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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 8 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 25 avril 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, à qui a été renvoyé le projet de loi S-14, Loi instituant la Journée Sir John A. Macdonald et la Journée Sir Wilfrid Laurier, se réunit aujourd'hui à 16 h 17 pour examiner le projet de loi.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous examinons aujourd'hui le projet de loi S-14 instituant la Journée Sir John A. Macdonald et la Journée Sir Wilfrid Laurier, que le sénateur Lynch-Staunton a présenté.

Nous avons deux témoins, soit le parrain du projet de loi, le sénateur Lynch-Staunton, de même que le professeur Desmond Morton de l'université McGill, que nous connaissons tous comme étant l'un des grands historiens du Canada. Merci beaucoup à vous deux d'être là.

Sénateur Lynch-Staunton, auriez-vous l'obligeance de nous parler du contexte dans lequel vous avez élaboré ce projet de loi. Le professeur Morton nous a remis un bref mémoire qu'il lira, je pense, ou résumera à tout le moins, après quoi nous nous ferons un plaisir de discuter avec vous.

L'honorable John Lynch-Staunton, parrain du projet de loi: Honorables sénateurs, je suis heureux d'être ici aujourd'hui pour vous parler de ce projet de loi qui recevra, je l'espère, votre approbation.

L'objectif de cette mesure législative est simple - soit de reconnaître deux grands Canadiens. L'un est considéré comme le père fondateur de la Confédération. L'autre, qui a été le premier premier ministre du Québec à une époque difficile, était un fervent défenseur de l'unité nationale. Vous vous souviendrez que lors de la dernière législature, le sénateur Grimard avait déposé un projet de loi visant à reconnaître sir John A. Macdonald. À ce moment-là, nous sentions que certains sénateurs croyaient que le projet de loi était trop partisan. C'est pourquoi, de notre côté, nous avons également présenté un projet de loi visant à reconnaître, cette fois, sir Wilfrid Laurier. La prorogation a entraîné la mort au Feuilleton des projets de loi. Pour insister sur le caractère non partisan des deux projets de loi, nous avons réuni les deux noms dans un seul projet. Ce que nous reconnaissons ici, ce sont deux grands Canadiens, non pas un conservateur ou un libéral, mais deux grands Canadiens qui ont appartenu à deux grands partis politiques.

Je ne vais pas vous parler longuement de sir Wilfrid Laurier et de sir John A. Macdonald, certainement pas en présence du professeur Morton. Je vais lui laisser le soin de le faire.

D'abord, je tiens à dire que le projet de loi ne prévoit pas l'institution d'un congé férié. Il prévoit deux jours au cours desquels on reconnaîtra deux Canadiens, soit les jours de leur date de naissance respective. Sir John A. Macdonald est né le 11 janvier alors que sir Wilfrid Laurier a vu le jour le 20 novembre. On consacrerait ces deux journées-là à la reconnais sance des deux hommes. Il n'y a aucune répercussion économique ou financière. Nous visons simplement par là à en faire des journées de reconnaissance officielle par le Parlement du Canada, ce qui permettrait aux Canadiens, grâce au Patrimoine canadien, plus particulièrement, ainsi qu'à d'autres ministères et particuliers de tout le Canada, de mieux connaître ces deux hommes et de comprendre les rôles essentiels qu'ils ont joués dans la création et le développement de notre pays.

En ce qui concerne les congés et les jours de reconnaissance, notre recherche montre qu'il ne semble pas y avoir de modèle. Par exemple, le site Web du Patrimoine canadien comporte certains renseignements sur la Loi sur le jour de compassion pour les travailleurs, qu'on a fixé au 28 avril, et qui sera souligné samedi par la mise en berne des drapeaux ici même. Bien que créée par le Parlement, cette loi ne se retrouve pas sur le site Web du Patrimoine canadien où l'on fait état des jours fériés, des jours thématiques ou encore des semaines et des mois du patrimoine national et international.

La Journée du drapeau national a été instituée par suite d'une déclaration du premier ministre. Il a annoncé que le 16 février serait la Journée du drapeau national, et c'est comme ça que cette journée a été instituée.

La Journée du patrimoine est reconnue par Patrimoine canadien mais aucune mesure législative ne la sous-tend.

Nous avons également la Loi sur une journée nationale de commémoration, laquelle vient donner suite à la terrible tragédie de l'Université de Montréal survenue le 6 décembre 1989. Ce jour est reconnu comme la Journée nationale de commémoration et d'activités concernant la violence dirigée contre les femmes.

Certains jours sont reconnus par le Parlement, d'autres par un ministère et d'autres enfin, par le premier ministre.

Nous avons également promulgué la Loi instituant des jours de fête légale, qui vient reconnaître la Fête du Canada, le jour du Souvenir et le Jour de Victoria. Cette loi vise à rappeler aux employeurs qu'ils sont obligés de payer en surtemps leurs employés qui doivent travailler au cours de ces trois journées.

Nous avons enfin parcouru le site Web du Patrimoine canadien où nous avons constaté qu'il y a de nombreux jours que l'on souligne au cours de l'année, au moins au sein de certaines organisations. Il y a la Semaine internationale de la femme, la Journée mondiale du théâtre, la Journée internationale de la danse et la Journée canadienne du livre, pour ne nommer que ceux-là. Nulle part, cependant, n'avons-nous trouvé un événement venant reconnaître une personne. Nulle part dans le calendrier du Patrimoine canadien ne retrouve-t-on de jours venant reconnaître des particuliers comme tels - certainement pas des Canadiens. Le Jour de Victoria est toujours désigné ainsi par de nombreuses personnes. Cependant, aucun Canadien n'est reconnu nulle part, que ce soit pour un congé férié ou pour un jour de reconnaissance. Il y a sur ce calendrier de la place où inscrire le nom de grands Canadiens auxquels on pourrait rendre la reconnaissance qu'ils méritent. Qui choisir de mieux pour commencer que sir John A. Macdonald et sir Wilfrid Laurier?

