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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 11 - Témoignages du 20 mars 2003


OTTAWA, le jeudi 20 mars 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour étudier les questions qu'ont suscitées le dépôt de son rapport final sur le système de soins de santé au Canada en octobre 2002 et les développements subséquents et, en particulier, pour examiner la santé mentale et la maladie mentale; et aussi pour étudier une ébauche de budget.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil

[Traduction]

La vice-présidente: Nous nous réunissons aujourd'hui pour examiner des questions relatives à la santé mentale et à la maladie mentale. Nous nous sommes rendu compte quand nous avons fait notre étude principale que c'était la question qui était la plus préoccupante dans l'esprit des gens et qui exigeait une attention immédiate.

Nous avons un important groupe de témoins avec nous ce matin.

Mme Carolyn Pullen, expert-conseil, Institut canadien d'information sur la santé: Honorables sénateurs, je vous invite à vous reporter aux documents qui vous ont été remis. Je vais m'inspirer pour mon exposé du document intitulé «Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie: Information sur la santé mentale au Canada». Nous avons divisé notre exposé en deux brèves parties. Je vais parler d'abord de la disponibilité de l'information à l'échelle nationale sur la santé mentale et les services de toxicomanie au Canada. Le Dr Millar prendra ensuite le relais.

Je passe directement à la diapo no 3, qui est intitulée: «Information sur la santé mentale actuellement disponible». L'Institut canadien d'information sur la santé est depuis cinq ans le maître d'oeuvre de la base de données nationale sur la santé mentale. On énumère deux ou trois points qui décrivent le contenu de la base de données, mais le plus important est qu'il s'agit de données remontant à 80 ans qui étaient auparavant conservées par Statistique Canada. On y trouve exclusivement des renseignements sur les patients hospitalisés dans les hôpitaux généraux et les hôpitaux psychiatriques au Canada. En comparaison d'autres bases de données, celle-ci est très limitée quant au nombre d'éléments de données ou du type d'information qu'elle contient.

La base de données renferme surtout des renseignements diagnostiques et démographiques. C'est très limité. On n'y trouve rien sur les patients soignés en clinique externe, les foyers de groupe, les services communautaires ni aucune information sur les groupes de consommateurs. Comme on le sait bien dans les milieux des services de santé mentale, ce sont pourtant dans ces endroits que sont dispensés la plupart des services de santé mentale. Nous saisissons donc seulement la pointe de l'iceberg en termes de services qui sont utilisés au Canada, parce que les services aux personnes hospitalisées sont en quelque sorte le bout de la route pour ce type de service.

L'Institut reçoit aussi des renseignements sur les salles d'urgence des hôpitaux, mais c'est très limité et seulement dans deux ou trois provinces.

Statistique Canada fait deux enquêtes qui fournissent certains renseignements à l'échelle nationale. Il y a d'abord l'Enquête nationale sur la santé de la population, qui existe depuis 1996. Elle est faite tous les deux ans et recueille de l'information sur des questions comme la dépression, les troubles psychologiques, ainsi que l'alcoolisme, le tabagisme et la consommation de médicaments.

Il y a aussi l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, qui est plus récente. Le cycle 1.2 a eu lieu en 2002 et mettait l'accent sur la santé mentale. On a recueilli des renseignements sur des questions comme le stress, l'angoisse, la dépression, et cetera. Ma collègue, Mme Bailie, vous donnera plus de détails sur ces enquêtes tout à l'heure.

Il y a aussi d'autres types de renseignements recueillis ailleurs au Canada, mais ce qu'il importe de savoir, c'est que ce n'est pas standardisé, et que les données sont recueillies ici et là, sans uniformité. Ce n'est pas de l'information qui permet d'établir des comparaisons sur une base régionale ou provinciale.

Sur la diapo suivante, on voit un graphique concentrique qui a été créé pour guider nos groupes de travail d'experts quand nous avons élaboré des indicateurs des services de santé mentale au Canada. Vous trouverez dans votre trousse un document supplémentaire intitulé «Services de santé mentale et de toxicomanie — Cadre conceptuel». Si vous le lisez, vous y trouverez une description des différentes composantes de ce cadre. Cependant, on y décrit essentiellement les domaines dans lesquels nous avons besoin de renseignements sur les services de santé mentale, notamment les caractéristiques des populations visées, les différents types de services qui sont disponibles et la gouvernance et la gestion des services de santé mentale.

La flèche au bas de ce graphique indique qu'actuellement, nous avons seulement des renseignements sur les services dispensés aux personnes hospitalisées. Cela montre bien que l'information est limitée.

Mes autres diapos font ressortir les domaines que nos groupes de travail experts ont identifiés comme étant ceux où nous devons améliorer l'information dont nous disposons sur la santé.

Ces domaines prioritaires ont été identifiés selon divers groupes, notamment les consommateurs, les dispensateurs de services, les différents niveaux de gouvernement, les chercheurs, et cetera. C'est un processus passablement axé sur la consultation.

Nous avons besoin d'une meilleure information sur les résultats obtenus. Les services sont-ils efficaces pour ce qui est d'atteindre les objectifs souhaités à court et à long terme? Nous devons en savoir plus sur la continuité des services, parce que les services de santé mentale vont bien au-delà des établissements et même des services de santé. Nous devons en savoir plus sur le logement, l'emploi, la formation, l'éducation, et cetera.

Nous devons aussi en savoir plus sur l'utilisation des services: comment, quand et où les services sont-ils utilisés?

Quelles sont les meilleures pratiques pour la prestation de services? Qu'est-ce qui fonctionne bien et qu'est-ce que l'on gagnerait à généraliser? L'adéquation de l'intensité des ressources décrit le degré auquel le niveau de services offert correspond aux besoins ou à la demande au sein de la population. Nous devons en savoir plus sur les caractéristiques des clients qui utilisent les services: qui a besoin de services et qui sont ceux dont les besoins ne sont pas satisfaits. Il nous faut des analyses comparatives nationales pour établir quelles sont les meilleures pratiques, les objectifs et les cibles de prestation de services d'un bout à l'autre du pays. Nous devons en savoir plus sur la prévalence et l'incidence des maladies, et savoir dans quelle mesure les besoins existants sont satisfaits par les services disponibles.

Cela dit, je vais céder la parole au Dr Millar.

Dr John S. Millar, vice-président, Recherche et analyse, Institut canadien d'information sur la santé: Honorables sénateurs, je veux faire ressortir un secteur particulièrement vulnérable en matière de santé mentale, nommément la population autochtone. J'attire votre attention sur des travaux de recherche auxquels nous participons, dans le cadre de l'Initiative sur la santé de la population canadienne et qui indiquent que la sauvegarde de la culture, l'autonomie politique et l'autodétermination peuvent éliminer ou prévenir le suicide chez les jeunes dans certains groupes. J'ai joint des renseignements là-dessus à la fin de notre mémoire, à titre d'information.

Pour donner suite aux observations de Mme Pullen, nous discernons plusieurs défis pour ce qui est d'obtenir une meilleure information sur la santé mentale. Premièrement, il nous faut de meilleurs systèmes d'information, en particulier des dossiers de santé électronique. Cela semble se mettre en place plutôt lentement au Canada et le processus pourrait être accéléré. Il y a des défis de taille, en particulier en ce qui a trait à la santé mentale, sur le plan de la vie privée, de la confidentialité et du consentement pour l'utilisation des données. Nous sommes accompagnés de notre agent chargé de la vie privée, Joan Roch. Si vous avez des questions là-dessus, nous pourrons y répondre tout à l'heure.

Il y a d'importants problèmes relativement à l'extension des services de santé mentale et, comme Mme Pullen l'a dit, il est difficile de savoir quels services exactement sont dispensés. Il faut plus de ressources. Dans ce diagramme, on voit que la courbe est en forme de plateau, ce qui veut dire qu'il apparaît de plus en plus évident au Canada, aux États-Unis et dans d'autres pays qu'en dépit de l'augmentation des sommes consacrées à la santé dans l'ensemble, nous n'obtenons pas de meilleurs résultats. Nous n'avons aucun renseignement là-dessus pour ce qui est de la santé mentale, mais nous le savons dans certains domaines cliniques. Les trois diapos suivantes exposent les raisons de cet aplatissement de la courbe et de l'atténuation graduelle de la qualité des résultats obtenus à mesure que l'on dépense plus d'argent. Il y a beaucoup de gaspillage dans le système; les services efficaces sont sous-utilisés; et puis il y a une mauvaise utilisation. Il y a une incidence considérable d'une utilisation à mauvais escient et d'erreurs commises dans le système. Cela contribue à aplatir cette courbe et au gaspillage qui existe indéniablement. C'est un contexte qu'il est important de poser en toile de fond de notre réflexion sur cette question de la santé mentale. Comme les sommes que nous pouvons dépenser sont limitées, nous devons dépenser plus intelligemment au lieu de dépenser plus d'argent.

Bien sûr, la diapo intitulée «Coûts d'opportunité» illustre la notion selon laquelle chaque dollar que nous consacrons au système de soins de santé et qui est utilisé d'une manière inefficiente est un dollar de moins à consacrer à l'éducation, aux services sociaux et à divers autres biens publics qui ont une puissante incidence sur la santé mentale et la santé de façon générale.

Il sera nécessaire d'investir dans l'information sur la santé. Nous devrons investir beaucoup plus. D'autres pays sont très en avance sur nous quant au montant qu'ils investissent dans l'information sur la santé. Il apparaît de plus en plus que cet investissement est rentable parce qu'il permet de réduire le gaspillage et les erreurs et de renforcer l'efficacité et d'optimaliser les dépenses consacrées à la santé. Il faudra donc augmenter considérablement l'investissement au Canada, bien au-delà de ce qui est actuellement disponible ou même envisagé. Comment pourrons-nous le faire alors que les budgets n'augmentent pas? Évidemment, ce n'est pas si simple et votre comité y a déjà réfléchi dans un contexte plus général, mais essentiellement, en investissant de prime abord, nous pouvons recueillir et utiliser une meilleure information. Nous ne pouvons pas gérer le système, y compris la composante de santé mentale, et créer des services efficaces sans posséder une meilleure information. Comme Mme Pullen l'a dit, quels sont les résultats et comment dispensons-nous les soins? Il faut investir au départ pour obtenir de l'information qui pourra alors être utilisée pour mieux gérer les maladies chroniques, de manière générale, y compris les dossiers de santé mentale. Cela se traduira ensuite par une meilleure coordination des soins primaires, de la santé publique et des services de santé mentale, qui doivent à mon avis être intégrés.

Je vous remercie de nous avoir donné l'occasion de témoigner devant vous ce matin. Vous trouverez à la fin du document des références à l'appui de notre exposé.

Mme Lorna Bailie, directrice adjointe, Division des statistiques sur la santé, Statistique Canada: Honorables sénateurs, jusqu'à très récemment, les enquêtes sur la santé de la population menées par Statistique Canada ne renfermaient que très peu de détails sur la santé mentale, et pratiquement rien sur la maladie mentale. En général, le stress, la dépression et l'anxiété ont été évalués à l'occasion de la première Enquête nationale sur la santé de la population, qui a eu lieu en 1994 et, plus récemment, au cours du premier cycle de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes en 2000.

