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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 64 - Témoignages


OTTAWA, le lundi 17 juin 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 9 h 07 pour examiner l'état du système de soins de santé au Canada.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

Le président: Honorables sénateurs, nos témoins aujourd'hui représentent le gouvernement du Danemark, soit M. John Erik Petersen et le Dr Nielsen. Ces deux messieurs vont nous entretenir du concept du délai d'attente maximum. Après cette discussion, deux autres représentants du gouvernement nous parlerons des dossiers électroniques des patients.

D'abord, je voudrais présenter mes condoléances à nos témoins concernant les résultats du match de football pendant le week-end. Bien que ce soit le hockey, et non pas le football, qui aurait suscité une telle réaction au Canada, nous comprenons très bien que l'expérience a dû vous traumatiser.

M. John Erik Petersen, chef, ministère de la Santé et de l'Intérieur, gouvernement du Danemark: Honorables sénateurs, permettez-moi de faire quelques remarques liminaires. D'abord, la prétendue «garantie» n'est pas vraiment une garantie; c'est en quelque sorte la prolongation du concept du libre choix de l'hôpital. Permettez-moi de préciser aussi, à titre d'information, que nous avons un système de soins de santé national au Danemark, ce qui veut dire que les soins de santé sont surtout financés par le Trésor public. La prestation des soins de santé, et notamment les soins et services dans les hôpitaux, sont gérés et financés par nos conseils de comté dans le cadre d'une structure décentralisée.

Il y a une dizaine d'années, nous avons lancé le concept du libre choix des hôpitaux, parmi les hôpitaux publics. Toutefois, il n'y a toujours pas de liberté de choix à l'égard des quelques hôpitaux privés au Danemark, ni à l'égard des hôpitaux à l'étranger.

Au 1er juillet, cependant, nous élargissons ce concept de liberté de choix pour inclure les hôpitaux privés et les hôpitaux d'autres pays dans des cas où le malade ne peut être traité dans un hôpital public dans son propre pays ou dans un pays avoisinant en moins de deux mois. C'est là qu'intervient cette notion de garantie. Il ne s'agit pas vraiment d'une garantie, mais disons qu'après un délai d'attente de deux mois, le libre choix est élargi.

Nous avons également une garantie de soins, mais seulement dans les cas limités, par exemple lorsqu'il s'agit de cancer ou de maladies cardio-vasculaires très graves où la vie du malade est en danger. Cette garantie existe depuis un an. Et c'est une garantie en ce sens que les conseils et les hôpitaux sont tenus de trouver les soins requis pour le malade dans le délai fixé, qui est inférieur au délai de deux mois. Ils ont donc l'obligation de lui trouver les soins dont il a besoin, ce qui n'est pas le cas pour le libre choix élargi. Dans ce dernier cas, vous pouvez choisir librement de vous faire soigner dans un hôpital privé ou un hôpital à l'étranger si vous attendez plus de deux mois, mais rien ne garantit que l'hôpital privé que vous choisissez pourra vous soigner.

Le président: Permettez-moi d'aborder rapidement la question du cancer et des maladies du coeur. Dans ce cas, le délai d'attente est inférieur à deux mois. Ai-je donc raison de croire que le délai d'attente des malades lorsqu'il est question de cardiopathie, par exemple, dépend de la gravité de l'état du malade?

Ainsi il ne s'agit pas d'un délai d'attente uniforme. Dans ce sens-là, les clients ont une garantie de service. Encore une fois, auriez-vous recours aux hôpitaux privés pour soigner ces malades si les hôpitaux publics n'étaient pas en mesure de le faire?

M. Petersen: Oui, si c'était nécessaire. On applique une définition médicale pour déterminer le nombre de cas graves qui ont besoin d'un traitement accéléré, si bien que deux ou trois semaines après avoir établi le diagnostic, les malades puissent subir une cardiochirurgie, un pontage, et cetera. De même, pour tous les cancers, il y a des étapes bien définies en matière d'examen et de traitements. Du moment que votre omnipraticien vous diagnostique un cancer potentiel, vous êtes aiguillé vers un spécialiste et vous devez être examiné à l'hôpital en moins de deux semaines. Une fois que le diagnostic et le traitement principal ont été établis, il y a un délai d'attente maximum de deux semaines avant l'intervention chirurgicale. Après ça, il y a normalement un délai de quatre semaines avant que ne s'enclenche la radiothérapie, la chimiothérapie ou d'autres thérapeutiques complémentaires.

Dans ces cas-là, les hôpitaux publics sont tenus de vous trouver des établissements dans d'autres comtés ou des hôpitaux privés au Danemark qui peuvent vous soigner. De fait, les comtés au Danemark ont mis sur pied une sorte de plaque tournante pour la coordination du traitement des cas de cancer. Il n'y a pas de véritable problème pour ce qui est de la cardiochirurgie, mais pour le traitement des cas de cancer, ils ont une plaque tournante qui se charge d'administrer et de coordonner les traitements.

Le président: Ai-je raison de croire que si un malade est aiguillé vers un hôpital privé, au Danemark ou à l'étranger, il n'a rien à payer? Le coût de son traitement est payé par le système public, n'est-ce pas?

M. Petersen: Oui, c'est exact.

Le président: Je voudrais maintenant parler de ce concept de liberté de choix élargie. Supposons que j'attends plus de deux mois parce que je veux me faire poser une prothèse de hanche, par exemple, si je peux trouver un hôpital privé qui est disposé à m'opérer plus vite que mon hôpital de comté, le Trésor public acceptera-t-il de payer mon intervention?

M. Petersen: Oui, à condition que les comtés en question se soient entendus avec l'hôpital privé concernant les conditions à respecter, et notamment le coût de l'intervention, bien entendu. Ils sont actuellement en train de négocier tous ces éléments avec les hôpitaux privés du Danemark.

Les comtés sont obligés de conclure de telles ententes avec les hôpitaux privés qui souhaitent le faire. Une procédure est prévue en cas de désaccord, nécessitant l'intervention du ministre, selon laquelle vous pouvez vous faire soigner gratuitement dans un hôpital privé si un hôpital public n'est pas en mesure de vous assurer ces soins dans un délai de deux mois.

Le président: Le Dr Nielsen voudrait-il faire des remarques liminaires, notamment pour nous expliquer en quoi consiste la Top Management Academy?

Dr Steen Friberg Nielsen, président-directeur général, Top Management Academy, gouvernement du Danemark: Permettez-moi tout d'abord de faire quelques observations sur la question dont vous venez de discuter. On peut dire en quelque sorte que le programme de traitement des maladies du coeur au Danemark a été tellement couronné de succès qu'il nous a inspirés à établir d'autres programmes — par exemple, le programme de traitement des cancers.

Les médecins ont l'impression que leur prérogative de sélection de l'établissement où se fera soigner le malade est compromise en raison de cette initiative gouvernementale. Mais pour le moment, tout le monde se bat pour obtenir de bons résultats. Et nous sommes sur la bonne voie.

En ce qui concerne l'académie, depuis quelques années, nous ressentons le besoin d'assurer le perfectionnement permanent des cadres supérieurs du système de soins de santé. Il y a un an, il a été décidé de financer et de créer cette académie. Au printemps, on m'a nommé. Maintenant je me bats pour avoir quelque chose à offrir à tous ces cadres supérieurs. Nous lançons nos activités au 1er septembre.

Le président: Et comment sont-elles financées?

Dr Nielsen: Nous sommes financés par les comtés du Danemark qui sont actuellement chargés d'administrer les hôpitaux.

Le président: Donc, vous bénéficierez de leur apport financier, en échange de quoi leurs cadres supérieurs pourront suivre les cours et colloques de courte durée que vous organiserez. Ce n'est pas un établissement qui confère des grades, n'est-ce pas?

Dr Nielsen: Non, pas du tout. Pour le moment, nous essayons de constituer un bon programme d'études. Comme nous ne savons aucunement quels sont les besoins, nos cours prennent actuellement la forme de modules. Quand nous saurons exactement quel genre de cours seraient les plus utiles, nous offrirons un programme permanent en tenant compte du changement de génération qui va s'opérer dans quelques années.

Le président: Est-ce que la liste des soins ou services assurés selon votre concept de liberté de choix élargie — ou ce que nous appelons la garantie de soins — est fixe? Par exemple, est-ce que votre liste inclut une intervention de placement de prothèse de hanche, par exemple, mais exclut d'autres soins ou services mineurs? Autrement dit, votre délai de deux mois vise-t-il une liste fixe d'actes et de traitements médicaux?

Dr Nielsen: Généralement, ce soit les patients qui font des choix. Disons que nous n'avons pas de liste qui inclut le genre d'interventions que vous venez de mentionner. Évidemment, nous avons été très réticents au Danemark à offrir la chirurgie esthétique comme service public. Je ne saurais vous dire si elle est incluse, mais je sais que les actes et traitements médicaux d'ordre général le sont.

Le président: Docteur Nielsen, quel sera votre budget annuel pour l'académie?

Dr Nielsen: On nous a affecté 5 millions de couronnes pour établir l'académie. Ensuite, nous appliquerons une formule de paiement à l'acte. C'est-à-dire que ceux qui profitent des cours de l'académie devront payer le prix intégral.

Le président: Je voudrais d'abord donner la parole au sénateur Morin, qui a été le doyen d'une très grande faculté de médecine canadienne avant de se lancer en politique.

Le sénateur Morin: Je m'intéresse surtout à ce qui va se produire après le 1er juillet. Je crois savoir que le Parti libéral est maintenant au pouvoir, ce qui est une excellente chose étant donné que nous sommes tous libéraux de ce côté-ci de la salle. Ai-je raison de croire qu'après le 1er juillet, les délais d'attente seront inférieurs à deux mois, par suite d'un apport de crédits d'environ 300 millions de dollars canadiens à votre budget sanitaire?

Ce que j'ai du mal à comprendre, c'est votre façon de définir les différents délais d'attente. Si je comprends bien, le Dr Nielsen est médecin. Les différents états pathologiques qu'on associe à différentes maladies sont très différents. Pour le cancer de la peau, on peut facilement attendre un an sans que rien ne se passe, alors que pour d'autres types de cancer malins — par exemple, certains types de cancer du sein sont vraiment urgents et un délai de deux mois serait trop long. Il en va de même pour les troubles cardiaques, certains malades peuvent facilement attendre un an avant d'être opérés sans que leur vie soit en danger, alors que le moindre retard pourrait mettre en danger la vie d'autres patients.

Qui a pris les décisions concernant le délai d'attente? C'est une décision très difficile à prendre.

Si nous décidons qu'aucune malade ne doit attendre plus de deux mois, le danger est que tous les malades vont attendre deux mois. Vous savez comment ça marche dans une bureaucratie. Tout le monde attendra deux mois; au bout d'un mois et demi, on commencera à soigner le malade. À mon avis, il faut de la souplesse. Des décisions bureaucratiques rigides concernant les délais d'attente me semblent problématiques.

Mon prochain point concerne les hôpitaux privés. Si j'ai bien compris, un patient aura désormais le choix des hôpitaux, alors que ce n'était pas le cas précédemment. La situation n'est pas la même au Canada, parce que les Canadiens ont toujours eu le choix des hôpitaux. Mais maintenant un patient au Danemark aura la possibilité d'être soigné dans un hôpital privé à but lucratif. Avez-vous une idée de la qualité des soins assurés dans ces hôpitaux privés à but lucratif? Sont-ils réglementés? Avez-vous fait des études des résultats qu'obtiennent ces hôpitaux privés à but lucratif? Un malade qui y subit une intervention importante peut-il avoir autant confiance en la qualité des soins que s'il se faisait opérer dans un grand hôpital d'enseignement public?

