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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 66 - Témoignages du 11 septembre (après-midi)


OTTAWA, le mercredi 11 septembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 14 h 07 pour examiner le document intitulé «Santé en français — Pour un meilleur accès à des services de santé en français».

Le sénateur Yves Morin (président suppléant) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président suppléant: Nous allons débuter et d'autres sénateurs se joindront sûrement à nous. Je remercie les témoins de se présenter cet après-midi. Il s'agit de M. Hubert Gauthier, directeur général de l'Hôpital Saint-Boniface, qui était coprésident du comité consultatif. En plus d'avoir été président de la Fédération, vous avez été président de la Fédération des communautés francophones et acadienne? Est-ce que je me trompe?

M. Hubert Gauthier, directeur général, hôpital de Saint-Boniface: À l'origine, monsieur le président.

Le président suppléant: Vous avez d'ailleurs reçu une distinction à ce titre. Vos titres d'expertise sont indiscutables. Nous accueillons également M. Jacques Labelle, qui était président directeur général de l'Hôpital général d'Ottawa et M. Edmond LaBossière, qui est coordonnateur des affaires francophones intergouvernementales.

Si j'ai bien compris, vous me corrigerez si je me trompe, il s'agit d'un regroupement de gouvernements provinciaux qui ont formé un consortium pour étudier un certain nombre de problèmes en rapport avec la francophonie. Est-ce bien dit?

M. Edmond LaBossière, coordonnateur/facilitateur, Affaires francophones intergouvernementales: C'est essentiellement cela. C'est un poste de coordination pour les provinces et les territoires en ce qui concerne la coopération intergouvernementale sur les affaires francophones.

Le président suppléant: Cela inclut toutes les provinces et les territoires?

M. LaBossière: Oui.

Le président suppléant: Vous savez que ce comité a été mis sur pied spécifiquement pour étudier ces deux rapports et pour faire rapport au Sénat. Il s'agissait d'une suggestion du sénateur Gauthier qui a été adoptée à l'unanimité par le Sénat. Nous allons revoir ces deux documents, soit «La santé en français» et le rapport au ministre du gouvernement fédéral. Nous allons procéder à cette étude. L'échange de cet après-midi est très important parce que, finalement, c'est l'objet de notre comité. Il a été mis sur pied précisément pour étudier ces deux documents.

M. Jacques Labelle, ex-président directeur général, Hôpital général d'Ottawa: Je suis ici non pas parce que cela faisait partie de mes intentions, mais parce qu'on m'a demandé de faire des commentaires. Je vous rappelle mes antécédents: j'ai été directeur général en Ontario, à Sudbury, à Ottawa, à Brockville, à Smith Falls, à Toronto et à Montréal pendant cinq ans. Je connais assez bien le milieu ontarien pour y avoir vécu. Je connais moins les Maritimes et certainement moins l'Ouest, bien que j'aie beaucoup voyagé dans l'Ouest.

Je pense qu'on doit diviser le problème de la santé en français par blocs de provinces. Selon moi, l'Ontario et le Nouveau-Brunswick sont dans une situation particulière à cause du nombre assez important de francophones. Pour les autres provinces, comme les provinces de l'Ouest, je pense que c'est une dynamique complètement différente à cause de l'éparpillement et du nombre relativement limité de francophones.

C'est exactement la même chose pour les provinces maritimes sauf pour le Nouveau-Brunswick qui, lui, semble prendre à coeur les besoins de sa population francophone.

Mes commentaires me feront probablement passer pour l'avocat du diable. Je ne serai pas «politically correct». Jai eu de la difficulté avec le rapport et avec la relation qu'on a établie entre la qualité de la santé des francophones hors Québec et la qualité des services en français. Il n'y a aucun parallèle à faire entre les deux. S'il y a un problème de santé chez les francophones, cela est causé par des éléments socio-économiques. Si un jour, les francophones ont un statut similaire aux anglophones de leur province, je pense qu'ils n'auront pas plus, pas moins de problèmes de santé. Si on avait des services en français pour les personnes défavorisées socio-économiquement, on aurait les mêmes problèmes de santé. Je conteste le lien que le rapport fait entre les deux.

On doit se poser des questions sur le terme «communauté» qu'on retrouve dans le rapport. Une communauté veut dire que ce sont des gens qui ont quelque chose en commun, plus que la langue, une société, une capacité d'échanger sur une base journalière dans une langue. Cela a déjà été le cas dans certaines communautés où il y avait des concentrations de francophones.

Lorsque je suis né à Ottawa, je pouvais partir de la cathédrale sur la rue Sussex et marcher jusqu'au cimetière Notre- Dame de Lourdes, ce qui représentait deux heures de marche. Je n'aurais pas rencontré un anglophone pendant cette marche. Tout se faisait en français, que ce soit avec le garagiste, le coiffeur, le pharmacien ou le caissier au dépanneur. Aujourd'hui, je ferais la même marche et si je rencontrais un francophone, je pourrais me considérer chanceux. Si je suis servi en français dans une boutique, je vais me considérer très chanceux.

Les communautés existantes ont été jusqu'à un certain point éliminées du fait que d'autres éléments non francophones ont intégré ces communautés et que les francophones sont dispersés. Il y a des francophones à Kanata, à Rockliff, partout; dans ma jeunesse, il n'y en avait pas. Cela cause des problèmes sérieux pour les services en français. Les francophones qui vivent dans ces communautés ont certainement moins le contrôle de la langue que lorsque j'étais jeune.

Je regarde mes soeurs, mes cousins, les gens qui vivent dans la communauté actuelle et je constate que leurs enfants sont certainement plus à l'aise en anglais qu'en français, ce qui n'était pas le cas pour les gens de ma génération. Le même phénomène s'est produit dans l'Ouest comme à Saint-Boniface, à Gravelbourg ou à d'autres endroits.

Le rapport m'a semblé bureaucratique. J'ai eu l'impression qu'on a imposé aux gens d'arriver à des conclusions et ne sachant comment attaquer le problème, ils ont proposé des structures bureaucratiques telles que le font les gens lorsqu'ils ne savent pas très bien quoi faire. Cela me fait penser à la création des conseils de la santé. On avait une liste de problèmes et on ne savait pas quoi faire pour les solutionner. On a donc préconisé la création de conseils de la santé qui se rencontrent de façon irrégulière et qui font des études et rédigent des rapports. Mais quel impact cela a-t-il sur la qualité des services de ces communautés? J'ai des doutes.

Le problème est que les francophones à certains endroits n'ont pas le statut socio-économique qu'ils devraient avoir. C'est l'essence du problème. Il y a une pénurie de francophones dans le domaine de la santé dans toutes les provinces. On doit se concentrer sur deux genres de professionnels: les infirmières et les médecins. Les autres sont importants, mais moins que les infirmières et les médecins qui sont au coeur du problème.

Comme je le disais tout à l'heure, les communautés sont en voie d'éparpillement et jusqu'à un certain point, on pourrait dire que les communautés rétrécissent rapidement, donc la possibilité d'aller chercher des professionnels de la santé à même ces communautés diminue puisque le nombre diminue. Ces gens sont défavorisés. Qu'ils deviennent professionnels cause encore certains problèmes.

On doit reconnaître que les provinces, sauf le Nouveau-Brunswick, ne sont pas intéressées à ce problème. C'est de leur domaine puisque la santé est de juridiction provinciale. Tant qu'on ne pourra pas s'assurer que les provinces prennent au sérieux les besoins de leur population, il sera difficile de contourner ces difficultés.

Quant au réseautage, j'ai peur qu'on crée une structure bureaucratique. Si on engage des gens pour faire des études et rédiger des documents, il va y avoir abondance de travail bureaucratique. Quel effet cela aura-t-il sur le nombre de francophones qui sont soit infirmières ou médecins? C'est la clé du problème. Il faut avoir des médecins et des infirmières francophones dans des lieux stratégiques.

Pour la question de la formation, on parle d'un consortium. Je privilégie les lieux de formation existants où il y a des francophones. Il y a certainement l'Université d'Ottawa et l'Université Laurentienne en Ontario. Il y a des collèges communautaires bilingues en Ontario; dans l'Ouest, il y a des collèges francophones. Je concentrerais les activités dans les collèges existants pour voir s'ils ne sont pas en mesure de développer certains programmes pour les francophones.

Quand aux programmes de médecine, c'est très complexe. Pour le nursing, ce serait plus facile. Il y aurait des possibilités. Encore là, les lieux de formation seraient dans les hôpitaux existants où, à l'ouest de la rivière des Outaouais — sauf à Montfort — toute la formation se donne en anglais. Ces étudiants francophones seraient obligés de fréquenter ces lieux anglophones pour leur formation.

L'Ontario, avec sa Loi 8, a tenté de créer des lieux d'accueil pour les francophones. On a désigné certains hôpitaux bilingues et on leur a demandé d'établir des plans d'action pour subvenir aux besoins de leur population francophone. Toutefois, cela ne semble avoir eu aucun effet sur la réalité des francophones vivant en ces lieux. À l'exception d'Ottawa où la population est plus importante, les hôpitaux n'ont pas pris cela au sérieux. Là où les francophones sont plutôt minoritaires, on a fait très peu. On a établi des plans d'action et effectué toutes sortes de travaux bureaucratiques, mais la réalité de ces hôpitaux n'a pas changé.

Un autre élément fondamental est que la majorité des francophones eux-mêmes n'exigent pas des services en français. Plusieurs sont plus à l'aise en anglais lorsqu'il s'agit de choses complexes et techniques.

Lorsque j'étais directeur général de l'Hôpital Général d'Ottawa, le tiers de la correspondance que je recevais de la part de francophones ontariens m'était adressée en anglais: «Dear Mr. Jacques Labelle». On m'écrivait en anglais et je devais répondre en anglais. C'est la réalité, et je n'y peux rien.

La situation en lieux d'accueil dans les autres provinces où les populations sont encore plus dispersées est difficile à comprendre. J'ai été membre de l'Association canadienne-française de Kingston pendant de nombreuses années. Nous sommes 5 000 francophones dans la région et aucun service n'est offert pour les francophones. Il y a des infirmières et des médecins francophones, mais rien n'est structuré. Redresser la situation pourrait être difficile du fait que les francophones sont dispersés, qu'ils sont financièrement à l'aise et qu'ils ont déjà un médecin. Faire en sorte que ces gens concentrent leurs activités sur des services en français plutôt qu'en anglais risque d'être impossible.

