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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 28 mai 2001

Le Comité permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nos premiers témoins ce matin sont le Dr Hugo Hurts, directeur adjoint de la Division de l'assurance-santé du ministère de la Santé des Pays-Bas, et le Dr James Björkman, professeur à l'Institut international d'études sociales, aux Pays-Bas.

Messieurs, je vous remercie d'avoir pris le temps de nous rencontrer aujourd'hui. On nous a décrit de façon assez détaillée la nature du système de soins de santé aux Pays-Bas. Je vous invite donc à nous faire part de vos observations préliminaires à l'égard des points saillants de cette question, et nous tiendrons ensuite une discussion générale.

Le Dr James Björkman, Institut international d'études sociales (Pays-Bas): Je suis heureux de participer à cette vidéoconférence aujourd'hui. Vous avez peut-être constaté par mon accent que je ne suis pas néerlandais. J'ai grandi tout près de la frontière canadienne, mais du mauvais côté, au Minnesota, à environ 50 milles de Winnipeg. De nombreuses choses ont été faites depuis l'époque où j'étais à la ferme au Minnesota. Je suis généraliste, à l'égard non seulement du système de santé néerlandais, mais aussi des systèmes de santé partout dans le monde. Par conséquent, je laisserai à mon estimé collègue, le Dr Hugo Hurts, le soin de fournir des détails sur le système néerlandais. Ma contribution, qui se veut large et comparative, s'assortira de certaines conclusions que j'ai tirées après avoir examiné d'autres systèmes.

J'étudie la politique de la santé depuis ma participation au projet de l'université Yale sur le sujet, en 1972. Depuis, j'ai passé plus de quinze ans au Royaume-Uni, en Suède, en Suisse et aux Pays-Bas, et environ dix ans en Asie, surtout en Inde, mais aussi au Pakistan, au Sri Lanka et au Népal.

L'Institut des études sociales s'attache aux pays en développement, mais mon travail consiste à comparer des pays de partout dans le monde. J'ai publié six livres, y compris plusieurs livres sur la politique de la santé, les plus récents étant intitulés Health Polity Reform, National Variations, and Globalization, en 1997, et Health Policy, en 1998. Les deux textes ont été révisés. Depuis dix ans, je suis professeur d'administration et de politique publiques à l'Institut d'études sociales, et professeur de développement et d'administration publiques à l'Université de Leiden.

Pour commencer, j'aimerais formuler trois observations générales sur la structure du secteur des soins de santé et les façons d'examiner les politiques. Ensuite, je vous poserai une question très simple.

Premièrement, il existe trois leviers permettant d'exercer des pressions sur un système de santé: on peut s'attacher aux problèmes des fournisseurs des soins de santé, c'est-à-dire les établissements et les personnes qui dispensent les soins; on peut s'attacher aux consommateurs des soins de santé, c'est-à-dire le patient - selon diverses formules; et on peut s'attacher aux payeurs des soins de santé, que ce soit au moyen d'impôts centraux, de primes d'assurance ou de frais à l'utilisation. On peut donc cibler ceux qui dispensent les services, ceux qui les reçoivent ou ceux qui les paient. Je suis certain que je ne vous apprends rien, mais c'est un aspect dont il faut tenir compte lorsqu'on envisage les options.

Deuxièmement, j'avancerais que tous les systèmes de santé que je connais cherchent à satisfaire à trois critères. On pourrait résumer ces critères de la manière suivante: chercher à offrir des soins de qualité optimale au coût raisonnable le plus bas, au plus grand nombre de personnes possible. Autrement dit, les artisans des politiques cherchent à améliorer l'accès et à assurer la qualité, tout en veillant à la rentabilité.

Malheureusement, ces trois critères divergent. En d'autres mots, accroître le poids d'un critère suppose généralement qu'on réduit celui des deux autres. Il faut chercher à trouver la combinaison qui convient à un pays donné, à une époque donnée.

Au cours des dix dernières années, en raison de la raréfaction des capitaux, la réforme stratégique la plus courante était le contrôle des coûts. Ce que je souhaite porter à votre attention, c'est que plus la part d'un budget public, national ou provincial, affecté aux soins de santé est élevée, plus la santé devient un enjeu politique important. De fait, plus la part du PNB consacrée aux dépenses en santé est élevée, plus ce domaine est important à la vie publique.

Nous ne devons pas perdre de vue qu'en politique, le contrôle des coûts est une arme à deux tranchants. Pour citer un vieux truisme économique, je dirais que la dépense de l'un est le revenu de l'autre. Par conséquent, parler de contrôle des coûts revient aussi à parler de contrôle des revenus, et cette question est très délicate.

Le troisième aspect, sur lequel j'effectue des recherches et j'écris depuis plusieurs décennies dans des pays en développement et dans des pays industrialisés, est la gamme d'instruments d'intervention que l'on peut utiliser. Lorsque les gouvernements tentent d'influencer ou de façonner un système de santé, ils choisissent l'une des trois méthodes ou les combinent. Ces méthodes portent de nombreux noms, mais elles s'inscrivent dans trois catégories. Lorsqu'ils sont confrontés à un problème touchant la prestation de services de santé, les gouvernements peuvent tenter de centraliser, de décentraliser ou de s'en remettre au mécanisme du marché.

Ce que j'essaie de dire, c'est qu'en examinant l'histoire des systèmes de santé, j'ai tiré les conclusions suivantes: le Royaume-Uni a toujours cherché à resserrer son système, même lorsqu'il a installé le prétendu marché intérieur; la Suède a toujours tenté de céder la responsabilité aux échelons inférieurs, parfois pour partager le blâme tenant au fait que, bien souvent, les services ne sont pas à la hauteur des attentes; les États-Unis et leurs émules ont souvent prôné la loi du marché, même lorsque la répartition inégale des ressources rend manifestement cette méthode inutilisable.

Les Pays-Bas forment un petit pays où l'interaction entre les participants est intense, et les trois leviers stratégiques ont été proposés à diverses époques de son histoire. De fait, il y a plusieurs années, j'ai collaboré avec un collègue newyorkais sur un livre dont un chapitre porte sur les expériences historiques des Pays-Bas en matière de réforme. Je serai heureux de vous remettre ce document plus tard.

Plus récemment, grâce à la disponibilité d'information sur la distribution statistique, la morbidité et la mortalité, ainsi qu'à l'évolution des moyens techniques permettant de diffuser et de communiquer cette information, on a de plus en plus tendance à penser en termes d'effets de démonstration. On veut voir comment fonctionne un pays et on espère qu'un autre pays peut faire la même chose, ou faire ce que l'on croit que l'autre pays fait, car il est souvent question non seulement de perceptions, mais aussi de perceptions erronées.

Le comité a sûrement déjà parlé de l'utilisation et de l'utilisation abusive des idées de divers systèmes, mais il faut aussi faire preuve de prudence lorsqu'on parle d'en savoir plus sur d'autres systèmes. De fait, plusieurs de nos collègues établissent souvent une distinction entre apprendre le fonctionnement d'un autre système et apprendre d'un autre système, et nous pourrions peut-être en discuter.

À la lumière de ces observations préliminaires, permettez-moi de vous demander, en toute honnêteté et humilité, pourquoi le système canadien aurait besoin de changer. On peut toujours chercher à améliorer ces systèmes, c'est peut-être une caractéristique commune des humains. Par contre, la semaine dernière, le jour même où j'ai reçu l'invitation à participer à cette vidéoconférence, j'ai reçu un rapport non sollicité de l'Institut canadien d'information sur la santé. Voici une citation du dernier chapitre de Les soins de santé au Canada 2001:

Malgré tout, le changement suit résolument les mêmes axes. En effet, la plupart des Canadiens sont encore en bonne santé. L'espérance de vie augmente aussi, même si des différences importantes subsistent à l'intérieur des collectivités, et d'une collectivité à l'autre. En grande majorité, les Canadiens demeurent satisfaits des soins qu'ils reçoivent.

Je vous pose donc la question suivante: quel est le but de l'étude du comité du Sénat, si ce n'est la découverte plus approfondie du monde, qui constitue en soi une entreprise valable?

En conclusion, je cite deux spécialistes du domaine des études comparées. Peut-être ont-ils déjà témoigné devant le comité. Sinon, je profite de l'occasion pour mentionner leur nom. Il s'agit de Mme Carolyn Hughs Tuohy, professeure à l'Université de Toronto, et de M. Michael Decter, ex-fonctionnaire du Manitoba et expert-conseil dans le domaine de la politique de la santé. En 1999, la Dre Tuohy a rédigé un ouvrage intitulé Accidental Logics: The Dynamics of Change in the Heath Care Arena in the United States, Britain, and Canada. En 2000, Michael Decter a publié Four Strong Winds: Understanding the Growing Challenges to Health Care.

Ils font tous deux partie d'une conférence annuelle dans le cadre de laquelle on étudie quatre pays de même que leurs politiques et réformes de la santé. Depuis 1995, nous nous sommes ainsi intéressés au cas du Canada, des États-Unis, de l'Allemagne et des Pays-Bas. Mon collègue, le Dr Hurts, fait aussi partie de ce groupe. En fait, à la mi-juillet de cette année, nous allons nous réunir à nouveau dans notre merveilleux pays, soit à Gananoque, en Ontario, pour une autre séance. Peut-être certains d'entre vous y seront-ils présents.

Le Dr Hugo Hurts, directeur adjoint de la Division de l'assurance-santé, ministère de la Santé (Pays-Bas): Je suis au service du ministère de la Santé depuis 1985. Dès le départ, j'ai été mêlé aux débats stratégiques entourant la restructuration du système de soins de santé de la Hollande. J'ai été secrétaire adjoint de M. Dekker, ex-président de la société Dutch Phillips. En 1986, on lui a demandé d'agir comme conseiller auprès du gouvernement néerlandais relativement au nouveau régime d'assurance-santé. Il a formulé ses conseils en 1987. Le gouvernement néerlandais au pouvoir à l'époque a décidé d'accueillir les conseils et a tenté de mettre au point un régime d'assurance pour l'ensemble du pays. Comme vous le savez, la tentative a avorté après quelques années. Depuis 1993 environ, le débat stratégique entourant la réforme du système de soins de santé aux Pays-Bas est dans une impasse. Ce n'est qu'aujourd'hui, à l'approche de l'élection générale du mois de mai de l'année prochaine, que le débat refait surface.

De façon générale, on s'attend à ce que les Pays-Bas, à partir de l'année prochaine, tentent de réformer leur système de soins de santé. Nous avons constaté que l'exploitation d'un régime d'assurance constitué de deux organismes et demi responsables de l'assurance sociale et d'une participation considérable de l'assurance privée, du moins à la lumière de normes européennes, ne donnait pas de très bons résultats. Nous sommes le seul pays de l'Union européenne dans lequel plus de 30 p. 100 des habitants ont une assurance privée pour les soins actifs. Il y a une quinzaine d'années, nous avons dû commencer à réglementer le secteur des soins de santé privé. Si le système fonctionne toujours - j'émets ici une opinion personnelle -, c'est uniquement parce que la gestion de tous les mauvais risques sanitaires dans le secteur privé fait l'objet d'une lourde réglementation, ce qui a permis au reste du marché de survivre.

Parce que nous exploitons un régime d'assurance, il importe à maints égards que le gouvernement néerlandais ne soit pas directement mêlé à l'exploitation du système de soins de santé, même s'il doit y jouer un rôle indirect très détaillé. Le régime d'assurance est lourdement réglementé. Cette réglementation précise en détail la budgétisation et la tarification de tous les fournisseurs de soins de santé, sans oublier l'investissement dans les centres de santé. En faisant appel à des organismes non gouvernementaux pour administrer ces règlements plutôt qu'en laissant cette responsabilité au gouvernement lui-même, nous sommes parvenus à diriger les affaires liées aux soins de santé de façon si minutieuse que nous sommes parvenus à contenir les coûts.

Par ailleurs, une grande rigidité a été le prix à payer. La réglementation est devenue si poussée que nous faisons aujourd'hui face à un véritable problème de rigidité. Nous ne sommes plus vraiment en mesure d'assurer à la population les services auxquels elle a droit en vertu de notre régime d'assurance-santé publique, et il est généralement admis que les choses doivent changer. On doit accroître les droits et la liberté de choix des citoyens, et nous devons supprimer l'écart qui subsiste toujours entre, d'une part, les personnes non assurées, et d'autre part, les personnes assurées, qui sont au nombre de 5 millions.

La grande question qui se posera au cours des prochaines années est la suivante: allons-nous réussir à obtenir un consensus politique à ce sujet? N'oubliez pas que la Hollande est toujours gouvernée par des gouvernements de coalition. Certes, les différences politiques entre les principaux partis politiques ne sont pas prononcées, mais la question des soins de santé comporte quelques éléments susceptibles de susciter un vif débat.

Nous allons devoir attendre l'issue des prochaines élections générales. Je m'attends à ce que nous reprenions les discussions d'il ya douze ans, au sujet de l'édification d'un régime d'assurance pour l'ensemble de la population, fondé sur le principe de l'assurance-santé publique et administré à la façon de l'assurance-santé privée.

Pour le moment, je m'attends à ce que le volet coûteux des soins aux malades chroniques - par exemple, les maisons de soins infirmiers - soit exclu du débat. Il existe une assurance nationale distincte pour ce secteur. Après un certain nombre d'années, je m'attends toutefois à ce que la question soit soulevée de nouveau, auquel cas nous aboutirons peut-être à une assurance nationale portant sur l'ensemble du secteur des soins de santé.

Je suppose que vous possédez déjà un certain bagage de connaissances à ce sujet. N'hésitez pas à poser des questions.

Le président: J'aimerais d'abord tenter de répondre brièvement au Dr Björkman au sujet de la raison de notre étude. Je vais vous répondre à l'aide de la description du système de soins de santé tel que vous le concevez.

