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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

OTTAWA, le mercredi 5 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 15 h 36 pour étudier l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le président: Aujourd'hui, nous allons poursuivre notre analyse du système de soins de santé du Canada. Nous allons entendre, de l'Association canadienne des soins de santé (ACS), Mme Sharon Sholzberg-Gray et M. Larry Odegard. De l'Association canadienne des chaînes de pharmacies (ACCP), nous avons avec nous Mme Lori Turik et Mme Deb Saltmarche. Soyez les bienvenus.

Mme Sharon Sholzberg-Gray, présidente-directrice générale, Association canadienne des soins de santé: Au nom du conseil d'administration de l'ACS et de nos membres provinciaux et territoriaux, je tiens à vous remercier une fois de plus de l'occasion qui nous est donnée de comparaître devant vous. Comme vous l'avez indiqué, M. Larry Odegard, qui m'accompagne aujourd'hui, représente les PDG des organismes de santé et hospitaliers provinciaux et territoriaux du pays qui sont membres de l'ACS. J'aimerais vous faire part de certaines des réflexions que nous inspire le volume 5 de votre rapport.

Votre rapport contient 20 principes, et nous devons dire que nous appuyons avec enthousiasme dix de ces principes et recommandations. Dans mes remarques liminaires, je n'y consacrerai pas beaucoup de temps puisque ce sont des enjeux sur lesquels nous pouvons revenir plus tard. Par ailleurs, la mise en œuvre de huit autres principes nous inspire des réserves, même si nous sommes d'accord avec eux sur le fond. Enfin, il y a deux principes, dont l'un a trait au financement fondé sur les services dispensés, et l'autre, aux marchés internes, qui n'ont pas l'appui du conseil d'administration de l'ACS ni de ses membres provinciaux et territoriaux.

Il y a quelques semaines, nous vous avons fait parvenir une version préliminaire de notre mémoire en vous disant que nous allions tenir d'autres discussions à l'occasion de la réunion de mai du conseil d'administration. Nous avons tenu ces discussions et confirmé depuis le fond des mémoires que nous vous avons fait parvenir il y a quelques semaines, avec des ajouts et des modifications mineurs. J'espère toutefois que nous aurons l'occasion, pendant la période de questions et de réponses, de nous intéresser à tous les principes. Nombre d'entre eux revêtent une extrême importance, et nous aimerions pouvoir dire à quel point nous apprécions la manière dont vous avez formulé bon nombre d'entre eux.

D'abord, je vais dire un mot du financement fondé sur les services dispensés et des marchés internes. Notre association est fondamentalement en désaccord avec la proposition de substituer au financement par budget annuel global des hôpitaux un financement fondé sur les services dispensés. Nos préoccupations sont nombreuses, et elles figurent dans le document d'information que nous vous avons fourni. Permettez-moi maintenant d'en souligner quelques-unes.

S'ils appuient avec enthousiasme le mouvement en faveur de la rationalisation du financement des soins de santé et de l'amélioration de la mesure du rendement, nos membres remettent en doute la proposition du comité selon laquelle le financement fondé sur les services dispensés est la meilleure façon de réaliser ces objectifs. Nos membres sont d'avis que les initiatives nécessaires touchant le rendement et l'établissement des coûts définies par le comité existent déjà en vertu des mécanismes actuels de financement par budget global. Nos membres ont également signalé plusieurs questions pratiques reliées au passage à un système uniquement orienté vers le financement fondé sur les services dispensés. Mentionnons notamment le fait que le financement fondé sur les services dispensés avalise la notion de soins aux malades plutôt que de soins de santé, qu'il met l'accent sur la procédure plutôt que sur des soins exhaustifs et intégrés, ce qui est précisément le but du financement global, qu'il ne se prête pas à une approche fondée sur les besoins de la population, qu'il exige des données sur les coûts qui n'existent pas même si, avec un peu de chance, on en disposera dans un avenir immédiat, qu'il conduit le gouvernement vers la microgestion et que, enfin, il n'aurait pas en soi pour effet de réduire les délais d'attente.

Le financement global permet d'allouer les fonds en fonction des besoins locaux et de favoriser les gains d'efficience. On peut affecter les gains réalisés dans un secteur à un autre secteur où des besoins ont été observés. En vertu du régime de financement global, on peut assurer la reddition de comptes grâce à la conclusion de conventions de service prévoyant des mesures de rendement liées aux niveaux de service et aux résultats, par exemple l'amélioration de l'état de santé des particuliers et des collectivités.

Dans son rapport, le comité laisse également entendre que le financement fondé sur les services dispensés déboucherait sur la création de centres spécialisés pour la prestation de certaines interventions chirurgicales ou le traitement de certaines affections, en particulier dans les centres urbains. Nous sommes favorables à la création de centres spécialisés ou de centres d'excellence, mais nous croyons que de tels centres peuvent être et sont effectivement compatibles avec le régime fondé sur le financement global.

S'ils sont d'accord avec le comité pour dire qu'il est important, voir crucial, d'élaborer de solides données sur les coûts, capables de façonner le système de soins de santé, nos membres sont d'avis qu'il existe de graves problèmes pratiques à régler en marge du financement des services de santé. Le comité devrait se donner pour tâche d'encourager les initiatives d'établissement des coûts comme indicateurs de rendement permettant de comparer des activités et d'améliorer le rendement, et non comme mécanisme de financement ou outil concurrentiel.

Le deuxième principe avec lequel l'ACS est foncièrement en désaccord a trait à la création de marchés internes. Le comité laisse entendre qu'on devrait probablement créer des marchés internes dans le cadre desquels des équipes de soins primaires feraient l'acquisition de soins de santé fournis par des hôpitaux et d'autres établissements de santé, au nom de leurs patients. Nous avons été réconfortés par l'emploi du mot «probablement», parce que nous espérons qu'il indique que le comité est ouvert à l'idée de revenir sur ces principes. Nos membres ont fait valoir l'échec des marchés internes créés au Royaume-Uni pour les omnipraticiens détenteurs d'une enveloppe budgétaire. Nous croyons savoir qu'on abandonne cette idée au Royaume-Uni. Nous voyons mal pourquoi nous devrions reproduire une expérience considérée comme un échec.

On a défini de graves problèmes liés à la création de marchés internes pour les services de santé, notamment le besoin d'une capacité excédentaire de centres et de fournisseurs de santé pour favoriser la concurrence. En cette époque de pénuries généralisées de fournisseurs de services de santé, où la capacité matérielle est par ailleurs restreinte, nous devons concentrer, et non disperser, les ressources limitées dont nous disposons. Les marchés internes, particulièrement ceux qui ont trait au groupe de soins primaires, peuvent créer un nouveau niveau de bureaucratie, lequel pourrait faire obstacle à la mise en oeuvre de la réforme des soins primaires, dont nous parlons depuis 50 ans. Les marchés internes peuvent également constituer un bouc émissaire commode, au point où le gouvernement pourra imputer aux fournisseurs de services la responsabilité des décisions prises en matière de financement. Je suis certaine que des témoins antérieurs ont évoqué l'«écremage», conséquence logique des marchés internes.

Nous craignons également que l'on ne perde de vue l'accent mis sur le patient et la nécessité de l'accès aux services, particulièrement dans le contexte de la lutte pour la réduction des coûts. Franchement, nous craignons aussi la déstabilisation des hôpitaux existants. On ne peut demander aux hôpitaux de fonctionner par intermittence. Ils ne peuvent conclure des contrats à court terme en vertu desquels, par exemple, ils auraient un service orthopédique une année pour le perdre aussitôt l'année suivante. À notre avis, les marchés internes, particulièrement les petites cliniques qui offrent des services que les hôpitaux proposent aujourd'hui de façon efficiente, ne fonctionneraient pas.

Impossible de créer de la concurrence là où il n'y a qu'un seul fournisseur de services, et vous choisissez de vous approvisionner à un seul endroit. Pour reprendre les mots d'un de nos membres: «Nous avons beaucoup de choix: c'est Saint John's ou Saint John's.» Disons maintenant un mot de la question de la capacité excédentaire. Il existe une capacité excédentaire dans les services de santé aux États-Unis. Cette dernière exerce une pression à la hausse sur les coûts; elle n'a pas pour les faits de les abaisser. Les lits inoccupés coûtent cher.

Dans l'ensemble, l'ACS ne dispose d'aucune donnée justifiant la création de marchés internes. Nos membres sont d'avis qu'il existe des solutions de rechange au marché interne qui permettront d'améliorer l'efficience, par exemple la réforme des soins primaires, à laquelle vous avez fait allusion, de nouveaux modèles pour la rémunération des médecins, un suivi de l'information et une mesure du rendement plus efficace, la création de dossiers médicaux électroniques et, enfin, des approches fondées sur des données probantes, de façon que nous puissions toujours assurer des soins appropriés. C'est, croyons-nous, la solution la plus appropriée, préférable en tout cas au recours à des marchés internes considérés comme la panacée — la planche de salut, en quelque sorte.

Enfin, j'aimerais dire un mot de la question des options qui s'offrent pour l'accroissement des recettes fédérales. Nous vous en avons parlé par le passé, je crois, dans le mémoire stratégique sur la cohabitation des secteurs privé et public au sein du système canadien de soins de santé que nous vous avons fait parvenir. Dans ce document, nous nous intéressons à bon nombre de réalités et de mythes entourant le système. Dans ses rapports antérieurs, le comité a fait la même chose. L'un de ces mythes, c'est que, au Canada, les dépenses publiques affectées aux soins de santé comptent parmi les plus élevées des pays membres de l'OCDE. L'autre mythe a trait au dénominateur commun des dépenses affectées à la santé, à savoir que toute diminution des dépenses gouvernementales globales fait automatiquement en sorte que les dépenses affectées à la santé paraissent plus élevées. Parfois, on a l'impression que les dépenses affectées à la santé augmentent de façon exponentielle alors que, en réalité, les dépenses réelles par habitant demeurent stables. La réalité, c'est que, par habitant, les dépenses affectées à la santé au pays ont augmenté de seulement 1 p. 100 au cours des dix dernières années.

Nous avons également proposé d'étudier la possibilité d'accorder des allégements fiscaux au lieu d'investir dans la santé. Nous avons fait valoir l'avantage concurrentiel offert par notre système de soins de santé publique. Chacun sait, avons-nous souligné, que ce sont les Canadiens qui, en dernière analyse, sont la source du financement, que ce soit par le truchement de leurs impôts ou de montants versés de façon ponctuelle. On nous a rebattu les oreilles avec les entreprises et les employeurs mythiques qui souhaitent accroître leurs dépenses de santé. Nous avons dit — et le comité semble aussi l'affirmer dans son rapport — qu'un financement accru de la part du secteur privé n'est pas la solution et n'est pas non plus une panacée.

Parlons maintenant de la question de la prestation de services par le secteur privé. Nous avons soulevé certains de ces problèmes relativement aux marchés internes. D'entrée de jeu, je précise que nous avons affirmé, dans notre mémoire sur la prestation de soins et le financement privé ou public au sein du système canadien de soins de santé, que la prestation de soins par le secteur privé n'est pas en soi un mal — tant s'en faut. Elle a sa place ici et là, pour peu qu'elle obéisse à des lignes directrices et à des cadres redditionnels stricts. Cependant, on ne doit pas y voir une réponse magique. En fait, toute réponse magique nous inspire des réserves. Ce qui nous inquiète, ce sont les compromis sur la qualité qui risquent de compromettre l'accessibilité, l'écremage et toute mesure susceptible de créer une capacité excédentaire malgré la pénurie de ressources humaines en santé qui perdure.

Il est intéressant de constater qu'il est beaucoup question au Canada d'accroître le nombre d'hôpitaux privés dans notre réseau, sans égard au fait que, aux États-Unis, où on trouve peut-être le réseau le plus axé sur l'entreprise privée au monde, seulement 10 p. 100 des hôpitaux sont des hôpitaux privés à but lucratif, tandis que 70 p. 100 d'entre eux sont des établissements privés sans but lucratif et que 20 p. 100 sont publics. Le secteur privé intervient beaucoup du point de vue du financement et du payeur, mais, pour ce qui est de la prestation, seulement 10 p. 100 des hôpitaux américains sont des établissements privés à but lucratif parce qu'on sait très bien qu'il n'y a pas de grands profits à réaliser dans la prestation de soins complexes.

On doit aussi faire les frais de tous les lits inoccupés auxquels j'ai déjà fait allusion.

Intéressons-nous maintenant à la question des recettes fédérales. J'aimerais attirer votre attention un instant sur la question des cotisations. Je remarque que, dans la plupart des rapports, on assimile les cotisations à des frais d'utilisation. Nous tenons à établir clairement que, selon nous, les cotisations constituent un impôt régressif pour les particuliers ou un coût de fonctionnement additionnel pour les employeurs. Nous invitons le comité à indiquer sans ambiguïté que les cotisations représentent en réalité une forme d'impôt. Il s'agit d'un constat important, mais nous ne portons pas de jugement, ni dans un sens ni dans l'autre. À l'occasion de notre dernière comparution devant le comité en mars, cependant, nous avons dit que nous nous opposons à un impôt ciblé pour la santé à cause des inquiétudes que suscite en nous la création de tout un éventail de taxes ciblées qui aurait pour effet de lier les mains du gouvernement relativement à de futures dépenses affectées à la santé au pays. Par exemple, le gouvernement pourrait être appelé à investir pour répondre à de nouveaux besoins sociaux ou autres, de manière à améliorer l'état de santé des Canadiens, et nous ne souhaitons pas astreindre les gouvernements à prélever des impôts pour des fins particulières.

Le fait que le volume 5 porte presque exclusivement sur les hôpitaux et les services offerts par des médecins nous inquiète, même si vous affirmez que telle n'était pas votre intention. Pourtant, vous admettez que les principaux facteurs qui génèrent des coûts se trouvent en marge de cet éventail de services. Le fait que les autres principes soient abordés de façon thématique nous préoccupe puisque ce que nous voulons, en fin de compte, c'est un plan, un modèle de système de soins de santé intégré tenant compte de toute la gamme de services dont les Canadiens ont besoin ainsi que des moyens de financer et de dispenser de tels services: certains, comme vous le soulignez, seraient fiancés publiquement, conformément aux principes de la Loi canadienne sur la santé; d'autres se prêteraient à des formes mixtes de prestation au sein du système public; enfin, certains devraient probablement être entièrement financés par le secteur privé. Il me semble toutefois que nous devrions voir les choses de façon intégrée, faute de quoi on ne répondra jamais aux besoins des Canadiens.

En conclusion, je tiens à préciser que notre association, qui représente les personnes qui, au pays, ont charge d'administrer et de fournir les services de santé, pas le gouvernement, mais bien les personnes associées à la gouvernance communautaire de notre système de soins de santé — aspect qu'on ne devrait pas perdre de vue — estime être en position unique de donner son avis. Après tout, nos membres sont ceux qui auront pour tâche de mettre en œuvre d'éventuelles solutions proposées, et nous tenons à être à l'avant-plan de tout renouvellement du système. Nous attendons avec impatience de poursuivre la discussion avec vous.

Le président: Merci de vos propos liminaires et de votre mémoire. Il y a un certain nombre de questions sur lesquelles nous souhaiterons revenir avec vous.

Mme Lori Turik, vice-présidente, Affaires publiques, Association canadienne des chaînes de pharmacies: Merci de l'occasion qui nous est donnée de donner notre avis sur la mise en oeuvre des principes de restructuration et de financement du système de soins de santé, en particulier les programmes d'assurance-médicaments, au Canada. Je profite de l'occasion pour vous présenter Deb Saltmarche, directrice de la pharmacie de l'Association canadienne des chaînes de pharmacies (ACCP), qui est aussi pharmacienne communautaire. Elle est là pour répondre à vos questions.

