Aller au contenu
SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 41 - Témoignages


ST. JOHN'S, le lundi 5 novembre 2001

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 heures pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Sénateurs, nos premiers témoins de ce matin sont Robert Thompson, sous-ministre de la Santé et des Services communautaires et Beverley Clarke, sous-ministre adjointe de la Politique au ministère. Merci beaucoup à tous les deux d'être venus. Nous apprécions que vous ayez pris la peine de venir discuter avec nous. Nous allons entendre vos déclarations liminaires, après quoi nous vous poserons quelques questions.

M. Robert C. Thompson, sous-ministre, ministère de la Santé et des Services communautaires, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador: Nous sommes ravis de pouvoir vous parler du système de santé de Terre-Neuve et du Labrador et des questions sur lesquelles se penche votre comité.

Nous parlerons, plus particulièrement, du financement et de la santé de la population dont il est question dans le volume 4 de votre rapport. Je vous prie de m'excuser de ne pas vous avoir remis le texte de notre présentation, mais nous veillerons à ce que la greffière le reçoive plus tard aujourd'hui.

La croissance accélérée des coûts de la santé, les grandes attentes du public, l'insuffisance des revenus provenant du gouvernement fédéral, les listes d'attente et la difficulté de transférer des ressources dans les programmes visant à promou voir la santé de la population sont autant de problèmes que Terre-Neuve et le Labrador connaissent comme bien d'autres provinces. Nous sommes fiers de nos professionnels de la santé et de nos services et le degré de satisfaction des patients est élevé, mais nous éprouvons des inquiétudes au sujet de la viabilité du système actuel.

Dans le but de résoudre ces problèmes, l'honorable Julie Bettney, ministre de la Santé et des Services communautaires, a lancé un processus de consultation dans le but de parvenir à un consensus sur les principes qui devront être à la base des décisions concernant l'avenir du système de santé dans la province.

Ce processus a commencé par des tribunes régionales réunissant les divers intervenants et se terminera par une tribune provinciale les 27 et 28 novembre. C'est un processus semblable au vôtre.

Ces consultations se déroulent à un moment crucial. Le gouvernement doit prendre des décisions à court terme pour remédier aux pressions qui s'exercent sur les finances publiques, mais il désire prendre ces décisions en fonction de paramètres à long terme. Le résultat de ces consultations aura donc des répercussions directes sur les plans opérationnels et les budgets de l'année prochaine.

En ce qui concerne le financement de la santé, notre document de discussion mettait en lumière certains des principaux problè mes auxquels le système se trouvait confronté: une réduction importante des transferts fédéraux dans le cadre du Transfert canadien en matière de santé et de programme sociaux, des dépenses qui absorbent 44 p. 100 du budget des programmes de l'ensemble du gouvernement et une croissance rapide des dépenses dans des domaines comme les médicaments et les soins à domicile.

Nous voyons un consensus émerger des consultations en ce qui concerne ces problèmes et plusieurs autres. Jusqu'ici, la majorité des opinions émises s'opposaient à d'autres méthodes de financement, que ce soit le ticket modérateur ou d'autres formes de financement privé des services médicaux. Il y a également une assez forte opposition aux hausses d'impôt et à la réaffectation d'autres éléments du budget gouvernemental au profit du secteur de la santé.

La stratégie la plus couramment acceptée est celle qui maintient tous les principes de la Loi canadienne sur la santé et prévoit la réaffectation du budget de la santé des secteurs où les besoins sont les plus faibles vers ceux où ils sont les plus criants.

Le comité permanent fait observer dans son rapport que la réaffectation des économies réalisées grâce à un gain d'efficacité ne suffirait pas à répondre aux besoins futurs et qu'il faut donc trouver de nouvelles sources de revenu. Le gouvernement provincial n'a pas encore pris position sur les questions abordées dans le cadre des tribunes sur la santé, mais la stratégie de financement qu'il adoptera sans doute, uniquement sur la base de ces discussions, sera effectivement une stratégie de réaffectation. Nous devrons pour cela établir où nous pouvons accroître l'efficacité, augmenter la productivité, transférer les fonds des secteurs où les besoins diminuent vers ceux où ils augmentent, et surtout, prendre des mesures novatrices pour limiter la croissance des coûts. Nous partageons les opinions du comité permanent en ce qui concerne la réforme des soins primaires.

Plusieurs projets pilotes importants de même qu'une loi régissant le personnel infirmier ont jeté les bases d'une nouvelle réforme des soins de santé primaires dans la province. Nous avons également mis sur pied un comité consultatif ministériel sur les soins primaires qui présentera son rapport le 28 novembre.

Nous espérons que les recommandations de ce comité, plus celles d'autres parties prenantes, nous aiderons à établir un système de soins primaires grâce auquel les patients auront accès aux professionnels de la santé dont ils auront besoin, tout en limitant la croissance des coûts.

Nous sommes également en faveur d'un processus d'évaluation et d'approbation scientifique unique des nouveaux produits pharmaceutiques à inclure dans les programmes de subvention des médicaments. Un processus d'évaluation unique et d'une grande crédibilité permettra d'autoriser des médicaments efficaces tant sur le plan clinique qu'économique tout en laissant une marge de manoeuvre aux provinces qui, pour une question d'argent, n'auront pas les moyens de payer certains nouveaux médica ments.

En ce qui concerne l'augmentation des revenus, il faut améliorer le programme de péréquation et le Transfert social canadien. Le premier ministre, M. Grimes, a récemment présenté au Comité sénatorial permanent des finances nationales la position de notre province au sujet de la péréquation. Un redressement de la péréquation pourrait, à lui seul, nous donner une plus grande marge de manoeuvre pour offrir des services publics comparables à ceux des autres provinces.

Votre comité a attiré l'attention sur l'incapacité des provinces de l'Atlantique à offrir des programmes de médicaments, même si ce sont les provinces où le pourcentage de la population qui ne bénéficie pas d'une assurance-médicaments privée est le plus élevé. La péréquation peut contribuer à remédier à ce problème.

À cause de l'insuffisance du financement apporté par le Transfert social canadien, les provinces doivent puiser dans leurs propres sources de financement pour faire face à la croissance du coût de la santé. En portant le Transfert social canadien à son niveau de 1994-1995 avec le facteur de progression requis on corrigerait cette anomalie qui nous empêche de fournir des services de santé viables, accessibles et de haute qualité.

Que le gouvernement fédéral fournisse ou non des revenus supplémentaires, nous devons limiter les coûts, rendre le système de santé plus souple et insister encore davantage sur le mieux-être.

Le mieux-être était l'un des principaux thèmes des tribunes régionales sur la santé. Ce thème englobait un bon nombre des questions soulevées dans le rapport du comité permanent. En moyenne, l'autoévaluation de la santé des résidents de la province est meilleure que celle des autres Canadiens, mais pour ce qui est des indicateurs de santé comme le sentiment de pouvoir décider de sa vie, le stress chronique et les décès dus au suicide les résultats sont très inquiétants. Par exemple, 28 p. 100 des adultes fument, contre 25 p. 100 pour l'ensemble du pays. Notre province a le taux d'obésité le plus élevé du Canada. Dix-huit pour cent des personnes âgées de plus de 12 ans font des activités physiques, contre 21 p. 100 pour l'ensemble du pays. Les taux de décès dus aux maladies coronariennes, aux maladies cardiovasculaires ou à un accident vasculaire cérébral sont parmi les plus élevés au pays.

Le comité permanent a également mis en lumière les déterminants de la santé, pour aider à identifier les causes plus générales de l'état de santé. Terre-Neuve et le Labrador ont également des défis à relever en ce qui concerne un grand nombre de ces principaux déterminants. Les principaux indicateurs sont le chômage, le revenu et le taux d'alphabétisation. La nécessité d'adopter une stratégie centrée sur le mieux-être est évidente. Cette opinion a été largement confirmée lors des tribunes régionales sur la santé. La ministre, Mme Bettney, a la ferme intention d'adopter une stratégie de mieux-être comme élément fondamental d'une stratégie à long terme pour la province.

Le comité permanent fait valoir qu'une approche multidiscipli naire et multiministérielle de la santé de la population peut être plus avantageuse qu'un effort se limitant au secteur de la santé. Ce point de vue a également été appuyé à l'occasion des tribunes sur la santé. Le comité permanent soulève l'importante question de savoir comment il est possible d'assurer une coordination et une intégration entre les divers organismes.

La province de Terre-Neuve et du Labrador possède déjà l'infrastructure institutionnelle voulue dans le cadre de son Plan social stratégique, le PSS. Le PSS a été lancé en 1998. Il fait participer les ministères et organismes à vocation économique et sociale à une stratégie globale visant à promouvoir la santé, l'éducation, l'autonomie et la prospérité dans le contexte de collectivités dynamiques et de régions viables.

Le PSS a entraîné la création de comités multidisciplinaires dans sept régions. Ces comités identifient les objectifs sociaux qui peuvent être atteints grâce aux activités complémentaires de nombreux ministères et organismes. Il fournit également un soutien institutionnel pour la planification et l'élaboration des politiques au niveau interministériel. Le réseau établi dans le cadre de ce plan, tant au sein du gouvernement que dans l'ensemble de la province avec la participation de gens du gouvernement et du secteur privé sera donc un élément fondamental de la stratégie de mieux-être pour la province.

Le gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador a d'énormes défis à relever sur le plan financier. Une priorité stratégique consiste à rendre le système assez souple pour que nous puissions répondre aux nouveaux besoins, notamment sur le plan du mieux-être et de la santé de la population.

J'espère que ces observations vous seront utiles. Nous nous ferons un plaisir de discuter de ces questions plus en détail avec vous.

Le président: J'aimerais un éclaircissement au sujet du financement. Je comprends pourquoi le consensus qui ressort de discussions publiques veut que tout changement dans le système soit financé à la fois par un gain d'efficacité ou de productivité et un transfert des fonds des besoins moins importants vers les besoins plus importants. Je crois que vous avez également mentionné une autre suggestion émanant d'un comité?

M. Thompson: Non.

Le président: Dans ce cas, permettez-moi de vous poser une question au sujet des changements sur le plan de l'efficacité, à commencer bien entendu par une réforme des soins primaires. Quand vous parlez de transférer de l'argent des choses moins importantes vers les choses plus importantes, cela revient, en réalité, à laisser tomber certains services. Vous ne fourniriez plus certains services de façon à offrir des services plus importants, mais en pratique, vous laisseriez tomber certaines choses, n'est-ce pas?

M. Thompson: Ce n'est pas le seul genre de réaffectation que nous pourrions faire. Pour ce qui est de l'efficacité, il se peut que nous offrions des services dans beaucoup plus d'endroits qu'il n'est nécessaire, que l'accès soit plus grand que ce n'est justifié. Il y a donc des possibilités de remaniement. Nous pourrions également laisser tomber certains services.

Le président: La régionalisation est un exemple de regroupe ment des ressources qui vous permettrait d'économiser de l'argent. Je trouve inquiétant de vous entendre dire que 25 p. 100 des gens de la région de l'Atlantique n'ont aucun régime d'assurance-médicaments. Nous sommes tous au courant de l'augmentation du prix des médicaments et de l'importance croissante que revêtent les médicaments. Avez-vous cherché des façons de remédier à ce problème?

M. Thompson: Nous n'avons pas envisagé de régime d'assu rance-médicaments qui couvrirait une plus grande partie de la population. Nous nous sommes contentés de voir comment faire en sorte que nos programmes actuels soient les plus efficaces possible et ne dépassent pas les coûts que nous avons prévus. Nous n'avons pas pris de nouvelles initiatives visant à élargir ces programmes pour qu'ils couvrent une plus grande partie de la population.

Le président: Quels programmes de médicaments avez-vous actuellement?

M. Thompson: Des programmes qui s'adressent aux person nes à faible revenu et aux personnes âgées.

Le président: Cela veut dire que tout assisté social en bénéficie?

M. Thompson: C'est exact.

Mme Beverley Clarke, sous-ministre adjointe de la Politi que, ministère de la Santé et des Services communautaires, gouvernement de Terre-Neuve et du Labrador: Depuis deux ans, par l'entremise du ministère des Ressources humaines et de l'Emploi, tout prestataire de l'aide sociale qui va travailler peut continuer à bénéficier du programme de médicaments pendant au moins six mois. Ce petit élargissement a des effets positifs pour les gens.

Le président: Toutes les personnes âgées ont droit à l'assurance-médicaments ou seulement certaines d'entre elles?

Mme Clarke: Les personnes âgées à faible revenu.

Le président: Nous constatons un écart entre la situation, pas seulement de Terre-Neuve, mais de toutes les provinces de l'Atlantique et celle des provinces de l'Ouest. La situation qui existe dans toute la région de l'Atlantique est assez différente de ce qu'elle est partout ailleurs au Canada. De toute évidence, c'est à ce niveau-là que le système de santé est le moins équitable.

M. Thompson: Je ne sais pas depuis combien de temps cet élément supplémentaire est en vigueur. Je fais partie du ministère depuis février et j'ai vu des cas de gens à faible revenu, non pas des assistés sociaux, qui devaient prendre des médicaments extrêmement coûteux. Le ministère des Ressources humaines et de l'Emploi peut évaluer certains de ces cas et émettre une autorisation aux personnes qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale, mais qui ont besoin d'une assistance pour obtenir ces médicaments très coûteux.

Le gouvernement provincial a également accordé une aide supplémentaire dans ce genre de cas, mais il n'a pas pour politique d'étendre son programme à une plus grande partie de la population non assurée.

Le sénateur Cochrane: Combien de personnes à faible revenu, mais qui ne sont pas bénéficiaires de l'aide sociale, demandent de l'aide pour payer leurs frais médicaux, combien d'entre elles l'obtiennent et qui décide si elles seront aidées ou non?

M. Thompson: Ces décisions sont prises par les évaluateurs du ministère des Ressources humaines et de l'Emploi qui s'occupent des programmes d'assistance sociale. Je n'ai pas de chiffres quant au nombre de demandes et le montant de l'aide demandée. Nous pourrons certainement nous informer et fournir ces renseignements au comité.

Le sénateur Cochrane: Nous voudrions savoir combien de personnes ont fait une demande, combien de demandes ont été rejetées et combien ont été acceptées. C'est un renseignement qui nous sera très utile. À mon avis, cela aide les personnes à faible revenu à rester sur le marché du travail.

Je sais que vous avez organisé des tribunes sur la santé pour chercher des moyens d'assurer la viabilité du système que nous avons à Terre-Neuve. En est-il ressorti des suggestions quant à la façon de consolider le système? Y a-t-il des solutions sur lesquelles tout le monde est d'accord?

M. Thompson: J'aimerais pouvoir vous fournir un résumé des propositions. Nous venons de terminer la dernière tribune la semaine dernière. Nous sommes en train de compiler tous les résultats. Ils ne sont pas encore prêts. Il est toutefois évident que, d'un bout à l'autre de la province, les gens appuient les principes de la Loi canadienne sur la santé. Si le système de santé a besoin de plus de ressources, il ne faut pas qu'elles proviennent d'impôts supplémentaires ou d'une réaffectation des autres priorités de dépenses de notre société. Ce sont là les principales conclusions. Bien entendu, cela limite les options à la disposition du gouvernement. Le gouvernement provincial n'a pas encore décidé de la position à adopter. Voilà ce qui se dégage surtout du consensus.

Mme Clarke: Dans le contexte de la réaffectation des ressources, la principale priorité est le mieux-être. Les gens ne nous ont pas demandé expressément d'enlever de l'argent aux établissements de soins pour le réinvestir dans la collectivité, mais il semble que nous ayons besoin de réorienter l'argent mis à la disposition des établissements de soins actifs vers les soins communautaires qui sont centrés sur le mieux-être. Nous allons nous pencher sur la question des réaffectations, mais aucune décision n'a encore été prise.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous discuté de mesures de prévention?

Mme Clarke: Oui. Nous avons discuté du mieux-être dans le contexte de la promotion de la santé et de la prévention. Nous avons le taux d'obésité le plus élevé au pays, le plus haut taux de décès causés par des maladies cardiovasculaires et nous pouvons donc faire quelque chose sur le plan de la prévention et des interventions hâtives.

Le sénateur Cochrane: J'ai l'impression qu'il faudrait commencer par l'éducation.

Mme Clarke: Oui.

Le sénateur Cochrane: Il s'agit de montrer aux gens ce qu'ils doivent faire pour assurer leur bien-être. Avez-vous dit envisager un ticket modérateur ou avez-vous soulevé cette question?

M. Thompson: Oui.

Le sénateur Cochrane: Les gens étaient-ils pour ou contre le ticket modérateur?

M. Thompson: À peu près tout le monde pensait que le ticket modérateur n'était pas la bonne solution.

Le sénateur Cochrane: Certains groupes se sont-ils prononcés pour le ticket modérateur?

M. Thompson: Je ne me souviens d'aucun groupe qui se soit prononcé pour. Si les gens s'opposaient au ticket modérateur c'est surtout parce qu'il peut empêcher les travailleurs à faible revenu de se servir du système de santé sans limiter les abus autant que le prétendent les partisans de cette mesure. C'est ce que j'ai pu constater également dans vos rapports. Nous entendons constam ment ce genre d'argument.

Le président: Nous avons proposé toute une série d'options dans notre rapport. Lorsque nous avons mentionné la possibilité d'imposer des frais d'utilisation, nous avons attiré également l'attention sur des études démontrant que cette formule n'est pas efficace. Nous trouvons étrange que le ticket modérateur existe dans tous les pays industrialisés, y compris de nombreux pays d'Europe qui ont des systèmes de soins de santé universels. Cela nous paraît bizarre. Néanmoins, nous avons quand même proposé cette option pour faire le tour complet de la question.

Toutes les recherches prouvent que le ticket modérateur défavorise les personnes à faible revenu. Nous avons mentionné cette option afin de ne rien laisser de côté. Nous avons été étonnés de constater que tous les pays d'Europe, l'Australie et la Nouvelle-Zélande, pour ne citer que quelques exemples, qui ont des systèmes universels, imposent également un ticket modéra teur. Nous avons jugé toutefois nécessaire d'envisager toutes les options afin de faire le tour complet de la question. Ces diverses options ont été envisagées, même dans vos tribunes.

Le sénateur Cochrane: Nos médecins et nos infirmières vieillissent et quitteront bientôt la profession. Ils vont prendre leur retraite. Avons-nous prévu une stratégie pour recruter de jeunes médecins, infirmières et autres professionnels de la santé?

M. Thompson: Nous sommes confrontés à des problèmes intéressants sur le plan des ressources humaines. C'était un autre des thèmes de nos tribunes et c'est une question pour laquelle nous faisons une planification intensive, aussi bien dans la province que dans la région de l'Atlantique et à l'échelle nationale. Vous avez parlé des médecins et des infirmières en particulier.

Nous prévoyons qu'à moins de faire quelque chose pour garder les diplômées des écoles d'infirmières, nous aurons une pénurie d'infirmières d'ici cinq à 10 ans. Nous sommes à la recherche de solutions. Nous avons mis sur pied des programmes de bourses pour inciter nos diplômées à rester dans la province au lieu d'aller travailler ailleurs. Ce programme a eu un certain succès.

Il est plus difficile de recruter et de garder les médecins. Nous comptons sur les diplômés des écoles de médecine étrangères pour maintenir notre effectif. Nous devons surtout chercher à retenir un plus grand nombre de diplômés de la Faculté de médecine de l'Université Memorial parce qu'ils pourraient suffire entièrement à la demande. Cette stratégie comporte des exigences multiples et elle sera coûteuse. C'est toujours une question difficile et nous lui consacrons le maximum de ressources. Nous n'avons pas trouvé la solution parfaite, mais si nous pouvons retenir davantage de diplômés, ce sera la meilleure solution pour Terre-Neuve et le Labrador.

Le sénateur Cochrane: Cela améliorera les choses, surtout dans les régions rurales.

M. Thompson: En effet.

Le sénateur Cochrane: Il y a vraiment un problème dans ces régions.

Le sénateur Robertson: Avez-vous, comme dans le reste du pays, de longues lignes d'attente, des listes d'attente pour la chirurgie, et cetera, cela pose-t-il un problème pour vous?

M. Thompson: C'est souvent un problème. Pour certaines spécialités les listes d'attente de certaines régions sont sans doute plus courtes que dans le reste du pays tandis qu'ailleurs elles sont plus longues. C'est une des plaintes que l'on formule le plus souvent à l'égard du système de santé. Nous n'avons toutefois pas de données complètes sur la question. C'est une chose sur laquelle nous devons travailler afin de savoir exactement quelle est la longueur des listes d'attente, mais il est clair que les personnes qui ne peuvent pas attendre et qui ont besoin d'un traitement urgent ne sont pas mises sur une liste d'attente. Pour les opérations chirurgicales non urgentes et autres types de traitements, il y a des listes d'attente, ce qui suscite des inquiétudes dans certaines régions.

Le sénateur Robertson: L'utilisation d'équipement hospitalier coûteux pose des problèmes; il est difficile de trouver suffisam ment d'argent et l'équipement est donc sous-utilisé. Il peut être également difficile de transférer de l'argent des établissements de soins actifs vers les soins communautaires, la prévention ou les programmes de médicaments. Avez-vous examiné ce problème? Vous voulez que les fonds supplémentaires dont vous avez besoin proviennent d'une réaffectation des fonds et d'une augmentation des paiements de transfert. Qu'arrivera-t-il si le gouvernement fédéral n'augmente pas ses paiements? Où trouverez-vous votre argent?

M. Thompson: Je ne peux pas vous dire exactement où se feront les réaffectations. Bien entendu, nous devons établir une stratégie car en plus des listes d'attente, il y a des technologies et de nouveaux médicaments très coûteux ainsi qu'une demande qui ne cesse de se multiplier. Nous sommes confrontés à un sérieux problème, mais je ne peux pas vous dire exactement ce que le gouvernement va faire, car cela dépendra des résultats de nos tribunes. Je peux seulement vous dire que nus n'avons pas encore mis notre stratégie au point.

Le sénateur Robertson: Dans le cadre de vos études, vous avez déterminé que vous vouliez conserver les principes de la Loi canadienne sur la santé. C'est bien cela?

M. Thompson: C'est ce qui ressort des consultations, en effet.

Le sénateur Robertson: Les gens vous ont-ils parlé du fait que les citoyens canadiens ne pouvaient pas acheter de l'assurance pour couvrir le Régime d'assurance-santé du Canada?

M. Thompson: Non, il n'en a pas été question dans nos tribunes.

Le sénateur Robertson: Je crois que de nombreux citoyens l'ignorent, mais pensez-y, c'est intéressant. L'Indemnisation des accidents du travail, par exemple, peut couvrir des frais si un travailleur est blessé ou a besoin de soins. Cela permet d'avoir accès au système plus rapidement que dans le cas du travailleur qui n'est pas couvert par l'Indemnisation des accidents du travail. Il ne peut pas acheter une assurance et il risque de perdre de nombreuses journées de travail. C'est inquiétant. C'est une question d'équité.

J'aimerais voir votre rapport final. Le président de l'Associa tion médicale canadienne, le Dr Peter Barrett, a témoigné devant le comité le 16 mai, au sujet des ressources humaines du secteur de la santé. Il a traité de cinq questions: l'accroissement de la charge de travail des médecins, l'exercice de la médecine dans les régions rurales et éloignées, la difficulté d'avoir accès à un médecin, la qualité de vie des médecins ainsi que la formation et l'éducation des médecins. Je crois que la faculté de médecine est placée directement sous votre responsabilité. C'est bien exact?

M. Thompson: Oui.

Le sénateur Robertson: Le Dr Barrett a dit qu'il fallait faire quelque chose en matière d'enseignement médical et je cite:

Du fait de la déréglementation des frais de scolarité, les études de médecine sont devenues trop onéreuses. Si nous ne réagissons pas bientôt, seuls les fils et les filles des familles riches pourront au Canada entrer à l'école de médecine et faire carrière. Ce ne sera pas bon pour le profil démographi que de nos médecins de même que pour la satisfaction des besoins culturels de certaines communautés défavorisées au Canada.
J'ajouterai que cela risque également d'exclure certains des jeunes les plus brillants qui veulent devenir médecins. Étant donné que votre école de médecine est placée directement sous votre responsabilité, pouvez-vous me dire si la déréglementation des frais de scolarité a dressé un obstacle sur le chemin de vos étudiants en médecine?

M. Thompson: Je n'ai pas de données sur la situation socio-économique des étudiants qui entrent dans notre école de médecine et je ne sais pas s'il y a eu des changements. Je peux vous dire que les frais de scolarité exigés par l'École de médecine de l'Université Memorial figurent parmi les plus bas au pays. Il y a eu une controverse, cette année, quant à savoir si les frais de scolarité de l'Université Memorial seraient augmentés ou gelés, mais le gouvernement a débloqué suffisamment de fonds pour permettre de geler les frais de scolarité, sauf pour l'École de médecine. Ses frais de scolarité ont légèrement augmenté cette année par rapport à ceux des autres programmes, mais ils restent parmi les plus bas au pays.

Vous avez raison de dire que la Faculté de médecine relève de notre ministère, ce qui constitue sans doute un cas unique au Canada étant donné qu'en général le financement est assuré par les ministères de l'Enseignement postsecondaire. Nous estimons que ce sont là des relations très bénéfiques étant donné que ces relations quotidiennes nous permettent de collaborer beaucoup plus étroitement et d'avoir accès aux ressources de la Faculté de médecine. Certains de vos autres témoins pourraient peut-être envisager également cette formule. Nous pensons que c'est là un très bon modèle.

Je voudrais souligner les compétences que la Faculté de médecine a développées dans le domaine de la médecine familiale et des soins primaires. Cela reflète les besoins des résidents de la province et surtout de nos régions rurales.

Nous constatons que les étudiants viennent à Memorial en raison du caractère particulier de ce programme qui leur permet de faire l'expérience de l'exercice de la médecine en milieu rural. La faculté est également à l'origine de certains projets pilotes d'amélioration des soins primaires qui se déroulent actuellement dans la province et elle a contribué à leur succès. Ces projets pilotes ont permis aux étudiants de faire leur résidence en soins primaires. Nous croyons qu'il s'agit d'un modèle efficace. Ce n'est pas une simple réforme des soins primaires, car l'élément éducation s'y ajoute. C'est un modèle que nous espérons pouvoir reproduire à l'avenir lorsque nous allons répandre notre réforme dans toute la province.

Mme Clarke: Nous avons engagé un agent de recrutement qui travaille à la Faculté de médecine en collaboration avec le ministère et nos conseils d'administration pour voir comment nous pouvons améliorer la stratégie de recrutement des jeunes médecins.

M. Thompson: Je voudrais insister de nouveau sur ce point. Les relations étroites entre le ministère et l'université nous ont permis de poster notre recruteur à l'intérieur de la Faculté de médecine. Ce n'est pas une chose que vous trouverez dans les autres provinces.

Le sénateur Robertson: Cette relation me paraît très intéres sante et je la crois efficace. Comme vous le savez, notre province utilise un certain nombre de places dans votre École de médecine. Cela ne date pas d'hier. Chaque fois que j'ai eu l'occasion de visiter votre École de médecine, j'ai toujours été impressionnée par la qualité de l'enseignement et la détermination des étudiants.

Pourriez-vous nous fournir le profil socio-économique de vos étudiants en médecine? Je crois que cela nous serait utile.