Lorsque les gouvernements ont décidé de comprimer les dépenses, on n'a pu établir clairement si la mesure visait à rendre le système plus efficient. Elle avait incontestablement pour but de permettre aux gouvernements de réaliser des économies. Elle semble en tout cas avoir eu un effet marqué sur l'accès - je dis «semble» parce que le comité avait constaté l'existence d'un écart colossal entre la perception et la réalité du système de santé.

Depuis que cette perception s'est imposée, les sondages sur les attitudes du public ont à maintes occasions montré que l'impression que les consommateurs ont de la qualité du système de soins de santé est nettement plus favorable s'ils ont eux-mêmes reçu des soins que s'ils ne voient le système que de l'extérieur.

Néanmoins, les consommateurs en sont venus à s'inquiéter de la question de l'accès, et parce que le système de soins de santé s'applique à tous, les consommateurs sont aussi des électeurs. C'est ce phénomène qui explique que le problème a pris une dimension politique avant de devenir un enjeu de politique gouvernementale.

En outre, notre système national a mis l'accent presque exclusivement sur les médecins et les hôpitaux. En d'autres termes, il s'agit essentiellement d'un système axé sur la prestation, et non sur les patients. Ainsi, l'accès au système est nettement réduit pour les personnes qui utilisent un système de prestations différent. Par exemple, l'accès aux régimesd'assurance-médicaments et aux soins de longue durée est différent, tandis que l'accès aux soins à domicile est extrêmement différent.

L'un des principaux enjeux sous-jacents auxquels nous tentons de nous attaquer consiste à déterminer s'il convient d'élargir la définition du système de soins de santé publique de manière à y inclure des systèmes de prestation qui vont au-delà des hôpitaux et des médecins. Dans ce contexte, nous aurions donc un problème sur les bras même en l'absence de l'équation entre le consommateur et l'électeur à laquelle j'ai déjà fait allusion. C'est sur cette toile de fond que nos travaux s'inscrivent.

Je comprends qu'on puisse être assuré par une caisse maladie et qu'on puisse l'être par un assureur privé. Si je comprends bien, les caisses maladie sont financées au moyen de contributions des employés et des employeurs et protègent les cotisants.

Qu'arrive-t-il aux personnes à la retraite ou aux chômeurs? En d'autres termes, de quelle protection bénéficie une personne qui, à la lumière de la définition que j'ai eue, n'est pas membre de la caisse maladie parce qu'elle ne travaille pas? Quel est le mécanisme qui s'applique aux personnes dans cette situation?

Le Dr Hurts: À l'examen des origines de l'assurance fondée sur les caisses maladie, vous constaterez que, au départ, elles étaient destinées uniquement aux travailleurs. Une fois à la retraite, ils demeuraient assurés. Habituellement, les intéressés demeuraient dans le régime auquel ils appartenaient quand ils étaient en âge de travailler. La personne qui bénéficiait d'une assurance privée quand elle était en âge de travailler continuait de bénéficier d'une assurance privée à la retraite, et il en allait de même pour le régime des caisses maladie.

Si on étudie la situation des politiques d'assurance néerlandaises au cours des deux dernières décennies, on constate que les caisses maladie ne sont plus réservées qu'aux seuls travailleurs. De nombreux groupes s'y sont ajoutés. Les personnes qui touchent des prestations sociales, par exemple des prestations de maladie, d'invalidité ou de chômage, sont toutes visées par les dispositions de l'assurance fondée sur les caisses maladie applicables aux travailleurs. Tant et aussi longtemps que le revenu social qu'elles tirent de leur travail ou de l'assurance sociale demeure inférieur à un certain seuil, ces personnes sont assurées.

Nous avons également ajouté un groupe important de pensionnés. Il y a quelques années, nous avons introduit un plafond de revenu distinct pour les pensionnés. Si leur revenu de pension total est inférieur à ce nouveau seuil de revenu, ils seront assurés.

Le président: J'aimerais savoir qui assume les coûts d'un tel mécanisme. Les assurés versent-ils une prime, ou sont-ils assurés gratuitement par la caisse?

Le Dr Hurts: Ils paient tous une prime.

Le président: Même les assistés sociaux?

Le Dr Hurts: Oui. L'organisme qui verse l'aide sociale est considéré comme l'employeur, et à ce titre, verse la part de l'employeur.

Le président: L'employeur et l'employé paient essentiellement le même montant?

Le Dr Hurts: C'est ainsi que les choses ont débuté. Au départ, les frais étaient répartis dans une proportion de 50-50. Plus tard, on a introduit une cotisation à taux fixe. Les assurés versent le montant directement à la caisse maladie, si bien que le montant a été soustrait de la part de l'employé, qui s'établit à 50 p. 100. À l'heure actuelle, on ne peut plus parler d'une répartition 50-50, mais le principe demeure.

Le Dr Björkman: Ce que je veux souligner, c'est moins l'aspect technique que le fait que des cotisations sont versées pour chacun des citoyens. Si les cotisations ne sont pas versées à même le salaire d'un particulier, l'État ou l'un des agents désignés s'en chargera. Personne ne passe à travers les mailles du filet de sécurité. Nous en venons ainsi à la question des valeurs profondes. Il s'agit non pas de la capacité de payer de chacun, mais de l'établissement du principe selon lequel des cotisations doivent dans tous les cas être versées.

La deuxième question d'intérêt, sur laquelle le Dr Hurts voudra peut-être revenir plus en détail, c'est que les personnes qui en ont les moyens peuvent s'offrir des forfaits plus généreux. Il y a un niveau de base sur lequel des cotisations doivent être versées. Si je gagne bien ma vie, je peux opter pour un forfait plus avantageux qui rend plus de services, mais il existe un filet de sécurité.

Le président: Le Dr Björkman, vous avez dit que quelqu'un payait pour vous. Si j'ai bien compris, cependant, vous payez une partie, et quelqu'un d'autre paie l'autre partie, n'est-ce pas?

Le Dr Björkman: Si une personne n'est pas en mesure de payer, l'autre partie est toujours versée par l'employeur. Si une personne n'est pas en mesure de payer, l'État assumera les coûts par l'entremise du régime d'assurance. Il n'y a pas de régime distinct financé par les impôts différent du régime d'assurance - j'aimerais revenir sur ce point dans un instant.

Le Dr Hurts: Il est important de comprendre que la cotisation de l'employeur et de l'employé vient du salaire d'un particulier ou de son revenu d'aide sociale. Le particulier ne voit pas l'argent. Il y a simplement une entrée sur le relevé de paie qu'il reçoit à la fin du mois. L'argent n'est pas versé directement. La seule portion que les personnes perçoivent directement n'a trait qu'aux cotisations principales.

Le président: Quel était le bien-fondé de cette mesure? Je n'arrive pas à concevoir qu'on puisse renoncer à un régime à participation 50-50 au profit d'un autre dans lequel une partie de la contribution de 50 p. 100 du particulier est versée au moyen d'un taux fixe. À quoi cela rime-t-il? Quelle est la politique gouvernementale actuelle à ce sujet?

Le Dr Hurts: Le phénomène s'explique en grande partie par l'ancien régime. Suivant les propositions de la Commission Dekker, nous voulions introduire un régime d'assurance national en vertu duquel, disons, de 60 à 70 p. 100 des cotisations seraient fondées sur les revenus, tandis que les 30 à 40 p. 100 qui restent seraient assujetties à un taux fixe, afin de donner aux citoyens une idée des coûts des soins de santé. Cet aspect était absent de notre régime.

Le président: C'est le cas ici aussi. Je vais poser une dernière question avant de céder la parole à mes collègues. À l'autre extrémité du spectre, votre Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles fait penser à ce qu'on appelle, par euphémisme, une assurance contre les risques catastrophiques, au sens où, à l'extrémité du spectre, les coûts sont tels que, à supposer qu'il existe un régime entièrement privé, l'État devrait malgré tout vous protéger. Comment définissez-vous ce que vous qualifiez de dépenses médicales exceptionnelles ou ce que nous qualifierions de risques catastrophiques? À partir de quel moment considérez-vous qu'un particulier a franchi la frontière qui le séparait d'un groupe de personnes distinct entièrement financé par l'État?

Le Dr Hurts: Il s'agit d'une question de définition. Si vous avez étudié la situation de notre pays, vous aurez compris que la définition évolue au fil des ans. En 1968, l'assurance contre les accidents médicaux exceptionnels est entrée en vigueur. Cette dernière portait sur des événements catastrophiques, par exemple le fait d'être traité dans un foyer de soins infirmiers, de faire institutionnaliser son enfant dans un établissement spécialisé pour le traitement d'une invalidité physique ou mentale et d'autres situations graves du genre. Au fil des ans, on a ajouté des éléments aux avantages offerts par cette assurance, ce qui, une fois de plus, a donné naissance à un débat politique sur la pertinence du régime. Des établissements ont délaissé l'assurance sur les soins actifs au profit de l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles pour ensuite y revenir.

Le Dr Björkman: Cette question soulève un autre point important. Bien entendu, des pressions politiques s'exercent, habituellement sur les administrateurs - les bureaucrates, si vous préférez - dont les services sont retenus par les professionnels qui affirment que le régime est valable. À l'intérieur d'un régime, on a toujours la possibilité d'ajouter des éléments ou d'en retrancher, même si, habituellement, on en ajoute. Comme vous l'avez déclaré, on s'y intéresse lorsque les coûts commencent à monter de façon vertigineuse.

De sérieuses négociations politiques sont en cours dans l'ensemble du régime néerlandais. J'admire les Néerlandais et les habitants de certains autres pays de l'Europe de l'Ouest qui prennent tout leur temps pour bien soupeser ces questions. Le temps monopolisé par ces discussions est presque anormal lorsqu'on le compare avec ce qu'on observe dans le reste du monde. Ces discussions sont importantes pour le soutien de ce que les Néerlandais appellent le «dragvlak». Cette question nous renvoie à la culture - et je sais qu'on n'aime pas toujours parler de culture, mais la solidarité représente ici une valeur profondément ancrée. En même temps, la capacité personnelle suscite de la fierté. On a donc tenté de concilier ces deux pressions contradictoires. Comme le montrent ces questions électorales et politiques qui se posent périodiquement, le régime est, à l'intérieur, comme une force aveugle qui écrase tout sur son passage. Si, en vertu de vos valeurs, vous êtes convaincus que personne ne doit être laissé derrière, vous préférerez pécher par excès de zèle plutôt que par omission. Tant et aussi longtemps qu'on ne vous a pas donné d'indications contraires, vous vous efforcerez d'inclure des gens, et non d'en exclure.

Le sénateur Morin: Je tiens à remercier le Dr Hurts et le Dr Björkman. Soit dit en passant, docteur Björkman, nous avons utilisé les textes de Carolyn Tuohy, qui sont d'excellente qualité. Nous sommes aussi au courant des travaux de Michael Decter. Les documents qui nous ont été remis avant la séance de ce matin m'ont inspiré quelques questions.

Si votre système nous intéresse, docteur Hurts, c'est en raison de l'importance du rôle qu'y joue l'assurance privée. De toute évidence, votre formule fonctionne bien. Il y a très peu de patients sur des listes d'attente, moins qu'au Canada, et vos indicateurs de santé sont également excellents. De toute évidence, votre façon de faire est supérieure à celle du Canada.

Si je comprends bien, les deux tiers des habitants sont assurés par des caisses maladie, et environ le tiers par des assureurs privés. En ce qui concerne les caisses maladie, quelque 25 d'entre elles se livrent concurrence. Je me demande sur la foi de quels paramètres elles se font la lutte, pourquoi un particulier en choisit une plutôt qu'une autre. Si la protection et les cotisations sont les mêmes, à quoi tient la concurrence?

J'en viens maintenant à l'assurance privée. Si je comprends bien, la cotisation et la franchise peuvent varier. La protection varie-t-elle aussi? Une caisse assure-t-elle une protection plus complète qu'une autre? Ce genre de renseignements ne figurait pas dans les documents que j'ai reçus. J'avais l'impression que, en Hollande, la loi n'obligeait personne à être assuré, que ce n'était pas une obligation.

Je vais m'interrompre ici. J'ai d'autres questions, mais elles ont trait au régime d'assurance privé.

Le Dr Hurts: J'espère que vous avez raison au sujet de la prévalence des listes d'attente en Hollande parce que, pour le moment, il s'agit au pays d'un grave problème. Ce problème s'est accentué rapidement au cours des dernières années. À l'heure actuelle, le véritable débat public tient au fait que la majeure partie de la population néerlandaise a droit à des services de santé définis dans notre Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles et sur la Loi sur les caisses maladie, même si tous les citoyens n'ont pas toujours accès aux services dont ils ont besoin et auxquels ils ont droit dans des délais raisonnables. Ainsi, la question de savoir si le gouvernement néerlandais est allé trop loin dans l'imposition de limites budgétaires au système fait l'objet d'un débat constant. À l'heure actuelle, c'est un problème grave auquel le pays fait face, particulièrement en ce qui a trait à l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles.

Votre deuxième question avait trait à la concurrence entre les caisses maladie. Avant d'entrer dans les détails à ce sujet, je dois vous dire que, avant l'amorce de la dernière réforme, les Néerlandais ne pouvaient être assurés que par les caisses maladie présentes là où ils travaillaient. Vous deviez être assuré par la caisse maladie présente là où vous viviez. Dans la plupart des régions du pays, il n'y avait qu'une caisse. Il n'y avait absolument pas de liberté de choix.