Au nom de nos membres, permettez-moi d'abord de féliciter le comité de l'approche exhaustive, réfléchie et consultative de l'examen de la réforme des soins de santé qu'il a adoptée. Nous l'apprécions au plus haut point.

Avant de passer aux présentations officielles, j'aimerais faire ressortir deux faits clés concernant les pharmacies. Les pharmacies de détail constituent un élément unique du système de soins de santé dans la mesure où elles reposent sur un partenariat public-privé pour la prestation de services de santé de qualité à la fois appréciés par le public et grandement accessibles. Ces services contribuent directement à l'économie canadienne et, du même souffle, soutiennent le système de soins de santé dont nous bénéficions tous. Nous sommes également reconnaissants au comité d'avoir admis que les pharmacies communautaires du Canada constituent une ressource sous-utilisée ayant la capacité de contribuer à la compression des coûts, à l'amélioration des résultats pour les patients et à la fiabilité du système national de soins de santé.

Dans le reste de notre présentation, nous allons cibler dans notre analyse trois principes clés énoncés dans le volume 5, secteurs où, croyons-nous, les chaînes de pharmacies ont un rôle clé à jouer au stade de la mise en oeuvre et où elles sont en mesure de vous soumettre certaines solutions. Je fais référence aux services de santé non visés par la Loi canadienne sur la santé, au renouvellement des soins primaires et à une stratégie nationale sur les ressources humaines en santé.

Sur la question de savoir si les médicaments d'ordonnance devraient être financés par les régimes d'assurance publics ou privés, j'aimerais soulever les trois points suivants.

Premièrement, nous pensons que l'approche la plus efficiente pour pallier les lacunes au titre de l'assurance- médicaments consiste à étoffer l'infrastructure existante d'assurance publique et privée et à offrir une assurance publique aux particuliers pour qui l'absence d'assurance pour des médicaments médicalement nécessaires représente un obstacle au traitement et ceux qui, atteints d'une maladie grave, ont besoin de médicaments coûteux qu'ils n'ont pas les moyens de se payer; deuxièmement, le fait d'associer les pharmaciens à d'autres fournisseurs de soins primaires pour assurer une gestion optimale de la consommation de médicaments aura pour effet de contenir les coûts des médicaments et d'alléger les pressions qui s'exercent sur d'autres secteurs du système; et troisièmement, nous pensons que le gouvernement fédéral devra assumer une partie des coûts associés à un filet de sécurité bonifié pour les médicaments.

L'objectif fondamental de...

Le président: Je vous invite à dire ce que vous avez à dire, et je ne pense pas qu'il soit nécessaire de lire intégralement les 15 pages de votre mémoire. Je tiens à m'assurer que nous aurons du temps pour les questions.

Mme Turik: L'objectif fondamental de la réforme de l'assurance-médicaments au niveau national doit être l'utilisation optimale de médicaments pour obtenir des résultats de qualité pour la santé et contenir les coûts. Un régime mixte d'assurance pour les médicaments, c'est-à-dire un régime à la fois public et privé, est la principale piste de solution que nous vous invitons à envisager. Un régime universel d'assurance-médicaments pour l'ensemble des Canadiens exercerait des pressions intenables sur le système et entraînerait un rationnement accru des pharmacothérapies et un accès réduit à des médicaments nouveaux et plus efficaces, sans compter que les coûts seraient refilés aux particuliers, ce qui aurait un effet négatif sur les soins aux patients. Pour atteindre l'objectif lié à l'accès, nous pensons qu'un filet de sécurité est nécessaire et qu'on devrait faire appel au régime public en dernier recours.

Nous pensons que la démarche commune d'examen de l'assurance-médicaments en cours et l'harmonisation des formulaires constituent une occasion d'apporter une solution toute canadienne aux problèmes de la réduction de l'administration et de la cohérence des régimes provinciaux. Fait plus important, on doit fonder les décisions relatives aux formulaires sur l'évaluation des résultats, y compris des évaluations pharmaco-économiques et une meilleure surveillance postérieure à la mise en marché. Procéder à un examen national des programmes provinciaux d'avantages spéciaux prévus pour les maladies graves à coût élevé, en vue d'une éventuelle harmonisation partout au pays, constitue un autre moyen d'assurer l'uniformité. Pour assurer un marché viable de l'assurance privée, nous sommes fermement convaincus qu'il faut préserver la concurrence entre assureurs privés.

Comment financer un régime d'assurance-médicaments public amélioré? Nous savons que l'accès à des pharmacothérapies appropriées et la collaboration entre médecins prescripteurs et pharmaciens entraînera une réduction des coûts dans d'autres secteurs du système de soins de santé, par exemple les visites chez le médecin et les hospitalisations, ce qui peut contribuer grandement à l'amélioration des résultats pour la santé. Ainsi, les dépenses affectées aux soins de santé doivent être, à notre avis, axées sur les patients et fondées sur une approche tenant compte de l'ensemble du système, et non sur une approche cloisonnée.

Nous invitons le comité à envisager des solutions administratives qui ont fait leurs preuves en permettant la réalisation de gains d'efficience et en réduisant les coûts évitables, tout en améliorant la qualité des pharmacothérapies. Des solutions administratives serviront de complément à l'utilisation efficace des médicaments. Le partage des coûts avec les consommateurs est une mesure administrative pouvant permettre de contrôler les coûts, sans faire obstacle aux pharmacothérapies indiquées. Cependant, nous tenons à préciser que les mesures de partage des coûts ne devraient pas avoir pour effet de faire peser sur les patients des préjudices indus qui auraient pour effet de les dissuader de rechercher les soins appropriés.

Pour établir un équilibre entre l'utilisation responsable et l'accès aux thérapies, on devrait envisager des approches tenant compte des moyens de chacun et de l'utilisation des médicaments, et prévoir un plafond.

En ce qui concerne l'offre, le moyen le plus efficace de contrôler les prix à long terme consiste à préserver la concurrence au sein du marché des fournisseurs. Les programmes de médicaments de rechange à faible coût, par exemple ceux de l'Alberta et du Québec, ont montré qu'ils permettaient d'obtenir le «plus bas prix possible». Par comparaison, les modèles d'achat en vrac, en vertu desquels il existe un fabricant pour chaque molécule, ont pour effet de réduire la concurrence et se traduisent par des remontées des prix. L'achat en vrac aura un effet négatif sur la conformité puisque les patients seront tenus de renoncer à des médicaments ayant permis de stabiliser leur état. Nous pensons que nous devrions envisager de nouvelles mesures visant à améliorer et à accélérer le recours à des médicaments génériques.

Des dossiers médicaux électroniques permettraient également la diffusion de lignes directrices sur la prescription et des examens rétrospectifs de l'utilisation de médicaments pour évaluer les habitudes de consommation de médicaments appropriées en regard de normes de qualité. Les chaînes de pharmacie, qui disposent d'une infrastructure de TI poussée qui les relie aux régimes d'assurance-médicaments privés et provinciaux, pourraient servir de tremplin à une telle démarche.

Pour assurer l'équité, on doit faire en sorte que les personnes avantagées par une infrastructure de la santé intégrée partagent les coûts et les risques qui s'y rattachent. L'initiative nationale dans le dossier de l'assurance-médicaments doit avoir pour objectif central l'utilisation optimale des médicaments.

Nous aimerions vous faire part de nos vues sur l'intégration possible des pharmacies communautaires au renouvellement des soins primaires. Nous vous encourageons à soupeser certains facteurs clés.

On doit créer des incitatifs positifs pour les soins primaires assurés par les pharmacies, notamment la distribution des produits, mais aussi des services cliniques visant à améliorer l'utilisation des médicaments et les résultats. Deuxièmement, il est essentiel d'intégrer les fournisseurs de soins primaires sur la foi d'une utilisation optimale des champs d'activité existants, avant de conclure à la nécessité d'élargir les champs d'activité. Troisièmement, les approches visant à intégrer les pharmacies communautaires doivent être suffisamment souples pour épouser divers modèles. Quatrièmement, l'utilisation d'une infrastructure existante des pharmacies communautaires constitue l'approche la plus efficiente et la plus rentable de l'intégration.

Je tiens à souligner que la liberté de choix des consommateurs oblige les pharmacies à se livrer concurrence en fournissant des produits et des services axés sur les patients à un prix très raisonnable. De même, les infrastructures et les ressources humaines des pharmacies communautaires sont financées par le secteur privé et accessibles gratuitement au public, ce qui évite des coûts considérables au système public de soins de santé.

Le principal obstacle à l'intégration des pharmacies communautaires n'est pas l'emplacement physique. C'est plutôt l'absence de mécanismes qui favorisent une communication et une collaboration opportunes et constantes.

Je vais maintenant dire un mot du principe de l'offre adéquate et de l'utilisation optimale des fournisseurs de soins de santé. Nous sommes d'avis que l'utilisation optimale des pharmaciens relativement à la prestation de soins primaires est fonction d'une offre stable et adéquate de pharmaciens. Nous pensons que le gouvernement fédéral doit faire preuve de leadership pour favoriser et accélérer la mise en œuvre d'une stratégie nationale sur les ressources humaines en pharmacie pour pallier la pénurie nationale actuelle, suivre les tendances du marché du travail et planifier pour assurer une offre adéquate au Canada.

On doit augmenter immédiatement le nombre d'inscriptions en pharmacie et, relativement aux ressources en pharmacie, évoluer vers l'autosuffisance. Comme les modèles de soins de santé sont de mieux en mieux intégrés et de plus en plus multidisciplinaires, le gouvernement fédéral doit, de concert avec ses homologues provinciaux, les établissements d'enseignement et les professionnels de la santé, définir un plan national interdisciplinaire des ressources humaines en santé pour répondre de façon efficace à l'évolution prévue des besoins en soins des patients. L'offre, la répartition des fournisseurs et les champs d'activité doivent reposer sur des données relatives aux ressources nécessaires à l'obtention de résultats positifs à un prix abordable.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Avant de passer aux questions, je tiens à faire une observation au sujet du témoignage de l'Association canadienne des soins de santé. Je vous remercie beaucoup des documents qui figurent à la fin de votre mémoire au sujet des principes que vous appuyez, mais dont la mise en œuvre vous inspire quelques réserves. Voilà précisément le genre de choses que nous recherchons. Cela nous est très utile.

Aux fins du compte rendu, je tiens à préciser que nous voulons mettre l'accent sur vos vues, et non pas sur le marché interne. Comme vous l'avez mentionné à juste titre, nous étions moins catégoriques sur ce principe que sur celui du financement fondé sur les services dispensés. Vous êtes les premiers fournisseurs institutionnels à vous prononcer contre le financement fondé sur les services dispensés. Tous les autres témoins, qu'il s'agisse de PDG de régies régionales de la santé ou d'hôpitaux universitaires — un échantillonnage assez représentatif d'intervenants — se sont pour une large part montrés favorables à cette forme de financement. Nous allons devoir explorer cette question en profondeur.

Le sénateur Robertson: On nous a présenté deux témoignages des plus intéressants soulevant plus de questions que nous devrons examiner. Ma première question s'adresse à l'Association canadienne des soins de santé.

À la page 2 de votre mémoire, vous vous dites en faveur du principe d'une source unique de financement, mais vous formulez une mise en garde au sujet d'un organisme indépendant. Comment pourrions-nous apaiser vos préoccupations? Elles ne sont pas dépourvues d'une certaine légitimité. Nous avons également des services gouvernementaux indépendants.

Le président: Je vais poser une question supplémentaire dans le même ordre d'idées. Pour accepter d'investir davantage dans le système de soins de santé, les Canadiens, croyons-nous, doivent être convaincus que le nouvel argent va bel et bien aboutir dans le système. Un ministre des Finances, fédéral ou provincial, ne devrait pas pouvoir siphonner les fonds six mois avant une élection.

Même si, dans notre rapport, nous n'avons pas tout à fait présenté les choses ainsi, l'un des avantages que revêt pour nous un organisme indépendant est que les gouvernements ne pourraient pas, par exemple, accéder aux fonds du RPC. Pour convaincre les Canadiens de consentir cet effort additionnel, on devra empêcher les gouvernements d'aller puiser dans ces fonds en cas de besoin.

Le sénateur Robertson a eu le malheur d'être ministre de la Santé à une époque où le ministre des Finances souhaitait faire main basse sur une partie de l'argent en question. Nous serions ravis de trouver une façon de contourner ce problème.

Mme Sholzberg-Gray: Nous partageons la même préoccupation. Nous sommes de façon générale préoccupés par le principe de la reddition. À de multiples reprises, au pays, nous avons été confrontés à de régies régionales qui, en un sens, agissent à titre de semi-commissions indépendantes ou de semi-sociétés d'État. Elles font office de tampon entre le gouvernement et le grand public.

Souvent, on a du mal à établir les intérêts qu'elles servent. Ceux du public? Lorsqu'ils sont élus, leurs membres pensent généralement qu'il en est ainsi. Souvent, ils sont nommés par le gouvernement. On a fréquemment affaire à des modèles mixtes. Les membres ont des incertitudes. Doivent-ils rendre des comptes au public ou à leurs maîtres?

L'établissement de ce qu'on appelle un organisme «indépendant» ne constituera pas en soi une solution au problème. La définition de rôles et de responsabilités absolument claires au sein de notre système de soins de santé devrait, selon nous, remédier au problème.

Premièrement, le gouvernement doit assurer un financement adéquat. Il doit définir ce qui sera visé par le régime public. Ce rôle incombe sans contredit au gouvernement.

Deuxièmement, nous avons dit à maintes reprises que le gouvernement ne doit pas intervenir dans la microgestion du système de santé. Certains problèmes se sont posés du fait que des gouvernements ont tenté de le faire. D'aucuns affirment que le gouvernement prend de mauvaises décisions. La délégation de ces responsabilités à une autre entité — la régie régionale de la santé, ou, en Ontario, les hôpitaux — n'a pas réglé les problèmes que sont le sous-financement gouvernemental, l'absence de responsabilités et de rôles clairement définis ou l'absence de responsabilités claires à l'égard des résultats. Les gouvernements édictent des règles interdisant les déficits. Qu'arrive-t-il à un établissement qui accueille deux fois plus de patients atteints d'une maladie cardiaque que prévu?

Les risques à cet égard sont relativement limités puisque, en règle générale, on peut faire des prédictions légèrement meilleures. Cependant, il s'agit d'une question complexe et délicate. On ne fera jamais en sorte que le gouvernement se retire entièrement de ces dossiers — et cela n'est pas non plus souhaitable. Deuxièmement, on ne parviendra pas à régler le problème en déléguant les responsabilités en la matière à des sociétés d'État si on n'a pas défini clairement les rôles de ces dernières, assuré leur financement adéquat et prévu des mesures du rendement appropriées.

Voilà ce que nous disons. Nous n'affirmons pas que le fait d'établir une société est en soi une mauvaise chose. Tout ce que nous disons, c'est que l'absence de définitions relatives aux rôles, aux responsabilités et au financement adéquat d'un tel organisme pose problème.

Souvent, les gouvernements se cachent derrière une société d'État ou s'ingèrent dans ses activités.

Ils peuvent congédier les membres du conseil d'administration issus de la collectivité ou désigner un superviseur pour un hôpital. Si, en d'autres termes, nous ne nous occupons pas de ces questions préalables, nous n'allons par régler le problème.