Cela a été un examen superficiel. Nous recueillons des données exhaustives sur les conditions chroniques et les déterminants de la santé physique depuis de nombreuses années. À certains égards, cela témoigne sans doute de la faible priorité accordée à la santé mentale jusqu'à maintenant. Aujourd'hui, mon exposé est réparti en deux volets. Dans un premier temps, je partagerai avec vous certains renseignements que nous avons recueillis, certaines des conclusions de nos enquêtes. Dans un deuxième temps, j'esquisserai les grandes lignes de la nouvelle enquête sur la santé mentale que nous venons tout juste de terminer pour vous donner une idée de ce qui s'en vient. En un sens, j'aimerais bien comparaître dans quatre mois alors que j'aurais davantage d'informations à vous communiquer. À l'heure actuelle, je n'en ai que très peu.

La vice-présidente: Nous pouvons prendre des arrangements pour vous entendre de nouveau dans quatre mois.

Mme Bailie: Ce serait formidable.

Avant de commencer, permettez-moi de poser ce qu'est et ce que n'est pas une enquête sur la santé de la population. La santé est plus que l'absence ou la présence de maladie. Une enquête sur la santé de la population peut faire ressortir un grand nombre des autres dimensions entourant la maladie. Nous pouvons examiner les déterminants, comme l'activité physique, la nutrition, le régime alimentaire ainsi que de multiples comportements. Nous pouvons aussi examiner la population dans son ensemble. Chose certaine, nous pouvons obtenir de l'information et des données administratives auprès de sources cliniques, mais une enquête sur la santé de la population nous fournira un instantané de l'état de santé global de la population, y compris ceux qui ont fait appel au système de soins de santé pour obtenir un traitement et ceux qui n'y ont pas fait appel.

Ma première diapositive montre certaines données au sujet de la dépression. Elle fait état de certains renseignements historiques sur la présence de cas de dépression depuis 1994-1995. La dépression est une maladie qui met en cause le corps, l'humeur et la pensée. Elle influence la façon dont une personne mange et dort, ainsi que sa perception d'elle- même. Les gens qui sont dans un état dépressif ne peuvent pas tout simplement se prendre en main et guérir. Sans traitement, les symptômes peuvent durer longtemps. Le traitement est bénéfique dans la plupart des cas.

Les données issues des trois cycles de l'Enquête nationale sur la santé de la population et les données plus récentes de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes font ressortir un certain nombre de choses. Ce graphique illustre les différences entre les taux concernant les femmes et les hommes, le taux de prévalence étant presque deux fois plus élevé chez les femmes.

L'information nous permet aussi de discerner une tendance au fil des ans. À noter, particulièrement, la hausse en 2000-2001.

Le taux de prévalence chez les hommes est passé de 3 p. 100 en 1998 à 5 p. 100 et chez les femmes, de 6 à 9 p. 100.

Je concède que l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes était nouvelle. En 1998 et avant, il y avait l'Enquête nationale sur la santé de la population. Nous avons passé en revue la méthodologie de ces deux enquêtes et nous sommes convaincus d'être en présence d'une authentique augmentation et non d'une différence attribuable à des plates-formes statistiques différentes.

Nous avons suivi un groupe d'individus tout au long de l'enquête nationale longitudinale sur la population, ce qui nous a permis d'identifier certains facteurs environnementaux causant des épisodes dépressifs. Fumer tous les jours, ne pas avoir de soutien social, souffrir de maladie chronique et être une femme sont autant de facteurs qui multiplient les chances de sombrer dans un état dépressif. D'après notre analyse, l'état civil, la scolarité et l'insuffisance du revenu ne sont pas des prédicteurs de dépression.

À la page 4, vous pouvez voir un graphique renfermant les données les plus récentes tirées de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes de 2000-2001. On peut y voir plus en détails les différences entre les hommes et les femmes, ainsi qu'entre les groupes d'âge. Au plan historique, nous constatons un changement. En 1994-1995, on semblait noter une plus grande prévalence dans le groupe des 15 à 19 ans. Comme vous pouvez le constater maintenant, il semble que le taux de prévalence soit plus élevé dans le groupe des 20 à 44 ans.

Je vais maintenant changer de sujet. C'est tout ce que j'ai sur la dépression.

Passons maintenant au phénomène du suicide au Canada, page 5. Selon les données de l'état civil de 1998, 3 700 Canadiens se sont enlevé la vie en 1998, soit une moyenne de dix par jour. Entre 1993 et 1998, le suicide a été plus meurtrier que les accidents d'automobile. Toujours selon les données de 1998, le suicide a été la principale cause de décès chez les hommes de 25 à 29 ans et de 40 à 44 ans. C'était la principale cause de décès chez les femmes âgées de 30 à 34 ans. D'après les statistiques de l'état civil de 1998, le taux brut de suicides des hommes s'établissait à 22,6 par 100 000, dépassant de loin le taux des femmes à 5,8.

La vice-présidente: J'aimerais obtenir une précision. Même si le graphique montre que les femmes affichent généralement des taux de dépression plus élevés, leur taux de suicide est moins élevé?

Mme Bailie: C'est exact.

La prochaine diapositive, à la page 6, présente une perspective différente du suicide. On y montre les taux d'hospitalisation pour tentatives de suicide selon l'âge, par sexe. On constate que le taux d'hospitalisation pour tentatives de suicide est beaucoup plus élevé chez les femmes avec 103,9 par 100 000, que chez les hommes, avec 69,2 par 100 000. Les femmes courent davantage le risque de faire des tentatives de suicide, mais les hommes sont plus susceptibles de réussir. D'ailleurs, les données que nous avons recueillies sur les méthodes de suicide confirment aussi ces statistiques.

D'après les données de 1998, une personne sur dix hospitalisée pour une tentative de suicide avait déjà été hospitalisée pour des tentatives antérieures, causant ainsi un fardeau pour le système des soins de santé.

Si l'on considère les groupes d'âge, on peut voir que le groupe des 15 à 19 ans affiche le plus haut taux d'hospitalisation pour les femmes alors que pour les hommes, ça semble être le groupe des 20 à 44 ans.

Le sénateur Morin: Des hommes âgés se suicident. Nous ne voyons pas cela dans votre présentation, à moins qu'il manque une diapositive. Les tentatives de suicide y figurent, mais non des données spécifiques selon l'âge.

Mme Bailie: Je n'ai pas inclus cela dans ma trousse.

Le sénateur Morin: Vous devriez peut-être. C'est une réalité étonnante. Les hommes âgés sont peut-être moins déprimés, mais on retrouve dans ce groupe une prévalence très élevée de suicides. Est-ce juste?

Mme Bailie: Ce n'est certainement pas aussi élevé que dans les groupes d'âge moyen, mais cela existe. Je peux vous fournir les taux de suicides pour tous les groupes d'âge.

Le sénateur Morin: Cela serait apprécié.

Mme Bailie: Nous allons vous les fournir.

Je voudrais maintenant vous parler des résultats de l'enquête sur la santé de la population canadienne. Pour la première fois, nous avons posé des questions précises sur l'utilisation des soins de santé et l'accès aux soins de santé pour ceux qui ont consulté des dispensateurs de soins à propos de troubles de santé émotionnelle ou mentale. Nous posions déjà depuis un certain temps des questions sur la santé physique, mais c'était la première fois que nous tentions de poser des questions sur les besoins des gens en matière de santé émotionnelle et physique.

On voit que 8 p. 100 de tous les répondants de 12 ans et plus ont dit avoir consulté un dispensateur de soins à propos de leur santé émotionnelle ou mentale. Ce graphique illustre le type de professionnel de la santé que les répondants ont consulté. Je signale que les répondants peuvent avoir indiqué qu'ils en ont consulté plus d'un. Il peut s'agir d'un médecin de famille aussi bien que d'un psychologue. Évidemment, le dispensateur de soins de santé le plus souvent consulté était le médecin de famille, les psychiatres, psychologues et travailleurs sociaux étant consultés beaucoup moins souvent.

Le ministère de la Santé de l'Ontario a fait en 1990-1991 une enquête sur la santé mentale qui a permis de découvrir bien des choses. On a notamment constaté que la plupart des gens consultent d'abord et avant tout un médecin de famille, souvent à propos d'un trouble physique. L'un des résultats de cette étude a été de donner une formation aux médecins de famille pour les aider à diagnostiquer la santé mentale et à traiter et référer leurs patients.

Le graphique de la page 8, établi à partir de renseignements obtenus dans le cadre de l'Enquête sur la santé dans les collectivités canadiennes, illustre les répondants qu'on a interrogés au sujet de soins dont ils estimaient avoir besoin mais qu'ils n'ont pas reçus, et 12 p. 100 d'entre eux ont indiqué n'avoir pu obtenir de tels soins. Les raisons sont nombreuses: délai d'attente trop long, pas commode, pas de moyen de transport, ont décidé de ne pas y aller. De nombreuses raisons expliquent cet état de fait. Ce graphique-ci montre plus précisément que des 12 p. 100 qui ont signalé n'avoir pu se faire soigner, 72 p. 100 ont dit qu'ils cherchaient à se faire soigner pour un problème de santé physique — ce sont évidement ceux qui ont les plus grands besoins — et ensuite 9 p. 100 voulaient se faire soigner pour des problèmes de santé émotionnelle ou mentale. Il est intéressant de signaler que ce pourcentage se rapproche beaucoup de ceux qui cherchaient à consulter pour un bilan de santé ordinaire ou pour faire soigner une blessure.

Ce qui manque dans ces données sur l'accès aux soins de santé, c'est une véritable indication du dénominateur. Quel est l'élément demande dans cette équation? Ce qui m'amène à aborder la partie suivante de mon exposé, dans laquelle je veux faire le point à votre intention sur l'information que nous avons recueillie spécifiquement sur la santé mentale et les maladies mentales.

En 1999 a été lancée une initiative appelée carnet de route de l'information sur la santé, qui visait à enrichir l'information sur la santé au Canada. C'était vraiment la première fois que l'on faisait l'inventaire des lacunes dans nos données. On avait également débloqué des fonds pour remédier à certaines de ces lacunes. Cette initiative est une coentreprise de Santé Canada, de l'Institut canadien d'information sur la santé et de Statistique Canada. C'est ce qui nous a permis de lancer cette toute première enquête sur la santé mentale à la grandeur du pays.

Il n'y a pas d'estimation au niveau national indiquant la prévalence de certaines maladies mentales au Canada. Nous avons des données cliniques qui nous en disent beaucoup sur les gens qui se trouvent dans le réseau de santé mentale, mais combien d'autres n'ont pas été diagnostiqués et n'ont pas été en mesure d'obtenir des soins?

Le lancement de cette enquête a été tout un défi pour moi et pour Statistique Canada. Cela a également montré à quel point les gens comprennent mal les maladies mentales et se sentent mal à l'aise d'en parler, et que les personnes atteintes sont stigmatisées. Nous avions de vives préoccupations quant à la réaction du public. Nous craignions des répercussions négatives si nous posions aux répondants des questions très délicates et personnelles. Nous avions aussi des craintes relativement à la protection de la vie privée et à la confidentialité. Nous avions déjà de lourds dossiers en matière de vie privée et de confidentialité pour la plupart des questions relatives à la santé.

Le lancement de l'enquête a été précédé d'un travail très poussé qui nous a permis d'apprendre beaucoup. Nous avons testé le questionnaire auprès de groupes témoins représentant l'ensemble de la population et aussi ceux qui ont une maladie mentale diagnostiquée. Un message commun est ressorti de tous les tests: il était grand temps. Chacun avait ses propres anecdotes sur la façon dont la maladie mentale les avait touchés personnellement, leur famille ou leurs amis, et ils étaient prêts à les partager. Ceux qui avaient été diagnostiqués trouvaient que l'enquête était un élément positif: enfin, on faisait quelque chose.