Ce n'est pas juste une question de temps, les listes d'attentes; il y a aussi la question de la qualité des soins. Personnellement, je préférerais attendre deux semaines et être sûr de recevoir des soins d'excellente qualité, que de me faire soigner à la va-vite dans un établissement où la qualité des soins peut ne pas être la même.

Voilà donc mes deux premières questions: d'abord, comment faut-il définir le délai d'attente le plus approprié; et deuxièmement, quelle est la qualité des soins prodigués?

Dr Nielsen: Je peux vous assurer que tous les arguments que vous avez fait valoir dans votre préambule ont été avancés dans le débat tenu au Danemark. Des pressions se sont exercées pour aller de l'avant avec un délai maximum d'attente de deux mois pour le malade. Il est certain que ce délai ne tient pas compte de tous les détails qui peuvent être importants. C'est peut-être plus intéressant de définir le délai en fonction du diagnostic à chaque fois.

M. Petersen: D'abord, à titre d'information, les libéraux sont arrivés au pouvoir après avoir formé une coalition avec les conservateurs.

Le sénateur Morin: Nous avons également des sénateurs conservateurs qui sont présents.

M. Brian Herman, conseiller, Affaires politiques et culturelles, ambassade du Canada au Danemark: Le Parti libéral du Danemark est un peu l'équivalent du Parti conservateur du Canada, alors que le Parti conservateur danois est plutôt l'équivalent de l'Alliance canadienne. L'éventail politique est un peu décentré par rapport à celui du Canada.

M. Petersen: En ce qui concerne les différents délais d'attente et les exigences qui touchent les soins urgents, vous avez parfaitement raison de dire qu'un long délai d'attente peut ou non poser problème selon la maladie. Vous avez mentionné l'unique cancer qui n'est pas visé par notre délai d'attente maximum pour les cancers: le cancer de la peau avec mélanome bénin.

En ce qui concerne le délai de deux mois, nous ne prévoyons pas que les périodes d'attente de plus de deux mois vont disparaître au Danemark. Nous savons déjà que depuis l'introduction du concept de la liberté de choix parmi les hôpitaux publics, les patients décident souvent d'attendre plus longtemps pour être traités à leur hôpital local, plutôt que d'avoir à se faire soigner en Europe ou dans d'autres régions du pays, bien que le Danemark soit un assez petit pays. Par conséquent, nous ne pensons pas que beaucoup de citoyens voudront profiter de cette offre, parce que les hôpitaux privés au Danemark sont plutôt petits et peu nombreux. Les gens peuvent se faire soigner à l'étranger, mais cela fait surgir d'autres problèmes, comme la langue et les déplacements. Donc, nous ne croyons pas que les malades vont se mettre à voyager massivement pour recevoir des soins ailleurs et à notre avis, les délais d'attente réels ne sont pas susceptibles d'être inférieurs à deux mois dans tous les cas.

Le sénateur Morin: Vous n'avez pas parlé spécifiquement de la qualité des soins, mais j'ai l'impression que vous en êtes satisfaits. Vous semblez estimer que la qualité des soins qu'un malade recevra dans un hôpital privé à but lucratif est suffisante. Avez-vous vraiment mesuré les résultats? Avez-vous des études indiquant que la qualité des traitements assurés dans ces hôpitaux privés à but lucratif est aussi bonne que dans les autres hôpitaux de comté?

M. Petersen: Oui. Le service danois responsable des soins de santé — notre conseil national de la santé — assure le même suivi auprès des hôpitaux privés. Dans bien des cas, les médecins qui travaillent dans les hôpitaux privés sont les mêmes médecins qui travaillent dans les hôpitaux publics. Le sentiment général est que la qualité des soins dans les hôpitaux privés est aussi bonne que dans les hôpitaux publics.

Nous n'avons pas vraiment cherché à mesurer la qualité des soins, mais vous conviendrez sans doute que c'est difficile à faire.

Le sénateur Morin: Si j'ai bien compris ce que vous dites, la situation ne changera guère car les malades ne voudront pas sortir du Danemark pour se faire soigner, et ils voudront attendre plus de deux mois pour se faire opérer ou recevoir des traitements à l'hôpital local.

M. Petersen: Votre dernière affirmation n'est pas tout à fait exacte. Vous avez raison de dire que nous ne nous attendons pas à ce qu'un nombre important de malades profitent de cette offre, mais il y a tout de même des changements qui s'opèrent. Le gouvernement a donné pas mal d'argent aux comtés pour élargir la gamme des activités des hôpitaux publics. Nous nous attendons à ce que les délais d'attente diminuent dans les hôpitaux publics, mais à terme, vous avez raison de dire que selon nos prévisions, ces délais d'attente ne seront pas inférieurs à deux mois.

Le président: La prochaine intervenante sera le sénateur Robertson, qui a été ministre de la Santé dans la province du Nouveau-Brunswick pendant plusieurs années.

Le sénateur Robertson: La question que je voudrais vous poser en premier lieu rejoint celle du Dr Morin. Quand vous cherchiez à définir les délais d'attente, est-ce que vous vous êtes appuyés sur des faits et des critères scientifiques? Comment avez-vous déterminé ces délais?

Et est-ce que les raisons des retards accusés pour assurer les soins étaient les mêmes que celles que nous avons connues au Canada, par exemple, une pénurie de ressources humaines et d'équipement diagnostique, et une mauvaise administration des listes d'attente?

Vous avez dit il y a quelques instants que les médecins travaillent à la fois dans les hôpitaux publics et privés. Est-ce que j'ai bien compris? Par exemple, si une chirurgie travaille dans les deux types d'hôpitaux, est-ce en raison d'un manque de disponibilité du bloc opératoire de l'hôpital public, un manque de ressources financières, un manque de ressources humaines ou le fait que l'établissement public n'est tout simplement pas en mesure de traiter tous ces clients? Et lorsqu'un malade se fait soigner dans un hôpital privé plutôt que public, participe-t-il au paiement des services plus que dans un hôpital public?

M. Petersen: En ce qui concerne la définition des délais d'attente, je dois dire que notre délai d'attente maximum pour le cancer et les maladies du coeur était fondé sur une évaluation professionnelle, c'est-à-dire que ces délais d'attente de deux semaines pour tous les cancers mettant en jeu le pronostic vital étaient raisonnables et suffisants, professionnellement parlant.

Le délai d'attente de deux mois pour les problèmes de santé d'ordre général représente plutôt une décision politique. Pour certaines maladies, du point de vue professionnel, on peut dire qu'un malade pourrait se permettre d'attendre trois, quatre ou même six mois avant d'être traité. Ce serait peut-être désagréable, mais cela ne mettrait pas sa vie en danger. Par conséquent, la détermination du délai de deux mois en l'occurrence correspondait à une décision politique qui était fondée sur le niveau de service qu'il nous semblait approprié d'offrir aux citoyens.

Dr Nielsen: Je voudrais répondre à la deuxième partie de votre question, qui concerne les pressions exercées sur les ressources humaines et les équipements du secteur public pour accroître leur rendement. Je ne peux pas vous dire que nous estimons avoir vraiment besoin de ressources supplémentaires pour le moment. La qualité de notre matériel technologique dans les hôpitaux est excellente. Au cours des cinq ou 10 dernières années, notre gouvernement a investi des sommes importantes dans les équipements, si bien que cela ne pose absolument aucun problème.

Par contre, nous avons un problème de ressources humaines parce que beaucoup de jeunes filles n'optent pas pour une carrière de soignante. En fait, certaines d'entre elles sont plus présentes que leurs principaux concurrents dans les facultés de médecine. Environ 60 p. 100 des étudiants qui sortent des facultés de médecine sont des femmes.

D'ici quelques années, nous devrons peut-être chercher ailleurs pour obtenir des soignants. En ce moment, nous envisageons de faire entrer certains immigrants dans notre système de soins de santé.

Le sénateur Morin posait une question au sujet de la qualité des soins assurés dans les hôpitaux privés. Rien ne permet de conclure que la qualité des soins dans les hôpitaux privés chez nous serait inférieure à celle des hôpitaux universitaires. Pourquoi les médecins spécialisés danois exercent-ils sur le secteur privé? Eh bien, au Danemark, nos consultants font partie de l'effectif salarié des hôpitaux. Par conséquent, ils sont collègues, en quelque sorte. Ils ont un horaire qui indique les heures qu'ils doivent travailler à l'hôpital public. Pendant leurs heures de loisirs, ils exercent dans les hôpitaux privés. Nous ne les empêchons pas de le faire. Ils peuvent décider d'exercer sur le marché privé en raison des conditions de travail très intéressantes, d'après ce que nous avons entendu dire, qui existent dans un petit hôpital par opposition à un grand hôpital public. On considère qu'un hôpital public est une organisation compliquée. Les hôpitaux privés ont 10 ou 15 lits et le médecin peut faire un travail d'équipe. Ça leur procure plus de satisfaction professionnelle.

Le sénateur Robertson: Avez-vous rencontré le problème des hôpitaux privés qui cooptent le personnel des hôpitaux publics? Au Canada, les citoyens craignent justement que les hôpitaux privés prennent les meilleurs éléments et que les hôpitaux publics ne puissent plus assurer des soins de la même qualité.

Dr Nielsen: Je dirais que ce n'est pas vraiment une préoccupation pour nous. Cependant, nous avons seulement 165 lits dans les hôpitaux privés, comparativement à 23 000 dans le secteur public. Le secteur privé est petit chez nous. Au départ, on croyait que ce secteur prendrait peut-être de l'expansion. Une fois que les médecins ont fait ce qu'ils ont à faire à l'hôpital public, nous ne les empêchons pas de faire ce qu'ils veulent durant leurs heures de loisirs. D'ailleurs, d'après ce que nous avons pu voir, les médecins ne se précipitent pas en grand nombre sur le marché privé. Nos hôpitaux publics offrent encore un milieu de travail intéressant pour les médecins et les spécialistes. Il n'y a pas de grand mouvement vers le secteur privé.

Le sénateur Robertson: Exigez-vous que le personnel — c'est-à-dire les médecins, les chirurgiens, et notamment les spécialistes — travaillent un certain nombre d'heures pour le système public afin d'avoir le droit de s'exercer sur le marché privé?

Dr Nielsen: On s'attend à ce qu'une personne qui travaille pour une organisation remplisse les conditions de son contrat. Par conséquent, si nous ne les attrapons pas à quitter le travail avant les autres membres du groupe, nous n'allons pas empêcher les médecins de travailler dans les deux secteurs.

Bien sûr, nous contrôlons le rendement de tous nos employés — nous nous assurons que le travail accompli correspond à nos attentes.

Le sénateur Robertson: Votre système privé compte donc peu de lits. Contrôlez-vous le nombre de lits privés? Serait- il possible que ce nombre passe de 165 à 1 000, ou contrôlez-vous le nombre de lits?