Le sénateur Robertson: Il y a un autre problème que vous n'avez pas soulevé. Ce problème préoccupe le comité et préoccupe aussi le public. Je fais référence aux querelles incessantes entre les provinces et le gouvernement fédéral. On n'en voit pas la fin. Les citoyens nous invitent à trouver un moyen de mettre un terme à ces luttes et à leur fournir des soins de santé décents. Certains témoins ont laissé entendre qu'une commission indépendante — c'est l'expression que je vais utiliser pour le moment, faute de mieux, — constituerait un pas dans la bonne direction dans la mesure où elle permettrait d'atténuer la rhétorique qui se fait jour régulièrement.

Nous sommes tous au courant des problèmes de financement qu'éprouvent les gouvernements. Nous serions très intéressés à vous entendre sur ces questions parce que nous allons devoir bientôt serrer les dents et formuler des recommandations sur le financement.

On nous a également interrogés au sujet du financement pluriannuel. Les membres du comité sont à peu près convaincus qu'un financement pour une seule année ne va pas fonctionner. Si vous avez des recommandations à faire sur les moyens de coordonner le financement pluriannuel, de manière qu'on ne puisse imposer de profondes restrictions sans explications adéquates, nous serions intéressés à les entendre. Ces questions enveniment les relations fédérales- provinciales.

Mme Sholzberg-Gray: Vous avez posé deux questions. D'abord, vous avez parlé d'une société d'État ou d'une quelconque commission indépendante ou autonome qui, d'une certaine façon, ferait quelque chose pour atténuer les querelles fédérales-provinciales. Si le gouvernement fédéral n'accorde pas de fonds suffisants à cette commission, aucun des problèmes en question ne sera réglé. Ils seront réglés le jour où les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux décideront d'un commun accord d'agir dans l'intérêt des Canadiens. Ils le feront si des pressions s'exercent sur eux. Ils doivent comprendre les responsabilités qui leur incombent.

Si, à titre d'exemple, le comité indique au gouvernement fédéral — à la lumière du présent rapport, on peut penser qu'il s'oriente dans cette voie — qu'il n'y a pas assez d'argent pour assurer la survie financière du système de soins de santé et qu'il ne paie pas sa juste part, une commission sera pratiquement inopportune. Le gouvernement devrait savoir qu'on propose un mécanisme de financement pluriannuel assorti d'une base adéquate et d'indexations suffisantes. Notre association préconise certains fonds ciblés et transitoires pour la réalisation de certains objectifs.

Le gouvernement devait établir clairement que les fonds sont versés pour des fins précises. Il ne devrait pas se lancer dans la microgestion de ce que font les provinces. Il devrait plutôt assurer une certaine comparabilité partout au pays, en regard de certains objectifs. Une telle façon de faire pourrait donner de bons résultats.

Sans un cadre adéquat ou un financement suffisant, il n'est pas du tout certain qu'une commission pourrait s'acquitter de ces tâches. Des engagements pluriannuels et la certitude que les fonds visent à faire les frais du changement revêtent de l'importance.

Je vais éviter de faire référence à des événements survenus à Ottawa qui n'ont aucun rapport avec le système de santé. Cependant, il est certain que les relations entre des sociétés d'État et des ministres ont beaucoup nourri la rumeur à Ottawa. La réponse ne réside pas nécessairement là. Cela pourrait fonctionner, pour peu que toutes les autres conditions soient réunies. Voilà comment nous réagissons.

Le sénateur Robertson: Je suis d'accord pour dire qu'un tel système exigerait un contrôle serré.

Mme Sholzberg-Gray: Au bout du compte, je ne suis pas certaine qu'un ministre pourrait affirmer: «Cette question ne relève plus de moi. J'ai viré l'argent à la société d'État. Si les services ne sont pas offerts de façon efficiente, c'est sa faute.» Il s'agit toujours d'une responsabilité gouvernementale. Pour qu'une telle démarche donne de bons résultats, il faut que toutes les autres conditions soient réunies.

M. Larry Odegard, PDG, Forum, Association canadienne des soins de santé: Dans un certain nombre de régions, on a eu recours à l'intégration et à la régionalisation. En Colombie-Britannique, par exemple, il y a cinq régions dotées de budgets qui se chiffrent en milliards de dollars, et une autre dont le budget n'est que de 300 millions de dollars. À Calgary et à Edmonton, les fonds se chiffrent en milliards de dollars, tout comme à Winnipeg. Nous avons affaire à des organismes de très grande taille. Je ne suis pas certain qu'on pourrait faire beaucoup plus en regroupant ces organismes sous un autre groupe cadre.

Deuxièmement, les présidents de régies de la santé de chacune des administrations de l'Ouest se réunissent régulièrement en conseil, et les PDG ont des rencontres avec des hauts fonctionnaires des ministères. Je sais que la Colombie-Britannique et, si je comprends bien, d'autres administrations s'orientent vers le financement pluriannuel.

La Colombie-Britannique en particulier oblige les conseils d'administration à signer des contrats de rendement. Ces derniers répondent aux préoccupations du président, qui disait craindre que l'argent destiné à la santé ne finisse à la voirie.

Il importe d'assurer cette forme de reddition de comptes. Nos associations contribuent à faire en sorte que l'argent aille où il se doit en posant des questions de ce genre. On assure une administration et un contrôle suffisants pour que bon nombre de ces problèmes soient réglés.

Le sénateur Robertson: Vous avez dit que la concurrence se justifiait plus ou moins du fait que, au sein de la structure hospitalière, chacun fait déjà de son mieux. À la lumière des propos de nos témoins, je n'en suis pas persuadée. Ce serait bien, mais je ne suis pas certaine que telle est la réalité.

J'aimerais poser une brève question à l'Association canadienne des chaînes de pharmacies. On a déjà dit que les membres de votre groupe, en tant que personnes susceptibles de donner leur avis sur le système de soins de santé, étaient sous-utilisés. Toute suggestion sur une meilleure impartition des tâches nous serait utile.

La question des aînés et des médicaments coûteux nous préoccupe bien davantage. Partout au pays, des aînés ont du mal à assumer le coût des médicaments. En fait, certains témoins ont laissé entendre que nous devrions ajouter un ou deux principes aux cinq que renferme déjà la Loi canadienne sur la santé. Selon eux, on devrait revenir sur ces principes. Peut-être devrions-nous le faire, monsieur le président.

Vous avez dit que le gouvernement fédéral devrait jouer un rôle dans certains secteurs. Si je vous ai bien compris, vous souhaitez la participation continue des secteurs public et privé. Vous ne souhaitez pas un programme général d'assurance-médicaments? Pourriez-vous revenir sur ce point, s'il vous plaît? Le financement est extrêmement important.

Mme Deb Saltmarche, directrice de la pharmacie, Association canadienne des chaînes de pharmacies: Vous avez touché deux ou trois aspects. Permettez-moi d'abord de commencer par le régime national d'assurance-médicaments. Impossible d'envisager d'assurer tous les médicaments pour tous les Canadiens. Par conséquent, nous sommes d'avis qu'un régime national d'assurance-médicaments devrait être fondé sur une utilisation optimale des médicaments. Les pharmaciens ont un rôle important à jouer dans ce domaine. Le régime devrait bénéficier d'un financement à la fois public et privé. On devrait prévoir un filet de sécurité pour répondre aux problèmes des coûts catastrophiques pour certains groupes, par exemple, les aînés, les personnes non assurées et sous-assurées n'ayant pas les moyens de se procurer les médicaments dont elles ont besoin. À notre avis, le gouvernement fédéral a un rôle à jouer au chapitre du coût catastrophique des médicaments, non seulement pour les aînés, mais aussi pour les personnes non assurées et sous-assurées.

Vous vous êtes demandé si nous devrions ajouter l'assurance-médicaments au principe énoncé dans la Loi canadienne sur la santé. Une telle mesure est selon nous prématurée. La première approche à adopter consiste probablement à établir des incitatifs positifs favorisant une meilleure utilisation du système pour créer des résultats optimaux.

Le sénateur Cordy: Je veux poser une question supplémentaire sur votre affirmation selon laquelle on ne devrait pas miser sur un régime universel d'assurance-médicaments: 97 p. 100 des Canadiens bénéficient d'une forme ou une autre d'assurance-médicaments, mais ce chiffre est en réalité trompeur puisque, dans la région de l'Atlantique, un grand nombre de personnes, soit entre 23 et 27 p. 100 ne bénéficient d'aucune assurance. Sans même parler de coûts prohibitifs, je fais ici référence à des personnes qui n'ont pas d'assurance du tout.

À titre de sénateur de la région de l'Atlantique, je considère le programme national d'assurance-médicaments comme très important. Avez-vous d'autres commentaires à formuler à ce sujet?

Mme Saltmarche: Peut-être pourrais-je clarifier notre approche du régime national d'assurance-médicaments. Il est certain qu'un formulaire national a sa place dans le domaine des soins de santé au Canada. Cependant, nous sommes d'avis qu'un formulaire national s'appliquant à tous les médicaments sera trop coûteux et non viable. Une meilleure approche consisterait à instituer un organisme national de gestion de l'utilisation des médicaments chargé de superviser un certain nombre de médicaments de base figurant sur un formulaire national qui, aux fins de l'assurance, est administré au niveau provincial.

Les provinces de l'Atlantique sont un bel exemple d'endroit où se recrutent les personnes sans assurance. Une fois de plus, nous sommes d'avis qu'il y a place à l'établissement d'une structure nationale adoptant une approche plus rationnelle et faisant appel à un mécanisme national d'utilisation des médicaments pour créer un formulaire, même si le régime ainsi créé ne serait pas tous azimuts et, par conséquent, n'assurerait pas tous les médicaments de tous les citoyens.

Le sénateur Cordy: Êtes-vous en train de me dire que vous souhaitez l'établissement d'un formulaire national, mais pas d'une assurance nationale?

Mme Saltmarche: Oui, nous opterions pour un formulaire national. Seulement, il n'assurerait pas tous les médicaments pour tous les citoyens. Dans un premier temps, nous proposons l'établissement d'un formulaire national doté de mécanismes de contrôle et d'un plan de gestion de l'utilisation des médicaments.

Le premier secteur relativement auquel nous devrions étudier les possibilités d'assurance, c'est celui des coûts catastrophiques des médicaments, que ce soit pour les personnes qui doivent prendre des médicaments à prix élevé au- dessus de leurs moyens ou des personnes sous-assurées qui doivent prendre des médicaments pour des infections chroniques.

Le sénateur Cordy: Oui, dans la région de l'Atlantique, la réalité, c'est que de nombreuses personnes ne sont pas visées par un régime d'assurance-médicaments.

Mme Saltmarche: Oui, il s'agit de la population qui, au départ, devrait être visée par un régime s'appliquant aux coûts catastrophiques des médicaments.

Le sénateur Cordy: Votre définition de «coûts catastrophiques des médicaments» s'appliquerait-elle aux personnes qui ne sont pas assurés du tout?

Mme Turik: Oui.

Le sénateur Cordy: Quand je pense aux coûts catastrophiques des médicaments, je pense aux personnes qui sont visées, mais pour qui un copaiement de 20 p. 100 est en réalité très élevé.

Mme Saltmarche: Le régime que nous proposerons s'appliquerait aux deux populations.

Le président: Je veux revenir sur ce point, en partie parce que le sénateur Robertson est l'ex-ministre de la Santé du Nouveau-Brunswick. À la page 6 de votre rapport, vous faites allusion à ce que vous appelez la «Fredericton Pharmacy Initiative». Sans nécessairement entrer dans les détails, avez-vous d'autres renseignements à nous fournir à ce sujet?

Dans les deux exemples que vous avez cités, c'est-à-dire les personnes atteintes d'asthme et de maladies gastro- intestinales, le rôle joué par les pharmaciens semble avoir entraîné une chute spectaculaire des coûts. D'abord, je pense que nos attachés de recherche aimeraient consulter l'étude. Pouvez-vous nous parler du rôle joué par les pharmaciens? En quoi le rôle joué par ces derniers dans le cadre de cette étude diffère-t-il de celui qu'ils jouent normalement? Comment cette expérience s'est-elle traduite par les économies dont vous faites état?

Mme Saltmarche: Les pharmaciens ne sont pas allés au-delà de ce que la plupart des pharmaciens communautaires sont en mesure de faire. Nous avons uniformisé l'approche des soins aux patients pour mesurer l'effet sur les résultats.

Essentiellement, le patient s'est prêté à une interview de dix minutes avec le pharmacien. Ce dernier a sensibilisé le patient à des questions touchant le mode de vie, les facteurs déclencheurs de maladies et la gestion des appareils. On a ensuite effectué un suivi auprès du patient pour assurer le respect des posologies.

On n'a pas élargi le rôle du pharmacien. L'expérience a été menée de concert par les pharmaciens et les médecins. On avait pour but de faire la démonstration de la valeur qu'ajoute déjà le rôle du pharmacien au système de soins de santé. Les pharmaciens sont sous-utilisés, et l'étude nous a permis de prendre conscience des possibilités économiques dont pourrait bénéficier l'ensemble du système de soins de santé.

Le président: Au lieu de se contenter d'exécuter une ordonnance, les pharmaciens se sont assis avec les patients pour leur expliquer les modalités d'utilisation optimale de leurs médicaments. A-t-on tenté de déterminer si les patients les avaient ou non utilisés? A-t-on eu recours à un groupe témoin?

Mme Saltmarche: Nous n'avons pas eu recours à un groupe témoin dans le cadre de l'étude, ce qui, je l'avoue, est une lacune. Vous soulevez là un très bon point, sénateur; nous sommes allés au-delà de la simple exécution d'ordonnance. Normalement, on va à la pharmacie pour faire exécuter une ordonnance; chacun en a fait l'expérience.

Au moyen de ces services, nous avons illustré l'apport d'un rôle accru du pharmacien dans les soins primaires. Actuellement, on ne reconnaît que l'aspect «exécution» du travail que nous effectuons, à l'exclusion des services cognitifs que nous sommes en mesure de fournir, lesquels pourraient contribuer à réduire les coûts des soins de santé. C'est là une des possibilités qui s'offrent à nous.

Le président: On vous verse des frais d'exécution d'ordonnance, et non des honoraires tenant compte de l'application de vos connaissances dans un contexte plus général.

Mme Saltmarche: Les frais qu'on nous verse ne portent que sur le coût de la main-d'œuvre et de l'exploitation de l'établissement concernant l'exécution des ordonnances.

Le président: Dans le paragraphe suivant, vous faites allusion à une étude analogue. Vous nous rendriez service en nous faisant parvenir cette information.

Le sénateur Morin: Je vais commencer par Mme Turik et Mme Saltmarche. Je ne suis pas certain de bien comprendre votre réponse.

Par «formulaire national», on entend une liste de médicaments pouvant être prescrits dans le cadre d'un programme d'assurance-médicaments donné. Ce n'est pas la même chose qu'une assurance assortie d'un filet de sécurité. Le sénateur Cordy ne parlait pas d'un formulaire national, mécanisme avec lequel elle est d'accord ou en désaccord. Elle faisait référence à un type d'assurance-médicaments applicable à des endroits où les problèmes sont particulièrement aigus, comme par exemple dans les provinces de l'Atlantique.

La question est ici de savoir si toutes les provinces à l'ouest des provinces de l'Atlantique bénéficieraient d'une protection très différente. Certaines sont plus généreuses que d'autres, comme vous le savez. Le problème que pose un financement national comme celui que vous recommandez, c'est qu'il est délicat de financer une région du pays, mais pas une autre. Si on se contente de combler les lacunes, les provinces de l'Atlantique bénéficieront de plus d'argent, ce qui est peut-être en soi une excellente chose, mais certaines autres, dont les ressources sont limitées et qui ont investi massivement dans le programme d'assurance-médicaments — le Québec en est un bon exemple — seraient privées de fonds fédéraux. Avez-vous réfléchi à cette question?