À l'amorce de la réforme, l'idée générale était que les caisses maladie devaient entrer en concurrence. Bien entendu, les cotisations établies en fonction du revenu ne peuvent faire l'objet d'aucune concurrence. Cependant, il en va tout autrement pour le volet à taux fixe des contributions. C'est l'une des raisons qui nous a poussés à introduire les cotisations à taux fixe. Du point de vue de l'importance des cotisations à taux fixe, il peut y avoir des écarts d'une caisse maladie à une autre. En fait, les écarts grandissent.

On peut aussi établir des différences dans le niveau de service assuré. Pour le reste, c'est une question d'émotion.

Le Dr Björkman: Il importe de tenir compte de l'histoire, de l'identité ethnique et de différences régionales. N'a-t-on pas assisté, docteur Hurts, à une intégration des caisses maladie au cours des 20 ou 30 dernières années, laquelle s'est soldée par une diminution du nombre de ces caisses?

Le Dr Hurts: Non, ce n'est pas vrai. Il y en avait 50, puis nous sommes passés à 20 avant de revenir à 30. De nouvelles caisses maladie ont vu le jour après les premiers stades de la réforme, et aujourd'hui, le processus de fusion a repris de plus belle.

Nous devons établir le nombre minimal de caisses maladie dont nous avons besoin pour assurer la concurrence dans les diverses régions du pays. S'il n'y en a que deux, il n'y aura pas beaucoup de concurrence. Il s'agirait peut-être de cinq caisses. Nous en sommes toujours au stade expérimental.

On observe des écarts dans les cotisations aussi bien que dans les programmes d'avantages. Disons que les écarts dans les programmes d'avantages ne sont pas bien nombreux. Dans l'ensemble, la croissance du programme d'avantages au sein du marché de l'assurance-maladie privée est très marquée, davantage même que dans l'assurance fondée sur les caisses maladie. Si vous conjuguez le programme d'avantages offerts par l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles et l'assurance fondée sur les caisses maladie, presque tout est couvert. Il faut une assurance supplémentaire uniquement pour les procédures considérées comme un luxe.

On note une tendance selon laquelle les programmes de prestations offerts par l'assurance-maladie privée sont, en moyenne, supérieurs à ceux de l'assurance fondée sur les caisses maladie. En vertu d'un consensus général que n'a pas imposé le gouvernement, les sociétés d'assurance privée s'entendent entre elles pour toujours inclure dans le programme d'avantages les honoraires des généralistes et les médicaments qu'ils prescrivent. Ce n'était pas le cas il y a 20 ans, mais c'est ainsi que les choses se passent aujourd'hui.

En fait, on peut ne pas avoir d'assurance sur les soins actifs en Hollande. Que cela leur plaise ou non, les Néerlandais sont toujours assurés aux termes de la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles. Si une personne appartient au groupe de personnes tenues de souscrire une assurance dans une caisse maladie, aucun choix n'est offert. Si, en revanche, elle souscrit une assurance privée, la personne peut choisir de s'en passer. C'est ce que choisissent certaines personnes, mais elles sont relativement peu nombreuses.

Le sénateur Morin: J'aimerais maintenant aborder la question des hôpitaux. Si je comprends bien, la plupart des hôpitaux de votre pays sont privés, mais sans but lucratif. Si je comprends bien toujours, la plupart d'entre eux sont affiliés à des ordres religieux. Y a-t-il des hôpitaux non religieux? Est-il possible d'exploiter un hôpital privé à but lucratif?

Ma deuxième question porte sur ce que, en Amérique du Nord, nous appelons les «cliniques». Les cliniques sont des centres où les malades externes peuvent obtenir des traitements. Des services comme les interventions chirurgicales, l'imagerie, les échographies, et même l'imagerie par résonance magnétique nucléaire sont offerts dans les cliniques. Les cliniques sont autonomes. Dans notre pays, la plupart des cliniques sont sans but lucratif; cependant, on assiste maintenant à l'émergence d'un certain nombre de cliniques à but lucratif.

Je me demandais si votre pays vit une expérience analogue.

Le Dr Hurts: La plupart de nos hôpitaux sont des établissements privés. Il n'y a jamais eu beaucoup d'hôpitaux publics, mais ils ont aujourd'hui pratiquement tous disparu. Il existe peut-être encore un ou deux hôpitaux psychiatriques relevant d'une province. Dans l'ensemble, cependant, la plupart des hôpitaux sont privés. Même nos caisses maladie sont des organisations privées. Elles sont des organisations non gouvernementales.

Dans notre pays, la question des profits est fort délicate. Les hôpitaux normaux qui exercent leurs activités en vertu du système officiel ne peuvent pas faire de profit. Cependant, la liste des hôpitaux privés s'allonge sans cesse. Pour exercer ses activités en vertu du régime d'assurance-maladie public, un hôpital privé doit conclure une entente avec un des hôpitaux officiels - il doit entretenir des liens avec un hôpital officiel pour demeurer en activité. Jusqu'ici, on n'a pas autorisé les hôpitaux privés à faire des profits.

Curieusement, au fil des ans, les médecins qui travaillaient dans ces hôpitaux ont toujours eu la possibilité d'engranger des profits considérables. On parle de revenu, mais on pourrait tout aussi bien parler de profit. Cette situation ne nous a jamais posé de problème. Lorsqu'il s'agit de soins en établissement, cependant, le problème devient toujours aigu. C'est l'un des débats que nous aurons à tenir au cours des prochaines années.

Dans les débats qui ont cours au sein du gouvernement, la question des profits occupe une très grande importance. Le parti libéral en particulier soutiendra que les profits devraient être autorisés. En règle générale, les socio-démocrates s'y opposeront.

Naturellement, il y a des façons particulières d'admettre les profits. À l'heure actuelle, même les caisses maladie peuvent réaliser des profits, mais elles ne sont pas autorisées aus dépenser. Les caisses maladie doivent réinvestir leurs profits dans le système ou créer des réserves financières dont elles pourront par la suite réinvestir les fonds dans le système.

Le Dr Björkman: Dans ce cas, on parle d'organisation sans but lucratif au sens de la Croix bleue et de la société Blue Shield, qui sont certes autorisées à réaliser des profits qu'elles ne peuvent toutefois pas refiler aux actionnaires. Il y a une mince ligne de démarcation entre le profit et le revenu. En fait, on remarque qu'un certain nombre d'hôpitaux étaient, au départ, des hôpitaux religieux, voire des organismes de bienfaisance. À ma connaissance, ces établissements sont essentiellement des sociétés, des hôpitaux généraux qui ne réalisent pas de profits pour le compte de leurs actionnaires. Ils doivent se faire concurrence pour obtenir les médecins, les services et les clients. Il existe de la concurrence non seulement dans le secteur de l'assurance, mais aussi dans le secteur des fournisseurs.

Les Néerlandais ont tenté - et la commission Dekker a tenté de le faire dans une partie des réformes - d'introduire une concurrence plus grande dans l'ensemble du système. Même s'il n'est pas nécessaire d'adopter une loi qui impose la concurrence, les personnes qui souhaitent qu'il en soit ainsi rendront la concurrence possible grâce à la transformation de leur comportement. C'est un peu comme la loi de la réaction anticipée - en d'autres termes, le système prôné par la commission Dekker, même s'il est techniquement mort, fait sentir ses effets dans le système néerlandais.

Le sénateur Morin: Avez-vous des cliniques?

Le Dr Hurts: Il est difficile d'établir de véritables comparaisons. Les établissements en question s'apparenteraient à ceux dont vous avez fait mention.

Le Dr Björkman: Vous avez des cliniques autonomes qui, en réalité, peuvent imputer des frais et accepter de l'argent. Ici, de telles cliniques doivent fonctionner à titre d'hôpitaux. À ce titre, elles ne peuvent réaliser de profits. Il existe une disposition en vertu de laquelle les hôpitaux ne sont pas autorisés à réaliser des profits. Qui assure la prestation des services? Divers professionnels s'en chargent, et ils ont un revenu adéquat, et non des profits.

Le président: J'aimerais poser deux questions qui s'inscrivent dans le même ordre d'idées. La première porte sur le dernier point que vous avez soulevé. Si un hôpital privé, par exemple, appartenait aux médecins, j'ai l'impression qu'on pourrait contourner toute la question des profits en se contentant de verser des sommes additionnelles aux médecins qui, comme par hasard, sont propriétaires de l'établissement. En d'autres termes, plutôt que de verser des dividendes, on pourrait, de façon arbitraire, refiler l'argent aux médecins qui sont propriétaires de l'hôpital. Ainsi, l'argent serait assimilé à un revenu.

Le Dr Björkman: Si tel était le cas, le régime public disposerait d'information suffisante pour commencer à poser des questions au sujet de la légitimité de toute l'affaire. Par conséquent, une forme de réglementation serait adoptée.

Le Dr Hurts: En vertu des dispositions législatives sur l'équilibre budgétaire, une telle réglementation existe déjà. En fait, un tarif officiel est établi pour l'ensemble des services médicaux. Le tarif peut-être relativement élevé pour les soins cardiologiques et relativement bas pour les soins pédiatriques spécialisés, comme c'est le cas au pays, mais les cardiologues d'Amsterdam ne peuvent imposer un tarif supérieur à ceux d'une autre ville. Il y a toujours une norme en vigueur pour l'ensemble du pays. À l'heure actuelle, en vertu de la réglementation existante, un scénario comme celui que vous avez évoqué ne pourrait se matérialiser.

Le président: Pour en revenir au premier commentaire du Dr Hurts, j'ai une autre question. Quand vous avez dit que vous aviez des problèmes, particulièrement en ce qui concerne votre loi sur les dépenses médicales exceptionnelles, lorsque les gens étaient admissibles à des services qu'ils ne recevaient pas. D'après ce que je comprends, vous dites que les gens ne recevaient pas ces services dans des délais qu'ils jugeaient adéquats, n'est-ce pas?

Le Dr Hurts: Oui. Les services peuvent être assez importants. Si l'un de vos parents doit être traité dans un foyer d'accueil, il peut être inscrit sur une liste d'attente durant deux ou trois ans, même si son état s'aggrave.

Le président: Peut-on établir objectivement si les gens reçoivent des services exceptionnels dans des délais jugés raisonnables, ou bien ces délais sont-ils essentiellement arbitraires, auquel cas le consommateur estimerait bien sûr qu'ils devraient probablement être nuls?

Le Dr Hurts: À vrai dire, les délais sont nuls. Si vous examinez la façon dont la loi sur les dépenses médicales exceptionnelles et, quant à ça, la loi sur la caisse maladie définissent l'admissibilité pour notre population, vous pourrez constater que l'admissibilité y est absolue. Une personne est admissible aux services dès le moment où elle en a besoin. Dès le moment où un médecin spécialiste ou un organisme d'indication déclare qu'une personne a besoin d'un service ou d'un autre, la personne en question devient admissible au service en question.

Notre loi ne tient pas compte de choses comme un délai d'attente raisonnable. Quoi qu'il en soit, un important débat public se déroule actuellement. Notre caisse maladie et nos compagnies d'assurance-maladie du secteur privé tentent, de concert avec les fournisseurs de soins, d'établir des normes et des critères en ce qui concerne des délais d'attente raisonnables.

Peut-être aurons-nous dans quelques années une option comme un délai d'attente raisonnable, mais à l'heure actuelle, l'admissibilité aux services demeure absolue.

Le président: Ainsi donc, je présume que, à l'heure actuelle, vous violez la loi dans presque chaque cas, dans la mesure où, s'il ne s'agit pas d'une urgence absolue, tout le monde doit attendre un certain temps, n'est-ce pas? Par conséquent, il me semble qu'une mesure objective de ce qui est raisonnable aiderait considérablement le système. N'est-ce pas?

Le Dr Hurts: Oui. Je suppose que ce sera le cas. Le problème a toujours été de déterminer qui est coupable si les services ne sont pas offerts de façon adéquate. Si vous n'obtenez pas ce dont vous avez besoin, vous vous tournez d'abord vers votre assureur, les responsables de la caisse maladie ou votre assureur privé pour leur dire: «J'ai droit à ceci ou à cela, et je devrai attendre deux ans avant de l'obtenir.» La compagnie d'assurance dira: «Nous serions heureux de vous aider, mais nous ne le pouvons pas. Comme la demande est énorme et que c'est le gouvernement qui réglemente l'offre, nous n'avons pas la capacité de vous traiter».

Alors, qui est responsable de la capacité? C'est le gouvernement, encore une fois. Essayez de porter l'affaire devant les tribunaux et de dire: «Le gouvernement doit me fournir ceci ou cela». Le gouvernement dira: «Ce n'est pas à nous de le faire, c'est à votre compagnie d'assurance».

Il a fallu beaucoup de temps avant que les bonnes causes soient portées devant les tribunaux. Nous avons obtenu les premières décisions des tribunaux il y a deux ans seulement. On pouvait y lire: «Ce non-sens n'a pas sa raison d'être. Ces gens ont le droit d'obtenir tel ou tel type de soins. Si la caisse maladie ou la compagnie d'assurance ont fait tout leur possible pour fournir les soins, mais que la capacité n'est tout simplement pas suffisante, c'est le gouvernement qui est responsable». C'est pourquoi nous faisons maintenant quelque chose.

Le Dr Björkman: C'est comme se relancer la balle, ce qui est normal quand le sujet est épineux. Qui est responsable? Ce que je trouve intéressant, comme l'a fait ressortir votre collègue, c'est que les périodes d'attente sont plutôt brèves. Je dis tout le temps à mes amis néerlandais que, s'ils devaient faire une comparaison, ils constateraient que le système n'échoue pas vraiment, qu'il n'y a pas grand-chose à améliorer. Cependant, ils ne sont pas d'accord.

Il nous faut tenir compte du «facteur de mécontentement». Il y aura toujours quelqu'un pour se plaindre de quelque chose. Je ne connais personne ici qui doive attendre deux ans pour obtenir un service médical particulier. Si c'était le cas, il irait ailleurs pour l'obtenir.