Nous avons eu du succès dans la collecte des données. Le taux de réponse à l'enquête est de 78,4 p. 100 pour une entrevue de 60 minutes, ce qui est très long. Nous avons donc obtenu une excellente collaboration. Notre taux de réponse habituel est de 80 p. 100 pour une enquête normale de 45 minutes, et c'est donc tout à fait comparable.

Les objectifs de cette enquête étaient de déterminer les taux de prévalence de certains troubles mentaux choisis au Canada et de juxtaposer l'accès aux services de santé mentale et leur utilisation, d'une part, et les besoins perçus, d'autre part. Nous avons recueilli beaucoup d'informations sur le type de services et de soins que les gens ont utilisés et le type de soins qu'ils cherchaient à obtenir.

Nous avons aussi été en mesure d'évaluer l'invalidité associée aux problèmes de santé mentale en examinant des cas particuliers et les répercussions sociales. Là encore, nous avons comparé cela à l'information socio-économique et démographique tirée de l'enquête sur la santé de la population.

Je passe maintenant aux détails de l'enquête, à la page 11. L'entrevue personnelle assistée par ordinateur a été faite en personne, à la résidence du répondant. La cueillette de données a été terminée en décembre 2002. Un échantillon de 38 500 personnes âgées de 15 ans et plus nous donnera des estimations nationales et provinciales.

Les questions posées étaient fondées sur une approche non clinique de l'Organisation mondiale de la santé appelée «Entrevue de diagnostic composite internationale». Elle a été élaborée et utilisée dans le monde entier. À l'heure actuelle, plus de 27 pays effectuent des enquêtes semblables. Ainsi, nous aurons l'avantage de la comparabilité internationale. Cette approche comprend des questions sur les symptômes, la durée et la gravité. Avec de telles données, nous sommes capables de calculer la probabilité qu'un diagnostic soit posé.

Une partie de notre enquête n'est pas indiquée sur cette diapo. Nous avons en effet sondé le grand public, les effectifs des forces armées et les réservistes. Quand nous avons lancé cette enquête, le ministère de la Défense nationale est venu nous demander si nous pourrions inclure ce groupe de la population.

À la page 12, vous voyez les troubles mentaux que nous allons étudier de façon détaillée. Nous examinerons la première expérience, l'épisode le plus récent des 12 derniers mois, l'expérience à vie, l'interférence avec la vie et les activités, et enfin les services professionnels et le traitement. Toutes ces composantes seront examinées pour la dépression; les manies, qui sont associées à une irritabilité anormalement élevée ou persistante; les troubles paniques, qui se manifestent par des crises inattendues de panique et une appréhension intense; la phobie sociale, c'est-à-dire la peur anormale de l'environnement. Pour l'échantillon du ministère de la Défense nationale, nous engloberons également le syndrome de stress post-traumatique, la dysthymie et le trouble d'anxiété généralisée.

Les critères pour inclure ces troubles dans notre enquête étaient les suivants: il nous fallait une prévalence d'au moins 1 p. 100; le trouble devait être mesurable; il devait être répandu au Canada; et il fallait qu'il puisse être atténué par une intervention.

À la page 13, vous remarquerez que nous avons également ajouté ce que nous avons appelé des «problèmes», pas nécessairement des maladies mentales comme telles. Cela comprend les troubles alimentaires et de comportement, l'alcoolisme et les toxicomanies et les problèmes de jeu. L'idée était de chercher les signes avant-coureurs d'un trouble, avec possibilité d'intervenir pour dispenser le traitement et faire de la prévention.

À la page 14, vous avez une liste des autres renseignements généraux qui font partie de l'enquête et qui peuvent être mis en corrélation avec des renseignements précis sur une maladie mentale.

À la page 15, on donne le plan d'échantillonnage. Là encore, l'idée est que des estimations provinciales et nationales pourront être établies.

La page 16 décrit les limites de l'enquête. Elle exclut les Autochtones vivant dans les réserves, les sans-abri et les personnes institutionnalisées. C'est regrettable, parce que ce sont probablement les populations les plus vulnérables. L'enquête vise seulement la population âgée de 15 ans et plus, et elle est loin de couvrir toutes les maladies mentales. Cependant, nous avons une question d'autoévaluation; on demande si la personne a déjà été diagnostiquée comme souffrant de schizophrénie ou de la maladie d'Alzheimer, par exemple.

Nous espérons avoir les premiers résultats en juillet 2003.

M. Thomas Stephens, expert-conseil, à titre personnel: Je voudrais faire quelques brèves observations sur la prévalence et les coûts, après quoi je prononcerai mon exposé dont je vous ai remis le texte; c'est un document de trois pages qui se distingue par sa mise en page paysagée.

Je vais vous parler de la prévalence et, en particulier, de certains facteurs associés aux problèmes de santé mentale et à une bonne santé mentale. Je vais également vous parler du coût, en me fondant sur certaines analyses que j'ai faites et qui reposent grandement sur des données de Statistique Canada, dans le premier cas de l'Enquête nationale sur la santé de la population à laquelle Mme Bailie a fait allusion. En l'occurrence, c'était la version de 1994-1995, dans laquelle on posait un certain nombre de questions non seulement sur les problèmes de santé mentale, mais aussi sur un certain nombre d'indicateurs d'une bonne santé mentale. En ce sens, c'est une source assez unique.

Vous penserez peut-être immédiatement que les données sont très anciennes, puisque l'enquête a été faite il y a neuf ans. En fait, certains taux de prévalence, par exemple pour la dépression, mesurés dans cette enquête, peuvent très bien avoir changé depuis cette date, comme Mme Bailie l'a montré. Cependant, je pense que les associations entre la santé mentale et divers déterminants sont probablement plus stables et durables.

Je voudrais vous dire quelques mots sur ces déterminants. Ils sont énumérés à la première page du texte, qui est une tentative de résumer le tableau plutôt dense de la deuxième page. Ce tableau est un sommaire d'une analyse statistique très poussée qui a pris en compte un certain nombre de facteurs simultanément pour tenter de comprendre ce qui est associé à une bonne santé mentale et ce qui est associé à une mauvaise santé mentale. C'est important parce que c'est établi à partir d'un échantillon assez nombreux et représentatif de Canadiens vivant dans des ménages disséminés aux quatre coins du pays.

Nous voyons constamment dans l'analyse que l'éducation et le soutien social ont une corrélation positive avec la santé mentale. Plus une personne est instruite et plus elle peut compter sur un bon soutien social, plus elle a de chances d'être en bonne santé mentale. Ces facteurs sont en corrélation positive avec des mesures positives comme l'estime de soi et le sentiment de bien-être, mais en corrélation négative avec des mesures négatives de santé mentale comme le stress et la dépression. On peut dire que l'éducation et le soutien social sont des facteurs protecteurs, en quelque sorte.

Je mets bien sûr l'accent sur ces soi-disant déterminants parce qu'ils sont extraordinairement utiles, non seulement pour identifier les populations à risque, mais aussi pour identifier des stratégies qui peuvent être efficaces pour la promotion de la santé mentale et la prévention des problèmes.

J'insiste sur le fait que cette analyse a bénéficié de l'enquête de Statistique Canada parce que celle-ci comportait quatre mesures positives de santé mentale et quatre mesures de problèmes de santé mentale. La plus grande partie de la littérature publiée repose sur une ou deux mesures seulement. Ces publications sont utiles et importantes, mais grâce à ces données-ci, nous avons un point de vue plus vaste et une compréhension plus solide des associations.

Le facteur protecteur de l'âge est ressorti uniformément dans ces analyses. Il y a un certain nombre d'indicateurs différents de la santé mentale. Il apparaît clairement que, tout au moins au milieu des années 90 dans notre pays, les personnes âgées avaient généralement une meilleure santé mentale. Les problèmes comme la dépression et le stress étaient plutôt le lot des jeunes.

Le sénateur Morin: Je l'ai toujours dit.

M. Stephens: Vous avez raison. C'est un contraste frappant avec la situation d'il y a 20 ans.

Nous avions quelques éléments de mesure de la santé mentale en 1978 et 1979 dans l'Enquête Santé Canada. On constate dans ces données une relation entre l'âge et la santé mentale qui ressemble à la relation que l'on est habitué de voir quand on examine l'âge et la santé physique. C'est-à-dire que les personnes âgées ont généralement une santé plus fragile.

Cela a changé en une génération. Il pourrait être intéressant pour le comité de se demander pourquoi. Qu'est-ce qui a changé dans la situation sociale entre la fin des années 70 et le milieu des années 90 qui influe sur la situation des personnes âgées par rapport aux plus jeunes, entraînant l'inversion complète de cette association entre l'âge et la santé mentale? C'est absolument renversant.

En étudiant ces analyses d'un échantillon de la population, certains risques pour la santé mentale sont ressortis clairement et uniformément. Ce sont les quatre points vignettes que l'on trouve au centre de la première page de texte. Le premier est l'intensité du stress dans la vie courante, ce qui n'est pas étonnant. Les autres risques sont le nombre d'événements marquants négatifs de la vie au cours des 12 derniers mois, et l'importance des traumatismes subis dans l'enfance, c'est-à-dire des événements qui peuvent s'être produits il y a 20 ou 30 ans, y compris le divorce des parents, de longues périodes de difficultés financières ou de chômage, ou encore l'alcoolisme dans le ménage. Cela continue d'être un facteur de risque de santé mentale de nombreuses années après l'événement.

Il y a aussi une certaine association entre le nombre de problèmes de santé physique et la santé mentale. Plus les gens ont des problèmes de santé physique, plus ils ont des chances de signaler également des problèmes de santé mentale.

Je n'ai pas trouvé d'association particulièrement notable entre l'état de santé mentale, négatif ou positif, et le lieu de résidence au Canada ou le niveau de revenu.

Il y avait une certaine différence entre les hommes et les femmes; l'étude portait sur les personnes âgées de 12 ans et plus, pas seulement des adultes. D'autres mesures ont fait ressortir une différence dans l'incidence de la dépression. Les femmes semblent légèrement plus touchées que les hommes. Cependant, ce n'est assurément pas le cas de toutes les mesures.

Nous n'avons discerné aucune région du pays où la population jouit uniformément d'une bonne santé mentale, ni de région où la situation est uniformément mauvaise parmi les gens à faible revenu. D'autres facteurs sont pris en compte, comme l'éducation.

Le sénateur Morin: Avez-vous trouvé des écarts entre les milieux ruraux et urbains?

M. Stephens: Nous n'avons pas vérifié cela, parce que c'est difficile à définir dans une enquête. Si ça pouvait l'être, ce serait une question intéressante. J'habite à Manotick. Est-ce rural?

La vice-présidente: Ça l'était, mais ça ne l'est plus.

M. Stephens: Il y a certaines associations importantes. Nous pouvons identifier les facteurs de risque. Nous pouvons identifier les facteurs protecteurs de nature démographique et psychosociale dans ces enquêtes sur la population. Ce sera de nouveau possible avec les nouvelles données provenant de Statistique Canada.

Je voudrais dire quelques mots sur le coût; cela se trouve à la dernière page. Je veux en parler parce que vous serez probablement confrontés à différentes estimations des coûts dans le cadre de votre étude sur cette question, et cela peut semer la confusion.