Mme Turik: Oui. Je vous renvoie à notre définition de «coûts catastrophiques des médicaments», qui répond à la question que vous posez.

Selon notre expérience, les coûts catastrophiques des médicaments ont deux composantes. La première a trait aux affections graves ou mortelles, où les coûts excèdent la capacité de payer d'un particulier. La deuxième concerne les pharmacothérapies des médicaments nécessaires plus banales, par exemple pour des infections chroniques ou débilitantes, à l'intention de populations dont l'absence d'assurance ou la sous-assurance constitue un obstacle à l'obtention des thérapies en question.

Dans de nombreux cas, on pourrait soutenir que la situation des provinces de l'Atlantique relève de la deuxième catégorie, c'est-à-dire les personnes sous-assurées ou dont l'assurance ne s'applique pas aux coûts engagés, ce qui empêche les intéressés d'accéder aux pharmacothérapies indiquées. Dans de tels cas, nous recommandons fortement le renforcement du filet de sécurité. Une fois la définition de «coûts catastrophiques des médicaments» en place, on pourrait élargir la protection faite aux personnes appartenant à ces catégories.

Nous pensons que des fonds additionnels sont nécessaires. Selon nous, c'est le gouvernement fédéral qui devrait éponger la facture additionnelle.

Nous savons bien que différentes régions et différentes provinces du Canada ont des degrés d'assurance différents, mais nous pensons qu'il n'est pas nécessaire d'égaliser les situations partout au pays.

On pourrait franchir un pas en ce sens en élaborant un mécanisme d'examen commun; une deuxième étape consisterait à établir un formulaire commun, de façon que chacune des provinces s'appuie sur une liste commune de médicaments; dans un troisième temps, on établirait le filet de sécurité à l'intention des particuliers ayant besoin d'une telle forme d'assurance publique.

Le régime d'assurance-médicaments dont les coûts sont catastrophiques, ou le financement public, doit s'inspirer de l'infrastructure d'assurance bien conçue et bien établie qui existe déjà pour de nombreuses personnes. Cette solution est préférable à la création d'un régime national d'assurance-médicaments pour tous. Il s'agirait strictement d'un filet de sécurité grâce auquel on s'assurerait que les citoyens ont accès aux médicaments nécessaires.

Le sénateur Morin: Vous avez fait allusion à l'utilisation de pharmaciens pour la prestation de soins primaires, initiative qui, avez-vous dit, permettrait de réaliser des économies. Je ne suis jamais convaincu par ce genre d'argumentation. Un économiste qui a comparu devant nous a affirmé que des services analogues génèrent des salaires analogues. On en a un bon exemple au Québec, où les pharmaciens peuvent maintenant prescrire la pilule du lendemain, ce qui évite aux femmes de courir au besoin chez un médecin, ce qui est une excellente chose.

Tout le monde est d'accord, y compris le Collège des médecins du Québec et ainsi de suite. Cependant, la première chose que les pharmaciens ont faite a été d'exiger des honoraires correspondant exactement à ceux dont aurait bénéficié un médecin pour une visite.

On affirme que le fait de recourir à d'autres professions générera des économies. Je ne vois pas pourquoi. À service égal, salaire égal, peu importe la profession concernée. Les économies sont une bonne chose, mais elles ne doivent pas se faire au prix d'un renvoi de responsabilités d'une profession à une autre.

Mme Saltmarche: Je suis d'accord avec ce principe. La science économique, c'est l'art d'allouer les ressources pour obtenir la répartition la plus efficiente et des résultats optimaux. Que le service soit offert par un pharmacien ou par un médecin, les avantages pour le patient sont les mêmes. Dans ce cas, nous pourrions peut-être réduire les coûts dans d'autres secteurs du système en favorisant l'accès. Les cabinets de médecins ne sont pas toujours ouverts, tandis que les pharmacies ont des heures d'ouverture prolongées. En Colombie-Britannique, où les médecins sont autorisés à prescrire la pilule du lendemain, nous avons constaté une diminution du nombre d'avortements, tandis que le nombre de consultations auprès du médecin a augmenté. Les patientes effectuaient un suivi auprès de leur médecin. Le coût d'un avortement s'élève à 800 $, tandis que celui de la prestation du service dans une pharmacie est de 40 $ à 50 $. En ce sens, il y a bel et bien une économie. Le pharmacien, en plus de favoriser l'accès au produit, libère le médecin, qui peut fournir des services que le pharmacien n'est pas en mesure d'offrir, par exemple des diagnostics.

Le sénateur Morin: Je suis tout à fait d'accord avec vous. Il y a là une économie véritable.

Y a-t-il des provinces qui ont recours à l'achat en vrac de médicaments ou à des offres permanentes?

Mme Saltmarche: Oui. La Saskatchewan y a recours, et nos membres ont jugé le système très insatisfaisant, du point de vue de l'approvisionnement, de la distribution et des soins aux patients. En raison de changement de contrat ou encore de changement ou d'interruption de l'approvisionnement, on a dû cesser de fournir à des patients les médicaments qui avaient permis de stabiliser leur état.

Le sénateur Morin: Cela veut-il dire que, là où deux médicaments génériques sont offerts, on ne peut en utiliser qu'un seul en Saskatchewan?

Mme Saltmarche: Oui. Du même souffle, on réduit la concurrence, ce qui peut entraîner une remontée des prix.

Le sénateur Morin: Madame Sholzberg-Gray, avant de passer à mon commentaire, j'aimerais avoir des informations sur la page 15 de votre document daté de mai 2002. Je fais référence au point 19, qui porte sur la promotion de la santé.

Là, vous faites allusion à un phénomène qui m'avait échappé. C'est extrêmement important. «[Le gouvernement fédéral] a récemment réduit de façon excessive le financement des activités de promotion de la santé [...]». À quel point, le phénomène est-il récent? Avons-nous affaire à l'examen des programmes qui a été effectué dans les années 90 ou à quelque chose de plus actuel?

Mme Sholzberg-Gray: Aux nouvelles, on nous parle de l'importance que revêtent l'activité physique, l'exercice et ainsi de suite. Pourtant, nous savons tous que, il n'y a pas si longtemps, on a supprimé le programme Participaction.

Le sénateur Morin: Vous avez des chiffres à ce sujet?

Mme Sholzberg-Gray: Non, mais nous pourrions les produire. Lorsque les gouvernements sabrent dans les programmes, ce qui s'est produit au lendemain de l'examen des programmes et continue de se produire, de nombreux programmes de promotion de la santé, dans le cadre desquels on finance les collectivités pour améliorer la santé des citoyens, sont supprimés.

Le sénateur Morin: Dans notre rapport, nous recommandons que le gouvernement fédéral investisse davantage dans les activités qui relèvent de sa responsabilité, par exemple la promotion et la protection de la santé. Si des réductions importantes ont été effectuées récemment, il serait utile que nous soyons mis au courant. Nous pourrions alors recommander un retour au niveau initial, puis une majoration du financement. C'est une question d'information.

Mme Sholzberg-Gray: Ces programmes ont fait l'objet de réorganisations constantes. À titre d'exemple, il y a des programmes dans le cadre desquels des organisations non gouvernementales reçoivent des fonds pour faire la promotion de la santé et soutenir certaines activités saines dans les collectivités. On impose des compressions budgétaires à ces programmes ou à l'infrastructure qui les soutient.

Le sénateur Morin: Vous parlez de projets pilotes?

Mme Sholzberg-Gray: Oui. On assiste à des changements constants. On n'a fait aucun effort pour accroître ou bonifier les programmes exécutés par Santé Canada pour améliorer l'état de santé des Canadiens. On en parle beaucoup, mais on en reste généralement aux vœux pieux. J'en veux pour preuve le montant total que le gouvernement fédéral affecte à la santé et le montant infime qu'il alloue à la promotion de la santé. Nous allons vous citer des exemples plus tard.

M. Odegard: Il y a quelques années, je siégeais au bureau de santé de Saskatoon. À l'époque où j'agissais comme PDG dans une région, nous avons mis en place un projet «collectivités en bonne santé». Pendant cinq ou six ans, ils ont été relativement nombreux au pays. Il y a environ trois ans, ils ont été supprimés en Colombie-Britannique.

Le problème qui se pose ici, comme Mme Sholzberg-Gray l'a laissé entendre, s'explique en partie par la concurrence que se livrent les activités de prévention de la maladie et de promotion de la santé au sein du système de soins de santé. Même dans le secteur de la santé, la Direction de l'inspection sanitaire, le médecin-hygiéniste et ainsi de suite se font concurrence. C'est un problème.

Le sénateur Morin: Je suis d'accord. Ce qui me préoccupe, c'est votre déclaration selon laquelle il y a eu des réductions. Je me demandais si vous pouviez les chiffrer.

M. Odegard: Nous nous sommes retrouvés avec une série de projets qui ont été supprimés ou qu'on a laissé mourir de leur belle mort. Il y a peut-être là un élément d'explication.

Le sénateur Morin: Dans notre rapport, nous affirmons que l'évaluation du système de soins de santé devrait se faire à l'échelon national, et nous pensons que les deux organismes qui devraient s'en charger sont l'ICIS, auquel vous avez fait référence, et le Conseil canadien d'agrément des services de santé. Nous ne les avons pas encore entendus et nous n'aurons probablement pas l'occasion de le faire.

Vous avez joué un rôle important au sein du deuxième organisme. Pouvez-vous nous donner une idée du mode de financement et des responsabilités de l'organisme? Ainsi, les renseignements figureront au compte rendu pour notre rapport.

M. Odegard: Il se trouve que j'ai avec moi un exemplaire d'une publication récente, que je montrerai à vos attachés de recherche. Je croyais que ces documents devaient vous être fournis. La publication s'intitule «MIRE: Mesures implantées pour le renouveau de l'évaluation». Elle a été élaborée conjointement par l'Institut d'information sur la santé (ICIS) et le Conseil canadien d'agrément des services de santé (CCASS).

Le président: S'agit-il d'une nouvelle publication?

M. Odegard: Oui, toute nouvelle. Elle a paru au cours du dernier mois. Dans ce document, on trouve des mesures spécifiques, objectives et quantifiables répondant précisément aux points soulevés. Malheureusement, les résultats sont compromis par l'absence de données fiables, et nous devons continuer de travailler dans ce domaine. Il s'agit d'une initiative d'envergure nationale, ce qui est fort précieux. Moi qui effectuais autrefois des visites d'agrément, je puis vous affirmer que nous utilisions en général des mesures subjectives plutôt que des mesures quantifiables, mais, dans ce domaine, nous nous sommes récemment plutôt bien tirés d'affaire.

Le sénateur Morin: Êtes-vous financés par les établissements que vous visitez?

M. Odegard: Oui. Nous avons eu cette discussion avec le président du conseil. Nous pensons que le recours à une autre source de financement procurerait certains avantages. Il me semble qu'il serait dans l'intérêt du gouvernement fédéral de miser sur un instrument d'évaluation national, en partie en soutenant le conseil — ce qu'il fait de façon applicable —, mais tout en faisant en sorte que le processus volontaire d'amélioration de la qualité, dont rend compte l'agrément, se poursuive. Peut-être pourrait-on scinder les deux de manière à favoriser une amélioration du rendement.

Le président: Je n'ai pas étudié en détail le fonctionnement du système d'agrément actuel. J'ai assisté à des conférences où des personnes associées à ce processus ont affirmé qu'il s'apparentait pour une large part à «une vieille clique dont les membres s'évaluent les uns les autres».

Dans quelle mesure le processus est-il objectif? Dans quelle mesure a-t-on simplement affaire à un sous-groupe de l'organisme chargé aujourd'hui d'évaluer l'établissement de quelqu'un d'autre, après quoi, six mois plus tard, un sous- groupe différent va en évaluer un autre?

M. Odegard: J'accueillerai volontiers ce débat. Je suis un ardent partisan du processus d'agrément. À titre d'ex- membre d'une clique, on m'a demandé de m'abstenir d'effectuer des visites à des fins d'évaluation pour une période d'un an suivant mon départ du conseil d'agrément. Pour continuer d'agir comme évaluateur, on doit appartenir à un organisme d'agrément. On ne doit pas non plus effectuer des évaluations dans sa propre province ou administration, et on doit toujours s'inscrire dans une équipe multidisciplinaire. Il est rare qu'on revienne dans un organisme qu'on a évalué par le passé.

Il existe une série de mesures entièrement automatisées et aujourd'hui très objectives qui visent à supprimer les préjugés inhérents. S'il existe des préjugés, ils vont plutôt dans le sens de la concurrence que dans celui de la connivence avec autrui.

Le président: J'avais plutôt l'impression que le travail de ces personnes s'apparentait plutôt à celui des juges qui participent à des compétitions de patinage artistique. Je répète simplement ce qu'on m'a dit, et je ne prétends pas être au courant de la situation. Il est utile d'avoir vos commentaires à ce sujet pour le compte rendu.

Mme Sholzberg-Gray: D'abord, un certain nombre d'organismes siègent au conseil d'administration du Conseil canadien d'agrément des services de santé, y compris l'Association canadienne des soins de santé. En fait, notre représentant au conseil est le président nouvellement élu du CCASS. On ne doit pas en conclure à l'existence d'une «vieille clique» ni rien du genre.

Le déplacement vers les mesures objectives, le recours à des indicateurs, à des formes d'évaluation informatisées et à des normes auxquelles tous et chacun doivent répondre — sans compter que, pour la première fois, le CCASS rendra compte des résultats — font en sorte que les comparaisons entre établissements apparentés revêtent une très grande importance.

Cela dit, je dois vous dire que les établissements et les régies régionales de la santé qui ont reçu l'agrément s'inquiètent du processus. Par le passé, ils ont manifesté des préoccupations relatives à la conformité sur papier. Le processus d'agrément est censé déboucher sur l'amélioration continue de la qualité. Il ne devrait pas s'agir que d'une démarche qu'on fait à seule fin d'obtenir l'agrément. On cherche à mettre sur pied un processus annuel en vertu duquel seuls certains secteurs d'un établissement ou d'une régie régionale de la santé recevraient l'agrément. Ce serait une amélioration. La démarche n'a pas pour but la conformité sur papier ni la création d'une vieille clique. En fait, elle vise plutôt l'établissement de mesures objectives; voilà pourquoi le conseil travaille en collaboration avec l'organisme chargé de rendre des comptes au public. En fait, il travaille avec l'Institut canadien d'information sur la santé parce que les soins de santé relèvent de sa compétence. Ensemble, ils produisent certaines mesures objectives du rendement à l'avantage du Canada.

Nous ne sommes pas pour autant sortis du bois, et rien n'est parfait, puisqu'on doit apporter des améliorations continues au processus pour répondre aux préoccupations que vous avez soulevées.

Le président: Merci beaucoup de ces commentaires utiles.

Le sénateur Morin: Il s'agit d'un enjeu important. Je vais maintenant dire un mot de la question du financement fondé sur les services dispensés.

J'ai lu le rapport initial avec soin, et il m'est alors apparu logique. J'ignore qui l'a rédigé, mais il est bien écrit et logique, même si je ne suis pas d'accord avec tout ce qu'on y trouve. Il s'agit d'un document analytique.

Comme vous le savez, les auteurs du rapport Bédard au Québec ont recommandé le financement fondé sur les services dispensés. Le ministre Legault a décidé que nous allions nous engager dans cette voie. Dans d'autres pays, on procède de la sorte depuis un certain temps. Le Danemark fait appel à cette méthode depuis des années maintenant, non sans certains résultats, paraît-il.