Le président: On peut bien dire qu'on se relance la balle, puisque dans notre pays, la politique est l'art de faire porter le blâme par quelqu'un d'autre. C'est ce qui semble se passer dans votre cas. Nous comprenons très bien.

Le sénateur Graham: Merci, messieurs. La discussion est très intéressante; elle fait bien ressortir la controverse.

Peut-être que vous pourriez éclaircir un aspect de la question pour moi.

D'après ce que je comprends, l'adhésion à la caisse maladie est obligatoire pour quiconque gagne moins de 64 600 florins néerlandais, soit environ 42 000 $ canadiens. Les citoyens plus fortunés ne sont pas obligés d'y adhérer, et peuvent acheter de l'assurance.

D'après ce que je comprends, l'adhésion à la caisse maladie n'est pas obligatoire pour les citoyens fortunés, qui représentent 31 p. 100 de la population néerlandaise et qui ont le droit d'acheter de l'assurance ou d'adhérer à un programme d'assurance.

Le Dr Hurts: Il n'y a que des programmes d'assurance privée. Ou une personne peut y adhérer, ou elle ne peut pas. Si le revenu d'une personne est supérieur au seuil que vous avez mentionné, jamais elle ne pourra être protégée par la caisse maladie. Si une personne veut obtenir une assurance pour des soins de première nécessité, elle devra prendre une assurance privée. Il n'y a pas d'autre façon. La personne peut décider de prendre de l'assurance ou pas; cependant, la plus grande partie de la population choisit effectivement de prendre de l'assurance, mais elle ne peut être assurée par la caisse maladie.

Le sénateur Graham: Ce n'est donc pas obligatoire?

Le Dr Hurts: Ça l'est pour les gens qui figurent sur la liste des personnes tenues d'adhérer au régime. Si votre nom ne figure pas sur la liste, vous ne pouvez jamais profiter de la caisse maladie. J'espère être clair.

Le sénateur Graham: Je suis étonné. Quel est le pourcentage de personnes aux Pays-Bas qui n'ont pas ce type d'assurance?

Le Dr Hurts: C'est un pourcentage très faible.

Le Dr Björkman: Pas même 2 p. 100?

Le Dr Hurts: Pas même 1 p. 100.

Le Dr Björkman: Moins de 1 p. 100. Le contraire serait absurde, compte tenu de la probabilité de maladie. Les personnes qui connaissent les possibilités vont tenter leur chance. D'après ce que j'ai vécu personnellement, la plupart de nos assurances privées sont assez équitables. Elles n'essaient pas d'exagérer les primes. Vous en obtenez pour votre argent.

Le sénateur Graham: Au Canada, il y a 2,1 médecins en exercice par millier d'habitants. Pourriez-vous nous dire combien il y en a aux Pays-Bas?

Le Dr Hurts: Je n'ai pas ce chiffre avec moi.

Le Dr Björkman: Je ne le sais pas de mémoire moi non plus. Je suis désolé. Je pourrais chercher à l'obtenir. Je ne pense cependant pas qu'il soit tellement différent. Je dis ça en partie parce que les dépenses publiques sont à peu près les mêmes.

Le Dr Hurts: Le système néerlandais présente certaines caractéristiques particulières. En comparaison, nous avons des médecins de famille et des omnipraticiens en abondance. Chaque citoyen néerlandais a un médecin de famille. Nous avons un petit nombre de médecins spécialistes. Par exemple, en Belgique et en Allemagne, les pays voisins, il y a beaucoup plus de médecins spécialistes, et les gens vont généralement directement à l'hôpital ou au cabinet du médecin spécialiste s'ils ont besoin de quelque chose. Aux Pays-bas, il faut obtenir une recommandation d'un omnipraticien avant de pouvoir consulter un médecin spécialiste ou de se rendre à l'hôpital.

Le sénateur Graham: Y a-t-il des soins à domicile aux Pays-Bas?

Le Dr Hurts: Oui. Ils sont couverts par l'assurance pour les dépenses médicales exceptionnelles. La plupart des soins à domicile sont administrés aux personnes âgées. Cependant, si une personne a besoin de soins à domicile après avoir été traitée à l'hôpital, elle est couverte par l'assurance concernant les dépenses médicales exceptionnelles, même si les dépenses en question ne sauraient être considérées comme exceptionnelles.

Le sénateur Graham: Y a-t-il un quelconque élément du système de soins de santé canadien que vous aimeriez adopter aux Pays-Bas?

Le Dr Björkman: Pas que je sache. Cependant, je connais le système de payeur central de votre division, et il est très équitable. Quoi qu'il en soit, je constate qu'il y aura peut-être plus de conflits à présent dans le système canadien que dans le nôtre. Alors j'ai du mal à imaginer que je renoncerais au système de paiement ou à la répartition des responsabilités.

Le sénateur Graham: Moins de 10 p. 100 des dépenses totales en santé aux Pays-Bas sont financées par les impôts généraux; pourtant, on nous dit que le gouvernement joue un rôle important dans la réglementation du réseau médico-hospitalier. Le gouvernement national en finance et en contrôle la plupart des aspects. Le fait-il par règlement?

Le Dr Hurts: Voilà un phénomène difficile à expliquer et difficile à comprendre pour les étrangers, parce qu'il y a peu d'argent gouvernemental d'injecté directement dans le système. La plus grande part des recettes provient des primes d'assurance. Elle provient donc de l'extérieur du budget du gouvernement, même si un contrôle budgétaire est exercé sur le secteur tout entier.

L'assurance sociale et l'assurance privée sont mises ensemble. Si le gouvernement des Pays-Bas découvre que le total des dépenses du réseau de la santé est supérieur à ce qui était prévu, le gouvernement commence l'année suivante à réduire les budgets des hôpitaux, ralentissant le taux de croissance des revenus de tous les médecins. Cela peut se faire d'une façon très détaillée. Par exemple, si une spécialité dans les hôpitaux est devenue plus onéreuse que prévu, les tarifs sont abaissés l'année suivante. Si l'inverse se produit, les tarifs sont augmentés.

Un contrôle très serré est exercé sur ce qui se dépense dans tous les sous-secteurs du réseau de la santé, même si le gouvernement n'y a pas injecté directement d'argent.

Le sénateur Graham: Les budgets des hôpitaux doivent être approuvés par le gouvernement, n'est-ce pas?

Le Dr Björkman: Les Néerlandais ont un État unitaire, et ils n'ont pourtant aucune prestation directe de services. Ce qu'ils ont - et pas seulement dans le secteur de la santé, mais aussi dans tous les autres secteurs stratégiques -, c'est un organisme directeur. En fait, même lorsqu'on utilise le terme «contrôle», on peut certes dire que l'État dirige les comportements et peut imposer des pénalités, mais on n'a pas l'impression d'un contrôle intransigeant parce qu'une grande part de persuasion a été intégrée au système. Comme le dit le Dr Hurts, si le gouvernement remarque une modification des tendances, il en examinera les répercussions avant d'établir une façon de la modifier.

À la blague, je dis tout le temps que c'est comme essayer de conduire une voiture en étant assis sur le siège arrière. Vous parlez beaucoup, vous donnez beaucoup de conseils, mais ce n'est pas vous qui tenez le volant. La voiture roule encore dans la direction que vous avez prévue. La personne qui dirige depuis le siège arrière tuerait le conducteur s'il s'avisait de faire marche arrière. Il y a là beaucoup de solidarité pour les choses qui sont appropriées.

Ce qu'il faut aussi dire et qu'il est difficile à comprendre au sujet des Néerlandais, même pour les Britanniques, c'est qu'ils ont au sein de leurs ministères, de leurs services et de leurs organismes des applications qui jouissent d'une grande latitude. Ce ne sont pas eux qui fournissent les services. Le Dr Hurts a parlé d'un certain nombre d'organismes semi-autonomes et autonomes qui réglementent les tarifs. Ceux-ci ne sont pas légiférés. Ce sont des professionnels et des bureaucrates qui s'en occupent et qui disent ce qu'ils jugent approprié pour les deux ou trois prochaines années. Par la suite, il y a plus de peaufinage que ce à quoi nous sommes habitués en Amérique du Nord.

Le sénateur Graham: Si la personne assise sur le siège arrière dirige le véhicule à contre-sens dans un sens unique, le gouvernement a-t-il le droit d'intervertir les conducteurs?

Le Dr Björkman: Oui.

Le Dr Hurts: C'est le gouvernement qui est assis sur le siège arrière.

Le Dr Björkman: Le gouvernement n'est pas unitaire. Il est multiple.

Le président: Nous avons souvent pensé ou on nous a souvent dit qu'un des points forts du système canadien est le modèle de payeur unique à l'échelle provinciale et les présumées économies qui accompagnent ce type d'administration. Notre système est un système à payeurs multiples très réglementé par le gouvernement.

A-t-on tenté d'examiner les avantages et les inconvénients sur le plan de la rentabilité de façon à faire en sorte que votre système évolue davantage vers le modèle du payeur unique?

Le Dr Hurts: Oui, nous avons eu ce type de débat au cours des ans, mais la plupart du temps, cela concernait uniquement les éléments extérieurs du système et non pas le coeur même du système d'assurance. Peut-être que la faiblesse relative de nos gouvernements provinciaux y joue un rôle. Nous avons douze provinces, mais elles sont très petites - notre pays tout entier est très petit -, et elles ne sont pas habituées à des tâches comme celle-là. Elles n'ont pas les organismes qui leur permettraient d'exécuter ces tâches de façon adéquate. Ce n'est pas une question très importante dans notre pays.

Peut-être que, pour certains éléments qui se situent entre l'aide sociale et certaines parties de l'assurance concernant les dépenses médicales exceptionnelles, il pourrait y avoir un échange entre un système d'assurance et ce que les gouvernements locaux sont en mesure de faire. Cependant, ça ne fait pas l'objet d'un débat très chaud.

Le président: Un autre de vos commentaires m'a beaucoup étonné, docteur Hurts. Vous répondiez au sénateur Graham en lui disant que si un acte particulier était jugé trop onéreux dans un hôpital, qu'il entraînait des dépenses supérieures au montant prévu, vous abaissiez tout simplement le tarif. Vous avez dit ça tout bonnement. Si l'on tentait de réduire le tarif de l'Ontario Medical Association ou celui de la Nova Scotia Medical Association, par exemple, ce serait comme si l'on déclenchait une guerre nucléaire de notre côté du système.

J'aimerais savoir comment les membres de votre profession médicale acceptent ce que je considère comme des manipulations relativement unilatérales du système tarifaire par le gouvernement. C'est une merveilleuse chose à avoir. Je suis curieux de savoir si c'est aussi simple que je l'imagine.

Le Dr Hurts: Il ne faut pas oublier que tous nos hôpitaux ont des budgets garantis. Au début de l'année, ils savent ce que sera le budget, et ils y sont admissibles. L'argent leur revient au moyen de tarifs. Le principal tarif de chaque hôpital sera celui qui est exigé pour une journée de séjour à l'hôpital, mais il peut y avoir plusieurs tarifs secondaires pour des services ou traitements spéciaux rendus par des spécialistes, qui ont leurs propres tarifs.

À la fin de l'année, on procède à un calcul pour voir si la somme de tous ces tarifs équivaut au total du budget. Les hôpitaux sont toujours admissibles à l'intégralité du budget. Si la somme totale des tarifs qu'ils ont perçus cette année-là est inférieure au budget auquel ils ont droit, ils augmentent le tarif l'année suivante de façon à pouvoir gagner la part restante du budget auquel ils avaient droit. Si la somme totale des tarifs a été plus élevée que ce qui était prévu au budget, le tarif de l'année suivante est diminué de façon à ce qu'ils remboursent ce qu'ils ont perçu en trop.

Le budget est toujours garanti. Ils savent combien ils vont obtenir.

Le Dr Björkman: Monsieur le président, vous avez aussi posé une question au sujet des professionnels et de la façon dont ils pourraient être disciplinés. Ces professionnels conseillent aussi les entités communautaires qui établissent des tarifs. Il ne s'agit pas simplement de leur dire quoi faire. Il faut qu'il y ait un échange.

De temps à autre, nos associations médicales se manifestent. Récemment, les médecins de famille ont fait une courte grève très digne. Cela s'est fait avec beaucoup de classe. Il n'y a pas eu de perturbation. Ils tenaient juste à souligner que, en définitive, les soins de santé sont des services médicaux fournis par un fournisseur et que, à ce titre, il faut donner à ces fournisseurs ce dont ils ont besoin.

Je ne saurais trop insister sur l'ampleur des discussions et de l'information nécessaire dans un système comme celui que décrit le Dr Hurts. En fait, il y a beaucoup de discussions au sujet de ce qui constitue ou non de l'information exacte. Quand vous pensez aux méthodologies, vous finissez par vous occuper de détails professionnels internes, de choses dont les politiciens en général n'ont pas à s'inquiéter. Ils laissent cela aux experts. Ce n'est que lorsque la situation dégénère que les experts seront grondés quelque peu. C'est un système fermé, pour ainsi dire, qui fonctionne selon un certain équilibre et qui mène à la rentabilité. C'est pourquoi les Néerlandais n'adoptent pas de système à payeur unique. auurs yeux, cela relèverait trop du monopole.

Le Dr Hurts: Par contre, si vous deviez nous entendre parler des choses dont nous discutons, vous pourriez avoir l'impression que bien des professionnels du secteur de la santé ont été engagés toujours davantage dans des procédures administratives, si bien qu'ils ne sont pas capables de faire leur travail. Une tendance se fait jour actuellement dans les politiques de la santé de notre pays pour qu'il y ait plus de souplesse, que la prise de décisions soit décentralisée de façon que les professionnels puissent de nouveau exercer leur profession. Ce sont eux qui prennent les décisions, pas des administrateurs ni des bureaucrates. C'est ce principe qui sous-tend toute l'exploitation du réseau à l'heure actuelle.