Le président: Le sénateur Robertson a été pendant longtemps ministre de la Santé au gouvernement du Nouveau-Brunswick et voilà pourquoi elle comprend si bien ce genre de détails. J'ai été étonné de vous entendre dire qu'un certain nombre des déterminants de l'état de santé étaient pires à Terre-Neuve que dans le reste du pays. Mes deux parents sont de Terre-Neuve, ma famille vit là-bas et j'ai donc passé beaucoup de temps dans la province.

J'aurais cru que l'état de santé des gens était bien moins bon dans les grandes villes qu'à Terre-Neuve. Je suis vraiment surpris d'apprendre que certains des principaux déterminants comme l'obésité sont pires ici. En comprenez-vous la raison?

Mme Clarke: D'après nos enquêtes, certains facteurs culturels influent sur l'état de santé de la population de la province. Nous avons également renoncé à l'activité physique. On pense que les gens de Terre-Neuve et du Labrador aiment beaucoup les activités de plein air, mais quand nous examinons le taux d'activité physique, nous constatons que ce n'est plus le cas.

À bien des égards, nous sommes une culture en transition et il faudrait reprendre les bonnes habitudes. D'autre part, nous avons des gens qui sont en dessous du seuil de bas revenu et qui ont du mal à nourrir leur famille. Il y a aussi un grand nombre de jeunes qui passent beaucoup de temps devant leur ordinateur et la télévision et qui font donc moins d'exercice. L'éducation physique n'est plus obligatoire dans les écoles. C'est une question qu'il faut réexaminer. Nous ne sommes pas certains d'avoir pris les bonnes décisions.

Le président: L'éducation physique n'est plus obligatoire ou n'est plus offerte?

Mme Clarke: Je crois qu'elle est offerte sur une base facultative. Elle ne fait plus partie du programme scolaire.

Le sénateur Cook: Avez-vous une politique officielle? Qu'entendez-vous par bas revenu et quel est le lien avec votre programme de médicaments? S'agit-il de 18 000 $ par année ou de 10 000 $? Quel est le seuil?

M. Thompson: Nous allons vous faire parvenir ces docu ments, mais la première définition se rapporte aux personnes qui bénéficient de l'aide sociale ou qui ont besoin de l'aide sociale. Les personnes qui ont un bas revenu peuvent avoir accès à une aide pour payer des médicaments très coûteux. Je ne sais pas s'il y a un règlement clair et précis, mais cela tient compte du coût des médicaments dont elles ont besoin par rapport à leur revenu. Nous vous ferons parvenir tout règlement sur lequel cette décision pourrait s'appuyer. Cela relève d'un autre ministère. Nous administrons le programme une fois que ce ministère a dit que la personne y était admissible.

Le sénateur Cook: Êtes-vous sélectifs pour ce qui est des médicaments que vous fournisseurs aux personnes à faible revenu et aux personnes âgées? Le programme comprend-il tous les médicaments ou seulement certains?

M. Thompson: Tous les médicaments disponibles dans le cadre du programme provincial, mais la plupart de ces médica ments ne sont pas extrêmement coûteux. Il n'y en a quelques-uns. Je ne peux pas vous dire aujourd'hui ce que l'on définit comme une pharmacothérapie extrêmement coûteuse, mais il s'agit d'assurer un juste équilibre entre la capacité de payer de l'intéressé et le coût du médicament.

Le sénateur Cook: Monsieur le président, c'est un renseigne ment qu'il nous serait utile d'obtenir. Vous avez sans doute déjà vu ces chiffres dans notre rapport intitulé «Questions et options»: Terre-Neuve, 65 p. 100, Île-du-Prince-Édouard, 73 p. 100, Nouvelle-Écosse, 76 p. 100 et Nouveau-Brunswick, 67 p. 100. La diversité canadienne se manifeste encore une fois. Si vous prenez le Québec, l'Ontario, le Manitoba, la Saskatchewan et la Colombie-Britannique, les médicaments y sont couverts à 100 p. 100. Pour l'Alberta, c'est 83 p. 100. Un système national qui tolère pareille chose présente un sérieux défaut. Il nous serait certainement utile d'obtenir ce renseignement. Nous pourrions au moins faire une analyse raisonnable.

M. Thompson: Nos programmes de médicaments sont fonc tion de la capacité de financement du gouvernement provincial compte tenu de tous les autres besoins que nous devons satisfaire. Les revenus dont nous disposons nous permettent seulement d'offrir certaines choses. Si nous ne pouvons pas augmenter nos revenus, nous devrons adapter nos programmes au montant d'argent disponible.

Le sénateur Cook: Il faut que nous comprenions si c'est un système inclusif ou exclusif. En tant que Terre-Neuvienne, je tiens à aborder la question de la péréquation. La province reçoit une enveloppe marquée «péréquation» et elle décide ensuite de la façon dont elle utilisera le contenu de cette enveloppe. J'ai bien compris? Il doit y avoir d'autres priorités que la santé.

M. Thompson: En effet.

Le sénateur Cook: Lorsque nous avons fusionné les hôpitaux, nous pensions que le gouvernement allait économiser de l'argent. Je ne pense pas que ces changements aient répondu aux attentes sur le plan financier. Voulez-vous nous en parler?

M. Thompson: Je n'ai pas les données qui me permettraient d'en parler. Je peux vous dire que le coût de l'enveloppe de la santé du gouvernement provincial a continué d'augmenter. Bien entendu, il s'agit sans doute du coût des services directs plutôt que des frais d'administration. Madame Clarke, avez-vous des données au sujet de cette question?

Mme Clarke: Non. Je sais seulement que nous avions 50 directeurs généraux dans les hôpitaux de la province.

M. Thompson: C'était avant.

Mme Clarke: Nous avons réduit ce nombre à 14 conseils d'administration ce qui veut dire que nous avons 14 directeurs généraux. Je ne sais pas si l'on a calculé les coûts pour la période qui a suivi la fusion.

Le sénateur Cook: La péréquation a atteint un plateau au milieu des années 90 lorsque nous avons entrepris la fusion des hôpitaux. Je voudrais savoir si cela a eu des répercussions sur les dépenses. Peu importe les ressources humaines que nous avons déplacées que ce soit pour l'administration, les soins infirmiers, l'entretien et le reste. Le personnel a été déplacé d'un endroit à l'autre. Des gens ont été payés pour partir. Il y a eu des retraites anticipées. Nous avons fait une énorme restructuration. J'aimerais que quelqu'un me dise ce que cela a coûté au gouvernement.

M. Thompson: En principe, nous devions économiser de l'argent qui pouvait être réaffecté aux services en première ligne et cela devait limiter la progression des dépenses. Je n'ai pas sous la main les renseignements qui me permettraient de répondre à votre question, mais nous allons les obtenir et vous les communiquer. Nous sommes toujours confrontés aux mêmes problèmes. Où pouvons-nous trouver la possibilité de déplacer les coûts d'un secteur à un autre? La même question continue de se poser.

Le sénateur Cook: Si vous avez des analyses ou des évaluations, sur cette période, cela pourrait non seulement nous être utile, mais vous éclairer également.

Je voudrais parler des soins infirmiers. Je sais que nos infirmières sont les meilleures du pays. Dans les années 80, nous avons lancé un programme de coopération entre les écoles de sciences infirmières de Memorial et de Corner Brook. Le programme était le même. Le but était de mettre en place un programme de baccalauréat en sciences infirmières d'ici l'an 2000. Cet objectif a été atteint.

Le Centre de sciences infirmières est devenu une entité et le programme a été fusionné à Memorial. Au cours de cette période, un plus grand nombre d'infirmières ont quitté Terre-Neuve parce qu'elles ne pouvaient pas trouver un emploi ou un salaire décent. Pourquoi? Un excellent programme a produit des infirmières de haut calibre, mais pourtant elles ont quitté la province. Pourquoi?

M. Thompson: Je ne peux pas vous dire pourquoi elles sont parties, mais je peux vous dire ce que nous avons fait depuis. L'année dernière, nous avons procédé à une reclassification, ce qui s'est traduit par une bonne augmentation de salaire. Cela nous permet de retenir un plus grand nombre d'infirmières dans la province.

Comme je l'ai dit, nous offrons des bourses pour inciter des nouvelles diplômées à travailler dans la province. Nous avons ajouté davantage de postes à plein temps dans un grand nombre d'hôpitaux de façon à transformer les postes occasionnels en postes permanents.

À la suite de toutes ces mesures, vous constaterez dans les données statistiques nationales que Terre-Neuve a le ratio d'infirmières par 100 000 habitants le plus élevé de toutes les provinces. Ce ratio montre bien que nous n'avons pas de pénurie d'infirmières par rapport aux autres provinces. Il y a évidemment des régions ou des champs de spécialisation dans lesquels nous manquons de personnel, mais dans l'ensemble, le ratio d'infirmiè res est très satisfaisant.

Le sénateur Cook: Le fait est qu'à une certaine époque, des infirmières qui avaient reçu une bonne formation ont quitté la province parce qu'elles ne pouvaient pas trouver de travail ici. Nous sommes en train d'ajouter des incitatifs. J'espère que nous en avons tiré la leçon. En ce qui concerne la péréquation, il faudrait faire les choses différemment. La péréquation se fonde notamment sur des critères démographiques. Avez-vous des données indiquant combien d'argent nous avons perdu à cause de la diminution de la population. Ce renseignement serait également utile. Nous avons été plafonnés en 1994-1995 et je crois que la baisse du nombre d'habitants et le départ d'une partie de notre population a eu d'importantes répercussions sur ce plafonnement.

M. Thompson: Vous avez soulevé une excellente question. La péréquation et le Transfert social canadien sont reliés à des critères démographiques et comme le nombre d'habitants est tombé d'environ 570 000 à 530 000, nous avons subi une perte importante au cours des 10 ou 15 dernières années. Nos revenus de transfert ont diminué. C'est donc une perte importante et cela limite beaucoup notre marge de manoeuvre financière.

De plus, nous avons une série d'établissements de soins dont nous ne pouvons pas réduire l'effectif à chaque fois qu'une personne quitte la province. Nous ne pouvons pas comprimer le système au fur et à mesure. Nous pouvons apporter certains ajustements et nous avons un peu réduit nos effectifs. Si une personne quitte la province, elle ne fréquente plus l'hôpital ou le cabinet de médecin de l'endroit où elle habitait, mais il y a certains éléments du système qu'il n'est pas possible de réduire dans la même proportion. Cela entraîne donc une perte de revenus et nous ne pouvons pas ajuster nos coûts aussi rapidement que nous le voudrions. Nous sommes donc doublement coincés et sans doute davantage que n'importe quelle autre province. Notre situation est peut-être unique.

Il faudrait que les transferts fédéraux tiennent compte de la double impasse dans laquelle nous nous trouvons afin que nous puissions résoudre nos problèmes, non seulement en continuant à réduire les services, mais en essayant de faire en sorte que les effets ne soient pas ressentis aussi durement.

Le sénateur Cook: Si ce n'est pas l'option choisie, notre gouvernement envisage-t-il d'autres solutions et d'autres pro grammes pour répondre aux besoins essentiels des habitants de Terre-Neuve et du Labrador? Si vous ne pouvez pas trouver l'argent de ce côté-là, cherchez-vous une autre solution?

M. Thompson: C'est exactement le but des tribunes sur la santé. Ces consultations doivent permettre de trouver les meilleures solutions. C'est ce qui permettra au gouvernement de prendre des décisions et de présenter un cadre politique au début de l'année prochaine.

Jusqu'ici, les participants ont estimé que la stratégie de réaffectation était la meilleure. Si nous ne pouvons pas dépenser plus d'argent que nous n'en avons ni aller en chercher du côté des autres ministères, nous devons augmenter notre efficacité et également transférer nos ressources des secteurs où les besoins sont les plus faibles à ceux où ils sont les plus grands. Voilà ce qu'on nous a dit jusqu'ici.

Le sénateur Robertson: Je pense que nous devrions nous pencher sur les transferts basés sur le nombre d'habitants. C'est une formule très injuste. Le système de santé a besoin d'un certain montant d'argent pour les services essentiels, qu'il s'agisse de 1 million, d'un million et demi ou de 500 000 $. Les programmes de transfert qui se fondent sur le nombre d'habitants ne sont pas satisfaisants pour les petites provinces. Cela compromet encore plus leur capacité à offrir des services de santé.

Le président: Il y a eu un tas d'études sur la question au cours des années. Vous avez raison.

Le sénateur Robertson: Oui. Je voulais seulement en être certaine.

Mme Clarke: La région située à l'extérieur de St. John's est restée stable au cours des cinq dernières années. Le Labrador a connu une légère croissance démographique, mais sa population est tellement petite que cela ne veut pas dire grand-chose. Pour ce qui est du reste de Terre-Neuve, chaque région a perdu entre 10 000 et 15 000 habitants au cours des cinq dernières années. Nous devons quand même continuer à offrir les mêmes services de santé avec le même personnel même s'il y a eu une réduction importante du nombre d'habitants. Nous avons là un défi à relever si nous devons vivre selon nos moyens.

Il y a aussi le problème de l'emplacement des services. Ces services peuvent-ils être maintenus partout où ils se trouvent actuellement? Voilà certaines des questions auxquelles nous devrons trouver une réponse.

Le président: À titre de comparaison, je ne garantis pas l'exactitude de ces chiffres, mais la Saskatchewan a fermé 35 ou 40 petits hôpitaux communautaires qu'elle a transformés en cliniques. Il y a eu des fusions d'hôpitaux. C'est ce qui a été fait au cours des deux dernières années.

Le sénateur Léger: Je voudrais poser une question au sujet du ticket modérateur. Quand vous en avez parlé dans vos tribunes, les gens ont-ils cité un chiffre de 1 $, les frais seraient-ils fonction du revenu ou n'y aurait-il rien à payer?

Mme Clarke: Les gens ont cité des montants différents:2 $ ou 5 $, par exemple, plutôt que 15 $ ou 20 $. On semble vouloir opter pour la prudence en raison de notre petite population et des effets que le ticket modérateur risque d'avoir sur les travailleurs à faible revenu.

Le sénateur Léger: Je crois que les gens ont peur du système.

Le sénateur Cook: Je voudrais en revenir à ce que vous avez dit quant à la nécessité de vivre selon ses moyens. Je n'y suis jamais parvenue pas plus que mes enfants. Je voudrais faire comprendre au ministère de la Santé qu'il ne s'agit pas ici de vivre selon ses moyens. Il s'agit de prendre soin des gens et nous sommes en l'an 2001. Si l'atmosphère n'est pas bonne au travail, cela se répercute sur les gens. Il faut que tout marche bien et que l'ambiance soit bonne.

Le président: Nos témoins suivants sont Patricia Pilgrim, présidente de la Subdivision de St. John's des Infirmières de l'Ordre Victoria, Sharon Smith, présidente, Association of Registered Nurses of Newfoundland and Labrador et Wayne Lucas, président du Syndicat canadien de la fonction publique - Terre-Neuve.

Mme Patricia Pilgrim, présidente, Subdivision de St. John's, Infirmières de l'Ordre de Victoria (IOV Canada): Je siège au conseil d'administration de la Subdivision de St. John's de IOV. Je représente également la province au conseil d'administration national. Je vous remercie de m'avoir invitée à venir prendre la parole devant vous ce matin et je serai brève.

Comme vous le savez, les Infirmières de l'Ordre de Victoria se sont bâti une solide réputation dans le domaine des soins de santé communautaires tant dans cette province que dans tout le pays. Nous souscrivons aux principaux messages qui vous ont été transmis plus tôt, cette année, par IOV Canada.

Je n'ai rien à vous dire de nouveau, mais nous apprécions cette occasion de réitérer et de renforcer les messages que vous avez déjà entendus. Je parlerai particulièrement de deux groupes de gens: les aides à domicile et les aidants naturels.

La demande de soins à domicile reste fonction des change ments démographiques, du vieillissement de la population, ainsi que des changements en ce qui concerne les soins chroniques et l'utilisation des services d'autres secteurs tels que les soins actifs. Comme le secteur des soins actifs continue de réduire la durée de l'hospitalisation pour éviter des admissions, nous voyons la demande de services de soins à domicile augmenter de plus en plus. Nous constatons que les patients souhaitent davantage rester chez eux. La demande couvre l'éventail complet des soins qui va des soins aigus à la convalescence jusqu'aux soins palliatifs, en passant par les soins continus. Le personnel des services de soutien à domicile fournit un service dont la population de la province a besoin, mais sans être rémunéré adéquatement. Bien souvent, ces personnes n'ont pas la formation ou l'éducation voulue pour répondre à tous les besoins médicaux et sociaux des patients. Il y a une pénurie de travailleurs de cette catégorie qui doivent souvent faire face à des disparités salariales importantes, à des conditions de travail parfois ambiguës et difficiles et à un manque de système de soutien. Il n'y a pas de normes nationales pour assurer l'uniformité des services offerts aux clients. Nous avons des lignes directrices pour les programmes de formation ou d'éducation, mais elles ne s'appliquent pas au secteur des soins autogérés qui est en train de se développer dans la province. Étant donné les réalités de la situation actuelle, il est très difficile de recruter et de retenir un grand nombre d'employés de qualité pour dispenser les soins à domicile.

IOV recommande que le gouvernement fédéral joue un rôle de chef de file en remédiant aux nombreux problèmes reliés aux services de soins à domicile de façon à assurer un financement adéquat et à veiller à ce que des normes de soins soient adoptées et respectées.

Les aidants naturels apportent des soins et un soutien aux familles, voisins et amis dans le besoin. IOV se réjouit de voir que l'on discute au niveau national des questions relatives au réseau de soignants non professionnels.

Les aidants naturels de la province résident souvent dans des petites régions rurales isolées de la plupart des sources de soutien. Dans de nombreuses petites localités, tous les jeunes ont quitté la maison pour aller trouver du travail ailleurs. Il y a là-bas des aidants naturels âgés de 50 ou 60 ans qui prennent soin d'amis ou de parents qui sont octogénaires ou nonagénaires.

Ces personnes sont souvent isolées et sont confrontées à des obstacles et à des problèmes sans savoir où se tourner pour obtenir un soutien ou des conseils. Cela se répercute sur leur santé et souvent aussi sur leur sécurité financière, ce qui menace cet élément indispensable des services communautaires.

IOV exhorte le comité sénatorial à recommander dans son rapport final que le gouvernement fédéral s'engage à ouvrir la voie à des programmes et à des politiques pour soutenir les aidants naturels.

Le président: Vous avez utilisé une expression que je ne connais pas. Vous avez parlé de «soins autogérés».

Mme Pilgrim: Cela désigne des situations où les familles engagent elles-mêmes l'aide à domicile.

Le président: Au lieu que cette personne soit employée par IOV.

Mme Pilgrim: Ce sont les familles qui embauchent ces personnes et qui sont leurs employeurs.

Mme Sharon Smith, présidente, Association of Registered Nurses of Newfoundland and Labrador: Sénateurs, je représen te l'Association of Registered Nurses of Newfoundland and Labrador. Nous comptons 6 000 membres et nous défendons les besoins professionnels du personnel infirmier de la province. Ce personnel comprend les infirmières gestionnaires, les infirmières enseignantes et les travailleurs de première ligne. Nous apprécions certainement cette occasion de prendre la parole devant le Sénat.

Nous avons pour mission de faire en sorte que la population de Terre-Neuve et du Labrador soit en bonne santé. Nous parlerons surtout de certaines questions que vous avez soulevées en ce qui concerne l'avenir de la politique des soins de santé, le financement et l'infrastructure des soins infirmiers. Vous avez reçu notre mémoire et j'essaierai donc d'être le plus brève possible.

Nous sommes d'accord avec le comité pour dire que notre système de santé ne répond pas aux besoins des citoyens et qu'il faut réviser en profondeur la prestation des services. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit diriger l'élaboration d'une stratégie nationale visant à adopter un modèle de soins primaires et de mieux-être pour la prestation des services de santé. Nous ne parlons pas seulement d'une réforme des soins primaires, mais de l'adoption des modèles de soins primaires. Même si le gouvernement fédéral et les provinces ont financé des projets de démonstration de soins primaires un peu partout au Canada, la prestation des services de santé n'a pas changé. Le système est toujours centré sur la maladie et le fournisseur de soins plutôt que sur le mieux-être et le client.

Comme le comité sénatorial l'a laissé entendre, une réforme des soins primaires exigera que les professionnels de la santé soient convaincus de la valeur du modèle des soins primaires. Ce ne sera pas facile. Il faudra que la population participe plus activement à ses soins médicaux. Il faudra que les professionnels de la santé cherchent moins à protéger leur territoire afin que l'on puisse utiliser pleinement les capacités de tous les membres de l'équipe. De plus, il faudra créer des équipes multidisciplinaires qui exerceront leur profession en tant que partenaires égaux pour répondre aux besoins médicaux des divers groupes de clients.

Il y a des détails à mettre au point pour appliquer les recommandations du comité en ce qui concerne l'utilisation des professionnels de la santé, mais nous croyons essentiel de faire un meilleur emploi de la gamme complète de fournisseurs de soins pour apporter une réforme efficace. Il faudrait élargir ce principe au financement des services professionnels assurés afin que le public ait directement accès au fournisseur de soins le plus adéquat.

En ce qui concerne les options financières, les infirmières autorisées constituent le groupe de professionnels de la santé le plus nombreux et elles fournissent des services en première ligne 24 heures sur 24, sept jours sur sept et d'un bout à l'autre de l'année. Nous croyons que le système actuel n'est pas toujours efficace et nous ne sommes pas prêts à envisager de nouveaux modèles de financement du système tant qu'on n'y aura pas remédié. Nous croyons qu'en réformant la prestation des soins, en améliorant l'efficacité du système et en faisant comprendre au public et aux autres intérêts la nécessité d'apporter des change ments, on pourra générer l'argent nécessaire pour assurer la viabilité du système de santé. Les gouvernements ont des décisions difficiles à prendre quant aux services que notre pays peut se permettre et il doit décider, en consultant le public, des services qui seront couverts. Nous croyons qu'en limitant l'assurance aux soins médicaux et hospitaliers on perpétue un coûteux modèle centré sur la maladie. Il faudrait que les normes pour le XXIe siècle comprennent la promotion de la santé et la prévention, les soins à domicile et l'assurance-médicaments. Il faudrait que les normes soient établies en fonction des preuves disponibles et soient uniformes d'une province à l'autre.

Les infirmières autorisées ne sont pas pour le ticket modérateur, car rien ne prouve que cela puisse améliorer les services inadéquats et inefficaces. Rien ne prouve que les frais d'utilisation réduiront les coûts. La profession craint que le ticket modérateur ne crée un système à deux vitesses qui finira par désavantager les personnes déjà défavorisées.

Également, les infirmières ne sont pas pour un système à deux vitesses dans lequel coexisteraient un système public et un système privé. Nous craignons que le système privé ne tarde pas à éroder le système public. Nous sommes pour un système de santé public qui fournit des services essentiels en fonction des besoins et non pas de la capacité de payer.

En ce qui concerne l'infrastructure des soins infirmiers, notre pays et notre province font face à une pénurie d'infirmières autorisées. Selon les statistiques de l'Institut canadien d'informa tion sur la santé, le nombre d'infirmières a augmenté de2,5 p. 100, à Terre-Terre, en l'an 2000. Toutefois, malgré cette progression, nos commissions de santé ont encore de la difficulté à retenir des infirmières tant dans les villes que dans les régions rurales. La pénurie d'infirmières est si grave que le nombre de diplômées ne répond pas à la demande actuelle. En 2001, il nous manquera 26 diplômées et c'est ensuite 30 à 40 diplômées qui nous manqueront chaque année au cours des trois prochaines années. Notre effectif est légèrement plus jeune que dans le reste du pays puisque l'âge moyen est de 40,6 ans, mais il vieillit et les «baby-boomers» commenceront à prendre leur retraite en 2004. Notre province doit augmenter immédiatement le nombre d'inscriptions dans les écoles d'infirmières si nous voulons faire face à la demande future. Le nombre actuel de nouvelles diplômées est inférieur de 40 p. 100 à ce qu'il était au début des années 90 où il y avait davantage de places dans les programmes de sciences infirmières. Nous avions alors 273 places contre 180 maintenant. D'autre part, les soins infirmiers sont considérés comme un choix de carrière attrayant à Terre-Neuve étant donné qu'il y a deux fois plus de candidats que de places dans nos programmes de baccalauréat en sciences infirmières. De nom breuses infirmières autorisées, infirmières praticiennes et infirmiè res exerçant à un niveau avancé sont sous-utilisées. La rentabilité de l'emploi de ces deux dernières catégories d'infirmières pour les soins infirmiers et les services de soins primaires en milieux rural et urbain a été bien démontrée. De plus, les infirmières qui ont des compétences particulières peuvent jouer un plus grand rôle dans les soins aux clientèles ayant de grands besoins, surtout en milieu communautaire. Nous avons la preuve que lorsque les services de soins infirmiers sont optimisés, ils peuvent améliorer l'efficacité des services de santé.

Le champ d'exercice de la profession d'infirmière autorisée et d'infirmières auxiliaire autorisée évolue et nous sommes pour la mise en place de pratiques qui permettent à ces deux catégories d'infirmières d'utiliser pleinement leurs compétences. Récem ment, notre association a travaillé, avec le Counsel for Licensed Practical Nurses et le système de santé à l'élaboration d'un cercle d'apprentissage pour les infirmières et les infirmières auxiliaires. Ce projet avait pour but de promouvoir la collaboration et le travail d'équipe en éduquant les infirmières sur leurs rôles respectifs et de développer leurs compétences décisionnelles pour le règlement des problèmes.

Les problèmes que pose la pénurie de personnel infirmier sont complexes et sont les mêmes un peu partout. Par conséquent, nous estimons que le gouvernement fédéral devrait être le fer de lance d'une stratégie nationale visant à revitaliser l'effectif infirmier. De plus, nous croyons que cette stratégie devrait prévoir un appui concret pour la formation des infirmières autorisées aux niveaux d'entrée et avancés ainsi que des stratégies novatrices pour retenir les infirmières dans la profession.

M. Wayne Lucas, président, Syndicat canadien de la fonction publique, Terre-Neuve: Je voudrais d'abord mentionner que nous aborderons trois grands thèmes: la viabilité, les options de financement et la privatisation.

Nous nous opposons à un système de santé à deux vitesses, au ticket modérateur et à la privatisation. Nous n'avons pas les moyens de payer des soins de santé privés. Nous sommes contre le ticket modérateur et les cotisations à l'assurance-santé. Nous nous opposons à ce qu'on fasse des soins de santé un avantage imposable. Nous nous opposons au concept des comptes d'épargne-santé. Nous nous opposons à l'assurance-santé privée.

Nous croyons que la solution doit être typiquement canadienne. À notre avis, la privatisation est mauvaise pour les soins de santé. Nous avons mené de grandes campagnes contre la privatisation un peu partout au pays ces dernières années pour sensibiliser nos membres à cette question.

Nous croyons que les recommandations du comité doivent partir du principe que la santé est un droit fondamental et que, pour préserver la santé du public, il faut prendre activement des mesures pour promouvoir et protéger la santé et prévenir la maladie.

Nous reconnaissons que les soins de santé visent au bien public et qu'il ne faut pas laisser quelques-uns en profiter aux dépens de la majorité. Nous nous opposons énergiquement à toute commer cialisation ou privatisation des soins de santé. Nous croyons que le gouvernement fédéral doit négocier l'exclusion générale des services de santé et de l'assurance-santé de tous les accords commerciaux.

Le gouvernement fédéral doit assumer ses responsabilités à l'égard de la santé, surtout en rétablissant ses paiements de transfert et en les portant à des niveaux suffisants pour assurer l'intégrité et l'application de la Loi canadienne sur la santé de 1984.