Monsieur le président, c'est tout ce que j'ai à dire quant à la façon dont on décide de déclarer ou non des congés. Il n'y a pas de modèle général à suivre. À moins qu'il y ait des questions sur cet aspect précis de ma présentation, je vais maintenant demander au professeur Morton de nous donner plus de détails sur la question.

M. Desmond Morton, directeur, Institut d'études canadiennes de McGill: Monsieur le président, j'ai préparé quelques notes sur l'importance de ces deux hommes et tiré certaines citations des grandes réflexions qu'ils nous ont laissées. Cependant, quand je regarde ici autour de moi, il me semble on ne peut plus évident que les honorables sénateurs membres de ce comité n'ont pas de leçon d'histoire à recevoir de moi.

Ce que j'ai pensé faire, peut-être, c'est de chercher des façons de vous inviter à aider les Canadiens à réfléchir sur leur passé et sur leur pays par le truchement de ces deux personnes, plutôt que de penser seulement à eux-mêmes. Il s'agit là de deux personnes importantes. Ce sont les deux premiers ministres qui ont donné sa toute première forme à notre pays. Ils n'étaient pas des partenaires, comme Lafontaine et Baldwin ou Mackenzie King et Ernest Lapointe. C'étaient des adversaires politiques, portant toutes les différences que notre système conflictuel peut susciter.

Le Canada en a aussi fait deux hommes étonnamment semblables lorsqu'ils ont dû assumer les responsabilités du pouvoir, les réalités de notre pays ne changeant pas très facilement même lorsque les gouvernements changent. Peut-être cette leçon essentielle et ses conséquences font-elles en sorte d'augmenter l'utilité d'étudier ces deux leaders parce que leur nette vision du Canada et de son potentiel se doublait d'un sens du compromis que l'histoire a montré comme indispensable à tout avenir partagé.

Je pourrais continuer à illustrer ces réflexions par des phrases qu'ils ont dites, mais vous avez ou vous pouvez obtenir le texte de ce que je voulais vous lire. Aussi, je ne crois pas qu'il soit nécessaire de les répéter ici, même si je me ferais un plaisir de le faire.

Ce qu'il faut vous rappeler, c'est que des Canadiens de tout le pays, unis dans leur diversité de langue et d'expérience, ont le sentiment que nous ne sommes pas aussi au courant de nos traditions et de notre passé que nous pourrions l'être, pour le meilleur ou pour le pire. Il vaudrait mieux, croyons-nous, oublier certains éléments de notre passé. Tous ne sont pas glorieux, honorables ou nobles. Tout ce que ces deux hommes ont fait n'était pas entièrement et indubitablement admirable. C'est là une tradition américaine qui, je crois, se nomme le suppressio veri. Nous avons énormément à apprendre de ces deux hommes, car ils ont perçu leur pays, leur époque et leurs concitoyens avec un réalisme qui, à mon avis, sera davantage apprécié des gens qui suivent la politique - une noble profession s'il en est - que de ceux qui fuient la tentation de faire face à la réalité. Je crois qu'ils nous ont donné des leçons de civisme en trois dimensions. Ce ne sont pas des héros à deux dimensions, mais de véritables Canadiens à trois dimensions qui, durant leur vie, ont fait face à bien des problèmes que nous affrontons nous aussi. Quand on se penche sur leurs vies respectives et leurs interactions, on constate qu'ils les ont abordées avec une certaine noblesse et une certaine vision qui en ont fait d'excellents modèles et de grands leaders de notre pays, non pas des gens parfaits, mais des êtres humains - des êtres humains un peu plus grands que la moyenne, pour m'exprimer poliment et modérément, avec une réserve toute canadienne.

Même si je me ferai un plaisir de justifier leurs actions collectives ou individuelles avec les quelques bribes de connaissances que je peux apporter, je veux vraiment que vous songiez aux possibilités d'aider nos compatriotes canadiens à réfléchir à la façon dont notre pays est né, aux valeurs dont il a besoin pour poursuivre son développement et à la manière vraiment personnelle dont ces deux hommes ont aidé à concevoir et à préserver ces valeurs.

Au XXIe siècle, les Canadiens ont besoin de balises quant au genre de pays que nous souhaitons. Nous avons besoin de certaines occasions, peut-être une ou deux fois par année, ou plus souvent, pour faire une réflexion critique sur nous-mêmes, mais avec un certain sens de la réussite. Nous avons la chance de compter deux anciens premiers ministres qui, aussi différents fussent-ils, reflètent les deux langues, les deux cultures et les deux religions dominantes de leur époque. Bien sûr, l'un d'entre eux était un nouveau Canadien, au sens littéral du terme, alors que l'autre faisait partie de l'autre grande culture de notre collectivité.

J'aimerais vous citer un commentaire - et vous inviter à deviner qui l'a formulé, parce que je pense que cela a vraiment de l'importance. L'un d'entre eux a dit ceci:

Notre pays est grand, et deviendra l'un des plus grands de l'univers si nous le préservons; nous sombrerons dans l'insignifiance si nous le laissons se morceler.

Peu importe qui des deux ait dit cela, car je crois que Laurier ou Macdonald pourraient tous deux l'avoir fait, et l'ont fait effectivement, mais dans des termes différents et devant des groupes différents.