Dr Nielsen: Non, nous ne les contrôlons pas. Le nombre de lits privés pourrait effectivement passer à 1 000. Au cours des dernières années, il y a eu un certain nombre d'initiatives visant à créer des hôpitaux privés. Mais ces initiatives n'ont pas vraiment été une réussite sur le plan financier. Beaucoup d'hôpitaux privés ont eu du mal à équilibrer leur budget. Cela a eu pour résultat d'en limiter le nombre. Mais étant donné que le malade peut exercer librement des choix, qui sait? Peut-être que les patients voudront être soignés par des médecins libéraux, si bien qu'il y aura un déplacement de la clientèle vers le secteur privé. Mais ce ne serait pas à cause d'une différence au niveau de la qualité des soins, ni parce que nous essayons de réglementer les marchés.

Le sénateur Robertson: Il est toujours utile d'entendre l'opinion d'un conservateur.

Le président: La prochaine intervenante sera le sénateur Cook, qui a été administratrice d'un petit hôpital communautaire qui a fini par être fusionné, à plusieurs reprises, avec d'autres établissements, si bien qu'il s'agit maintenant d'un grand hôpital régional.

Le sénateur Cook: Aidez-moi à comprendre le système des listes d'attente. Si je me trouve sur la liste d'attente d'un hôpital de comté, par exemple, et que le délai de deux mois est écoulé, si bien que je peux avoir accès à un hôpital privé, cela voudrait-il dire que je pourrais tout de suite me faire soigner dans l'établissement privé, ou serais-je obligée d'ajouter mon nom à la liste d'attente de ce dernier?

Y a-t-il un code de conduite pour les hôpitaux publics et un autre pour les hôpitaux privés? Dans l'affirmative, qui est chargé d'élaborer ces codes de conduite et qui en est responsable?

M. Petersen: D'abord, il faut rappeler que ce nouveau régime — c'est-à-dire la possibilité pour les malades de se faire soigner dans des établissements privés, le coût étant supporté par le Trésor public — entre en vigueur au 1er juillet seulement. Nous n'avons pas encore commencé à l'appliquer.

Les patients qui s'adressent aux hôpitaux privés en ce moment choisissent de payer eux-mêmes les services, même s'ils auraient pu obtenir ces mêmes services gratuitement à un hôpital public. Le comté n'accepte de payer les services que si le comté d'attache du malade a approuvé l'aiguillage de ce dernier vers un hôpital privé. Telle n'a pas été la pratique jusqu'ici.

À partir du 1er juillet, beaucoup de patients auront le droit d'être aiguillés vers un hôpital privé, et les services seront payés par le système public. Jusqu'à tout dernièrement, les hôpitaux privés n'avaient pas vraiment de délai d'attente. Quant à savoir ce qu'ils feront, si jamais cela se révèle problématique, nous n'en savons rien. À la différence des hôpitaux publics, ils seront libres d'élargir leurs activités car ils seront payés pour chaque malade qu'ils traitent. Peut- être essaieront-ils de réunir plus de ressources et d'élargir leur gamme d'activités afin de réduire au minimum les délais d'attente.

Le sénateur Cook: Si je suis citoyenne danoise et que je dois être soignée à l'hôpital à partir du mois de juillet, d'après ce que j'ai pu comprendre, j'aurais le droit de choisir. Je pourrais donc me faire soigner dans un hôpital privé. J'aimerais savoir qui est chargé de l'assurance de la qualité en ce qui concerne les soins et les résultats des traitements dans les hôpitaux privés? Est-ce que c'est réglementé, ou ce sont plutôt les hôpitaux privés qui se chargent de faire leur propre contrôle?

Dr Nielsen: Au Danemark, nous avons une administration centrale qui est chargée des soins de santé, soit le Conseil national de la santé. Ce dernier est chargé de surveiller la qualité des actes et traitements médicaux. Au cours de la dernière année, nous avons implanté un système d'accréditation dans un hôpital au Danemark. Mais à présent, l'accréditation est requise à l'échelle nationale. Et le fait est que la qualité des soins assurés dans les hôpitaux privés est suivie de la même façon que dans les hôpitaux publics.

Le sénateur Cook: S'agissant de ressources humaines, à votre avis, les hôpitaux privés auront-ils un impact sur les travailleurs spécialisés de vos hôpitaux publics? Est-ce que la rémunération est la même?

Dr Nielsen: Les infirmiers et infirmières des hôpitaux privés touchent un salaire plus élevé que ceux et celles des hôpitaux publics. Mais leurs conditions de travail ne sont pas les mêmes. Ils sont obligés de travailler tard le soir, mais ils sont rémunérés en conséquence. Les hôpitaux privés essaient de recruter des gens qui ont des compétences spéciales. Mais d'après ce que nous avons observé, ce phénomène ne vise pas les médecins.

Le sénateur Cook: Les infirmiers et infirmières, les médecins et les autres professionnels de la santé sont-ils syndiqués au Danemark?

Dr Nielsen: Oui, tous sont syndiqués.

Le sénateur Cook: Existe-t-il des unités de négociation pour le secteur privé et le secteur public, ou y a-t-il un seul syndicat?

Dr Nielsen: Il y a un seul syndicat. Celui des infirmiers et infirmières souhaite vivement représenter le personnel infirmier à la fois du secteur public et des établissements privés.

Le président: Pourrais-je vous demander un éclaircissement? Si je suis infirmier ou docteur dans un hôpital privé, mon salaire est-il le même que celui que je toucherais, pour faire le même travail, dans un hôpital public?

Dr Nielsen: Non. Par exemple, les infirmiers et infirmières qui travaillent dans les hôpitaux privés reçoivent un salaire plus élevé, mais leurs conditions d'emploi sont également différentes.

Le président: Oui, mais l'hôpital privé aurait signé une convention collective avec le syndicat, tout comme l'hôpital public.

Dr Nielsen: C'est-à-dire que les deux négocient avec le syndicat. Il semble que les hôpitaux privés accordent des salaires plus élevés que les établissements du secteur public.

Le président: Si j'ai l'air surpris, c'est parce que je le suis. Dans le contexte canadien, un syndicat va normalement essayer d'obtenir un taux salarial uniforme, quel que soit l'employeur. Dans votre cas, il semble que le syndicat soit prêt à accepter qu'il existe des taux salariaux différents pour des employeurs différents, même si le travail est essentiellement le même.

Dr Nielsen: Oui, il paraît.

Le président: La prochaine intervenante sera le sénateur Pépin, qui a longuement travaillé comme infirmière avant de se lancer en politique et de faire partie du gouvernement.

Le sénateur Pépin: Vous avez dit qu'environ 60 p. 100 des étudiants qui sortent des facultés de médecine en ce moment sont des femmes. J'ai été très agréablement surprise d'apprendre que vous avez plus de femmes que d'hommes qui sont des médecins qualifiés. Mais vous sembliez un petit peu contrarié face à cette réalité. Je me demandais pourquoi. Est-ce parce qu'elles sont moins qualifiées ou moins efficaces?

Dr Nielsen: Je ne voudrais jamais sous aucun prétexte empêcher les femmes d'être des participantes à part entière. Je me suis tout simplement mal exprimé. Récemment, un pourcentage élevé de femmes se sont lancées en médecine, et elles quittent l'université avec un diplôme. Elles ont d'excellents résultats. Les garçons travaillent moins bien.

Le sénateur Pépin: Est-ce à cause du revenu? Serait-ce parce que le revenu n'est pas assez élevé pour inciter de jeunes hommes à faire des études de médecine? Choisissent-ils d'autres métiers où ils peuvent gagner davantage?

Dr Nielsen: Généralement, les jeunes filles qui sortent de l'école secondaire ont de meilleurs résultats scolaires. Ce sont les personnes ayant les meilleures notes qui sont admises aux écoles de médecine, et celles qui ont des notes inférieures sont obligées de chercher autre chose. Soixante pour cent des diplômés de médecine sont de jeunes femmes.

Cette réalité ne me contrarie pas, mais disons que nous souhaitons aussi que les femmes fassent autre chose dans la vie que de travailler. Elles ont des familles à élever. Nous n'avons pas encore trouvé le moyen de permettre aux hommes d'avoir des enfants, et de plus en plus, nous constatons que les femmes quittent leur travail pendant neuf mois de l'année pour avoir un enfant, et ensuite d'autres enfants, et cetera. Cet état de choses aura nécessairement une incidence très importante sur la culture de l'effectif médical. Nous en sommes déjà témoins. Ce n'est pas un phénomène qui suscite une réaction de colère ou de crainte, mais nous nous demandons tout simplement comment il sera possible de créer un excellent milieu de travail pour les femmes tout en assurant les soins requis aux malades.

Le sénateur Pépin: Je vais me permettre d'être méchante et de vous dire que oui, les femmes ont les enfants, mais par contre, lorsque les médecins hommes atteignent l'âge de 50 ans, ils préfèrent être sur un terrain de golf, et donc ce sont les femmes qui travaillent dans les hôpitaux.

Vous nous avez dit que les malades pourront choisir l'hôpital, même s'il est situé à l'étranger. Est-ce que les patients exercent ce droit? Comment font-ils pour choisir l'hôpital où ils voudraient être soignés? En général, ils sont prêts à parcourir quelle distance pour recevoir les soins, et qui paient les frais de déplacement supplémentaires?

M. Petersen: Votre dernière question est la plus facile. C'est le patient qui paie les frais de déplacement supplémentaires. Quant au nombre de patient qui opteront pour cette possibilité, nous n'en savons rien. Nous devons nous fonder sur notre expérience du système actuel de libre choix des hôpitaux publics au Danemark. Selon notre expérience, certains patients — environ 5 p. 100 — exercent ce droit et choisissent normalement un hôpital qui n'est pas situé trop loin. Nous ne nous attendons pas à ce que beaucoup de malades décident d'aller très loin pour se faire soigner.

Comment font-ils pour trouver les hôpitaux? Comme je vous l'expliquais, les hôpitaux privés ou les hôpitaux à l'étranger qui veulent participer à ce régime doivent conclure une entente avec les conseils de comté danois. À ce moment-là, les conseils préparent une liste des ententes conclues et le genre de patients que les établissements en question sont prêts à soigner, et cette liste est affichée sur leur site Web.

On suppose que les patients s'adressent ensuite à leur médecin de famille habituel ou à l'hôpital auquel ils ont été renvoyés au départ pour obtenir de l'aide et se faire conseiller.

Le sénateur Pépin: S'ils choisissent un hôpital se trouvant sur la liste, de même que le médecin, est-ce que cela signifie que toutes les dépenses sont à la charge de votre gouvernement?

M. Petersen: Le comté d'attache paie le coût des soins donnés à l'hôpital. Les seuls frais qui sont à la charge du patient sont les frais de voyage supplémentaires. Par exemple, ils devront payer la différence entre les coûts de transport pour l'hôpital original, ou l'hôpital vers lequel le comté aurait normalement aiguillé le patient, et les frais de transport réels à l'établissement éloigné, privé ou étranger.

Le sénateur Pépin: Les malades ont-ils le droit d'emmener un membre de la famille avec eux s'ils doivent subir une intervention ou un traitement très important? Ces frais-là sont-ils couverts?

Dr Nielsen: Non, ces autres frais sont également à la charge des malades.

Le sénateur Robertson: Là où il existe des établissements publics et privés, et qu'il y a des listes d'attente pour les deux, permettez-vous à vos citoyens de prendre des assurances privées, de sorte qu'ils pourraient faire payer leurs soins par la compagnie d'assurance si jamais ils voulaient être soignés à l'hôpital plus rapidement, sans avoir à attendre que ce soit leur tour, s'il y a une liste d'attente?