Le gouvernement fédéral doit réaffirmer la version originale d'un système de santé public qui fournit un éventail complet de services.

Nous croyons nécessaire de s'éloigner du modèle de l'utilisa teur payeur et d'adopter un modèle multidisciplinaire et commu nautaire pour gérer, organiser et fournir les services et les soins. Nous croyons dans un système de santé qui a des comptes à rendre et qui est géré démocratiquement à tous les niveaux. Nous reconnaissons que les travailleurs de la santé jouent un rôle crucial dans le bon fonctionnement du système de santé et qu'il est essentiel de leur accorder des salaires décents, de bonnes conditions de travail et des possibilités de formation pour dispenser des soins de haute qualité et conserver ce personnel. Merci beaucoup.

Le président: J'ai une question à poser à chacun d'entre vous. Monsieur Lucas, à la page 7 de votre mémoire, laissez-vous entendre que le gouvernement fédéral commettrait une grave erreur en continuant à transférer de l'argent sans imposer de restrictions ou d'obligations aux provinces?

M. Lucas: Oui.

Le président: Nous sommes donc d'accord, vous et moi, pour dire que si le gouvernement fédéral donne de l'argent aux provinces, cet argent devrait être utilisé aux fins auxquelles il est destiné. Je vais vous donner un exemple classique. L'accord fédéral-provincial de septembre 2000, comprenait un milliard de dollars pour des machines d'IRM et d'autre matériel du même genre. Cet argent a été donné, mais il n'y avait pas de système de reddition des comptes permettant au gouvernement fédéral de savoir s'il avait été vraiment dépensé pour acheter cet équipement ou non.

Je m'oppose au financement de base depuis 1977. Je crois que nous aurions dû conserver la formule 50-50.

M. Lucas: Je suis un fédéraliste convaincu et je crois que si le gouvernement fédéral veut intervenir dans les programmes sociaux dans tout le pays, il doit veiller à ce que les provinces respectent leurs engagements. Dans le cas contraire, il faudrait que les dispositions de la Loi canadienne sur la santé s'appliquent pleinement. Je veux dire par là que le gouvernement fédéral devrait pouvoir retirer son financement ou le suspendre si les provinces s'écartent du droit chemin.

Le président: Et si le gouvernement fédéral veut favoriser des progrès dans un domaine particulier, comme l'IRM, il faudrait qu'il soit certain que son argent sera bien dépensé à cette fin.

M. Lucas: Je crois qu'il faudrait consulter de près les provinces pour connaître leurs besoins. Une fois la décision prise, les provinces devraient dépenser l'argent là où le gouvernement fédéral leur demande de le faire.

Le président: Madame Smith, vous avez mentionné un rapport dont je n'ai jamais entendu parler. Nous nous intéressons, dans le cadre de nos travaux, au milieu de travail des infirmières. Vous dites qu'il y a un rapport intitulé Commitment and Care: The Benefits of a Healthy Workplace for Nurses, their Patients, and the System. Est-ce un livre? Est-ce un article? Savez-vous de quoi il s'agit?

Mme Smith: C'est une étude qui a été réalisée par les auteurs dont les noms sont cités. Je ne sais pas dans quelle mesure elle est disponible, mais nous pouvons essayer de l'obtenir pour vous.

Le président: Je vais demander à nos attachés de recherche de nous procurer cette étude. C'est une question qui nous préoccupe. Nous avons entendu dire qu'au Canada, c'était les infirmières qui prenaient le plus grand nombre de journées de congé de maladie dues au stress. Étant donné qu'il existe d'autres métiers stressants, surtout dans l'industrie lourde, c'est tout à fait étonnant. En ce qui concerne la réforme des soins primaires, vous avez dit qu'il serait difficile de la faire accepter par les professionnels de la santé de même que par la population qui devra s'intéresser plus activement à sa santé. Pourriez-vous nous dire comment il faudrait faire? Nous sommes absolument d'accord avec vous quant à la nécessité de cette réforme et aux difficultés qu'elle représente, mais nous sommes à la recherche de bonnes suggestions.

Mme Smith: C'est une question très complexe. Quelques programmes de soins primaires ont été entrepris dans notre province. L'un d'entre eux a été financé sur la côte Sud. Cela prend beaucoup de temps.

Le président: Où était-ce?

Mme Smith: À Ferryland, sur la côte Sud.

Le président: Cela m'intéresse, car ma famille vient d'ici et je connais bien la province.

Mme Smith: Ce programme a fait l'objet d'un rapport que vous pouvez obtenir.

Le président: Portait-il sur la façon de convaincre le public?

Mme Smith: C'est très difficile. Il faut entièrement éduquer le public quant à ses propres responsabilité à l'égard de la santé. Jusqu'à présent, nous considérions le médecin comme la personne qui allait améliorer notre santé. Les gens doivent se rendre compte qu'ils ont des responsabilités. Il faut leur donner accès à des professionnels de la santé tels que des diététiciens, des physiothé rapeutes et des ergothérapeutes qui les aideront à changer leur mode de vie. En fait, les gens ont besoin d'être soutenus.

Le président: Les hommes sont sans doute pires que les femmes sur ce plan-là. Nous pensons que si nous tombons malades, le médecin va réparer ce qui ne marche pas, comme lorsqu'on va au garage faire réparer son automobile.

Mme Smith: C'est l'attitude de beaucoup de gens. Il faut aussi changer la mentalité des gens qui pensent qu'on peut rester à l'hôpital jusqu'à ce qu'on soit totalement guéri. Nous devons changer totalement notre façon de voir les choses. En regroupant tous les professionnels de la santé dans une structure de soins primaires, on permettra aux patients de mieux s'informer, on les aidera à prendre conscience de leurs habitudes de vie risquées et on apportera le soutien dont ils ont besoin pour changer ces habitudes. Sans soutien, ils ne changeront jamais.

Le président: L'expérience de Ferryland a-t-elle bien marché?

Mme Smith: Certains changements ont été apportés, mais cela prend du temps. Cela ne se fait pas du jour au lendemain.

Le président: Le fait qu'au cours d'une génération nous avons changé d'attitude au sujet de la conduite en état d'ébriété prouve que les changements prennent du temps.

Mme Smith: Oui.

Le président: Il a fallu une génération, mais les mentalités ont certainement changé. Cela ne fait aucun doute.

Mme Smith: C'est exact.

Le président: Madame Pilgrim, je veux être certain que nous employons la même terminologie. Un aidant naturel est une personne qui n'a pas de formation dans ce domaine et qui est généralement une femme dans la cinquantaine qui prend soin d'un parent âgé, n'est-ce pas? A-t-on fait des études sur l'énorme niveau de stress qui pèse sur les aidants naturels et les répercussions que cette responsabilité a sur le revenu des aidants naturels? Du temps de mes parents, ou relativement peu de femmes exerçaient un emploi, ma mère prenait soin de mon père lorsqu'il était malade parce qu'elle ne travaillait pas. Maintenant, certaines personnes doivent quitter leur emploi pour prendre soin de leur conjoint ou de leurs parents. Non seulement cela impose beaucoup de stress, mais également de grosses difficultés économiques. C'est là une dimension importante du coût des soins à domicile, mais je n'ai eu aucune donnée à ce sujet. Avez-vous des renseignements sur la question?

Mme Pilgrim: Je vais demander à Mme Blake-Dibblee, qui m'a accompagnée ici, de bien vouloir vous répondre. Une étude a été réalisée dans la province. Je crois en avoir vu une ébauche.

Mme Bernice Blake-Dibblee, directrice exécutive, Section de St. John's, Infirmières de l'Ordre de Victoria: Je fais partie du comité directeur d'un projet intitulé «Caregivers, Out of Isolation». Ce projet, d'une durée de trois ans, est financé par la J. W. McConnell Family Foundation. Nous avons préparé un rapport préliminaire à partir d'une enquête auprès d'aidants naturels de toute la province. Ce projet a pour but de mettre en lumière les besoins des aidants naturels, de relier ces personnes à des sources d'information et à d'autres ressources, de stimuler le soutien apporté par les bénévoles de la collectivité et de soutenir le réseau d'aidants naturels.

Le président: Pourrions-nous lire ce rapport préliminaire, même s'il n'est pas officiel?

Mme Blake-Dibblee: Je n'en suis pas certaine. Ce rapport ne m'appartient pas.

Le président: Pouvez-vous vous renseigner? Ces renseigne ments nous seraient utiles.

Mme Blake-Dibblee: Je vais le faire. Ce rapport préliminaire contient d'excellent renseignements.

Le sénateur Cook: Il est question des soins communautaires. J'ai entendu le Dr Abby Hoffman parler des aînés et des personnes âgées en perte d'autonomie. Il y a deux types d'aidants naturels. Le premier est un membre de la famille. Par exemple, si ma mère arrive à la maison avec une fracture de la hanche, je ne joue plus le rôle de sa fille. Je dois soigner une personne sans savoir comment faire. Cela se complique du fait que je suis sa fille. Il y a ensuite l'aide professionnelle qui possède une formation limitée et qui vient prendre soin d'elle. Si elle vient travailler dans l'environnement que l'on appelle la cellule familiale, je crois que ce n'est pas facile.

Quelles sont les normes nationales et la formation qui existent pour les deux catégories de soignants dont j'ai parlé?

Mme Pilgrim: Dans la province, nous avons des normes pour la formation des aides à domicile. Ces normes ne s'appliquent pas nécessairement, par exemple, si je ramène ma mère âgée à la maison et si je demande à des amis de m'aider à prendre soin d'elle contre rémunération.

Le sénateur Cook: Cela faciliterait-il les choses si ces personnes étaient rattachées à un collège d'enseignement profes sionnel ou à d'autres établissements qui leur donneraient trois ou six mois de formation?

Ces aidants sont mal rémunérés et doivent souvent trouver leurs propres moyens de transport. Avez-vous examiné la possibilité d'un programme de formation ne serait-ce que pour les aidants naturels ou les membres de la famille?

La semaine dernière, j'ai assisté, à Ottawa, aux réunions de la National Caregivers Association où j'ai entendu non seulement de très belles histoires, mais également des histoires horribles quant aux conséquences de ce genre de situation sur les autres membres de la famille. La mère devait rester à la maison s'occuper d'un parent. Il n'y avait qu'un salaire qui rentrait. Cela se répercutait sur les jeunes parce qu'il n'y avait pas d'argent pour eux et qu'ils devaient également baisser la télévision pour ne pas réveiller leur grand-mère. Toute la dynamique familiale change lorsqu'une personne a besoin de soins et souvent, la personne qui donne les soins a besoin également d'un peu de répit. Avons-nous quelque chose pour remédier à ce problème?

Mme Blake-Dibblee: Des collèges de la province ont des programmes de formation pour les aides soignantes et il y a un comité provincial qui se penche sur la normalisation de la formation pour les aides à domicile et les aides soignantes des foyers de soins et des hôpitaux. Le travail progresse. Il faut former les employés des agences d'aides à domicile. Le problème se pose surtout pour les personnes qui sont embauchées directement. Bien souvent, elles n'ont pas reçu une formation adéquate. Par conséquent, elles ne donnent pas les soins dont le client a besoin.

Le sénateur Cook: Lorsque les gens qui ont besoin de ces soins restent chez eux, cela représente une économie pour le système, n'est-ce pas?

Mme Blake-Dibblee: Absolument.

Le sénateur Cook: Ma voisine a fait un va-et-vient entre le Centre Miller et chez elle pendant six ou sept mois, mais elle est maintenant à la maison. Comme aime beaucoup la soupe aux pois, nous en avons préparé une grosse quantité que ma fille est allée lui porter. Ma fille m'a dit que notre voisine a une marchette et un téléphone. Elle a tout ce dont elle a besoin autour d'elle, mais elle se débrouille quand même seule. Quelqu'un va chez elle le matin, mais elle est quand même très autonome. Le programme que vous offrez est une excellente chose.

Je me soucie de l'échelle de rémunération des aides à domicile, qui sont surtout des femmes. Pourriez-vous nous en parler?

Mme Blake-Dibblee: Le ministère de la Santé a récemment établi une nouvelle norme pour la rémunération de ces employés, mais c'est un très bas salaire. Le taux d'attrition et de rétention de ces personnes représente un sérieux défi pour les agences de toute la province.

Le sénateur Cook: Si la même personne travaillait dans une infrastructure de soins primaires, elle aurait de l'aide et des services de soutien. Quand vous travaillez dans le secteur des soins à domicile, vous devez vous débrouiller seul. La rémunéra tion devrait en tenir compte.

Mme Pilgrim: Cela souligne la nécessité de faire les études dont nous avons parlé. Ce document nous a ouvert les yeux sur les difficultés des aidants naturels et des problèmes que la famille éprouve lorsqu'elle n'a personne pour l'aider.

Le sénateur Cook: Hier soir, une de mes amies est venue me voir et m'a dit: «Fais chauffer la bouilloire». Je lui ai demandé ce qui n'allait pas. Elle m'a répondu: «Ce soir je dois aller dormir chez mes parents, deux octogénaires qui doivent subir des tests dans deux hôpitaux différents». Seulement un de ses parents devait aller à l'hôpital le lendemain matin, mais elle devait les emmener tous les deux parce qu'elle ne pouvait pas en laisser un seul à la maison.

On a sonné à la porte et une autre amie est venue prendre le thé. Elle m'a dit: «Ma mère vient d'appeler et m'a demandé ce que je faisais mercredi et jeudi parce qu'elle doit aller à l'hôpital ces deux jours-là pour subir des tests». Notre société est confrontée à la nécessité de prendre soin de ses aînés. Ces femmes ont pu boire leur thé en plaisantant, mais il faudrait prendre conscience ou tenir compte du montant d'argent que le système économise grâce au dévouement de membres de la famille.

La première femme a appris à faire des injections d'insuline à ses parents qui sont tous les deux diabétiques. Cela réserve des surprises. Par exemple, mon amie avait déposé les vêtements de sa mère sur le lit, le temps qu'elle se retourne et sa mère les avait replacés dans l'armoire parce qu'elle ne se souvenait plus qu'elle devait sortir.

Il faut mettre en place un système qui permettra aux aidants naturels d'aller au cinéma ou au centre commercial. C'est ce qui manque. Tout un éventail de services pourrait être mis en place. Qu'en pensez-vous? Est-ce une solution à envisager?

Mme Smith: J'accorde beaucoup d'importance au rôle de l'infirmière praticienne. Nous avons mis en place ce type d'infirmière dans certaines commissions de santé de St. John's. Cela a permis d'améliorer l'utilisation des services. C'est encourageant.

Les médecins ont eu une réaction favorable à tel point que d'autres services songent à en faire autant. Les résultats sont meilleurs lorsque le groupe avec lequel vous travaillez réagit de façon positive. Ainsi, il n'est pas nécessaire de forcer les médecins à intégrer ce genre d'infirmières dans leurs services.

Nous avons travaillé fort, au sein des associations, pour qu'on établisse des normes de formation pour les infirmières praticien nes et pour que ces normes puissent être appliquées. Nous avons aidé à créer des postes dans le nord de Terre-Neuve où cela donne d'excellents résultats. Dans les régions isolées l'infirmière praticienne est le seul fournisseur de services de santé. Les résultats sont excellents.

Dans d'autres régions où l'infirmière praticienne complète simplement les services offerts par le médecin, il y a eu certains problèmes. Chacun cherche à défendre son territoire. Ou encore, il y a des patients qui voient là un service complémentaire et qui vont à la fois voir l'infirmière praticienne et le médecin. Si nous informons bien les gens et s'ils voient qu'ils peuvent rester chez eux grâce à l'infirmière praticienne, cela fonctionne très bien. Les infirmières praticiennes n'ont pas seulement un rôle à jouer dans l'infrastructure de soins primaires, mais également dans certains champs de spécialisation comme le programme cardiaque.

Le sénateur Cook: De façon générale, y compris pour les soins psychologiques, n'est-ce pas?

Mme Smith: Oui.

Le sénateur Cook: Pensez-vous que l'infirmière praticienne pourrait faire partie d'une grappe de services en même temps que les Infirmières de l'Ordre de Victoria et aides à domicile, pour constituer des groupes de soutien, surtout dans les régions rurales?

Mme Smith: Cela pourrait donner de très bons résultats au niveau des soins primaires. Tous ces services seraient regroupés pour offrir les soins.

Le sénateur Cook: J'envisage une grappe comprenant un sociologue, peut-être un psychologue et un physiothérapeute. Il y a un certain nombre de professionnels de la santé qui s'occupent des personnes âgées. Je crois qu'il faudrait les regrouper. J'ai l'impression que chacun travaille isolément.

Mme Smith: En effet.

Le sénateur Cook: Il faudrait regrouper l'utilisation des services.

Mme Smith: Absolument.

Le sénateur Cook: Monsieur Lucas, dans votre mémoire, vous avez indiqué ce qui ne marcherait pas. Je voudrais que vous nous fassiez part de vos huit recommandations pour que le système marche bien.

M. Lucas: Ces huit recommandations figurent à la fin de mon mémoire.

Le sénateur Cook: Vous êtes un fédéraliste convaincu. Nous savons que l'argent vient du gouvernement fédéral et qu'il est administré par la province. Pensez-vous que chaque province pourrait s'entendre avec le gouvernement fédéral? Seriez-vous d'accord sur une norme nationale pour la prestation des services jugés nécessaires?

Vous avez mentionné la promotion de la santé. Je veux être en bonne santé et je veux qu'on m'en donne les moyens. J'en reviens à l'idée de la grappe. J'aimerais que vous nous parliez de l'inconvénient de faire des soins des prestations imposables. Seriez-vous d'accord si un seuil était fixé?

M. Lucas: Le problème que pose actuellement tout régime fiscal est qu'il crée une bureaucratie supplémentaire. Cette bureaucratie nous coûterait plus cher, à long terme, en frais d'administration et autres coûts.

Si le seuil se basait sur un salaire de 25 000 $ par an, ce qui n'est pas beaucoup, toute personne dont le salaire dépasse 25 000 $ devra faire face à cette bureaucratie. Elle devra aller chez le médecin, faire remplir un formulaire par un vérificateur quelconque et le joindre ensuite à sa déclaration de revenu à la fin de l'année. Cela alourdira davantage un système déjà compliqué et imposera des frais supplémentaires.

Il est plus simple et plus équitable que tous les Canadiens aient accès aux soins de santé. Vous allez chez le médecin, vous obtenez un service de la même façon que maintenant et c'est le gouvernement fédéral qui reçoit la facture.

Le sénateur Cook: Est-ce que ce serait possible si le seuil pouvait être administré de façon très simple? J'essaie d'explorer des options au lieu de refuser obstinément de bouger.

M. Lucas: Non, je ne suis pas convaincu que ce serait possible. Voulez-vous que je réponde au sujet des deux autres questions et des normes nationales?

Le sénateur Cook: Non, vous avez été très clair en ce qui concerne le ticket modérateur.

Ce rapport vise à lancer la discussion et à obtenir des suggestions. Nous ne tirons aucune conclusion. C'est ce que je trouve intéressant. Cela permet d'élargir notre champ de réflexion. L'argent vient du gouvernement fédéral et il est administré par le gouvernement provincial. Croyez-vous que le gouvernement fédéral devrait assumer l'entière responsabilité du financement? Comment devrait se faire l'administration de ce financement?

M. Lucas: Oui, je crois que le gouvernement fédéral devrait financer la santé comme il l'a fait par le passé au moyen des paiements de transfert et par l'entremise de la Loi canadienne sur la santé. Les problèmes de Terre-Neuve et du Labrador pourraient inciter le gouvernement provincial à accorder la priorité à la santé ou à s'éloigner de la Loi canadienne sur la santé tandis qu'en Alberta, les choses seront vues sous un angle entièrement différent. L'argent provient du gouvernement fédéral. Par consé quent, ce dernier pourrait demander aux provinces qui s'écartent du droit chemin d'utiliser cet argent comme elles sont censées le faire, faute de quoi le financement sera suspendu.

Le sénateur Cook: L'avantage imposable sera difficile à administrer. Même les gens les plus intelligents que nous pourrons trouver auront de la difficulté à mettre en place ce genre de stratégies et de protocoles pour un pays comme le Canada.

M. Lucas: Je suis d'accord avec vous. Nous vivons dans le pays le plus grand et le plus merveilleux au monde. J'ai beaucoup voyagé de Vancouver à St. John's et j'ai pris l'avion une soixantaine de fois rien que cette année. Les gens à qui j'ai parlé tiennent énormément à notre système d'assurance-santé et veulent qu'on l'améliore. C'est l'assurance-santé qui fait du Canada un grand pays. Nous avons un défi à relever, mais je crois que nous pouvons le surmonter.

Le sénateur Cook: Nous pourrions peut-être examiner le concept des prestations imposables pour voir à quel point ce serait compliqué. L'assurance-santé est ce qui fait de nous un pays bien particulier et nous y sommes tous très attachés. Nous nous rendons compte que nous allons devoir envisager les choses différemment. Si nous restons prêts à envisager toutes les options et à travailler ensemble, je crois que nous trouverons une solution.

Cela ne marchera pas à moins que nous ayons du personnel bien formé, que ce soit les infirmières auxiliaires autorisées, les infirmières autorisées ou les aides à domicile, et rémunéré en fonction de la valeur de son travail. J'ai exclu les soins primaires, car je crois que nous avons beaucoup centré notre attention sur cet élément, mais que nous n'avons pas vraiment abordé les soins communautaires, au-delà de la question du mieux-être. J'aimerais entendre vos opinions à ce sujet.

M. Lucas: Nous mentionnons dans notre mémoire que nous devons former tous nos professionnels de la santé, aussi bien la personne qui nettoie les planchers de l'hôpital, que nos médecins et nos administrateurs, car tous ces gens sont des professionnels de la santé.

Nous devons tous être constamment évalués et formés. Il faut également que les professionnels de la santé soient rémunérés adéquatement. La plupart d'entre eux sont sous-payés, quel que soit leur niveau. J'ai fait valoir, la semaine dernière, lors d'une audience d'un comité sénatorial, que nous avions besoin de paiements de transfert plus importants parce que beaucoup de gens quittent la belle province de Terre-Neuve et du Labrador pour aller trouver du travail ailleurs. Les paiements de transfert financent la santé, l'éducation et les autres services sociaux.

La province de Terre-Neuve et du Labrador consacre énormé ment d'argent à l'éducation de sa jeunesse, mais lorsque les jeunes atteignent l'âge de 20 ou 21 ans, la plupart des parents les encouragent à aller sur le continent où ils peuvent trouver un emploi décent qui leur rapportera un bon salaire et de bons avantages sociaux et où ils pourront payer des impôts.

C'est l'Ontario, la Colombie-Britannique ou l'Alberta qui profite de ces impôts. Nous n'en tirons donc aucun avantage. Comme tous les autres Canadiens, nous voulons rentrer chez nous pour finir nos jours. Tout le monde veut revenir finir ses jours à Terre-Neuve et au Labrador. Nous sommes alors doublement pénalisés. Nous devons faire face à des coûts supplémentaires sur le plan de la santé.

Par conséquent, j'estime que la péréquation est une autre des grandes mesures qui unissent notre pays. Non seulement nous voulons que la péréquation soit rétablie à son niveau d'autrefois, mais vu que nous avions un excédent budgétaire de 10 milliards de dollars avant le 11 septembre, nous voudrions que les paiements de péréquation augmentent étant donné que Terre-Neu ve contribue grandement, comme les autres provinces pauvres, au bien-être de l'ensemble du pays.

Le sénateur Cook: Le problème que pose la formule de péréquation est qu'elle se fonde sur le nombre d'habitants. Si vous relevez les chiffres pour une province comme Terre-Neuve, Québec se retrouvera à 60 p. 100 à cause de la formule actuelle.

M. Lucas: Ce sont des obstacles de plus à surmonter.

Le sénateur Cook: Il doit y avoir d'autres solutions. Nous devons déterminer quelles sont les options à retenir en fonction des meilleures pratiques et des meilleurs renseignements disponi bles. Il ne suffit pas d'en parler. La péréquation n'est pas la solution. Il faut quelque chose de plus.

Le président: Il est vrai que la proportion de personnes âgées de moins de 18 ans ou de plus de 65 ans est plus élevée à Terre-Neuve que dans les autres provinces. Par conséquent, la formule de péréquation devrait tenir compte du nombre de gens qui sont les plus susceptibles de recevoir les trois services sociaux dont vous avez parlé et qui sont les moins de 18 ans et les plus de 65 ans.

Si l'on tient compte uniquement du nombre d'habitants, une province comme l'Alberta dont l'économie est en plein essor a beaucoup moins d'habitants qui entrent dans cette catégorie étant donné qu'un grand pourcentage de la population est en âge de travailler. Il faudrait réviser la formule en fonction du nombre de personnes qui dépendent des services sociaux. Je n'ai jamais entendu cette idée avant, mais elle est intéressante.

Le sénateur Cochrane: Monsieur Lucas, avez-vous participé à la tribune sur la santé qui a sillonné la province? Elle vient de se terminer.

M. Lucas: Non. Je suis charpentier et je travaille pour une commission scolaire de St. John's. Je suis président du SCFP de Terre-Neuve et du Labrador. Notre vice-président m'a tenu au courant de ce qui se passait dans cette tribune.

Le sénateur Cochrane: A-t-il voyagé avec la tribune? Votre syndicat y était-il représenté?

M. Lucas: La tribune s'est rendue dans toute la province. Nous avions des représentants dans les différentes régions. Des gens de notre syndicat sont allés présenter leurs points de vue.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous obtenu une rétroaction?

M. Lucas: Oui.

Le sénateur Cook: Y a-t-il un thème commun qui s'en est dégagé ou certaines suggestions qui contribueraient à soutenir notre système de santé?

M. Lucas: Tout d'abord, il faut se rendre compte de la situation à Terre-Neuve et au Labrador. Nous venons d'avoir une grève importante à l'issue de laquelle nous venons d'obtenir une hausse de salaire de 15 p. 100. Quand le premier ministre a voulu négocier avec nous, nous lui avons dit que nous étions prêts à coopérer au maximum, mais à deux conditions. Premièrement, nous n'étions prêts à accepter aucune mise à pied et deuxième ment, nous ne voulions pas rouvrir les conventions collectives.

Nous avons dit au comité qu'il était sans doute possible de faire certaines choses au foyer St. Pat, de St. John's. Par exemple, l'une des recommandations du foyer St. Pat était qu'il était possible d'économiser au lieu de recourir à la sous-traitance. Nous croyons qu'il y a énormément d'économies à faire.

À Western Memorial, par exemple, il faudrait réduire les heures supplémentaires. Lorsque c'est possible, il faudrait prévoir les horaires de travail de façon à ce que les gens fassent des horaires réguliers plutôt que des heures supplémentaires. Nous avons dit qu'il faudrait, dans chaque ville, recourir aux infirmières auxiliaires autorisées qui font partie de notre unité de négociation. Nous avons des infirmières auxiliaires autorisées et nous avons demandé au gouvernement de mettre ce programme en oeuvre là où c'est possible. Je crois que cela a déjà été fait dans une certaine mesure.

Le sénateur Cochrane: Parlez-moi des infirmières auxiliaires autorisées.

M. Lucas: Les infirmières auxiliaires autorisées ont été formées pour faire un travail précis. Je n'entrerai pas dans les détails, car ce n'est pas vraiment mon domaine.

Le sénateur Cochrane: Nous avons des gens qualifiés pour répondre à cette question.