C'est là une des raisons pour lesquelles je veux que vous aidiez les Canadiens à prendre un peu de temps chaque année pour tirer parti de l'expérience de ces deux grands hommes. À mon avis, voilà ce que permettrait ce projet de loi, et je l'appuie fermement.

Le président: Merci beaucoup à vous deux. J'ai le nom de plusieurs sénateurs sur ma liste.

Le sénateur Forrestall: Je serai très bref. Ma question s'adresse au sénateur Lynch-Staunton. J'attire son attention sur le préambule.

ATTENDU QUE Sir John Alexander Macdonald est né le 11 janvier 1815; et

QU'il fut l'un des fondateurs de la Confédération;

 

Cela est important.

QU'il fut le premier des premiers ministres du Canada;

QUE Sir Wilfrid Laurier est né le 20 novembre 1841;

QU'il fut le premier ministre du Canada de 1896 à 1911;

QU'il fut, parmi les premiers ministres, le premier d'ascendance française [...]

 

Comme vous l'avez noté à la lecture du texte, on y trouve les dates de la période au cours de laquelle sir Wilfrid Laurier était premier ministre, mais pas de celle où sir John A. Macdonald l'était. Je me demande, sénateur, si vous n'êtes pas en train de manquer d'égard envers mon ancien chef.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ce serait là notre ancien leader. Non, je ne crois pas que c'est ce que nous avions en tête. Le fait qu'il ait été le premier des premiers ministres dit tout, et nous avons eu une assez longue discussion cette semaine sur la valeur des préambules. Je ne sais pas si vous voulez vous engager dans une telle discussion ici également.

Le sénateur Forrestall: Très bien, monsieur le président, dans la mesure où ce n'était pas un oubli, cela me satisfait.

Merci d'avoir accompli un tel travail. Je pense qu'il y a longtemps qu'on aurait dû le faire.

Le sénateur Fairbairn: Premièrement, merci à notre collègue, le sénateur Lynch-Staunton, d'avoir présenté ce projet de loi. Je pense que cela était dû depuis longtemps et je vais certainement lui accorder mon appui.

Je tiens également à remercier notre invité, le professeur Morton. Le fait d'avoir lu, monsieur, certaines des citations que vous nous avez remises, de même que la suggestion que vous nous avez faite, nous aident, d'une certaine façon, à trouver des idées quant au meilleur moyen d'utiliser notre histoire pour l'enseigner aux élèves et, en fait, aux citoyens adultes de notre époque.

Mis à part l'éloquence de ces messieurs, je suis frappée par les questions que vous avez choisies en particulier. Je suppose que nous pourrions tous glisser ces citations dans nos discours. Les commentaires de sir John A. Macdonald sur les deux langues officielles sont très pertinents aujourd'hui, certainement dans ma région du pays, l'ouest du Canada. La déclaration sur la patrie et le patriotisme formule une chose qui, je l'espère monsieur le président, ira au-delà de ces murs, au fur et à mesure que nous étudions ce projet de loi, et incitera les sénateurs à trouver des façons différentes de mettre en lumière le fondement de l'histoire politique du Canada et les raisons pour lesquelles nous défendons toujours ce pays, parce qu'il n'a pas changé. Je tiens à vous remercier.

Nous citons souvent à tort certaines de ces déclarations. Il est bon de les situer dans le contexte de l'époque, dans un contexte qui les rend encore plus significatives que si on les prend isolément. Je vous en remercie. Ma mémoire a été ranimée - mon imagination aussi, j'espère.

M. Morton: Merci, sénateur Fairbairn.

Le sénateur Graham: Bienvenue à notre comité. La grande réputation de M. Morton comme l'un des éminents historiens de notre pays et de notre époque n'est plus à faire.

Je tiens à féliciter le sénateur Lynch-Staunton d'avoir déposé une mesure législative si opportune. Je ne crois pas qu'il trouvera beaucoup de gens autour de cette table qui voudront en contester les mérites.

Professeur Morton, j'aime les citations que vous nous avez remises de sir John A. Macdonald et de sir Wilfrid Laurier. Je veux joindre mes efforts à ceux du sénateur Fairbairn dans la recherche de façons dont nous pourrions encourager les Canadiens, surtout les jeunes, à mieux comprendre comment notre pays a été bâti et comment il faut le préserver.

Je vais vous donner un exemple. Peu de temps après le référendum de 1995 au cours duquel nous avons presque perdu le pays, je suis allé à Québec pour rencontrer des gens et pour tâter le terrain, pour voir ce qui amenait les gens à penser de la manière dont ils le faisaient. Je me souviens de m'être trouvé sur les plaines d'Abraham à lire la plaque sur la statue de Jeanne d'Arc. Les premiers mots que j'y ai vus étaient «Ô Canada». Peut-être puis-je paraphraser le texte de l'écriteau où on dit: «Cet hymne national glorieux, écrit par Adolphe-Basile Routhier, musique de Calixa Lavallée, a été entonné pour la première fois le jour de la Saint-Jean-Baptiste, en français, le 24 juin 1880.» Monsieur, c'est là une chose que je ne savais pas. Je me demande combien de Canadiens savent que notre hymne national a été composé par un Canadien français, chanté pour la première fois en français, à Québec, à la Saint-Jean-Baptiste. À mon avis, c'est le genre de choses que nous devrions enseigner à nos jeunes.

Je vous félicite en tant qu'historien. Peut-être pourriez-vous nous donner des suggestions à l'avenir quant à la façon dont les sénateurs et le Sénat pourraient promouvoir l'histoire et l'éducation dans notre pays.