Je vais grouper deux enjeux. Le financement fondé sur les services dispensés, la division entre acheteurs et fournisseurs et les marchés internes relèvent tous du même domaine. Pour modifier un service donné, on doit avoir une certaine idée de son coût. Dans votre document, vous avez dissocié ces questions, je m'en rends bien compte, mais je vais pour ma part les grouper.

Ce qui compte ici, c'est la recherche d'efficience. J'imagine que ce genre de financement est plus efficient que le financement global. Dans votre document, vous faites allusion au fait que les hôpitaux fournissent des soins tributaires des procédures. Un professionnel fournissant des soins primaires aiguillera un patient vers un hôpital offrant telle ou telle procédure. Jusqu'à un certain point, un hôpital est responsable d'une population donnée, mais pas au même titre qu'une clinique communautaire ou un groupe de soins de santé primaires.

Je suis d'accord. Cependant, l'hôpital moderne doit trouver le moyen d'offrir des soins efficients, de manière à produire un rapport coûts-avantages acceptable. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire que nous n'avons pas de données sur l'établissement des coûts ni sur les résultats. Nous aurions dû commencer par là. Une fois que nous aurons ces données en main, cependant, la question ne sera pas de fermer l'hôpital, comme vous le laissez entendre dans votre rapport, ni de faire en sorte que des lits demeurent inoccupés, mais plutôt de veiller à ce que les procédures s'effectuent dans les hôpitaux en mesure de le faire de la façon la plus efficiente. C'est ce que nous faisons tout le temps. Notre collègue, le sénateur Keon, qui est malheureusement absent, le comprend très bien, au contraire de nous, qui ne possédons pas ce genre d'information. Le sénateur Keon est en mesure de décider où telle ou telle procédure sera effectuée. C'est ce qu'il doit faire. Ce genre de décisions sont prises en continu, mais nous n'avons pas accès à la même information, puisque tout est regroupé dans des budgets globaux. Il est possible qu'une intervention chirurgicale donnée soit deux fois plus coûteuse à l'hôpital A qu'à l'hôpital B. Le cas échéant, l'hôpital A doit rectifier le tir ou cesser d'effectuer la procédure.

On fermera l'hôpital, qui demeurera inoccupé. Les lits seront là, ce qui se révélera coûteux. Je suis tout à fait d'accord avec vous pour dire qu'on ne peut procéder de la sorte aujourd'hui, et je comprends votre point de vue. Le gouvernement s'est adonné à la microgestion, une ligne à la fois. Si, en revanche, les achats s'effectuent à un autre niveau — pas par le ministre de la Santé, mais plutôt par la région, par des fournisseurs privés ou des fiducies, comme en Grande-Bretagne ou ailleurs, ou par les collectivités, comme en Suède —, je pense que la démarche peut se révéler efficiente. Je ne vois pas comment nous pouvons cautionner la poursuite de certaines procédures dans les hôpitaux s'il est établi qu'elles sont plus coûteuses et que les résultats ne sont pas bons. Voilà tout le problème. Je me rends compte qu'il y a des difficultés, mais je pense que toute la question de l'efficience dans nos hôpitaux est vitale.

Comptez-vous parmi vos membres des cliniques privées ou des fournisseurs privés, sinon, y a-t-il un autre organisme auquel ils peuvent s'associer? Les représentez-vous?

Mme Sholzberg-Gray: En fait, nous sommes une fédération d'hôpitaux et d'organismes de santé provinciaux et territoriaux. Les régies de la santé provinciale du Manitoba et de la Saskatchewan sont membres de notre association; comme elles font appel à une diversité de fournisseurs dans leurs régions, les fournisseurs privés en question font indirectement partie de notre fédération. Cependant, les membres véritables de notre fédération utilisent des fonds publics pour faire l'achat d'une multitude de services.

Dans la plupart des provinces, comme vous le savez très bien, il existe des services de diagnostic, d'analyse sanguine et de laboratoires privés, et nos membres font appel à eux. Nos membres reçoivent des fonds publics et sont, pensons- nous des hôpitaux et des organismes de santé provinciaux et territoriaux publics obligés de rendre des comptes.

Le sénateur Morin: Jusqu'à un certain point, vous représentez donc des cliniques privées. Prenons le cas de l'Alberta, par exemple. On y retrouve des cliniques privées sans but lucratif. Votre organisme les représente-t-il?

Mme Sholzberg-Gray: Oui, dans la mesure où les régies régionales de la santé leur confient certains services. Il ne fait aucun doute que nous formons une association nationale. Je devrais préciser qui désigne en réalité les membres du conseil d'administration. En fait, trois personnes de l'Alberta convoitaient un siège à notre conseil d'administration, et on a dû tenir une élection publique. Ce sont les présidents des diverses régies régionales de la santé de l'Alberta qui choisissent le représentant de la province à notre conseil. Vous avez raison. À l'intérieur de ces régions, il existe une multitude de mécanismes d'exécution, et on peut espérer qu'elles décident du moyen le plus efficace de fournir des services de santé.

M. Odegard: À titre d'exemple, la Health Association of BC compte 85 membres qui ne sont pas regroupés en une région. Ce sont des exploitants indépendants. Dans certains cas, il s'agit d'organismes confessionnels et dans certains autres d'organismes privés à but lucratif. Pour environ le tiers de ma carrière, j'ai travaillé au sein d'un organisme privé à but lucratif qui offrait des services de santé. Je peux donc représenter en partie leurs intérêts.

Mme Sholzberg-Gray: Ce que vous voulez déterminer, c'est si l'information que nous véhiculons est biaisée. Premièrement, revenons à la longue question que vous avez posée au sujet du financement fondé sur les services dispensés par opposition au financement global. Vous faisiez référence aux hôpitaux, et nous avons eu tendance à élargir nos débats pour inclure des approches intégrées des soins de santé et des approches fondées sur les besoins, et non sur les procédures. Vous avez fait remarquer que les hôpitaux sont axés sur les procédures.

À l'examen de certains témoignages de personnes qui ont comparu devant le comité pour parler du financement fondé sur les services dispensés, nous avons constaté qu'elles ont soin de préciser qu'elles ne disposent pas de tous les renseignements qui permettraient l'adoption d'une telle approche à 100 p. 100. Nous y avons fait référence.

Deuxièmement, elles souhaitent toutes des formules tenant compte de complications particulières — une formule pour les hôpitaux universitaires, une approche différente pour les régions éloignées et encore une autre pour les établissements qui font ceci ou cela.

Troisièmement, bon nombre d'entre elles ont affirmé établir le coût des services pour certaines procédures, mais, du même souffle, demander l'exclusion de toutes les activités d'approche et liées aux cliniques externes. Soit dit en passant, c'est ce que font les hôpitaux. Même l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa se livre à de nombreuses activités de promotion de la santé et à des programmes d'approche à l'intention des patients atteints d'une maladie cardiaque, ce qui est très bien, et effectue un suivi par téléphone auprès des malades ambulatoires. Les établissements en question ne veulent pas qu'on inclue ces programmes dans l'approche liée au coût par service ou au coût par cas. À la fin, ils n'incluraient que de 50 à 60 p. 100 de leurs activités. Ce n'est pas nécessairement si facile à faire.

En un sens, nous disons la même chose. Ce que nous disons, c'est que, pour assurer les services les plus efficients, on doit connaître le coût par cas, et nous ne voulons pas que soient effectuées dans des établissements des procédures dont le coût par cas est élevé ou, encore pire, dont les résultats sont mauvais. Soit dit en passant, nous savons que le volume génère des résultats positifs. Peut-être allons-nous constater que la présence d'un grand nombre de petites cliniques ne produit pas de bons résultats. Tous ces facteurs entrent en ligne de compte. Nous devons également concilier le financement des hôpitaux fondé sur les services dispensés, plutôt que sur les budgets globaux, et la notion de concurrence ou de marchés internes. Nous pensons qu'il s'agit de deux enjeux distincts.

En ce qui concerne le coût par cas, je peux vous faire part d'une expérience personnelle. Il y a trois ans, j'ai subi une chirurgie de remplacement de la hanche dans un hôpital de soins tertiaires. J'avais la certitude que l'hôpital comptait parmi les membres de son personnel un cardiologue et un hématologue qui se préoccupait des caillots sanguins et est venu me voir pour discuter des anticoagulants. Il y avait aussi un spécialiste de la prévention des infections puisque le remplacement de la hanche entraîne des risques d'infection. En cas d'infection, le patient risque d'avoir des problèmes pour le reste de ses jours. Même si on pourrait réaliser un remplacement de la hanche à moindre coût dans une petite clinique ne misant pas sur un tel éventail de professionnels, je ne voudrais pas y aller, et je pense qu'il en va de même pour la majorité des Canadiens. Nous devons parler de la qualité des résultats, de la sécurité et de toutes les considérations de cette nature. On a entendu de nombreuses histoires d'horreur à propos de cliniques de chirurgie plastique privées, par exemple, qui ne bénéficient pas d'un éventail complet de spécialistes et qui, dans certains cas, n'ont pas même d'anesthésiste digne de ce nom, et nous savons que, dans de tels cas, les résultats sont mauvais. On ne peut tenir compte que des seuls coûts. Au sujet des coûts, on doit tenir compte des complications possibles, des résultats et ainsi de suite. C'est important.

Je note une similitude remarquable entre la liste de préoccupations qui nous sont venues à l'examen de cette approche et les points soulevés par les personnes qui, en dernière analyse, se disent favorables. En d'autres termes, il y a ici convergence de points de vue. L'information sur le coût par cas est absolument cruciale. Nous disons qu'il faut miser sur des centres d'excellence plutôt que sur une multitude de petites cliniques. On pourra peut-être créer une clinique vouée au traitement des hernies dans deux, trois ou quatre centres au pays, mais, dans la plupart des régions, une telle clinique ne serait pas viable, faute de nombre de procédures suffisantes. En fait, les résidents de l'Île-du- Prince-Édouard doivent quitter la province pour recevoir des soins tertiaires. Nous devons faire preuve de réalisme dans ce dossier.

Nous ne pouvons pas non plus mettre au point un modèle adapté aux grandes villes et affirmer qu'il donnera de bons résultats partout au Canada. Nous devons préciser d'entrée de jeu qu'il s'agit d'un modèle répondant aux besoins des grandes villes. Je ne voudrais pas qu'il y ait de confusion entre les notions de «marchés internes» et de «concurrence» puisque la concurrence ne devrait pas porter que sur les prix; elles devraient avoir trait à d'autres facteurs, par exemple les résultats. Je ne pense pas qu'on devrait mêler les deux questions.

Ce qui m'inquiète, c'est que le comité, dans son rapport, revient sans cesse sur les marchés internes comme moyens de réduire les coûts. La façon de réduire les coûts, c'est de colliger toute l'information et d'en rendre compte publiquement. Il faut prévoir des mécanismes de reddition de comptes et indiquer clairement aux intéressés les responsabilités qui leur échoient. Il faut veiller à ce que les résultats soient corrects et à ce que les services pertinents soient offerts. Une approche fondée sur les procédures ne permet pas nécessairement de le faire. À titre d'exemple, on pourrait faire réaliser un grand nombre d'ablations des amygdales à bon marché au pays et dire que tous les enfants devraient se faire enlever les amygdales. Ce serait totalement inutile puisque nous savons que l'ablation des amygdales n'est pas indiquée dans tous les cas. Le simple fait qu'une procédure soit peu coûteuse ou efficiente ne signifie pas que nous devrions y avoir recours. En d'autres termes, la pertinence devrait aussi servir de critère. De nombreux éléments entrent en ligne de compte. Il n'y a pas que le coût par cas ou les possibilités de faire telle ou telle chose à prix modique.

Ce qui m'inquiète, c'est la possibilité qu'on crée une concurrence artificielle et qu'on augmente la capacité et le nombre de lits, par exemple, au moment où notre pays se relève tout juste d'une période difficile au cours de laquelle on a supprimé des lits. Au cours des cinq dernières années, nous avons décidé que, en raison des nouvelles technologies, nous avions trop de lits. Il me semble que nous ne serions pas fondés à augmenter le nombre de lits parce qu'on a pour objectif futur de réduire les coûts, compte tenu surtout des niveaux réduits de ressources humaines en santé.

Nous ne sommes pas opposés à l'établissement des coûts; nous ne sommes pas opposés à la présentation de rapports; nous ne sommes pas opposés aux centres d'excellence — nous sommes favorables à toutes ces initiatives. Dans votre rapport, vous semblez laisser entendre que nous devrions adopter le plus rapidement possible le financement fondé sur les services dispensés. Cependant, nous ne pensons pas qu'il s'agisse aujourd'hui de la façon de déterminer les budgets des hôpitaux. Même ceux qui croient que c'est là la voie de l'avenir sont d'avis qu'on ne peut le faire maintenant. Puis ils ajoutent: «Vous allez devoir laisser de côté 50 p. 100 de notre budget parce que nous ne sommes pas en mesure de faire de telles choses suivant le principe du coût par cas.»

Le sénateur Morin: Je tiens à vous remercier chaleureusement et à vous féliciter tout particulièrement du travail considérable que vous avez accompli en préparant la documentation pour nous.

Le président: Après avoir entendu votre réponse, je me rends compte que nos réflexions sont beaucoup plus proches que je l'avais d'abord pensé à la lecture de votre mémoire. J'aurais plutôt pensé que votre réaction au principe du financement fondé sur les services dispensés appartenait à la catégorie des principes avec lesquels vous étiez d'accord en substance, mais dont la mise en oeuvre vous inspire des réserves. J'ai peut-être une interprétation idéalisée de ce que vous avez dit. Cependant, j'ai l'impression que les questions qui vous préoccupent nous préoccupent également.

M. Odegard: Permettez-moi de dire un mot à ce sujet. J'ai été PDG d'une région de l'Alberta où on a de façon prospective eu recours au financement fondé sur les services dispensés dans l'ensemble du processus de financement. Nous avons reçu des fonds par habitant rajustés en fonction de caractéristiques démographiques, par exemple le sexe, l'âge, le nombre d'Autochtones, l'éloignement ou je ne sais trop quoi. Pour la conciliation, on avait recours au financement fondé sur les services dispensés. Il nous arrivait souvent de fournir des services à des personnes de l'extérieur de la région, et les membres de notre collectivité se rendaient à Edmonton pour recevoir des services tertiaires. Le volet fondé sur les services dispensés est la mesure de l'efficience; il s'agit de la conciliation qui intervient après coup. Ce principe n'incite pas le système à s'engager dans la mauvaise direction, c'est-à-dire à mettre l'accent sur la maladie plutôt que sur la santé. Il a un rôle à jouer, mais il intervient après coup plutôt qu'au préalable.

Le sénateur Douglas Roche: J'aimerais poser trois questions à Mme Sholzberg-Gray. La première concerne votre dissension. Si je suis inquiet, c'est en raison du très grand respect que j'éprouve pour l'Association canadienne des soins de santé et pour vous personnellement. Aurais-je raison, madame Sholzberg-Gray, de dire que votre association appuie 18 des 20 principes, pour peu qu'on laisse les modifications tomber.

Mme Sholzberg-Gray: Oui.

Le sénateur Roche: Les deux principes qui restent me préoccupent. Nous venons tout juste d'avoir un débat intéressant sur le financement fondé sur les services dispensés. Ce que j'en retiens, monsieur le président, c'est que nous sommes peut-être plus proches qu'on aurait d'abord pu le penser.

Le président: Exactement.