Vous voyez ici une modification d'un tableau qui se trouve dans votre plan de travail pour la phase 1 de vos audiences. Ce tableau est tiré d'une étude que j'ai publiée il y a deux ans. Ces derniers mois, Santé Canada a mis à jour ses estimations du coût de différents programmes de santé dans diverses catégories diagnostiques, y compris ce qu'on appelle les troubles mentaux.

Leurs chiffres sont différents des miens. À un moment donné, vous vous demanderez combien tout cela coûte vraiment. D'une manière ou d'une autre, c'est beaucoup d'argent. Actuellement, Santé Canada estime le coût des troubles mentaux à 7,9 milliards de dollars. L'estimation que j'avais faite il y a plusieurs années était de 14,4 milliards de dollars, près du double. À la lumière des données que Santé Canada vient de publier, je réviserais mon estimation à la baisse, comme vous pouvez le voir au tableau 2, mais le coût oscille quand même encore autour de 14 milliards de dollars, à mon avis.

La différence est principalement attribuable à la manière dont on envisage l'invalidité à court terme, pour des raisons que je pourrai expliquer plus tard, si vous le voulez. L'approche de Santé Canada sous-estime le coût de l'invalidité à court terme. On pourrait parler familièrement de «jours de congé de maladie mentale», c'est-à-dire des gens qui prennent congé sans souffrir d'un trouble physique particulier, mais principalement pour des raisons de santé mentale.

Ce phénomène n'est pas pris en compte dans les statistiques parce que ces gens-là ne cherchent pas à se faire soigner. Ce n'était pas pris en compte non plus dans les statistiques de Santé Canada parce que ce n'était pas conforme à l'approche qu'ils avaient adoptée, laquelle était uniforme pour toutes les maladies. Ils voulaient comparer différentes maladies physiques.

Mais quel que soit l'angle d'approche, c'est beaucoup d'argent. Nous sommes en présence d'une question importante qui touche une grande proportion de la population. Parfois, cela se traduit par des répercussions minimes, mais qui n'en ont pas moins un effet énorme sur la productivité, en particulier.

Je suis maintenant à votre disposition pour répondre à vos questions.

Dr Julio Arboleda-Florèz, professeur et chef du Département de psychiatrie, Université Queen's: Je vous remercie de me donner l'occasion de prendre la parole devant vous sur ces questions. Mon mémoire se divise en deux grandes parties. La première partie se trouve à la page 3 et est intitulée «Aperçu historique».

La deuxième partie est à la page 9 et est intitulée «Questions». Je vais faire un bref survol historique du système de santé mentale au Canada parce que nous, chercheurs en épidémiologie et en services de santé, considérons qu'il est impossible, à toutes fins pratiques, de différencier l'impact du système sur l'épidémiologie des troubles mentaux.

Brièvement, donc, pour ce qui est de l'aperçu historique, nous avons commencé en mettant en place au Haut Canada, au milieu du XIXe siècle, un modèle d'institutionnalisation qui avait été inventé en Europe aux XVIe et XVIIe siècles. Le premier établissement pour malades mentaux au Canada a été fondé en 1839 à la prison de York, à Toronto. Ne perdez pas cela de vue, parce que c'est important pour comprendre où nous en sommes maintenant, 136 ans après la Confédération.

La situation à l'asile de Toronto était tellement épouvantable, comme l'a montré une étude effectuée en 1911, que le gouvernement de l'Ontario a adopté en 1913 une loi sur les asiles d'aliénés et la garde des malades mentaux. À ce moment-là, il y avait déjà 6 900 patients dans les établissements pour malades mentaux dans la province de l'Ontario. La situation était très semblable au Québec.

La solution était d'augmenter le nombre des hôpitaux pour malades mentaux. Le pays s'est lancé dans une frénésie de construction d'asiles et, en 1957, il y avait 77 hôpitaux psychiatriques d'un bout à l'autre du pays et le nombre de personnes hospitalisées était d'environ 45 000. On avait beau construire toujours plus d'hôpitaux et augmenter le nombre des lits, il en fallait toujours plus, parce que vers 1956, l'utilisation des lits au Nouveau-Brunswick était de 110 p. 100, tandis qu'en Saskatchewan la proportion atteignait 156 p. 100. Autrement dit, pour chaque 100 lits, il y avait 156 occupants.

La Saskatchewan a été la première à dire que cela suffisait, qu'on avait assez d'hôpitaux psychiatriques, et a tenté une nouvelle approche. La province a fermé une grande partie, sinon la totalité des hôpitaux psychiatriques de la province et a lancé ce que nous appelons un système de désinstitutionnalisation, dans une dernière tentative pour soigner les malades mentaux au sein de leur collectivité.

En 1959, l'Association canadienne pour la santé mentale a publié un important ouvrage intitulé Au service de l'esprit qui était considéré comme une véritable bible. On y préconisait le placement en établissement dans quelques rares cas seulement, habituellement dans quelques unités de soins psychiatriques dans les hôpitaux généraux, et les soins communautaires.

Durant tout ce temps-là, la maladie mentale et le soin des malades mentaux ne pouvaient pas être retirés du cadre constitutionnel et soustraits aux complexités juridiques du système, principalement parce que, contrairement aux autres maladies physiques, les troubles mentaux influent sur la raison des gens. Les personnes atteintes de maladie mentale ont tendance à agir de façon irrationnelle, ce qui les amène parfois à se causer du tort à elles-mêmes et aux personnes qui se trouvent dans leur entourage immédiat.

Quel était ce cadre constitutionnel? La Charte canadienne des droits et libertés comprend trois grands articles qui influent sur la manière dont nous traitons les malades mentaux dans notre pays: les articles 9, 10 et 15. L'article 9 stipule que nul ne peut être détenu ou emprisonné arbitrairement. N'oubliez pas que le placement ou l'hospitalisation de force revient à l'incarcération, il n'y a que le nom qui change. L'article 10 dispose qu'au moment de la détention, chacun doit être informé des motifs de sa détention, a le droit de retenir les services d'un avocat et de recourir à l'habeas corpus, au besoin. L'article 15 est ce que nous appelons la «disposition antidiscrimination», parce qu'il interdit toute discrimination au Canada fondée sur la race, l'origine ethnique, la couleur, la religion, le sexe, l'âge ou, le plus important pour nous, les déficiences mentales ou physiques. D'autres questions se sont posées relativement à la Charte des droits et libertés quant à la manière et aux conditions dans lesquelles nous pouvons placer des gens en établissement en raison de leur santé mentale.

En même temps, l'application des dispositions du droit pénal traitant des délinquants malades mentaux soulevait des problèmes. C'était un problème dans le système de santé mentale au Canada parce que, comme je l'ai dit, le tout premier hôpital pour malades mentaux de notre pays était une prison, et l'on a beaucoup fait depuis pour essayer de réformer le système.

Par exemple, il y a eu la commission McRuer en 1956. Encore une fois, le pays tout entier a été consterné de découvrir ce qui se passait dans les établissements pour malades mentaux ou criminels aliénés. Nous avons eu ensuite la commission Ouimet qui a examiné la situation en 1976. En 1992, nous avons eu le projet de loi C-30, qui a établi le régime dans lequel nous vivons actuellement.

Le projet de loi C-30 a été bon à bien des égards, mais la manière dont il a été appliqué soulève des problèmes, considérant la situation actuelle dans le réseau de soins des malades mentaux. À peu près au moment où le projet de loi C-30 a été adopté, il y a eu un changement au niveau des critères ou du fardeau de la preuve. En effet, le critère appliqué pour décider qu'une personne n'est pas criminellement responsable de ses actes a été rendu moins rigoureux; alors qu'il fallait auparavant prouver «au-delà de tout doute raisonnable», on se contente maintenant de le prouver «à la prépondérance des probabilités». Avec le critère «au-delà de tout doute raisonnable», il faut être certain à 95 p. 100. La «prépondérance des probabilités» exige seulement une probabilité de 51 p. 100 que la personne était malade mentale au moment de la perpétration de l'infraction. Par conséquent, de nombreux malades mentaux ont pu invoquer une défense fondée sur l'aliénation mentale. Vous pensez peut-être que c'était une bonne chose, mais le résultat net a été la criminalisation généralisée des malades mentaux. Cette situation a imposé une charge de travail extrêmement lourde au système médico-légal. Les juges, la police, les procureurs, et cetera, constatent que le moyen le plus facile d'avoir accès aux traitements psychiatriques est de passer par l'expertise médico-légale.

Quelle est la configuration actuelle du système? La plupart des patients souffrant de troubles mentaux se placent sous la protection de la Loi sur la santé mentale dans leurs provinces respectives. Ils sont tous visés par les cinq principes énoncés dans la Loi canadienne sur la santé, de sorte qu'il ne devrait pas y avoir de problème.

Cependant, à mesure que l'on éliminait des lits d'hôpitaux psychiatriques, de plus en plus de patients se sont retrouvés au sein de la collectivité sans bénéficier de services satisfaisants. Pour faire une analogie, on pourrait dire que c'est comme diagnostiquer des gens souffrant du cancer, les opérer ou les irradier, et les renvoyer chez eux sans aucune autre forme de traitement. C'est effectivement ce que nous faisons bien souvent dans le cas des malades mentaux dans notre pays.

Voilà donc les problèmes de la situation contemporaine. C'est une véritable tragédie, parce que nos malades mentaux souffrent des conséquences néfastes d'une bonne politique qui a été mal appliquée, c'est-à-dire la désinstitutionnalisation. La plupart de nos patients deviennent des sans-abri. Ils sont surcriminalisés, croupissent en prison, deviennent des victimes, souffrent de pauvreté et de chômage et sont étiquetés malades mentaux et criminels. Voilà donc où nous en sommes actuellement.

La première question est celle-ci: à quel moment nous sommes-nous trompés de route, et pourquoi? La deuxième question est: que pouvons-nous faire maintenant pour résoudre les problèmes?

Pour répondre à la première question, il faut s'attarder à trois niveaux: le niveau épidémiologique, le coût et la disponibilité du service. Avec tout le respect que je dois à mes collègues de Statistique Canada, nous avons des problèmes parce que les études épidémiologiques qui ont été faites dans notre pays se sont attardées seulement à la prévalence des troubles mentaux. Elles sont très récentes et elles ne traitent pas toutes de l'incidence des troubles mentaux. Ce sont des cas tout neufs.

Si nous n'examinons pas l'incidence, nous ne pouvons rien planifier, parce que nous ne savons pas quel sera le fardeau de la maladie mentale dans cinq ans ou dans dix ans.

Deuxièmement, les troubles mentaux sont très répandus dans notre pays. N'importe quel épidémiologiste vous dira qu'entre 20 et 25 p. 100 de la population souffre d'un trouble mental quelconque à un moment donné de l'année. Environ 10 p. 100 ont besoin de services professionnels spécialisés. Environ 2 ou 3 p. 100 ont besoin d'un lit dans un hôpital psychiatrique.

La vice-présidente: Quel était le premier chiffre?

Dr Arboleda-Florèz: C'était de 20 à 25 p. 100.

Cela cause des problèmes. Si l'on examine maintenant la situation épidémiologique réelle, on constate que la norme, n'importe où dans le monde, est d'environ 1 p. 100. Il y aurait donc environ 300 000 personnes qui souffrent de schizophrénie dans notre pays. Si l'on examine l'épidémiologie d'autres maladies, on trouve de 6 à 8 p. 100 de dépressions. Nous connaissons déjà la relation entre la dépression et le suicide. Nous savons que la dépression ne touche pas également tous les groupes socio-économiques ou ethniques. Nous savons par exemple qu'il y a beaucoup plus de dépressions et de suicides parmi les pauvres et les Autochtones.