Le sénateur Murray: Monsieur le président, je pense que nous ici présents devrions souligner que même si sir Wilfrid Laurier a été le premier premier ministre canadien-français et le premier premier ministre élu du Québec, le tout premier premier ministre venant du Québec a été le sénateur John Abbott, qui a été nommé contre son gré à ce poste et qui aimait tellement peu ses fonctions qu'il les a quittées après plusieurs années - après un an plutôt?

Bien sûr, je suis en faveur de ce projet de loi et je félicite chaleureusement le sénateur Lynch-Staunton de l'avoir présenté.

Le professeur Morton a rédigé ce que les jeunes appelleraient une super bonne composition, et c'est vraiment un super bon travail que d'avoir réuni la vie, la carrière et les contributions de ces deux grands Canadiens et ce, de façon si extraordinaire. Je suppose que si les Canadiens ont eu ou ont encore des héros politiques, ces deux-là, sir John et sir Wilfrid, figureraient en tête de liste.

Je ne peux résister à la tentation de profiter de l'occasion, professeur Morton, de vous demander si vous avez lu certaines choses qui ont été écrites récemment, certaines recherches ou peut-être de vieux documents qui ont été mis au jour concernant les premiers écrits de sir Wilfrid Laurier avant, je crois, qu'il ne vienne en politique. Ces écrits laissent fortement entendre qu'avant qu'il n'entre en politique fédérale, il aurait été ce que nous appellerions aujourd'hui un séparatiste. Avez-vous vu ces écrits? Certains articles à ce sujet ont paru dans les médias au cours des derniers mois.

M. Morton: Mon ennemi aurait-il écrit un livre?

Oui, ses opinions ont varié. C'était un jeune radical. Je remarque que l'un de vos collègues du Cabinet devient soudainement un vieux radical en visite à Québec. De toute évidence, Wilfrid Laurier a commencé plus jeune. Peut-être qu'il est devenu plus contraint, bien que je pense qu'au cours de ses dernières années, il était énormément déçu de l'évolution du pays, d'un côté comme de l'autre, tant de ceux qui s'opposaient au Canada au fur et à mesure qu'il se développait, que de ceux qui étaient opposés au Québec et à sa place dans le Canada. Quand on regarde l'ensemble de la vie de ces deux hommes, on trouve plein d'exemples instructifs de ce genre.

Ce qui me frappe, c'est à quel point ils ont évolué et à quel point leurs époques toléraient leur croissance et leur évolution. Rappelez-vous en 1885 au Champ-de-Mars à Montréal, lorsque Laurier a dit que s'il avait été sur les berges de la Saskatchewan, lui aussi, il aurait pris son fusil contre le gouvernement au nom des Métis. On lui a souvent rappelé cette phrase et jeté au visage dans les années de politique qui ont suivi. Ça lui a coûté cher. En même temps, cependant, cela était immensément instructif pour bien d'autres personnes qui n'auraient jamais été informées de ce point de vue si un éminent leader national ne l'avait exprimé.

Macdonald aussi a été quelqu'un qui a amené énormément de perspicacité et de vision en politique, ainsi que beaucoup de ruse. Je crois qu'il faut sans doute posséder ces deux qualités pour occuper ces fonctions d'État.

Comme je l'ai dit, pour moi, ce qui est essentiel chez ces hommes, ce n'est pas qu'ils sont des sépulcres blanchis de rectitude politique absolue de tout genre, mais bien qu'il vaut la peine d'en faire l'objet d'études. Je crois que les gens qui étudieront leur histoire les comprendront mieux. C'est ce que je prétends.

Le sénateur Roche: Monsieur le président, en cette première occasion que j'ai de rencontrer le professeur Morton, personnellement ou en public, je ne peux résister à l'envie de le remercier de l'enrichissement qu'il a apporté à notre société, en particulier, à mes étudiants, grâce à ses travaux. J'utilise ses travaux. Sa brève histoire du Canada est un ouvrage exemplaire tellement il inclut d'éléments qui composent notre pays. Voilà pourquoi je vous remercie, professeur Morton.

J'aimerais connaître l'opinion tant du sénateur Lynch-Staunton que du professeur Morton sur le point que je vais soulever. Je ne veux pas l'explorer à fond. Je me demande seulement s'ils ont songé à réunir ces deux grands hommes dans une seule célébration, le même jour. Je suis tout à fait d'accord pour appuyer le projet de loi dans sa forme actuelle. Après avoir écouté le sénateur Lynch-Staunton et le professeur Morton cet après-midi, les deux avaient comme sous-thèmes les éléments communs qui réunissent ces deux personnages. Se référant à sir John A. Macdonald et à sir Wilfrid Laurier, le sénateur Lynch-Staunton a dit que c'étaient deux grands Canadiens. Il n'a pas dit que l'un était un grand conservateur alors que l'autre était un grand libéral.

Le professeur Morton a également présenté les deux en les réunissant l'un à l'autre en regard de ce qu'ils ont fait pour le Canada. Dans une réflexion extrêmement profonde, le professeur Morton a dit que les réalités ne changent pas même lorsque les gouvernements changent. Il suffit d'être ici très brièvement pour se rendre compte à quel point cela est vrai. Il a ensuite tenté de justifier l'attention que l'on porte à ces journées d'un point de vue collectif. L'exposé du professeur Morton réunit les deux aspects.

N'est-il pas enrichissant de voir ce croisement de personnages dans la présentation, de voir comment on peut les opposer l'un à l'autre? Ce que je veux vraiment dire ici, c'est qu'il faut aider les Canadiens, surtout les jeunes, ceux que je rencontre à l'université, à comprendre que ce n'est pas de la partisanerie, que vous ne détenez pas la vérité parce que vous appartenez à un parti et que l'autre a tort parce qu'il appartient à un autre parti, mais qu'ensemble, leurs idées constituent l'essentiel de la grandeur, ou à tout le moins de la possibilité de grandeur que représente le Canada.