M. Petersen: Oui, les hôpitaux privés ont parfaitement le droit de s'implanter et les patients sont tout aussi libres de s'y adresser pour les soins s'ils les paient eux-mêmes, ou s'ils ont des assurances privées qui les paient à leur place. Même s'ils décident de prendre une assurance privée, il reste que certains services sont assurés gratuitement par le système public.

Le sénateur Robertson: Êtes-vous en train de nous dire que l'assurance privée paierait tout ce qui n'est pas assuré par votre système d'assurance-santé public?

M. Petersen: Conformément à l'entente touchant les polices d'assurance, les assurances-maladie privées du Danemark couvrent dans bien des cas les soins assurés dans les hôpitaux privés, même si le patient aurait pu obtenir ce service gratuitement dans un établissement public. L'un des attraits de l'assurance-maladie privée au Danemark, c'est qu'on peut se faire soigner dans un hôpital privé où il n'y a pas de liste d'attente. Comme je viens de vous le dire, généralement il n'y a pas de liste d'attente dans les hôpitaux privés. C'est ça leur grand atout.

Le sénateur Robertson: Et dans les hôpitaux publics, y a-t-il des services qui ne sont pas assurés? Avez-vous une liste d'interventions ou d'actes médicaux qui ne sont pas assurés par le régime d'assurance-santé public?

M. Petersen: Pas vraiment, à part la chirurgie esthétique et ce genre de choses. Mais en ce qui concerne le traitement des maladies, non; toutes les maladies sont couvertes dans le cadre du régime public. En ce qui concerne les deux mois et le libre choix, vous nous demandiez si nous avons une liste de services qui sont visés par le délai d'attente de deux mois qui permettrait aux patients de choisir librement parmi les établissements privés. Nous n'avons pas de liste de ce qui est inclus; nous avons plutôt une liste de ce qui est exclu. Autrement dit, nous avons une liste de services qui ne sont pas visés par le délai d'attente de deux mois.

Le sénateur Robertson: Quels actes médicaux ou services seraient exclus?

M. Petersen: Les greffes d'organes, par exemple, pour lesquelles il y aurait un délai d'attente pour des raisons évidentes qui n'ont rien à voir avec les ressources. Les traitements pour la stérilité, les traitements de fécondation in vitro et ce genre d'interventions ne sont pas inclus, ni la chirurgie esthétique, bien entendu.

Le sénateur Robertson: Et tous les frais des avortements sont-ils couverts?

M. Petersen: Oui, mais il n'y a pas de délai d'attente dans les hôpitaux publics pour les avortements.

Le sénateur Morin: Je voudrais revenir sur la question des délais d'attente. Si je comprends bien, en mars 2000, vous avez fixé plusieurs objectifs en matière de délai d'attente. Par exemple, un délai de deux, trois et cinq semaines pour certaines affections et six semaines pour d'autres. Quel organisme est chargé de définir ces délais d'attente? Y a-t-il moyen d'interjeter appel de sa décision ou de faire modifier ces délais? Ces délais ont-ils changé au fur et à mesure qu'il y a eu des progrès scientifiques, de nouvelles recherches cliniques, et cetera? J'ai sous les yeux la liste des cancers requérant la chirurgie — peut-être que ma liste n'est pas exhaustive. Mais le fait est que bon nombre de cancers, tels que le cancer du rein et certains cancers de la prostate qui deviennent rapidement malins, n'y figurent pas. En ce qui concerne les troubles cardiaques, le délai peut être de deux, trois, ou cinq semaines, et cetera. Je trouve que ce sont des décisions scientifiques et cliniques fort difficiles à prendre.

C'est la vie du patient qui est en jeu, et ça m'inquiète. En théorie, ces délais d'attente sont parfaits: deux semaines ici et quatre semaines là. Mais les circonstances de chaque patient sont différentes. Un malade atteint d'un certain type d'affection peut bien attendre six mois, alors qu'un autre ne peut pas du tout attendre — selon les résultats de la biopsie, si on parle de malignité, ou encore s'il est question de troubles cardiaques, tout dépend du nombre de vaisseaux qui sont touchés, à quel degré le ventricule gauche fonctionne toujours, et cetera. Je ne veux pas parler de choses trop techniques, mais à mon avis, chaque patient est tellement différent. Je me demande comment vous pouvez établir des délais d'attente qui soient vraiment équitable, surtout que dans un cas, le malade peut souffrir alors qu'un autre ne souffre pas. Avez-vous un organisme clinique ou une personne qui examine sans arrêt les études pour s'assurer que les délais d'attente évoluent en fonction des progrès réalisés au niveau de la recherche clinique?

M. Petersen: Votre liste est périmée. Depuis le 1er septembre de l'an dernier, le délai d'attente maximum pour les affections cardiaques et les cancers mettant en jeu le pronostic vital vise désormais tous les cancers, sauf les cancers de la peau avec mélanome bénin. Les délais d'attente sont assez courts, soit deux semaines pour la chirurgie et quatre semaines pour la radiothérapie. Ces limites ont été fixées pour nous assurer des délais d'attente les plus courts possible dans nos hôpitaux. Les autres délais d'attente, comme ceux touchant la cardiochirurgie, ont été définis par le Conseil national de la santé avec l'aide de conseillers professionnels, et sont considérés cadrer avec l'opinion des professionnels.

Cependant, je me permets de préciser qu'aucun médecin ne doit écarter son évaluation professionnelle de l'état d'un malade. S'il estime que ce dernier a un besoin urgent de traitement, il devrait soigner le patient dont les besoins sont les plus urgents. Quant à l'autre patient qui a aussi une certaine priorité sur la liste, il devrait l'aiguiller vers un établissement qui peut le soigner. Donc, l'évaluation professionnelle que fait le médecin de chaque patient individuel est vraiment le facteur le plus important.

Le sénateur Morin: Ma deuxième question concerne les patients qui ont choisi l'un ou l'autre des deux types de médecins généralistes, c'est-à-dire le groupe 1 et le groupe 2. Est-ce qu'un malade du groupe 2 qui paie pour accéder directement à un spécialiste devra attendre moins longtemps, étant donné qu'il n'a pas à passer par son omnipraticien? Peut-il s'adresser directement au cardiologue? Et son délai d'attente serait-il inférieur aux deux semaines dont il est question sur la liste ici, étant donné qu'il gagnerait du temps en n'était pas obligé de passer par un médecin de famille?

M. Petersen: Le délai d'attente de deux semaines est ainsi défini: on calcule à partir du moment du renvoi du patient à l'hôpital jusqu'au moment où on lui offre le traitement. Peu importe que la recommandation émane d'un omnipraticien ou d'un spécialiste. D'ailleurs, un patient qui s'adresse directement à un spécialiste peut ne pas avoir besoin d'être hospitalisé dans certains cas. Le spécialiste traitant pourrait se substituer à l'hôpital dans de tels cas.

Donc, il y a différentes possibilités. L'omnipraticien pourrait peut-être vous renvoyer à un spécialiste en exercice, plutôt qu'à l'hôpital, auquel cas vous pourriez dire que le malade qui passe directement au spécialiste entre dans le système plus rapidement. Mais pour nous, notre système d'omnipraticiens — qui joue un peu le rôle de contrôleur — est un élément très précieux de notre réseau. À l'heure actuelle, seulement 1 ou 2 p. 100 de la population se trouvent dans le groupe 2.

Le président: J'ai deux dernières questions à poser: la première, pour obtenir des éclaircissements, et ensuite une question politique. D'abord, est-il raisonnable de supposer, étant donné leur petite taille, que les hôpitaux privés se chargent d'actes médicaux relativement simples, comme la chirurgie orthopédique, la réparation des hernies, et cetera, plutôt que de cardiochirurgie compliquée et de ce genre de choses? Je vous pose la question parce que je ne vois vraiment pas comment un petit hôpital — un établissement de cette taille serait considéré ici comme une clinique — pourrait se permettre de payer les frais généraux qui se rattachent aux chirurgies plus compliquées.

Dr Nielsen: Un petit nombre d'établissements privés au Danemark font également des interventions plus compliquées, comme les pontages et les opérations de remplacement de prothèses de hanches, si ces interventions-là peuvent être considérées compliquées.

Le président: Prenons votre exemple d'une intervention de remplacement d'une prothèse de hanche. Cet hôpital privé fait-il uniquement des opérations de remplacement de hanches ou de genoux ou d'autres types de chirurgie orthopédique? Est-ce que ce même hôpital fait des opérations de pontages? Je suppose que ces établissements doivent essayer de maintenir la qualité des soins en se limitant à un certain nombre d'actes médicaux, c'est bien ça?

Dr Nielsen: Ils veulent limiter l'ampleur de leur chirurgie. Nous avons un seul hôpital privé à Copenhague qui fait des opérations de remplacement de prothèses de hanches et de genoux, ainsi que des chirurgies cardiaques.

Le président: Et il aurait combien de lits environ?

M. Petersen: Environ 40 ou 50 lits.

Le président: Je me dis que les frais généraux d'un hôpital de 40 ou 50 lits qui offre un tel éventail de services doivent être très élevés. Je suppose que leurs tarifs sont également élevés.

M. Petersen: Leur personnel est composé de chirurgiens et de médecins à temps partiel qui ont un emploi à plein temps dans les hôpitaux publics. Ils peuvent recourir aux services de différents spécialistes selon les cas qui leur sont soumis. Par exemple, ils n'ont pas de chirurgien cardiologue à plein temps.

Le président: Je songeais plutôt au coût des immobilisations, c'est-à-dire du matériel requis. Quoi qu'il en soit, c'est un marché libre, ils exercent dans une grande ville, et donc on peut supposer que leurs patients sont des gens aisés pour qui une dépense de plusieurs milliers de dollars ne représente pas un problème. Est-ce une hypothèse raisonnable?

Dr Nielsen: Je vous dirais que c'est peut-être pour cette raison que le secteur privé est si limité.

Les établissements privés ont justement eu beaucoup de mal à équilibrer leurs budgets. Il y en a peu qui ont atteint le seuil de rentabilité. Ils ont des déficits importants. Par conséquent, il faut attendre encore quelques années avant que les hôpitaux privés du Danemark deviennent très prospères.

Le président: J'ai trouvé intrigante votre observation selon laquelle le délai d'attente maximum de deux mois représentait une décision politique. Je l'avais plus ou moins deviné, je suppose.

Est-ce que la question de savoir s'il devrait s'agir d'un délai de deux mois, de trois mois ou de six mois a donné lieu à un vif débat politique? S'agissait-il d'une promesse électorale faite par le gouvernement et qui a donc été mise en oeuvre sans grande discussion sur le délai d'attente qui serait vraiment approprié?

M. Petersen: Votre description est assez juste et précise. L'ancien gouvernement s'était fixé comme objectif d'établir un délai d'attente de trois mois, disons. À l'époque, l'opposition a promis dans le cadre de la campagne électorale de fixer un délai d'attente de deux mois et de permettre aux citoyens d'étendre leur liberté de choix aux hôpitaux privés.

Le président: Donc, vous êtes passés de trois mois à deux mois à cause de la concurrence entre deux partis rivaux durant une campagne électorale. S'agit-il d'une caractérisation raisonnable?

M. Petersen: Oui, tout à fait.

Le sénateur Pépin: Et aucune étude n'a été menée avant qu'un délai de deux mois soit retenu plutôt que de trois mois? Il s'agissait simplement d'une promesse électorale?