Voyons ce qu'il en est par exemple de la démence. J'ose dire que mes données ne seront pas exactement les mêmes que celles des témoins précédents parce qu'elles révèlent que le vieillissement cause des problèmes. En effet, la démence augmente plus vite que le nombre de personnes de plus de 65 ans partout dans le monde où l'on a mesuré le phénomène.

Dans notre pays, il y a actuellement environ 8 p. 100 de Canadiens de plus de 65 ans qui souffrent de démence. Cela donne un grand total de 252 600. D'ici 2021, on calcule que 592 000 Canadiens de plus de 65 ans souffriront de démence.

La vice-présidente: Cela pourrait-il être lié au fait que les gens vivent beaucoup plus longtemps?

Dr Arboleda-Florèz: C'est une possibilité. Le fait est que le nombre de cas de démence augmente plus vite que le nombre de personnes qui franchissent le seuil des 65 ans.

Le sénateur Morin: La démence augmente plus vite que le vieillissement.

Dr Arboleda-Florèz: À part cela, il y a d'autres facteurs associés à l'augmentation des troubles mentaux. Mes propres données obtenues par une analyse de la version de 1996 de l'Enquête nationale sur la santé de la population indiquent par exemple que la victimisation durant l'enfance accroît le risque de dépression chez l'adulte. Quel est le degré de cette augmentation? Si une personne a été exposée à un événement de victimisation, cela accroît déjà de 2,17 le risque de dépression, par rapport à une personne qui n'a jamais été victime. S'il y a deux événements, l'augmentation du risque passe à 4,03. S'il y a trois événements ou plus, le taux de dépression plus tard chez l'adulte augmente à 4,69.

Comme on le sait, les femmes souffrent plus souvent de dépression que les hommes. Pour les femmes qui ont été victimes de violence, et cetera, le risque de dépression par rapport à celles qui n'ont jamais été victimes est plus élevé de 3,54 p. 100. Ce qu'il y a de notable, c'est que d'après les données de l'Enquête sur la santé de la population de 1996, les personnes qui ont moins de 50 ans ont un taux nettement inférieur pour au moins une mesure de l'état mental, à savoir la dépression.

Cela ne s'applique pas seulement aux adultes. Nous constatons aussi l'impact de la maladie mentale chez les enfants. L'étude mesurant la santé mentale des enfants a été faite en Ontario. C'est une étude de quatre grands troubles psychiatriques durant l'enfance, nommément le trouble des conduites, l'hyperactivité, les troubles affectifs en tous genres et la somatisation. On a constaté que parmi les enfants âgés de 4 à 16 ans, sur une période de six mois, 18 p. 100 souffraient de l'un ou plusieurs de ces troubles.

Et ce n'est pas le fin mot de l'histoire. Il y a d'autres troubles mentaux qui ne sont pas compris dans tout ce dont nous avons parlé, à savoir le stress associé aux pratiques de travail. Nous savons déjà que ce stress est à l'origine de déficiences majeures. On considère qu'il se répercute sur l'économie de tous les pays du monde. On a calculé les pertes de productivité causées par les réactions au stress aux États-Unis, et l'on a obtenu un chiffre médian d'environ 25 jours en une année donnée. Dans ce pays, ces pertes de productivité causées par la santé mentale se chiffrent habituellement à environ 200 milliards de dollars par année. Au Japon, il y a même un mot pour désigner ce phénomène, le mot «karoshi», qui veut dire la mort causée par l'excès de travail, par le stress au travail.

Quelle est la situation au Canada? En Ontario, entre 1992 et 1998, même si le pourcentage de tous les usagers du système médical a augmenté de 4 p. 100, le pourcentage des usagers des services de santé mentale a connu pour sa part une hausse de 13 p. 100. On constate que davantage de personnes connaissent des problèmes de santé mentale. Le coût de toutes les factures soumises au RAMO a grimpé de 11 p. 100 au cours de la même période en raison de cette augmentation de 4 p. 100 du nombre des usagers. Toutefois, le coût des services de santé mentale s'est accru de 28 p. 100. Le coût des maladies mentales est donc en hausse.

En Ontario, de 1992 à 1998, la plupart des soins étaient fournis par des omnipraticiens. Il n'y a pas assez de psychologues et de psychiatres pour suffire à la tâche. En fait, des omnipraticiens ont fourni des soins psychiatriques à des patients souffrant de maladie mentale dans une proportion de 76 à 84 p. 100. Ils ont également collaboré avec des psychiatres davantage, soit de 8 à 9 p. 100 plus souvent. Le fardeau du traitement des maladies mentales incombe donc surtout aux omnipraticiens en Ontario.

Tout cela peut sembler du jargon administratif. Notre pays est aux prises avec des problèmes dans le domaine de l'épidémiologie. Premièrement, comme il en est fait mention à la page 10, nous n'avons pas de programme national en matière de santé mentale et les provinces ne disposent pas d'un système qui leur permettrait de dresser une carte des maladies mentales par région géographique, de noter les occurrences ou d'effectuer de la surveillance épidémiologique.

Deuxièmement, la maladie mentale se présente différemment selon les caractéristiques démographiques et les conditions socio-économiques. Par conséquent, les régions n'ont pas le même profil. Les considérations liées à la maladie mentale à Toronto ne sont pas les mêmes que dans d'autres régions. Les populations sont complètement différentes.

Enfin et surtout, le financement de la recherche sur la santé mentale au Canada, sans compter la recherche pour les études épidémiologiques, la prévalence et l'incidence ainsi que les soins de santé liés à ce domaine est tout à fait inadéquat comparativement au fardeau que représente cette maladie.

Pour financer la recherche, nous utilisons les fonds des autres dans le domaine de l'épidémiologie de la maladie mentale. La plupart des fonds de recherche proviennent des États-Unis.

Qui plus est, même si nous tirons parti à l'heure actuelle du travail effectué par Statistique Canada, on nous a déjà dit que la population autochtone ou itinérante était exclue de son champ d'enquête. Or, on retrouve un très grand nombre de malades mentaux parmi les sans-abri. C'est une des lacunes majeures des données qui ont été présentées ici.

Voilà donc le premier point, l'épidémiologie. Voyons ce qu'il en est des coûts.

Les coûts ont tout à voir avec l'espérance de vie sans invalidité. Si l'on s'intéresse uniquement aux taux de mortalité, évidemment, les gens meurent de crises cardiaques ou d'accidents cardio-vasculaires, et cetera. Tel n'est pas le cas avec la maladie mentale. Bien que les personnes dépressives, schizophrènes et alcooliques peuvent représenter jusqu'à 15 à 20 p. 100 de la population, leur taux de mortalité n'est pas aussi élevé que ceux d'autres groupes.

Lorsqu'on considère l'invalidité, on constate que c'est là que la maladie mentale entre en cause. À l'heure actuelle, des dix principales causes d'invalidité, cinq ont trait à des maladies mentales ou à des comportements et des médicaments qui y sont liés. On calcule que d'ici l'an 2020, la maladie qui sera la principale cause d'invalidité sera la dépression.

Comment cela s'explique-t-il? M. Goeree, l'un des principaux chercheurs au Canada, estime qu'à l'heure actuelle, le coût de la schizophrénie par rapport à la productivité annuelle du pays s'établit à 105 millions de dollars.

M. Goeree et ses collaborateurs ont calculé qu'en 1996, le coût de cette maladie dans l'optique de l'invalidité s'établissait à 2,35 milliards de dollars, ce qui équivaut à 0,3 p. 100 du produit intérieur brut. Dans d'autres études, on estime que le fardeau économique de toutes les maladies mentales au pays représente 14,4 milliards de dollars par année.

Pour sa part, l'ancien ministre des Finances Michael Wilson avait évalué le coût des maladies mentales à 3 p. 100 du produit national total, c'est-à-dire environ 13 p. 100 des profits annuels nets de toutes les entreprises canadiennes. La note est élevée.

Et ce n'est pas tout. En l'occurrence, le problème tient au fait que nous utilisons un indice de mesure appelé l'APVP — les années potentielles de vie perdues. Pour déterminer cela, nous examinons les raisons des décès — troubles mentaux, suicide, homicide, comportements médicaux à risque comme l'obésité, le tabagisme, l'alcoolisme et la toxicomanie, et cetera. Ces raisons contribuent dans une proportion de près de 60 p. 100 aux années potentielles de vie perdues dans notre pays. Je vais vous expliquer ce qu'on entend par là. Étant donné qu'au Canada, les hommes ont une espérance de vie moyenne de 78 ans, si un homme meurt à l'âge de 20 ans, le pays aura perdu 58 ans de productivité potentielle de cette personne à notre économie et à la prospérité de notre nation.

Nous avons déjà évoqué le problème des services. À notre avis, les besoins criants des patients souffrant de troubles mentaux, les coûts galopants et les services insuffisants sont autant de facteurs qui expliquent le triste sort de nos malades mentaux ainsi que le fardeau émotif et financier attribué aux maladies mentales dans notre pays.

Quant à savoir ce que l'on peut faire, je ne m'étendrai pas là-dessus. De nombreuses interventions sont possibles. Au bas de la page 12, vous trouverez un résumé des initiatives qu'il convient d'envisager.

Premièrement, il faut instaurer un programme national pour la santé mentale au niveau fédéral. Deuxièmement, une meilleure coopération intergouvernementale et une intégration accrue entre les régimes provinciaux, le régime fédéral et les ONG s'imposent. Troisièmement, il faut mieux coordonner les soins communautaires. Quatrièmement, il faut implanter des programmes dans le monde du travail en vue de favoriser une détection et une gestion précoces des troubles mentaux en milieu de travail. Au lieu d'être mis à la porte parce qu'ils souffrent de troubles mentaux, les employés devraient bénéficier de protection et d'aide pour réintégrer la population active. Cinquièmement, il faut effectuer davantage de recherche sur l'étiologie et la génétique des troubles mentaux. Sixièmement, il faut multiplier les recherches épidémiologiques et les recherches sur les déterminants et les facteurs de risque des maladies mentales. Septièmement, il convient de faire des recherches plus poussées pour déterminer quels sont les meilleurs traitements, pratiques et interventions. Huitièmement, nous devons mettre sur pied des installations de recherche épidémiologique régionale au lieu d'avoir un système centralisé au niveau fédéral, comme c'est le cas à l'heure actuelle avec Statistique Canada. Sans vouloir aucunement minimiser les retombées positives de leurs travaux au pays, les problèmes mentaux sont des problèmes locaux et non des problèmes nationaux comme tels. Comme on l'a déjà dit, nous connaissons la prévalence de ces maladies, mais non leur incidence et cela ne peut être mesuré qu'au niveau local. Neuvièmement, il nous faut pouvoir compter sur une meilleure technologie de l'information. À cet égard, il a déjà été signalé que l'un des principaux problèmes tient au fait que les données portent surtout sur la prévalence — sur les malades qui se présentent dans les hôpitaux et non sur ceux qui fréquentent des cliniques externes ou des services communautaires, ou encore ceux qui n'y vont jamais car ils n'ont pas accès aux services requis. Enfin, il faut pouvoir compter sur une plus grande responsabilisation de la part des gouvernements et des dispensateurs de soins.

Le sénateur Morin: Vos exposés ont été fort intéressants. Nous avons beaucoup appris ce matin. L'information que vous nous avez communiquée est très importante.