Je suis dépassé par l'aspect technologique du rapport. On prétend que l'informatique va nous permettre de révolutionner le monde. Un médecin doit être en contact avec ses collègues et les agences sociales de son milieu. Si toute la technologie dans ces endroits se fait en anglais, il pourrait être difficile qu'un certain individu soit sur un réseau différent.

Lorsque je dois être référé, même si mon médecin est francophone, je veux qu'il me réfère à un médecin de Kingston. C'est à cet endroit que je veux être servi et non à Ottawa ou à Québec. Mon médecin doit avoir des liens de communication avec les éléments qui entourent la ville de Kingston. En ce sens, le fait d'avoir des liens de communication technologique avec Ottawa ou Sudbury n'est pas nécessairement viable pour la population qui habite dans ces régions.

En conclusion, le problème réel auquel on doit s'attaquer est l'assimilation des francophones. Moins il y aura de francophones, moins on pourra justifier des services en français pour ceux-ci, car si la population francophone diminue en pourcentage, les autres populations augmentent.

Deuxièmement, puisqu'il faut aller chercher les professionnels de la santé au sein de cette population francophone, il ne faudrait pas que celle-ci diminue, car plus elle va diminuer, moins on va être en mesure d'aller chercher des médecins et des infirmières dans cette population. Il va falloir convaincre les provinces dans lesquelles on retrouve des populations francophones importantes d'agir. En contournant les provinces, on risque de se faire jouer un tour.

À une certaine époque, l'Ontario avait les deux plus gros hôpitaux hors Québec au Canada. Ceux-ci étaient gérés par des francophones. La majorité de leurs employés était francophone, de même que les membres des conseils d'administration, les cadres supérieurs et les cadres intermédiaires. Ces deux hôpitaux, au cours des cinq dernières années, ont été annexés à des hôpitaux anglophones. Leur conseil d'administration a été aboli ainsi que leur administration. Les cadres intermédiaires de ces hôpitaux ont été transférés. Si vous allez à l'Hôpital général d'Ottawa, il ne reste plus un cadre. Tous ont été transférés à l'Hôpital civique. On vous dira que tous sont bilingues, mais il n'y a aucune représentation francophone.

Les francophones jouaient un rôle qui contribuait à la santé des Franco-Ontariens et des Ontariens. On leur a enlevé ce rôle, alors qu'on ne l'a pas fait pour les autres minorités qui, elles aussi, avaient des hôpitaux indépendants. Elles ont eu le droit de conserver leurs hôpitaux — par exemple, Mount Sinai Hospital et St. Michael's Hospital à Toronto. Par contre, on n'a pas hésité à abolir les hôpitaux francophones.

Nul ne pourra réparer le tort qui a été fait par la disparition de l'Hôpital général d'Ottawa et de l'Hôpital régional de Sudbury. Ayant été administrateur de ces deux établissements, je parle en connaissance de cause.

Le président suppléant: C'est un son de cloche différent de ce qu'on a entendu jusqu'ici. La parole est maintenant à M. Edmond LaBossière.

M. LaBossière: Lorsque j'étais à Québec, il y a plusieurs années, pour y suivre un cours, on m'a demandé depuis combien de temps j'avais quitté le Québec pour aller vivre au Manitoba. J'ai répondu que cela faisait 111 ans. Aujourd'hui, je pourrais dire que cela fait 124 ans, puisque ce sont mes ancêtres qui ont quitté le Québec pour aller s'établir sur des terres au Manitoba. Mes enfants sont francophones. Notre foyer est francophone et nous vivons dans la communauté de St-Pierre-Jolys, largement francophone.

Je pourrais vous parler longuement de cette question, mais permettez-moi de vous relater quelques moments de mon vécu afin de vous situer. J'ai travaillé pendant 10 ans et demi à titre de conseiller spécial sur les services en langue française au sein du gouvernement du Manitoba. Depuis décembre dernier, j'occupe un nouveau poste créé par l'ensemble des provinces et des territoires. Il s'agit d'un poste de coordonnateur des affaires francophones intergouvernementales.

Je vous ai laissé un texte écrit. Il y a là les optiques sur lesquelles je désire vous entretenir. L'accès aux services de santé en français varie énormément au Canada d'une région à l'autre. Le rapport de la FCFA fait d'ailleurs état de la situation des services de santé en français.

Pourquoi cette grande différence? On pourrait croire que des facteurs démographiques et géographiques (faiblesse des nombres et éparpillement des francophones) sont la principale cause des manques de services en français. Par contre, ces mêmes facteurs n'ont pas empêché l'établissement d'écoles francophones dans presque toutes les régions du Canada.

Il ne faut donc pas penser que les populations réduites et le dispersement des communautés nous empêchent d'offrir des services de santé en français. On l'a fait en éducation. Ne peut-on pas le faire en santé?

Les réalités politiques et législatives où vivent les communautés francophones et acadienne en situation minoritaire sont très différentes d'une province ou d'un territoire à l'autre. Certains gouvernements, tels ceux du Nouveau- Brunswick et du Manitoba, ont des obligations constitutionnelles en matière linguistique. Le Manitoba et le Québec, bien que particulières, ont pour leur part les mêmes obligations constitutionnelles du point de vue législatif et juridique.

D'autres provinces telles l'Ontario et l'Île-du-Prince-Édouard ont adopté des lois sur les services en français. Le Manitoba a aussi un énoncé politique très clair et favorable aux services en français — je pourrais vous en parler longuement, ayant travaillé avec cette politique pendant 10 ans et demi au Manitoba.

Si on tient compte de cette situation, notons aussi que ce sont les régions au Canada où évoluent actuellement des services de santé en français.

Pour donner des exemples de cette réalité, on peut penser aux hôpitaux Georges-Dumont et Montfort, aux centres de santé communautaire dans la région Évangéline, à Saint-Boniface, à Sudbury, et à plusieurs autres exemples. Au Manitoba, avec la politique des services en français, on a désigné des centres, certains partiellement bilingues, d'autres entièrement bilingues, mais la réalité est qu'il n'y a pas encore un personnel complètement bilingue. Il y a cependant des faits favorables grâce aux mesures législatives ou aux politiques en place.

Le leadership politique, en ce qui a trait aux services en français, est d'une importance capitale. L'action et l'appui des gouvernements peuvent grandement contribuer à la vitalité des communauté francophones et faciliter leur épanouissement. La Loi sur les langues officielles et sa mise en oeuvre en est un exemple. La volonté politique et l'engagement gouvernemental sont des éléments clés de la mise en marche d'initiatives d'élaboration et de mise en oeuvre de plans d'action pour les services de santé en français. Cependant, la participation communautaire est aussi essentielle. Par expérience, je peux dire que cela a été très profitable, lors des démarches gouvernementales, de planifier des services en français en travaillant avec la communauté. Il faut absolument le faire, autrement, on risque de ne pas trouver les meilleures solutions, celles qui rejoignent davantage les francophones.

L'offre active de services en français peut se faire par une variété de moyens et d'infrastructures qui tiennent compte des différentes réalités démographiques et géographiques relatives aux communautés francophones. Cependant, il y a deux principes qu'il faut respecter. Même si on trouve différents moyens d'assurer les services en français, l'offre de services doit se faire là où vivent les francophones. Ce point peut sembler un peu banal, mais parfois, on désigne un hôpital ou un centre qui se trouve en dehors de la région où sont concentrés les francophones. Si on veut assurer des services, offrons-les dans les régions où vivent les francophones.

Dans la mesure du possible, l'offre doit se faire par l'entremise d'unités — cela peut être de petites unités —, par l'entremise de centres francophones ou entièrement bilingues. Il y aura des exceptions. Parfois, il faut désigner quelques postes dans un gros centre. Je peux vous dire, par expérience, que quelques postes désignés dans un gros centre n'assurent pas des services de qualité en français parce qu'on peut facilement se trouver dans une situation où on nous dit: «I'm sorry, I don't speak French. Can you speak English?» ou pire encore: «Can you not speak English?» ou d'autres tournures plus effrayantes encore.

La langue de communication entre les employés peut être le français lorsqu'on crée des entités, des unités entièrement francophones ou entièrement bilingues. Le Centre de santé de Saint-Boniface en est un exemple: 25 employés, tous francophones, qui se parlent en français. Dans les documents, ils inscrivent tout en français. Cela se fait aussi dans d'autres régions du pays. Donc, je le répète, il est important de créer des entités, des unités francophones ou entièrement bilingues, et les francophones doivent être pleinement en contrôle des ces unités.

La coopération intergouvernementale dans les dossiers des affaires francophones, notamment dans le domaine des services de santé en français, n'est pas à négliger. Des masses critiques sont atteignables lorsqu'on fait abstraction des frontières. Il est vrai qu'il n'y a pas un grand nombre de francophones en Saskatchewan. Il y en a peut-être 50 000 au Manitoba, près de 60 000 en Alberta, à peu près le même nombre en Colombie-Britannique, et pas beaucoup au Yukon ou aux Territoires du Nord-Ouest. Cependant, quand on regarde la masse de francophones dans l'Ouest et dans le Nord canadien, il y a près de 200 000 francophones.

Un centre d'appel qui offrirait des services en français pour cette région aurait une masse critique intéressante avec laquelle travailler. Cela permettrait aussi de regrouper un nombre intéressant de prestataires de services. Heureusement, des initiatives en ce sens commencent à voir le jour. En Colombie-Britannique, le ministère de la Santé vient de lancer un communiqué aux ministères de la Santé des provinces de l'Ouest — cela s'est fait cet été — pour voir s'il y aurait un intérêt à mettre sur pied une ligne téléphonique pour informer les citoyens en anglais. Le ministère a aussi dit qu'il fallait une composante francophone. Le Centre de santé de Saint-Boniface est justement en train d'examiner la possibilité d'établir une ligne téléphonique francophone de santé. On s'est entendu avec les provinces de l'Ouest et on va animer une discussion pour examiner les possibilités de mettre sur pied une ligne téléphonique francophone.

Il y a aussi d'autres initiatives intéressantes. L'an dernier, à Edmonton, la Conférence ministérielle sur les affaires francophones a pris connaissance du rapport de la FCFA et du rapport du comité consultatif. D'ailleurs, Hubert Gauthier est venu y faire une présentation. Suite à sa présentation, les délégués ont adopté certaines recommandations. Ils ont aussi écrit à Mme McLellan pour lui faire part des intérêts des ministres des Affaires francophones et pour commencer à donner suite au rapport du comité consultatif. Le sujet sera encore traité et revu à la conférence ministérielle sur les affaires francophones, qui aura lieu à Saint. John's, Terre-Neuve, au début d'octobre.