M. Petersen: Comme je vous l'ai déjà dit, toutes les maladies dont on parle sont des maladies qui ne mettent pas la vie du patient en danger s'il doit attendre trois, quatre ou six mois. C'est peut-être désagréable, mais ça ne lui porte pas préjudice. Donc, il s'agit de savoir quel niveau de service on veut assurer à ses citoyens. Ce n'est pas normal au fond que ce soit une décision politique.

Le sénateur Pépin: Nous allons suivre de près la situation chez vous.

Dr Nielsen: Avant d'accepter mon poste actuel, j'étais directeur médical d'un hôpital dans un comté où l'on avait décidé de prévoir un délai d'attente maximum de trois mois. Nous avons donc organisé et réorganisé tous les hôpitaux et tous les services cliniques pour être à même d'atteindre ce niveau de rendement.

Ensuite il y a eu les élections, qui ont eu pour résultat d'établir une norme encore plus élevée, ce qui a certainement suscité des frustrations. Mais maintenant, tout le monde s'efforce par tous les moyens d'atteindre les objectifs du gouvernement. Avoir à répondre à des attentes qui changent en peu de temps pourrait être éprouvant pour les médecins.

Le sénateur Cook: Je reviens sur la question des listes d'attente. Supposons qu'on ait diagnostiqué un problème de santé quelconque, et que je me trouve sur votre liste d'attente. Dois-je supposer que le diagnostic est prêt et que l'établissement est en mesure de me faire passer tous les tests, et qu'au fond je n'ai qu'à attendre que ce soit mon tour?

Quand on m'enlève de la liste des hôpitaux publics parce que je reçois mes soins dans un établissement privé, est-ce que cette information est communiquée aux autorités appropriées, ou faut-il tout recommencer à zéro? Autrement dit, mon dossier médical m'accompagne-t-il?

M. Petersen: Oui. Toute l'information nécessaire est communiquée à l'établissement privé par l'établissement public.

Le sénateur Cook: Dans ce cas, on peut supposer que l'établissement privé a moins besoin d'équipement.

M. Petersen: On ne veut certainement pas faire deux fois les mêmes examens.

Le sénateur Cook: Les hôpitaux publics et privés partagent-ils le même équipement diagnostique?

M. Petersen: Non, ils ne partagent pas le même équipement. Ils partagent l'information. Par exemple, les radios et les résultats des examens par IRM seraient communiqués par l'hôpital public à l'établissement privé.

Le président: Voilà justement un point qui nous permet de faire facilement la transition à l'autre groupe d'experts, qui va nous parler des dossiers médicaux électroniques. Merci infiniment de vous être joints à nous. Cette discussion a été fort instructive.

Nous deux prochains témoins sont membres du Conseil national de la santé qui, comme nous venons de l'apprendre, est chargé de l'évaluation de la qualité des soins et des résultats de la recherche pour les secteurs à la fois public et privé.

Bienvenue. Je sais que vous allez nous donner un aperçu général de vos activités. Mais avant de nous parler de l'informatique médicale et des dossiers médicaux électroniques, peut-être pourriez-vous nous résumer brièvement les attributions du Conseil national de la santé par rapport à la gestion du système de soins au Danemark.

Vous avez la parole.

M. Morten Hjulsager, chef de ministère, Conseil national de la santé, gouvernement du Danemark: Nous n'avons pas prévu de remarques liminaires touchant le rôle du Conseil national de la santé, mais entre nous deux, nous arriverons peut-être à vous communiquer les points essentiels.

Le président: En ce qui nous concerne, ce serait bien utile de savoir exactement ce que fait le Conseil national de la santé.

Dr Kverneland, chef, Division de l'informatique médicale, Conseil national de la santé, gouvernement du Danemark: Nous pouvons certainement vous le présenter brièvement. Le Conseil national de la santé comprend sept services, dont ceux de la Statistique médicale, d'une part, et de l'Informatique médicale, d'autre part.

Notre rôle consiste à recueillir des renseignements sur ce qui se passe dans les services de santé au Danemark, surtout en ce qui concerne les hôpitaux. Nous recueillons des données et nous en tirons des statistiques. Notre division chargée d'établir des normes sur la collecte et la gestion des données, et sur la façon dont s'accomplit le travail d'enregistrement des données dans ce domaine.

Le Conseil national de la santé est également chargé de la prévention et de l'amélioration de la qualité des soins.

M. Hjulsager: Le Conseil compte également des services qui s'occupent de la planification générale des services de santé et de la supervision des professionnels de la santé.

Le président: Votre organisme est-il complètement indépendant du gouvernement? Quelle est la nature de vos rapports avec le ministère?

Dr Kverneland: Nous faisons partie du ministère. Seulement nous constituons une unité distincte. Nous nous concentrons sur certains domaines d'activité. Nous collaborons au travail du ministère de la Santé mais nous sommes responsables de la sécurité des droits des malades. Nous avons d'ailleurs notre propre loi pour protéger ces droits.

Le président: Le financement de vos activités passe-t-il par le budget du ministère?

Dr Kverneland: Oui.

Le président: Veuillez donc nous parler de votre dossier médical électronique.

Dr Kverneland: Je suis un médecin qui travaille dans le domaine de l'informatique médicale depuis cinq ans. Le Conseil national de la santé a un service qui s'occupe de normalisation, dont je vais vous parler dans quelques instants. Nous avons élaboré une nouvelle stratégie sur les technologies de l'information à l'intention des hôpitaux danois, et nous travaillons à la préparation d'une nouvelle stratégie pour la période de 2003 à 2007. Je vais vous présenter notre stratégie pour la période de 2000 à 2002.

En 1996, il y a eu un rapport stratégique présentant le plan d'action pour la création du dossier médical électronique (DME). En 1998, nous avons fondé l'observatoire du DME qui se renseignait sur la situation dans divers hôpitaux. Ce dernier a rassemblé de l'information sur les expériences vécues dans les sites de DME au Danemark.

En 1999, la stratégie dont je viens de vous parler s'est concrétisée; il s'agissait effectivement d'une stratégie de perfectionnement des technologies de l'information dans les hôpitaux pour la période de 2000 à 2002. Voilà ce à quoi nous travaillons actuellement. La nouvelle stratégie sera mise en oeuvre dès 2003.

En ce qui concerne les principales activités du Conseil national de la santé, et notamment du service de l'Informatique médicale, nous travaillons actuellement sur le système de classement, le dossier médical, les bases de données sur la qualité clinique et les communications. Nous avons recours à EDIFACT. Nous avons un immense système de communications EDIFACT au Danemark. Ce système diffuse entre deux et trois millions de messages tous les mois.

Le président: Pourriez-vous prendre deux secondes pour nous expliquer ce qu'est EDIFACT? Je n'ai jamais entendu ce sigle.

Dr Kverneland: EDIFACT est un système de communications qui sert à transmettre les ordonnances, les notes d'aiguillage et l'information sur les admissions entre l'omnipraticien et l'hôpital, et de l'omnipraticien à la pharmacie. Tout se communique au moyen de ce système appelé EDIFACT.

Le président: Cela correspond à une norme technique.

Dr Kverneland: On l'appelle aussi EDI.

Nous travaillons également à l'élaboration d'un registre national des patients. Je ne vais pas vous donner d'autres détails à ce sujet.

Tous ces divers éléments font partie d'un réseau avec, au centre, les systèmes nationaux de classement du système de soins et le système EDI, ainsi que les dossiers médicaux, le registre des patients et les bases de données sur la qualité, et toutes ces différentes composantes se servent d'un même système de classement.

Nous parlons donc de deux générations de dossiers médicaux. La première génération correspond à une fiche électronique où l'information n'est pas structurée. Autrement dit, vous faites comme vous avez toujours fait par le passé. Vous inscrivez les informations sur l'écran. Vous avez donc un texte qui correspond au dossier médical. Pour nous il s'agit de la première génération, parce que nous avons dépassé ce stade. Pour l'instant il s'agit d'une fiche électronique. Déjà cela vous permet de créer un environnement multi-utilisateurs qui est facilement accessible. Certaines données du dossier sont comprimées, et vous avec un niveau de sécurité plus élevé et un meilleur accès aux règlements lorsque tout se fait par voie électronique.

La deuxième génération de dossiers prévoit des données structurées. Nous souhaitons trouver une façon uniforme de structurer les données et nous voulons savoir ce qu'il faut faire si ces données doivent servir à autre chose. Par exemple, si vous voulez surveiller la qualité des soins ou vous en servir comme outil de gestion professionnelle, comme les DRG, vous pouvez vous faire aider au moyen de la fonction de soutien des décisions professionnelles. Vous avez plus de possibilités de recherche, plus de possibilités d'actualisation des statistiques médicales, et de bien meilleure capacité de communication de l'information, information qui sera compréhensible pour celui qui la reçoit.

Nous travaillons actuellement sur les procédés cliniques. Excusez-moi pour ces cercles rouges. Ce sont des mots danois, mais je peux vous les expliquer. Notre modèle pour le DME, le dossier médical électronique du patient, est un modèle individuel utilisé pour le traitement des malades. Le premier cercle rouge désigne le diagnostic; ensuite le diagnostic est documenté dans la zone bleue. Dans la zone rouge qui suit, dans le coin inférieur gauche, vous inscrivez le plan de traitement du malade; et dans la zone bleue inférieure, vous documentez votre plan. C'est-à-dire qu'une fois que vous avez mis à exécution votre plan de traitement, vous documentez les résultats; dans le cercle rouge qui suit, vous inscrivez votre évaluation. Et au milieu, vous inscrivez l'objectif de traitement du patient, en comparant ensuite le résultat avec l'objectif fixé au départ.

Voilà donc le modèle de processus prévu pour le dossier médical électronique au Danemark. J'espère que vous n'avez pas trouvé ça trop compliqué. J'ai essayé de vous le simplifier. Bien entendu, si vous approfondissez chaque aspect du modèle, ça devient vite compliqué; mais c'est bien utile du point de vue clinique. Voilà donc le modèle de base pour les dossiers médicaux au Danemark.

Que convient-il de normaliser dans ce contexte? Nous travaillons avec une terminologie et des définitions communes. Nous travaillons avec un modèle qui s'appuie sur le traitement du malade.

Ensuite, nous avons la structure du dossier médical du patient, soit le modèle de données que je vous ai montré tout à l'heure, et ensuite, le système national de classification du système de santé. Il faut des normes nationales pour utiliser et perfectionner le système du dossier médical.

Ensuite nous avons un exemple de la façon dont nous utilisons et modifions l'information concernant le contexte du patient, ce qu'on appelle «l'admission à un service de consultation externe». Si vous reliez toutes les informations sur le contexte au sein d'une même unité informatique, vous pouvez ensuite vous en servir pour compiler des statistiques à utiliser pour les DRG et pour la recherche. Vous reliez toutes les informations à l'aide d'un modèle d'épisodes de soins.

En ce qui concerne les technologies de l'information, le Conseil national de la santé utilise la structure du DME, un modèle de continuité des soins, différentes technologies, le registre des patients fondé sur les épisodes, l'information sur l'admission des patients, et la sécurité.