Je voudrais poser mes premières questions au Dr Millar et à Mme Pullen. Je m'intéresse beaucoup aux indicateurs de la qualité des soins. Je sais que le système comporte de nombreuses carences, mais ne serait-il pas préférable que l'Institut canadien d'information sur la santé identifie un certain nombre d'indicateurs spécifiques qui nous aideraient à évaluer la qualité des soins? J'ai parcouru rapidement la liste des indicateurs sur lesquels on s'était entendu à l'occasion de la dernière conférence des premiers ministres, et je n'ai rien vu de précis au sujet de la santé mentale.

La première étape ne consisterait-elle pas à identifier certains indicateurs? Cela nous donnerait au moins une idée du rendement des systèmes provinciaux en ce qui a trait à la gestion des soins de santé. Évidemment, nous avons besoin d'informations de toutes sortes, mais nous pourrions peut-être commencer par là.

Ma deuxième question porte sur le plateau dont le Dr Millar a parlé. Cela m'inquiète qu'on en parle dans le contexte de la santé mentale. Intuitivement, je suis convaincu que nous n'avons pas atteint ce plateau dans le domaine de la santé mentale. C'est une question très importante et, comme le Dr Millar le sait bien, nous en avons déjà parlé. La première chose que l'Institut devrait faire serait d'appliquer cette grille d'analyse au Canada. Nous avons uniquement des chiffres américains, et il serait intéressant de voir si ces données sont également valables pour le Canada car nous savons qu'il y a des disparités régionales dans notre pays en ce qui a trait aux ressources pour les soins de santé.

Je m'inquiète donc qu'on évoque cela dans le contexte de la santé mentale car j'estime intuitivement que cette analyse ne s'applique pas ici puisque les ressources consacrées à ce secteur sont uniques comparativement à d'autres secteurs.

Mon troisième point porte sur la confidentialité et le système d'information. Dans le contexte de notre système d'information sur la santé, nous aurons des problèmes relativement aux questions de santé, de maladie et de consentement. Un grand nombre de malades mentaux ne sont pas en mesure de fournir un consentement éclairé. J'espère que les personnes qui travaillent à notre système d'information tiendront compte de ces deux problèmes très importants.

Enfin, je suis quelque peu surpris par les commentaires du Dr Millar au sujet du budget. À mon avis, le gouvernement a été extrêmement généreux dans ses deux derniers budgets. Par exemple, l'Inforoute santé au Canada a d'abord reçu un premier budget de 500 millions de dollars, auquel on a ajouté 300 millions de dollars supplémentaires dans le dernier budget. Autrement dit, nous consacrons presque un milliard de dollars à l'Inforoute santé au Canada. Évidemment, on peut toujours en utiliser plus, mais comment ces organisations absorbent-elles ces ressources additionnelles? Encore là, la courbe en plateau s'applique aux organisations également. À un moment donné, on arrive au seuil de rendement marginal décroissant. J'ai l'impression que les récents budgets ont été extrêmement généreux envers le système d'information de santé, mais je me trompe peut-être.

Madame Bailie, j'ai trouvé intéressante votre conclusion, selon laquelle d'après votre enquête, il existe un stigmate lié à la maladie mentale, et je voudrais savoir comment vous êtes arrivée à cette conclusion. Je sais que ce stigmate existe, mais je me demande comment vous avez pu le confirmer grâce à votre questionnaire. S'agissait-il de questionnaires où l'identité du répondeur était connue ou était-il complètement anonyme?

Monsieur Stephens, malheureusement, vos données remontent à 1998. Cependant, votre dernier tableau établit à cinq milliards de dollars environ les coûts directs des maladies mentales. Il nous faut des chiffres plus récents. Nous savons que la facture totale des soins de santé au pays s'établit à 100 milliards de dollars.

Nous savons aussi qu'environ 10 p. 100 des usagers du système de soins de santé souffrent de maladie mentale. En théorie, il faudrait allouer une proportion de 10 p. 100 environ des ressources à la santé mentale. Si ces chiffres sont exacts, nous y allouons uniquement 5 p. 100 de nos ressources. Il y aurait donc une carence de 50 p. 100.

Ces chiffres totaux sont importants car ils nous donnent une idée des ressources allouées à la santé mentale au Canada. S'il s'avère que les ressources sont insuffisantes, c'est un problème grave.

Dr Millar: En ce qui concerne les indicateurs, nous sommes tout à fait d'accord avec vous. La première étape consisterait à s'entendre sur une série d'indicateurs. D'ailleurs, un groupe d'experts que nous avons réunis s'est attelé à la tâche d'élaborer un cadre pour les indicateurs. Si je ne m'abuse, sept indicateurs ont été identifiés grâce à leurs efforts. Ce travail est en cours. Nous constatons généralement que cette première étape, qui est relativement facile, ne pose pas de problème. C'est lorsqu'on veut aller plus loin et obtenir les données pour étayer ces indicateurs que des difficultés se posent car cela exige des ressources.

À propos des ressources et du diagramme de la courbe en plateau, vous avez tout à fait raison. Je ne voulais absolument pas y inclure la santé mentale. Pour ce qui est des résultats que nous pouvons retracer — comme les cas de cancer et de maladie du coeur, où nous avons des données raisonnablement comparables — nous pouvons évaluer la situation canadienne. Les données ne sont pas entièrement américaines. Les données préliminaires dont nous disposons pour le Canada indiquent que nous nous dirigeons vers le plat de la courbe en ce qui a trait aux diagnostics qui ont reçu suffisamment d'attention dans le passé. La santé mentale, j'en conviens, n'est pas à inclure. Nous n'avons aucune information au sujet des résultats courants obtenus par le système de soins de santé à l'heure actuelle — notamment pour ce qui est des gens qui sont en mesure de rester dans leur famille ou de retourner au travail, et cetera.

Si ce diagramme a été inclus, c'est qu'il existe des données au Canada et aux États-Unis, ainsi que dans plusieurs autres pays, qui montrent que nous surtraitons certains de ces diagnostics cliniques courants. La situation est la suivante: nous offrons davantage de services et, s'il faut en croire les données américaines, nous obtenons des résultats moins satisfaisants.

Si nous pouvions identifier les secteurs où cela se produit, on pourrait libérer des ressources et les affecter à la santé mentale. Voilà ce que j'essayais d'expliquer.

En ce qui a trait au budget — et je demanderais à Mme Joan Roch de répondre à l'autre volet de votre question puisqu'elle est ici pour parler de la confidentialité —, il y a dans la trousse une diapositive qui montre les sommes dépensées dans certaines provinces. À l'heure actuelle, vous avez raison: l'Inforoute santé au Canada dispose de près d'un milliard de dollars pour mettre sur pied un système de dossiers électroniques en matière de santé. La société Kaiser Permanente, en Californie, a dépensé trois milliards de dollars pour implanter un tel système pour une clientèle de neuf millions de personnes. Pour une population d'un million, 30 millions sont loin d'être suffisants. D'après les estimations, nous devrions y consacrer de 6 à 8 p. 100 de nos dépenses totales, ce qui veut dire autour de neuf milliards de dollars au lieu d'un ou deux milliards comme c'est le cas à l'heure actuelle.

Quant à savoir si le système peut absorber ces coûts, c'est difficile à prévoir. Je conviens qu'il n'a pas semblé l'avoir fait jusqu'ici. Cependant, il est intéressant de noter qu'une entreprise comme Kaiser Permanente a été en mesure de consacrer 20 p. 100 de son budget d'exploitation aux systèmes d'information. C'est peut-être plus une question de volonté que de capacité. Je ne saurais le dire. Je vais demander à Mme Roch de vous parler des questions de confidentialité.

Mme Joan Roch, gestionnaire principale, Protection de la vie privée, Secrétariat de la protection de la vie privée, Institut canadien d'information sur la santé: Je suis heureuse que vous ayez mentionné l'aspect confidentialité. L'une des premières choses que nous examinons lorsque l'ICIF envisage de nouveaux systèmes de données et de nouvelles archives, c'est leur incidence sur la vie privée et la confidentialité. Nous sommes en mesure d'assurer la confidentialité car nous appliquons des techniques fort intéressantes qui garantissent que les données sont dûment protégées et que la confidentialité est maintenue. En l'occurrence, on parle d'élargir le spectre et de recueillir beaucoup plus d'informations. La protection des renseignements personnels est importante et la pierre angulaire de cette protection est le consentement, ce que vous avez d'ailleurs mentionné. Il faudra avoir bien d'autres discussions pour décider quel type de consentement est nécessaire pour des données d'archives de ce genre.

En supposant qu'il s'agit de données des plus délicates, il faudrait appliquer la norme la plus élevée, soit le consentement éclairé.

Cela dit, nous sommes sensibles au fait que nous avons affaire à une population qui risque d'avoir du mal à fournir ce consentement. Je ne veux pas contredire Mme Bailie, et je sais qu'ils ont tenu compte du consentement quand ils ont effectué l'enquête, mais nous nous attendons, surtout quand il s'agira de la population des sans-abri, à ce que ce soit un concept un peu difficile avec lequel travailler. Escompter que vous recevrez le consentement pour recueillir cette donnée, cela laisse entendre que le participant peut dire «non, je ne veux pas être inclus dans cette base de données». Il faut ensuite s'interroger sur l'impact que cela aura sur les études épidémiologiques. Quelle sera l'incidence sur la qualité de la base de données et sur la fiabilité et la solidité des conclusions que l'on pourra tirer des données. Je vous fais une longue réponse, mais il faudrait une discussion approfondie au sujet de ces éléments, non seulement parmi la communauté des chercheurs et des spécialistes de l'information, mais aussi parmi le public. Je ne pense pas que cette question ait été particulièrement bien abordée jusqu'à maintenant.

La vice-présidente: À notre première réunion, nous avons entendu un témoin qui souffre du trouble bipolaire. Je sais que nous parlons de deux choses différentes relativement à la base de données, mais sur toute la question de la confidentialité, cette personne en particulier a été obligée de raconter de nouveau toute son histoire à chaque fois qu'elle est allée demander de l'aide. Il semblait n'y avoir aucun lien. Je sais qu'il y a des questions de confidentialité et de respect de la vie privée, mais l'accès au traitement était un grand problème pour elle. Comment remédier à cette dimension du problème de la confidentialité et du respect de la vie privée? Pour elle, c'était une puissante dissuasion de chercher à se faire soigner adéquatement.

Mme Roch: C'est la composante traitement, alors que nous discutons maintenant de l'information. Si vous demandez à cette personne si elle voudrait que les renseignements sur elle soient partagés de cette manière, elle ne répondrait probablement pas.

La vice-présidente: Ce serait difficile.

Mme Roch: C'est une grande difficulté.

La vice-présidente: Quelle est la solution? Vous avez besoin de cette information dans votre base de données. Quelle méthode permettrait de jeter un pont sur ce fossé?

Mme Roch: Est-ce une question de pure forme?

La vice-présidente: Plus ou moins.

Mme Roch: Nous avons discuté entre nous d'un certain nombre d'approches ou de stratégies qu'il faut examiner et envisager afin de régler ce problème. Ce qu'il faut, c'est un débat public plus approfondi sur ce que signifie le consentement dans le domaine de la santé. Nous savons comment le définir dans le domaine des soins et des traitements; cependant, qu'est-ce que cela veut dire dans le monde de l'information? Il faut que quelqu'un prenne l'initiative et prenne en main ce débat.