Le sénateur Keon: J'aimerais obtenir vos commentaires sur deux grandes questions, si ça ne vous dérange pas. Tout d'abord, j'aimerais revenir à la question des assureurs multiples. J'aimerais que vous me donniez une idée de l'ampleur de leur latitude. Si je fais une analogie avec les organismes de gestion de la santé, les HMO, aux États-Unis, de quelle latitude les assureurs multiples jouissent-ils pour le choix des médecins, des hôpitaux, des établissements et des normes de soins?

Ensuite, j'aimerais explorer avec vous la question suivante. Au Canada, nous régissons de façon très serrée nos soins médicaux et nos soins hospitaliers. Cependant, si vous prenez l'exemple d'un cancéreux traité pour la première fois à l'hôpital, et qui a ensuite besoin durant une brève période d'une certaine forme de soins à domicile et qui a, par la suite, besoin de soins prolongés durant une période, après quoi il doit recevoir des soins en foyer d'accueil ou une forme quelconque de soins palliatifs, nous ne sommes pas capables au Canada d'offrir tout ça à tout le monde. Il y a maintenant des gens aux prises avec de très graves problèmes financiers à mesure qu'ils évoluent dans le système, qui n'est pas sans faille. En ce qui concerne la protection offerte, il y a des lacunes tout au long du cheminement.

J'aimerais que vous me guidiez au fil des événements que vit un cancéreux dans votre système et que vous me disiez ce qui empêche ce patient et sa famille de devoir assumer un lourd fardeau financier.

Le Dr Hurts: Je vais essayer de vous l'expliquer. J'espère que je le pourrai.

Votre première question concerne la latitude qu'ont les organismes d'assurance dans les contrats qu'ils établissent avec des fournisseurs de soins. Il est important de souligner que, dans notre loi sur les dépenses médicales exceptionnelles ainsi que dans notre loi sur les caisses maladie, une procédure très stricte doit être suivie pour l'établissement de contrats avec les assureurs. Par conséquent, toutes les caisses maladie de notre pays doivent offrir un contrat à tous les hôpitaux et à tous les autres établissements. Ainsi, ils n'ont pas de latitude. Chaque établissement doit avoir conclu un contrat avec chaque assureur.

Il n'en va pas de même pour les fournisseurs de soins. C'était le cas il y a quinze ans, mais nous avons modifié la formule de façon à y intégrer une plus grande latitude. Tous les assureurs sont libres de décider de conclure ou non un contrat avec un fournisseur donné. Cependant, habituellement, ils continuent d'offrir un contrat à chacun s'il a les papiers nécessaires. Il y a donc une certaine souplesse dans chaque service fourni. Il n'y en a pas en établissement, mais il va y en avoir.

Ensuite, nous modifierons notre loi pour assouplir les modalités de contrat. Et si cela arrive, on pourra s'attendre à une flambée du nombre d'assureurs semblables aux HMO aux États-Unis. Nous n'en avons pas en ce moment.

Quant à ce qui arrive à un cancéreux après son traitement à l'hôpital, le problème de notre système, c'est que, tant et aussi longtemps que vous êtes traité à l'hôpital ou que vous êtes traité par votre médecin de famille ou un spécialiste, vous êtes intégré à la composante de soins de courte durée du réseau, ce qui peut supposer le recours à une caisse maladie ou à une assurance privée. Dès que vous avez besoin de soins à domicile ou d'un traitement dans un établissement où l'on traite des maladies mortelles, vous passez à l'assurance pour dépenses médicales exceptionnelles. C'est votre compagnie d'assurance privée qui s'en occupe, et qui veillera à vous fournir ce dont vous avez besoin et qui est couvert par l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles. Cependant, il peut y avoir des problèmes de capacité, de sorte que des problèmes surgiront, comme vous l'avez mentionné pour le système de votre pays.

Nous ne connaissons pas beaucoup de cas où des gens ont dû verser d'importantes sommes d'argent pour obtenir les soins nécessaires. Je suis sûr qu'il y en a. Certaines dispositions ont été prises pour que, si les gens doivent attendre trop longtemps en raison d'un manque de capacité dans les établissements où les soins sont payés par l'assurance pour dépenses médicales exceptionnelles, la compagnie d'assurance qui offre une protection pour les soins aigus fournisse l'argent requis pour l'obtention des soins nécessaires selon une formule axée sur le secteur privé.

La division entre les deux types d'assurance nous embête réellement. Ça irait nettement mieux si tous les établissements fonctionnaient selon une seule assurance, mais dans l'ensemble, ça fonctionne.

Le Dr Björkman: Permettez-moi d'ajouter une chose. Vous décrivez des lacunes du système où des gens ne peuvent être traités en raison d'une modification des caractéristiques démographiques et du vieillissement du système. Après avoir reçu des soins de courte durée, le cancéreux reçoit des soins chroniques, puis des soins palliatifs. Vous avez insisté sur le mot soins, pas sur le mot cure. En fait, de bien des façons, le système néerlandais tente aussi de s'adapter et de trouver des façons de financer cette fonction de soins. Je m'attends à ce qu'on trouve des façons de faire en sorte que personne ne puisse être laissé pour compte. Si cela devait se produire, des gens sonneraient l'alarme et attireraient l'attention.

Je serais bien étonné que la prédiction du Dr Hurts se réalise lorsqu'il parle d'une loi qui confère une certaine latitude en ce qui concerne les possibilités de contrat. Je le répète, les Néerlandais sont extrêmement soucieux d'équité et de justice, et personne ne peut se remplir les poches.

Si, aux États-Unis, les HMO devaient faire affaire avec toute la population, les personnes admissibles à l'assurance-maladie et ainsi de suite, j'imagine qu'ils n'auraient pas les profits qu'ils font et tout le reste. C'est assez honteux que les États-Unis segmentent leur propre système de telle façon qu'ils se retrouvent avec de multiples systèmes de santé.

Le sénateur Robertson: Merci, messieurs, d'être venu ce matin nous aider à comprendre votre système. La question est plutôt difficile et semble très compliquée. Je regarde votre système selon une optique de consommateur. Vous nous avez dit qu'un faible pourcentage des coûts était payé par le gouvernement fédéral, et que la plus grande part de ces coûts est assumée par les compagnies d'assurance.

Je vais convertir en dollars canadiens, et vous pourrez peut-être me fournir une interprétation. Pour l'instant, j'aimerais examiner les pourcentages.

Si elles touchent moins de 42 000 $ canadiens, les personnes reçoivent leurs soins tout à fait gratuitement. Si j'étais une citoyenne néerlandaise dont le salaire est de 42 000 $ canadiens, quel pourcentage de mon revenu verserais-je en impôts, fédéral et provincial, ainsi que pour le système de santé?

Tout d'abord, parlons de ce qu'il m'en coûterait pour obtenir cette protection. Quel pourcentage de ces 42 000 $ canadiens irait aux gouvernements ou aux assureurs pour tout ce qui touche la santé? J'aimerais aussi savoir ce qu'il en coûterait si je touchais 75 000 $ ou 100 000 $ canadiens. Je m'intéresse à vos systèmes fiscaux en plus de ce que votre système de santé coûte par l'entremise des assureurs. Quel est donc le coût moyen?

Le Dr Björkman: À peu près 50 p. 100. À peu près la moitié, peut-être un peu plus, va aux impôts qui servent à payer tous les services, dont les services de santé. Cependant, pour ce qui touche la ventilation de ce nombre, le Dr Hurts est peut-être mieux placé que moi pour vous aider.

Le Dr Hurts: À vrai dire, il existe une importante relation entre le système fiscal et le prélèvement de cotisations pour les assurances sociales qui couvrent toute la population. En fait, les cotisations établies en fonction du revenu, celles qui servent à payer l'assurance pour les dépenses médicales exceptionnelles, sont prélevées à même l'impôt sur le revenu.

Notre régime fiscal comporte quatre niveaux. Une personne dont le revenu n'est pas très élevé sera intégrée au premier ou au deuxième niveau du régime fiscal. Cette personne devra payer un certain pourcentage de son revenu - le taux de cotisation pour l'assurance couvrant les dépenses médicales exceptionnelles a été établi à 10,5 p. 100 et n'a pas changé depuis quelques années. En fait, je pense qu'il est exactement à 10,25 p. 100.

Une autre importante contribution doit être versée: la cotisation pour la pension de l'État. Elle est d'environ 16 p. 100 du revenu. De plus, pour les deux seuls premiers niveaux du régime fiscal, si le revenu d'une personne augmente au cours des prochaines années, elle n'aura pas à payer ces cotisations; elle ne devra payer que l'impôt sur le revenu.

À l'heure actuelle, le niveau d'imposition le plus élevé, celui des troisième et quatrième niveaux de notre régime d'imposition, se situe autour de 55 p. 100. C'est le pourcentage le plus élevé qu'une personne devra jamais payer. La cotisation pour l'assurance couvrant les dépenses médicales exceptionnelles est incluse.

La prime versée pour la caisse maladie est distincte. À l'heure actuelle, elle s'établit à 7,6 p. 100 du salaire d'une personne. Elle est déduite à la source, une fois le salaire net établi. Selon sa taille, une famille moyenne qui a une assurance privée versera environ de 3 000 à 4 000 florins par année. La plupart du temps, on n'a à payer que pour les premiers enfants, parfois pour les trois premiers enfants. S'il y en a plus, on n'aura pas à payer pour eux, les cotisations sont bien sûr établies à taux fixe.

Le reste du fardeau fiscal sera composé d'impôt indirect comme notre taxe sur la valeur ajoutée, qui est assez élevée à l'heure actuelle. Elle est d'environ 20 p. 100 du prix de tout ce qu'on achète.

Je vais fouiller dans mes papiers et vous envoyer l'information sur les niveaux de revenu à laquelle vous avez fait allusion. Si vous voulez connaître les chiffres exacts, je ne saurais vous les donner pour l'instant.

Le sénateur Robertson: Merci. Ces chiffres nous seraient bien utiles.

Si je vous comprends bien, monsieur, vous dites qu'environ 55 p. 100 du revenu à un certain niveau est prélevé en impôts et en cotisations, mais je crois vous avoir entendu dire que la cotisation à la caisse maladie ajouterait une autre tranche de 7,6 p. 100 à ces 55 p. 100, n'est-ce pas?

Le Dr Hurts: Exactement. La caisse maladie n'est pas une assurance pour toute la population, de sorte que la cotisation n'est pas considérée comme partie intégrante de l'impôt sur le revenu. C'est cependant le cas de la cotisation pour dépenses médicales exceptionnelles, qui a été intégrée à l'impôt sur le revenu. Elle s'ajoute à tous les impôts qui sont versés.

Ces 55 p. 100 sont évidemment des tarifs marginaux. Ils ne concernent que le revenu pour l'année toute entière. Le tarif moyen est inférieur. C'est pourquoi il peut arriver que, dans l'ensemble, le fardeau des dépenses collectives se situe autour de 50 p. 100 dans tous les cas. Je ne suis pas sûr du chiffre exact, mais je pourrai vous fournir des détails plus tard.

Le sénateur Robertson: Combien de vos procédures ou de vos processus font l'objet de frais d'utilisation?

Le Dr Hurts: Il s'agit là d'un élément délicat des politiques de la santé aux Pays-Bas. Nous n'imposons de frais d'utilisation que pour l'assurance couvrant les dépenses médicales exceptionnelles. Nous n'en avons pas dans la caisse maladie. Nous avons essayé plusieurs fois, mais à chaque fois, il semble que cette question suscite tant d'émotion politique que nous les avons une fois appliqués pour deux ans, pour les retirer par la suite.

Ainsi, nous ne sommes pas très portés sur les frais d'utilisation et les quotes-parts. C'est étrange de penser que, dans des pays assez proches, comme la Belgique, toute la population est parfaitement habituée aux frais d'utilisation alors que nous ne le sommes pas.

Le président: Ici aussi, la population est fortement opposée à l'imposition de frais d'utilisation pour les services de santé. Cependant, d'une certaine façon, notre paiement à taux fixe n'est pas un droit d'utilisation parce qu'il est imposé peu importe si vous utilisez le système ou pas. Le paiement à taux fixe est essentiellement une prime pour une assurance à laquelle vous pouvez ne pas recourir durant plusieurs années et que vous pouvez ensuite utiliser fréquemment.

Le Dr Hurts: C'est exact.

Le président: Avez-vous des façons de faire savoir aux gens combien ils ont injecté dans le système de santé au cours d'une année donnée? Je vais vous donner un exemple. Une des idées qui circulent actuellement au Canada est qu'à la fin de l'année, chaque contribuable reçoive un relevé du gouvernement pour lui dire combien ont coûté au total les soins qu'il a reçus du système de santé au cours de l'année. Le contribuable n'aurait pas à payer cette somme. Ce serait seulement une façon de faire savoir aux gens qu'ils coûtent de l'argent au système.

Un des arguments à l'encontre de cette idée est qu'après avoir dit cela aux gens, vous êtes porté à dire ensuite: «Il faudrait leur faire payer une petite partie de cette somme».

Cependant, dans votre pays, y a-t-il des mécanismes de rétroaction directe aux consommateurs afin de leur faire savoir quel fardeau ils représentent au cours d'une année donnée pour le régime?