Il commence à y avoir des discussions, au niveau des provinces et des territoires, au sujet de ces questions. Des ententes fédérales-provinciales-territoriales et des ententes bilatérales peuvent aussi être utiles. Il n'existe pas, à l'heure actuelle, d'ententes fédérales-provinciales spécifiques dans le domaine de la santé. Il existe des ententes sur la promotion des langues officielles qu'on utilise un peu dans le domaine de la santé.

Il existe certaines initiatives de collaboration et de coopération intergouvernementale. Il nous faut regarder comment mieux utiliser les ressources afin d'assurer certains services de santé en français.

L'existence de mesures incitatives d'envergure nationale rend plus égal l'accès aux services en français dans les diverses régions du pays. Pensons à l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés, à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles et à l'enveloppe financière fédérale pour la gestion scolaire franco-manitobaine comme des exemples de mesures incitatives d'envergure nationale qui ont beaucoup contribué à l'évolution de l'éducation en français. N'est-il pas temps d'avoir de telles mesures dans le domaine de la santé? Cela pourrait nous permettre de faire évoluer ce dossier.

Pour conclure, l'accès aux services de santé en français, pour un grand nombre de membres des communautés francophones et acadienne, dépend d'un bon mélange de leadership gouvernemental, de coopération intergouvernementale — que ce soit par des ententes ou d'autres projets d'initiative quelconques — et de la participation communautaire.

Le président suppléant: Je donne maintenant la parole à M. Gauthier.

M. Gauthier: Je vous remercie d'abord de l'initiative que vous avez prise d'examiner cette question de soins de santé en français pour le million de francophones qui vit à l'extérieur du Québec. D'abord, j'aimerais dire qu'on peut me présenter sous bien des angles, mais je viens du pays de Riel. Au Manitoba, à l'époque de Riel, la province était officiellement bilingue. Depuis ce temps, la communauté francophone n'a cessé d'être attaquée sous à peu près toutes ses formes à partir de 1916 jusqu'aux années 1950, et à partir de ce moment, on a pu revirer un peu la situation.

Si je vous parle ainsi aujourd'hui, c'est parce que je me rappelle de mon père qui a été un farouche bagarreur au Manitoba et qui, s'il était encore vivant, me dirait: «Hubert, on aurait dû faire cela il y a 40 ans!» Je fais partie de cette race de Gaulois franco-manitobains qui ne baisseront pas les épaules et qui croient fermement qu'ils ont une valeur ajoutée à amener au débat et non à quémander des choses qui seraient interprétées comme des cadeaux qui seraient faits à un petit groupe de citoyens.

L'initiative d'aujourd'hui est particulièrement opportune à la veille du dépôt des rapports importants dont celui du comité sénatorial et des décisions financières qui seront prises au cours des prochains mois et qui affecteront les systèmes de santé canadiens pour les années à venir. Évidemment, je parle de la Commission Romanow et de ce qu'on a maintenant appelé «Kirby», soit le comité sénatorial. Il y a aussi le plan Dion sur les langues officielles qui est attendu sous peu.

Nous nous positionnons en disant que nous serons des deux débats, pas que d'un seul. Nous désirons que la situation des communautés francophones en situation minoritaire soit prise en compte dans les débats et les décisions. Il faut que des mesures concrètes et énergiques soient prises pour corriger la situation qui fait que plus de la moitié des francophones en milieu minoritaire n'ont pas ou très peu accès à des services dans leur langue lorsqu'ils vivent dans des provinces majoritairement anglophones. Ceci est un fait.

Au lieu de parler de théorie, je vais vous parler de cas concrets touchant des services en français. Je pense qu'il vaut la peine de prendre le temps de voir ce que cela veut dire sur le terrain et je prendrai des exemples très près de moi.

D'abord, ma mère a 78 ans et a besoin d'un maintien à domicile, donc 22 interventions par semaine. Quatre sont en français. Des gens viennent lui préparer des repas et ma pauvre maman a dit: «Je suis obligée de leur dire ce que je veux manger, mais je me casserai pas la gueule à leur expliquer. Ils ne comprennent rien puis moi je comprends rien.» Résultat: ma mère mange mal. Qu'est-ce que cela fait à une personne âgée? Il s'agit d'un exemple de gens qui ne peuvent se comprendre. Tirez vos conclusions.

J'ai une vieille tante de 66 ans qui a eu un accident cérébro-vasculaire. Elle a eu des problèmes de parole et elle éprouve des difficultés à être rééduquée pour réapprendre à parler. Cet exemple se retrouve dans un vidéo qu'on a fait. Cette tante est venue à mon hôpital pour se faire soigner et quand est venu le temps de la rééducation, on n'a pas réussi. On était en train de la rééduquer à parler en anglais. On a inscrit au dossier: «Does not respond to treatment.» On l'a renvoyée chez elle et il y a eu un miracle. Son environnement était français. À Saint-Adolphe, au Manitoba, des personnes qui faisaient du maintien à domicile pouvaient lui offrir des services en français et tout à coup, sa situation au niveau du langage s'est mise à s'améliorer et ce, sans l'aide de gens spécialisés dans ce domaine. Les médecins ne comprenaient pas. Tirez vos conclusions.

Mon épouse souffre d'une maladie du foie. Elle est traitée à Winnipeg, mais on n'y fait pas de greffe de foie. On a voulu la transférer dans des milieux anglophones et elle a refusé. Heureusement, elle a été référée à l'Hôpital Saint-Luc à Montréal. Je peux vous dire, pour l'avoir vécu cet été, que cela a été un bonheur de pouvoir expliquer les problèmes dans notre langue, dans notre culture. Mon épouse a dit qu'il y avait bien des affaires qu'elle n'avait pas comprises, alors qu'elle est totalement bilingue. Elle est jeune, elle a 52 ans. Maintenant elle dit: «Je suis dans mon milieu et je suis bien malgré ma maladie.» Tirez vos conclusions.

Le comité que je copréside avec Marcel Nouvet, sous-ministre adjoint à Santé Canada, a été créé en avril 2000 par le ministère de la Santé pour l'aviser sur les façons dont son ministère pourrait maximiser sa contribution au développement des communautés francophones en situation minoritaire, conformément à l'article 41 de la Loi sur les langues officielles. On pourrait se demander ce que fait le gouvernement fédéral dans un domaine provincial.

Notre comité a voulu tout de suite associer les provinces à nos démarches parce qu'on savait qu'on ne pouvait pas mener un tel dossier sans impliquer les provinces. Mon collègue Edmond LaBossière a mentionné que quelques provinces prévoient déjà des prestations de services en français pour leur communauté. D'autres ont déjà exprimé de diverses façons des intérêts pour mettre en oeuvre des mesures et cela, j'en conviens avec M. Labelle, après 10 ans de réorganisation du système de santé au Canada où les francophones se sont faits passer sur le dos. Monsieur Labelle l'a invoqué lorsqu'on a parlé de l'Hôpital Civic et de l'Hôpital Général d'Ottawa, il m'a dit de ne pas dire que c'était un groupement, mais bien un «takeover»

Je voudrais souligner que notre approche est basée sur la collaboration avec les territoires et les provinces. Les premiers responsables de la prestation des services de santé ce sont les provinces et les territoires. En plus des représentants communautaires et du gouvernement fédéral, notre comité compte des représentants de trois provinces à savoir du Nouveau-Brunswick, du Manitoba et de l'Alberta. Assez curieusement on avait commencé avec le Nouveau- Brunswick et le Manitoba et on a eu des demandes de l'Alberta. On n'a pas reçu de demandes d'ailleurs à ce jour. Nos travaux nous ont convaincus qu'avec l'appui du gouvernement fédéral il serait possible d'associer un bon nombre de provinces et de territoires au plan d'action que nous avons tracé à l'heure actuelle.

Je vous rappelle la problématique que la moitié des francophones qui vivent à l'extérieur du Québec n'ont pas ou peu accès à des services dans leur langue. Nous avons basé notre argumentation sur des considérations de santé, de qualité de soins plutôt que sur des considérations purement constitutionnelles. Il s'agit, monsieur le président, d'un dossier de santé et de santé pure.

Lorsqu'on parle de la langue au Canada, on fait souvent allusion à la question des langues officielles, mais ce dossier dépasse largement le défi des langues officielles. C'est un défi de santé. C'est quelque chose qu'on a dans la peau et qu'il faut voir.

Je veux revenir sur le fait que la littérature internationale nous a révélé — ce ne sont pas nos études mais bien des études internationales — que le lien entre l'incapacité de communiquer adéquatement dans la langue de l'usager produit des conséquences, conséquences que vous retrouverez dans mon mémoire au sujet des prestations. Je dirais que mes exemples, — j'en ai 20 autres que je pourrais vous donner — expliquent ces conséquences qui créent des problèmes à ces individus et au système de santé.

Dès notre première rencontre, notre comité a choisi de mettre l'accent sur les soins de santé de première ligne: non pas sur les hôpitaux mais bien sur les soins de santé de première ligne. Je suis directeur général d'un hôpital, j'aurais pu souligner qu'il faut parler des hôpitaux. Non. Je suis convaincu que les services de soins de santé primaires et des services de médecine de famille, les services de première ligne devaient être la priorité et c'est aussi l'avis des membres de notre comité. Je crois que les témoins que vous avez rencontrés hier et ce matin vous l'ont aussi mentionné. Le comité est d'avis que c'était le meilleur moyen et la meilleure stratégie pour améliorer l'accès aux francophones vivant en situation minoritaire. On rejoint les convictions que votre rapport a évoquées et je l'ai cité dans mon mémoire.

Je voudrais attirer votre attention sur quelques uns des principaux aspects de l'approche recommandée au gouvernement et vous avez en main nos documents. On a identifié cinq leviers par lesquels nous devons passer. Il n'y a pas un levier, pris à part, qui va faire avancer ce dossier. Ceux qui pensent qu'il y a un «homerun» à faire avec ce dossier, se trompent. Il est trop énorme pour penser qu'un seul levier va tout gagner. Après discussion, on a aussi pensé que nos cinq leviers devraient se retrouver dans trois domaines sur lesquels on va travailler au cours des prochains mois parce que les décisions se prendront durant cette période.