M. Lucas: Donna Ryan pourra peut-être m'aider à répondre à cette question. Les infirmières auxiliaires autorisées ont été formées pour accomplir certaines tâches. Par le passé, le gouvernement n'a pas eu recours à cette catégorie de personnel. Il y a eu un débat sur la question à l'Assemblée législative, l'année dernière et les parlementaires se sont prononcés à l'unanimité pour l'utilisation des infirmières auxiliaires autorisées.

Le sénateur Cochrane: Les autres témoins voudraient-ils également répondre à cela?

Mme Smith: En ce qui concerne les tribunes sur la santé?

Le sénateur Cochrane: Oui.

Mme Smith: Notre association a été représentée à pratique ment toutes les tribunes régionales et nous avons également été invités à participer à la tribune provinciale. Les mêmes messages sont ressortis de chacune de ces tribunes, car on leur a demandé de se pencher sur certaines questions concernant la prestation des services dans la province. Il s'agissait de voir si les participants croyaient, par exemple, qu'il y avait suffisamment de commis sions de santé dans la province.

On nous a demandé d'évaluer les changements qui ont été apportés avant de songer à procéder à d'autres réformes et de prendre les décisions à partir des résultats. Nous sommes nombreux à ne pas disposer des systèmes d'information nécessai res pour prendre des décisions basées sur les résultats comme tout le monde voudrait que nous le fassions. Nous sommes coincés.

Nous devons définir les services assurables. Il faut voir plus précisément ce que nous assurons et ce qui est couvert par la Loi canadienne sur la santé. Voilà les messages qui émanent de ces tribunes. C'était le même son de cloche d'un bout à l'autre de la province.

Mme Blake-Dibblee: Nous avons eu également la possibilité de participer aux tribunes. Une douzaine de questions ont été posées. C'était des questions propres à susciter la réflexion qui était surtout centrée sur le modèle de soins primaires, la promotion de la santé et le mieux-être. Ces tribunes ont grandement contribué à susciter la réflexion et le dialogue dans la province.

Le sénateur Cochrane: C'est intéressant. Nous avons sans doute choisi le bon moment pour venir ici. Madame Smith, pourriez-vous nous expliquer ce que vous avez dit quant au fait qu'il faut remédier à l'inefficacité? Est-ce bien ce que vous avez dit?

Mme Smith: Oui. Je crois qu'il y a des pratiques non efficientes dans notre système. Du point de vue des soins infirmiers, nous sommes devenus inefficaces parce que nous n'avons pas pu combler certains postes d'infirmières. Vous ne pouvez pas faire fonctionner un service aussi bien quand il manque du personnel. Nous devons recourir aux heures supplé mentaires pour assurer les services de base.

Il y a de nombreux facteurs d'inefficacité, par exemple, la durée de l'hospitalisation, un problème qu'un grand nombre de commissions de santé cherchent à résoudre. Nous devrons voir quels sont les soutiens à mettre en place au niveau communautai re, par exemple pour permettre aux gens de rentrer plus tôt chez eux. Il existe des moyens d'améliorer les choses et si nous pouvons les trouver, nous disposerons certainement de plus d'argent que nous pourrons utiliser ailleurs.

Le sénateur Cochrane: Pensez-vous que cela réglera notre problème?

Mme Smith: Peut-être pas complètement, mais cela nous fournira des ressources supplémentaires. Nous saurons que nous faisons fonctionner le système le plus efficacement possible. On nous a dit qu'il y a plus de 20 p. 100 d'inefficience dans la gestion de nos lits pour soins actifs, dans la province. Je ne pense pas que les choses aillent si mal. Je ne suis pas convaincue que les données de l'Institut canadien d'information sur la santé fassent une comparaison équitable de la situation à Terre-Neuve et en Ontario. Il y a de nombreuses questions complexes que nous cherchons tous à résoudre en ce qui concerne l'inefficience du système. C'est un sérieux défi, parce qu'il faut parfois débourser plus d'argent au départ pour mettre en place les moyens d'augmenter l'efficacité. Où faut-il commencer?

Le sénateur Cochrane: Les autres témoins désirent-ils ajouter quelque chose?

Mme Blake-Dibblee: Dans le secteur des soins communautai res, nous constatons également des pratiques inefficaces, par exemple lorsqu'on prolonge l'hospitalisation des patients parce qu'il y a de sérieuses lacunes dans les soins communautaires et parce qu'il n'y a pas les services de soutien à domicile voulus. Le manque d'efficacité à cet égard est flagrant.

M. Lucas: Cela fait 24 ans que je suis au syndicat et que je m'intéresse à la santé et à la commission scolaire. J'ai participé à un grand nombre de négociations et de débats sur l'efficacité du système. J'ai entendu des professionnels et des administrateurs de la santé parler d'efficacité en disant que si l'on critiquait l'administration, il fallait au moins lui permettre de trouver de meilleures solutions.

Je tiens à préciser que lorsque nous parlons d'inefficacité, il ne s'agit pas de licencier du personnel ou cela ne veut pas dire que certaines personnes ne font pas bien leur travail. Nous savons tous qu'en ce qui concerne le budget de la santé, on a coupé comme quelqu'un l'a dit: «Jusqu'à l'os et même jusqu'à la moelle». Nous avons besoin d'une nouvelle injection d'argent et de personnel bien formé et il faudrait également que nous redevenions fiers de notre système de santé pour que nous puissions repartir du bon pied.

Le sénateur Cochrane: Je voudrais savoir où se situe le salaire des aides soignantes par rapport aux autres provinces de l'Atlantique. Si vous étiez une aide à domicile, vous seriez embauchée par une agence, n'est-ce pas?

Mme Blake-Dibblee: C'est exact.

Le sénateur Cochrane: Combien les agences sont-elles payées pour les services d'une aide à domicile et combien la personne qui exerce cet emploi reçoit-elle? Quelle est la situation dans la province par rapport à l'Île-du-Prince-Édouard, à la Nouvelle- Écosse et au Nouveau-Brunswick?

Mme Blake-Dibblee: À Terre-Neuve, les agences reçoivent 9,93 $ de l'heure pour les services d'une aide à domicile. Cela comprend leurs frais d'administration, l'indemnisation des acci dents du travail et autres frais. L'employée touche 6,66 $. Ce salaire sera porté à 7,01 $ le 1er décembre.

Le sénateur Cochrane: Ce salaire est-il le même que dans les autres provinces de l'Atlantique?

Mme Blake-Dibblee: En Nouvelle-Écosse, le salaire est un peu plus élevé, mais je ne peux pas vous dire à combien il se chiffre exactement. Je crois que Terre-Neuve est la province de l'Atlantique où ce personnel est le plus mal rémunéré.

Le sénateur Cochrane: Avez-vous du mal à recruter?

Mme Blake-Dibblee: Il est très difficile de recruter et de garder ces employés. Les aides à domicile doivent souvent fournir leur propre moyen de transport pour aller chez les gens. Nous ne pouvons pas desservir les localités rurales autour de St. John's parce qu'en raison de l'absence de transports en commun, les aides à domicile ne peuvent pas se rendre d'un endroit à un autre.

Le sénateur Cochrane: Vous avez dit que le salaire était de 6 $ de l'heure?

Mme Blake-Dibblee: C'est exact.

Le sénateur Cochrane: Qui peut travailler pour ce salaire?

Madame Smith, vous avez dit que la population devait participer davantage. Pourriez-vous nous en dire plus?

Mme Smith: Nous pourrions sans doute passer la journée à parler des soins primaires. Il faut du temps pour amener les gens à modifier leurs habitudes de vie. Nous nous disons que si nous tombons malades, il suffit d'aller chez le médecin se faire prescrire une pilule.

Il est parfois difficile de faire comprendre aux gens qu'ils doivent modifier leurs habitudes alimentaires et qu'ils doivent faire plus d'activités physiques. Les programmes expérimentaux de soins primaires ont été surtout réalisés sur la côte Sud. Il ne suffit pas que le médecin dise au patient qu'il souffre d'hyperten sion et qu'il ne peut plus manger de viande salée et de choux. Il faut que quelqu'un lui dise quels autres aliments il peut manger. Autrement, il va rentrer chez lui et continuer à manger de la viande salée et du choux.

Pour qu'il y ait des changements, il faut mettre des professionnels de la santé en place, par exemple dans la grappe dont vous avez parlé. Si je suis obèse et que je souffre d'hypertension et si mes mauvaises habitudes de vie m'ont rendue diabétique, j'ai besoin de ressources pour retrouver la santé. Il faut également des ressources au sein de la collectivité pour prévenir la maladie chez les enfants.

Cela ne se fera pas du jour au lendemain. Nous devons être patients. Nous devons mettre des services en place afin qu'il y ait des gens pour informer le public et lui apporter un soutien. On a pris des initiatives pour aider les gens à changer leurs habitudes alimentaires dans certaines régions de la province.

Le sénateur Cochrane: Il est difficile de mettre en place cette grappe de professionnels de la santé dans les petites localités.

Mme Smith: Il est difficile de les amener à travailler ensemble dans les grandes villes. Cela représente de nombreux défis, mais nous devons être courageux et patients si nous voulons apporter des changements. C'est cela qui donnera des résultats.

Le sénateur Cochrane: En 1986, j'étais sur la côte du Labrador et les infirmières de la région étaient formidables. Certaines des infirmières qui étaient venues d'Angleterre étaient toujours là. Elles faisaient à peu près tout. Elles étaient merveilleuses et assuraient un excellent service.

Est-ce de cela dont vous parlez quand vous dites que les infirmières pourraient jouer un rôle plus important et qu'il faudrait exploiter tout leur potentiel? Voulez-vous dire qu'elles devraient pouvoir prescrire des médicaments et assurer ce genre de service? Si c'est le cas, nous devons changer les normes des soins infirmiers, n'est-ce pas?

Mme Smith: Non, pas nécessairement.

Le sénateur Cochrane: Je ne devrais peut-être pas parler de normes.

Mme Smith: Vous voulez parler du champ des fonctions de l'infirmière.

Le sénateur Cochrane: Probablement.

Mme Smith: Nous avons différentes catégories de personnel soignant. Nous avons des infirmières auxiliaires autorisées, des infirmières autorisées, quelques infirmières exerçant un niveau avancé tel que la première assistante de salle d'opération et des infirmières praticiennes. Nous avons également des infirmières praticiennes et spécialistes des soins primaires dans certains programmes. Chacune de ces catégories professionnelles a un champ de fonctions bien délimité.

Dans le cadre des cercles d'apprentissage nous avons aidé les infirmières à comprendre le rôle de l'infirmière auxiliaire autorisée afin qu'elles n'y voient plus une menace. Elles comprennent que si elles travaillent en collaboration avec les infirmières auxiliaires, elles pourront fournir les services pour lesquels elles sont mieux préparées, par exemple, effectuer une évaluation approfondie.

Il faut examiner le rôle de l'infirmière pour s'assurer qu'elle passe son temps à faire les choses qui donneront le plus de résultats. Par exemple, si je m'occupe de quelqu'un à l'hôpital ou si je donne des soins en milieu communautaire à une personne qui a une maladie du coeur, je peux centrer mon attention sur les changements que cette personne doit apporter dans sa façon de vivre pour améliorer son état de santé. Si le champ de mes fonctions s'élargit, il s'élargit également pour les infirmières auxiliaires, les infirmières praticiennes et les médecins. Ce sera plus satisfaisant et plus intéressant pour tout le monde.

Le sénateur Cochrane: Ce n'est pas ce qui se passe maintenant, n'est-ce pas?

Mme Smith: Non.

Le sénateur Cochrane: Comment y remédier?

Mme Smith: On nous a dit que cela fonctionnait bien dans certaines régions. Votre exemple montre que cela marche bien sur la côte du Labrador.

Les gens s'habituent aux rôles que jouent les infirmières auxiliaires, les infirmières, les infirmières praticiennes et les médecins et tout le monde travaille en équipe. Il est difficile d'avoir d'autres professionnels de la santé dans certaines régions. Pour les physiothérapeutes, les ergothérapeutes et les diététicien ne, c'est un problème de recrutement. Si nous pouvons obtenir des bons résultats dans certains domaines spécialisés, nous pourrons ensuite appliquer ce modèle ailleurs.

Le président: Ce que vous avez constaté au Labrador correspond à ce qui se passe un peu partout. Il est beaucoup plus facile d'amener des gens de différentes professions à travailler ensemble dans les localités rurales que dans les villes.

Mme Smith: C'est aussi une question de besoin. Quand le besoin est là, il est ressenti au niveau de la collectivité.

Le président: L'esprit communautaire est également plus développé dans une petite collectivité où tout le monde a le sentiment de faire partie du même groupe.

Le sénateur Robertson: L'assurance-santé existe depuis près de 40 ans et n'a pas subi beaucoup de changements au cours des années. Une entreprise qui serait toujours gérée de la même façon ne serait plus là au bout de 40 ans. Il faut réexaminer tout le système pour voir si nous faisons notre travail comme il faut.

Quand l'assurance-santé a vu le jour, la moitié du financement provenait du gouvernement fédéral et l'autre moitié des provin ces. Cela couvrait seulement - et c'est encore le cas - ce qui se passe à l'intérieur de l'hôpital et du cabinet du médecin. Ce sont les deux seules choses qui sont couvertes.

La contribution fédérale a diminué de 17 p. 100 en moyenne dans l'ensemble du pays. Dans certaines provinces, elle ne dépasse pas 11 p. 100 et 1 ou 2 p. 100 de plus dans d'autres provinces. Voilà le résultat au bout de 40 ans. La réduction du financement a entraîné une crise dans le système de santé. Nous n'avons pas les ressources voulues.

Le changement coûte cher. De nombreuses provinces, surtout celles de l'Atlantique, demandent où elles trouveront l'argent nécessaire pour effectuer des changements. Par exemple, elles voudraient se prévaloir de la contribution fédérale pour l'IRM, mais l'équipement n'est pas accompagné de l'argent nécessaire pour le faire fonctionner. Cela ne fait qu'augmenter leurs dépenses alors qu'elles ne peuvent déjà pas faire ce qu'elles sont censées faire. C'est un cercle vicieux. Le problème est très grave.

En poursuivant votre étude, qui semble excellente, j'espère que vous examinerez toutes ces questions en raison desquelles il est très difficile d'offrir des services de santé qui répondent aux exigences de la population, surtout dans les provinces de l'Atlantique. Cette situation est inquiétante et nous allons devoir tous coopérer pour réaliser des progrès.

Dans la région de l'Atlantique, nous exportons beaucoup de gens, si bien que nous avons une plus forte proportion de jeunes et de personnes âgées que l'Alberta, l'Ontario ou la Colombie- Britannique. Il y a aussi un autre groupe qui n'a pas pu partir pour trouver des emplois, ce qui crée un problème de plus. Au cours des années, il y a eu une augmentation du nombre de personnes handicapées physiquement et mentalement qui ne se sentent pas la force d'aller chercher des possibilités d'emploi ailleurs. Cela complique encore plus les difficultés des provinces de l'Atlanti que.

Vous constaterez également que dans les secteurs du marché du travail où les femmes sont majoritaires, il est plus difficile d'obtenir des salaires décents. Quand les hommes arrivent dans ce secteur, les salaires augmentent graduellement. Par exemple, il y a des années, les enseignants étaient très mal rémunérés. Quand les hommes sont arrivés, les salaires ont commencé à grimper et sont maintenant acceptables.

Ce phénomène ne s'est pas répandu autant dans le secteur de la santé. Il y a quelques infirmiers, mais ce travail ne sera pas rémunéré adéquatement tant que la main-d'oeuvre ne sera pas plus diversifiée. Il n'y a aucune rémunération pour le membre de la famille qui reste à la maison et quitte son emploi pour prendre soin de sa mère ou d'une autre personne malade. Quelqu'un a-t-il déjà demandé au gouvernement fédéral de lui verser un salaire?

Il y avait un programme de logement qui permettait d'aména ger un appartement accessoire dans une maison pour que les parents puissent y vivre au lieu d'aller dans un foyer. Ce genre de programme pourrait-il être transféré sous une autre forme, peut-être sous forme d'espèces? Avez-vous essayé d'obtenir de l'argent pour ces personnes? Au cours de vos audiences, avez-vous entendu des suggestions qui pourraient leur venir en aide?

Mme Blake-Dibblee: Nous ne nous sommes pas lancés de ce côté-là. Nous savons toutefois que le besoin existe bien. Une des principales conclusions de cette étude préliminaire est qu'une rémunération contribuerait à améliorer énormément la qualité de vie tant de l'aidant que de la personne qui reçoit les soins.

Nous savons que 91 p. 100 des aidants sont des femmes. À Terre-Neuve, leur âge moyen est de 55 ans. Le revenu de leur ménage se situe aux environ de 20 000 $ et provient en partie des prestations de sécurité de la vieillesse que touche le bénéficiaire et qui aident à faire vivre la famille.

Le sénateur Robertson: Il est regrettable que la situation se soit dégradée à ce point. Vous manquez d'infirmières. Les aides domestiques sont payées 6 $ de l'heure, n'est-ce pas? Si on assurait un revenu aux personnes qui restent à la maison pour prendre soin d'un membre de leur famille, cela coûterait beaucoup moins cher que les soins en établissement.

Vous pourriez récupérer cet argent. Au lieu que les aides à domicile rémunérées, les infirmières et les aides soignantes essaient de tout faire, ces personnes pourraient passer leur temps à donner une formation aux aidants naturels pour faciliter leur travail à la maison. Il faudrait également prévoir une rémunération adéquate pour ces aidants.

Vous n'avez pas le personnel voulu pour tout faire. Ce sont là certaines des options que nous devons envisager. J'espère que dans le cadre de votre étude vous examinez toutes les solutions possibles.

Le sénateur Cook a parlé de grappes. Si vous parlez à n'importe quelle des infirmières de l'Hôpital Extra-Mural du Nouveau-Brunswick, vous verrez qu'elles sont satisfaites. Elles sont autonomes. Elles font un rapport au médecin une fois par nuit, peut-être même pas aussi souvent, tant que les patients vont bien. Ce sont elles qui dirigent. Ce ne sont pas les médecins qui devraient s'occuper de l'admission à l'hôpital. L'évaluation devrait être faite par les infirmières. Pourquoi faut-il que ce soit un médecin?

J'ai été coincée au Kentucky, qui est sans doute l'État le plus pauvre des États-Unis et j'ai dû aller à la salle d'urgence. La première personne que j'ai rencontrée était une infirmière. Elle a fait mon évaluation. Le laboratoire a effectué tous les tests que l'infirmière avait jugé nécessaires. Le pharmacien est ensuite venu voir les médicaments que je prenais. J'ai finalement vu le médecin pendant cinq minutes, après quoi je suis retournée à mon hôtel.

Le président: Un des témoins a-t-il une dernière chose à ajouter?

Le sénateur Robertson: Continuez à faire du bon travail, mais n'oubliez pas que cela coûte cher.

Le président: L'exemple que donne le sénateur Robertson nous ramène précisément à la question que vous avez tous soulevée en ce qui concerne le champ des fonctions et le recrutement de personnel qualifié. Comme nous l'avons dit, on ne ferait pas appel à un électricien pour changer une ampoule brûlée. C'est pourtant ce que l'on fait lorsqu'on demande à un médecin plutôt qu'à une infirmière de faire certaines choses.

M. Lucas: Nous avons parlé de la personne qui est hospitali sée alors qu'on pourrait la renvoyer chez elle. Vous avez cité, je crois, l'exemple d'une personne qui se trouvait au Centre Miller. J'en ai fait l'expérience avec un membre de ma famille et non seulement cette personne a coûté moins cher au gouvernement lorsqu'elle a été soignée chez elle, mais sa qualité de vie a été bien meilleure. C'est avantageux pour tout le monde.

Le président: Notre témoin suivant est Mme Maude Peach, qui a eu une longue carrière dans le secteur des soins bénévoles, à Terre-Neuve. Merci d'être venue, madame Peach.

Mme Maude Peach: J'ai été la directrice des Ressources bénévoles à la Health Care Corporation, de St. John's. En plus de cette fonction, j'étais responsable de l'éducation en milieu hospitalier et communautaire et je devais notamment donner des ateliers sur la prévention des mauvais traitements envers les enfants. Je suis actuellement vice-présidente de la Newfoundland and Labrador Lung Association.

Comme j'ai reçu votre rapport intérimaire jeudi seulement, il m'est difficile de parler de toutes les questions qui y sont abordées. Je parlerai toutefois du bénévolat pour démontrer l'importance qu'il revêt dans le domaine de la santé et les organisations sans but lucratif, au XXIe siècle. Je vous remercie de me permettre d'échanger avec vous quelques renseignements sur les contributions qu'un groupe de gens dynamiques ont apportées pour améliorer la qualité de vie des usagers de notre système de santé et, en même temps, la vie de notre collectivité.

Les gens dynamiques dont je parle sont des bénévoles. Ils travaillent dans des hôpitaux et foyers de soins, où ils complètent les soins prodigués par le personnel et les familles. Ce sont vos visiteurs amicaux. Ils fournissent des programmes de thérapie par la musique et les animaux. Ils assurent des services de transport, préparent des friandises de Noël et travaillent avec le clergé des diverses confessions. Ils offrent des services d'orientation aux patients et aux personnes âgées. Ils donnent aux soins de santé une dimension plus complète. Ils divertissent les patients et travaillent dans nos boutiques de cadeaux et cafétérias.

Ces personnes apportent chaque année à nos hôpitaux des milliers de dollars qui leur permettent d'acheter l'équipement dont ils ont grand besoin. Cette année, les 1 200 bénévoles de Health Care Corporation qui dispensent des soins tertiaires ont donné 80 000 heures de travail. Ils ont également fait don de 685 000 $ à la fondation des hôpitaux pour l'achat d'équipement.

Cela s'ajoute aux fonds qui sont levés par les fondations sur l'initiative du personnel, mais surtout avec le soutien des bénévoles. Par exemple, la Janeway Children's Hospital Founda tion a recueilli plus de 17 millions de dollars depuis 1985 dont 1,4 million cette année. Les Terre-Neuviens donnent plus de temps et d'argent par habitant que les Canadiens des autres provinces. Dans notre province, les bénévoles donnent chaque année des millions d'heures de travail pour aider les personnes malades, âgées, handicapées, défavorisées ou analphabètes. Ils donnent des premiers soins et des conseils, ils livrent des repas à domicile, participent aux programmes CanSurmount et aident à prendre soin de l'environnement. Ce ne sont là que quelques exemples.

La province compte une vingtaine d'associations reliées à la santé qui offre des services d'éducation et de soutien aux patients atteints de divers types de maladies ou de handicaps ainsi qu'à leur famille. Il s'agit par exemple de l'Arthritis Association, de l'Autism Society, de la Cerebral Palsy Association, de la Heart and Stroke Foundation, de la Kidney Foundation, de laNewfoundland and Labrador Lung Association et de MADD. La plupart de ces organismes ne reçoivent aucun financement des divers niveaux de gouvernement et c'est grâce aux bénévoles qu'ils offrent leurs programmes, leur éducation et leur soutien. Tous leurs revenus viennent des bénévoles.

La Newfoundland and Labrador Lung Association est un organisme sans but lucratif qui s'est donné pour mission d'aider la population de la province à avoir des poumons sains. Elle le fait grâce à des programmes d'éducation, de recherche et de défense des droits. Cette association se livre à des activités officielles de financement, de bénévolat et de développement organisationnel.

Avec un personnel de seulement cinq employés et500 bénévoles, l'Association offre 20 programmes éducatifs qui, dans bien des cas, sont les seules sources de conseils et d'information à Terre-Neuve. L'Association a un budget annuel d'environ 380 000 $ qui est entièrement levé par les bénévoles avec l'appui du grand public. Cette association continue de s'efforcer de trouver de nouvelles façons de s'acquitter de sa mission.

Le YMCA-YWCA dont je suis membre a, en plus de son conseil d'administration bénévole, environ 120 bénévoles en première ligne qui offrent des programmes d'exercice, de sports et de loisirs. Ils donnent 9 000 heures de travail par année pour soutenir les objectifs des divers gouvernements qui cherchent à promouvoir l'exercice et un mode de vie plus sain pour améliorer la santé. Les activités de financement et le budget de fonctionne ment de cet organisme dépendent également des bénévoles.

Le bénévolat est la caractéristique qui définit tout organisme caritatif et sans but lucratif. Les bénévoles nous permettent de nous acquitter de notre mission, d'apporter des changements sociaux et de nouer un lien important avec la collectivité en communiquant des renseignements sur la santé, y compris sur les habitudes de vie saines.

On sait depuis longtemps qu'il existe une corrélation entre un mode de vie sain et la prévention des maladies, mais nos centres de culture physique tels que ceux du YMCA-YWCA, qui sont surtout exploités par des bénévoles, doivent quand même percevoir la TVH de 15 p. 100. Dans certains pays, cette dépense est déductible de l'impôt.

Compte tenu du vieillissement de notre population, nous devons chercher des moyens novateurs de rendre plus abordable les services qui favorisent de saines habitudes de vie. Le gouvernement doit songer à exempter de ces taxes tous les centres et services qui favorisent des habitudes de vie saines pour contribuer à réduire les coûts du système de santé.

L'accès à l'information sur la promotion du mieux-être et de la santé est limité. Lorsque j'étais au Janeway Child Health Centre, j'étais la seule responsable, car j'étais prête à assumer cette tâche supplémentaire. J'ai constaté qu'il y avait très peu d'information à l'intention des mères. Rien n'était prévu pour elles après l'allaitement. Il y avait peut-être une ou deux séances d'informa tion sur l'apprentissage de la propreté. Les mères célibataires ont de nombreuses difficultés pour lesquelles elles ont besoin d'aide. Lorsque vous devez aller chez le médecin pour obtenir conseil, il est trop tard. Le problème est déjà survenu.

Si nous voulons éduquer le public pour qu'il assume davantage la responsabilité de sa santé et de son bien-être, cette information devrait être facilement accessible. Quand vous allez chez le médecin, il y a une salle d'attente où vous trouvez un ou deux dépliants sur la santé, le mieux-être et la façon d'élever les enfants, mais ces dépliants ne sont renouvelés que si le personnel trouve un peu de temps pour le faire. Cette information devrait être mise à la disposition des familles par les centres d'informa tion des familles et des centres de mieux-être, grâce au financement du gouvernement et probablement avec l'appui des bénévoles.

Je vais faire parvenir un exemplaire de ce mémoire à la greffière. Si vous en désirez des copies, elle vous les remettra.

Le sénateur Robertson: Comme tous les bénévoles, vous faites énormément de travail pour votre collectivité. Si l'on additionnait chaque dollar économisé grâce à l'armée de bénévoles qui travaillent dans tout le pays, nous serions étonnés. Je ne sais pas ce que nous ferions sans les bénévoles.

En tant que bénévole, quel est le pire obstacle auquel vous avez été confrontée? Vous dites que si les choses étaient différentes, cela marcherait mieux. Qu'est-ce qui vous fâche le plus?

Mme Peach: Quand j'étais directrice bénévole, j'ai coordonné de nombreux bénévoles. Une des choses que j'ai trouvées les plus décourageantes c'est quand j'ai constaté, lorsque la gestion du programme a été modifiée, que nous ne faisions plus partie d'une équipe. Il fallait souvent travailler seul de son côté et il était très difficile de faire une évaluation des besoins.

Nous ne faisions plus partie de l'équipe qui prenait soin du patient, même si nous faisions certainement partie des soins psychosociaux. C'était à nous ou aux bénévoles de voir ce que voulait le patient. C'est très bien quand la personne peut s'exprimer, mais pour les personnes âgées et les enfants, c'est difficile. Et ils ont presque besoin de quelqu'un pour défendre leurs intérêts.