Le Dr Hurts: Cela n'existe que dans la partie du marché où les gens doivent d'abord verser une somme et en obtenir le remboursement, ou obtenir d'une autre façon des informations en raison des montants qu'ils peuvent déduire. Dans la caisse maladie ainsi que dans l'assurance pour les dépenses médicales exceptionnelles, les gens ne reçoivent pas d'argent. Ils reçoivent simplement les soins auxquels ils ont droit. Il n'y a pas d'administration distincte concernant la consommation de services faite par les particuliers. Il faudrait établir une administration distincte pour savoir ce que les gens consomment avant de pouvoir leur donner cette information. Je suis sûr que bon nombre de décideurs de notre pays aimeraient assez l'idée.

Le Dr Björkman: Les coûts d'opération seraient élevés. De plus, vous cesseriez rapidement de porter attention à la question si l'on vous transmettait périodiquement cette information. Les particuliers n'en garderaient aucune trace, sauf peut-être s'ils sont fiers de leur rendement à ce chapitre.

Il y a un faible montant de quote-part ou de franchise dans les divers régimes d'assurance, mais les montants sont vraiment minuscules. Nous pouvons vous en parler d'expérience. Vous versez des frais pour consulter votre médecin ou un spécialiste. Les médicaments en vente libre vous sont remis gratuitement. Cependant, une grande part de cet argent vous est retournée.

La «personnalisation» des frais de santé est aussi une question délicate quand on la compare à ce que les Néerlandais font, même à une échelle collective.

J'ajouterai que, même à présent, les dépenses engagées presque chaque année dans l'ensemble du système de santé s'approchent des limites budgétaires établies pour le pays. Chaque année, des ententes spéciales sont prises pour vous faire payer un peu plus que ce à quoi vous vous attendiez. Autrement dit, le grand public est conscient du fait que les dépenses en santé augmentent; cependant, ce n'est pas le cas de chaque personne.

Le président: Par contre, y a-t-il des mesures incitatives ou des récompenses, selon que vous préférez le bâton ou la carotte, pour amener les gens à adopter un mode de vie plus sain? Par exemple, les grands fumeurs versent-ils le même montant dans la caisse maladie que les non-fumeurs?

Le Dr Hurts: Oui, il n'y a pas de différence.

Le président: C'est donc dire qu'un bon comportement ne se traduit pas par une récompense dans votre système? Soit dit en passant, le nôtre n'en donne pas non plus. Certains pensent qu'il le devrait.

Le Dr Hurts: Il y a de fortes mesures de dissuasion dans les régimes privés d'assurance-invalidité. On peut alors observer une grande différence entre les fumeurs et les non-fumeurs, mais pas pour ce qui concerne la santé.

Le président: Pourtant, c'est au système de santé qu'ils imposent le fardeau le plus lourd.

Le sénateur Robertson: Vous ai-je entendu dire que vous couvrez tous les frais pharmaceutiques de votre population?

Le Dr Hurts: Oui.

Le sénateur Robertson: Nous avons des problèmes au Canada, parce que les coûts des produits pharmaceutiques sont équivalents aux coûts des services des médecins, s'ils ne les dépassent pas. Dans votre pays, quel est le rapport entre le coût des produits pharmaceutiques et le coût des honoraires des médecins?

Le Dr Björkman: Les produits pharmaceutiques coûtent certainement plus cher que les services des médecins. Ceux-ci comptent probablement pour 15 à 20 p. 100 du budget total de la santé, si vous commencez à en faire la répartition.

Lorsque je suis arrivé aux Pays-Bas, il nous fallait aussi payer nos médicaments d'ordonnance, après quoi nous obtenions un remboursement. Il y a environ sept ou huit ans, on a déterminé que ces coûts de transaction étaient nettement exagérés et qu'il était préférable de les payer directement par l'entremise des compagnies d'assurance plutôt que de faire appel aux particuliers.

Je précise que les utilisateurs ont bien apprécié, et que je n'ai entendu personne s'en plaindre.

Le Dr Hurts: Le coût des produits pharmaceutiques a ceci de problématique que le taux de croissance annuelle des dépenses est bien plus élevé que celui de tous les autres services médicaux. C'est la principale raison pour laquelle le gouvernement des Pays-Bas a décidé il y a deux ou trois ans de modifier la façon dont notre système est subdivisé, parce qu'il n'arrivait pas à bien contrôler le taux de croissance annuelle des dépenses concernant les produits pharmaceutiques.

Le président: Pour ce qui touche les produits pharmaceutiques, j'ai deux questions à poser. Premièrement, est-ce qu'il existe un formulaire pharmaceutique national? Deuxièmement, les compagnies pharmaceutiques peuvent-elles faire de la publicité pour vendre les médicaments d'ordonnance?

Le Dr Hurts: Nous n'avons pas de formulaire, mais il y a une loi très complexe sur l'établissement du prix des produits pharmaceutiques. Les produits pharmaceutiques ne peuvent être admis sur le marché que si les organes de l'Union européenne chargés de prendre les décisions à ce sujet décident qu'un produit pharmaceutique en particulier peut être vendu sur le marché européen. Le gouvernement néerlandais ne peut appliquer une politique qui lui serait propre à ce sujet, mais nous pouvons fixer le prix de groupes de produits pharmaceutiques. Par conséquent, nous avons essayé de regrouper tous les produits pharmaceutiques qui se trouvent sur le marché européen en certains ensembles apparentés. Ensuite, nous avons choisi le prix moyen en Europe - ou pour certains groupes nous avons même choisi le prix le plus bas - et en avons fait la norme pour le remboursement qui se fait au moyen du régime d'assurance. C'est donc dire que même si nous avons des règles très détaillées pour l'établissement du prix des produits pharmaceutiques, nous n'avons pas encore de formulaire pharmaceutique. Nous travaillons à ce dossier et espérons que l'organisation des hôpitaux et l'organisation des médecins vont s'entendre sur la question des formulaires, comme vous l'avez mentionné.

Le président: La publicité n'est pas vraiment un enjeu, n'est-ce pas? Essentiellement, vous travaillez à partir de la liste de la Communauté européenne.

Le Dr Hurts: Bien sûr, il y a une publicité très importante qui se fait entre l'industrie pharmaceutique et les médecins, mais il n'y a aucune publicité directe à l'intention du grand public.

Le président: Enfin, si j'ai bien compris la description que vous faites du mode de fixation des prix, c'est le gouvernement qui, fondamentalement, fixe le prix des médicaments.

Le Dr Hurts: Oui, on pourrait dire cela.

Le président: Je sais que vous n'utilisez probablement pas ces termes et que vous préféreriez ne pas les utiliser, mais j'essaie simplement de comprendre les rouages de la chose.

Le sénateur Fairbairn: Merci beaucoup d'être là.

J'aimerais parler des listes d'attente. C'est un problème que nous avons au Canada. Nous avons un vaste territoire et une population qui n'est pas très nombreuse. C'est un problème qui devient de plus en plus difficile.

Qu'est-ce qui est à l'origine des listes d'attente qui s'allongent dans votre pays? Est-ce l'accroissement de la population, l'évolution démographique ou, peut-être, la détection relativement plus rapide de certaines maladies? Est-ce une pénurie d'équipement qui est tellement en demande, par exemple, les appareils d'imagerie par résonance magnétique? Est-ce une pénurie de médecins, d'infirmières, de techniciens aptes à faire fonctionner l'équipement en question? Ce sont toutes là des dimensions du problème que nous connaissons ici au Canada. Nous avons une pénurie de médecins et nous avons, en particulier, une pénurie d'infirmières.

Vous avez fait remarquer que tout le monde a accès à un médecin de famille, mais qu'il y a peut-être une pénurie de spécialistes en Hollande. Votre régime d'assurance couvre-t-il les services des spécialistes dispensés à l'étranger dans la mesure où ils ne sont pas couramment fournis en Hollande? C'est une difficulté au Canada aussi.

Le Dr Björkman: Pour répondre à la première question générale que vous avez posée, je dirais que tous les facteurs que vous avez énoncés ont probablement une incidence sur ce que je perçois comme étant un allongement léger des listes d'attente dû à l'évolution de la population et à l'avènement de techniques nouvelles. Le gouvernement a essayé d'appliquer avec soin l'idée de ne pas en faire trop, de limiter l'offre à ce qui est jugé nécessaire et d'optimiser l'investissement. Cela fait des pressions, car, après tout, les listes d'attente sont une autre forme de rationnement.

Tout de même, mon instinct me dit que les Néerlandais sont bien servis, même quand il s'agit de listes d'attente, pour ce qui touche les tâches qu'ils doivent accomplir. Je crois comprendre que le Canada, étant donné sa taille et sa diversité, doit traiter avec des écarts beaucoup plus grands de son régime d'un bout à l'autre du pays que les Pays-Bas où la majeure partie de la population se trouve dans une région dont la densité démographique est plus élevée que celle du Bangladesh.

Quant aux aspects particuliers de la question, je ne crois pas que l'on puisse être traité en dehors du pays, mais le Dr Hurts peut répondre à cette question.

Le Dr Hurts: Oui, nous pouvons le faire. La loi européenne sur la concurrence joue un rôle de plus en plus grand dans le fonctionnement de notre réseau de la santé. Étant donné les contrats obligatoires entre assureurs et fournisseurs de soins, une partie peut finir par traiter seulement avec des fournisseurs néerlandais en laissant de côté les fournisseurs de l'Allemagne, de la Belgique ou de l'Espagne. De fait, nous n'avons plus le droit de faire cela, car nous avons un seul et unique marché européen où l'accès doit être égal, même l'accès au marché de la santé aux Pays-Bas, pour les fournisseurs des autres pays.

Par conséquent, s'il y a des pénuries au pays et que les responsables d'un hôpital allemand font valoir qu'ils peuvent tout aussi bien traiter les patients dont le nom figure sur une liste d'attente aux Pays-Bas, ils peuvent demander de passer un contrat avec des assureurs néerlandais. En ce moment, les assureurs néerlandais ont de plus en plus tendance à rechercher les contrats conclus avec des parties étrangères. Si cela est bel et bien le cas, si les gens ne peuvent obtenir certains types de soins au pays même, ils ont droit de s'adresser à l'étranger et de faire rembourser les frais par l'assurance sociale.

Il existe actuellement en Espagne des installations spéciales, sous un climat beau et chaud, où les personnes âgées peuvent aller se faire traiter durant les hivers froids et humides que nous connaissons aux Pays-Bas. En termes relatifs, cela coûte même moins cher de leur payer le billet d'avion aller-retour et de les faire traiter là-bas.

Nous avons fait transporter des gens par hélicoptère à destination des États-Unis et de la Grande-Bretagne il y a de cela plusieurs années pour qu'ils aillent subir une chirurgie cardiaque. Toutefois, en ce moment, nous avons une capacité suffisante pour les interventions de cette nature aux Pays-Bas. La plupart des gens préfèrent toujours être traités près de chez eux.

Le sénateur Fairbairn: Bien sûr. Cela est très intéressant: nous avons parfois des cas comme ceux-là au Canada, pour toutes les raisons que j'ai mentionnées, des cas où il y a la volonté d'aller aux États-Unis, ce qui, parfois, ne se fait pas si facilement.

Le Dr Hurts: Il y a actuellement une sorte de résultat négocié entre l'organisation des assureurs et l'organisation des hôpitaux. Il y a un site Internet national que les gens peuvent consulter pour voir ce à quoi ressemblent les listes d'attente dans divers hôpitaux pour diverses interventions. Si les listes d'attente sont trop longues là où ils habitent, ils peuvent choisir d'aller ailleurs. Tout de même, la plupart des gens ne se prévalent pas de cette option; ils préfèrent rester près de chez eux.

Le Dr Björkman: L'information va même faire évoluer ce système-là. L'Europe va peut-être même apprendre quelque chose de l'Amérique du Nord quand elle va commencer à inclure 16 ou 20 pays. Il existe déjà un écart énorme entre les différents taux de morbidité, de mortalité et d'utilisation d'un endroit à l'autre en Europe. Lorsque les Européens auront enfin leur seul et unique marché, ils vont peut-être envier le Canada, car il existe des différences entre la Grèce, le Portugal, l'Allemagne et les Pays-Bas. Toutefois, c'est une question différente, pour une étude différente.

Le sénateur Fairbairn: La description que vous avez faite d'une «grève digne» dans votre pays m'a saisie. Nous avons des grèves bien animées ici - toutes font ressortir, et c'est le cas particulièrement de celles des infirmières, les difficultés nées des compressions faites il y a quelques années. C'est aujourd'hui que ces coupes nous font mal.

On a soulevé la question des ordonnances. Dans la documentation que nous avons reçue, il est question d'un nouveau formulaire pharmaceutique pour les Pays-Bas, conçu par l'Association médicale néerlandaise et qui fait intervenir un système d'ordonnances électroniques qui gagne en popularité. Je me demande si vous pourriez nous expliquer cela.

Le Dr Hurts: J'aurais souhaité que cela devienne populaire. C'était, encore une fois, un résultat négocié entre l'organisation des omnipraticiens et le gouvernement néerlandais: tous les omnipraticiens utiliseraient ce système électronique d'ordonnances dans leur cabinet. Du point de vue technique, les installations sont là; tous les omnipraticiens néerlandais semblent avoir un ordinateur, disposent du programme, mais seulement un faible pourcentage utilise vraiment le système. Je dois dire que cela n'est pas une bonne chose. On y a mis beaucoup d'énergie, et le résultat est très décevant.

Le Dr Björkman: Bien sûr, il faudra peut-être attendre un certain temps encore avant que tout cela ne se mette en place, pour être juste. Toute technologie, y compris celle que nous utilisons aujourd'hui, met un certain temps à gagner des adhérents. L'idée circule depuis un certain temps - et je sais que mon propre médecin s'en sert. J'observe ce qu'il fait et je peux faire le calcul. Il faut lui donner un peu de temps, je suppose. Je ne suis pas aussi pessimiste que mon confrère.

Le sénateur Fairbairn: Je présume que l'objectif consiste à améliorer l'efficience. Cela a-t-il une incidence sur les coûts?