Premièrement, le développement d'un réseau que l'on a appelé le réseautage. Beaucoup de gens ont de la difficulté à le comprendre. Toutefois, le réseautage devrait permettre d'animer et de concerter le milieu, de planifier et de développer des services de santé en français.

Deuxièmement, le déploiement d'activités de formation. Si l'on veut avoir un plan d'action avec plus de services, c'est très clair que si on n'a pas de médecins et pas d'infirmières — et je suis tout à fait d'accord avec M. Labelle là- dessus — on n'ira pas bien loin.

Troisièmement, nous devons avoir un modèle d'organisation de services, d'infrastructure pour la prestation des services de santé en français où les francophone se reconnaissent. Les démarches ont été menées tant par le comité que par nos partenaires et ces démarches nous ont amenés à lier la recherche et la formation. Dans notre mémoire on parle de recherche associée aux formateurs. La recherche est une partie intégrale de la formation pour ceux d'entre nous qui travaillons dans ces milieux.

Comme vous le savez probablement, la question des technologies est très courante. Ce ne sont pas que les ordinateurs sur la table. Les moyens techniques d'aujourd'hui nous permettent d'interagir les uns avec les autres. D'après nous, une ligne téléphonique pour des francophones qui ont besoin de services devrait être mise sur pied. Je parle ici d'une ligne 800. C'est un outil technologique. Lorsqu'on parle des technologies, on parle de technologie comme celle-là et des technologies de télémédecine qui n'existaient pas il y a 25 ans. Les technologies récentes peuvent être exploitées pour améliorer l'accès aux services dans le domaine de la santé. C'est le seul «focus» que nous avons retenu de tous nos travaux.

L'honorable Stéphane Dion a récemment annoncé, au nom du ministre de la Santé, Mme McLellan, un premier investissement transitoire de 1,9 millions de dollars. Monsieur le président, je vous l'aie dit: 1,9 millions de dollars ce n'est pas la solution au dossier, c'est un petit morceau pour nous aider à faire un pont avec le plan qu'on attend du gouvernement au cours des prochains mois.

Je reviens au réseautage qui est à la base de la stratégie que nous proposons. Il s'agit de créer dans chaque province des forum de partenaires qui incluent les professionnels de la santé, les organismes communautaires, les établissements de services, les institutions de formation et les décideurs politique, et de les réunir à une même table pour établir des plans, pour bien connaître les besoins, élaborer des stratégies et faire de la mise en oeuvre.

Comme directeur d'un hôpital je discute avec des membres des hôpitaux anglophones. Mes docteurs francophones font partie des associations anglophones. Mes 150 infirmières francophones de l'hôpital nous disent qu'elles ne peuvent jamais se parler entre elles. On parle ici de syndicats anglophones et d'associations professionnelles anglophones. Ne pas être capable de parler sa langue maternelle amène un isolement. Le sujet des services en français dans ces associations n'est pas haut sur l'agenda. Pour sortir de notre isolement il faut réunir tous les intervenants. Des exemples concrets démontrent que de réunir les gens pour dresser un plan d'action, par exemple, entraîne un regain d'énergie. Si on n'a pas de concertation et pas de plan d'action, on a beau former du monde, on s'en va chez le diable avec cela! Le réseautage s'inscrit parfaitement dans l'une des trois réalités fondamentales énoncées dans vos propres documents.

C'est important de le dire. Vous dites qu'il faut trouver des mécanismes qui encourageraient toutes les parties concernées, fournisseurs de soins, établissements, gouvernements et patients à dispenser, gérer ou utiliser plus efficacement les services de santé. C'est le réseautage. On peut montrer le chemin et, en réunissant les partenaires autour de la table en petits groupes, on constate que cela est fructueux.

La population regarde cela et se dit que cela pourrait être une solution. Qu'on en fasse un peu plus, non dans les structures ultrabureaucratiques, mais dans les structures où agissent des gens d'action comme Suzanne Nicolas, Élise Arsenault et d'autres personnes qui travaillent dans notre réseau de santé.

Le deuxième levier concerne la formation du personnel et, comme votre rapport le souligne, les ressources humaines — on le sait bien — dans les domaines des services de soins de santé représentent l'un des secteurs où l'on peut légitimement parler de crise. Cela est empiré par le fait que les francophones se sont tellement occupés de l'éducation qu'ils ont oublié de former des gens dans le domaine de la santé pendant 20 ans. Il ya un énorme rattrapage à faire et je suis d'accord qu'avec le rétrécissement de nos communautés, le défi de trouver des postulants francophones sera encore plus important.

Le Collège Saint-Boniface a commencé à dispenser un cours en soins infirmiers l'an dernier. Son objectif était d'obtenir un total de 20 inscriptions, il en a obtenu 18. Cette année, pour la deuxième année, l'objectif était de 20 inscriptions et il y en a eu 33. S'il y a une offre et qu'on la finance, on obtiendra des résultats.

Les ressources humaines sont au centre de la stratégie. Nous croyons qu'il est possible, à l'intérieur d'un effort national, de répondre à la pénurie des professionnels de la santé et aux besoins des francophones. Nous avons insisté pour dire au gouvernement fédéral: «Bien sûr que nos professionnels francophones soigneront les francophones, mais les anglophones aussi». On fait d'une pierre deux coups.

Des gens vous ont parlé du consortium, qui, dans le fond, est un partenariat entre des universités et des collèges qui veulent attaquer ce problème de front. Le consortium représente un élément novateur de l'approche que nous proposons et a instauré une collaboration étroite avec les institutions de formation pour définir et mettre en oeuvre des stratégies communes et éviter les dédoublements.

De plus, on constate une collaboration étroite avec les autres partenaires de la santé que sont les établissements, les communautés et les décideurs politiques. Ces universités et collèges acceptent de se faire prendre au défi pour identifier leurs besoins et leurs priorités. Cela résulte en un dossier solide appuyé par la population. Les jeunes francophones voudront recevoir une formation en français dans le secteur des sciences de la santé s'ils voient qu'il leur sera possible de travailler en français dans ce domaine.

J'ai dû aller sur place, convaincre les infirmières de s'inscrire à Saint-Boniface en leur disant que j'avais du travail pour elles et j'ai dû m'engager auprès d'elles. Cet aspect est important. Si on leur fournit des occasions et des milieux pour exercer leur profession au bénéfice de leur communauté, ils auront aussi besoin de milieux pour compléter leur apprentissage. Même Ottawa, avec l'Hôpital Montfort, cherche à la grandeur du pays d'autres milieux d'apprentissage parce que les ressources sont insuffisantes. C'est aussi un aspect important. On n'apprend pas que sur les bancs d'écoles. Dans le secteur des soins de santé, il faut des lieux pratiques et si on ne les a pas, on oublie aussi une partie de la réalité.

Dans cette optique, il est urgent de créer des milieux de prestation de soins de santé en français. Il ne s'agit pas de créer des hôpitaux. Je suis un gestionnaire d'hôpitaux. Je fais partie des hôpitaux universitaires et je le dis. Nous devons mettre l'accent sur la santé primaire si nous voulons créer des milieux de prestation de soins en français. Il faut organiser et réorganiser des milieux, peut-être en visant des petites communautés pour que les gens se sentent chez eux. Les soins de santé doivent prendre cette direction, c'est indéniable. Le gros problème au Canada, vous l'avez mentionné dans votre rapport, est que si on ne réorganise pas la médecine et les services de base, on ne va pas régler grand-chose.

J'aimerais attirer votre attention sur un concept central de l'approche que nous avons élaborée, l'offre active. Il ne suffit pas de répondre au téléphone en disant:

[Traduction]

Bonjour, this is the Ottawa General Hospital or the St. Boniface General Hospital. How may I direct your call?

[Français]

Pour que les gens sentent qu'ils peuvent demander des services en français et les obtenir. Il faut créer des lieux où les francophones, lorsqu'ils en franchiront les portes, physiques ou virtuelles, sentiront que c'est en français que cela se passe et qu'ils ne dérangeront pas s'ils demandent des services dans leur langue. Quand quelqu'un est malade, donc vulnérable, il ne faut pas lui demander de se battre pour obtenir des services en français. On n'a même pas le goût de le faire à Air Canada quand on est dans la mauvaise file d'attente, alors va-t-on le demander à l'urgence?

Ma mère a dû se présenter à l'urgence de mon hôpital à plusieurs reprises au cours des deux dernières années. Quand je lui ai dit que j'allais lui trouver des services en français, elle m'a répondu: «Hubert, ne me crée pas de problèmes ici.» L'offre active n'est pas là. Je lui trouve des services en français et elle est contente, mais lorsqu'elle est malade, elle n'a pas à envie de mener cette bataille. Lorsqu'on ne peut pas avoir l'offre proactive et qu'elle n'est pas disponible, elle n'aura pas lieu. Lorsqu'on parle de la majorité qui dit:

[Traduction]

Les services sont offerts et la population en est informée, mais cela ne suffit pas.

[Français]

Le Centre communautaire Évangéline, les centres de santé francophones en Ontario et le Centre de santé de Saint- Boniface démontrent clairement que lorsqu'il y a une offre de services dans leur langue, les francophones les utilisent à tel point que les institutions voient leurs listes d'attente prendre des proportions épouvantables. Nous devons agrandir notre plate-forme. Lorsque l'offre est là, elle est claire, les gens en parlent et cela fait boule de neige.

Cette offre active, même avec un petit nombre, on peut l'organiser et la jumeler avec l'éducation, la petite enfance et d'autres organismes communautaires. Il faut regarder du côté des communautés francophones et acadienne à travers le pays pour trouver des exemples novateurs comme ceux-là et la majorité devrait s'en servir comme modèle.

Il est important et urgent de mettre en place des services adaptés aux besoins et aux possibilités de chacune des communautés. On n'a jamais dit qu'il fallait créer des cliniques en Saskatchewan à la grandeur de la province. Les gens sont plus réalistes que l'on croit. Mon épouse est originaire de la Saskatchewan et lorsque nous retournons chez elle, tout est éclaté, rapetissé, les bases institutionnelles sont inexistantes. Il faut trouver d'autres moyens pour ceux pour qui il est important de pouvoir obtenir des services de santé dans leur langue. On ne parle pas d'hôpitaux partout, on parle de services de première ligne. Il y a dans nos documents une annexe qui indique la gradation du genre de service qui peut être offert de la communauté la plus éclatée à la communauté la plus serrée au nord-est du Nouveau-Brunswick. Nous parlons d'équipes multidisciplinaires, d'équipes volantes et de professionnels qui peuvent pratiquer en solo mais avec des interactions avec d'autres professionnels sous forme de télémédecine ou de lignes téléphoniques.