Le sénateur Roche: Je vais laisser cette question de côté. J'aimerais maintenant me tourner vers votre deuxième désaccord, qui porte sur les marchés internes, qui constituent le principe 13. Le principe 13 se lit comme suit:

[...] un «marché interne» devrait probablement être constitué où les équipes de soins primaires achèteraient, pour le compte de leurs clients, des services de santé auprès des hôpitaux et des autres établissements de santé.

À la lecture de la première version, le principe m'est apparu acceptable. C'est peut-être parce que je ne maîtrise pas suffisamment le dossier. Ce qui est sûr, c'est que je ne le possède pas comme vous. J'ai lu le mémoire que vous avez déposé et votre document d'information. Est-il possible que la notion de «marché interne» soit une sorte de code désignant une privatisation plus poussée et la prestation de soins de santé à but lucratif dont la portée m'aurait échappé? Comme le sait bien le président, je n'ai pas soumis d'avis dissident. J'ai donné mon assentiment de bonne foi.

Le président: C'est exact.

Le sénateur Roche: Me suis-je trompé? Vous parlez du désaccord fondamental que vous avez avec ce principe. Voilà un langage assez vigoureux. Qu'est-ce que nous devrions faire devant le fait que votre association n'est pas d'accord avec le principe 13, tandis que nous abordons le volume 6? Comment pourrons-nous rajuster le tir ou appliquer ce principe au moment de passer aux recommandations financières?

Mme Sholzberg-Gray: Le principe 13 parle de marchés internes créés par le pouvoir d'achat des groupes de fournisseurs de soins primaires. Selon nous, il semble qu'il vaudrait mieux laisser cela entre les mains des administrations régionales de la santé dans les provinces où il y a régionalisation. Pour nous, si on permet que les groupes de fournisseurs de soins primaires achètent des services au nom de leurs clients ou qu'on insiste pour qu'ils le fassent, cela ne fera qu'ajouter un étage à l'édifice bureaucratique. On ne peut qu'imaginer le nombre de groupes de fournisseurs-acheteurs qu'il y aurait.

Deuxièmement, dans la plupart des régions du pays, les fournisseurs ne sont pas très nombreux. Dans les petites provinces il n'y aurait pas un seul fournisseur de soins tertiaires, encore moins deux. Ce n'est pas comme s'ils pouvaient marchander les services de soins tertiaires. Habituellement, ils doivent envoyer quelqu'un se faire soigner dans une autre province ou dans une certaine ville. L'achat de services hospitaliers au nom des clients est une formule qui ne fonctionnerait pas vraiment dans la plupart des provinces.

Au mieux, ce serait un modèle proprement urbain qui s'appliquerait à trois ou quatre grandes villes au Canada. Même dans une ville comme Ottawa — si au moins le docteur Keon était là — je ne crois pas vraiment qu'une autre entité puisse mettre sur pied un institut de cardiologie qui rivaliserait avec l'Institut de cardiologie de l'Université d'Ottawa et qui fournirait des services d'une aussi grande efficacité et d'une aussi grande qualité. Ça ne marche pas.

Le sénateur Roche: Me revoici, Albertain, et particulièrement l'Albertain originaire d'Edmonton, là où la Capital Health Authority est célèbre. La façon dont fonctionne la Capital Health Authority à cet égard est-elle correcte à vos yeux?

Mme Sholzberg-Gray: D'abord, vous parlez du projet de loi 11 — le fait d'acheter des services privés et d'avoir de petites cliniques qui s'occupent de la chirurgie élective. Il s'agit ici d'interventions relativement mineures qui peuvent être pratiquées de manière répétée. Il ne s'agit pas de concurrence ou de marchés internes; à l'évidence, il s'agit d'une capacité insuffisante.

Le sénateur Roche: Craignez-vous que la mise en œuvre du principe 13 ne conduise à d'autres projets de loi comme le projet de loi 11? Pouvez-vous me dire ce qui vous inquiète vraiment?

Mme Sholzberg-Gray: Oui. Le rapport fait constamment allusion à des marchés internes et laisse entendre que ce serait une bonne chose, au Canada, si toutes sortes de centres de santé privés, d'hôpitaux privés, de fournisseurs privés pouvaient s'établir et rivaliser avec les fournisseurs sans but lucratif qui sont déjà établis, et que cela, on ne sait trop comment — c'est ce qui est intéressant — aurait pour effet de faire baisser les coûts. Notre lecture du phénomène nous amène à croire que, en dernière analyse, cela aurait pour effet de faire augmenter les coûts. La raison est la suivantes: si on se donne plus de fournisseurs ou plus d'installations qu'il en faut pour fournir les services, certains présenteront une capacité excédentaire.

Les États-Unis en sont un exemple: les fournisseurs fonctionnent à 60, 70 ou 80 p. 100 de leur capacité. Pour être franc, nous fonctionnons actuellement à un niveau trop élevé, presque à capacité, à 100 p. 100, et à un niveau encore plus élevé, dans la plupart des hôpitaux au Canada. Autrement dit, comme le réseau de la santé ne s'articule pas autour d'un marché ordinaire, la capacité excédentaire fait augmenter les coûts. Elle ne les fait pas baisser. Voilà ce qui nous inquiète vraiment.

De même, les données ne nous font pas voir que l'un quelconque de ces fournisseurs parvient à offrir les services à moins de frais que les fournisseurs sans but lucratif qui existent actuellement. Ils fournissent parfois les services à moindre frais, mais, pour une grande part, c'est parce qu'ils réclament pour eux-mêmes les tâches faciles, qu'ils choisissent ce qu'ils veulent bien faire.

Nous l'avons dit à maintes reprises: à nos yeux, le secteur privé n'est pas le grand satan. Nous croyons que le secteur privé est très bon dans certains domaines. L'exécution des tâches par le service privé est souvent bonne; cela dépend du domaine et de la tâche dont il est question. C'est le cas des services accessoires comme l'alimentation, la lessive, et ainsi de suite. Il est logique d'attribuer par contrat les épreuves de laboratoire, les épreuves sanguines et les services de diagnostic que prend en charge le réseau public. Les fournisseurs capables de prendre en charge les tâches simples ont peut-être un rôle à jouer.

Dès qu'il s'agit d'une tâche plus complexe, nous ne croyons pas qu'il soit possible de faire beaucoup d'argent. Par conséquent, le fardeau finira par incomber aux entités sans but lucratif déjà établies et non pas aux nouvelles entités que l'on établit censément pour qu'elles leur fassent concurrence.

De même, il faut regarder l'histoire du pays. Les services communautaires de santé et d'assistance sociale précèdent l'assurance-maladie d'une centaine d'années dans l'histoire du pays. Ce sont les groupes religieux et ethnique du Canada qui ont fondé les hôpitaux. Ils devaient demander des frais aux patients, bien entendu, car il n'y avait pas d'assurance-maladie universelle, même si, évidemment, certains de ceux qui n'avaient pas les moyens de payer n'ont jamais reçu de facture. J'y penserais deux fois avant de tourner le dos à 135 ans d'histoire pendant lesquels le réseau hospitalier s'est développé sous l'impulsion des collectivités en vue d'un service aux collectivités.

Je signalerais encore une fois que, aux États-Unis, 10 p. 100 des hôpitaux sont des entreprises privées, à but lucratif. Pourquoi? Il n'y a pas d'argent à faire à moins de pouvoir être sélectif. L'exécution de tâches par le secteur privé a sa place, et il existe des exemples fructueux à cet égard pour ce qui est des soins à domicile et des soins de longue durée. Je demanderais comment ils peuvent fournir des soins de qualité quand les pouvoirs publics ne lui accordent pas une allocation quotidienne suffisante, mais c'est là une autre question.

M. Odegard: J'ajouterais quelque chose à propos de l'exemple d'Edmonton dont vous parlez, en particulier. À l'époque où j'étais vice-président des opérations à l'hôpital universitaire d'Edmonton, nous avons eu des discussions avec les orthopédistes, par exemple, à propos des prothèses qu'ils souhaitaient utiliser. Grâce à cette discussion et grâce aux faits et renseignements qui ont été fournis, ils ont choisi la bonne solution pour améliorer la qualité des soins et réduire les coûts. Nous avons fait en sorte qu'ils participent à la discussion.

Plus tard, à l'époque où j'étais vice-président de la planification et de l'évaluation à la Capital Health Authority, à Edmonton, nous avons créé un projet exemplaire — le North East Centre — dont vous êtes peut-être au courant. Il s'agit d'un centre de soins primaires qui fait participer des médecins et d'autres fournisseurs aux décisions touchant la santé des gens dans la collectivité immédiate.

Tout cela repose sur la capacité de produire de bonnes données, une bonne estimation des coûts, une démarche où les bonnes personnes participent aux discussions. Il existe des exemples des procédés qui sont employés. Tout de même, nous cherchons ici non pas à créer artificiellement un marché, mais plutôt à encourager simplement le recours à de bonnes données, à faire participer les fournisseurs et à prendre les bonnes décisions. Je ne crois pas que nous devions ajouter à l'édifice bureaucratique un autre étage, ce qui pourrait compromettre le développement de l'ensemble.

Le sénateur Roche: Monsieur le président, voyez-vous comment nous pourrions faire en sorte que le comité et nos invités s'accordent sur ce point, sans apporter pour l'instant de précisions? Voyez-vous une façon d'aller de l'avant?

Le président: Je suis toujours optimiste.

Le sénateur Roche: Madame Sholzberg-Gray, la CASS est contre l'idée d'une taxe spéciale sur la santé. J'aimerais que vous m'expliquiez tout cela maintenant. Je crois savoir que le comité et, de fait, un grand nombre de Canadiens, seraient en faveur d'une taxe ou d'une imposition accrue en vue d'un réseau de la santé restructuré, amélioré — si la taxe était prévue spécialement pour cela — de sorte que d'autres ministres ne pourraient s'emparer de l'argent en question pour l'utiliser à d'autres fins. Pouvez-vous m'expliquer, encore une fois, pourquoi vous êtes contre cette idée?

Le paragraphe qui explique cela dans votre mémoire ne me convainc pas — il ne me persuade pas que cela pourrait conduire à toute une série de taxes spéciales. Les Canadiens pourraient alors être rassurés sur l'usage qui est fait de leurs impôts. Mettons cela de côté.

Pourquoi n'êtes-vous pas en faveur d'une taxe spéciale sur la santé, dans la mesure où celle-ci est appliquée équitablement?

Mme Sholzberg-Gray: D'abord, j'aimerais mentionner le sondage de la maison POLLARA dont nous avons fait l'annonce, la semaine dernière, à notre conférence nationale. Notre organisme et l'un des «partenaires» de cette enquête annuelle sur la santé, qui fait voir que 7 Canadiens sur 10 sont prêts à assumer des impôts plus importants — voilà une question intéressante — si on pouvait leur garantir que l'argent servirait à soutenir un accès amélioré et une plus vaste gamme de services.

Mike Marzolini, président-directeur général de POLLARA, a affirmé que, jamais auparavant, les Canadiens n'avaient déclaré, en répondant à une enquête, être prêts à payer un impôt accru pour obtenir les services dont ils ont besoin. Voilà qui nous a fait réfléchir. Ce qu'il faut vraiment comprendre ici, c'est que le grand public ne croit pas que le gouvernement va utiliser les recettes tirées de cet impôt accru pour ce à quoi les gens voudraient le destiner.

Ce que nous craignons, c'est qu'il y ait une taxe spéciale pour tout. Je devine que le public n'appuierait pas beaucoup un ensemble de taxes prévues pour l'assistance sociale. Selon l'endroit où on habite au Canada, il peut ne pas y avoir beaucoup d'appui pour l'aide à l'étranger. Nous apprécions le fait que les Canadiens soient prêts à accroître leur fardeau fiscal en échange de soins de santé, et nous aimerions trouver une façon de les rassurer sur le fait que toute augmentation servirait bel et bien à cela.

Le sénateur Roche: Avez-vous dit que 7 Canadiens sur 10 sont en faveur d'une taxe pour les soins de santé?

Mme Sholzberg-Gray: Oui, ils seraient en faveur.

Le sénateur Roche: Est-ce l'idée générale ou encore avez-vous précisé dans le sondage que ceux qui sont d'accord souhaitent qu'il s'agisse d'une taxe spéciale?

Mme Sholzberg-Gray: Selon le sondage, 7 Canadiens sur 10 veulent payer plus de taxes et impôts pour améliorer l'accès aux soins de santé, pour améliorer le réseau de la santé en général et pour obtenir une plus vaste de gamme de services. Ils souhaitent être rassurés sur le fait qu'il s'agit d'une taxe spéciale pour la santé et rien d'autre.

Le sénateur Roche: Si notre comité se prononçait en faveur d'une taxe spéciale dans ses recommandations financières, est-ce que vous vous opposeriez alors selon les raisons que vous nous avez données jusqu'à maintenant?

Mme Sholzberg-Gray: Cela nous mettrait dans une position difficile. Nous avons dit que les Canadiens sont prêts à payer des taxes pour les soins de santé. Nous agissons ici en bons citoyens. Nous aimerions que cette taxe spéciale existe parce que nous souhaitons qu'il y ait plus d'argent d'investi dans la santé. En même temps, nous disons que, peut-être, à un moment donné, à l'avenir, il faudra de l'argent pour le logement ou l'environnement, ce qui a aussi une incidence sur la santé. Cela nous rendrait nerveux de décider de mettre de côté à perpétuité une somme d'argent pour la santé, somme d'argent qui pourrait se révéler nécessaire dans d'autres secteurs.

Le président: J'ajouterais quelque chose à propos de votre interprétation des résultats du sondage. J'en ai fait la lecture, et le terme «taxe spéciale» ne figure pas dans la question posée. La question posée est la suivante: Seriez vous prêt à payer plus d'argent si on vous garantissait que l'argent recueilli serait investi dans les soins de santé? Dans les faits, il s'agissait d'une taxe spéciale.

Mme Sholzberg-Gray: Peut-être qu'ils pensaient à une cotisation nationale sur la santé. Au moment de la prochaine enquête, nous allons certainement devoir formuler la question de manière plus précise.

Le président: Soit dit en passant, nous sommes d'accord avec vous: une cotisation, c'est une taxe.

Le sénateur Roche: Seriez-vous en faveur d'une cotisation nationale?

Mme Sholzberg-Gray: Je n'ai pas soulevé la question ici, car je ne veux pas que cela se retrouve dans les manchettes. En règle générale, nous n'aimons pas non plus l'idée des cotisations.

Le sénateur Roche: Elles ne sont pas équitables.

Mme Sholzberg-Gray: Elles sont régressives.

Le sénateur Robertson: Question supplémentaire: Compte tenu de ce que vous avez dit à propos d'une taxe spéciale, êtes-vous contre le Régime de pensions du Canada, l'indemnisation des accidents du travail, l'assurance-emploi et les mesures de cette nature?

Mme Sholzberg-Gray: Pour être tout à fait franc, il faut dire que les cotisations à l'assurance-emploi sont versées dans le Trésor.

Le sénateur Robertson: Elles le sont maintenant.

Mme Sholzberg-Gray: La cotisation au Régime de pensions du Canada n'est pas une taxe; c'est une cotisation en vue d'une pension particulière.

C'est une cotisation à un régime de prestation de pensions. Les Canadiens considèrent peut-être cette cotisation comme une taxe, mais ce n'en est pas une.

La cotisation au régime d'indemnisation des accidents du travail est une taxe. Vous avez raison, c'est une taxe spéciale — les sommes recueillies sont versées dans un fonds distinct. C'est pourquoi, contrairement à ce que pense le grand public, les dépenses de santé liées à l'indemnisation des accidents du travail figurent dans le coffre public, et non pas le coffre privé, selon la définition de l'Institut canadien d'informations sur la santé.