Le Dr Hurts: Cela est censé avoir une incidence mesurable sur les coûts, mais ce n'est pas encore prouvé.

Le sénateur LeBreton: Merci beaucoup du temps que vous nous accordez aujourd'hui. Je veux revenir à la Loi sur les caisses maladie et à la Loi sur les dépenses médicales exceptionnelles. Je ne comprends pas très bien qui fixe les primes et quelle est la relation entre le gouvernement et les caisses du secteur privé dont il est question. C'est la question du sénateur Kirby à propos des fumeurs qui me pousse à poser cette question. Y a-t-il des primes fixes? Est-ce qu'il s'agit de primes universelles qui s'appliquent à l'ensemble du pays, ou encore y a-t-il une échelle progressive? Quel est le lien avec le gouvernement? Comment cela est-il contrôlé?

Le Dr Hurts: C'est simple. Pour l'assurance sur les caisses maladie ainsi que l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles, le taux des primes annuelles, c'est-à-dire des primes qui sont fonction du revenu, est établi par le gouvernement. C'est un taux national, de sorte qu'il n'y a pas de différence d'un endroit à l'autre. L'argent est recueilli grâce à un mécanisme central, puis versé dans deux fonds centraux distincts. De ce fait, l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles comporte un fonds central dont l'administration relève d'un organisme non gouvernemental, mais officiel; et l'assurance sur les caisses maladie comporte un fonds central distinct dont l'administration relève d'un organisme non gouvernemental distinct. Pour ce qui est de l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles, la caisse sert à rembourser toutes les dépenses engagées. Dans le cas de l'assurance sur les caisses maladie, la caisse centrale sert à pourvoir des budgets rajustés en fonction du risque au profit des caisses maladie. À partir de ces budgets rajustés en fonction du risque, les caisses maladie sont censées assumer les dépenses qu'elles engagent. L'argent qui leur manque, ils doivent le demander aux assurés par la voie de la prime à taux unique, et ce taux unique, elles peuvent l'établir elles-mêmes.

Le sénateur LeBreton: Combien de fois les primes ont-elles été rajustées depuis cinq ou six ans? Peut-on le faire tous les ans? Comment décide-t-on que les primes doivent augmenter ou diminuer? J'imagine que ce serait presque toujours une augmentation.

Le Dr Hurts: Cela dépend beaucoup de la conjoncture économique. Depuis quelques années, nous avons connu une croissance économique relativement bonne. De ce fait, le niveau moyen des revenus a augmenté, et nous n'avons pas eu à accroître les taux de prime. Ils pourraient même diminuer dans le cas des caisses maladie, et davantage d'argent continuerait de rentrer.

Tout de même, le premier facteur qu'il nous faut prendre en considération, c'est le total des dépenses; ensuite, nous étudions ce qu'il nous faut pour financer cela, examinons le revenu moyen des membres des caisses maladie, puis nous fixons le taux de prime - c'est donc un calcul annuel. Si je remonte le cours des quatre premières années, je constate que le pourcentage fixé est demeuré assez stable, même si les dépenses ont beaucoup augmenté.

Le sénateur Morin: J'ai trois questions supplémentaires à poser à propos des questions que mes collègues ont abordées brièvement.

J'aimerais traiter de l'établissement des honoraires des médecins. Si je ne m'abuse, les omnipraticiens sont rémunérés par tête, et le niveau est fixe, que le patient soit membre d'une caisse maladie ou qu'il ait une assurance privée. J'aimerais traiter ensuite des honoraires des spécialistes. D'après la documentation que nous avons, la tarification est différente, suivant que le patient est membre d'une caisse maladie ou qu'il ait contracté une assurance privée. Si les honoraires ne sont pas les mêmes - qui dit frais variables dit services variables pour une même intervention, voilà un fait.

Le Dr Hurts: Commençons par les omnipraticiens: la rémunération par tête ne s'applique qu'aux membres des caisses maladie. Les gens qui ont une assurance privée assument des frais calculés à l'acte, ce pourquoi il y a une tarification et un remboursement de la part de l'assurance. La différence entre les taux des caisses maladie et ceux des assurances privées dans le cas des soins spécialisés est une réalité qui a déjà existé, mais ce n'est plus le cas.

Le sénateur Morin: La loi néerlandaise autorise-t-elle la surfacturation, l'application de frais supplémentaires que le patient assume?

Le Dr Björkman: Non, cela n'est pas permis.

Le président: Un médecin peut-il percevoir tel ou tel montant de l'assurance, puis facturer un montant différent au patient?

Le Dr Björkman: Non.

Le Dr Hurts: C'est un crime économique s'il le fait.

Le président: Dites-vous que c'est illégal?

Le Dr Björkman: C'est illégal, oui.

Le président: Pour donner suite à cela, je poserais la question suivante: y a-t-il un élément du système qui encourage un spécialiste à traiter avec une compagnie d'assurance privée plutôt qu'avec la caisse maladie? Autrement dit, comment faites-vous pour éviter un système où, par exemple, le meilleur cardiologue du pays ne traite qu'avec les patients qui contribuent à une caisse d'assurance privée, plutôt qu'avec les patients membres d'une caisse maladie?

Le Dr Hurts: Il n'y a pas de véritable incitatif en ce moment: les frais sont tous les mêmes. À l'époque où ils étaient différents, les médecins préféraient peut-être traiter le patient ayant une assurance privée. Cela ne vaut plus. Parfois, nous entendons les médecins dire qu'ils préfèrent traiter les membres des caisses maladie parce que, à ce moment-là, ils obtiennent leur paiement à temps. Nombre des gens qui sont assurés dans le privé commencent seulement à payer leur facture quelques mois plus tard, et, de ce fait, les médecins éprouvent des difficultés à obtenir l'argent auquel ils ont droit; de ce fait, certains préfèrent traiter avec les malades membres de caisses maladie.

Le Dr Björkman: Si je ne m'abuse, les services sont dispensés par l'entremise de l'hôpital où travaille le spécialiste. C'est l'hôpital qui a le budget global; il n'y a donc pas vraiment de fournisseurs individuels de la caisse d'assurance. Il y a la caisse d'assurance, puis l'hôpital, et enfin, le fournisseur spécialiste.

Le président: Ce que j'en comprends, essentiellement, c'est que le spécialiste ne se soucie aucunement de la provenance de l'argent qu'obtient l'hôpital, puisque sa source de fonds à lui, c'est l'hôpital.

Le Dr Björkman: Tout à fait.

Le Dr Hurts: L'autre chose, c'est que depuis quelques années, non seulement nos hôpitaux, mais aussi nos médecins spécialisés ont un budget à respecter. Ils savent à l'avance ce que représentera leur revenu, de sorte qu'il n'y a plus d'incitation à la production.

Le président: Essentiellement, cela revient à des contrôles sur le revenu des médecins, n'est-ce pas? Encore une fois, je sais que vous ne vouliez pas utiliser ces termes, mais c'est bien cela.

Le Dr Hurts: Par ailleurs, n'oubliez pas que la plupart des médecins néerlandais se considèrent comme des entrepreneurs auur propre compte.

Le Dr Björkman: Et qui touchent un bon niveau de revenu. Le niveau de revenu des omnipraticiens et des spécialistes n'a rien pour faire rougir. C'est quelque chose de prestigieux.

Le sénateur Keon: J'aimerais traiter du problème du mouvement à l'intérieur de la Communauté européenne. Au Canada, lorsqu'il y a une fluctuation du revenu des médecins, il y a parfois un mouvement en faveur des États-Unis. Avez-vous eu droit à un mouvement de la part des médecins à l'intérieur de la Communauté? Tout le monde est-il heureux?

Le Dr Hurts: Non, bien que j'aimerais répondre que c'est le cas. Nous avons essayé des expériences pour attirer des omnipraticiens à l'intérieur de nos villes, par exemple à La Haye. Nous avons essayé de convaincre 20 omnipraticiens belges de venir travailler à La Haye. Le revenu d'un omnipraticien aux Pays-Bas est beaucoup plus élevé que celui de l'omnipraticien en Belgique. Toutefois, la tentative a été un échec lamentable, parce que les gens en question ne voulaient pas travailler ici, à cause des niveaux de réglementation. Le revenu plus élevé ne les intéressait même pas. La réglementation détaillée les décourageait. Au bout d'un an, ils sont tous partis. Ces médecins parlaient même notre langue.

Le président: Pour ce qui est de la situation du Canada et des États-Unis, si on se fie à la perception, il y aurait à la fois des revenus plus élevés et des règles moins strictes. Par conséquent, il y a un avantage énorme du côté américain.

Le sénateur Morin: Pour revenir à la question de l'établissement du prix des médicaments par l'État néerlandais, si je comprends bien, une personne peut encore se procurer les médicaments les plus coûteux avec son propre argent, si elle le veut. Une personne peut-elle passer par son assurance privée pour se procurer un médicament plus coûteux que ce qui est permis?

Le Dr Hurts: Si son assurance le couvre, oui.

Le sénateur Morin: Y a-t-il un système à deux vitesses en ce qui concerne les médicaments - entre les caisses maladie et l'assurance privée?

Le Dr Hurts: Non, ça n'a pas forcément à être le cas: les membres des caisses maladie peuvent contracter une assurance complémentaire sans frais. Une partie de l'assurance complémentaire peut concerner les médicaments coûteux qui ne sont pas pris en charge par le régime.

Le sénateur Morin: Enfin, je sais que vos coûts dans le domaine de la santé sont demeurés stables au cours des 20 dernières années, mais je crois que les chiffres absolus laissent voir une augmentation de 20 p. 100 depuis 1990. Dans la documentation que nous vous avons remise, monsieur Björkman, vous constaterez une augmentation notable des coûts des soins de santé au cours des deux dernières années, en chiffres absolus, aussi bien qu'en proportion du PNB. Avez-vous remarqué cela pour les Pays-Bas aussi?

Le Dr Björkman: Non, nous n'avons pas vraiment observé cela. Nous entendons dire que du côté nord-américain, pour une raison ou une autre, les pressions s'accumulent. Je me demande moi-même si cela ne fait pas que démontrer que l'information circule, comme un de vos collègues l'a dit, non seulement à propos de la situation d'aujourd'hui, mais aussi des éventualités, de ce qui peut arriver à l'avenir.

Ici, cela semble très bien admis que nous allons investir telle proportion de notre PIB. Je n'ai pas constaté d'augmentation de cette proportion. Comme je l'ai dit, tous les ans, il y a un petit scandale à propos du fait que les dépenses en santé sont un peu plus élevées que ce qui était prévu. Quand je dis «un peu plus», je peux parler de milliards de florins, mais cela demeure une fraction du budget global.

Je suis tout à fait étonné du degré de stabilité du régime néerlandais, même si vos collègues se demanderont peut-être ce qui se passera quand le régime s'européanisera, quand les règles vont commencer à s'appliquer au continent entier.

Le Dr Hurts: Le véritable débat peut se résumer comme suit: Si nous assouplissons la réglementation détaillée qui existe et laissons les forces du marché faire leur oeuvre, les préférences des consommateurs prouveront peut-être que notre population veut consacrer à la santé non pas 8 p. 100 du PNB, mais plutôt 10 ou 11 p. 100. La grande question est alors la suivante: quelle sera notre réaction?

Le sénateur Morin: La majeure partie de cela, ici, va à la main-d'oeuvre et aux médicaments. Ce sont les deux principaux facteurs qui expliquent l'augmentation des coûts médicaux au Canada et aux États-Unis.

Le Dr Björkman: C'est un secteur où il y a beaucoup de main-d'oeuvre - on parle non seulement des médecins spécialistes qui obtiennent tant d'attention, mais aussi de tous les autres qui mettent la main à la pâte. Je n'arrête pas d'insister sur le fait que le réseau de la santé regroupe 5 p. 100 de la population active totale. Les gens sont nombreux à y gagner leur pain.

Votre collègue a mentionné le cas des infirmières, dont le travail est sous-financé depuis des années. La seule tâche qui consisterait à relever à un niveau modeste le revenu des infirmières laisse voir subitement un gros problème financier.

Il y a une autre question, qui n'a peut-être plus la cote, mais nous pouvons choisir de consacrer plus d'argent à la santé ou à l'éducation pour avoir une meilleure qualité de vie. C'est parfaitement raisonnable. Il ne s'agit pas de profiter de la situation en choisissant le plus petit dénominateur commun; c'est une question de choix. Si nous privilégions une seule option, je crains que nous passions à côté du fait que nous pouvons choisir la façon de répartir nos ressources.

Le sénateur Morin: C'est très bien dit.

Le sénateur Robertson: Quel sera l'effet sur l'Union européenne des soins que vous dispensez dans votre régime? Est-ce qu'il finira par y avoir des salaires communs dans l'Union européenne pour les infirmières, par exemple, et pour d'autres travailleurs du réseau de la santé, ou encore aurez-vous le droit de choisir votre propre voie?

Le Dr Hurts: C'est, encore une fois, une question délicate. Dans le traité européen, qui jette les fondements de l'Union européenne, les politiques sociales, et notamment la politique de la santé, sont considérées comme des politiques nationales. Il n'y a pas de politique européenne pour le secteur de la santé.

L'effet qu'auront les forces du marché sur la rémunération des services, par exemple, je ne saurais le dire. Je ne crois pas que les choses vont évoluer très rapidement à cet égard. Les différences entre les pays demeurent très grandes. Parfois, elles s'agrandissent même. À d'autres égards, certains pays se rapprochent, mais c'est un tableau très difficile à saisir.

