers ce genre d'informations quand elles sont disponibles.

Le sénateur Cohen: Quelqu'un a parlé de «promotion de vieillesse heureuse». Cela m'a frappée. Cela pourrait devenir le mantra dont le gouvernement pourrait se servir pour peut-être faire un retour en arrière sur toute cette époque de la Participaction qui avait connu un tel succès il y a déjà longtemps. Je l'ai écrit parce que cela m'a frappée. La promotion d'une vieillesse heureuse est un autre concept auquel il nous faut réfléchir.

Le sénateur Graham: J'allais utiliser les dernières secondes qui me reste à défendre le doyen Morin, mais il est tout à fait capable de se défendre lui-même comme il ne cesse de le prouver.

Ma dernière question sera de caractère général. Est-ce que nous abusons du système de santé ou est-ce que nous le surutilisons? Est-ce que nous emmenons nos enfants ou ceux qui nous sont «chers» trop souvent chez le médecin, à la clinique ou en service de consultation? Est-ce que le nombre de visites chez le médecin, à la clinique, au service de consultation a augmenté au cours des dernières années? Est-ce que nous dépendons trop des ordonnances? Est-ce que nous envoyons Johnny ou Mary chez le médecin ou est-ce que nous demandons une ordonnance pour un oui ou pour un non alors que si nous attendions simplement deux ou trois jours le problème ou le bobo se résoudrait de lui-même?

Dr Dalziel: Il y a beaucoup de cas de recours au système de santé qui ne se justifient pas vraiment, comme vous venez de le dire. Je crois que nous n'avons pas fait du bon travail et n'avons pas suffisamment éduquer le public en matière de maladie et d'attentes des services de santé. Cela ne fait pas longtemps que nous essayons de l'éduquer pour lui faire comprendre que la surutilisation des antibiotiques est dangereuse et crée un énorme problème de résistance immunitaire. Il faut que nous fassions mieux pour aider le public à savoir si oui ou non il a besoin de consulter. Il y a encore trop de visites chez le médecin de famille qui ne se justifient pas.

Le sénateur Graham: Je soupçonne que cela coûte inutilement des millions de dollars.

La vice-présidente: J'aimerais remercier chacun des témoins de leurs dépositions qui ont été énormément utiles et instructives. C'était absolument excellent.

La séance est levée.


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