Le sénateur Roche: La santé a une telle importance qu'elle pourrait, de fait, justifier l'imposition d'une taxe spéciale sans susciter chez les gens la crainte qu'il finirait par y avoir une taxe spéciale pour tout. Vous avez pris comme exemple l'aide à l'étranger. Combien de gens seraient contre l'idée de payer une taxe pour l'aide à l'étranger parce qu'ils ne comprennent pas et ainsi de suite?

J'aimerais continuer cette discussion. C'est fascinant, j'en apprends beaucoup. Faute de temps, nous allons aborder le troisième secteur, ce qui, encore une fois, fait appel à l'expérience politique non négligeable que vous possédez.

Croyez-vous, madame Sholzberg-Gray, qu'il serait bête de décadenasser la Loi canadienne sur la santé de manière à y intégrer des principes nouveaux, par crainte que ceux — disons les choses directement — qui ne nourrissent pas le même point de vue que moi sur la santé, c'est-à-dire un point de vue où la justice sociale prime, s'y attaquent? Dans ce cas, il faudrait avoir un débat où les aspects négatifs finiraient par annuler les aspects positifs pour ce qui est des soins de santé; il vaudrait donc mieux n'y pas toucher et apporter des améliorations au système existant. Qu'en pensez-vous?

Mme Sholzberg-Gray: Je peux vous dire ce qu'en pense notre association. Nous avons toujours appuyé vigoureusement la Loi canadienne sur la santé et les principes qui y sont énoncés. Pour être franche, je crois que c'est le cas du comité aussi. L'idée de rouvrir la Loi canadienne sur la santé nous préoccupe d'un point de vue politique. Nous craignons que certains des principes que nous avons à cœur, étant donné d'autres circonstances pouvant survenir au moment dont il est question, ne finissent par être dilués. Par exemple, la Loi canadienne sur la santé pourrait être rouverte à un moment où les relations fédérales-provinciales sont mauvaises ou bonnes, ce qui aurait peut-être une incidence sur les éléments inclus dans la nouvelle loi. Il y a toujours au Canada une minorité considérable qui, pour une raison ou une autre, croit que la Loi canadienne sur la santé inhibe le changement ou la réforme. Nous ne sommes pas de cet avis. Il n'y a rien dans la Loi canadienne sur la santé qui empêche de procéder à quelques réformes parmi celles dont nous discutons. Nous voudrions que la Loi canadienne sur la santé reste telle quelle.

Le sénateur Roche: Est-ce que vous appliqueriez le vieux principe: on ne touche pas à ce qui fonctionne?

Mme Sholzberg-Gray: Sauf qu'il y a des éléments qui ne fonctionnent pas. Nous souhaiterions qu'il y ait, dans la mesure du possible, une loi complémentaire. Il existe des lois complémentaires en ce moment même. La loi qui a permis de créer le TCSPS est, d'une certaine manière, une loi complémentaire. Nous ne sommes pas contre l'idée d'une loi ou de lois complémentaires. Nous ne sommes pas contre l'idée de favoriser un peu plus la transparence, mais il me semble qu'on pourrait toujours avoir des dispositions réglementaires associées à la Loi canadienne sur la santé qui seraient plus précises à cet égard. Aucune disposition réglementaire n'a été édictée sous le régime de la Loi canadienne sur la santé depuis que celle-ci est entrée en vigueur, en 1984, même si cela a été possible. Voilà une façon de procéder. Nous sommes d'accord avec les idées de transparence et d'égalité. Ce sont des éléments qui doivent faire partie de la loi. Nous sommes d'accord aussi avec l'idée d'inclure dans une loi nationale les services dont il est question — soins à domicile, soins communautaires et soins de longue durée, et l'assurance-médicaments sous certains aspects, sujets dont nous pourrions discuter une autre fois. Cela pourrait prendre la forme d'une loi complémentaire qui serait à l'avantage des Canadiens.

L'idée de rouvrir la loi en ce moment nous rend nerveux. J'ai beaucoup d'égards pour Monique Bégin, c'est une amie. L'idée de rouvrir la loi ne la préoccupe pas. Ce qui la préoccupe, c'est de s'assurer que les soins à domicile, qui sont destinés à remplacer les soins actifs, les dispositions touchant les médicaments aux coûts catastrophiques et d'autres principes cruciaux soient intégrés immédiatement à la loi. L'idée nous rend nerveux. L'idée que le gouvernement provisoire qui se trouve à être en place en soit chargé nous rend nerveux. Le climat politique qui sévissait au moment où la loi a été rouverte nous rend nerveux. Globalement, nous déconseillons l'idée de rouvrir la loi. Procédez en adoptant une loi complémentaire, sinon des dispositions réglementaires.

Le président: En répondant à la question, vous avez dit que vous auriez peut-être des renseignements sur quelque chose que nous avons fait. Même s'il s'agissait de renseignements plus ou moins bruts, ce serait utile.

Vous avez parlé des soins à domicile, et je présume que vous auriez ajouté l'assurance-médicaments qui sert à remplacer directement la couverture des soins actifs hospitaliers. Nous essayons d'estimer grosso modo le coût de l'affaire, si approximative que puisse être l'estimation dont il est question, en admettant qu'il vous faudrait, pour le faire, établir toutes sortes d'hypothèses grossières, par exemple, peut-être, que la couverture ne vaut que pour les sept premiers jours suivant le congé pris de l'hôpital ou quelque chose du genre. Ce qui arrive depuis plusieurs années ne fait aucun doute. Il y a eu transfert du financement du secteur public au financement du secteur privé: les gens sont contraints de quitter l'hôpital plus tôt qu'auparavant et d'assumer les frais des soins à domicile et des médicaments prévus.

Permettez-moi de parler en mon nom personnel, c'est que nous n'avons pas discuté de la question officiellement. Ce serait bien une transgression de la Loi canadienne sur la santé. Cela va certainement à l'encontre de l'esprit de notre programme d'assurance-médicaments. Il faut comprendre la difficulté énorme que suppose le fait de s'engager dans un programme national d'assurance-médicaments. Cela nous intéresserait de savoir, si approximatif que puisse être le calcul — et vous n'êtes pas obligée de répondre tout de suite — comment cerner la question suffisamment pour qu'on n'avance pas tout à fait dans la brume. Il pourrait s'agir notamment des coûts immédiats qu'il faudrait engager pour envoyer les gens à la maison plus tôt qu'auparavant.

Si vous pouviez réfléchir un peu à la manière dont on pourrait cerner cela, ce serait merveilleux. Je crois qu'il faut commencer modestement. Une fois un principe établi, cela devient beaucoup plus facile de l'appliquer à l'avenir. C'est le premier geste qui est difficile. Si vous pouviez nous aider, ce serait utile.

Le sénateur Morin: On n'envoie pas les gens à la maison plus tôt. On les envoie à la maison au bon moment, parce que les interventions ne sont plus les mêmes. Les interventions chirurgicales ne se pratiquent plus de la même façon. Aujourd'hui, il y a la laparoscopie. Les gens prennent leur congé de l'hôpital après deux jours, et le tour est joué. Personne n'est renvoyé à la maison plus tôt qu'il ne faudrait.

Le président: Permettez-moi de reformuler. Voilà l'avantage d'avoir un médecin qui siège au comité.

Pour ce qui est de la perception du public, notre programme d'assurance-maladie couvrirait le coût de consultation de tout médecin — ce n'est pas la question dont il s'agit ici — et le coût du traitement reçu à l'hôpital. Si, du fait d'avoir reçu tel traitement à l'hôpital, il faut engager tout de suite certains coûts pour le suivi, d'après mon instinct, je dirais que la plupart des gens penseraient, et c'est là l'esprit du régime de l'assurance-maladie, que cela devrait être couvert.

Me voici, le profane, qui s'adresse à des spécialistes. Vous l'êtes, tous les deux. Y a-t-il une façon de cerner la question de manière à ne pas créer un programme sans limite, à entrer modestement dans le champ des soins à domicile?

Mme Sholzberg-Gray: Je ne sais pas si Peter Coyte a déjà témoigné devant le comité. Il travaille à l'Université de Toronto. Il a étudié considérablement la question du coût des soins à domicile. Il serait peut-être utile pour vous de vous entretenir avec lui. Je suis membre du comité consultatif de son institut à l'Université de Toronto, qui compte le seul programme de recherche sur les soins à domicile au niveau universitaire. Il est économiste et il occupe une chaire dans ce domaine. Il pourra peut-être vous donner des chiffres.

Il est logique que les soins à domicile destinés à remplacer les soins actifs soient universellement accessibles, ou, tout au moins, que les gens fassent l'objet d'une évaluation avant de prendre leur congé de l'hôpital, l'évaluation visant à déterminer la mesure dans laquelle ils ont besoin d'un suivi. L'application de techniques différentes et d'approches chirurgicales nouvelles servira peut-être à raccourcir les séjours hospitaliers. Certaines personnes ont besoins d'une injection d'anticoagulant dix jours après avoir obtenu leur congé de l'hôpital. D'autres ont besoin d'un nouveau pansement pendant dix jours. Il faut que ce suivi se fasse. Il me semble que ce serait là une première mesure utile à adopter.

Nous n'avons pas suffisamment fait la distinction entre les besoins permanents de certains groupes dont l'état est chronique, par exemple les personnes âgées, et les soins actifs.

Les soins à domicile prennent les deux formes.

Le président: C'est justement pourquoi j'essaie de les dissocier, d'une manière ou d'une autre.

Mme Sholzberg-Gray: Nous devons les dissocier. Marcus Hollander étudie beaucoup la question des soins prolongés, en Colombie-Britannique. Il essaie de faire la distinction entre les soins actifs et les soins prolongés de longue durée, qui se prêtent à divers principes et à diverses approches. Dans les deux cas, les gens doivent pouvoir accéder aux services dont ils ont besoin, mais ce sont des principes différents, et peut-être pas ceux qui se trouvent dans la Loi canadienne sur la santé, qui s'appliqueraient aux soins permanents dispensés à ceux dont l'état est chronique, par rapport aux soins actifs. Cela n'est pas simple, mais c'est certainement une chose qui peut se faire. Il y a des gens qui travaillent dans ce domaine.

Le président: La greffière me signale que le professeur de l'Université de Toronto dont vous avez parlé va bel et bien comparaître.

Tout renseignement que vous auriez à ce sujet serait utile.

M. Odegard: Plusieurs autorités sanitaires suivent déjà le coût de la NPT, soit la nutrition parentérale totale, dans les cas où il serait justifié, normalement, de garder quelqu'un à l'hôpital, de prévoir un traitement par voie intraveineuse, de traiter les plaies, pour plusieurs des traitements de suivi dans les cas où les gens pourraient s'en aller chez eux; il en irait de même des mères avec leurs nouveaux-nés, qui pourraient prendre leur congé rapidement et faire l'objet d'un suivi à domicile. Plusieurs autorités sanitaires prévoient déjà des fonds pour prendre en charge ces mesures tout en faisant fi de la Loi canadienne sur la santé — cela n'a rien à voir, pour eux — en vue de fournir ce service. Nous pourrions chercher à obtenir les renseignements de cette nature de nos membres provinciaux.

Le président: Si vous pouviez faire cela, ce serait utile; il est établi que le dossier doit suivre une évolution viable. Si nous avions à recommander quelque chose dans le domaine, il faudrait que la question soit raisonnablement bien cernée, au sens où l'entendait Mme Sholzberg-Gray, c'est-à-dire qu'il faut faire la distinction entre le suivi immédiat des soins actifs et les soins de longue durée.

Mme Sholzberg-Gray: Ce que nous affirmons, c'est que les soins de longue durée représentent une question d'une importance capitale qu'il faut régler.

Le président: Nous sommes sur la même longueur d'onde; tout de même, j'essaie de proposer une solution qui serait pratique, possible.

Le sénateur Morin: M. Odegard dit que cela se fait dans nombre de provinces et d'établissements.

Mme Sholzberg-Gray: Le Nouveau-Brunswick est un chef de file à cet égard.

Le sénateur Morin: Oui, et on fait cela au Québec et dans l'Ouest. Cela se fait déjà.

Le président: Nous avons déjà discuté quelque peu du fameux «hôpital extra-mural» au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Cordy: J'aimerais traiter de la taxe spéciale pour les soins de santé dont le sénateur Roche a parlé, et à laquelle vous vous opposez. Quand je vois que, selon les résultats du sondage de la société POLLARA, les Canadiens sont prêts à accepter une augmentation d'impôt dans la mesure où l'argent recueilli est consacré aux soins de santé, je pourrais facilement interpréter cela comme un résultat favorable à une taxe spéciale. Vous proposez vous-même que, peut-être, la prochaine question soit formulée avec un peu plus de précision, pour que l'on puisse déterminer ce que les Canadiens voulaient dire précisément en donnant cette réponse à Michael Marzolini.

Les autres questions que je souhaite poser portent sur le financement des services particuliers; tout de même, si je comprends les explications que vous avez données au comité, je constate que nous ne sommes pas si loin de nous entendre sur la question. Les questions que je souhaite poser, de fait, visent à obtenir des éclaircissements.

Vous êtes d'accord avec le comité pour dire qu'il faut un financement stable et prévisible, afin que les gouvernements provinciaux, les hôpitaux et tout ce monde puissent dispenser des soins de santé aux Canadiens. Vous dites qu'au moment où ce financement sera fourni, des objectifs clairs devraient être établis. Entendez-vous par là un financement ciblé? Que voulez-vous dire?

Mme Sholzberg-Gray: Les gouvernements sont nombreux à demander au directeur des administrations régionales de la santé d'établir des contrats fondés sur leur rendement et ainsi de suite. Nous ne nous opposons pas à cela.

Ce que nous favorisons, forcément, c'est que les gens puissent savoir quel argent est à leur disposition et ce qu'ils doivent en faire. À l'heure actuelle, les gouvernements remettent des sommes d'argent aux administrations régionales de la santé ou aux hôpitaux, puis disent: «Voici la somme d'argent, mais soignez tout le monde, donnez à tous ce dont ils ont besoin et, soit dit en passant, si vous finissez par avoir un déficit, c'est que vous n'êtes pas de bons gestionnaires.» Ce n'est pas une façon de procéder. Les gens doivent connaître les tâches, les services qu'ils sont responsables de fournir et disposer d'une somme d'argent suffisante, sinon — et voilà où il y a une autre recommandation — quand il y a des compressions, il faut les expliquer. Autrement dit, il nous faut des règles et des responsabilités, il faut énoncer clairement quels sont les résultats attendus et il nous faut pouvoir dire à l'avance: «Si c'est là la somme d'argent à notre disposition, nous ne pouvons le faire.»

Le sénateur Cordy: Autrement dit, les Canadiens n'estiment pas que l'argent en question s'engouffre dans un gros trou noir.

Mme Sholzberg-Gray: Nous n'aimons pas les trous noirs.

Le sénateur Cordy: Tout à fait. Nous l'avons répété et répété encore. Vous proposez la notion de responsabilisation, n'est-ce pas?

Mme Sholzberg-Gray: Oui, mais ce n'est pas que ça. Il faut comprendre qu'entre 70 et 80 p. 100 des coûts de santé sont consacrés à la main-d'œuvre, et il faut comprendre qu'à l'époque des compressions, il y a eu une demande qui s'est accumulée en ce qui concerne les conventions collectives et, de façon bien légitime, de nombreux groupes de fournisseurs, par exemple les infirmières, essaient de rattraper le terrain perdu. Les gouvernements imposent parfois, à raison de 5 p. 100, un contrat aux gestionnaires du réseau de la santé, à qui ils ne confient pas la tâche de négocier, et cela absorbe toute l'augmentation prévue pour l'année en question, de sorte que le public n'observe pas forcément une augmentation quelconque des services.