Comme c'est le cas dans votre pays, nous avons aussi une grande pénurie d'infirmières dans nos hôpitaux. Nous avons essayé de faire venir des infirmières d'Afrique du Sud et d'Indonésie, mais cela ne s'est pas révélé être la solution tout indiquée. Nous ne pouvons en trouver dans d'autres pays d'Europe en ce moment. Nous sommes encore très loin d'un marché du travail européen.

Le Dr Björkman: Voici une question très importante - et je le dis également pour nos amis européens -, il faut envisager que cela prend des décennies et il faut observer les grands réseaux comme le vôtre ou même celui des États-Unis, où les écarts sont très grands à l'intérieur même du réseau. Une question importante consiste à savoir quel écart les Pays-Bas sont prêts à accepter. Nous poussons pour l'uniformisation d'un type quelconque de péréquation, mais ce n'est pas au point où ce sera l'égalité des services, ce que j'ai essayé de faire valoir plus tôt.

Cela me frappe de constater que les Européens se sont donné pour mission d'essayer de relever tout le monde à un bon niveau de qualité, mais je n'ai jamais entendu parler de la possibilité que certains éléments du système réduisent les services. Encore une fois, dès que cela arrive, c'est de la dynamite sur le plan politique. L'Union européenne fait comme il se doit et bouge très lentement, mais dans un sens qui fait que, sur une génération, une période de 20 ou 30 ans, il y aura davantage d'échanges, même si nous allons toujours avoir des problèmes linguistiques et des problèmes culturels. Même là où il est question des Belges et des Néerlandais, on ne peut traverser la frontière facilement, aussi facilement que l'on peut aller de Vancouver à St. John's.

Le président: J'ai une observation supplémentaire à propos de la dynamite politique. Essentiellement, la dynamite, dans notre système, provient du fait que les files d'attente servent de moyen de rationnement. Une fois que le problème des listes d'attente est devenu assez important pour être remarqué, ce qui était dû en partie à des cas fortement médiatisés et en partie au fait que les gens étaient de plus en plus nombreux à connaître un ami ou un parent qui a été assujetti à une attente jugée intolérable, personne ne s'est jamais attendu à ce que la période d'attente soit ramenée à zéro. De même, aucune autorité publique n'affirme ce à quoi ressemblerait une liste d'attente raisonnable, mais cela est devenu de la dynamite politique lorsque les listes d'attente sont devenues un phénomène remarqué par la personne moyenne. Par conséquent, le système de rationnement est devenu réel simplement en tant que reportage médiatique sur les compressions.

Le sénateur Graham: Plusieurs des témoins que nous avons accueillis préconisaient une augmentation des dépenses consacrées aux programmes de prévention. Pouvez-vous nous expliquer quelle est la situation à cet égard aux Pays-Bas et, si vous dépensez pour cela, d'où vient l'argent?

Le Dr Björkman: Je commencerai, puis le Dr Hurts peut me corriger en étoffant. Le réseau néerlandais, à l'exemple des réseaux en Europe et en Amérique du Nord, consacre très peu d'argent à l'éducation sanitaire et aux soins préventifs. Les pressions proviennent en partie des soins de courte durée, des soins chroniques et des divers recours immédiats, ce qui représente au moins 90 ou 95 p. 100 de l'argent investi. Bien sûr, quiconque est conscient du fait que chacun doit mourir un jour, mais qu'il peut vivre et profiter d'une bonne qualité de vie dans l'intervalle commencera à insister sur le dépistage rapide, la prévoyance, les bons conseils en matière d'alimentation, tout ce qui fait la médecine préventive. C'est comme le sermon que l'on entend le dimanche matin à l'église - on sait que c'est ce qu'il faut faire. Toutefois, durant la semaine, il faut parer au plus pressé, c'est-à-dire soigner les gens et essayer de guérir leur état ou les aider à composer avec le problème.

Mon instinct, c'est que si nous étudions les chiffres de prévention pour les Pays-Bas, nous constaterons qu'ils sont légèrement plus élevés qu'en Amérique du Nord, mais ce ne sera pas une différence marquée puisque les intérêts organisés dont nous discutons depuis quelques heures continueront de faire pression pour que l'argent disponible serve aux soins directs. Quand nous parlons de prévention dans le domaine de la santé, nous parlons de questions à long terme. À ce moment-là, il est question des conditions de logement, des conditions de travail, de toutes les questions qui touchent la qualité de vie, car elles ont une incidence sur la santé.

Le Dr Hurts: L'autre problème, c'est qu'il est quelque peu difficile d'instaurer les bonnes mesures d'incitation, celles qui permettront d'établir des mesures de prévention dans un régime basé sur l'assurance. Quel intérêt pourrait avoir un assureur à financer des mesures de prévention?

Nos programmes de prévention sont financés en partie grâce à l'assurance sur les dépenses médicales exceptionnelles; ils sont donc accessibles à l'ensemble de la population. C'est plus ou moins l'élément traditionnel de prévention.

Le sénateur Graham: On ne fait donc pas pression, aux Pays-Bas, pour étoffer les programmes préventifs en santé?

Le Dr Hurts: Pas autant que nous le souhaiterions.

Le Dr Björkman: Cela me rappelle une statistique épouvantable concernant les États-Unis: quelque chose comme la moitié de tout l'argent consacré à la santé est dépensé durant la dernière année de vie de la personne - un impact énorme à la fin du cycle de vie. Cela est peut-être tout à fait approprié, car cela vous est dû et que c'est ce qu'il convient de faire sur le plan social. Si on ne prenait ne serait-ce qu'une fraction de cet argent pour la consacrer à la prévention, non seulement on assurera la qualité de la vie, mais en plus on fera en sorte que les aînés seront mieux préparés à faire face au stade terminal de la vie. Ce sont là de grandes questions. La seule réponse que je puisse voir concerne non pas une compagnie d'assurance et des primes, mais plutôt la volonté de choisir, politiquement, d'adopter cette politique, politique qu'on est prêt à mettre en place et non seulement à faire valoir.

Le sénateur Graham: Pour revenir un instant au coût des produits pharmaceutiques, y a-t-il trop d'ordonnances qui sont établies dans votre pays? Surveille-t-on les médecins à cet égard?

Par exemple, il peut y avoir une situation où un omnipraticien qui compte de nombreux patients fait l'objet de pressions de la part du parent ou de la personne pour qu'il prescrive un médicament pour un enfant ou une personne âgée. Surveille-t-on cela, est-ce un problème?

Le Dr Hurts: Oui, c'est un problème, je suppose. Je ne sais pas quelle ampleur il prend. Non, on ne surveille pas cela. Il y a un problème particulier dans nos grandes villes, là où il y a un grand nombre d'étrangers. Nous accueillons un grand nombre de personnes provenant de pays comme la Turquie, la Tunisie et le Maroc, qui viennent travailler aux Pays-Bas et y habitent. Parmi les vieilles générations, ces gens ne parlent pas beaucoup le néerlandais. Par conséquent, leur contact avec leur omnipraticien n'est pas très bon. S'ils se font prescrire un médicament, les probabilités sont bonnes qu'ils ne le prennent jamais. On effectue des expériences à Rotterdam: là, des interprètes spécialement formés travaillent dans les cabinets des omnipraticiens pour préparer les gens en question à poser des questions au médecin. Ils aident le médecin à communiquer avec les gens. Ils donnent des renseignements sur les produits pharmaceutiques prescrits, de sorte qu'un plus grand nombre de personnes prennent leurs médicaments. Les résultats, sur le plan de la santé, sont nettement meilleurs. Les coûts globaux sont moins élevés qu'ils le seraient si on n'offrait pas cela.

Le Dr Björkman: C'est comme le chien qui n'aboie pas au milieu de la nuit. Si on regarde les enquêtes que font les journalistes... je ne me souviens pas d'avoir entendu parler, durant les dix dernières années, d'une histoire où trop de médicaments avaient été prescrits. J'ai l'impression que ceux qui prescrivent, les professionnels, s'imposent eux-mêmes une certaine discipline, pour s'assurer que les gens ne font pas que gober des pilules. Autant que je sache, rien ne les incite à faire cela; si, par contre, cela se passait, je crois bien que les journalistes d'enquête auraient mis le problème au jour.

Le sénateur Graham: Je posais seulement la question dans le sens où cette pratique aurait pour effet de faire augmenter les coûts des soins de santé.

Le Dr Hurts: Les gouvernements ne sont aucunement incités à faire cela. Ce que nous espérons voir dans notre réseau, c'est que le pharmacien exerce un certain contrôle sur la consommation de médicaments chez les patients, surtout si celui-ci est traité par plusieurs médecins à la fois. Toutefois, en moyenne, cela ne fonctionne pas très bien. Les personnes âgées doivent parfois prendre 10, 12 ou 16 types de médicaments. Il n'y a pas beaucoup de contrôle là-dessus - on ne sait pas très bien si c'est sage ou non. Parfois, l'omnipraticien aidera à exercer le contrôle en question, parfois le pharmacien le fera. Souvent, cela ne se fait pas du tout, et il n'y a aucun contrôle.

Le sénateur Keon: Au Canada, certains d'entre nous au moins espèrent que nous allons aboutir à un système national d'information sur la santé. Vous avez devant les yeux le livre bleu de l'ICIS, ce qui représente une tentative certes, durant les quelques dernières années, de fournir au moins certaines des données dont nous disposons. Le système national d'information sur la santé, si nous parvenons jamais au mettre en place, donnera des informations sur les résultats et des informations sur la santé de la population. Alors, nous allons pouvoir nous concentrer sur les principaux problèmes de santé à partir de données démographiques et prévoir nos dépenses de manière à contrôler et éliminer certains des grands problèmes de santé auxquels nous faisons face.

Que faites-vous en ce sens? Les Britanniques, par exemple, sont en avance sur nous à ce chapitre. Pouvez-vous nous décrire là où vous en êtes dans ce dossier?

Le Dr Hurts: Je crains que nous soyons un peu en retard à cet égard. Ce dont on prend conscience en ce moment, c'est qu'à mesure que le réseau néerlandais incite les assureurs et les fournisseurs de soins à prendre en charge des responsabilités plus grandes et que l'État prend de moins en moins de place, tout le monde s'entend pour dire qu'il doit y avoir plus d'information sur les résultats du système. Autrement dit, quel résultat donne l'argent investi dans le système? En ce moment, nous aimerions en savoir beaucoup plus là-dessus. Nous sommes conscients du fait que d'autres pays obtiennent de meilleurs résultats. C'est vraiment un secteur où nous devrions nous mettre au boulot.

Le Dr Björkman: Il est vrai que des établissements affichent maintenant leur liste d'attente sur Internet. Ce sont des vagues d'information qui deviennent accessibles. De fait, au fur et à mesure que les recherches sur les services de santé se font, on trouve des choix intéressants du point de vue de l'optimisation des ressources et des résultats des investissements particuliers en question. J'appuie ce que vous disiez: si vous avez l'information et que vous pouvez y accéder convenablement, vous pouvez cibler convenablement. Si vous ciblez convenablement, vous obtenez un bon rendement en échange de l'investissement. J'ai la conviction qu'une bonne base d'information est une bonne idée. On ne saurait s'en tenir à ça, mais c'est comme tous les systèmes de données - si les données inscrites sont erronées, les résultats produits sont erronés. Tout a trait à la qualité de l'information et à la qualité de l'utilisation qu'on en fait.

J'ai constaté que mes amis professionnels sont souvent en désaccord avec ce qui est considéré comme constituant une information correcte, ce qui peut servir et ce qui ne peut pas servir. Sur le plan théorique, c'est tout à fait juste; sur le plan pratique, il y a encore beaucoup de discussions sur ce qui est convenable.

Le président: Je reviens au début. Nous discutions du fait pour vous de cheminer davantage vers un marché concurrentiel. J'ai l'impression que vous n'envisagez pas le genre de changements qui ont été mis en place au Royaume-Uni, par exemple, là où le gouvernement a délibérément cherché à établir un marché concurrentiel. Est-ce juste de conclure que vous êtes heureux du fait qu'il existe une certaine concurrence entre les caisses maladie et ainsi de suite et que vous n'envisagez pas de passer à un système plus direct fondé sur le marché?

Le Dr Björkman: Je dirais que oui. Il y a environ huit ans, j'ai été appelé à faire un survol rapide des questions dont nous discutons aujourd'hui. Après avoir fait cela, j'ai conclu qu'on ne remplace pas une formule qui fonctionne bien. Il s'avère que le système a intégré une série d'éléments de concurrence en ce qui concerne les payeurs, les fournisseurs, les établissements et même l'information dont nous venons de parler. Pourquoi donc en transformer radicalement un élément quelconque? Je dirais plutôt: laissez les choses se dessiner elles-mêmes.

En termes comparatifs, j'accorde au réseau néerlandais une très bonne note. Bien sûr, il y a toujours plus à faire. On peut toujours en faire plus. Toutefois, si on regarde ce qui se passe dans le monde, on voit qu'il s'agit là d'un réseau qui est en très bonne santé.

Le Dr Hurts: Je crois qu'il y a beaucoup de choses à améliorer dans notre réseau. Nos besoins et nos désirs culturels nationaux sont tels que nous n'allons jamais laisser agir entièrement les forces du marché en ce qui concerne notre réseau d'assurance-santé. Je crois que plus de mesures incitatives propres au marché libre seront intégrées au système, sans que cela soit un véritable système de marché. Des questions comme la solidarité figureront toujours au haut de la liste de nos souhaits nationaux, de sorte que nous allons toujours nous retrouver avec un système mixte au bout du compte. Je crois qu'il y aura adoption de mesures incitatives axées sur le marché dans chacun des éléments du système.

Le président: Merci beaucoup d'avoir pris le temps de témoigner devant nous. Nous l'apprécions énormément; votre témoignage s'est révélé extrêmement utile. Nous espérons bien pouvoir vous rencontrer en chair et en os un jour.

La séance est levée.


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