Le sénateur Robertson: Cela ne m'étonne pas.

Mme Peach: En effet.

Le sénateur Cochrane: Je sais ce que font les bénévoles et quelle est leur contribution, surtout pour les personnes âgées. Les bénévoles des régions rurales de Terre-Neuve font un travail formidable.

Les gens se servent-ils du système de santé publique? Je veux parler des infirmières de la santé publique et de ce genre de services. Est-ce que les gens s'adressent à ces services ou est-ce qu'ils préfèrent aller à l'hôpital pour se faire soigner ou recevoir des injections?

Mme Peach: Je crois que si nous avions un centre de mieux-être ou un endroit où les familles pourraient aller, les gens iraient là-bas. Ils ne veulent pas attendre deux ou trois semaines pour voir le médecin. Si vous allez dans une clinique médicale, vous allez attendre votre tour pendant deux ou trois heures et vous verrez le médecin pendant cinq ou 10 minutes. Il n'y a aucune information sur le mieux-être. Si je prends sept ou huit médicaments depuis 20 ans, comment vais-je savoir que je dois continuer à les prendre? J'aimerais qu'il y ait un centre où je peux aller sans rendez-vous pour une vérification, me faire peser ou faire faire des analyses de sang.

Le sénateur Cochrane: Absolument. Nous avons quelques infirmières de la santé publique dans plusieurs régions. Elles ne fournissent pas ces services pour le moment, n'est-ce pas?

Mme Peach: Elles le font dans certains cas, mais ces infirmières sont surchargées de travail. Elles ont trop de clients. J'ai un couple d'amis âgés qui continuent à vivre chez eux avec une aide à domicile, mais il y a beaucoup de roulement. Il n'y a pas de continuité dans les soins et si je ne m'occupais pas de remplir leurs formulaires pour leur appartement, leurs pensions de vieillesse ou leurs médicaments, personne ne le ferait pour eux. L'infirmière de la santé publique vient voir de temps en temps comment ils vont et elle est là en cas de crise, mais à part cela, elle n'a pas beaucoup de temps à consacrer à chaque patient.

L'infirmière de la santé publique n'a pas assez d'heures dans la journée. Nous avons besoin de centres de services. Bien des gens vont dans les urgences des hôpitaux alors qu'ils ne devraient pas aller là. On recourt aux urgences à tort et à travers.

Le président: Dans certains cas, ils n'ont pas d'autre choix, n'est-ce pas?

Mme Peach: Pour le moment, en effet.

Le président: Mais ce n'est pas la seule option qui pourrait être offerte. C'est la seule qui existe actuellement.

Le sénateur Cook: Mme Peach s'est sentie découragée quand la province est passée d'une politique axée sur les soins cliniques à une politique axée sur les programmes et c'est un changement qui s'est véritablement répercuté sur le système.

Les personnes âgées et les personnes âgées en perte d'auto nomie ont besoin de médicaments, d'injections d'insuline et de plusieurs autres choses qu'une clinique de mieux-être pourrait leur fournir, peut-être sous la supervision d'une infirmière praticienne. Un travailleur social compléterait l'équipe et cela désengorgerait nos établissements et nos salles d'attente. N'êtes- vous pas d'accord? Comment cela pourrait-il fonctionner?

Mme Peach: Certainement. Récemment, ma belle-mère a eu un problème au pied et cela a duré plusieurs mois. Nous sommes retournées à l'hôpital. Nous avons attendu pour voir le spécialiste qui s'est contenté de nous dire que son pied allait maintenant très bien et qu'elle devait revenir le voir dans six mois. Si nous étions allées dans une clinique, l'infirmière aurait pu facilement nous dire la même chose et elle aurait été suffisamment compétente pour le faire. Cela aurait libéré le temps de ce spécialiste. Les cliniques de mieux-être sont la solution à un grand nombre des problèmes que nous avons à Terre-Neuve.

Le sénateur Cook: Comment cela pourrait-il se faire dans les régions rurales de la province? Il n'est pas possible d'avoir ce genre de centre dans chaque localité. Pourrait-il desservir une région? Étant donné la population vieillissante que nous avons dans les régions rurales de Terre-Neuve, pensez-vous que ce pourrait être une solution?

Mme Peach: Il faut mettre un système en place, par exemple des infirmières praticiennes, si nous élargissons le champ de leurs fonctions. Les infirmières qui sont venues à St. John's après avoir travaillé dans ces régions ont toujours dit que le travail était plus intéressant dans les régions éloignées. Il ne se limite pas à changer des pansements, à faire les lits et ce genre de choses. Maintenant qu'un grand nombre d'infirmières obtiennent un baccalauréat en sciences infirmières et suivent des cours spécialisés, je crois que cela pourrait marcher.

Le sénateur Cook: Étant donné le ralentissement économique, surtout depuis le 11 septembre, quel avenir envisagez-vous pour les organismes que vous avez mentionnés en ce qui concerne leur financement? Je choisirai l'exemple de l'Association pulmonaire, car vous avez dit qu'elle avait un budget de 400 000 $. Est-il réaliste de croire que nous pourrons soutenir les organismes qui offrent un service aussi formidable grâce aux bénévoles et à l'appui du public ou le système va-t-il devoir prendre leur place? Quelles répercussions cela va-t-il avoir sur le système?

Mme Peach: La situation est de plus en plus difficile d'une année à l'autre. Nous réussissons toutefois à nous en sortir. Nous essayons toujours de trouver de nouveaux moyens de lever des fonds. Nous travaillons très fort, mais nos revenus n'augmentent pas chaque année.

Malgré la peur de l'anthrax, l'Association pulmonaire envoie, par la poste, un appel de Noël. Les gens vont sans doute avoir peur d'ouvrir l'enveloppe, parce que ce sont des envois en nombre. Nous devons maintenant trouver un moyen de faire savoir au public que les bénévoles de l'Association ont préparé eux-mêmes ces enveloppes. C'est un sérieux défi.

J'ai parlé d'une vingtaine d'associations, mais je suis certaine qu'il y en a davantage. À une certaine époque, le gouvernement provincial a donné de l'argent à la Newfoundland and Labrador Lung Association, mais je crois qu'il a cessé de le faire en 1991. Depuis, nos bénévoles font toutes nos levées de fonds.

Le sénateur Cook: Il faudrait calculer l'économie totale que représentent les organismes bénévoles et les répercussions que pourrait avoir la situation actuelle.

Le président: Avec les compressions budgétaires des gouver nements, le secteur du bénévolat, qui a toujours été important, devient crucial. Les grands établissements ne peuvent plus fonctionner sans eux.

Il y a ici deux membres de l'Assemblée législative que je voudrais saluer. Ross Wiseman est le critique de l'opposition en matière de santé et Sheila Osbourne est également membre de l'Assemblée législative. Merci beaucoup d'être venus.

Quand ma femme a été hospitalisée pour un cancer il y a un an, j'ai vu que des bénévoles étaient là pour vous rencontrer lorsque vous alliez en chimiothérapie et pour subir d'autres interventions similaires. Je sais que cela n'exige pas beaucoup de formation, mais plusieurs des postes occupés par des bénévoles exigent une certaine connaissance du système de santé. Les organismes bénévoles offrent-ils une formation avant de confier un poste à quelqu'un?

Mme Peach: Oui. Tous les bénévoles participent à un programme d'orientation et font l'objet d'une sélection rigoureu se. C'est comme pour une candidature à un emploi. Vous remplissez votre formulaire de candidature, vous fournissez des lettres de référence et on vérifie si vous avez un casier judiciaire.

Le président: C'est très rigoureux. Ce n'est pas seulement à Terre-Neuve qu'on le fait, mais dans l'ensemble du pays, n'est-ce pas?

Mme Peach: À ma connaissance, oui. Je suis membre du Canadian Volunteer Bureau qui a des programmes de formation intensifs.

Le président: Comment recrutez-vous des gens? Attendez- vous qu'ils se présentent à votre porte? Je ne vois pas d'annonces demandant des bénévoles.

Mme Peach: Nous faisons de la publicité. La plupart du temps, vous le faites dans les médias qui ne vous font rien payer. Vous vous adressez au journal local, aux bulletins paroissiaux et à la radio, sans oublier le bouche-à-oreille. Nous avons la chance d'avoir ici une université et une faculté de médecine ce qui nous permet de recruter de nombreux étudiants qui s'intéressent à la santé.

Le président: Ce ne sont pas seulement des gens de notre âge. Vous recrutez également des jeunes, n'est-ce pas?

Mme Peach: Oui. Nous avions un programme de bénévolat très actif. Nos jeunes de Janeway, qui sont âgés de 14 à 16 ans, ont donné 7 000 à 8 000 heures par an. Les Terre-Neuviens sont plus généreux de leur temps et de leur argent, par habitant, que les autres Canadiens.

Le président: Ce sont même des étudiants du secondaire quand vous parlez de jeunes de 14 à 16 ans?

Mme Peach: En effet.

Le président: Je ne m'en étais pas rendu compte. Cela représente une aide gratuite supplémentaire très importante pour le secteur de la santé. Il serait très intéressant de savoir combien cela vaut. S'il fallait remplacer ces bénévoles, cela coûterait énormément d'argent.

Mme Peach: La plupart des hôpitaux ont des programmes de bénévoles surtout en pédiatrie.

Le sénateur Cook: Les «candystripers» n'existent plus, je crois?

Le président: Ils existent toujours. Du moins quand ma femme était à l'hôpital.

Mme Peach: Surtout dans les services pédiatriques, nous constatons que les jeunes s'entendent mieux avec les enfants. Ils suivent tous un programme de formation. Si vous travaillez pour IOV, l'Ambulance Saint-Jean ou en soins palliatifs, il faut une formation supplémentaire en plus de l'orientation habituelle.

Le président: Je tiens à remercier tous les témoins qui ont comparu devant le comité ce matin.

La séance est suspendue.

La séance reprend.

Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons cet après-midi M. Roy West, président de l'Institut national du cancer, la Dre Catherine Donovan, Santé et services communau taires, gouvernement de Terre-Neuve et Mme Marlene Bayers, directrice régionale de Weight Watchers. Soyez les bienvenus et merci de votre présence.

Je remarque que nous avons reçu un mémoire de chacun de vous. J'aimerais que vous fassiez, en commençant par M. West, un synopsis de votre mémoire, après quoi nous nous ferons un plaisir de vous poser des questions.

M. Roy West, président (St. John's), Institut national du cancer du Canada: Même si je suis président de l'Institut national du cancer, qui est, comme vous le savez peut-être, l'organe de recherche de la Société canadienne du cancer, je suis ici aujourd'hui en raison de l'expérience que j'ai acquise en matière de santé publique au cours de ma carrière au Canada. J'ai travaillé alternativement dans les milieux gouvernementaux et universitaires; c'est donc dans ce contexte que je réagirai à votre rapport intitulé «Questions et options».

Le président: Est-ce que vous êtes toujours vice-doyen de l'école de médecine?

M. West: J'ai démissionné le 31 août et j'ai la chance d'être en congé pour l'instant.

Le président: J'ai énormément de sympathie pour quiconque s'occupe d'administration universitaire, l'ayant fait moi-même il y a de nombreuses années. Ce n'est pas un travail facile.

Allez-y, monsieur West.

M. West: Prenez le dossier que je viens de vous remettre - passez les premières pages dans lesquelles je ne fais que décrire mes antécédents - et vous allez trouver un résumé. J'aimerais prendre quelques minutes pour le parcourir avec vous.

Essentiellement, je suis de la même école que des gens comme Michael Rachlis et Ken Fyke. Ce n'est pas étonnant que ce dernier m'ait engagé en Saskatchewan. Je crois qu'il y a suffisamment d'argent dans le système, mais je pense que nous en manquerons si nous continuons de dépenser comme nous le faisons actuellement. Cela est absolument intenable.

À mon avis, nous devons effectuer des changements majeurs et je crois qu'il est possible d'y parvenir. Nous devons adopter une pensée créative. Nous pouvons préserver, avec le pourcentage du PIB qui y est actuellement consacré, un système universel de santé subventionné par l'État au Canada, l'élargir afin qu'il inclue également la promotion du mieux-être et de la santé, en y consacrant à peu près les mêmes sommes que nous dépensons actuellement.

En fait, j'ai réagi aux chapitres de votre rapport et j'ai formulé quelques recommandations. Dans le résumé, à la page 5, vous verrez que j'ai indiqué le coût des recommandations que je propose.

À la rubrique Loi canadienne sur la santé, je crois fermement que la Loi doit s'imposer comme la Loi sur la santé et non pas devenir la Loi sur la maladie au Canada, et elle doit inclure la promotion de la santé publique et de la santé en général. Je crois fermement que la portée de la Loi canadienne sur la santé doit être élargie pour inclure des services de santé comme la vaccination des enfants, des programmes de promotion de la santé, des programmes de lutte contre le tabagisme, et ainsi de suite, des services qui aideraient les gens à protéger leur santé. Ce faisant, nous devons préserver les mêmes principes que ceux qui sont énoncés dans la Loi. Ces deux mesures accroîtront les coûts.

Considérant le système actuel, notre problème majeur est que dans notre système de traitements - services hospitaliers et services médicaux - nos budgets sont basés sur les services antérieurs, et non pas sur les priorités et les besoins. Nous augmentons effectivement le nombre de services pour répondre aux besoins de notre population vieillissante et pour moi, c'est nous limiter à travailler à l'intérieur des marges. Comme je l'ai dit, pour penser de façon créative, il faut établir un ordre de priorité parmi les services en fonction des besoins.

Vous comprendrez que je ne suis pas un fervent défenseur de la régionalisation en ce sens que nous avons implanté ce programme en Nouvelle-Écosse dans les années 80 sans jamais l'évaluer. D'autres provinces utilisent des modèles différents.

Tous ces éléments sont décrits plus en détail dans mon mémoire.

J'y mentionne que la documentation que j'ai pu trouver provient en grande partie de l'Europe, mais qu'il est surtout question de populations denses dans des zones géographiques restreintes. De fait, dans la documentation, on observe que la régionalisation, dans une zone comptant une population de moins de 1 million de personnes, n'est pas efficace. Comparez la situation avec celle de Terre-Neuve qui a une population de 500 000 habitants et six régions. La Saskatchewan est le pire exemple actuellement parce qu'elle compte 30 régions avec une population de 1 million de personnes.

Je me demande vraiment où la régionalisation nous amène et si nous ne devrions pas revenir à l'essentiel et reconsidérer nos objectifs.

En ce qui concerne les soins primaires, nous devons les restructurer. Le modèle actuel du médecin qui travaille dans sa propre pratique ne fonctionne pas. Cela fait augmenter les coûts. Nous devons en arriver à avoir des centres de santé complets, où l'on offre les services de divers spécialistes de la santé. En fait, je préférerais que la direction de ces centres soit confiée à une infirmière praticienne. Cette personne pourrait répartir les patients à leur arrivée au centre. Certains verraient le médecin, d'autres un travailleur social, d'autres encore un travailleur de la santé mentale.

Nous devons rééquilibrer le continuum de soins. Nous consacrons 95 p. 100 de nos efforts aux traitements. Nous nous préoccupons très peu de prévention et de mieux-être à une extrémité du système, et nous portons très peu d'attention au soutien à accorder aux gens avec dignité et à leur donner de bons soins palliatifs à l'autre extrémité. Il faut atteindre ces équilibres.

J'ai parlé de la personne responsable. Je crois que nous pouvons économiser beaucoup d'argent en surveillant activement l'utilisation que l'on fait des médicaments au Canada. C'est moi qui ai lancé l'utilisation de la base de données universelle sur les médicaments en Saskatchewan pour fins de recherche en 1983 et je connais assez bien les études sur l'utilisation des médicaments. Je crois fermement que si nous adoptions la technologie et que nous allions de l'avant dans ce domaine, nous pourrions réaliser des économies considérables.

En ce qui a trait à la recherche et à l'évaluation, nous devrions continuer d'accroître les fonds destinés à la recherche. Les IRSC constituent une extraordinaire initiative, mais l'Institut attend toujours les subventions qui lui permettraient d'atteindre un budget de 1 milliard de dollars par année. Inutile de dire que les chercheurs sont très inquiets en ces temps où l'on discute des fonds destinés au budget de la sécurité, ce que je reconnais être important pour le pays, mais l'un des derniers secteurs que l'on devrait amputer à cet égard, c'est bien celui de la recherche.

Quant à utiliser la recherche pour formuler des politiques et des pratiques, nous devons former les gestionnaires et les spécialistes principaux du gouvernement et dans d'autres services, ainsi que les spécialistes de la santé eux-mêmes, à utiliser les données de recherche qui sont publiées. Il existe actuellement passablement de données de recherche qui ne sont pas utilisées et que nous pourrions continuer d'élargir. De toute évidence, et les politiques et les pratiques devraient être fondées sur l'expérience clinique.

Pour ce qui est de la technologie, nous devons continuer de développer les systèmes. Si nous voulons être capables de travailler en fonction des résultats, nous devons recueillir des renseignements sur ces résultats. Si nous allons dans ce sens, je crois que nous pouvons réduire les coûts en éliminant des services qui ne donnent pas de bons résultats.

Enfin, en ce qui a trait aux systèmes d'information et de technologie - et vous avez mis le doigt sur le problème dans votre mémoire - les chercheurs en santé, notamment, ont de la difficulté à s'entendre pour proposer des modifications à la Loi sur la protection des renseignements personnels. L'un des problèmes qu'éprouvent actuellement les chercheurs est que Santé Canada et les IRSC, les deux organisations qui orientent les travaux de recherche, ne sont pas disposés à critiquer une loi proposée par un autre ministère. En fait, le document des IRSC sur la Loi sur la protection des renseignements personnels et les documents électroniques n'informe pas les chercheurs sur la façon d'obtenir des changements. Il conseille aux chercheurs de respecter la Loi.

Je vois dans vos commentaires que vous croyez également qu'il faille modifier la Loi, et je pense personnellement que nous devons la modifier pour éliminer ce qui menace la recherche.

Bien sûr, la voix contraire, c'est celle des médecins qui disent: «Nous voulons une protection des renseignements plus sévère», ce qui est leur façon de montrer au public qu'ils s'occupent de leurs patients et de la protection des renseignements personnels de ces derniers.

J'aimerais simplement faire un bref commentaire sur les ressources humaines et les ressources en matière de santé. Je crois que nous devons nous intéresser non seulement aux échelles salariales des spécialistes, y compris les médecins qui sont payés à l'acte, mais aux échelles salariales interprovinciales. Actuelle ment au Canada, comme vous devez l'avoir entendu à maintes reprises, les petites provinces, comme Terre-Neuve, sont désavan tagées au détriment des plus grosses provinces qui augmentent les salaires.

Enfin, je sais que la Dre Donovan mettra l'accent sur la santé des populations dans sa présentation, si bien que je limiterai mes commentaires. Cependant, il faut investir dans la prévention. Il faut adopter un plan social stratégique national - ce que nous avons; Terre-Neuve est la première province à s'être dotée d'un tel plan. Terre-Neuve éprouve actuellement certaines difficultés à mettre ce plan en 9uvre à cause du manque de ressources, mais elle se dirige dans la bonne direction, pour essayer de donner plus de pouvoirs aux collectivités afin de les rendre plus en santé et plus économiquement viables. De ce point de vue, nous devons investir dans nos collectivités.

J'aimerais prendre seulement 30 secondes pour signaler quel que chose dans notre dossier. Si vous allez après le premier marqueur bleu, vous verrez un graphique conçu pour Terre-Neu ve, mais qui s'applique à tout le pays. J'ai établi l'augmentation par habitant en matière de dépenses de santé en dollars constants de 1992. C'est la ligne avec les carrés. Le pourcentage de diminution augmente au fur et à mesure que l'espérance de vie augmente tous les cinq ans. Je m'excuse, j'ai triché un peu, le dernier point de repère n'est que de deux ans. Mon interprétation est que nous continuons d'investir dans les traitements, mais que si nous utilisons l'ultime mesure du résultat, c'est-à-dire l'espérance de vie, les chiffres diminuent. Afin de changer l'espérance de vie, nous pouvons prévenir les décès prématurés et pour ce faire, nous devons avoir des programmes de promotion de la santé et de prévention des maladies.

Enfin, nous avons conçu une façon de réunir les données par villes et collectivités à Terre-Neuve. L'objectif est de permettre aux villes et aux collectivités de voir comment elles se comparent par rapport au reste de la province. Nous avons ce simple diagramme à barres - et je vous ai donné deux exemples, mais nous pouvons le faire pour de nombreux éléments déterminants de la santé. Ces deux exemples concernent l'espérance de vie et l'autoévaluation de la santé à Clarenville, qui se trouve dans la région de la Dre Donovan. La deuxième page de chacun indique, sur la carte de Terre-Neuve, le classement des autres collectivités. C'est notre façon d'essayer de leur donner de l'information afin qu'elles puissent commencer à prendre les mesures nécessaires pour améliorer leur propre santé et pour se comparer avec le reste de la province.

Dre Catherine Donovan, médecin hygiéniste, Santé et services communautaires, est de Terre-Neuve: Je vous remercie de l'occasion qui m'est offerte de vous parler et merci à vous, monsieur West, d'avoir ouvert la porte à ma présentation.

Je vous donnerai le point de vue d'un médecin praticien en santé publique, et à cet égard, j'agis toujours à titre de chercheuse principale pour le Programme de recherche sur la santé cardiovasculaire de Terre-Neuve et du Labrador.

Je ne parlerai pas du système de soins et de traitements - je pense que cela a été très bien fait dans le rapport «Questions et options» - sauf pour dire que du point de vue de la santé publique, je suis fortement en faveur d'un système de soins et de traitements de grande qualité et facilement accessibles, de toute évidence, un élément déterminant de la santé.

Je vais traiter de la santé des populations et de certains enjeux du rapport qui ont un impact sur cet aspect, et du système de santé publique qui cherche actuellement à trouver des solutions aux problèmes. Je soulignerai également l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire, qui est un modèle extraordinaire de promotion de la santé financé par Santé Canada et qui est un bon exemple de la façon dont on devrait procéder.

Pour les fins de la discussion, quand je parle de santé publique et de services de santé publique, je fais référence aux services qui visent à promouvoir la santé au sein de la population, et cela inclut la promotion de la santé, la prévention des maladies et des blessures et la protection de la santé.

Dans le document «Questions et options», vous discutez d'un contexte du XXIe siècle et je crois qu'il est important, quand on examine le système de santé, d'examiner le système de santé publique de façon un peu différente de celle que l'on utilise pour examiner le système de traitements et de soins. Il y a certainement des enjeux particuliers et des approches différentes pour aborder l'administration de la santé publique comparativement au système de soins et de traitements. Il y a aussi des enjeux concernant les mesures de la qualité des services offerts aux consommateurs, mesures qui sont manifestement différentes pour évaluer la santé publique. En effet, les patients peuvent considérer que certaines de nos initiatives ne sont pas au mieux de leurs intérêts alors qu'elles sont peut-être au mieux des intérêts de la santé publique. Donc, quand on examine le système de santé publique, il faut le voir d'un point de vue un peu différent de celui du secteur des soins institutionnels.

Par rapport au rôle du gouvernement fédéral, il n'est pas étonnant que mon document appuie ce qu'a dit déjà M. West en ce qui a trait à l'élargissement de la définition de l'expression «médicalement nécessaire» pour inclure des services de protection et de promotion de la santé. Je mentionne dans mon document un rapport du Centre for Disease Control intitulé «An Ounce of Prevention», qui décrit de façon concise certaines des économies qui peuvent être réalisées grâce aux investissements dans la santé publique. Même si les chiffres sont en dollars américains, on pourrait s'attendre proportionnellement à des économies équiva lentes au Canada.

Santé Canada joue un rôle important dans le financement de projets de recherche et de projets pilotes innovateurs. L'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire en est un exemple. Santé Canada finance souvent des projets qui ne cadrent pas avec les protocoles standard de recherche traditionnelle, soit d'un point de vue méthodologique, soit d'un point de vue de fond. Et Santé Canada doit continuer de jouer ce rôle de leadership parce que, notamment, ceux d'entre nous qui travaillent dans la collectivité doutent que les IRSC soient aussi réceptifs à ce genre de recherche et de programmes innovateurs.

L'une des lacunes de ce programme, cependant, est que l'on poursuit rarement le financement d'excellents projets ou de la mise en pratique du savoir acquis grâce à la recherche.

Le gouvernement fédéral pourrait jouer un autre rôle, comme l'a décrit M. West, pour évaluer les changements à apporter au système de santé. Il s'est fait beaucoup de restructuration et de réorganisation, mais très peu d'évaluation. D'autres montent dans le train sans vraiment tenir compte de l'histoire et des expériences récentes d'autres provinces ou territoires. Mes collègues du secteur de la santé publique de tout le pays racontent des anecdotes indiquant que le système de santé publique ne se porte pas tellement bien dans cette ruée vers la régionalisation et l'intégration.

Faciliter la diffusion du savoir entre les provinces et territoires est un autre rôle important que pourrait jouer le gouvernement fédéral. Là encore, l'Initiative canadienne en santé cardiovasculai re est un exemple incroyable de la façon dont le gouvernement fédéral, soit Santé Canada, a facilité la collaboration et la coopération entre les provinces.

Les études de l'infrastructure du système de santé, dans presque tous les contextes, passent habituellement sous silence l'infrastr ucture de la santé publique. On parle habituellement de médecins dans leurs cliniques, d'infirmières dans les hôpitaux, de spécialis tes des soins et des traitements, des structures d'immobilisations, mais il est rarement question de l'infrastructure de la santé publique. Les gens sont certainement inquiets dans tout le pays à ce sujet. J'exhorte le comité, dans toute la mesure du possible, à mettre la main sur un rapport sur l'infrastructure de la santé publique rédigé et publié au début de l'année pour la Conférence des sous-ministres de la Santé.

Le système de santé publique a besoin de ressources adéquates pour appuyer le type de programmes de protection et de promotion de la santé innovateurs qui auront un impact à long terme sur la santé au Canada. Le Canada a toujours excellé dans l'élaboration de théories et d'approches en matière de promotion de la santé des populations, mais nous avons fait relativement peu pour suivre la voie qui nous mérite une reconnaissance internationale. Sur la scène internationale, nous sommes réelle ment perçus comme des leaders au chapitre de la promotion de la santé et de la santé des populations. Les auteurs du rapport «Questions et options» font un très bon travail pour reconnaître la santé des populations et démontrent clairement que le comité comprend très bien les enjeux. Les options proposées pour trouver des solutions aux problèmes de santé des populations sont la proie de ce qui est souvent un problème dans les discussions portant sur la santé des populations, c'est-à-dire un type d'inertie qui peut s'exprimer par la réaction suivante: «Le problème est trop gros, on ne peut rien faire, alors allons au plus court, et réparons les choses après coup.»

Bien que le rapport renferme deux propositions qui, à mon avis, sont valables et devraient faire l'objet d'un suivi, soit les propres services du gouvernement fédéral concernant la santé des Autochtones et l'effort pour essayer d'encourager la collaboration et la coopération intergouvernementales, une option n'est pas mentionnée. Il s'agit de renforcer l'infrastructure de la santé publique grâce à des normes nationales, de s'assurer que l'on a les fonds nécessaires, d'améliorer les programmes de promotion de la santé et de faire en sorte que les travailleurs de la santé publique aient la capacité d'appuyer les actions communautaires qui sont possibles et qui se produisent effectivement. En médecine, si un médecin a omis de prescrire une dose adéquate d'un médicament, il est tenu responsable des effets néfastes sur le patient; pourtant, notre système de santé omet invariablement de fournir la dose préventive qui, nous le savons, peut sauver des vies et améliorer la santé.