Le sénateur Lynch-Staunton: Notre recherche nous a amenés dans d'autres pays pour voir comment on y abordait la question des congés. Aux États-Unis, par exemple, il y a le Presidents Day, qui a plus ou moins remplacé l'anniversaire de Washington même si certains États reconnaissent encore ce dernier. Tout comme au Canada, de nombreux jours sont retenus par certains États particuliers. Le gouvernement fédéral en retient certains. Au Canada, certains provinces reconnaissent certaines événements que d'autres ne retiennent pas. Nous avons aussi nos journées nationales.

J'ai étudié l'histoire du Canada à l'université Queen il y a plusieurs années. J'essaie toujours de finir ma thèse de maîtrise. Je vais pouvoir me vanter d'être le plus vieil étudiant de l'université Queen's lorsque j'aurai finalement mon diplôme. Je m'intéresse à l'histoire depuis longtemps. Je crains, et j'en suis un témoin très proche, qu'il n'y ait pas une ignorance comme telle, mais un détachement général à l'égard de notre histoire, en particulier de nos origines. C'est bien beau de parler de Confédération. Pour nombre de personnes, ce ne sont là que des mots. Si nous pouvons identifier le principal architecte de la Confédération et le principal architecte de l'unité nationale à un moment où l'unité nationale était plus menacée qu'elle ne l'est aujourd'hui, mais dans des circonstances différentes, alors, dans mon esprit, en reconnaissant les deux hommes comme deux personnes différentes bien vivantes dans notre mémoire, eh bien on les connaîtra mieux et on sera de plus en plus fiers d'être Canadiens. Je crois que c'est la meilleure avenue à emprunter plutôt que de les fusionner à ce moment-ci. C'est la raison pour laquelle nous avons considéré les journées séparément.

L'autre avantage vient de ce que l'une des journées serait célébrée au début du printemps, l'autre à la fin de l'automne. Pour ce qui est du calendrier, elles seraient bien séparées l'une de l'autre.

Je n'ai pas d'objection à jumeler les deux. Cependant, pour l'instant, je pense qu'il est préférable de les considérer séparément de sorte qu'on puisse identifier les deux personnes comme des personnes distinctes qui, bien qu'elles aient beaucoup en commun, travaillaient dans des circonstances distinctes et différentes au moment où elles ont occupé le poste de premier ministre.

Je ne sais pas ce que vous en pensez, professeur Morton.

M. Morton: Je n'ai pas d'opinion bien formée. Par profession, j'ai tendance à penser que l'on ne parle pas beaucoup d'histoire au Canada et qu'en parler un peu plus ne ferait pas de tort. Peut-être que deux fois plus serait encore mieux.

En général, j'ai tendance à les percevoir comme une seule entité parce que je les vois comme premiers ministres. À l'instar du sénateur Lynch-Staunton, je crois que l'objectif visé serait atteint si on retenait une journée pour reconnaître deux grands premiers ministres, ainsi que d'autres. Cependant, je pense aussi qu'ils sont différents. Le sénateur Lynch-Staunton a établi le bien-fondé d'examiner divers aspects de même que diverses périodes de l'année au cours desquelles on pourrait les reconnaître. Il n'est pas question ici d'un congé férié. Nous parlons d'occasions où nos institutions et nos médias peuvent attirer l'attention sur le fait que c'est la Journée de Laurier tel jour, et que Laurier a été premier ministre de 1896 à 1911, attirer l'attention sur les événements qui se sont produits à son époque et sur les crises dans sa vie et au cours de son mandat. La même chose vaut pour sir John A. Macdonald.

Tout ce que je crois fermement, c'est qu'ils sont de très bons symboles et de très bons centres d'intérêt si l'on veut comprendre les enjeux du passé de notre pays et formuler des rêves pour son avenir.

Le sénateur LeBreton: Je crois qu'il est préférable d'avoir deux journées distinctes parce que, comme vient tout juste de le dire le professeur Morton, on comprend et on connaît tellement peu notre histoire, ce qui, à mon avis, vient apporter un bien triste commentaire sur notre système d'éducation.

Pour les fins du compte rendu, sénateur Forrestall, sir John A. Macdonald a été le premier premier ministre du Canada en 1867. Il a été défait, bien sûr, sur une question de scandale mais il a été réélu en 1878, 1882, 1887 et 1891. Il est mort en juin 1891.

Ma question s'adresse à vous, professeur Morton. Elle donne suite à votre argument en faveur d'une journée consacrée à Macdonald, d'une autre consacrée à Laurier. Lorsque les médias en parleront, les gens seront bien obligés, à tout le moins pendant un bref moment, de faire un retour sur notre histoire pour comprendre pourquoi nous soulignons ces journées en honneur de ces personnes.

Même aujourd'hui, que pouvons-nous faire en tant que parlementaires et citoyens du Canada? Je sais que le système d'éducation est complètement contraint par les compétences provinciales, mais selon moi, et je suis certaine que vous le voyez dans votre profession, il est très triste de voir comment on enseigne l'histoire canadienne et à quel point la plupart des gens la méconnaissent. J'aimerais savoir ce que vous pensez des moyens que nous pouvons commencer à utiliser pour corriger cette situation, même sur le tard. Peut-être que notre proposition est une façon de le faire.