Le sénateur Cordy: Si tant est que, dans les faits, il y a eu une augmentation du budget.

Mme Sholzberg-Gray: Il y a des difficultés réelles. Autrement dit, nous devons savoir ce à quoi on peut s'attendre, de manière réaliste, étant donné la somme d'argent qui est fournie.

Le sénateur Cordy: Essentiellement, vous parlez non pas d'«universalité», mais plutôt d'accès à des services comparables pour tous les Canadiens, et vous dites qu'il devrait y avoir une évaluation normalisée des besoins en services. Est-ce que le revenu est le facteur que vous retenez, ou encore de quoi s'agit-il, en particulier?

Mme Sholzberg-Gray: Nous ne parlons pas d'un critère fondé sur le revenu. Nous essayons de faire en sorte que les gens aient aux services communautaires ou aux services en établissement ou aux soins à domicile qu'il leur faut. Nous parlons ici des soins prolongés. Il devrait y avoir une évaluation normalisée. Il y a toutes sortes de modalités possibles.

Le sénateur Cordy: Je ne suis pas sûre d'avoir compris cela.

Mme Sholzberg-Gray: Les gens ne devraient pas passer entre les mailles du filet et être laissés pour compte; tout en présumant que nous n'aurons jamais au Canada un service de santé qui fournira à tout le monde des soins à domicile 24 heures sur 24. Cela ne se fera jamais.

Le sénateur Cordy: Je ne savais pas qu'on achetait des médicaments en gros, en Saskatchewan. On a dit que cela avait un effet défavorable sur le respect de la posologie. Le comité a entendu dire — et j'ai certainement entendu cela en Nouvelle-Écosse quand je me suis entretenue avec un médecin — que le respect de la posologie représente une difficulté majeure, que l'on achète en gros ou non. Les médecins doivent surveiller leurs patients de près pour s'assurer qu'ils prennent leurs médicaments. Nous avons probablement tous péché par là: laisser dans la bouteille un ou deux comprimés que le médecin nous a prescrits.

Avez-vous des statistiques ou des éléments de preuve qui permettraient de savoir que l'achat en gros a eu une incidence néfaste sur le respect de la posologie?

Mme Saltmarche: Nous n'avons pas ces chiffres ici, mais je peux faire une recherche ou revenir avec les données en main.

Le sénateur Cordy: Cela m'a fait plaisir de savoir que vous êtes d'accord avec nous pour dire que les pharmaciens représentent un élément capital des soins primaires. Vous avez parlé de la nécessité de prévoir des mesures incitatives pour que les pharmaciens «entrent» dans le réseau de soins primaires. Pouvez-vous expliquer les mesures incitatives auxquelles vous faites allusion à la page 10 de votre mémoire?

Mme Saltmarche: Nos membres et leurs pharmaciens sont fin prêts à relever le défi que pose l'intégration au réseau de soins primaires, de façon à mettre pleinement à contribution leurs compétences. Une des mesures incitatives qu'il nous faut envisager est le remboursement. Nous avons parlé plus tôt du modèle de frais d'ordonnance et du remboursement des services de soins primaires. Nous devons envisager aussi de sensibiliser d'autres fournisseurs du réseau de la santé à la question et d'encourager ce recours. Ce n'est pas une mesure incitative qui vise directement les pharmaciens, mais il faut encourager les autres fournisseurs, par une sorte de sensibilisation, dirais-je, pour mieux intégrer les pharmaciens au modèle de soins primaires.

Le sénateur Cook: Merci encore de nous aider à réaliser l'étude difficile qui nous est confiée.

J'aimerais revenir au principe 8. Quand j'ai pris connaissance de cette notion dans son ensemble à la lecture de notre chapitre 5, puis que j'ai lu votre rapport, j'ai constaté que nous tirons les mêmes conclusions. Tout de même, nous employons probablement une formulation différente, car notre principe à nous suppose deux conditions. Cela se trouve à la page 38 du rapport, où il est dit: «Tous les établissements, indépendamment de leur structure de propriété, sont soumis au même système rigoureux et indépendant de contrôle de la qualité et d'évaluation.» On voit cela aux principes 15 et 16.

Si je comprends bien, si nous modifions un de ces principes, alors nous changeons d'orientation puisqu'un principe dépend de l'autre. Quand j'essaie de comprendre les préoccupations formulées, je vois les liens à faire, puis je suis rassurée.

Vous me dites que le réseau de la santé ne dispose pas des systèmes d'information ou du personnel nécessaires pour fournir les renseignements détaillés qu'il faut. Pouvez-vous nous dire quelle est votre vision de ce qu'il faut faire pour accomplir cela, et ce faisant, faire du principe énoncé une réalité?

Mme Sholzberg-Gray: Sans nécessairement appuyer le principe 8, nous appuyons certainement le principe selon lequel il faut des données tout à fait exactes sur les coûts. Cela ne fait aucun doute.

Il faudra investir une certaine somme pour y arriver. Nous avons déterminé qu'il faut que cela soit un financement ciblé provenant du gouvernement fédéral. Par exemple, disons que le gouvernement fédéral décide, de concert avec les provinces et les territoires, que nous devons, entre autres mesures, adopter le dossier électronique du patient. L'injection de 500 millions de dollars dans l'inforoute de la santé du Canada ne permettra pas d'y arriver. Il faudra une somme qui s'approche davantage des 6 milliards de dollars. À quoi bon de dire que cela va fonctionner et que c'est là l'objectif, quand la somme d'argent prévue ne permettra pas d'y arriver? Un fonds ciblé est absolument essentiel pour atteindre ce but.

L'argent ne s'engouffrerait pas dans un trou noir. L'argent en question est un investissement, pour que, à l'avenir, nous puissions connaître davantage des choses que nous devrions connaître à propos de notre réseau de la santé. C'est l'approche que nous souhaitons adopter. Si vous souhaitez parvenir à un but, déterminez votre objectif; prévoyez la bonne somme d'argent; dites ce à quoi vous vous attendez en échange de l'argent investi; et faites-le. Dites aux gens que c'est un investissement.

Nous ne pouvons toucher aux sommes prévues pour les soins de première ligne demain. Certains diront que la somme d'argent est suffisante; il n'y aurait qu'à mieux gérer la somme. Toutes les réformes dont nous avons discuté permettront d'arriver à de meilleurs résultats, à une meilleure efficience. Tout de même, nous ne pouvons prendre 6 milliards de dollars dans le budget des soins de première ligne et l'appliquer demain à la technologie de l'information et nous attendre à ce que le grand public en soit heureux. Nous avons besoin d'un fonds réservé.

Le sénateur Cook: Je saisis ce que vous dites. Je suis membre d'un conseil à Terre-Neuve, et nous avons, naïvement, cru le gouvernement quand il a dit que si nous fermions les hôpitaux, nous pourrions réaliser les économies qu'il nous fallait. Ce jour-là, il y a moins de 10 ans, c'était 1 million de dollars et, la semaine dernière, quand j'ai posé la question, le montant s'élevait à 11 millions de dollars. Nous occupons une toute petite place dans le tableau d'ensemble.

Dans votre dernier paragraphe, vous nous demandez de recentrer notre attention de manière à remplacer le financement global visant à promouvoir l'intégration des services hospitaliers et communautaires, ce qui réduirait le placement mal avisé des patients en milieu hospitalier et ainsi de suite. Selon vous, où pourrions-nous intégrer cela dans les principes que nous avons énoncés dans notre rapport?

Mme Sholzberg-Gray: Il faut prévoir un principe selon lequel les Canadiens ont accès à une vaste gamme de services qui répondent à leurs besoins et selon lesquels le réseau de la santé repose sur une approche intégrée. Je ne sais pas très bien où il faudrait mettre cela. Tout de même, c'est un principe essentiel qui est lié au principe des soins appropriés dans un contexte approprié, donnés par le fournisseur approprié. C'est le genre de chose qui, en dernière analyse, permettra aussi de réaliser des économies.

C'est un principe d'une importance capitale. Il s'agit non pas seulement de connaître le coût par intervention ou de mieux connaître les coûts en général, mais, et c'est encore plus important, de déterminer l'adéquation des soins liés à une approche intégrée, plutôt que d'avoir toutes sortes de «silos» distincts, qui existent encore dans notre réseau de la santé, même dans les provinces où il y a des administrations régionales de la santé et où on a fait les meilleurs efforts possibles en faveur de l'intégration.

C'est pourquoi nous craignons qu'il n'y ait une trop grande dissociation des hôpitaux et des médecins, avec la réforme des soins primaires quelque part dans le milieu, et les soins prolongés de longue durée et les services de soutien communautaire ailleurs. Autrement dit, il nous faut des principes qui s'appliquent à tout l'ensemble, pour que nous puissions envisager le type d'intégration qui créera assurément certaines des économies et des efficiences que nous recherchons.

Le sénateur Cook: Je crois que, en tant que société, nous en sommes à un stade où il faut accepter de courir des risques en nous fiant aux renseignements les plus rigoureux à notre disposition puisque le changement s'impose à nous. Agissons de manière rationnelle et avançons ensemble. Nous allons faire face à la question durant l'été, au moment de prendre une décision éclairée en ce qui concerne les sommes d'argent qu'il faut consacrer à la concrétisation de ces principes.

Le sénateur Robertson: J'ai une question supplémentaire. Le mandat du comité consiste notamment à réfléchir au rôle que doit jouer le gouvernement fédéral pour ce qui est de la prestation des soins de santé. Je me demandais si vous pourriez recommander certaines façons dont le gouvernement fédéral pourrait s'y prendre pour améliorer la prestation des soins de santé, qu'il s'agisse de réduire les coûts ou d'améliorer l'efficience. Je n'ai pas de question particulière à l'esprit.

Par exemple, madame Turik, considérez-vous comme satisfaisant le processus d'approbation des médicaments? Serait-il possible de le rationaliser ou de l'administrer de meilleure façon? Les membres de vos associations d'hôpitaux sont-ils d'avis que les appuis du gouvernement fédéral sont suffisants? Nous devons revenir à notre responsabilité fédérale.

Le président: Prenons pour exemple le dossier électronique du patient. L'idéal, ce serait d'avoir un système national. Pourquoi ne pas confier au gouvernement fédéral le financement de l'ensemble du dossier et donner cela à tout le monde?

Mme Sholzberg-Gray: Je suis d'accord. Il faudra convaincre les provinces, parce qu'en dernière analyse, cela nous permettrait d'améliorer notre efficience. Il se peut bien que si le gouvernement fédéral décide de le financer à 100 p. 100, les provinces accepteront d'y recourir. C'est pourquoi nous disons que 500 millions de dollars ne nous mènent nulle part dans cette affaire.

Tout l'exposé qui est présenté dans votre rapport à propos du rôle du gouvernement fédéral est excellent et important, et nous sommes tout à fait d'accord. Le gouvernement fédéral a deux rôles à jouer. Le premier, c'est celui de gardien du régime d'assurance-maladie. Les Canadiens souhaitent que le gouvernement fédéral s'occupe de garantir qu'ils ont tous accès à des services comparables, où qu'ils vivent au pays. Certains des services de santé fédéraux commencent à être un peu dégradés, mais c'est encore le réseau vers lequel les Canadiens se tournent et ils souhaitent que le gouvernement canadien le garantisse. Nous dirions pour notre part que le gouvernement fédéral n'assume pas sa juste part sur le plan du financement. Le comité devrait l'affirmer directement dans ses recommandations.

Le comité devrait aussi affirmer que le gouvernement fédéral devrait adhérer à des modifications comme le dossier électronique du patient. L'argent permet d'acheter certaines choses, et le gouvernement peut se servir de son pouvoir de dépenser à des fins positives. La Constitution lui donne le droit de le faire. Il y a peut-être des limites à ce que le gouvernement fédéral peut accepter, mais il y a des possibilités. Il pourrait se servir de son pouvoir de dépenser. Il l'a fait dans d'autres domaines par le passé, et il n'y a aucune raison pour s'arrêter maintenant.

Le gouvernement fédéral doit continuer à agir dans les champs d'action qui sont parallèles à la tâche qui consiste à protéger l'assurance-maladie, à en être le gardien.

Il y a toutes les autres choses que fait le gouvernement fédéral et dont nous avons discuté, notamment la promotion de la santé et du mieux-être, là où il y a eu des compressions, les programmes d'approbation de médicaments, et le soutien de la R-D ainsi que des chaires d'excellence. Il a beaucoup fait en instaurant l'ICIS. Cela ne fait absolument aucun doute: il doit financer les projets d'information. Nous ne pouvons permettre que des organisations comme l'ICIS soient contraintes d'aller quêter et de se demander si elles vont continuer d'exister. Si nous sommes d'accord avec l'idée qu'il faut un responsable objectif de la collecte de renseignements, nous devons nous assurer, d'abord, que les fonds investis dans le réseau de la santé suffisent à fournir l'information en question; et ensuite, que les responsables de la collecte, quels qu'ils soient, en présumant que ce sont les groupes dont nous avons parlé auparavant, disposent de fonds suffisants.

C'est ce que le gouvernement fédéral peut faire, c'est ce qu'il doit faire. Il ne devrait pas y avoir de querelles où il est dit: «Nous allons payer x dollars, et vous allez verser tel montant.» Si, à l'heure actuelle, vous n'assumez pas votre juste part du total, que diriez-vous de payer plus et d'utiliser l'argent en question à des fins qui profiteraient à tout le monde?

Mme Turik: Nous ferions des recommandations qui concordent avec celles de nos collègues, ici présents. En particulier, nous encouragerions vivement le gouvernement fédéral à jouer un certain rôle en ce qui concerne un formulaire national, un processus d'examen, et la tâche qui consiste à s'assurer que les cas où les médicaments sont vendus à un prix catastrophique sont couverts.

Le deuxième aspect dont j'aimerais parler concerne les mesures d'incitation dans le domaine des soins primaires. Le gouvernement fédéral a déjà mis en branle un processus visant à solliciter la participation et l'inclusion de fournisseurs de la santé autres que les médecins, dans le domaine des soins primaires, mais il y a encore beaucoup à faire, d'une manière qui soit organisée et stratégique, pour encourager une réforme des soins primaires dans les provinces. Et en particulier, nous recommandons vivement qu'il joue un rôle capital dans l'expansion de la technologie de l'information et l'installation du dossier électronique du patient, pour que l'on puisse aller de l'avant le plus rapidement possible.

L'autre aspect critique est celui de la vie privée. Les responsables fédéraux auraient pu agir rapidement pour régler certaines des préoccupations que soulève le projet de loi C-6 dans le secteur de la santé, ce qui permettrait d'appliquer des normes plus uniformes d'un endroit à l'autre au pays.

Le troisième élément auquel nous tenons beaucoup, c'est que le gouvernement national instaure une stratégie nationale de ressources humaines en santé, le plus rapidement possible. C'est une préoccupation internationale et un défi international pour l'ensemble des secteurs de la santé. En l'absence d'un leadership national à cet égard et de la participation active du gouvernement national, le Canada, en particulier, fera face à des pénuries importantes, car d'autres pays sont allés de l'avant en vue de régler le problème. Nous devons avoir au pays une offre nationale sur laquelle nous pouvons compter pour l'avenir.

Le président: Je tiens à vous remercier, tous les quatre, d'être venus témoigner cet après-midi. Vous avez été d'excellents témoins, vous avez été très patients.

La séance est levée.

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