Vous vous demandiez comment fonctionne le DME au Danemark et s'il y avait des obstacles à l'utilisation des dossiers médicaux. J'ai trouvé une image qui remonte à 1998 et 1999 qui vient de l'observatoire du BME et concerne le projet de création du dossier médical électronique au Danemark. Elle vous indique les résultats. L'image bleue concerne 1998 et l'image rouge, 1999. Pour moi, le seul obstacle est celui du financement. Les crédits sont insuffisants, si bien que le système de DME n'est pas satisfaisant. Nous estimons que la résistance au changement n'est pas la cause de ce résultat.

En fin de compte, il faut se rappeler que les TI constituent un moyen et non pas une fin en soi. Ce moyen doit servir à soutenir le processus et à résoudre les problèmes. Il devrait présenter les informations requises pour la bonne personne, permettre de procéder à l'enregistrement et à la présentation en temps réel, communiquer des documents simples, et cetera, et nous devrions nous servir de ces données pour toutes les fins possibles.

Voilà qui termine mon exposé.

Le président: Avant d'ouvrir la période des questions, pourriez-vous nous éclairer le plus possible sur la question de la protection de la vie privée? L'une des raisons pour lesquelles les Canadiens opposent une certaine résistance à l'idée d'un dossier médical électronique, c'est parce qu'ils craignent des intrusions dans leur vie privée. Les gens ont peur que leur employeur puisse accéder à cette information. Est-ce que la compagnie d'assurance d'un patient, par exemple, pourra mettre la main sur l'information? Qu'avez-vous fait pour garantir la sécurité du système? J'aimerais aussi savoir dans quelle mesure cette question préoccupe le public. Si tel est le cas, qu'avez-vous fait pour apaiser leurs craintes concernant l'éventuelle perte de leur capacité de protéger des renseignements que les gens considèrent comme les plus privés qui soient?

Dr Kverneland: Les compagnies d'assurance n'ont pas accès à cette information. Elles peuvent éventuellement en obtenir si elles présentent une demande à l'omnipraticien. Mais elles n'ont pas accès à ce système, et elles n'y auront jamais accès au Danemark.

Lorsque nous collectons l'information auprès du patient, nous lui disons que nous allons nous en servir pour assurer la qualité des soins et pour des fins statistiques. Il peut dire «non» s'il n'a pas envie de nous la fournir. Mais généralement, les gens acceptent de le faire. Ils sont convaincus que l'information sera utilisée à leur avantage.

Le président: Et les gens qui s'y opposaient, n'ont-ils pas évoqué le spectre de «Big Brother»? Je vous assure que je n'essaie pas d'exagérer pour mieux faire valoir mon argument. Je répète simplement ce que disent les adversaires des dossiers électroniques. À votre avis, cette différence s'explique-t-elle par le fait que les Danois font davantage confiance à leur gouvernement, ou que leur gouvernement mérite davantage qu'on lui fasse confiance, ou avez-vous pris des mesures précises pour répondre aux préoccupations éventuelles des citoyens à cet égard?

Dr Kverneland: Si certaines informations finissent entre les mains de personnes qui ne devraient pas les avoir, la presse ou d'autres feront certainement une histoire. À mon avis, ce genre d'incident susciterait certainement un débat. Mais cela ne s'est jamais produit. La loi est très claire: on demande la permission au patient, le patient a le droit de dire non, et cette façon de faire est acceptée.

M. Hjulsager: Peut-être pourrais-je ajouter quelque chose à ce que le Dr Kverneland vous a déjà dit. Il faut se rendre compte que nous avons une longue tradition de registres publics qui contiennent des données individuelles sur les citoyens. Au tout début, il y a justement eu cette discussion-là, et un débat public intense concernant le spectre de «Big Brother». Cependant, au cours de nombreuses années, nous avons réussi à gagner la confiance du public. Je peux vous parler tout à l'heure de ce que nous avons fait pour éviter les problèmes de non-respect de la confidentialité en ce qui concerne les systèmes d'information sanitaire.

Le président: Pourriez-vous me dire exactement ce que vous avez fait pour régler ce problème de la confidentialité? Comment faites-vous pour garantir que seules les personnes autorisées ont accès au système?

Dr Kverneland: Ce sont les comtés qui administrent le système hospitalier dans une très large mesure. Nous leur avons dit qu'ils doivent faire leur part pour assurer la sécurité du système, et en contrôler l'accès, en utilisant des numéros d'identification personnels ainsi qu'un autre système de sécurité complémentaire. Nous leur avons imposé des règles, ainsi que des instructions sur la procédure à suivre. Mais ils sont obligés de faire eux-mêmes ce travail.

Certains comtés s'en sortent mieux que d'autres pour ce qui est d'avoir des systèmes que nous jugeons acceptables. Nous y avons donc apporté une attention particulière, et au cours des deux ou trois derniers mois, nous avons élaboré des directives très strictes qui décrivent avec précision l'ensemble des procédures à suivre. Nous espérons que ce sera un succès et que la situation s'améliorera en conséquence, afin que la sécurité soit suffisamment rigoureuse pour éviter le risque que les données finissent entre les mains de personnes indésirables.

Le président: Y a-t-il des sanctions graves en cas de non-respect de vos directives?

Dr Kverneland: Non, il faut à ce moment-là passer par le droit civil, et passer devant un tribunal si vous cherchez à infliger des sanctions.

Le sénateur LeBreton: Toujours sur la question de la sécurité et de l'accès aux dossiers des patients, pourriez-vous me dire si ces dossiers sont tenus par un établissement public? Ai-je raison de croire que ce ne sont pas les patients individuels qui les gardent?

Dr Kverneland: Certains hôpitaux se font aider par des compagnies privées pour gérer leurs systèmes de technologie de l'information. C'est la responsabilité du comté concerné de s'en charger. Ce n'est pas quelque chose de privé.

Le sénateur LeBreton: Les patients individuels peuvent-ils accéder à tout moment à l'information inscrite dans leur dossier qui est tenu au registre public?

Dr Kverneland: Pas pour le moment. Nous y travaillons beaucoup en ce moment. Bien entendu, le patient devrait savoir quelles informations ont été rassemblées sur lui. Si nous faisons progresser le système au point où les patients peuvent faire ça, ils n'en auront plus du tout peur. C'est donc une question importante.

M. Hjulsager: J'ajouterais qu'une partie du dossier du patient est soumise au Conseil national de la santé et inscrite au Registre national des patients. Les citoyens se mettent en rapport avec nous tous les jours pour demander à accéder aux informations que contient le Registre national des patients. On leur communique ces informations dans un délai de 20 jours.

Le sénateur LeBreton: Vous parlez du patient individuel?

M. Hjulsager: Oui.

Le sénateur LeBreton: Je suppose qu'il vous arrive de vouloir faire participer certains malades à un projet de recherche et que certains ne souhaitent pas le faire. Ont-ils le droit de refuser que leurs données soient utilisées dans le cadre de projets de recherche?

M. Hjulsager: C'est assez compliqué. Nous avons des lois générales qui décrivent la procédure à suivre pour protéger l'information personnelle des particuliers. De façon générale, on ne peut pas — et on ne le fait pas non plus — solliciter la participation des patients à un projet de recherche. C'est ça la question principale. Dans le cadre de certains projets, lorsqu'un chercheur a besoin de rassembler des données additionnelles qui ne se trouvent pas au registre, il est tenu de demander la permission du patient, et le patient doit donner son consentement avant qu'il puisse accéder à l'information en question.

Mais de manière générale, nous avons un conseil d'inspection des données qui est chargé de tenir les dossiers, de surveiller et d'accepter tous les projets, et d'énumérer tous les projets en cours qui reposent sur des données individuelles. Les administrateurs de chaque projet de recherche doivent être prévenus et chaque projet doit être accepté par le conseil d'inspection des données.

Le sénateur Robertson: On parle d'une quantité considérable d'information. Comme vous le savez peut-être, nous avons eu des problèmes ici au Canada en raison des craintes des citoyens concernant la protection de leurs renseignements personnels.

Si j'étais patient dans votre pays, et qu'un dossier ait été constitué pour moi et conservé quelque part, qui, à part moi-même, aurait accès à mon dossier?

M. Hjulsager: La réponse générale que je peux vous faire c'est que tous ceux qui travaillent dans ce domaine et ont besoin d'accéder à l'information y auront accès.

Le sénateur Robertson: Tous ceux qui font un travail connexe. Peut-on en conclure que tous ceux qui collectent et tiennent l'information, en plus des médecins et des hôpitaux, et cetera, ont accès au dossier?

M. Hjulsager: S'ils ont besoin d'y avoir accès pour remplir les fonctions de leur poste, on leur permet d'accéder à l'information.

Le sénateur Robertson: Pourriez-vous m'expliquer exactement ce que vous voulez dire par là? Je peux comprendre que les médecins aient besoin de cette information. Mais j'ai un peu de mal à comprendre pourquoi ceux qui travaillent dans la division chargée d'emmagasiner l'information, et cetera auraient besoin d'y avoir accès. Pourquoi auraient-ils besoin de cette information?

M. Hjulsager: Ils pourraient en avoir besoin pour élaborer un système d'information sanitaire qui servirait à assurer le contrôle de la qualité ou à améliorer la qualité des soins dans ce secteur. Il pourrait s'agir simplement de transmettre l'information à des politiciens au Parlement.

Le sénateur Robertson: Pour ma part, je ne veux pas qu'un politicien puisse accéder à des données personnelles qui me concernent. Donnez-moi quelques secondes pour assimiler cette information-là.

M. Hjulsager: Je devrais aussi préciser que lorsque l'information est communiquée plus loin dans le système, il s'agit uniquement de données regroupées.

Le sénateur Robertson: Donc, vous communiquez uniquement sans identification précise, n'est-ce pas? Autrement dit, mon nom ne figurerait pas sur l'information qui serait communiquée.

Dr Kverneland: Non.

M. Hjulsager: Les statistiques utilisées pour les activités d'assurance de la qualité et de planification des soins de santé ne correspondent pas à des données individualisées. L'information doit être anonyme avant qu'elle puisse aller plus loin.

Le sénateur Robertson: Vous me rassurez.

Les compagnies pharmaceutiques demandent-elles à avoir accès à vos dossiers, par exemple? Nous avons entendu dire ici au Canada que certaines compagnies pharmaceutiques arrivent à savoir, grâce aux fichiers informatiques des pharmacies, qui se sert de leurs produits et qui ne s'en sert pas pour traiter telle affection. Elles arrivent souvent à obtenir la liste des médecins qui ne prescrivent pas leurs produits. Elles peuvent ensuite s'adresser directement à ces médecins pour les encourager à utiliser leurs produits. Certains d'entre nous estimons que cette pratique n'est pas conforme aux principes déontologiques. Rencontrez-vous de tels problèmes? On a attiré notre attention sur de nombreux exemples de ce type, où le système s'éloigne de sa mission. C'est le genre de choses qui inquiètent beaucoup nos citoyens.

Dr Kverneland: Si cela se produisait au Danemark, ce serait carrément une infraction. Nous avons une loi qui interdit l'utilisation de ces données pour de telles fins. Le seul exemple que je trouve qui se rapprocherait un peu du genre de situation que vous décrivez concerne la collecte de statistiques dans chaque comté du Danemark. Le Danemark regroupe 14 comtés ayant chacun 300 000 ou 400 000 habitants. On fait la collecte de statistiques concernant les médicaments utilisés dans tel comté. Par conséquent, il serait possible de savoir s'il y a 20, 40 ou 50 médecins en exercice dans telle région. Si ces derniers ne se servent pas de certains produits, des représentants de l'industrie pourraient s'adresser à eux pour leur demander pourquoi ils ne s'en servent pas, en leur recommandant de s'en servir. C'est une sorte de marketing basé sur les statistiques. Mais ce ne sont pas des données de patients individuels. Donc, les compagnies ne pourraient pas faire plus que ça. Si jamais elles se servaient de données personnelles à cette fin, elles seraient sanctionnées. Ce n'est pas autorisé.