M. Morton: Vous m'amenez sur toute une question; je vais tenter de ne pas entrer dans tous les détails.

En 1999, mon institut a tenu une conférence sur l'enseignement et l'apprentissage de l'histoire au Canada et nous avons appris tous ensemble beaucoup de choses, dont une va peut-être vous surprendre. Tous les autres pays ont le même problème, les États-Unis encore plus que nous. À la fin des années 80, les Américains ont fait un sondage exhaustif qui a révélé, par exemple, que le tiers des Américains ne pouvaient donner la date de la guerre civile. Un autre tiers l'a placée dans le mauvais siècle. Résultat: durant les règnes de Reagan et de Bush, on a déployé de nombreux efforts pour intégrer davantage l'histoire au programme scolaire - ce que l'on appelle les guerres de l'histoire dans les cercles intellectuels et dans les milieux de l'éducation aux États-Unis - avec des résultats minimes, parce que ce qu'on devait enseigner devenait aussi important que le fait que ça devait l'être.

Nous avons beaucoup à apprendre des États-Unis, de la Grande-Bretagne et de la France. Chaque pays était déçu de la façon dont l'histoire était enseignée, tout comme nous, sauf une étrange exception - la Russie. Les Russes ont tellement d'autres problèmes qu'ils n'étaient pas intéressés par cette proposition. Mais c'est un problème qui n'est pas nouveau. Il est redécouvert tous les 20 ans. Northrop Frye s'en plaignait dans les années 60. La question a fait l'objet du rapport Hope en Ontario dans les années 40. Ça nous ramène aussi à la Colombie-Britannique où un livre d'histoire a été retiré du marché parce qu'il était pernicieux au point d'expliquer pourquoi les Canadiens français n'avaient pas voulu appuyer la conscription. Il est très très difficile d'enseigner l'histoire dans les écoles.

Je me souviens du professeur Bette Stephenson, que vous connaissez, qui me montrait son dossier sur l'enseignement de l'histoire en Ontario. C'est un dossier très épais, la question étant tellement controversée. Elle m'a ensuite montré son dossier sur l'enseignement des mathématiques. La chemise en était fort mince.

L'histoire est une matière difficile à enseigner, mais il se fait beaucoup de travail à l'extérieur de l'école. De fait, à un moment donné, j'avais l'habitude de dire que l'histoire ne devrait pas être enseignée aux jeunes, qu'elle devrait faire partie des programmes d'éducation des adultes, qu'elle est trop compliquée. De cette façon, les enfants la comprendraient. Ils chercheraient à s'en informer et à lire à ce sujet. Et comme ça, on contournerait les gens entre les deux qui veulent la purifier et la rendre vertueuse. En fait, les jeunes connaissent beaucoup plus l'histoire qu'on ne le pense.

Il y a de nombreuses autres façons d'apprendre l'histoire. Le sénateur Graham a parlé de Calixa Lavallée et du Ô Canada. Si vous allez au cinéma, vous vous souviendrez peut-être des Minutes du patrimoine qui, en fait, racontaient cette histoire. Pas nécessaire d'aller sur les plaines d'Abraham - merci de l'avoir fait, mais cette histoire est à la portée des gens.

Une bonne partie de l'histoire s'apprend, et comme toute autre chose, elle s'apprend quand on est prêt à l'apprendre. Lorsqu'on est prêt à se renseigner au sujet de Macdonald, bien, les renseignements devraient être à notre portée. Si vous ne voulez rien savoir à ce sujet, vous vous en fichez; cela ne veut rien dire pour vous. On peut forcer les enfants à s'asseoir et à écouter jusqu'à ce que la tête leur tombe des épaules sans qu'ils apprennent quoi que ce soit. Ils apprennent seulement lorsqu'ils deviennent curieux et se disent: «Eh bien, ce n'est pas si mal après tout. Qu'est-ce qui lui est arrivé?» C'est à ce moment-là que la curiosité crée des apprenants. On enseigne beaucoup d'histoire au Canada aujourd'hui même, mais on n'apprend pas beaucoup de choses. Ce passage de l'enseignement à l'apprentissage est difficile.

Soit dit en passant, en octobre prochain, une deuxième conférence sur la même question exactement se tiendra à Winnipeg. Nous allons nous réunir à nouveau pour voir ce qui en est des éléments que nous avons tenté de saisir au cours des deux dernières années. Je pense que nous allons en apprendre encore davantage.

Le sénateur LeBreton: Peut-être alors, seulement pour donner suite à ce que vous avez dit, un projet de loi comme celui-ci favorisera-t-il la curiosité. Les gens vont peut-être vouloir trouver exactement qui ces deux personnes sont et quelle a été leur contribution.

Le sénateur Cordy: Merci beaucoup à vous deux d'être venus nous parler du projet de loi S-14.

Sénateur Lynch-Staunton, lorsque vous avez commencé à discuter de votre projet de loi, je dois dire que je me suis demandé pourquoi on n'appelait pas ça la Journée des premiers ministres. Cependant, plus j'y réfléchissais et après avoir lu l'information que vous nous avez envoyée, plus je me rangeais à l'autre extrémité du spectre, en me disant qu'il faut avoir des désignations particulières pour chacun des deux jours.

Le sénateur Roche a parlé tout à l'heure de l'enseignement aux jeunes Canadiens. J'ai enseigné à des Canadiens encore plus jeunes à l'école primaire. Il était très triste de se rendre compte que les enfants reconnaissaient probablement mieux des noms américains que des noms canadiens. Si vous leur donnez le nom de notre premier ministre, ils diront probablement qu'il est président et non premier ministre.

Étant donné mes antécédents d'éducatrice, je pense qu'il est tellement important pour les enfants d'apprendre à connaître les grands Canadiens et d'apprendre l'histoire de notre pays. Quelqu'un a parlé de la curiosité tout à l'heure. Si on donne un nom à la journée, cela piquera la curiosité non pas chez tous les enfants, malheureusement, mais au moins chez certains, et on peut commencer à petites doses. Cela piquera la curiosité de certains enfants et, on l'espère, celle d'adultes qui voudront connaître davantage ces deux personnes.