Dr Millar: J'insiste là-dessus. Il n'y a pas vraiment eu de débat public au Canada sur les questions relatives à la vie privée et à l'information dans le domaine de la santé. Le débat fait défaut et personne n'a fait preuve de leadership dans ce dossier. Pour faire suite à ce que disait Mme Roch, vous pourriez envisager de faire quelque chose dans ce domaine.

Le sénateur Morin: Chacun espère que la question disparaîtra avec le temps, mais vous avez raison: nous n'avons jamais travaillé à cela et c'est extrêmement important.

La vice-présidente: C'est assurément important pour ce témoin en particulier. C'était une importante source de frustration.

Mme Bailie: Les questions étaient: comment savons-nous que le stigmate existe? était-ce un choix aléatoire? Pour vérifier si nous pouvions poser au public certaines de ces questions, nous avons fait des essais qualitatifs. Nous avons fait des entrevues en tête-à-tête et des réunions de groupes témoins. Nous avons demandé aux gens ce qu'ils pensaient, de façon générale, d'avoir à répondre à des questions de ce genre et à divulguer de tels renseignements. Ils avaient certaines préoccupations, craignant que l'information tombe entre de mauvaises mains. Il est évident que les gens qui ont souffert de maladie mentale ne veulent pas que leurs employeurs le sachent. Les gens ont l'impression que cela pourrait nuire à leur carrière. Je vous parle de résultats d'essais qualitatifs.

Je n'ai aucune donnée scientifique pour appuyer mes dires.

Nous avons demandé précisément: «Répondriez-vous à ces questions de Statistique Canada?» La plupart des gens se sentaient à l'aise de répondre à Statistique Canada. Ils n'ont pas d'objection à ce genre d'organisation non partisane. Nous avons une bonne réputation pour ce qui est d'assurer la confidentialité des données, mais les gens ne voulaient pas que des renseignements de ce genre soient communiqués à leurs amis ou leurs employeurs.

En élaborant nos stratégies pour la cueillette des données, ce fut un énorme défi d'amener nos interrogateurs à se sentir à l'aise en situation d'interview. Ils craignaient des répercussions négatives ou de provoquer des réactions négatives en posant ces questions. Tout au long de l'élaboration de l'enquête, nous avons constamment buté sur différents obstacles que nous ne rencontrons pas normalement en élaborant des enquêtes générales sur la santé.

Nous avons utilisé un échantillon aléatoire de ménages. Nous frappons à une porte, nous demandons une liste des gens qui font partie du ménage, et nous choisissons un répondant en fonction de l'âge ou du sexe. C'était totalement aléatoire et absolument anonyme. Cela été fait sous les auspices de la Loi sur la statistique.

M. Stephens: Le sénateur a posé des questions au sujet des estimations de coût dans mon tableau à la troisième page. En particulier, toutes les composantes du coût des traitements, sauf une, viennent de Santé Canada. Si je comprends bien leur méthode, ils ont essentiellement commencé par faire le total des coûts des soins de santé, après quoi ils ont attribué certaines proportions de ce coût total à un grand nombre de catégories diagnostiques pour obtenir un total de 100 p. 100.

Je n'ai pas participé à ce calcul, mais le problème pratique est de savoir comment attribuer un coût quand le patient se présente dans le système de soins de santé avec plus d'un problème. Ils ont apparemment attribué les coûts selon le diagnostic primaire, ce qui ne semble pas déboucher sur une sous-estimation, selon la proportion totale qui est attribuable à la santé mentale.

Cela pose une autre question. Si l'on combine les problèmes de santé physique et de santé mentale, y a-t-il un stigmate ou une considération financière? Il est possible que certaines dispositions du régime de paiement à l'acte encouragent les médecins à attribuer une consultation ou une ordonnance à un problème de santé physique et non pas à un trouble mental. Je ne le sais pas. Cependant, les chiffres ont été établis à partir du diagnostic primaire.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais moi aussi remercier les témoins de participer à notre discussion. Chacun d'entre vous a abordé une certaine question sous un certain angle, mais le Dr Arboleda-Florèz a attiré mon attention grâce à la page 10 de son rapport.

Vous faites observer que les troubles les moins bien reconnus ont des effets plus insidieux. Vous mentionnez les problèmes associés au stress subi sur le marché du travail. Vous évoquez les exigences d'un niveau toujours plus élevé de connaissance pour demeurer compétitif, et la dépendance envers les habiletés mentales et les connaissances. Vous parlez aussi de la mesure de l'éducation.

Nous avons des statistiques plutôt inquiétantes dans notre pays, pas seulement pour ce qui est de l'apprentissage scolaire proprement dit. On peut raisonnablement facilement créer des points de repère pour mesurer cela, mais nous avons au Canada des statistiques inquiétantes sur toute la question de l'analphabétisme fonctionnel. On constate que quelque 40 p. 100 de notre population adulte est à risque à chaque jour, à cause de divers degrés de difficulté de lecture, d'écriture et de calcul, dans des tâches courantes que nous, autour de cette table, faisons sans même y penser. Je suis contente de vos observations, parce que bien des gens ne comprennent pas les pressions que cela exerce sur ces personnes. Dans vos observations, docteur, est-ce que vous évoquez les gens qui ont de la difficulté à s'adapter au changement dans notre société fondée sur le savoir? Ils ont réussi à fonctionner à un certain niveau, et ils sont contents de leur emploi dans lequel ils se débrouillent très bien. Tout à coup, ils peuvent être forcés de passer à un niveau supérieur.

Englobez-vous également les gens qui se présentent et qui sont affligés de problèmes d'analphabétisme fonctionnel qui sont très difficiles à identifier comme étant la cause précise? Peut-être peuvent-ils trouver plus facilement la cause de leurs problèmes en consultant votre tableau. Est-ce que je me fais comprendre clairement?

Dr Arboleda-Florèz: Oui, c'est clair. J'inclus les deux. Très souvent, nous disons de manière empirique que la plupart des Canadiens savent lire seulement au niveau de la 8e année, ce qui est pratiquement illettré, compte tenu des progrès technologiques. C'est pour la lecture seulement.

Quant au calcul, la plupart des gens peuvent seulement additionner et soustraire. Il y a quelque chose qui cloche dans le système d'éducation, mais c'est une autre histoire.

Les niveaux de litéracie et de numéracie sont très faibles. Les emplois exigent beaucoup plus que les rudiments de base, parce que nous sommes devenus une société hautement technologique.

Les gens sont aujourd'hui beaucoup plus nombreux à se retrouver mis à l'écart par le marché du travail. Ceux qui, à force de ténacité et d'acharnement, continuent habituellement de se frayer un chemin aboutissent à un point où ils sont éjectés du système, habituellement à cause du stress, quand les exigences de l'emploi nécessitent plus de connaissances et de capacités qu'ils n'en possèdent.

Le sénateur Fairbairn: Est-ce un manque d'estime de soi?

Dr Arboleda-Florèz: C'est le problème de base, et il est exacerbé par d'autres éléments. Souvent, ces gens-là ne peuvent pas s'adresser à quelqu'un au sein de l'organisation et lui dire qu'ils éprouvent des problèmes. Ils perdraient leur emploi. Ces personnes tombent dans une dépression profonde.

Habituellement, cela commence par poser des problèmes au niveau du rendement. La personne se fait alors renvoyer de son emploi. C'est seulement l'aboutissement ultime d'un problème de longue date qui aurait pu être identifié beaucoup plus tôt. Nous n'avons pas de système permettant d'identifier les cas problèmes et de leur venir en aide. Dans beaucoup de secteurs, c'est un marché où la concurrence est très féroce.

Le sénateur Fairbairn: Le mouvement de promotion de l'alphabétisme au Canada éprouve des difficultés à cause de la nature cachée du problème. Les gens se débattent, font de leur mieux et, dans bien des cas, réussissent à survivre, jusqu'à ce qu'ils soient confrontés à des problèmes technologiques. Ils se débrouillent remarquablement bien, avec beaucoup d'habileté, pour se frayer un chemin en dépit des problèmes.

Cependant, à cause de la nature du problème, ils hésitent beaucoup à s'ouvrir de leurs problèmes, ce qui permettrait au mouvement d'alphabétisme de leur venir en aide. Pas à l'échelle que vous évoquez, mais sur un plan plus pratique, en leur apprenant à lire. Le stigmate n'est pas aussi prononcé qu'il l'était autrefois; cependant, en plus du stress qu'ils subissent, cela les empêche d'avoir accès aux outils qui les aideraient à remédier à la situation.

Dr Arboleda-Florèz: C'est exact. Nous considérons que les résultats obtenus dans le cas des troubles mentaux sont bien meilleurs dans, disons, les pays du tiers monde, où les pressions ne sont pas aussi fortes et où la plupart des gens tirent leur gagne-pain de la société rurale. Les résultats des troubles mentaux sont bien meilleurs dans les pays du tiers monde que dans les pays industrialisés. L'une des raisons avancées est qu'il y a trop d'exigences imposées à des populations qui ne sont pas prêtes à les assumer. Il y a un lien entre les questions de la confidentialité et de la stigmatisation. Le Dr Millar a dit que nous, Canadiens, devons parler ouvertement de ces questions, parce que le stigmate provient de notre volonté de dissimuler nos problèmes. En réponse à la question du sénateur qui a demandé comment une personne peut avoir accès aux services tout en protégeant sa vie privée et le caractère confidentiel des renseignements, la Loi sur la santé mentale de l'Ontario, à l'article 14, dit simplement que les cliniciens dans les hôpitaux psychiatriques ne peuvent pas communiquer de renseignements aux médecins de famille si le patient ne donne pas son consentement. Bien souvent, les patients refusent de le donner parce qu'ils craignent d'avoir des problèmes si le médecin de famille est au courant. C'est de la mauvaise médecine, et pleine de risques, parce que beaucoup de médicaments psychiatriques ont des interactions avec d'autres médicaments, et beaucoup de troubles psychiatriques sont associés à des troubles physiques. C'est comparable à environ 33 p. 100.

Si le médecin de famille ignore que son patient a consulté une unité psychiatrique et ne sait pas quels médicaments lui ont été prescrits, des erreurs peuvent survenir. C'est parce que nous avons peur de nous avouer l'un à l'autre que la maladie mentale nous atteint tous. Nous devons amorcer un grand dialogue national là-dessus.

Le sénateur Fairbairn: D'autres témoins veulent-ils intervenir? Vos propos aujourd'hui, qui seront consignés au compte rendu, sont extrêmement importants pour nous aider à régler ce problème énorme qui est en grande partie caché dans notre pays.

Dr Millar: Je tiens à réitérer que si nous continuons à mal cibler l'argent dépensé pour les services de soins de santé et à faire peu de cas des problèmes d'analphabétisme et d'éducation, nous ne ferons aucun progrès dans le dossier de la santé mentale. On ne peut se borner à traiter les gens une fois qu'ils sont malades; nous devons aussi penser à la prévention. C'est l'un des éléments extérieurs au système des soins de santé auquel nous devons réfléchir.

Le sénateur Cordy: Docteur Arboleda-Florèz, j'ai apprécié votre survol historique. Si certains d'entre nous ont des éléments d'information, il est très utile d'avoir une compilation à long terme. On peut ainsi constater à quel point les choses ont changé; on est passé d'une époque où les gens souffrant de troubles mentaux étaient emprisonnés, à des périodes d'hospitalisation indéterminée ou permanente, pour ensuite en arriver au système actuel où les patients sont gardés à l'hôpital pendant de courtes périodes de temps. Chose certaine, la déshospitalisation est assurément la nouvelle tendance.