Les moyens sont variés et peuvent être adaptés. Nous avons des moyens à notre portée qui n'existaient pas auparavant, le tout à l'enseigne de la concertation avec des partenaires. Sans cette concertation, on n'avance pas. Afin de bien consolider cette concertation, nous préparons un congrès de fondations du réseau national Santé en français fondé sur les réalités locales. Ce sont les unités locales qui vont se fédérer à l'échelle nationale et qui se réuniront en novembre prochain avec des partenaires provenant de tous les coins du pays, les établissements et les professionnel de la santé. Bon gré mal gré, c'est nécessaire.

Depuis avril 2000, le comité consultatif a produit le rapport que vous avez entre les mains et qui a tracé un plan d'action. Nous croyons que notre comité a rempli son mandat. Il n'y a pas eu de rapport aussi complet sur la santé. Il y a eu des rapports ad hoc. Nous nous en sommes inspirés et ils ont été à l'origine de l'autre importante étude qui a été préparée avant notre rapport.

Notre plan d'action, ce n'est pas seulement un comité de 15 ou 20 personnes. Nous l'avons fait valider par à peu près 250 personnes lors d'un forum à Moncton en novembre 2001. Il a reçu un appui unanime. C'était un forum sur la santé avec des personnes travaillant dans le réseau de la santé, des infirmières, des médecins, des représentants d'établissements, des fonctionnaires, même Edmond était là.

Nous avons réuni, monsieur le président, les acteurs clés pour mettre ce plan en oeuvre. Les communautés se sont mobilisées et sont vraiment passées à l'action. Cela ne pouvait pas attendre. Les gens avancent malgré le fait qu'ils n'obtiennent pas beaucoup d'appui. Oui, le Collège Saint-Boniface offre des cours de formation pour les infirmières, il n'a pas attendu de recevoir des fonds. Il veut bonifier ce programme, donnons-lui le coup de main nécessaire.

Hier et ce matin, vous avez entendu des personnes qui travaillent dans différents coins du pays et tentent d'améliorer la situation, dans tous les cas avec beaucoup d'engagement et certains moyens de fortune. Les provinces ont exprimé leur volonté d'emboîter le pas. À mon avis, il faut que le gouvernement fédéral joue son rôle. Il ne peut pas remplacer les provinces mais il a un rôle important d'appui et de leadership à jouer. Son intervention ne doit pas être molle mais énergique et substantielle. Les demi-mesures, à ce stade-ci du jeu, compte tenu de la situation, ne suffiront pas. Nous ne sommes dans le noir. C'est la beauté de tout cela. Le chemin a été tracé clairement, avec l'approbation et la collaboration des communautés et de tous les partenaires.

Nous espérons que votre comité, et le rapport qu'il fera paraître sous peu, — permettez-moi de faire une petite parenthèse en vous disant que vous savez sans doute que des décisions se prendront au cours des prochains mois — souligneront qu'il y a donc une certaine urgence à agir pour que le dossier puisse avancer et pour améliorer l'accès aux services en français dans toutes les régions du pays.

Il faut inscrire les francophones dans la réforme des soins de santé. Nous sommes convaincus que non seulement ces efforts peuvent améliorer la qualité des services de santé offerts aux francophones et aux communautés francophones en situation minoritaire mais qu'ils peuvent aussi contribuer, grâce à leur aspect novateur, à la réforme des soins de santé dans tout le pays.

Aidez-moi à faire en sorte que ma mère obtienne un meilleur accès à des services de soins de santé à domicile.

Le président suppléant: Je vais d'abord donner la parole au sénateur Keon, qui doit bientôt partir.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Monsieur Gauthier, comme votre exposé était très clair, je n'ai pas besoin de revenir là-dessus. Vous avez parlé notamment des liens avec la technologie, qui ont d'ailleurs été mentionnés par d'autres témoins.

À mon avis, nous aurons un de ces jours un dossier médical électronique pour chaque Canadien. Mais je ne sais pas dans combien de temps. Ce serait intéressant de savoir ce qui serait, selon vous, le rôle du dossier médical électronique dans le genre de réseau que vous venez de décrire. Par exemple, à l'Hôpital Saint-Boniface, si les dossiers médicaux électroniques des patients du réseau de cliniques communautaires francophones étaient en français, je suppose que ce ne serait pas trop difficile de faire traduire les mots. J'imagine que ce sont les données techniques qui seraient plus difficiles à traduire. J'aimerais savoir ce que vous en pensez.

[Français]

M. Gauthier: Je suis heureux que vous posiez la question. Justement, je vais répondre sous deux angles. Je ne peux pas m'empêcher d'être un peu le directeur général de l'hôpital. Nous allons devoir, pour commencer, établir un vrai dossier électronique pour le patient. Dans mon hôpital, j'ai de la difficulté à obtenir du financement à la base. Cela dit, notre objectif, au cours des deux prochaines années, est d'obtenir un financement pour ce genre de projet.

Nous sommes convaincus qu'il est possible et nécessaire que le dossier du patient, de la communauté, de son cabinet de médecin à son organisme communautaire, ultimement à mon hôpital, puisse constituer un dossier unique. Cela évitera au patient de faire des pirouettes à chaque fois. Mon hôpital a conclu une entente avec un certain nombre de cabinets de médecins francophones. Nous essayons d'élaborer un projet ensemble parce que nous pensons qu'il pourrait servir de modèle.

La technologie de la traduction, d'après ce que me disent les spécialistes, n'est pas un problème, c'est un moins grand problème que celui de l'accès à l'information, les problèmes de droit à la vie privée et toutes ces questions. Les gens de l'informatique me disent que si on s'y met, du point de vue technologique — comme les lignes téléphoniques 1-800 — les logiciels seront traduits et les programmes aussi ce qui signifie que l'on pourrait avoir sur un écran le côté francophone et anglophone en même temps, ce qui aiderait les professionnels de la santé à utiliser des mots pour lesquels la traduction est parfois difficile. Cela est donc faisable.

Évidemment, il pourrait y avoir des coûts de traduction importants mais ce ne sont pas des murs infranchissables. Le dossier francophone peut facilement transiter. On éprouve déjà ces difficultés parce qu'au centre de santé de Saint- Boniface, les dossiers sont rédigés en français. Dans mon hôpital, on a demandé s'il faudrait rédiger tous les dossiers en français. Il y a une crainte terrible à cet égard.

J'ai répondu:

[Traduction]

Personne n'a jamais dit que vous seriez tous obligés d'être bilingues.

[Français]

J'ai 4 000 employés. Dix pour cent d'entre eux sont bilingues. Vous comprendrez que tout un groupe est inquiet. Personne ne leur a dit qu'ils devraient tous être bilingues.

Nous avons des budgets provinciaux pour la traduction. Les gens de l'informatique me disent que cela ne serait pas un problème et que le processus serait plus facile à mécaniser.

Je suis un tenant du dossier unique pour le patient, qui ne serait pas seulement le dossier de l'hôpital. Mes clients trouvent terrible d'être obligés de recommencer à raconter leur histoire chez le médecin, à la clinique médicale, aux centres de services sociaux et à l'hôpital, parfois à trois étages différents. Je suis tout à fait en faveur, docteur Keon, du dossier électronique pour le patient.

Nos systèmes de base ne permettent pas souvent de changer cela. Il faut donc modifier notre système de base. Je crois que les gens, à Ottawa, ne savent même pas que nous ne disposons même pas de la technologie à la base pour créer ces systèmes. En ce qui concerne le transit de dossier au Manitoba, on a des projets-pilotes et on essaie mener à bien un dossier économique. On verra ce qui arrivera. Ai-je répondu à votre question?

[Traduction]

Le sénateur Keon: À votre avis, serait-il possible en Ontario d'avoir à nouveau des hôpitaux francophones, en plus de l'Hôpital Montfort — par exemple, dans la région de Sudbury?

[Français]

M. Labelle: Je ne pense pas que cela va se réaliser. La fusion des soins de santé qui a été réalisée il y a 5 ans va rester. Il n'y a que le gouvernement libéral qui pourrait changer les choses et je ne pense pas qu'il va le faire. Si on défusionne les hôpitaux francophones, il faudra aussi défusionner les hôpitaux catholiques. Cela va créer des problèmes.

Il n'y a pas de demandes, et les francophones ne se plaignent pas. Il y a une fusion et ils s'en fichent comme de l'an 40. Quand ils se présentent à l'Hôpital Général, les choses n'ont pas vraiment changé. La seule chose qui a changé, c'est que les francophones ne jouent plus de rôle politique dans la prestation des services de santé en Ontario. Nous accomplissions quelque chose. Les francophones étaient fiers de gérer l'hôpital et de le faire mieux que la plupart des autres hôpitaux de la province. C'est un rôle que nous n'avons pas pu apprécier. La population le voit différemment.

Ce qui se produit, c'est qu'on a toujours dit qu'il fallait que les services soient maintenus à l'Hôpital Général. Avec la fusion, on a décidé que certains services allaient être offerts à l'Hôpital Civic, et d'autres à l'Hôpital Général. On veut maintenant rendre bilingue l'ensemble du réseau. À l'Hôpital Général, 75 p. 100 du personnel était bilingue. Si on divise ce personnel entre le l'Hôpital Civic et l'Hôpital Général, il y aura 35 p. 100 du personnel bilingue dans un endroit et 35 p. 100 dans l'autre. Les francophones perdront leur rôle de masse critique. La masse critique diminuera et les francophones deviendront minoritaires. C'est ce qui arriverait si l'ensemble du service devenait bilingue. Les économies réalisées par la fusion sont tellement imposantes qu'on n'osera jamais démanteler la fusion.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Et qu'en est-il des cliniques communautaires? À votre avis, est-ce une bonne idée d'avoir un réseau de cliniques communautaires de langue française?

[Français]

M. Labelle: Là où le nombre le justifie, aucun problème. À moins qu'il soit possible d'avoir une clinique qui dessert à 95 p. 100 des francophones, on finit par avoir une clinique qui dessert à moitié la population francophone et à moitié la population anglophone. Cela devient difficile pour une clinique de fonctionner en anglais pour certains malades. Les gens peuvent communiquer en anglais ou en français, mais les dossiers des patients francophones sont en français et vice-versa. Dans la même clinique, cela me compliquerait la vie comme administrateur et probablement aussi comme médecin. Lorsqu'il y a un pourcentage élevé d'anglophones dans un certain programme, on finit par rédiger les dossiers en anglais.