L'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire est un bon exemple de programme qui contient toutes les caractéristiques essentielles au succès des interventions en matière de promotion de la santé. Cette initiative comprend plusieurs facettes, inclut des approches multiples et implique la collaboration intersectorielle et l'action communautaire. Elle repose sur une solide expérience clinique. Des sondages ont été effectués dans tout le pays sur la santé cardiovasculaire et les comportements à risque. On a créé la plus grande base de données au monde sur les comportements à risque. Tablant sur les connaissances acquises par les sondages, des projets de recherche ont été mis au point et maintenant, l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire en est à l'étape de la diffusion. Même si chaque province travaillait indépendam ment et élaborait son propre programme, il y a toujours eu beaucoup de collaboration et de transmission de savoir et de renseignements entre toutes les provinces.

Il est relativement tôt pour évaluer le succès de l'Initiative, examiner les résultats et voir si cela a changé la mortalité attribuable aux maladies cardiovasculaires. Cependant, pour un investissement de moins de 10 millions de dollars à la phase de démonstration, on a assisté à plus de 700 événements dans tout le pays qui ont permis de joindre presque 2 millions de participants. Il y a eu 1 400 contributeurs, en plus de Santé Canada, notamment les gouvernements provinciaux, les universités, les ONG et les organismes bénévoles. L'investissement initial de 10 millions de dollars s'est traduit par un investissement total, à la fin de la phase de démonstration, d'une valeur de 33 millions de dollars.

Le Programme de recherches sur la santé cardiovasculaire de Terre-Neuve et du Labrador est l'un des projets de santé cardiovasculaire ayant connu le plus de succès. Nous avons joint toutes les régions de la province, les collectivités ont participé, on s'est également intéressé à la viabilité de l'infrastructure cardiovasculaire. La phase de démonstration de ce projet, qui a pris fin en 1996, a permis de constater une augmentation considérable et soutenue de l'activité dans le domaine cardiovas culaire ainsi qu'une capacité de promotion de la santé dans toute la province. Un sondage réalisé en 1996 indiquait que 175 000 personnes dans la province connaissaient le projet et que 60 000 d'entre elles avaient effectivement participé à des activités concernant la santé cardiovasculaire dans les collectivités. À la phase de diffusion, qui a commencé en 1998 et qui n'est pas encore terminée, il y a eu plus de 300 activités touchant la santé cardiovasculaire, activités auxquelles 1 600 personnes ont partici pé et qui impliquaient 500 bénévoles. Plus récemment, le Programme de recherches sur la santé cardiovasculaire de Terre-Neuve et du Labrador a joué un rôle clé dans l'élaboration d'une stratégie provinciale de prévention des maladies et de promotion de la santé pour le diabète gras, un autre enjeu national important.

L'histoire du Programme de recherches sur la santé cardiovas culaire de Terre-Neuve et du Labrador est phénoménale en raison de l'enthousiasme et des activités constantes de promotion de la santé cardiovasculaire nécessitant très peu d'investissement. À la fin de 2003, cependant, le financement fédéral prendra fin. Même si je n'ai aucun doute que nous allons poursuivre certaines activités, il devient de plus en plus difficile d'obtenir l'engage ment des travailleurs de la santé publique en raison de la demande croissante de traitements et de soins dans la collectivité. Le transfert vers les collectivités ne s'est donc pas réellement traduit par un transfert en matière de promotion de la santé dans les collectivités. Ce à quoi on a assisté, c'est à un transfert vers un système de traitements et de soins dans la collectivité.

Le modèle de l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire peut être appliqué à la plupart des activités de prévention des maladies chroniques et à d'autres initiatives en matière de santé des populations. Nous n'avons pas les ressources au Canada pour faire fi de nos succès. On devrait encourager le gouvernement fédéral à utiliser les connaissances et la capacité qu'il a obtenues grâce à cette initiative pour concevoir des ressources et faciliter la mise en 9uvre d'une stratégie nationale en matière de promotion de la santé.

Mes recommandations sont incluses dans mon document. Comme vous pouvez le voir, elles portent sur l'évaluation, en tablant sur le savoir et les succès que nous avons et en supportant l'infrastructure de la santé publique pour développer des capacités et procéder à l'élaboration d'une stratégie nationale de promotion de la santé des Canadiens et des Canadiennes.

Mme Marlene Bayers, directrice régionale (Terre-Neuve et Labrador), Weight Watchers: Je vous remercie de me donner l'occasion d'être ici aujourd'hui.

Notre société est une société privée internationale fondée en 1963. Nous exploitons Weight Watchers à Terre-Neuve depuis maintenant 29 ans. Actuellement, nous comptons 2 000 membres qui assistent à 40 réunions par semaine. Nous constatons un effet dans la prévention de tant de maladies associées à l'obésité et à l'excédent de poids.

Nous sommes présents dans de nombreuses régions rurales et urbaines de Terre-Neuve, nous y tenons des réunions privées avec nos membres. Nous utilisons un pèse-personne accrédité à l'échelle nationale qui peut aller jusqu'à un poids maximal de 440 livres, et il y a de plus en plus de nos membres qui ont besoin de tels pèse-personne.

L'obésité et les maladies reliées à l'obésité ayant atteint un sommet dans la province, nos services sont encore plus en demande et nous observons de bons succès chez nos membres. Les membres de Weight Watchers perdent du poids en apprenant à se nourrir de façon intelligente. Nous nous concentrons sur les portions de même que sur l'apport nutritionnel des aliments. Notre plan de consommation s'applique pratiquement aux besoins de tout le monde. Nous donnons également des conseils pour vivre dans le monde réel. Les gens peuvent toujours aller au restaurant, on les informe sur les avantages de faire de l'activité physique et de prendre des décisions qui leur feront bénéficier de cette activité pendant des années.

Nous offrons du soutien de groupe lors de nos réunions. Le soutien des groupes est véritablement la pierre angulaire de ce programme. Il n'est pas seulement question de perdre du poids, de gagner du poids, de revenir, le vieux cycle qui existe depuis longtemps. Nos membres sont encouragés à participer à l'appren tissage du changement des habitudes à long terme. Nous offrons des outils Weight Watchers pour mieux vivre, des outils qui sont basés sur des programmes neurolinguistiques et qui sont très efficaces pour vaincre les obstacles qui empêchent la perte de poids.

Nous faisons en sorte que Weight Watchers soit accessible au plus grand nombre de personnes possible. Nous sommes sur les lieux de travail de même que dans nombre de collectivités rurales et urbaines de Terre-Neuve et du Labrador.

En ciblant l'obésité à Terre-Neuve, nous avons établi une relation avec nombre de nos médecins. Nous expédions des envois postaux réguliers à nos médecins. Lorsqu'un médecin renvoie son patient ou sa patiente à Weight Watchers, nous dispensons la personne des frais d'inscription.

Nous utilisons l'indice de masse corporelle comme cible de poids recommandé. Les spécialistes en obésité recommandent maintenant que ceux qui doivent perdre du poids commencent par se fixer un but initial de 10 p. 100 de leur poids actuel. Cette perte de poids est réalisable et peut amener d'importants avantages en matière de santé. Weight Watchers a adopté la différence de 10 p. 100 comme mesure incitative de son programme. La recherche montre qu'en perdant simplement 10 p. 100 de son poids, cela produira des améliorations immédiates dans des domaines comme la régulation de la pression sanguine, l'abaissement du cholestérol et des risques de maladies comme le diabète et certaines formes de cancer.

Les membres ne viennent plus chez Weight Watchers exclusi vement pour des raisons esthétiques. Les nombreux avantages pour la santé que représente la perte de poids sont variés et tangibles. Beaucoup de nos membres ont vu leur santé s'amélio rer. L'une de nos membres a réduit sa quantité quotidienne d'insuline de moitié; un autre n'a plus besoin de prendre de médicaments contre l'hypertension. Nombre de nos membres se sont débarrassés de leurs maux de dos, de leur fatigue, de leur insomnie, de leurs indigestions et de leurs douleurs aux jambes.

J'aimerais vous faire part de quelques exemples spécifiques plus près de nous. Un jeune homme de Clarenville a perdu 90 livres avec l'aide de Weight Watchers. Avant de venir chez nous, ce jeune homme faisait de l'apnée du sommeil. Il dormait debout. Il ronflait beaucoup et souffrait d'une hypertension élevée et de douleurs chroniques au dos. Il est maintenant libéré de tous ces problèmes. Il doit encore perdre plus de 100 livres, mais il se sent merveilleusement en forme.

Une autre membre, qui vit près de la région de St. John's, a été hospitalisée à cause de son cholestérol très élevé et de problèmes cardiaques. Elle a des antécédents familiaux de maladie cardiaque et son médecin était inquiet de sa santé. Cette femme avait essayé de nombreux médicaments et de nombreux régimes sans succès. La diététicienne de l'hôpital, qui ne savait plus quoi lui suggérer, a dit à cette femme en toute confidentialité qu'elle devrait se joindre à Weight Watchers. On ne savait plus quoi faire d'autre pour elle. Lorsqu'elle est venue nous voir, elle avait un taux de cholestérol de 9,7, ce qui était élevé pour son âge. Après 10 semaines, son cholestérol avait diminué de 2,9 et elle ne prend plus aucun médicament maintenant.

Toutes ces réalisations sont mises en valeur pour nos membres en raison de l'apprentissage qui les a amenés vers cela. C'est grâce à l'information et à l'éducation que nous pouvons faire une véritable différence pour améliorer la santé des Terre-Neuviens - et c'est ainsi que nous voyons notre rôle.

J'ai ici quelques références qui soulignent les avantages de perdre seulement 10 p. 100 de son poids corporel. Le Journal of the American Medical Association fait remarquer qu'après le tabagisme, l'obésité est la deuxième cause en importance des décès évitables. Le rapport du NIH sur les lignes directrices concernant l'obésité clinique dit ceci au sujet de l'obésité: «L'obésité augmente considérablement le risque de développer de nombreuses maladies chroniques comme l'hypertension, le diabète gras, les maladies cardiovasculaires, les ACV, les maladies de la vésicule biliaire, le cancer du sein, de la prostate et du côlon, les maladies du foie, des douleurs au dos, l'apnée du sommeil et l'incontinence urinaire.»

Mon mémoire renferme quelques autres références surl'obésité.

Nous voyons un certain nombre de jeunes gens qui ne sont pas nécessairement obèses se joindre à Weight Watchers pour s'informer sur les principes d'une bonne alimentation, pour stopper le problème avant qu'il ne devienne incontrôlable.

Weight Watchers joue un rôle proactif pour donner de l'information nutritionnelle à nos membres. Tant que l'étiquetage des éléments nutritionnels ne sera pas obligatoire au Canada, cela demeure difficile. Nous voulons savoir ce que nous injectons dans nos corps, et c'est là un défi si l'on n'a pas les détails sur les étiquettes. Un fabricant d'aliments de la région m'a dit qu'il ne nous révélera pas le contenu en calories de certains produits parce qu'il a peur que nos membres, en particulier, n'achètent pas son produit. Cela m'inquiète beaucoup de ne pas savoir ce que nous mangeons.

Aux États-Unis, un changement récent apporté aux lignes directrices IRS pour 2001 permet aux contribuables de déduire le coût d'un programme de perte de poids comme Weight Watchers lorsqu'il est prescrit par un médecin pour traiter une maladie. Les contribuables peuvent également déduire le coût de leur participa tion à un programme de perte de poids pour maintenir une bonne santé afin de traiter une maladie après une perte de poids. En outre, la dépense peut être déduite même si le traitement ne réussit pas.

L'IRS a produit une publication sur les frais médicaux et dentaires à utiliser pour la déclaration de revenus, qui spécifie ceci: «Vous pouvez inclure dans les frais médicaux le coût d'un programme de perte de poids entrepris à la demande du médecin pour traiter une maladie existante (comme une maladie cardia que). Mais vous ne pouvez inclure le coût d'un programme de perte de poids si l'objectif de ce programme est de maintenir votre santé en général.» J'aimerais bien que les dépenses pour le maintien de la santé fassent partie des déductions.

Selon l'American Obesity Association, les coûts de santé annuels pour le traitement des maladies causées par l'obésité sont évalués à quelque 100 milliards de dollars, car environ 60 p. 100 des jeunes et des adultes américains ont un excédent de poids ou sont obèses, chiffre qui a pratiquement doublé au cours des deux dernières décennies.

Weight Watchers offre effectivement l'un des programmes de perte de poids les plus efficaces et les plus facilement accessibles. La recherche indique que les gens qui vont aux réunions de Weight Watchers sont plus susceptibles de perdre du poids que des gens qui essaient de le faire seuls.

Weight Watchers continuera d'offrir l'information la plus à jour de façon abordable et accessible et au plus grand nombre de gens possible.

En résumé nous aimerions voir, notamment, une meilleure information sur les étiquettes, des avantages au chapitre de l'assurance-santé et des impôts pour nos membres qui améliorent et qui maintiennent leur santé, et que les prétendues organisations et produits de perte de poids engagent leur responsabilité.

Le président: Madame Bayers, je suis surpris. Je croyais que l'étiquetage était obligatoire au Canada. Dieu sait, lorsqu'on va à l'épicerie, que nous cherchons toujours à voir combien de gras il y a dans un produit.

L'étiquetage n'est-il pas obligatoire au Canada?

Mme Bayers: Cela s'en vient. Je crois que tous les fabricants s'y soumettront l'an prochain.

Le président: Et c'est une règle nationale et non provinciale?

Mme Bayers: C'est exact, mais on n'en est pas encore là.

Le président: Cela me surprend.

Docteure Donovan, j'aimerais vous poser quelques questions. Le rapport sur l'infrastructure de la santé publique a été conçu pour la Conférence des sous-ministres de la Santé, n'est-ce pas?

Dre Donovan: Oui, je crois.

Le président: Vous en avez pris connaissance?

Dre Donovan: Pas encore, personne ne l'a vu.

Le président: Je vois. C'est un document secret. Habituelle ment, les documents secrets sont les plus faciles à obtenir.

Votre première recommandation m'a intrigué. Vous dites que nous devons faire preuve de prudence pour formuler des recommandations qui peuvent avoir des répercussions sur le système de santé publique, d'une part, et sur le système de traitements d'autre part, et qui pourraient toucher tout le monde, comme vous le dites. J'essaie de penser à un cas. Pouvez-vous me donner un exemple?

Dre Donovan: Par exemple, la ruée vers l'intégration en ce qui a trait aux structures, l'intégration des soins chroniques au système de santé publique dans les établissements. Permettez-moi de vous donner un exemple dans ma propre province. Dans le système de santé communautaire, lorsqu'on en a fait une structure régionale, on a dit que c'était un moyen de s'assurer qu'il y aurait plus de services offerts aux collectivités.

Le président: Quand vous évoquez le système de santé publique, de quels services parlez-vous? Quand vous évoquez les services communautaires, de quels services parlez-vous? Donnez- moi seulement quelques exemples de ce que vous incluez là-dedans et de ce que vous excluez.

Dre Donovan: Le système de santé publique inclut des choses comme la promotion de la santé, l'éducation, la défense des droits, tout cela.

Le président: Ce que l'on a appelé la santé des populations, n'est-ce pas?

Dre Donovan: Oui. Cela inclut également les services de protection de la santé, la santé environnementale, le contrôle des maladies transmissibles, tout cela.

Le secteur de la santé communautaire est beaucoup plus large. Il englobe les soins à domicile, les services de soins continus, et cetera.

Le président: Mais pas les soins de courte durée?

Dre Donovan: Non, pas les soins de courte durée, excusez- moi, les soins de courte durée peut-être dans le contexte des soins à domicile. Les soins à domicile peuvent être nécessaires après les soins de courte durée.

Dans notre province, nous avons une structure de services de santé et de services communautaires. Nous avons trois types de commissions. Nous avons la commission de la santé et des services communautaires, qui comprend les services de santé communautaire et ce que l'on connaît traditionnellement comme étant les services sociaux, l'aide à l'enfance, et ainsi de suite. Nous avons des conseils d'établissement, qui s'occupent des établissements de soins chroniques et de courte durée.

Nous avons aussi deux commissions intégrées qui réunissent les services de santé publique et de santé communautaire et les services institutionnels - et ces deux commissions sont dans le Nord et au Labrador. Elles ont été créées pour l'ampleur de leurs responsabilités.

Dans la province, les services de soins - soins à domicile, soins continus, services d'aide au foyer - ont augmenté de façon exponentielle. À maints égards, les services de nursing en matière de santé publique sont souvent en conflit avec les programmes de promotion de la santé surtout lorsque le service est offert par le même fournisseur. C'est difficile pour un fournisseur de services individuels, comme une infirmière de santé publique, qui doit aussi faire de la promotion de la santé de dire non à un patient qui a besoin de soins de courte durée. C'est ce qui m'inquiète.

Le président: Monsieur West, en ce qui concerne votre commentaire sur la Loi sur la protection des renseignements personnels, comme vous le savez, nous sommes dans le même camp. Je dois vous dire que je suis modestement optimiste quant à la possibilité de trouver une solution, sans avoir à modifier la Loi. Il semble, comme on m'a dit la semaine dernière, que les diverses parties, y compris les IRSC, sont sur le point de conclure une entente, y compris l'AMC, sur l'interprétation des lignes directrices de certaines parties de la Loi. Nous n'en sommes pas encore là, mais pas loin.

M. West: Merci de me rassurer. Je vais me sentir plus à l'aise, comme je l'ai dit dans mon rapport, lorsque nous aurons soumis quelques cas au commissaire à la protection de la vie privée.

Le président: À cet égard, je dois vous dire qu'il fait partie du groupe qui tente de résoudre le problème.

J'aimerais maintenant aborder le problème que vous soulevez dans votre premier paragraphe. Essentiellement, voici pourquoi notre rapport et certaines des choses que vous avez dites diffèrent. Comme vous le faites remarquer, pour que le système soit viable, il faudra des changements considérables dans ce que vous appelez un paradigme - ce qui, en retour, veut véritablement dire qu'il faudra un changement significatif, comme l'a dit un des témoins antérieurs, en ce qui a trait au comportement des fournisseurs et des patients.

Au fait, si c'était possible, je pense que nous conviendrions qu'on n'a peut-être pas besoin de nouvelles sources de finance ment. Je crois que seul notre degré d'optimisme diffère.

Les membres du comité se réjouiraient si vos prévisions se réalisaient, mais, à défaut, nous devons effectuer une certaine planification. Comme vous le signalez, si vos prévisions ne se réalisent pas, nous devrons vraiment faire quelque chose. Même si la différence semble minime, elle prend une certaine ampleur par rapport aux discussions parce que dans la mesure où aucun changement fondamental ne s'impose, les principales recomman dations du rapport ne tiennent plus.

Nous estimons que si vous planifiez l'avenir, vous ne devez pas planifier le scénario le plus optimiste, mais au moins un scénario semi-pessimiste que vous pourriez gérer s'il fonctionne. Ce n'est qu'une question de jugement.

Ma question est la suivante: Comment pouvons-nous partager votre confiance à ce sujet, malgré tous nos v9ux?

M. West: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Mon mémoire pourrait être décrit comme une vision de l'avenir. Comme vous le savez, une vision est presque une utopie, irréalisable si elle dépasse nos moyens.

J'admets que pour réaliser cette vision, nous devrons effectuer des changements comme en 1962. Je crois que l'enjeu majeur est le pouvoir accordé au médecin. Personnellement, je ne crois pas que cela va changer à moins de changer la loi, comme Tommy Douglas a dû le faire en 1962.

C'est en partie pourquoi, je pense, nous devrions abandonner la régionalisation qui, selon la Dre Donovan, diffère d'une province à l'autre, sans que nous sachions ce qu'il en est. Voici ce que j'en pense: quand les temps sont durs, les entreprises vont à l'essentiel et coupent le superflu.

Nous allons devoir exploiter le système en fonction des priorités et des besoins et non en fonction du nombre de services; nous devrons sans doute revenir à l'essentiel, c'est-à-dire remettre la gestion du système aux ministères de la Santé pour rétablir les politiques en fonction des priorités et des besoins. Si nécessaire, la loi devrait réglementer des centres de santé exhaustifs, par exemple.

Le président: Ce que l'on a appelé la réforme des soins primaires.

M. West: Oui. Ce que je ferais, c'est que je transformerais les commissions régionales de Terre-Neuve - nous en avons deux, un conseil d'établissement et une commission communautaire, sauf dans les deux régions du Nord, comme l'a dit la Dre Donovan - en conseils consultatifs. Il nous faut une interface entre les politiciens et entre la collectivité et les hauts fonctionnaires et la collectivité. Si nous devons remonter le courant et responsabiliser les collectivités, nous devons pouvoir connaître leurs besoins. Je crois que ces commissions régionales, si elles étaient des conseils consultatifs et non gestionnels, pourraient jouer ce rôle. À ce moment-là, nous pourrions repartir du centre, pour restructurer le système.

Le président: Vous êtes médecin?

M. West: Non, je suis détenteur d'un doctorat.

Le président: Vous avez certainement déjà travaillé avec des médecins, car vous êtes dans une école de médecine. Notre comité comprend deux médecins; malheureusement, un est au Japon pour le moment et l'autre assiste à une conférence de l'OCDE. Ils ont anticipé vos propres commentaires sur la difficulté de changer les attitudes des fournisseurs. Pourquoi?

Essentiellement, vous prétendez qu'il n'y aurait que la contrainte qui pourrait changer les attitudes, comme l'a fait Tommy Douglas. Je trouve ça renversant.

Pouvez-vous m'expliquer votre pensée dans ce cas?

M. West: Pour être honnête à l'égard des médecins, leurs attitudes, particulièrement chez les jeunes médecins, sont en train de changer. Je pense que les vieux médecins, pour être plus grossier, étaient davantage motivés par l'argent. Presque tous dirigent leur bureau comme s'il s'agissait d'une entreprise.

Je crois que les choses sont différentes avec les jeunes médecins, notamment parce que dans la formation des médecins, les écoles de médecine mettent davantage l'accent aujourd'hui sur leurs responsabilités à l'égard de la collectivité et sur le rôle en matière de santé qu'ils jouent dans l'ensemble de cette collectivi té.

L'autre changement, bien honnêtement, c'est qu'aujourd'hui plus de 50 p. 100 des étudiants qui entrent dans les écoles de médecine sont des femmes, et je pense que les femmes sont beaucoup plus susceptibles que les hommes d'envisager les problèmes en tenant compte de la collectivité. Si on retourne 10 ans en arrière, ou à peu près, les hommes adoptaient la carrière médicale parce qu'ils la considéraient financièrement avantageuse et la géraient comme une entreprise.

Ainsi, deux aspects sont en voie de changer, mais lentement: la nature des nouveaux médecins et, deuxièmement, la présence de plus de 50 p. 100 de femmes dans les facultés.

Le sénateur Cochrane: Monsieur West, vous faites donc porter le fardeau du changement par les médecins, et vous croyez que cela sera difficile.

M. West: Je le pense. Les associations médicales provinciales sont probablement les syndicats les plus puissants au pays. Par exemple, comme vous le savez sans doute, la question salariale est source de tensions entre le ministère de la Santé et les médecins de Terre-Neuve.

Il y a trois ans, on a accordé aux médecins 30 millions de dollars de plus. Il y a 970 médecins à Terre-Neuve qui bénéficient donc d'une augmentation d'environ 30 000 dollars chacun. Avant l'expiration de la convention collective de trois ans, ils demandaient une autre tranche de 15 millions de dollars, soit encore 15 000 dollars par médecin, en moyenne, ce qui représente une augmentation de 45 000 dollars par rapport aux trois dernières années. Le revenu familial annuel moyen à Terre-Neuve est de 38 000 dollars. Je pense que leurs demandes sont abusives compte tenu de notre réalité.

À l'échelle nationale, lorsqu'ils voient les revenus de leurs collègues en Ontario, en Alberta et en Colombie-Britannique, on ne peut les blâmer. C'est là un autre problème à régler. Et c'est pourquoi j'ai recommandé que l'on adopte une échelle salariale ou des honoraires interprovinciaux.

Le sénateur Cochrane: Ne croyez-vous pas également que pour réaliser ce changement, les politiciens devront envisager la situation d'un point de vue différent?

M. West: Oui. Je n'ai jamais fait de politique, et je ne mets pas mon poste en jeu tous les quatre ou cinq ans, ou peu importe ce que le politicien moyen fait.

Cependant, je crois fermement que la régionalisation favorisait les politiciens parce que le processus décisionnel s'exerçait un cran plus bas et leur permettait de respirer.

Les politiciens vont devoir faire des choix douloureux. C'est rentable pour un politicien d'annoncer qu'il a fait installer un système d'imagerie par résonance magnétique dans un hôpital. Sur le plan politique, c'est moins rentable de dévoiler la création d'un programme de prévention dans la collectivité.

Le sénateur Robertson: Monsieur West, j'ai beaucoup apprécié votre présentation. Comme vous étiez un collègue de Ken Fyke, votre recommandation sur le financement ne m'étonne pas.

J'aimerais faire un commentaire sur le projet d'uniformiser les processus de prestation des services dans chaque province, ainsi que sur d'autres questions d'uniformité, plutôt. L'aspect constitu tionnel a toujours un impact sur les provinces et les incite à se retirer. Comme vous le dites, votre modèle s'inscrirait dans un monde idéal. Je ne sais pas ce que nous faisons entre-temps, en attendant d'avoir un monde parfait, pour offrir les services à la population, des services que la population exige et à juste titre.

J'aimerais vous poser quelques questions au sujet de régionali sation des services. Notre comité a beaucoup entendu parler de la prestation des services de santé à l'échelle régionale dans ses déplacements à travers le pays, et il y a bien sûr du pour et du contre.

Permettez-moi de rappeler une ou deux choses que nous avons entendues, ou que certains d'entre nous encouragent. J'aimerais connaître votre réaction pour voir s'il n'y aurait pas une autre solution.

Un problème se pose actuellement à certains gouvernements dans la prestation des soins: sans le concept de régionalisation, on assiste à ce que certains d'entre nous appellent un processus de financement vertical, en vertu duquel l'hôpital reçoit son financement du ministère de la Santé, les responsables de la santé publique reçoivent leur argent du ministère de la Santé, et il en va de même pour la santé mentale, les maisons de soins infirmiers, et cetera. Tout relève du ministère de la Santé. Chaque service s'est cloisonné, ce qui rend la collaboration très difficile.

Ce que nous avons entendu de positif, et je l'ai entendu également dans d'autres forums, c'est que la régionalisation permettrait ce que nous appelons le mouvement horizontal du financement. La région obtiendrait un bloc de crédits, ensuite les membres des commissions pourraient déterminer, par exemple, quel est le service le plus nécessaire. Si nous n'adoptons pas un service régional, qui abat les barrières, si chaque secteur s'agrippe à ses privilèges et ne partage pas les subventions ou les idées, comment les amener à coopérer et à établir un ordre de priorité?

M. West: Deux choses. Si je puis me permettre, vous me placez dans une position où je semble favoriser le moindre de deux maux. Bien honnêtement, dans le système régional, comme l'a dit la Dre Donovan, les services de traitements et de soins à domicile viennent empiéter sur les services de santé publique et de prévention, pour le peu qu'il y a. C'est l'inconvénient du système régional.