Là encore, je tiens à vous remercier d'être là aujourd'hui.

Le sénateur Cook: Moi aussi je tiens à ajouter mes remerciements. Comme je suis une nouvelle Canadienne, une Terre-Neuvienne de naissance, nous célébrons le 31 mars. C'est la journée de Joey. Il en sera toujours ainsi.

Le sénateur Graham: Je croyais que le 31 mars était la fin de l'année financière.

Le sénateur Cook: Soyons sérieux, que faisons-nous maintenant? Comment ce merveilleux projet de loi portant sur des bâtisseurs de notre pays réussira-t-il à toucher mon petit-fils de huit ans, Joshua? Je suis ici à essayer d'obtenir des réponses à ces questions. Joshua arrivera à la maison le Jour de l'Armistice ou la Semaine de l'Armistice et nous parlera de l'homme qui leur a raconté des histoires de la guerre dans son école.

C'est une première étape formidable. Mais quelle sera la deuxième?

Est-ce que ce sera par l'entremise du Patrimoine canadien que mon petit-fils apprendra des choses sur ces deux hommes? Apprendra-t-il ces choses dans un cours de sciences sociales? Je ne pense pas qu'il sera suffisant de désigner une journée sur le calendrier. D'une façon ou d'une autre, il faut leur donner une place bien à elles si l'on veut que ces journées signifient quelque chose pour la génération suivante. Peut-être que nous pourrions faire une séance de visualisation sur cette question.

M. Morton: Sénateur, l'une des caractéristiques de ce projet de loi, que connaissent bien toutes les personnes qui déposent des mesures législatives de ce genre, est de réduire leurs répercussions sur les ressources. Si nous avions proposé un congé férié, où tout le monde doit rester chez lui, tout le monde doit aller au parc et célébrer, vous savez jusqu'où le projet de loi se serait rendu. Il serait disparu au bout de cette table.

Le fait de le situer dans la réalité, d'avoir cette discussion ouvre les perspectives quant à la reconnaissance de ces noms. On constate un intérêt surprenant, comme on s'en rend compte ici, à l'égard de l'état des connaissances sur le passé du Canada; il y a de la curiosité au sujet de ces personnes qui, d'une façon ou d'une autre, nous ont représentés.

Mon institut, l'Institut d'études canadiennes de McGill, est en très grande partie le produit d'une personne, Charles Bronfman, et de son désir de favoriser l'étude du Canada, ce qu'il a fait auparavant par l'entremise des Minutes du patrimoine. Je ne sais pas si les honorables sénateurs en ont vu, mais elles étaient, je crois, remarquablement bien faites à cet égard. Il avait pensé pouvoir produire des petits films que les gens pourraient regarder. Il a découvert que le coût des productions télévisuelles de qualité était à peu près dix fois ce qu'il avait imaginé, mais il a mis la main dans sa poche et payé. Il n'a pas fait de compromis sur la qualité. Nous avons tous vu des vidéos de piètre qualité. La série des Minutes du patrimoine n'est pas de ce calibre et elles ont un impact. Elles sont bien aussi bonnes que tout ce qui a été produit.

Bien que j'estime, et je le crois fermement, que la communauté veuille préserver son histoire et ses archives, je pense qu'il y aura toujours un intérêt chez les personnes qui se préoccupent suffisamment de ces questions pour vouloir agir.

La série des Minutes du patrimoine a suscité la création de quelque chose que l'on a appelé «Historica». Red Wilson, qui était autrefois à la BCE, a pris sa retraite pour réaliser ce projet. Il a intéressé d'autres personnes à poursuivre l'enseignement et l'étude de l'histoire et du patrimoine canadiens et ce, principale ment dans le cadre d'une initiative du secteur privé.

Le fait que sir John A. Macdonald et sir Wilfrid Laurier soient honorés lors de journées spéciales - à la condition que le projet de loi soit adopté - lance un signal pour des gens comme M. Bronfman, M. Wilson, notamment, leur indiquant qu'ils ne sont pas seuls. Ils ne poursuivent pas une aventure excentrique et ridicule. Ils font ce que nous, Canadiens, voulons qu'ils fassent. Ce projet de loi a le pouvoir de confirmer haut et fort, avec l'appui important du Parlement du Canada, que ces choses-là devraient être faites.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pour ce qui est de la possibilité de rallier les gens, j'espère que Patrimoine canadien prendra les devants; le ministère a les ressources, les connaissances et l'expérience dans ce genre de choses. Je pense ici aux départements d'histoire de tout le pays, aux conseils scolaires et aux clubs philanthropiques. Il y a beaucoup de ces clubs dont les activités comportent un volet canadien fort important. Cela tomberait dans leur mandat. On pourrait facilement s'allier la presse pour qu'elle consacre une page spéciale à chacune de ces journées. Ça prendra un certain temps, mais je pense qu'avec une bonne coordination, on peut y arriver.

Je suis d'accord avec vous: si nous adoptons tout simplement le projet de loi et s'il franchit l'étape de la Chambre pour ensuite obtenir la sanction royale, nous aurons perdu notre temps. On inclura simplement deux noms au calendrier. Il nous faut préserver ce projet.

[Français]

Le sénateur Morin: Monsieur le président, j'appuie entièrement le projet de loi S-14. Comme on vient de l'indiquer, j'espère qu'on accordera à ces deux anniversaires toute la visibilité qu'ils méritent.

Je voudrais également féliciter le sénateur Lynch-Staunton et le professeur Morton pour leur contribution.