Remarquez qu'à l'Hôpital Général, qui desservait la plus importante population francophone hors Québec, tout se faisait en anglais, mais les malades, lorsqu'ils parlaient à leur infirmière, travailleur social ou psychologue, pouvaient parler en français. S'ils voulaient un rapport, on leur offrait la possibilité de faire traduire le rapport pour eux. Cependant, tous les dossiers étaient en anglais à cause des échanges entre les multiples hôpitaux.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Si l'on établissait une clinique communautaire francophone dans le quartier où vous vous promeniez quand vous étiez jeune, dans quelle mesure serait-elle utilisée?

[Français]

M. Labelle: Si j'habite à Kanata et que j'ai besoin de services, je ne suis pas prêt à conduire au centre-ville d'Ottawa pour obtenir ceux-ci. Mon père ou ma mère peut-être, mon frère ou moi non, nous voudrons obtenir le service le plus rapide comme un anglophone voudra obtenir le service de l'autre côté de la rue. On ne court pas une demi-heure pour obtenir des services en français parce qu'on est tellement à l'aise en anglais, cela n'est pas nécessaire. Si on doit consulter un médecin, on va le faire de l'autre côté de la rue, pour les gens de ma génération en tout cas. J'en suis convaincu.

Le président suppléant: Je sais que le sénateur doit partir, je le remercie de ses commentaires. Nous allons faire un tour de table, comme nous le faisons habituellement. Je donne la parole au sénateur Gauthier.

Le sénateur Gauthier: M. Gauthier dit que le réseautage est important; M. Labelle dit qu'il ne croit pas au réseautage. Ai-je bien compris?

M. Labelle: Cela ne changera pas grand-chose. Ce n'est pas la solution, la solution passe par l'obtention de plus de professionnels francophones bilingues dans les communautés. Réseautage ou non, si on n'a pas plus de médecins demain matin, cela ne donne rien. Regardez la pénurie de médecins partout au Québec et ailleurs. Si on ne recrute pas 200 ou 300 autres médecins francophones par année, dans le meilleur réseau que l'on voudra, on ne changera pas grand-chose.

Le sénateur Gauthier: Je ne parle pas des médecins, mais des patients. Je parle de la personne qui veut se faire servir dans sa langue. J'ai vu cela récemment. Vous connaissez l'exemple de la mère qui dit au médecin à l'hôpital, à Ottawa, que son enfant a mal au coeur. On l'a envoyée dans une section où il y avait des spécialistes pour les maladies du coeur. Si j'arrive à l'hôpital et que je dis que mon muscle adducteur me fait mal, ils ne comprendront rien. Mais si je dis: «My hamstrings are sore», ils vont probablement comprendre.

J'ai été malade pendant deux ans et plus. J'ai vécu une expérience à l'Hôpital Général. On me disait que c'était un hôpital bilingue. C'était faux, tout se faisait en anglais, monsieur Labelle. Les médecins comme les infirmières. Il y en avait bien une de temps en temps pour m'expliquer ce qui se passait. Quand je suis devenu sourd à la suite de la prise d'un médicament, l'Amicasin — ne prenez jamais cela monsieur Labelle —, j'ai demandé: «Qu'est-ce qui se passe?» Ils ont envoyé une infirmière pour m'expliquer. Je ne suis pas le plus stupide des hommes.

L'Hôpital Montfort, nous l'avons conservé, gardé, préservé à force d'arguments. Nos écoles françaises, nous les avons obtenues, pas parce que le nombre le justifiait mais parce que le droit des parents de faire instruire leurs enfants dans leur langue est un droit fondamental. Le droit des parents de faire soigner leurs enfants dans leur langue maternelle est tout aussi fondamental.

Je crois au réseautage. Je vais vous dire pourquoi, monsieur Labelle. Aujourd'hui, avec la télémédecine et les communications par satellite, il est possible d'établir des centres avec des expertises dans plusieurs domaines, comme par exemple les maladies infectieuses ou pulmonaires, ce n'est pas bien compliqué. M. Gauthier a dit qu'avec une ligne 1-800, on pourrait faire un réseautage d'informations. Il me semble que cela se ferait certainement aujourd'hui.

J'ai pris beaucoup de notes et je vais relire tout ce que vous avez dit. Pourquoi l'Ontario ne fait-elle pas partie du réseau, monsieur M. LaBossière, le savez-vous? Il y a le Manitoba, le Nouveau-Brunswick et une autre province, l'Alberta.

M. LaBossière: Quand vous parlez du réseau, parlez-vous de participation au comité consultatif?

Le sénateur Gauthier: Je parle du comité d'Hubert.

M. LaBossière: Je ne sais pas pourquoi. Certaines provinces ont été invitées mais seules deux ou trois y ont participé. Nous avons quand même trouvé des façons de tenir toutes les provinces et territoires au courant des démarches du comité. En effet, il y a eu une présentation et plusieurs rencontres avec des responsables des affaires francophones tenues par le comité consultatif. Le comité a aussi fait une présentation à la conférence ministérielle sur les affaires francophones. Nous avons donc tenu au courant les provinces et les territoires de nos démarches même s'ils ne participaient pas tous à ce comité.

Le sénateur Gauthier: Il me paraît un peu étrange que la province dans laquelle on compte le plus grand nombre de francophones, soit l'Ontario, ne soit pas présente lorsqu'on discute d'un problème aussi sérieux que celui de la santé.

Monsieur Gauthier, vous avez demandé que le fédéral pose des gestes concrets, qu'il s'engage, qu'il participe et qu'il appuie. Quels sont les mesures les plus essentielles d'après vous? Il est vrai que le gouvernement fédéral a le pouvoir de dépenser. Au niveau des communications et de la recherche, vous avez parlé d'un projet pilote. Par qui ce projet sera-t- il financé?

M. Gauthier: J'ai parlé des mesures et de trois points sur lesquels l'accent doit être mis. Notre rapport fait référence à des documents d'appui très importants qui parlent des dossiers à gérer par ordre de grandeur. Je crois, monsieur le Président, que vous avez copie de ces documents, car on vous les a fait parvenir au fur et à mesure.

Pour ce qui est du réseau, on parle de 5 millions de dollars annuellement. Du côté de la formation, on parle de 18 à 20 millions de dollars annuellement.

Le président suppléant: Je vais vous demander d'être plus précis, car pour nous la question des finances est une question très importante. J'aimerais aussi faire allusion à ce qu'a dit le ministre Dion, car il s'agit du document officiel sur lequel on se base.

M. Gauthier: Notre rapport?

Le président suppléant: Le rapport dans lequel se trouvent les sommes de 5 millions de dollars pour le réseau et 15 millions de dollars pour la formation.

Je prends note du discours du ministre Dion à Whitehorse qui dit que les premières discussions et les attentes ont été perçues comme étant plutôt irréalistes, ce qui voulait dire que les demandes étaient trop fortes. Plutôt que de vous décourager, vous avez poursuivi, et les recommandations du comité consultatif s'inscrivent maintenant dans un cadre financier beaucoup plus réaliste.

Si je comprends ce que je dis le ministre, les demandes financières se sont modifiées. Est-ce exact?

M. Gauthier: Par rapport au cahier que vous avez, ce n'est pas exact. Il y avait des perceptions au sein du ministère de M. Dion que nos demandes étaient extravagantes. Après plusieurs rencontres, ils ont compris le contenu de notre rapport.

J'ai assisté à des rencontres dans lesquelles on tentait de nous dire que le gouvernement a peu de moyens, que nous devrons être plus raisonnables. On a répondu avec des dossiers.

À Santé Canada, des discussions ont eu lieu avec le ministère de M. Dion, et l'ordre de grandeur dont il est question est toujours celui du dossier. L'impression qui se dégageait de M. Dion est qu'il s'agissait de quelque chose de beaucoup plus colossal. J'ai rencontré M. Dion pour faire le point sur chaque volet du dossier.

Le dossier le plus épineux est le dossier des lieux d'accueil. Ce dossier est plus que tout autre de l'essor fédéral- provincial.

Il semble que le dossier concernant le réseau soit bien compris. Le 1.9 million de dollars a pour but de nous aider à démarrer.

Le président suppléant: C'est ma deuxième question. J'aimerais toutefois rester avec les chiffres du rapport, car ce que vous dites est une toute autre chose. Vous parlez de l'adaptation aux soins de santé primaires.

M. Gauthier: Sur le fond de la question, le dossier qu'on avance est le dossier que vous avez dans votre cahier. Le dossier le plus mou est le dossier des services de première ligne, les infrastructures, les structures d'accueil. Celui-ci m'inquiète.

Après m'être penché sur cette question longuement, j'en viens à la conclusion que le dossier est mou de ce côté. Ce qui m'inquiète est qu'il est possible de créer des plans et de former du personnel, mais sans pour autant avoir d'endroits où livrer les services adéquatement. Je fais part à tous de cette inquiétude, car ce dossier a besoin d'être solidifié. Dans l'ordre des choses, on a mis sur table trois priorités nécessitant du financement. L'ordre de grandeur des budgets dans le document que vous avez est toujours le même.

Le président suppléant: Pour être précis, les 5 millions de dollars par an pour le fonctionnement des réseaux communautaires est toujours applicable?

M. Gauthier: Toujours.

Le président suppléant: La somme de 15 millions par an pour la formation et le recrutement de personnel francophone est-elle toujours applicable?

M. Gauthier: Au minimum, car le dossier envoyé par le consortium est de l'ordre d'au-delà de 15 millions de dollars et plus par année sur cinq ans. Cela pourrait atteindre les 20 millions.

Le président suppléant: Restons dans ce document-ci.

M. Gauthier: En effet, il s'agit du minimum.

Le président suppléant: La mise en place de lieux d'accueil correspond-elle aux groupes de soins de première ligne?

M. Gauthier: Oui.

Le président suppléant: Et vous dites que parler d'une somme de 25 millions de dollars, c'est peut-être un peu mou?

M. Gauthier: Ce montant est à l'étude présentement. On a des exemples de la façon dont cela devrait se passer, mais ce qui est mou est de faire en sorte que ce dossier figure parmi les dossiers qui seront reçus et financés.

Le président suppléant: On doit étudier le rapport et faire des recommandations. Pour ce faire, on doit procéder par témoignages. On ne peut le faire par téléphone. Il faut se fier à ce que vous nous dites aujourd'hui et on ne peut procéder autrement. C'est la raison pour laquelle je pose toutes ces questions.