Je suis entièrement d'accord avec vous. Quand j'étais sous-ministre associé pour la santé communautaire en Saskatche wan, nous travaillions en vase clos. J'étais responsable des 10 unités de santé publique de la province. J'ai quitté la Saskatche wan en 1991, et la Saskatchewan a régionalisé les services en 1992.

Je crois que nous devons changer la culture au sein des ministères de la Santé et que les sous-ministres et les ministres peuvent effectuer ce changement. Il existe des façons de pratiquer l'intégration au ministère de la Santé lorsqu'on établit les priorités. En fait, je dirais qu'une telle solution pourrait peut-être être avantageuse, qu'on pourrait mieux répartir les crédits au niveau du ministère de la Santé, quand c'est possible, que nous pouvons le faire dans les régions.

Par exemple, comme SMA en Saskatchewan, lorsque j'ai pris en charge les services de santé communautaire et que j'ai pris conscience du problème, j'ai divisé la santé communautaire en deux volets: les services de prévention et les services de traitement. J'ai créé deux postes budgétaires avec le Conseil du Trésor pour moi-même de sorte que l'un ne puisse pas empiéter sur l'autre.

Je suis tout à fait d'accord avec vous. L'ancien modèle du ministère de la Santé était très cloisonné. Mon homologue des services hospitaliers, mon collègue des services assurés et moi ne nous sommes jamais réunis et n'avons jamais intégré nos services.

Si l'on change les comportements dans les ministères de la Santé, on peut abattre ces cloisonnements.

Le sénateur Robertson: Je pense que le problème se pose au moment du budget parce que tout le monde essaie d'obtenir le plus possible dans son îlot, et parfois c'est là qu'il y a rupture de communication.

M. West: C'est là que j'en viens au moindre de mes deux maux. Même si vous donnez l'argent aux régions dans un budget global, d'énormes pressions vont s'exercer dans la région pour qu'elles l'affectent aux services de traitement plutôt qu'aux services de prévention.

Le sénateur Robertson: Je n'irai pas plus loin pour l'instant, mais je pense que nous avons ici une différence d'opinions, après avoir entendu d'autres témoins et avoir fait beaucoup de lectures à ce sujet.

M. West: Au fait, j'apprécie beaucoup cette conversation.

Le sénateur Robertson: Moi aussi.

Deux éléments qu'ont mentionnés les témoins qui ont comparu devant notre comité - vous le remarquerez dans notre rapport «Questions et options» - c'est que les gens exigent aujourd'hui un bon régime universel d'assurance-médicaments. Bien des gens sont incapables de faire exécuter leurs ordonnances parce qu'ils n'ont tout simplement pas l'argent, et ce ne sont pas nécessaire ment des prestataires de l'aide sociale ni des personnes âgées qui retirent la Sécurité de la vieillesse et le supplément du revenu garanti. Les médicaments sont très chers, mais ce n'est pas mon cheval de bataille. Je crois qu'il en coûte moins cher de prendre pour 100 dollars de pilules que d'occuper un lit d'hôpital. Il se vend beaucoup de nouveaux médicaments génériques.

L'autre élément dont on a entretenu le comité, c'est la question des soins communautaires et des soins à domicile qui seraient mal structurés partout au pays. Revenons à la Loi canadienne sur la santé, ce que nous appelons l'assurance-maladie. L'assurance-ma ladie vous couvre si vous êtes à l'hôpital ou au cabinet du médecin, mais ces deux lieux ne donnent qu'environ 40 p. 100 des soins de santé aujourd'hui.

Qu'en est-il des soins à domicile et des soins communautaires et du coût des médicaments? La plupart des membres du comité croient que nous avons besoin de bonnes recommandations sur la façon d'assurer au public ces deux facettes importantes des soins de santé. Je ne sais pas d'où proviendra l'argent, mais je ne pense pas que nous puissions attendre l'apparition du système parfait.

Comment allons-nous payer ces choses si le système parfait ne se concrétise pas?

M. West: Permettez-moi d'aborder les éléments un à la fois. J'en ajouterai un troisième, l'élément de la santé publique - le volet immunisation et promotion de la santé.

D'abord, la question des médicaments. En Saskatchewan, je faisais partie du comité sur le formulaire des pharmaciens. Nous avions le formulaire le plus restreint de toutes les provinces canadiennes. Le nombre de médicaments figurant sur ce formulaire était considérablement inférieur à celui de la plupart des autres provinces. C'était à l'époque où le régime d'assurance- médicaments était toujours universel - sauf pour les frais d'ordonnance, le régime payé par le gouvernement de la Saskatchewan.

Si nous avions un comité national du formulaire et si les provinces acceptaient un formulaire réduit, ce formulaire suffirait. Par exemple, au cours des deux dernières années, le Québec a ajouté 119 nouveaux médicaments à son formulaire. L'Ontario en a ajouté 10 durant la même période. Le Québec veut attirer l'industrie pharmaceutique.

Nous continuons d'ajouter des médicaments à nos formulaires sans en retirer les anciens. Par exemple, la plupart des formulaires provinciaux énumèrent maintenant environ 18 anti-inflammatoi res stéroïdiens.

Nous devrions avoir un bon système d'évaluation des médica ments et faire preuve de plus de restrictions - l'idée d'un formulaire n'est pas de donner tous les médicaments à tout le monde. L'idée est d'en avoir le plus pour notre argent, de donner à 98 p. 100 des gens les médicaments dont ils ont besoin.

En outre, il y a beaucoup de gaspillage que nous pourrions éliminer si nous avions un système décent d'information. Par exemple, lorsque j'ai comparu devant la Commission Krever, on m'a reproché de ne pas avoir instauré plus tôt en Saskatchewan le test de dépistage du VIH. Je suis sûr que la Commission Krever nous reprocherait aussi de ne pas avoir de système d'information décent. Si nous en avions un, nous pourrions prévenir beaucoup d'interactions entre les médicaments et beaucoup de réactions indésirables aux médicaments chez les personnes âgées.

Nous assumons déjà une large part de ces coûts de la santé publique et communautaire. Ce n'est qu'une question de réorganisation. Tous nos coûts de santé publique sont payés. Certes, la proposition serait peut-être d'amener le gouvernement fédéral à payer sa part, ce qui aiderait certainement beaucoup le système, mais si nous pouvions récupérer l'argent qui est actuellement consacré à tous ces services, nous n'aurions pas besoin de beaucoup plus.

Le sénateur Robertson: J'apprécie votre interprétation, et votre confiance à ce sujet. Il sera intéressant de voir où cela nous amènera.

J'aimerais vous poser une question au sujet de la recherche sur le cancer, si vous permettez.

Pouvez-vous nous dire comment les fonds affectés à la recherche sur le cancer sont répartis, comment décide-t-on de dépenser telle somme pour le cancer du sein et telle somme pour le cancer de la prostate, disons? Certains prétendent qu'il faut consacrer davantage au cancer du sein, d'autres à la prostate, que sais-je? Avez-vous une formule?

M. West: Non, nous n'avons pas de formule. N'oubliez pas que certains groupes d'intérêts spéciaux, comme les groupes de défense des victimes du cancer du sein ou de la prostate, doublent les fonds que leur accordent l'Institut national du cancer et Santé Canada. Même s'il semble que l'on consacre plus d'argent à ces deux secteurs, en fait, ces groupes d'intérêts spéciaux ont collecté des fonds de recherche. L'Institut national du cancer, qui obtient environ 50 millions de dollars par année de la Société canadienne du cancer et de la Fondation Terry Fox, ne consacre qu'une mince part de ses crédits à ces types de cancer; nous consacrons la plus grande proportion de notre argent à la recherche générale sur le cancer.

Le sénateur Robertson: Docteure Donovan, nous sommes tous d'accord sur l'importance de la santé publique qui a toujours été la pierre angulaire d'une bonne santé dans tous les pays. La plupart de vos commentaires, d'après ce que j'ai compris, portaient sur le mode de vie, l'éducation, la valeur accordée à la recherche, et cetera.

Où s'intègrent les problèmes d'eau et d'égouts et leurs impacts environnementaux? Est-ce que vous travaillez avec les ministères qui sont spécifiquement responsables de ces problèmes et endossez-vous leurs objectifs et leurs pratiques?

Dre Donovan: Ces problèmes s'intègrent très clairement au mandat de la santé publique et pourraient relever de tout le domaine de la protection de la santé - santé de l'environnement, services d'eau, maladies transmissibles. Certes, on pourrait mieux les régler si on les soumettait à une infrastructure de santé publique améliorée dont j'ai parlé. J'ai accordé plus d'attention à la promotion de la santé parce que, même dans la structure de santé publique, la promotion de la santé sera souvent délaissée au profit de considérations comme le contrôle des maladies transmissibles.

Je vais vous donner un exemple parfait: la semaine dernière, je n'ai rien fait d'autre que de m'occuper de bioterrorisme, quand en réalité j'aurais voulu me concentrer sur cette question. Même dans nos propres structures, la promotion de la santé est souvent perdante. On a sans aucun doute l'intention de traiter tous ces problèmes dans le cadre des ressources qui seraient accordées à l'infrastructure de la santé publique.

Le sénateur Cook: Monsieur West, vous avez parlé d'un plan social stratégique. Qu'en est-il exactement? Vous avez indiqué que la pièce maîtresse de mise en 9uvre n'était pas encore en place. Pourquoi?

M. West: Le plan social stratégique provincial a été mis au point. Le Cabinet a décidé qu'il nous fallait un plan pour accorder plus de pouvoirs aux collectivités, surtout les collectivités rurales de Terre-Neuve.

Le plan social stratégique consiste à examiner chacun des éléments déterminants de la santé du point de vue des collectivités, et à décider des stratégies et des programmes nécessaires pour améliorer le sort des collectivités. Par exemple, l'économie est de toute évidence un élément déterminant de la santé. Le plan vise non seulement à améliorer la santé et le mieux-être des Terre-Neuviens, mais aussi à améliorer l'économie dans les petites collectivités. Il s'agit d'une initiative interministé rielle, pas seulement d'une initiative en matière de santé ou de services sociaux ou de justice ou d'éducation, mais d'un plan qui interpelle plusieurs ministères.

Sa mise en 9uvre est lente. Chaque collectivité a un comité de mise en 9uvre qui consulte la population. Ça prend du temps. Je crois également que le gouvernement doit injecter plus d'argent pour activer le système. Les collectivités peuvent faire leur part, mais elles ont besoin de ressources pour faire davantage.

Le sénateur Cook: Ainsi, on peut vous trouver sur le site Web, mais les collectivités n'ont pas accès à vos services, n'est-ce pas?

M. West: Il y a encore une protection par mot de passe sur le site Web pour l'instant. Je me suis entretenu avec la ministre de la Santé jeudi dernier, et je l'ai exhortée à enlever cette protection.

Certains spécialistes de la santé, la Dre Donovan, par exemple, - sauf qu'elle éprouve actuellement des difficultés techniques avec le site Web - et les comités de mise en 9uvre régionale, et cetera, peuvent accéder au site Web avec un mot de passe. Cependant, l'objectif est de donner plus de pouvoirs aux gens, de rendre le plan totalement accessible à tout le monde dans la collectivité grâce à l'Internet. En ce qui me concerne, plus tôt nous le ferons, mieux ce sera.

Comme vous pouvez en juger d'après les exemples dans votre dossier, le service est relativement convivial. Les gens peuvent examiner tous les éléments déterminants de la santé, les facteurs de risque, les taux de morbidité et de mortalité d'une maladie en particulier et voir comment leur collectivité se compare à une autre.

Le sénateur Cook: Madame Bayers, comment votre program me enseigne-t-il un mode de vie qui favorise une bonne santé et empêche de régresser? J'ai mangé trois desserts pour le lunch.

Mme Bayers: Les buffets peuvent être intéressants.

Le changement de mode de vie à long terme que nous encourageons consiste en partie à regarder la situation dans son ensemble. Nous devons apporter des changements pour notre santé à long terme. Nous devons éviter l'écueil du régime occasionnel pour perdre du poids. Nous devons nous préoccuper de la situation plus générale, voir quels sont nos intérêts à long terme. Il n'y a rien de mal à prendre un dessert à l'occasion.

Le sénateur Cook: Votre programme renferme-t-il un méca nisme qui permet de me lancer une bouée une fois par mois ou une fois tous les trois mois?

Mme Bayers: Nous encourageons nos membres à assister aux réunions hebdomadaires et, pour le restant de leur vie, au moins une fois par mois. Les membres sont toujours encouragés à venir toutes les semaines. Une fois qu'un membre a perdu le poids qu'il souhaite perdre, nous mettons en 9uvre un programme de maintien de six semaines pour lui montrer comment garder son poids à ce niveau et l'aider en ce sens. Cela nécessite un processus d'apprentissage. Les membres sont alors invités à rester avec nous pour toujours gratuitement.

Le sénateur Cook: Donc une fois que je suis dans le programme, je suis embarquée.

Mme Bayers: C'est exact.

Le sénateur Cook: Docteure Donovan, à la page 2 de votre mémoire, vous parlez de l'un des échecs du système de santé au Canada, c'est-à-dire l'incapacité de renforcement des capacités. Connaissez-vous une solution à ce problème? Cela m'attriste de savoir que tant de projets pilotes et de recherches utiles sont mis sur les tablettes, et ne sont jamais utilisés là où ils sont nécessaires, c'est-à-dire au sein de la population.

Dre Donovan: Absolument. Santé Canada a financé nombre de véritables innovations, mais ne les poursuit pas. L'Initiative canadienne sur la santé cardiovasculaire est terminée dans de nombreuses provinces maintenant - Terre-Neuve est un petit plus en retard que les autres provinces - et l'on se bat actuellement pour trouver les crédits nécessaires afin de poursui vre l'Initiative. Si on se préoccupe de la promotion de la santé, on doit examiner les connaissances et la capacité que cette initiative a permis d'obtenir et les utiliser pour d'autres approches.

Par exemple, après avoir créé une infrastructure et une capacité, le gouvernement fédéral n'a rien fait pour appliquer cette infrastructure au diabète. Il appartient aux programmes de santé cardiovasculaire eux-mêmes de tabler sur ce qu'ils ont et de voir si la stratégie pourrait s'adapter au diabète.

Le gouvernement fédéral doit déployer plus d'efforts pour s'assurer que les connaissances sont disséminées au-delà des chercheurs et des quelques bureaucrates à Santé Canada. Santé Canada finance beaucoup de travaux innovateurs, et les résultats de cette initiative doivent être communiqués. Si ça fonctionne, ça fonctionne.

Il est également important que le financement ne soit pas interrompu. Du point de vue de la promotion de la santé, l'investissement est relativement faible comparativement au secteur des traitements et des soins. Mais les retombées sont extraordinaires; la recherche nous récompense en bout de ligne. Il nous faut simplement une vision à long terme et un peu de courage. La prévention, ce n'est pas faire la promotion de la santé pendant quatre ans, il n'y a pas de mandat de quatre ans à cet égard.

Le sénateur Cook: Le gouvernement a consacré beaucoup d'argent à l'ICSC. C'est un programme extraordinaire. L'ICSC renferme beaucoup d'information documentée, et des résultats mesurables. Cela n'a pas de sens d'investir à fond dans cette initiative et ensuite d'y mettre fin.

Dre Donovan: Absolument. Comme je l'ai dit, à Terre-Neuve, il est impossible pour les collectivités d'entreprendre une autre initiative de promotion de la santé concernant le diabète. Les facteurs de risque sont les mêmes.

Il nous faut un programme national de promotion de la santé qui tablera sur les connaissances acquises par l'ICSC.

Le sénateur Cochrane: Docteure Donovan, pourriez-vous me décrire votre organisation?

Dre Donovan: Je suis médecin hygiéniste de la région de l'Est. C'est simplement en corollaire que je suis la chercheuse principale pour le Programme de recherches sur la santé cardiovasculaire de Terre-Neuve et du Labrador. Cela fait partie de l'Initiative canadienne de la santé cardiovasculaire qui a financé des projets dans les dix provinces, des projets axés sur les collectivités.

Ce qu'il y a de merveilleux dans ce projet, c'est que les 10 provinces ont reçu le même financement et non pas un financement calculé en fonction de la population. Cela a permis aux provinces comme nous, avec une infrastructure défaillante, d'avoir le même investissement. Les principaux chercheurs se rencontrent régulièrement. La Conférence des chercheurs princi paux en santé cardiovasculaire se partage les ressources. Nous nous communiquons régulièrement les succès et les échecs. Certains de nos plus grands succès nous renseignent sur nos lacunes et ce fut notre tremplin. Nous avons appris les uns des autres. À l'échelle internationale, il en est de même. Nous sommes un leader en matière de santé cardiovasculaire au monde.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous me donner d'autres détails sur la terminaison prochaine de l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire?

Dre Donovan: Les fonds consacrés à l'Initiative canadienne en santé cardiovasculaire cesseront d'être versés à la fin de la phase de diffusion. Certaines provinces en sont déjà là. Pour nous, cela se terminera en 2003. Actuellement, mis à part le coordonnateur provincial, dont le salaire est payé par le gouvernement provincial, il n'y a pas d'autre financement.

Je dirai cependant que nous avons fait un travail incroyable pour maintenir le programme au niveau régional avec peu d'investissement. Comme il s'agit d'un projet de recherche, une bonne partie de l'argent a été consacrée à la recherche sur ce qui fonctionne plutôt que de nous concentrer sur les programmes. Nous avons fait un travail remarquable. Nous pouvons toujours faire un travail incroyable, mais le système de santé publique réagit aux demandes de traitements et de soins, ce qui m'inquiète sur notre capacité de poursuivre ce programme. Je suis convaincue que d'autres provinces pensent déjà comme moi.

Le sénateur Cochrane: Quand le financement cessera-t-il d'être versé à Terre-Neuve?

Dre Donovan: En 2003.

Le sénateur Cochrane: Êtes-vous en train de dire que certaines des mesures que votre recherche a mises au point ne seront pas réalisées?

Dre Donovan: Cela dépendra du bon vouloir des personnes responsables des programmes dans les collectivités.

Durant la phase de démonstration, conscients que la source de crédits se tarirait, nous avons conçu des coalitions régionales. Ces coalitions sont composées de spécialistes du secteur de la santé communautaire et du secteur des loisirs, de bénévoles et de municipalités qui, ensemble, s'intéressent à la santé cardiovascu laire. Nous ne recevons aucun financement. Cela dépend de leur bon vouloir.

Sous le couvert de la recherche et de la collecte d'information, nous accordons occasionnellement aux coalitions régionales des ressources pour réunir des gens et donner de la formation. Nous leur accordons un soutien et un mécanisme de communication constants.

Ce qui m'inquiète, c'est que nous sommes en train de perdre leur enthousiasme, ils vont dire que malgré leurs meilleures intentions à l'égard du programme, ils sont débordés par les demandes budgétaires pour les soins à domicile, les soins de santé, ce genre de choses, et qu'ils ne peuvent plus consacrer de temps au programme de promotion de la santé.

Le sénateur Cochrane: Par l'entremise de quel programme, de quel groupe, de quelle organisation ou de quel ministère allez-vous donc les aider?

Dre Donovan: Une bonne partie du soutien accordé aux coalitions régionales repose maintenant sur les structures de services communautaires et de services de santé régionaux, les travailleurs de santé publique et les éducateurs, les infirmières en santé publique, les personnes qui sont dans les régions actuelle ment. Nous espérons qu'elles poursuivront leur engagement à l'égard de la santé cardiovasculaire.

Jusqu'à maintenant, une personne au niveau provincial main tient les communications avec ces préposés. Nous avons réussi à organiser des ateliers provinciaux, où on a transmis l'information. Nous tenons des conférences téléphoniques régulièrement au cours desquelles les régions peuvent échanger l'information et se renseigner l'une et l'autre sur les programmes.

Cependant, tout cela repose sur la bonne volonté des gens. En 2003, nous allons probablement perdre notre représentant provin cial. Par conséquent, nous allons perdre les ateliers provinciaux et les réunions par téléconférence.

Nous espérons avoir investi suffisamment dans le système, mais ça n'est peut-être pas le cas.

Le sénateur Cochrane: Et il n'y a personne dans les régions pour continuer le travail?

Dre Donovan: Nous essayons d'encourager les structures régionales que nous avons créées dans le cadre de la stratégie sur le diabète à obtenir du financement grâce à cette stratégie. Mais là encore, cela dépend des structures régionales. Les personnes ont déjà indiqué qu'elles parvenaient à peine à faire le travail que nous leur avons demandé dans le cadre de la stratégie sur le diabète.

Le sénateur Cochrane: Madame Bayers, je suis impression née par ce que vous avez dit au sujet de Weight Watchers. Est-ce que vous avez des statistiques sur le nombre de patients atteints de maladies cardiaques ou de diabète qu'a aidés votre programme?

Mme Bayers: Je n'ai pas cette information. Mais je peux certainement consulter les données disponibles et vous revenir là-dessus.

Le sénateur Cochrane: Est-ce que vous proposez certaines de ces personnes, celles qui réussissent, comme modèles?

Mme Bayers: Oui, mais pas celles dont j'ai parlé. Par contre, nous invitons souvent des particuliers comme conférenciers. Nous nous en servons dans notre publicité, dans les articles de magazines, et cetera. C'est très inspirant.

Le sénateur Cochrane: Monsieur West, permettez-moi de citer une statistique que j'ai ici et au sujet de laquelle j'aimerais connaître votre réaction.

En 2027, soit dans 25 ans, les dépenses en soins de santé des gouvernements provinciaux et territoriaux devraient être de 247 p. 100 plus élevées qu'elles n'étaient en 1999-2000.

M. West: Ma réaction est que vous avez probablement raison, si on continue avec le modèle actuel. C'est pourquoi je crois qu'il faut changer le modèle. Bien qu'il soit un peu draconien de proposer de réitérer 1962, même en adoptant des mesures comme le ticket modérateur, nous ne pouvons pas absorber cette augmentation de 247 p. 100.

Nous devons cesser de jouer avec les marges. Nous devons faire ce changement et le plus tôt sera le mieux.

Le président: Je tiens à vous remercier tous d'être là aujourd'hui. Nous avons passé une heure et demie très intéressan te.

Notre dernier panel cet après-midi est composé de Mme Ber tha Paulse, PDG de la Newfoundland Cancer Treatment and Research Foundation, et de Mme Karen McGrath, directrice générale, Santé et services communautaires pour la région de St. John's.

Mme Bertha H. Paulse, présidente-directrice générale, Newfoundland Cancer Treatment and Research Foundation: Honorables sénateurs, la Newfoundland Cancer Treatment and Research Foundation est très heureuse de comparaître à vos audiences publiques sur l'état du système de soins de santé au Canada.

Lorsque le système de soins de santé financé par l'État a été mis en place en 1967, notre population était relativement jeune et le modèle de prestation de soins de courte durée suffisait pour soigner les maladies qui sévissaient à l'occasion. La situation démographique n'est plus la même aujourd'hui. La population vieillissante et les occurrences de soins de santé chroniques menacent l'efficacité du système de soins de santé. Par conséquent, nous devons envisager d'autres modèles de prestation de soins de santé afin de traiter les maladies chroniques de façon plus efficace et efficiente.

Les personnes âgées sont souvent victimes de cette maladie chronique qu'est le cancer. Le nombre de cancers va doubler, les taux de mortalité attribuables à cette maladie excéderont les taux de décès causés par les maladies cardiovasculaires et les probabilités de survie ne s'amélioreront pas au cours des 15 prochaines années. Ces conditions et les progrès dans les techniques de traitement imposeront un lourd fardeau à la société canadienne et compromettront le système de soins de santé tel que nous le connaissons aujourd'hui. Malgré les progrès technologi ques réalisés au cours des 10 dernières années pour vaincre le cancer, nous sommes loin de posséder un programme de contrôle total du cancer, tant à Terre-Neuve et au Labrador que dans tout le Canada.

Mon exposé portera surtout sur l'importance d'un système structuré de contrôle du cancer; je soulignerai ce qui nous empêche d'avoir un programme de contrôle du cancer à Terre-Neuve; et je décrirai les quatre éléments essentiels qui doivent être redressés pour améliorer les services d'oncologie et réévaluer nos objectifs pour que notre province s'harmonise avec la stratégie nationale du contrôle du cancer.

Je ne vous ai pas exposé cette stratégie, mais vous pouvez consulter le site Web à l'adresse suivante: www.cancercontrol.org.

Permettez-moi de vous préciser ces quatre éléments essentiels selon nous. Le premier, les programmes préventifs d'oncologie.

La prévention et la détection du cancer sont les deux interventions les plus susceptibles de sauver la vie de milliers de Terre-Neuviens et d'habitants du Labrador tout en réduisant les coûts futurs des soins de santé. Les facteurs de risque du cancer sont les mêmes que ceux d'autres maladies chroniques. Par conséquent, un investissement dans la prévention du cancer réduira tout autant le nombre de décès et d'invalidités attribuables à d'autres maladies chroniques. Un programme de détection qui utiliserait les techniques et les expériences cliniques existantes pour les cancers du sein, du cerveau et du côlon permettrait de réduire d'environ 5 p. 100 les taux de mortalité attribuable à toute forme de cancer. Un diagnostic précoce établi à la suite d'interventions de détection réduira les coûts pour les particuliers, le système de soins de santé et la société.

Le deuxième élément essentiel, le diagnostic et le traitement. Un retard excessif à partir du moment où le patient éprouve des symptômes jusqu'à celui où on diagnostique un cancer peut avoir des répercussions sur les résultats cliniques et psychologiques. Un retard dans le diagnostic se traduira par une progression de la maladie et la diminution des chances d'un traitement efficace; de même, le patient vivra une anxiété et une frustration extrêmes.

Depuis cinq ans dans la province, le nombre de renvois au système officiel de traitement du cancer de nouveaux patients a augmenté de 20 p. 100. Le nombre de cancers augmente tous les ans. L'absence de ressources affectées aux services d'oncologie dans la province a des répercussions importantes sur l'accès aux soins, sur la dignité et sur l'équité. Le système n'a pas la capacité d'évaluer et de traiter les patients à temps pour obtenir le traitement optimal. Les patients doivent soit attendre de longues périodes, soit recevoir des soins qui ne sont peut-être pas appropriés et qui ne reposent pas sur les pratiques exemplaires.

Les spécialistes de la province doivent traiter plus de patients que ne le prévoient les normes nationales et ce que recommandent les associations professionnelles. Ils deviennent donc extrême ment insatisfaits parce qu'ils ne peuvent faire de la recherche, des études universitaires, des essais cliniques et évaluer les pratiques exemplaires. Ces spécialistes éprouvent une grande déception et cherchent de meilleures conditions ailleurs au Canada.

Le troisième élément, les soins palliatifs et de soutien. À notre avis, ce sont les éléments clés d'un programme de traitement du cancer. Ces services devraient être intégrés dans tout le continuum de traitement du cancer, peu importe que les soins soient offerts dans les centres d'oncologie dans le cadre d'un programme de soins communautaires, ou dans les hôpitaux.

Le quatrième élément essentiel, l'évaluation et la gestion de l'information. Le rôle de la gestion de l'information est de permettre et de faciliter les interventions de contrôle du cancer par l'utilisation de l'information et des technologies de communica tions. L'une des étapes essentielles pour tirer profit au maximum des possibilités d'évaluer l'efficacité et l'efficience d'un program me d'oncologie dépend de la collecte et de la disponibilité de données de haute qualité sur une vaste gamme d'éléments liés au cancer. Il faut des bases de données normalisées et reliées entre elles pour repérer les comportements à risque, assurer l'accès aux services de santé et mesurer les résultats des traitements comme la survie et la qualité de la vie.