Le sénateur Robertson: Mais des intérêts commerciaux peuvent rassembler de l'information collective pour chaque comté?

Dr Kverneland: Oui, mais pas ce genre de données. Elles peuvent compiler des statistiques sur les produits qui se vendent dans telle région. C'est ça le genre d'information qu'on leur fournit — pas des données sur quels patients auraient utilisé quels produits. Il s'agit plutôt d'une analyse marketing.

Le sénateur Robertson: Je ne parlais pas d'un scénario où les compagnies en question sauraient quel patient utilise quel produit; je parlais plutôt de la possibilité que les pharmacies communiquent de l'information aux entreprises commerciales qui indiquent quels médecins ne se servent pas de tel produit, si bien que les compagnies puissent ensuite faire pression sur eux pour l'utiliser. Lorsque quelqu'un demande l'accès à un dossier, est-ce qu'on le lui refuse? Mes droits sont-ils protégés en vertu d'une loi à ce point rigoureuse, avec des sanctions tellement sévères, que les possibilités d'abus sont vraiment limitées?

Dr Kverneland: Je dirais que oui.

Le sénateur Keon: J'aimerais vous poser des questions précises sur le mode de fonctionnement de votre système, la façon de saisir les données, où elles sont stockées, où se trouvent vos dépôts d'archives, qui y a accès avant que les données ne soient entreposées au dépôt central du gouvernement, et comment on peut accéder à un dépôt local pour extraire des données. Pourriez-vous me décrire le processus — par exemple, un patient se fait soigner dans une petite clinique ou à l'hôpital, les données médicales sont saisies dans le système; mais cette information où est-elle emmagasinée provisoirement? Chaque hôpital a-t-il un dépôt, ou les données sont-elles directement acheminées vers le dépôt central?

Dr Kverneland: D'abord, la grande majorité des données cliniques au Danemark existent toujours sur support papier. Dans les cliniques où les dossiers existent sur support papier, on enregistre certaines données dans le système informatique. Typiquement, le secrétaire du service entrera les données dans le système au nom du médecin. Cette information enregistrée est acheminée au niveau national chaque mois. Voilà la procédure habituelle.

Certains dossiers médicaux sont conservés par certains hôpitaux. Ils rassemblent toutes les données enregistrées au système local et les transmettent une fois par mois au dépôt national.

Différentes compagnies se spécialisant dans les technologies de l'information participent au processus. Dans certains comtés, c'est l'entreprise qui gère le système informatique. Bien entendu, les techniciens qui entretiennent le système pourraient en extraire des données, mais c'est contre la loi. Évidemment, comme il y a des criminels un peu partout, ce risque existe. Mais je n'ai pas entendu parler de problèmes de cet ordre.

Le sénateur Keon: Donc, au niveau des établissements, vous avez des spécialistes de l'abstraction des données qui extraient les données pertinentes et les transmettent au dépôt central. Avez-vous des établissements qui tiennent ce que nous appelons en Amérique du Nord des dossiers médicaux complets, c'est-à-dire des dossiers qui contiennent des informations très détaillées? Quels règlements s'appliquent à l'information communiquée aux chercheurs, et cetera?

Dr Kverneland: Non, nous n'avons pas du tout ça.

Le sénateur Morin: La question de la protection des renseignements personnels revêt beaucoup d'importance pour les Canadiens. D'après les sondages menés dans diverses provinces, jusqu'à 25 p. 100 des citoyens ne voudraient pas que leurs dossiers soient communiqués par voie électronique. Les gens s'inquiètent beaucoup plus des risques associés à un dossier médical électronique qu'à un dossier qui n'existe que sur support papier. Les patients ne s'opposent pas à l'idée que leur dossier médical, sur support papier, fasse le tour de l'hôpital, passe entre les mains de beaucoup de gens différents, mais ils s'opposent vivement à l'idée d'un dossier médical électronique, sans doute parce qu'ils craignent le piratage informatique, des bavures ou des accidents. Je dirais que cette attitude représente un gros obstacle à la création de dossiers médicaux électroniques au Canada.

Nous avons également des commissaires à la protection de la vie privée au Canada, quelque chose qui n'existe sans doute pas au Danemark, qui sont chargés à juste titre de s'assurer qu'on protège les renseignements personnels. Pour la population canadienne, c'est très, très important.

Vous avez déjà un système d'information, même si vous dossiers électroniques ne sont pas des dossiers médicaux complets. Dans ce cas, quelles données cliniques seraient communiquées par l'hôpital au dépôt central? Serait-ce uniquement les diagnostics ou plus que ça?

Je vois également qu'on communique les ordonnances de cette façon. Est-ce que cela veut dire que l'omnipraticien individuel communique les ordonnances aux pharmacies de cette façon, ou ce système existe-t-il uniquement pour des fins administratives — par exemple, pour payer les pharmacies, et cetera?

Je constate aussi que des crédits ont récemment été accordés pour les technologies de l'information. Pourriez-vous me dire combien cela vous a coûté? Je sais que vous êtes en train de planifier votre système d'information. Vous êtes déjà beaucoup plus avancés que bon nombre d'autres pays en ce qui concerne cette planification. Combien vous a coûté votre système?

Dr Kverneland: D'abord, j'aimerais répondre concernant les données acheminées par les cliniques au dépôt national. Les ordonnances sont transmises aux pharmacies uniquement; nous ne conservons pas cette information au niveau national. Normalement nous collectons de l'information sur le diagnostic du patient, les interventions chirurgicales qu'il a subies, ainsi que d'autres données administratives.

M. Hjulsager: Nous conservons l'information de base concernant le patient — son numéro de sécurité personnel, son adresse, et cetera.

D'après vos questions, je vois que la question de la protection des renseignements personnels vous préoccupe beaucoup. J'insiste sur le fait que c'est une question très importante, et je vous conseille de la prendre très au sérieux.

Au Danemark, nous avons une tradition de longue date, qui remonte au milieu des années 70; c'est alors que chaque citoyen s'est vu assigner un numéro de sécurité personnel. Jusqu'à un certain point, les Danois ont fini par accepter d'être suivi sur une base individuelle. Il en va de même pour les soins de santé.

Nos lois sont structurées pour permettre le traitement de données spécifiques et détaillées sur les malades. Nous avons un certain nombre d'organes au Danemark qui sont chargés de surveiller tous les registres qui contiennent des données personnelles, qu'elles touchent les soins de santé ou autre chose. C'est une obligation pour les organismes des secteurs tant privé que public. Nous sommes tenus de signaler à cet organe tous les registres que nous tenons.

Pour ce qui est du coût du système, il est difficile pour moi aujourd'hui de vous donner une réponse exacte. Je pourrais vous transmettre cette information par écrit si toutefois cela vous intéresse.

Le sénateur Morin: Oui, avec plaisir. Merci.

Dr Kverneland: Vous m'avez posé une question concernant le coût du perfectionnement des systèmes informatiques des hôpitaux. Le comté de Copenhague, qui compte environ 600 000 habitants, élabore actuellement une stratégie qui sera mise en oeuvre progressivement au cours des quatre ou cinq prochaines années. Ce comté a l'intention d'investir 1,2 milliard de couronnes dans un système de DME et de dépenser ce qu'il faudra pour mettre en place un système informatique perfectionné au niveau clinique. Cela représente donc un investissement d'environ 200 millions de couronnes par année pour une région qui compte seulement 600 000 habitants.

Le président: À titre de comparaison, je précise que cela correspond à environ 100 millions de dollars canadiens par année.

Le sénateur Pépin: L'un d'entre vous a dit que les compagnies d'assurance n'ont pas accès aux données. Veuillez donc m'expliquer quelque chose. Si une personne se fait opérer pour un cancer du sein, et que la facture est envoyée à la compagnie d'assurance, comment est-ce possible que cette dernière ne soit pas au courant de son état de santé? Comment fonctionne la facturation entre l'hôpital ou le médecin et la compagnie d'assurance?

Dr Kverneland: Au Danemark, tous les soins de santé sont gratuits. Les gens ne paient pas les traitements qu'ils reçoivent. Ils paient des impôts et ils peuvent recevoir tous les soins de santé qu'il leur faut à l'hôpital. Il n'y a pas de facturation.

Le sénateur Pépin: Donc les gens n'ont pas besoin d'assurance privée?

Dr Kverneland: Non.

M. Hjulsager: Par contre, nous témoignons d'une expansion importante en ce qui concerne les assurances privées. Le nombre d'assurés augmente rapidement. C'est un secteur qui connaît une forte expansion.

Dans des cas où la compagnie d'assurance a besoin d'information pour pouvoir régler une facture, cette dernière doit concerner les soins reçus par un malade dans un hôpital privé. À ce moment-là, c'est la compagnie d'assurance qui paie.

Des informations supplémentaires doivent nécessairement être transmises à la compagnie d'assurance avant qu'elle puisse effectuer le paiement. Il ne s'agit pas d'informations tirées directement du dossier médical. Mais il reste que des informations additionnelles doivent être communiquées à la compagnie d'assurance.

Dr Kverneland: Pour vous expliquer le processus au Danemark, c'est le comté chargé d'administrer les hôpitaux publics qui s'adresse aux hôpitaux privés en leur disant: «Nous sommes dans l'impossibilité de traiter tous nos patients. Acceptez-vous d'en traiter dans vos établissements privés?» Ce sont eux qui déterminent les traitements que requiert le malade.

Normalement, lorsqu'il s'agit d'un acte médical standard, tel qu'une intervention de remplacement de prothèse de hanche ou la cardiochirurgie, le prix est fixe. Ils n'ont pas la possibilité d'établir les honoraires médicaux. C'est un paiement fixe.

Le sénateur Pépin: La situation va peut-être changer après le 1er juillet 2002.

Pour revenir sur la question de l'information que contient le dossier médical d'un patient, supposons qu'un malade arrive à l'hôpital ou à une clinique pour faire faire des analyses sanguines. Vous nous avez dit que tout est inscrit sur le dossier. Quand le malade se trouve à l'hôpital, il suffit d'appuyer sur un bouton pour connaître la nature de sa maladie. Cette information doit figurer sur son dossier. Supposons que le patient se présente à l'hôpital pour faire faire des analyses sanguines — le même hôpital où il s'est fait opérer — il donne sa carte d'assurance-maladie, et ensuite son numéro de carte d'hôpital. Ils ont accès à son information personnelle à ce moment-là, n'est-ce pas? Comment fonctionne votre système?

Dr Kverneland: Non, ils n'y ont pas accès, évidemment. Quand vous avez besoin de faire faire des analyses sanguines, c'est le médecin qui remplit une demande et les résultats sont communiqués au médecin. Le laboratoire ne peut accéder dans le système qu'au formulaire de demande, qui va être marqué d'un X.

Par contre, si un malade prend du lithium, qui est utilisé pour traiter la dépression, et que le niveau est surveillé par le laboratoire, ce dernier va forcément savoir que le patient reçoit ce traitement.