La question des 25 millions de dollars par année en ce qui a trait aux lieux d'accueil devrait-elle demeurer dans le rapport final que l'on doit faire? Est-ce une demande de la part de votre comité?

M. Gauthier: Absolument.

Le président suppléant: Cela n'est donc pas modifié?

M. Gauthier: Non.

Le président suppléant: Le dernier montant contenu dans ce rapport est la mise en place graduelle d'une infrastructure de la santé pour un montant unique et non récurrent de 20 millions de dollars. Est-ce que cet item demeure toujours?

M. Gauthier: Non. À l'intérieur du dernier montant de 25 millions de dollars, on pourrait retrouver la technologie. M. Dion aura compris que l'on devient plus raisonnable en disant que les 20 millions de dollars pourraient être inclus. La technologie sur cinq ans veut dire quelques millions de dollars par année et peut être inclus dans le montant de 25 millions dont on vient de discuter.

Le président suppléant: Vous avez indiqué qu'il existe des documents justifiant ces sommes?

M. Gauthier: Oui.

Le président suppléant: Pourrait-on les obtenir?

M. Gauthier: Absolument.

Le président suppléant: Vous comprendrez que si on indique la somme 25 millions de dollars, la justification sera nécessaire.

M. Gauthier: C'est un peu comme le Trésor qui nous demande la même chose.

Le président suppléant: Je vais maintenant passer au fonds pour l'adaptation des soins de santé primaires. Si je comprends bien, Santé Canada a réservé une somme de 8 millions de dollars, qui est toujours en banque, qui n'a jamais été utilisée depuis presque un an maintenant, deux ans peut-être. Quand M. Nouvet est venu, je lui ai demandé ce qu'il faisait avec cet argent. Il a répondu qu'il allait bientôt être dépensé et c'était une question de jours. Il est venu ici il y a plusieurs mois. Il a dit que si on avait des besoins urgents, une somme de 8 millions de dollars — c'est tout de même une somme assez appréciable — vous est réservée, qui est destinée aux soins de santé en français hors Québec. Le ministre Dion a pris 1,9 million de cette somme, il en reste donc encore six. Avez-vous reçu de l'information qui vous laisse croire que cette somme va vous être donnée, et comment elle va vous être octroyée?

M. Gauthier: Sur le 1,9 million de dollars, les discussions sont fort avancées. En tant que gestionnaire d'hôpital, je suis toujours un peu impatient et je trouve que cela prend beaucoup de temps avant qu'on nous accorde les autorisations requises. Ils ont tous nos documents. Ce qu'on attend d'eux, ce sont des réponses. J'ai même porté le dossier à l'attention du sous-ministre en titre ce matin pour lui indiquer que cela faisait depuis juin que M. Dion avait fait l'annonce et qu'on s'attendait à ce que cela avance. J'ai eu l'impression que M. Green souhaitait que le dossier avance assez rapidement.

Deuxièmement, on nous a indiqué qu'on était en train de développer des critères qui devraient être connus sous peu et qu'on devra s'inscrire à l'intérieur de ces critères. On a décidé de faire une proposition à Santé Canada sans entendre toute la question des critères, parce qu'on peut attendre. Cela fait deux ans. De notre côté, je vous transmets peut-être un tantinet d'impatience, mais on va faire nos devoirs. Pour le 1,9 million de dollars, on a mis les choses sur la table. Pour le 6 millions, on pense qu'il est temps de faire de même pour faire avancer les choses. La question qu'on se fait poser par Santé Canada, c'est ce qui va assurer la suite des événements. C'est un fonds transitoire. On dit que c'est soit le plan Dion, soit les suites données à Kirby, Romanow, et cetera. Pour eux, ce n'est pas une réponse qui m'a pas l'air assez solide.

Le président suppléant: Mais tout de même, l'argent est là.

M. Gauthier: Il ne semble pas y avoir de problèmes. L'argent est là et nous avons la situation que je vous décris.

Le président suppléant: Je vous remercie, à la condition que vous nous fassiez parvenir la justification de ces sommes. Pour nous, il est essentiel que cela soit justifié si nous demandons des sommes.

Le sénateur Gauthier: J'ai parlé ce matin du sixième principe. Il faudrait peut-être l'adopter ou en discuter dans la Loi sur la santé. J'aimerais avoir l'opinion de chacun de nos témoins cet après-midi. Pensez-vous que ce sixième principe serait utile?

Le président suppléant: Il s'agirait d'inclure un sixième principe à la Loi sur la santé qui inclurait l'universalité. C'est une des conditions. Le sixième principe serait celui de la dualité linguistique qui assurerait des services dans l'une ou l'autre des langues officielles du Canada.

M. Labelle: Dans l'une et l'autre ou l'une ou l'autre?

Le président suppléant: L'une ou l'autre, selon le patient. Il faut que le patient ait droit à recevoir des soins dans l'une ou l'autre des deux langues officielles, à sa demande, que ce soit un anglophone au Québec ou un francophone hors Québec. Ce serait un sixième principe. C'est ce que le sénateur Gauthier vous demande. Quelle est votre opinion à ce sujet?

M. Labelle: C'est certainement un principe qu'on ne peut pas dénoncer. Cependant, quelles seront les actions mises en oeuvre pour assurer que cette loi soit réalisable partout? Je vis à Kingston où nous sommes 5 000 francophones. Qu'allez-vous faire pour que demain matin, je puisse avoir des services? Ensuite, voulez-vous dire tous les services en français ou simplement les services primaires? Si j'ai besoin d'une chirurgie très sophistiquée, allez-vous m'assurer que ce médecin qui fait des chirurgies cardiaques pourra communiquer avec moi en français? Mais certainement, c'est une bonne loi.

M. Gauthier: Quand on parle de l'assise légale, c'est toujours important. En ce sens, je suis favorable à cela. Toutefois, ma mère vous répondrait: «Est-ce que cela va m'aider à avoir plus de services de soins à domicile en français chez moi?» J'hésiterais à y mettre toute mon énergie. Je pense qu'il y a des gens qui la mettront, entre autres, Mauril Bélanger, le sénateur Gauthier et d'autres. Je vais les appuyer de ce côté, mais je vais aussi travailler très fort à court terme pour que des améliorations se fassent. Je suis convaincu que, sans le principe, on est capable de faire avancer certaines choses.

Le président suppléant: Ce matin, le Dr Schofield nous a dit que les principes, c'était bien, mais l'action, c'était encore mieux!

M. LaBossière: Comme je l'ai écrit dans le texte que je vous ai présenté, à l'avant-dernier paragraphe, je vous fais part de certains constats. Dans le domaine de l'éducation, des mesures incitatives d'envergure nationale ont grandement aidé. Tirons donc les conclusions. Du côté de la santé, cela prend peut-être quelque chose. Je ne dis pas qu'il faut un sixième principe dans le document en question, que ce soit du côté d'un programme quelconque, d'une enveloppe fédérale quelconque. À mon avis, cela prend des mesures d'envergure nationale parce que cela peut prendre énormément de temps dans certaines régions du Canada pour faire avancer le dossier des services de santé en français.

Le président suppléant: Vous avez la réponse à votre question, sénateur Gauthier?

Le sénateur Gauthier: J'aimerais faire une petite analogie. Quand je vais faire réparer ma voiture, je ne demande pas au mécanicien qui l'a formé? Je lui demande de faire un bon travail. Qu'il ait appris son métier en allemand, en français ou en anglais, cela n'a pas d'importance, du moment qu'il répare la voiture. Cela ne me préoccupe pas de savoir que le chirurgien ne parle pas ma langue, ce qui me préoccupe, c'est s'il sait faire de la chirurgie comme il faut. Je veux que la personne qui me reçoit puisse répondre à mes besoins dans ma langue. Quand je me rends à l'Hôpital Général d'Ottawa et que l'infirmière me répond: «I'm sorry, I don't speak French», cela me met un peu sur la défensive, je l'avoue. Pourtant, j'ai grandi ici. Peut-être qu'à Kingston, monsieur Labelle, cela se passe ainsi, mais cette ville n'est pas désignée bilingue par la province de l'Ontario. Pourtant, le gouvernement fédéral a beaucoup d'installations à Kingston, y compris le Collège militaire. C'était une des conditions pour qu'ils désignent Kingston bilingue. Il ne l'ont pas fait. Pourtant il y a des étudiants du Québec et de partout au Canada qui vont étudier là.

Le sénateur Losier-Cool: Les témoins que nous avons entendus hier, les gens de la FCFA, à part le sixième principe, recommandent aussi que le gouvernement fédéral mette sur pied un genre de programme similaire au PLOE. Pourriez- vous faire des commentaires sur cette recommandation?

M. Gauthier: On a parlé des quanta et de l'argent pour gérer un tel programme qui doit en être un de santé. Puisqu'il y a des juridictions partagées, probablement qu'on serait d'avis qu'un programme fédéral-provincial, sociaux-sanitaires soit intégré pour ne pas se ramasser avec des morceaux éparpillés et courir après. On a déjà dit que ce programme devrait être à Santé Canada. Il a des tables et des structures pour discuter avec les provinces, cela pourrait être un véhicule. Les communautés peuvent jouer un rôle important pour faire le lien entre les provinces et le gouvernement fédéral. Aussi baveux que cela puisse avoir l'air, on ne veut pas se faire prendre en sandwich dans les grands débats fédéraux-provinciaux sur ces questions. En même temps, sur les services à la population, on peut servir de catalyseur entre le provincial et le gouvernement fédéral pour régler des choses. On a déjà vu d'après nos tableaux qu'on retrouve ces alliances. Je dirais oui, faire un programme unique qui pourrait avoir des dimensions purement nationales et d'autres qui pourraient être fédérales-provinciales.

Le président suppléant: Avez-vous d'autres questions?

Le sénateur Losier-Cool: Une fois que les témoins auront terminé, j'aimerais poser une question aux membres du comité.

Le sénateur Léger: C'est la première fois que nous avons un avocat du diable. Cela a été assez difficile mais on a vraiment rencontré beaucoup de gens qui y travaillent. On termine en se demandant si c'est juste la province de l'Ontario qui est isolée comme cela?

On a eu deux ou trois autres témoins de l'Ontario et leur témoignage était moins négatif. Pour moi, cela était négatif, on ne serait pas ici aujourd'hui si on s'était toujours assis sur l'assimilation et le reste.