[Traduction]

Le sénateur Callbeck: Vous avez répondu à ma question en répondant à celle du sénateur Cook. Je tiens simplement, pour les fins du compte rendu, à joindre ma voix à celle des autres sénateurs autour de la table pour indiquer mon accord avec l'adoption de ce projet de loi. Je suis certainement d'accord pour dire également qu'il y a un véritable manque de connaissance de l'histoire de notre pays. Les deux journées que propose ce projet de loi constituent véritablement un pas dans la bonne direction. C'est un pas en avant pour aider à sensibiliser davantage les Canadiens. Je vous remercie beaucoup tous les deux.

Le sénateur Fairbairn: J'aimerais faire une brève réflexion sur la question du sénateur Cook et la réponse du professeur Morton en ce qui concerne les Minutes du patrimoine. Il pourrait être instructif de réfléchir aux possibilités qui pourraient découler de ce projet de loi.

Après leur diffusion, les Minutes du patrimoine ont pris une autre dimension. Grâce à la contribution de M. Bronfman, on a fait des efforts pour tenir des festivals du patrimoine dans des régions du pays où la personne qui travaillait à la production des séries se trouvait. C'était extrêmement intéressant pour les étudiants. Et ça les attirait. Les Minutes ont également été produites sous forme d'écrits. Elles n'ont pas uniquement été montrées à la télévision où elles étaient efficaces; on les a amenées sur le terrain où elles ont eu comme une deuxième vie. J'espère que l'on pourra en arriver à ce genre de choses avec ces deux journées.

Sénateur Lynch-Staunton, nous avons peut-être tous une mission à accomplir ici. Une fois que ces journées seront bien connues du public, peut-être que des sénateurs pourraient se rendre dans divers endroits au pays pour participer à des événements célébrant ces deux grands noms.

M. Morton: J'hésite à penser à des programmes d'activités qui tiendraient les sénateurs et les parlementaires occupés. J'ai une autre préoccupation qui découle de l'attitude que les jeunes Canadiens et les moins jeunes adoptent à l'égard de la pratique de la politique. Les gens estiment que c'est un sale métier avec lequel ils n'ont rien à voir, eux ces purs qui se tiennent en dehors de cela. Ces deux hommes étaient des hommes très politiques dans tous les sens du terme.

Le sénateur Murray: Et leurs carrières se sont chevauchées.

M. Morton: C'est exact. Ils se sont affrontés. Ils ont également engagé les mêmes combats. C'étaient des politiciens à l'esprit pratique, comme je l'ai dit plus tôt. Il est important de le souligner parce que la politique a encore maintenant un côté pratique. Les gens ont besoin d'un certain nombre de choses, ils en veulent, et ils s'attendent à en recevoir. Cependant, le processus pour y arriver n'est pas sans tache. Cela se produit à cause de la réalité de l'engagement, de l'argumentation et du débat, ce que ces deux hommes, à leur façon et comme d'autres premiers ministres, ont réalisé. Si ces deux jours permettent à certains Canadiens de réfléchir un peu plus à la nature de notre type de démocratie participative, ils ne verront pas la politique comme quelque chose qui échappe à leur contrôle.

J'ai réfléchi à cela, je dois dire, dans le contexte des événements récents à Québec où il y avait des clivages importants entre les gens qui s'y sont rendus et qui ont investi leur temps et donné leurs opinions sans être véritablement très politisés, sans penser qu'ils avaient une obligation, par exemple, de persuader des majorités. Leur rectitude était passablement pure.

Ici, nous avons affaire à deux hommes, parmi d'autres dans notre monde politique, qui savaient que le fait d'être droit ne les amènerait pas très loin, qu'il fallait persuader d'autres personnes et mobiliser des ressources. Et ils ont assez bien réussi.

À mon avis, la commémoration de Laurier et de Macdonald n'est pas seulement un engagement à l'égard du passé du Canada, pas seulement un engagement à vouloir comprendre le genre de pays qu'ils nous ont donné les moyens d'avoir, mais c'est également la démonstration d'une façon que nous avons ici de faire de la vie publique au Canada une responsabilité publique.

Le président: Sur ces bons mots, je tiens à remercier nos deux témoins d'être venus comparaître. Je suis également heureux de déposer une motion visant à faire rapport du projet de loi S-14 au Sénat sans amendement, ce pourquoi j'estime qu'il y a consensus.

D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: J'aimerais également faire quelque chose d'inhabituel et que je sais que le Comité de la régie interne n'aime pas.

Je crois que c'est le sénateur Murray qui a dit que la déclaration d'ouverture de trois pages et demie, que le professeur Morton a eu la gentillesse de résumer et de ne pas lire, était une «super» bonne composition. Je l'ai trouvée formidable pour ma part. Je pense qu'il nous a fait une faveur en ne la lisant pas entièrement pour la consigner au compte rendu. Je serais ravi que quelqu'un dépose une motion stipulant que nous joignions cette déclaration au compte rendu des délibérations d'aujourd'hui.

D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

(Pour le texte de la déclaration, voir annexe p. 8A:3 )

Le président: Aux sénateurs qui sont membres à plein temps du Comité spécial des affaires sociales, nous vous avons distribué un budget de 18 500 $. Ce budget a été approuvé il y a quelque temps. Cependant, il s'est avéré que nous ne suivons pas les règles. Ceux qui insistent pour que je suive les règles m'ont dit que je dois faire les choses dans un ordre différent.

Ainsi, j'aimerais avoir une motion visant à approuver une fois de plus le budget de 18 500 $.

D'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: Je remercie le sénateur Lynch-Staunton et le professeur Morton d'être venus nous rencontrer aujourd'hui.

La séance est levée.


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