Le sénateur Pépin: Mais si je me présente au même hôpital où je me suis fait opérer — disons pour faire faire une numération globulaire — même si l'hôpital a mon numéro de carte, il ne serait pas en mesure de trouver mon diagnostic dans mon dossier médical?

Dr Kverneland: Le motif de l'analyse doit être défini. Si un médecin demande des analyses sanguines, certaines données cliniques doivent nécessairement accompagner la demande. Le médecin qui demande les analyses expliquerait au malade que le médecin qui sera chargé de faire les analyses a besoin de données cliniques pour bien faire son travail. Mais il s'agirait d'information bien spécifique.

Le sénateur Pépin: Nous avons beaucoup à apprendre à ce sujet.

Le sénateur Cordy: L'information que vous nous communiquez aujourd'hui est fort utile.

J'aimerais revenir sur la question du financement soulevée par le sénateur Morin. Vous nous expliquiez que cela coûte très cher de mettre en place un tel système. Entretenir un tel système est également très coûteux. Il faut donc disposer de financement à long terme, ce que votre gouvernement est disposé à vous assurer, d'après ce que vous nous disiez.

Les systèmes utilisés dans tous les comtés différents doivent être compatibles. Qui a supporté les coûts de mise en place et d'entretien des systèmes? Le gouvernement fédéral a-t-il financé l'ensemble des activités ou les dépenses ont- elles été partagées avec les comtés? Quelle formule de financement a été retenue?

Dr Kverneland: Vous m'avez posé deux questions. La première concerne les normes élaborées en collaboration avec l'Europe et l'ISO, soit l'Organisation internationale de normalisation. Ensuite, il y a l'activité de normalisation nationale, qui est payée par le gouvernement national. Au Conseil national de la santé, nous y travaillons à l'heure actuelle.

Cependant, l'application des normes relève spécifiquement des responsables des TI dans les différents comtés. Votre question est tout à fait pertinente, parce que nous discutons actuellement du degré d'application des normes élaborées pour les systèmes que le gouvernement jugerait approprié. Cette discussion est toujours en cours. Certains prétendent que nous devons suivre de beaucoup plus près l'application des normes en région parce que si les comtés décident de configurer leurs systèmes comme bon leur semble, nous ne pourrons plus communiquer entre nous. Donc, votre question est tout à fait pertinente. Je ne peux pas vraiment vous donner de réponse précise, mais sachez que nous envisageons d'imposer une application plus rigoureuse des normes en région.

Le sénateur Cordy: Ma prochaine question concerne l'application du système dans les cabinets de médecins et dans les hôpitaux. Dans quelle mesure pouvez-vous influencer l'application des systèmes de dossiers médicaux électroniques dans les hôpitaux privés?

M. Hjulsager: Peut-être pourrais-je vous expliquer notre Registre national des patients. Tous les hôpitaux, tant privés que publics, transmettent l'information sur les patients au Conseil national de la santé pour inscription au Registre national des patients, de même que des informations sur les activités dans les hôpitaux. Jusqu'à présent, nous n'avons pas vraiment réussi à obtenir des informations des hôpitaux privés. Je pense que nous avons dû transmettre une demande officielle d'information à quelques hôpitaux — peut-être cinq en tout — mais que seulement un ou deux nous communiquent de l'information.

Dr Kverneland: Il convient de vous signaler que moins de 1 p. 100 des lits d'hôpitaux au Danemark se trouvent dans des établissements privés. Nous avons très peu d'hôpitaux privés. À mon avis, il y en a seulement deux ou trois. Il existe aussi un petit nombre de cliniques privées.

Le sénateur Cordy: Je me demande si vous envisagez à long terme de créer une carte de patient que les gens auraient avec eux tout le temps pour leur permettre d'accéder à leurs dossiers, pas seulement au Danemark, mais s'ils venaient au Canada, par exemple, et avaient besoin de soins médicaux, on pourrait accéder à leur information sanitaire.

Dr Kverneland: Il en a été question, et nous en avons discuté, mais que je sache, aucune décision n'a encore été prise à ce sujet. Si nous donnions une carte à puce contenant l'information du dossier médical à chaque personne, il est possible que les gens oublient de se munir de cette carte avant d'aller à l'hôpital, ou encore que les cartes se perdent ou soient détruites. Pour nous ce n'est pas une façon sûre d'assurer la communication de cette information. Il faut que l'hôpital et le comté possède cette information.

Le sénateur Robertson: J'ai quelques questions à poser concernant l'utilisation du système du point de vue du patient, du cabinet du médecin, ou de la pharmacie. L'une de nos inquiétudes au Canada concerne le fait que certains patients se font une collection d'omnipraticiens. Ils obtiennent des ordonnances de chaque médecin et ils se présentent ensuite à différentes pharmacies pour faire exécuter ces ordonnances.

Je me mets donc à la place du patient. Si je vais voir mon médecin de famille, ce dernier a-t-il accès à mon dossier médical complet? Et si je me présente à une pharmacie pour faire exécuter une ordonnance, le pharmacien a-t-il accès à la liste de tous les médicaments qu'on m'a prescrits, quelles que soient les périodes? Les chirurgiens-dentistes ont-ils accès au dossier complet du patient?

Dr Kverneland: Vous me posez beaucoup de questions. La pharmacie n'est au courant que des médicaments payés par le gouvernement. Si le gouvernement doit payer une partie des médicaments, cette information se trouve au registre central.

Lorsqu'il est question de certains stupéfiants, les médecins doivent transmettre une copie de l'ordonnance au gouvernement national. Nous conservons cette information pour être en mesure de réagir si une personne obtient de nombreuses ordonnances de médecins différents, ou si un docteur lui prescrit trop de stupéfiants, d'analgésiques ou de morphine; à ce moment-là, les autorités peuvent contacter le médecin pour lui conseiller de ne plus prescrire de tels médicaments.

Mais si un malade consulte différents médecins et obtient des ordonnances différentes, il n'y a aucun système qui nous permet de collecter cette information. Cependant, la plupart des médecins ne voudront pas prescrire des stupéfiants à un patient qu'ils ne connaissent pas bien. Mais il n'existe aucun système qui nous permettrait de collecter des informations autres que celles relatives aux ordonnances pour des médicaments très puissants.

Le président: À votre avis, combien de temps faudra-t-il pour instaurer tout le système à l'échelle nationale? Vous avez dit que Copenhague envisage d'investir 300 millions de couronnes par année pendant quatre ou cinq ans.

Dr Kverneland: Je pourrais dire, pour susciter la polémique: «Quand aurez-vous fini de faire ce travail?» Mais le fait est que nous ne sommes pas loin d'atteindre l'objectif de la communication électronique des dossiers médicaux d'un malade relatif à ses épisodes de soins, et il est possible que les différents services puissent communiquer entre eux d'ici six ou sept ans, si les comtés sont prêts à payer, car je ne suis pas sûr qu'ils se soient tous engagés à faire ce genre de budgétisation à long terme. À mon avis, ils ne l'ont pas fait, mais s'ils le font, voilà où nous en serons dans six ou sept ans.

Le président: La question fondamentale est la même pour vous que pour nous, c'est-à-dire: qui le paiera? À cet égard, si le gouvernement national estime que ce serait utile, il sera plus disposé à y apporter une contribution financière importante.

Dr Kverneland: Je l'espère.

Le président: Dans votre réponse à la question du sénateur Keon, j'avais l'impression que les données sont saisies dans le système par des experts qualifiés qui savent lire l'information inscrite sur le dossier du médecin, qui est sur support papier, et peuvent ensuite procéder à l'abstraction des données à acheminer vers votre système. Est-ce bien ainsi que ça marche? Si un patient consulte son médecin de famille, est-ce que ce dernier ou quelqu'un qui travaille à son bureau saisit lui-même les données? Pour moi, cela risque de poser un grave problème de formation des ressources humaines.

Dr Kverneland: Au Danemark, la plupart des omnipraticiens en exercice travaillent avec des dossiers médicaux électroniques. Ils saisissent eux-mêmes les données.

Le président: Est-ce qu'il a été difficile d'apprendre aux médecins de famille à faire ça?

Dr Kverneland: Eux-mêmes ont décidé d'adopter ce système. Ça ne coûte pas cher, et c'était la chose la plus intelligente à faire.

Le président: Donc, les médecins eux-mêmes ont décidé que ce serait une bonne pratique à adopter; vous n'avez pas été obligés de le leur imposer.

Dr Kverneland: C'est exact.

Le président: Le Conseil national de la santé est chargé d'évaluer la qualité des soins assurés dans les divers établissements, hôpitaux, et cetera.

Cela veut-il dire que l'information que contient le dossier électronique sert pour la recherche sur les résultats, c'est-à- dire pour analyser la qualité des soins et services? Je suppose qu'il s'agit de données essentielles pour quiconque veut faire de bonnes recherches sur les résultats. C'est bien ça?

M. Hjulsager: Vous avez raison. Nous avons un processus intégré d'amélioration et de contrôle de la qualité. Certaines activités se déroulent au sein même du Conseil national de la santé, ou sont dirigées par le Conseil. Il y a énormément d'activité dans les unités cliniques locales. Une section spécifique du dossier médical du patient est transmise au Conseil national de la santé sur une base mensuelle.

Nous tenons un registre complet des activités des services somatiques et psychiatriques des hôpitaux pour ce qui est des soins à la fois aux malades hospitalisés et en clinique externe. Il s'agit d'un registre national. Ce registre est utilisé de nombreuses façons différentes pour assurer le contrôle et l'amélioration de la qualité des soins, non seulement au sein du Conseil national de la santé, mais dans le cadre de nombre de projets de recherche. Nous traitons les données et les soumettons aux responsables des projets et les résultats de ces projets servent à assurer le contrôle et la planification de la qualité.

En général, nous essayons d'encourager un degré élevé d'autocontrôle dans les services cliniques.

Le président: Dans quelle mesure le dossier médical électronique est-il indispensable pour mener de bonnes recherches sur les résultats?

Dr Kverneland: Pour le moment, il n'est pas essentiel, mais nous estimons que le dossier médical du patient représente l'élément le plus important du processus d'amélioration de la qualité.

Le président: Ce n'est pas essentiel pour le moment, comme le système n'est pas encore en place, mais est-ce que vous êtes du même avis que nous, c'est-à-dire qu'à l'avenir, les dossiers médicaux électroniques des malades constitueront la pierre angulaire des efforts d'amélioration de la qualité et de suivi des résultats, et des recherches menées sur les résultats?

Dr Kverneland: Je suis d'accord pour qu'on procède à la structuration de l'information car, si l'information est structurée de telle façon qu'on puise effectuer de telles analyses, on doit aussi la structurer pour pouvoir effectuer d'autres analyses.

Le président: Permettez-moi de vous remercier tous les deux pour votre présence ce matin parmi nous. Nous sommes ravis d'apprendre que votre technologie donne de si bons résultats.

Nous vous demandons de bien vouloir nous transmettre par courrier électronique les acétates en PowerPoint que vous avez présentés ce matin, pour qu'on les distribue à tous les membres du comité.

Je voudrais également remercier Brian Herman, de l'ambassade du Canada au Danemark, ainsi que l'ambassadeur Neilsen, qui est l'ambassadeur du Danemark au Canada. Merci infiniment, vous avez apporté une contribution très importante à notre étude.

La séance est levée.


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