Monsieur Labelle, vous avez dit qu'en Ontario c'était un problème de statut socio-économique. Est-ce que tout est négatif pour les francophones en Ontario? Je connais le Nouveau-Brunswick, oui, mais il me semble qu'on participe, on invente. Cela doit être la même chose en Ontario, non?

M. Labelle: Le rapport lui-même souligne qu'il y a une disparité entre le statut socio-économique des francophones au Canada et des anglophones. La recherche démontre que c'est l'une des causes principales des services de santé moindre chez les jeunes. Si les francophones sont moins bien nantis, moins bien éduqués et ont moins de pouvoir, probablement qu'ils auront une santé moins bonne que les autres. C'est ce que je dis. Les francophones doivent s'éduquer et en venir à jouer un rôle plus important. C'est ce sur quoi on doit se concentrer.

Le sénateur Léger: J'ai l'impression que cela est déjà commencé. Vous ne le savez pas?

M. Labelle: Bien oui. Si vous avez 5 millions de dollars à dépenser, arrangez-vous pour aller décrocher 200 médecins francophones de plus au Canada. Concentrez-vous là-dessus et vous allez obtenir tout ce que vous voudrez.

Le sénateur Léger: D'après le Dr Schofield, cela est commencé, tout ce qui est déjà fait, cela doit exister en Ontario aussi, j'imagine.

Le sénateur Pépin: Monsieur Labossière a dit qu'il faut assurer les services là où vivent les francophones et monsieur Gauthier a dit qu'il fallait développer notre méthode de livraison et évidemment, les soins primaires sont tellement importants. Lorsqu'on sait que si la tendance se maintient, on ira dans les hôpitaux pour une chirurgie ou quand on sera gravement malade sinon, on sera malade à la maison. Il faut donc développer les soins à domicile avec la technologie et aussi développer le personnel, que ce soit les médecins ou les infirmières pour aller travailler dorénavant beaucoup plus dans les régions et à domicile.

Monsieur Labelle, vous avez dit que les Franco-Ontariens participent plus ou moins et vous avez dit que vous, vous pouvez être traité par un médecin qui parle anglais. Lorsqu'on parle des services de santé, il faut les avoir en français. Et si tout les francophones décidaient de se faire traiter en anglais? Les jeunes iront étudier en anglais. Cela va être plus facile, plus de services, ils vont s'en aller du côté anglophone et vont laisser le côté francophone.

Le fait que les francophones se dirigent du côté anglophone, ne serait-ce pas là une partie du problème?

M. Labelle: C'est faux que le gens vont dans les hôpitaux pour mourir. Les cliniques des hôpitaux, même les hôpitaux universitaires, sont remplis à pleine capacité. Les gens vont là pour des tests ou parce qu'ils ont des maladies continues. Les gens y vont souvent durant toute leur vie. C'est plus important pour ces gens d'avoir un contact établi avec un médecin spécialiste puisque leur maladie leur impose ce lien pour 10, 15 ou 20 ans avant de mourir. C'est faux de dire que les hôpitaux n'ont pas un rôle à jouer.

Le sénateur Pépin: Je dis que la médecine va se diriger à l'extérieur des hôpitaux.

M. Labelle: Le francophone qui n'habite pas dans une région où, dans un rayon de cinq milles, il y a des services, s'il y en a de l'autre côté de la rue et s'il est parfaitement bilingue, il a deux choix, faire 20 minutes de voiture pour obtenir des soins en français ou, traverser la rue pour se rendre à la clinique où il recevra des soins en anglais? Il va traverser la rue! C'est ce que je vous dis, une fois que les gens sont à l'aise avec l'anglais, les soins de santé deviennent simplement un service comme s'acheter une voiture ou aller chez le coiffeur.

Le sénateur Pépin: Si des gens vous demandaient de l'aide pour ouvrir une clinique avec quelques médecins francophones, participeriez-vous?

M. Labelle: Pas de problème. Si on pouvait avoir une dizaine de médecins de plus, on serait bien heureux.

Le président suppléant: Tout à l'heure monsieur Labelle vous avez mentionné que vous et votre femme étiez à la recherche d'un médecin de famille et que vous n'en trouviez pas ni en français ni en anglais et que vous en prendriez un dans n'importe quelle langue. Vous souligniez le fait que 40 p. 100 des gens, au cours de la dernière année, ont été à la recherche d'un médecin de famille et n'en ont pas trouvé. Il y a une pénurie de médecins.

M. Labelle: Quant à moi, tout effort qui diminue la possibilité d'accroître le nombre de médecins bilingues ou francophones est mal dirigé. Le seul but à atteindre serait d'aller chercher davantage de médecins bilingues ou francophones.

Le président suppléant: Le rapport place cet objectif en deuxième priorité et si on regarde du point de vue financier, la priorité est la formation de personnel en soins de santé. C'est ce que le rapport recommande.

M. Labelle: Je dis qu'il ne faut pas disperser les horizons et les efforts et qu'il faut se concentrer sur l'accroissement du nombre de médecins bilingues ou francophones.

M. Gauthier: Mon commentaire porte sur le lien entre la formation et le réseautage. On réalise qu'on a besoin de partenaires dans le réseautage afin qu'il y ait de la formation. Les institutions de formation commencent à voir arriver les partenaires qui demandent à ce qu'on les aide à convaincre des gens à venir étudier dans leur université.

L'université réalise donc qu'elle ne peut plus faire la formation en vase clos et que les méthodes d'aujourd'hui consistent à travailler en partenariat et on a davantage de chances de gagner si on se dit que c'est nécessaire de le faire.

M. LaBossière: En ce qui a trait aux services en français, comme Hubert l'a mentionné plus tôt, l'offre active signifie qu'on va faire un effort pour trouver la façon de rejoindre les francophones. J'ai indiqué dans mon texte qu'il faut tenter d'offrir des services là où se trouvent les francophones. Lorsqu'on regarde le système d'écoles francophones, cela nous donne déjà un très bon indice à savoir où il faudra implanter des services de santé. On peut en offrir de façon parallèle via le système scolaire ou avec des infirmières en santé publique ou mentale. C'est une façon efficace de rejoindre de beaucoup notre clientèle de francophones.

Il faudrait aussi commencer à s'asseoir avec la communauté et identifier les priorités, savoir là où c'est important de le faire et trouver les méthodes appropriées pour le faire. Je n'ai pas la réponse absolue, mais ayant travaillé au Manitoba, j'ai découvert qu'en général, il était plus logique d'offrir les services du gouvernement dans des centres multidisciplinaires.

Au Manitoba, six services gouvernementaux sont en voie d'être offerts à l'Hôpital Saint-Boniface, à Notre-Dame- de-Lourdes ainsi qu'à trois autres endroits. Des services de professionnels dans différents ministères sont offerts dans des centres quelconques, dont une trentaine qui le sont au Centre de services gouvernementaux de Saint-Boniface. À mon avis, ce centre est un bon exemple de ce qu'on peut faire quand on y regroupe des professionnels.

Le sénateur Pépin: Hier on a entendu une présentation excessivement positive qui disait que c'est en développant des modèles d'éducation qu'on peut recruter des professionnels. Pour mon information personnelle, je poserai une dernière question à monsieur Labelle.

Parmi les francophones, il y a des catholiques et des non catholiques et il semble y avoir une guerre entre les deux. Expliquez-moi pourquoi les francophones se déchirent pour avoir accès à des services en français sous prétexte qu'ils sont catholiques ou pas.

M. Labelle: Prenons l'exemple d'une communauté où il y a deux écoles secondaires: une anglaise et une française. Ce sont deux écoles qu'on pourrait qualifier de médiocres mais si on les jumelait ensemble, elles pourraient certainement bénéficier de meilleures installations, de meilleurs programmes de formation.

Le sénateur Pépin: Pourquoi les catholiques et les non-catholiques ne peuvent-ils pas travailler ensemble?

M. Labelle: En Ontario, les catholiques ont toujours eu leur régime scolaire et c'est la même chose pour les non- catholiques. Ce qui s'est passé, c'est que le réseau catholique, n'offrant pas de formation en français au secondaire, le réseau scolaire public a commencé à créer des écoles secondaires gratuites. Beaucoup de francophones fréquentent maintenant les écoles publiques et leurs enfants continuent de les fréquenter.

Le sénateur Pépin: Alors pourquoi ne pas les regrouper?

M. Labelle: Les catholiques ne veulent pas fréquenter les écoles du secteur public.

Le président suppléant: L'après-midi a été très intéressant et je voudrais vous remercier individuellement. Le point de vue de M. Labelle laisse entrevoir un certain malaise.

Par ailleurs, je dois dire qu'on a entendu des témoignages enthousiastes de la part des témoins des provinces maritimes, du Nouveau-Brunswick et du Manitoba. De la part de l'Ontario, on peut percevoir un malaise indiscutable et c'est ce que M. Labelle a bien souligné.

M. LaBossière a indiqué que l'Ontario ne participait pas à un consortium. Il faut se rappeler que la moitié des francophones hors Québec vivent en Ontario. Il y a là un sérieux problème et on n'y sent pas l'enthousiasme et le dynamisme des autres milieux. C'est peut-être un problème sur lequel les Franco-Ontariens devront se pencher et qu'il représente peut-être aussi une situation particulière en rapport avec le gouvernement provincial actuellement en place.

Je voudrais remercier M. LaBossière pour ses excellentes remarques et le parallèle qu'il a établi entre le système d'éducation et le système de soins de santé. Je crois qu'il a tout à fait raison en disant que si le système d'éducation fonctionne bien, il n'y a pas de raison que le système de soins de santé, dans un même milieu, ne soit pas aussi fonctionnel.

Enfin, M. Gauthier a présenté un point de vue tout à fait particulier dans ce dossier. Il est directeur général d'un établissement de santé universitaire et on sait que c'est un homme particulièrement occupé. On connaît les problèmes auxquels il peut faire face, surtout dans des conditions de restrictions budgétaires.

En plus de siéger au Conseil des instituts de recherche en santé du Canada, c'est avec un acharnement et un dévouement remarquables que M. Gauthier s'est impliqué dans la question des services en français hors Québec.

Il fait des pèlerinages hebdomadaires à Ottawa et je dois le féliciter, lui dire que les membres du comité reconnaissent le temps qu'il a consacré et l'effort unique qu'il a déployé dans cette cause.

M. Gauthier: Je vous remercie.

La séance se poursuit à huis clos.


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