L'avenir immédiat des services d'oncologie dans cette province est déconcertant, compte tenu de la croissance et du vieillissement de la population, du départ des jeunes, des incidences de cancer et de l'absence de ressources disponibles et affectées aux services d'oncologie.

Mme Karen McGrath, présidente-directrice générale, Santé et services communautaires, Région de St. John's, (Terre- Neuve): Honorables sénateurs, avant de commencer, j'aimerais apporter une précision. Même si je suis PDG de l'organisation que Roy West voudrait éliminer, ce n'est pas à ce titre que je comparais devant vous cet après-midi. Je suis présidente nationale de l'Association canadienne pour la santé mentale et présidente de la division ici à St. John's. J'ajoute que je travaille dans le domaine de la santé mentale depuis plus de 20 ans et c'est de ce point de vue que je ferai mon exposé.

Dans mon mémoire, j'ai relevé certains enjeux importants. Le premier concerne la réforme du système de santé mentale. Je tiens à dire au départ que bien que cette réforme puisse être envisagée en parallèle avec la réforme du système de santé, je pense aussi qu'elle est distincte de la réforme de l'ensemble du système.

J'aimerais discuter avec vous les mesures que nous avons prises en matière de santé mentale depuis de nombreuses années, c'est-à-dire l'orientation vers un système communautaire. Je dois dire que nous avons plutôt endossé qu'appliqué cette mesure. Dans ce contexte, j'aimerais aborder la notion de soutien à domicile pour les gens qui ont des problèmes de santé mentale, les gens qui utilisent le système de santé mentale, de même que l'intervention innovatrice de l'une de nos rares ressources, les psychiatres.

J'aimerais également discuter du problème du fardeau imposé à la famille. Contrairement à de nombreuses autres maladies, la maladie mentale est accablante pour la famille. Et je mentionnerai que la maladie mentale est la seule instance où en période de crise, on appelle la police plutôt que l'ambulance.

La notion de promotion de la santé mentale, qui est différente de la promotion dont ont fait état Cathy Donovan et Roy West, doit être comprise dans le contexte de la réforme du système de santé et de toute la notion de l'intervention précoce. On a beaucoup parlé d'intervention précoce dans le système de santé.

J'ai bien l'impression que nous n'avons pas non plus été capables d'appliquer cette méthode. Je pense que si on s'intéresse vraiment à la réforme du système de santé mentale au Canada, il faut insister sur l'intervention précoce.

Ce sont des thèmes que j'ai explorés dans mon mémoire. Je me ferai maintenant un plaisir de les examiner avec vous au cours de la période de questions et réponses.

Le président: Madame Paulse, combien de temps faut-il attendre ici pour obtenir un traitement du cancer? Dans certaines régions du pays, on dit qu'il faut attendre des siècles avant d'être traité. Quelle est la situation ici?

Mme Paulse: La période d'attente varie parfois selon la localité du patient, mais la période d'attente moyenne est de huit à dix semaines pour la radiothérapie.

Le président: Après le diagnostic?

Mme Paulse: Après confirmation du diagnostic et après que le patient a été opéré, le temps d'attente peut être de six, huit ou dix semaines.

Le président: Si la situation était différente, si les ressources n'étaient pas un problème, quelle serait une période d'attente raisonnable?

Mme Paulse: Trois à six semaines, au maximum.

Le président: Donc il faut attendre.

Mme Paulse: Oui. Il y a une période d'attente après la chirurgie également.

Le président: Qu'il faut soustraire des huit à dix semaines, n'est-ce pas?

Mme Paulse: Absolument. Là où il y a le plus grand problème, c'est au sujet de la période d'attente de consultation des oncologues.

Terre-Neuve est la dernière province à avoir eu un programme d'oncologie, et ceci depuis 1995 seulement. À partir de ce moment-là, soit depuis plus de six ans, nous avons éprouvé des difficultés même à attirer des oncologues dans la province et une fois sur place, nous arrivons à peine à les garder. Depuis deux ans, à peu près dix oncologues sont passés chez nous.

Ils quittent la province pour les raisons dont j'ai parlé tout à l'heure. Leur charge de travail est tellement exigeante qu'ils ne peuvent faire de recherche ou de travaux universitaires, ils n'ont pas non plus le temps d'évaluer le travail qu'ils font, ils perdent donc toutes leurs illusions.

Sans parler de l'échelle salariale dans la province.

Le président: Madame McGrath, deux questions rapides. Vous avez évoqué un programme de santé mentale axé sur la collectivité. Au fait, nous sommes contents que vous ayez fait un exposé sur la santé mentale. Vous êtes la troisième personne qui aborde cette question. C'est véritablement l'élément oublié du système de soins de santé.

Qu'est-ce que vous entendez par un système axé sur la collectivité? Pouvez-vous nous le décrire plus en détail

Mme McGrath: Depuis environ 25 ans maintenant, les documents sur la santé mentale font de l'hospitalisation pour les patients atteints de maladie mentale une exception.

Le président: Ou l'institutionnalisation.

Mme McGrath: Absolument. Tous les services, y compris le traitement actif et le soutien constant, le traitement des malades graves, et la promotion de la santé mentale, tout cela devrait se faire dans la collectivité. Si tous ces services visent l'utilisateur le plus important, c'est-à-dire la personne atteinte de maladie mentale, alors de facto, toutes les personnes ayant un problème de santé mentale devraient également être traitées dans la collectivi té.

Le président: Vous déplorez la pénurie de psychiatres, ou leur peu de disponibilité. Où situez-vous les autres conseillers? Je pense aux travailleurs sociaux et aux psychologues cliniques, par exemple. Est-ce que vous les considérez comme faisant partie intégrante de votre programme de santé mentale?

Si je pose la question, c'est que la profession médicale n'a pas toujours une bonne opinion des gens qui font du counselling.

Mme McGrath: Je suis travailleuse sociale. Je suis présidente de l'Association des travailleurs sociaux de Terre-Neuve et du Labrador.

En santé mentale, je dirais que le rôle des autres spécialistes est bien reconnu, surtout ici. Je ne pense pas que ce soit un problème. Dans d'autres provinces, cependant, j'admets qu'il y a des problèmes en ce qui a trait à leur intégration complète.

Ce que je veux dire, c'est qu'on a besoin du diagnostic d'un psychiatre pour poursuivre le traitement. Ainsi, je soutiens - et les psychiatres seraient absolument terrassés de m'entendre dire cela - que chaque personne qui a une maladie mentale a besoin au moins une fois dans sa vie d'avoir un diagnostic sûr, donc elle a besoin de voir un psychiatre pour cela. Le reste peut être confié à d'autres personnes.

Le président: Je craignais que vous excluiez l'apport d'autres spécialistes de la santé mentale.

Mme McGrath: Non, non, absolument pas.

Le président: À la page 5 de votre mémoire, vous dites:

Une très vaste campagne d'éducation et de promotion sur les stratégies de traitement ou d'autres idées pour réduire le stress. La promotion de la santé mentale doit être élevée au même niveau de conscientisation dans la population que ce que nous avons accompli avec le tabagisme et le gras.
Je suis tout à fait d'accord.

Mais où commencer? Il y a ce stigmatisme qui frappe la maladie mentale. Je suis de la génération de ceux qui ont grandi en parlant de l'asile. On ne voulait pas être péjoratif - c'est comme ça que le bâtiment s'appelait. Il me semble que nous devons faire beaucoup d'éducation du public. Voyez-vous, on nous présente aujourd'hui diverses annonces télévisées de maladies dont on ne parlait pas il y a longtemps. Qu'en pensez-vous?

Mme McGrath: Je crois que vous avez tout à fait raison. Franchement, je ne pense pas que la route soit aussi longue qu'on le croyait il y a quatre ou cinq ans. Si vous lisez un certain nombre de médias nationaux, vous constaterez que de nombreux citoyens américains se déclarent stressés à la suite des événements du 11 septembre. C'est ce qu'ils disent. Ils croient qu'ils seront affectés longtemps.

J'ai pour mon dire qu'un chat, c'est un chat. Si c'est une maladie mentale, qu'on appelle ça une maladie mentale. Soyons conscients en disant que nous avons tous une santé mentale dont nous devons nous occuper. Ensuite, on pourra prendre soin de cette santé mentale, par exemple en menant une campagne comme ParticipACTION qui a été mise en place sur les avantages de la course, de la marche et de la bicyclette. On peut parler des avantages qu'il y a à prendre un bain chaud, à boire une tasse de thé, à allumer une chandelle, à invoquer la spiritualité. Je pense que les médias sont bien adaptés pour des bribes d'information, des slogans qui incitent les gens à faire ce qu'ils doivent pour bien gérer leur propre santé mentale.

Le président: Est-ce que votre organisation ou quelqu'un d'autre a réfléchi à un tel programme?

Mme McGrath: En fait, notre organisation, celle qui va être éliminée, a mis en place ce que nous appelons des stratégies d'adaptation sans frais - dix choses que l'on peut faire et qui ne coûteront rien à personne mais qui sont garanties d'améliorer votre santé mentale - et nous les avons utilisées à trois ou quatre reprises. En fait, elles ont beaucoup de succès. Nous avons des idées qui pourraient certainement être mises en valeur.

Le président: À la fin de la réunion, j'aimerais les voir. Le comité aussi, et nous pourrons donc vous demander comment vous procédez.

Le sénateur Cook: Madame McGrath, j'aimerais parler des capacités d'adaptation et du style de vie de cette clientèle dont nous discutons actuellement. Je connais des endroits comme le Pottle Centre et la Emmanuel House, des endroits où l'on essaie de réunir les gens, de leur donner les compétences d'adaptation nécessaires pour être en santé et heureux.

Il n'y a pas beaucoup de systèmes de soutien pour aider les gens qui ont des problèmes de santé mentale à vivre dans la collectivité. Il y en a çà et là, mais il n'y a pas de stratégie solide, pas de bouée de sauvetage pour eux. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

Mme McGrath: Je suis tout à fait d'accord avec vous. C'est pourquoi j'ai divisé ma discussion entre la maladie mentale et les préoccupations générales concernant la santé mentale dans la population.

Actuellement, la plupart des gens qui souffrent d'une maladie mentale grave au Canada ne vivent pas une vie très digne. En général, ils vivent isolés, déconnectés de la réalité. Ils passent en général de l'hôpital à la maison et de la maison à l'hôpital. C'est parce qu'il n'y a pas de services coordonnés et interreliés pour les aider en dehors de l'hôpital. Hors de l'hôpital, ils retournent à leur mode de vie isolé et difficile. Ils peuvent bénéficier de courts moments de participation à un vrai bon programme, mais la plupart des programmes sont limités dans le temps. Pas la maladie mentale.

Une personne chez qui on a diagnostiqué une maladie mentale grave mourra avec ce diagnostic. La personne peut apprendre à vivre avec sa maladie, peut apprendre à vivre une vie plus digne, mais elle va mourir avec ce diagnostic. C'est pourquoi le système de santé mentale doit envisager la situation à long terme et non à court terme.

L'autre chose d'importance, c'est l'intervention précoce. On peut bien parler de compétences d'adaptation pour aujourd'hui et de remèdes pour les personnes atteintes de maladie mentale, mais, madame le sénateur, le véritable travail doit commencer à la naissance. C'est à ce moment-là que nous devons intervenir et enseigner les capacités d'adaptation. Nous devons être en mesure de mieux déceler les enfants qui risquent de développer une maladie mentale. Nous connaissons effectivement certains indica teurs, et si on les détecte à la naissance, on les immunise presque en leur permettant de s'adapter. Lorsque la maladie mentale se présentera, et elle ne fera pas défaut, ils auront les compétences d'adaptation nécessaires qu'ils pourront utiliser.

Le sénateur Cook: Seriez-vous encline à accepter mon rêve d'une approche par grappes, où tous les fournisseurs de soins de santé agissent sur plusieurs plans à la fois?

Mme McGrath: La personne qui est aux prises avec la maladie mentale doit être au centre de cette approche. Nous, nous devons lui offrir les services. Il doit y avoir toute une gamme de services disponibles parce que les besoins de ces personnes sont tellement variés.

Le sénateur Cook: Est-ce que c'est réalisable?

Mme McGrath: Oui. Non seulement c'est réalisable, mais nous savons aussi que nous pouvons y arriver. Il faut simplement mettre l'épaule à la roue.

Le sénateur Cook: Madame Paulse, nous avons entendu plus tôt aujourd'hui que le traitement de la maladie vient contracter les crédits affectés à la santé et à la promotion, surtout dans le domaine de la santé publique. Ma question est la suivante: Bien que le traitement du cancer soit un aspect actif du cancer en général, avez-vous l'occasion de recueillir des données et de les utiliser dans tout le système, ou subissez-vous les mêmes pressions que le système de santé publique, à savoir qu'une fois les soins communautaires et les soins infirmiers prodigués, il ne reste pas beaucoup de temps pour l'éducation et la promotion?

Mme Paulse: En fait, nous faisons un suivi des incidences de cancer et des taux de mortalité pour la population. Bien sûr, nous inscrivons ça dans une base de données nationale. Essentielle ment, nous pouvons effectuer d'excellentes projections au sujet des cas de cancer pour les cinq, dix, quinze ou vingt prochaines années. Nous avons des données historiques qui remontent à 1969.

Cela dit, nos systèmes d'information sont encore sous-dévelop pés. Par exemple, nous ne faisons pas de suivi des facteurs de risque liés au cancer. Il y a des facteurs de risque liés au cancer qui sont semblables aux facteurs de risque d'autres maladies chroniques, comme je l'ai dit tout à l'heure. Ce qu'il nous faut faire, si nous voulons vraiment extraire les cas de cancer des taux de mortalité, c'est de travailler avec d'autres groupes comme les responsables de la santé communautaire et d'autres organismes bénévoles qui font la promotion de la santé et de la prévention. Nous devons travailler ensemble. Si on peut prévenir les maladies cardiovasculaires, on peut aussi prévenir le cancer. Par exemple, cesser de fumer, avoir une meilleure alimentation, et d'autres stratégies. Nous savons que ces stratégies fonctionnent aussi bien pour diminuer le taux d'incidence du cancer que pour les maladies cardiovasculaires et respiratoires.

Le sénateur Cook: Les données que vous accumulez et les autres données disponibles sont consignées dans le système, n'est-ce pas?

Mme Paulse: Oui, on les retrouve dans le système.

Le sénateur Robertson: Les deux exposés ont été merveilleux et bien sentis. Terre-Neuve est chanceuse de vous avoir toutes les deux.

Madame McGrath, vous avez suggéré de commencer à travailler avec les patients atteints de maladie mentale dès la naissance ou très tôt. Quel est le pourcentage entre les problèmes de santé mentale à la naissance liés à un handicap et liés à la génétique?

Mme McGrath: En fait, je ne peux pas vous donner de réponse, sénateur Robertson. Il y a encore deux écoles de pensée en ce qui concerne la maladie mentale. La première est génétique: si votre mère a subi une dépression, vous êtes fort susceptible d'en connaître une aussi. L'autre est l'argument environnemental, à savoir que l'environnement dès le début de la vie est un facteur qui permettra de développer ou non une maladie mentale majeure. La plupart des gens qui travaillent dans le domaine croient qu'il s'agit d'une combinaison des deux.

J'ai parlé de certains indicateurs. Par exemple, une personne est doublement susceptible de subir une maladie mentale majeure si quelqu'un de sa famille immédiate est atteint. Nous savons qu'un enfant qui grandit dans la pauvreté systémique est plus susceptible d'avoir une maladie mentale grave. Ce que nous voulons, c'est cibler les populations vulnérables.

On peut cibler certains groupes que nous croyons plus susceptibles de développer une maladie mentale. Est-ce qu'on atteindra tout le monde? Non, mais au moins nous allons nous concentrer sur les plus vulnérables.

Le sénateur Robertson: Il fut un temps où il fallait sortir tous les malades mentaux des hôpitaux psychiatriques, et ce, dans tout le pays. On nous assurait que les systèmes et les services appropriés seraient mis en place dans les collectivités de ces patients. Que s'est-il passé? On nous a donné toutes ces assurances, mais rien ne s'est fait.

Comme vous le dites, s'il y a une crise, on ne peut conduire ces gens-là qu'à deux endroits et, dans la plupart des collectivités au Canada, c'est le poste de police ou l'hôpital. On les voit dans les rues, ils ne fonctionnent pas bien. Nous avons parlé des gens de la rue. Un grand nombre de ces personnes qui ont été expulsés des hôpitaux psychiatriques se retrouvent dans la rue. Que s'est-il passé? Pourquoi ces promesses n'ont-elles pas été respectées, même partiellement?

Mme McGrath: Je ne crois pas que ce soit intentionnel. Il faut le dire.

Ça rejoint une autre marotte que j'ai au sujet de la planification, c'est-à-dire qu'on ne peut pas réduire un système au profit d'un autre. Aucun document dans le monde ne vous dira que cela est possible. Si vous prévoyez apporter des changements à un système, l'autre système doit être prêt en même temps.

Dans la situation que vous mentionnez, on devait établir le système communautaire à partir de l'argent économisé dans les hôpitaux psychiatriques. Cela ne s'est jamais produit parce qu'il n'y a pas eu d'économies. Les portes des hôpitaux psychiatriques se sont fermées, mais la collectivité n'en a jamais profité.

Certaines provinces ont fait un très bon travail. Le sénateur Cook a parlé des grappes. Il y a des grappes. Le Greater Vancouver Mental Health Centre fait un travail superbe pour aider les gens qui souffrent de maladie mentale. Il y a d'autres pratiques exemplaires au pays qui vont dans ce sens aussi.

Est-ce que notre système a été efficace? Non, bien honnête ment, parce que rien n'a remplacé la fermeture des lits dans les hôpitaux psychiatriques.

Le sénateur Robertson: J'aime bien votre théorie et ce système de contrepoids ne s'applique pas seulement au domaine de la santé mentale.

Le président: La même chose s'est passée dans les provinces où les lits d'hôpitaux pour soins de courte durée ont été fermés dans l'intention de les remplacer par de meilleurs soins à domicile, notamment. Ce qu'on a fait, bien sûr, c'est de fermer des lits et de ne jamais créer les services de remplacement.

Le sénateur Robertson: Ma dernière question s'adresse à Mme Paulse. À la page 4 de votre mémoire, vous dites:

Les patients doivent soit attendre longtemps, soit recevoir des soins qui peuvent ne pas être appropriés et ne pas être basés sur les pratiques exemplaires.
C'est ce que nous avons entendu partout au pays en ce qui concerne l'oncologie. Il y a très peu de centres qui offrent le type de soins nécessaires.

Est-ce que vous connaissez le Dr Thomas McGowan, sa clinique de radiothérapie après les heures de travail située à Sunnybrook, à Toronto?

Mme Paulse: Oui.

Le sénateur Robertson: On a beaucoup entendu parler de financement privé. Je veux simplement vous en parler pour voir ce que vous en pensez. Les listes d'attente à l'hôpital Sunnybrook étaient telles que les patients étaient mécontents et les médecins encore plus. Le Dr McGowan a convaincu le conseil d'adminis tration de Sunnybrook qu'il créerait une unité privée d'oncologie capable de traiter les patients en radiologie ou en chimiothérapie.

Mme Paulse: En radio-oncologie seulement.

Le sénateur Robertson: Seulement?

Mme Paulse: Oui.

Le sénateur Robertson: En radio-oncologie, très bien.

La clinique du Dr McGowan fonctionne lorsque les oncolo gues réguliers ne travaillent pas à l'hôpital. La plupart des employés de la clinique veulent travailler à temps partiel. Sa clinique utilise l'équipement de Sunnybrook. La clinique facture au gouvernement le montant exact qui lui serait facturé si le traitement de radiations avait été fait par le personnel régulier de l'hôpital.

Voyez-vous quelque chose de répréhensible là-dedans?

Mme Paulse: À la condition que le patient n'absorbe pas les coûts.

En fait, j'étais au Sunnybrook Regional Cancer Centre il y a à peine deux semaines et j'ai rencontré le Dr McGowan. Le système - et cela est bien reconnu - est surchargé.

Oui, nous avons des machines de traitement qui s'arrêtent à 17 heures. Nous pourrions faire quelque chose de semblable, mais nous sommes limités par le manque de personnel. Dans une province comme l'Ontario, on trouve probablement plus de spécialistes de la radiothérapie à temps partiel, et même peut-être certains autres radio-oncologues.

Le concept ne me cause pas de problèmes. C'est beaucoup mieux que d'avoir à aller à Cleveland ou à Buffalo, ou peu importe, pour subir son traitement. Nous avons vécu cette expérience l'an dernier. Nous avons travaillé avec Cancer Care Ontario. Nous avons dû envoyer 52 patients à l'extérieur de la province pour fins de traitement.

Le président: À l'extérieur du Canada?

Mme Paulse: Oui.

Le président: Donc les gens ne sont pas allés en Nouvelle- Écosse ou ailleurs au pays?

Mme Paulse: Non. Ils sont allés à Cleveland, en Ohio. Nous avons travaillé avec Cancer Care Ontario pour cela, au coût de 1,5 million de dollars pour 52 patients. Si nous avions eu les ressources, nous n'aurions pas eu de difficulté à créer un quart de travail de plus pour que ces patients reçoivent leur traitement dans notre province. L'Ontario s'est résignée à envoyer ces patients à l'étranger parce qu'elle avait des bâtons dans les roues, les syndicats, la disponibilité des gens.

Le sénateur Robertson: Ça vous a coûté 1,5 million de dollars?

Mme Paulse: Oui, c'est exact.

Le sénateur Robertson: Qu'est-ce que cela vous aurait coûté si vous aviez été capables de les traiter ici?

Mme Paulse: Au moment où on se parle, chaque patient nous coûte dans les environs de 30 000 dollars. Pour traiter un patient dans la province, cela nous aurait coûté entre 5 000 et 7 000 dollars.

Le sénateur Robertson: Vous n'avez pas de problème avec le concept, n'est-ce pas?

Mme Paulse: Non, pas avec le concept.

Le sénateur Cochrane: Madame McGrath, en ce qui concerne l'intervention précoce, y a-t-il une brochure disponible - ou avez-vous quelque chose à distribuer - dans les diverses cliniques pour informer les parents au sujet de l'intervention précoce? Vous avez dit que la maladie mentale commence dès la naissance. Comment un parent peut-il s'informer?

Mme McGrath: Je vais être claire. Normalement, on ne détecte pas de maladie mentale majeure avant l'adolescence. Ce que je veux dire, c'est que la vulnérabilité existe dès la naissance.

Le problème avec l'intervention précoce, c'est qu'il y a des choses qui doivent être faites de façon préventive. Le problème concerne tous les enfants, mais pour ceux qui sont plus exposés, il faut qu'il y ait une surdose dans les années de croissance en ce qui a trait aux compétences d'adaptation, à l'estime de soi, à la confiance, et ainsi de suite.

On sait instinctivement que les enfants sont fixés avant l'âge de cinq ans. Nous savons que c'est de la naissance à l'âge de cinq ans qu'il faut agir.

Si vous me demandez si mon organisation le fait, non, nous ne le faisons pas. Nous n'avons pas de programme de santé mentale pour les enfants. Notre programme de santé mentale concerne les adultes. Il y a très peu de programmes de santé mentale pour les enfants, s'il en existe, dans notre province, qui fassent la promotion de la santé. Terre-Neuve et le Labrador n'ont pratiquement pas de programmes de santé mentale pour les enfants.

Le sénateur Cochrane: Nous avons eu des problèmes ici. Je suis au courant des problèmes que nous avons eus avec des adolescents.

Mme McGrath: Tout à fait. Ce que nous faisons, et je suis certaine que les autres provinces le font aussi, c'est de traiter les symptômes au lieu de donner aux gens les capacités nécessaires, et j'utilise le terme «immunisation» pour ce dont ils ont besoin lorsqu'ils sont très jeunes.

En ce qui concerne l'intervention précoce, tout ce qui est rattaché à l'éducation parentale immunise de fait l'enfant et lui permet d'avoir une bonne santé mentale. Avons-nous ce genre de programme? La réponse est non, nous n'en avons pas.

Le sénateur Cochrane: Quel pourcentage du budget de la santé mentale de Terre-Neuve obtenez-vous si vous en obtenez un?

Mme McGrath: Je ne peux pas vous répondre. J'ai travaillé à l'hôpital psychiatrique un moment donné, et je sais que l'hôpital obtenait le pourcentage le plus important de ce budget. Lorsque j'y ai travaillé, en 1990, l'hôpital obtenait environ 3 millions de dollars, ce qui représentait environ 90 p. 100 du budget de santé mentale.

Je peux vous nommer sur les doigts d'une main les personnes de mon organisation qui travaillent dans le domaine de la santé mentale, littéralement sur les doigts d'une main. Nous avons quatre conseillers en santé mentale pour une population d'environ 175 000 personnes, et nous avons un centre de crise pour la santé mentale qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept.

J'ai un effectif de 600 personnes et un budget de 64 millions de dollars. Les sommes consacrées à la santé mentale, surtout à la santé mentale dans la collectivité, dans cette province, sont extrêmement restreintes.

Le président: J'aimerais demander une précision à Mme McGrath.

En réponse au sénateur Cochrane, vous avez dit que les jeunes ont besoin d'une «surdose» d'intervention précoce.

Puis-je supposer que vous ne parliez pas de drogues?

Mme McGrath: Non, non, non.

Le président: C'est juste que l'on entend habituellement le mot dans l'autre contexte.

Vous citez souvent l'expression «maladie mentale grave». Comment la définissez-vous? Beaucoup de gens consultent pour des événements majeurs qui leur ont causé des traumatismes, comme les événements du 11 septembre.

Au fait, en ce sens, j'aimerais dire que les employeurs deviennent de plus en plus progressistes. Je m'entretenais avec le PDG d'une entreprise qui a ses bureaux dans un immeuble près du World Trade Center. Personne dans le bureau n'a été blessé, mais la première chose qu'a faite le président, c'est d'appeler une équipe de conseillers de crise. En fait, cette équipe est venue du Canada parce que les conseillers locaux étaient submergés de travail. Je ne suis pas certain qu'il y a 10 ans, un président d'entreprise aurait même songé à cela. Il y a donc progrès.

Est-ce le genre de chose que vous appelleriez une «maladie mentale grave»?

Mme McGrath: Non, non.

Le président: Très bien. Par maladie mentale, vous voulez dire quelque chose qui est très grave.

Mme McGrath: C'est aussi ce qu'on appelle une maladie mentale à long terme. La première, à mon avis, serait la schizophrénie, ensuite il y aurait les troubles affectifs et certaines dépressions selon la durée et l'ampleur de la dépression.

À une extrémité du continuum, on parle de personnes qui ont des maladies mentales majeures; à l'autre, le reste du monde et leurs problèmes de santé mentale.

Le président: Les gens qui sont malades de temps en temps.

Mme McGrath: Absolument. Je crois que les données actuelles indiquent que 98 p. 100 d'entre nous à un moment ou un autre de notre vie demanderont de l'aide pour un problème de santé mentale, pour quelque chose qui se passe dans nos vies.

Nous devrions nous préoccuper des deux autres pour cent, parce que virtuellement tout le monde que je connais a dû demander de l'aide à un moment donné pour un problème de santé mentale, que ce soit de l'aide d'un ami ou du système officiel.

Le président: Merci. Voilà une note encourageante pour terminer.

La séance est levée.


Haut de page