J'ai bien aimé votre déclaration au sujet des bonnes politiques qui sont mal appliquées. C'est certainement ce que l'on voit dans ce domaine. En tant que citoyens, comment pouvons-nous aider les malades mentaux traités en dehors des hôpitaux à guérir et à réintégrer la société? Il me semble que nous comptons beaucoup sur les membres de la famille pour jouer ce rôle de soutien, ce qui ne pose pas problème si les malades en question ont une famille très présente. Cependant, si ce n'est pas le cas, ils risquent d'être laissés pour compte et bien souvent de se retrouver de nouveau à l'hôpital. Cela devient une politique de la porte tournante.

Dr Arboleda-Florèz: C'est le triste résultat de la mauvaise application d'une bonne décision. Nous n'aurions pas pu continuer à bâtir d'autres hôpitaux psychiatriques et à ouvrir davantage de lits. Par conséquent, nous avons opté pour un traitement dans la communauté, qui intègre les services psychiatriques à la médecine générale. Étant donné leur coût quotidien très élevé, les unités de soins psychiatriques aigus dans les grands hôpitaux ne pourraient accueillir les malades mentaux pendant longtemps. En fait, le gouvernement fédéral établit à 10,6 jours la durée moyenne d'un séjour en milieu hospitalier. La durée moyenne d'un séjour dans mon unité, à Kingston, est de 12,6 jours. Nous accueillons des gens dont nous pouvons contrôler rapidement les symptômes. On leur donne ensuite leur congé et ils fréquentent des cliniques externes. Parfois, les ressources ne sont pas là ou, si elles existent, elles ne sont pas intégrées de façon cohérente et une personne souffrant de troubles mentaux ne sait même pas comment s'y retrouver dans le système. Nous devons leur fournir de l'aide pour aller de A à B. Le gouvernement finance ces organisations, malheureusement, elles ne s'acquittent pas de leurs tâches. Les hôpitaux affichent une reddition de comptes impeccable car traditionnellement, ils ont toujours tout compté pour recevoir des fonds.

Vous dites que vous aimeriez que les organisations responsables des services aux malades mentaux soient représentées ici, mais souvent, il n'y a aucune reddition de comptes de leur part. Le gouvernement finance une organisation qui est censée s'occuper de certains types de patients. Deux ou trois ans plus tard, elle s'occupera de choses complètement différentes de ce qui lui a valu son financement, et il n'y a aucune reddition de comptes envers le gouvernement. C'est là le problème. Ces malades mentaux passent très souvent entre les mailles du filet de sécurité. D'où ce phénomène de la porte tournante. Étant donné qu'il est difficile d'avoir accès à un autre lit après des admissions répétées, le malade finit par commettre une infraction mineure quelconque et se retrouve en prison. Voilà ce qui m'inquiète le plus au sujet des études épidémiologiques. Nos malades mentaux sont dans la rue ou en prison. Nous avons commencé là avant la Confédération et nous en sommes toujours là, et de plus, nous ne les comptons pas. Le problème c'est que sans la contribution de la famille, sans un système communautaire parfaitement intégré et continu, nous courons à l'échec. Les malades mentaux ont du mal à se retrouver parmi ces milliers d'organismes.

Le sénateur Cordy: Ma deuxième question porte sur l'information que vous avez fournie à la page 11, au sujet des coûts pour les entreprises et de la baisse de productivité attribuable aux maladies liées au stress. Vous avez mentionné Michael Wilson, qui fait de l'excellent travail, et je sais qu'il y a un médecin de la Nouvelle-Écosse qui se fait un point d'honneur de nous informer de ce genre de chose, comme vous l'avez fait aujourd'hui.

Par où commencer? Nous pouvons certainement faire l'éducation des chefs d'entreprise en leur fournissant les statistiques que vous citez dans votre document et que Michael Wilson nous a communiquées. Lorsque vous parlez des pertes monétaires essuyées par les entreprises, les statistiques sont éloquentes.

Il faut aussi considérer le sort fait aux individus. Nous avons parlé tout à l'heure de la stigmatisation rattachée à la maladie mentale. Les employés craignent que s'ils confient à leur employeur qu'ils souffrent d'un trouble lié au stress, c'en sera fini de leurs espoirs de promotion au sein de l'entreprise. Par conséquent, généralement ils n'en parlent pas. Au lieu de prendre une semaine ou deux semaines de repos ce qui aurait peut-être suffi à régler une crise immédiate, ils sont forcés de prendre un an ou deux de congé. Certains ne retournent pas au travail pendant une longue période de temps. Par où commencer? Il y a l'aspect entreprise et l'aspect individuel.

Dr Arboleda-Florèz: Le hic, c'est qu'il existe des obstacles systémiques dans ce domaine.

Prenez l'exemple d'un malade mental qui touche la sécurité sociale. Il reçoit des prestations pour son appartement et pour d'autres choses aussi. Supposons que ce patient a une rechute et passe 15 jours dans une unité de soins intensifs psychiatriques. Il perd non seulement les prestations d'aide sociale pour cette période, mais aussi l'appartement qui lui est fourni. Nous nous retrouvons avec un grave problème car il finit par rester en milieu hospitalier plus longtemps que les 15 jours pour lesquels le gouvernement paye le système en attendant qu'on lui trouve un lit ailleurs dans la collectivité. Le système de sécurité sociale doit être plus proactif et habilité à régler la situation.

Les services sociaux sont des services gouvernementaux. Qu'en est-il du secteur privé?

Il y existe une discrimination très répandue, non seulement de la part du patron qui néglige pour une promotion un employé ayant souffert de dépression, mais aussi dans le secteur des assurances. Les sociétés d'assurance sont très douées pour nous soutirer de l'argent. Cependant, lorsqu'on en a besoin, elles ne répondent pas à l'appel. Elles invoquent des centaines de raisons, la plupart du temps énoncées en petits caractères, qui font que la protection ne s'applique pas dans votre cas.

Qu'est-ce qu'une invalidité partielle, une invalidité de longue durée ou une invalidité totale? Seul un avocat peut comprendre cela, mais les gens ordinaires contractent une assurance-soins médicaux auprès d'une société d'assurance privée.

Par conséquent, la discrimination existe, mais c'est bien différent de la stigmatisation. La stigmatisation se définit comme notre attitude par rapport à des groupes particuliers. La discrimination est un déni de droits juridiques auquel nous devrions tous avoir accès.

De nombreuses sociétés d'assurance, et même le gouvernement, font de la discrimination à l'endroit des malades mentaux. Ce sont là des problèmes systémiques qu'il nous faut examiner. D'ailleurs, ils sont plus faciles à aborder que la question de savoir comment nous réagissons, en tant que société, face à cette stigmatisation. Attaquons-nous d'abord à la discrimination et ensuite, nous pourrons commencer à éliminer la stigmatisation.

Le sénateur Léger: Madame Pullen, vous dites que les statistiques ne représentent que la pointe de l'iceberg, ce qui est proprement alarmant. Quelle est la taille de cet iceberg?

Mme Pullen: Nous l'ignorons. Notre interprétation se fonde sur des études épidémiologiques, des pratiques et l'histoire. Nous avons une bonne idée des besoins en services de santé mentale pour l'ensemble de la population.

Nous sommes conscients que lorsque nous mesurons ces services à l'échelle nationale, nous ne prenons en compte que les services hospitaliers. Nous ne pouvons obtenir d'informations auprès de tous les autres services auxquels les gens ont accès à l'heure actuelle, comme les groupes de consommation, les alcooliques anonymes, Weight Watchers, les groupes d'aide aux personnes dépressives ou atteintes de troubles de l'alimentation ou encore le médecin de famille car ce sont ces instances qui fournissent vraisemblablement la plupart de ces services.

Le sénateur Léger: Quel intérêt y a-t-il à connaître seulement la pointe de l'iceberg?

Mme Pullen: C'est une très bonne question. Absolument aucun. Nous nous efforçons de trouver des moyens d'aller chercher cette information dans tous les autres domaines, mais c'est une tâche très lourde. Nous devons élaborer des normes nationales et mettre en oeuvre des systèmes électroniques qui seraient utilisés de façon standard en première ligne par toute la gamme des dispensateurs de services. Cela suppose des coûts et des efforts de formation énormes. Pour y arriver, un consensus s'impose.

Nous y consacrons déjà beaucoup d'efforts. Comme le cadre le montre, nous avons recensé les domaines où nous savons que ce travail s'impose. Cependant, il ne faut pas s'attendre à ce que cela se fasse du jour au lendemain.

Le sénateur Léger: Je ne suis pas du tout spécialiste en matière de statistiques, mais j'ai l'impression qu'on dépense beaucoup d'argent et d'énergie à décrire la partie visible d'un problème. Il y a lieu de se demander si c'est absolument nécessaire. Ce l'est certainement, sinon vous ne seriez pas ici.

Docteur Millar, ai-je bien compris que vous avez dit qu'une augmentation de fonds ne se traduit pas nécessairement par de meilleurs résultats?

Dr Millar: C'est juste.

Le sénateur Léger: Il nous faut dépenser plus intelligemment au lieu de dépenser plus?

Dr Millar: Dans certains domaines, c'est vrai.

Le sénateur Léger: Cette question-ci est délicate pour moi. Madame Bailie, pourquoi n'a-t-on pas inclus les Autochtones et les sans-abri? Est-ce parce qu'en raison de la façon dont elles sont formulées, ils ne comprendraient pas les questions? Est-ce affaire de culture?

C'est très sérieux. Comprenons-nous les questions que vous nous posez? Ces questions cadrent-elles avec votre mentalité plutôt qu'avec la nôtre? Est-ce là un problème?

Mme Bailie: Il y a de nombreuses raisons pour lesquelles nous ne visons pas ces populations. La demande et la carence à cet égard ont été clairement identifiées. Si nous pouvions les inclure, nous le ferions.

Je parlerai d'abord des Autochtones vivant sur les réserves. Depuis toujours, nous avons eu du mal à obtenir la collaboration des résidents lorsque nous nous rendons sur les réserves pour effectuer des sondages, même pour le recensement de la population. C'est une partie du problème. Les allocations budgétaires et autres en sont une autre partie.

Nous n'avons pas de cadre pour la population itinérante. Il est difficile de dénombrer ces personnes s'il n'y a pas de cadre ou de contexte quelconque dans lesquels on peut les intégrer. Cela dit, j'ai constaté au moment où nous élaborions notre enquête qu'il semble y avoir des informations valables fort intéressantes qui ont été recueillies au niveau communautaire grâce à l'observation. Les gens se rendent dans les soupes populaires et demandent aux employés d'évaluer la population des sans-abri et de jauger la situation. À leur avis, certains semblent-ils avoir un problème de consommation abusive d'alcool? On leur demande de faire une évaluation en se fondant sur leurs observations.

On peut ainsi obtenir l'âge moyen, le sexe et quelques renseignements au sujet de la situation personnelle de chacun. J'ai effectivement obtenu, même dans la région d'Ottawa-Hull, des renseignements intéressants glanés de cette façon.

Vous avez raison. La série de questions fastidieuses que l'on pose dans le cadre d'une entrevue de 60 minutes ne convient pas à cette population. Ces gens-là ne pourraient pas répondre à ce genre de questionnaire.

Le sénateur Léger: Avez-vous commencé à demander à des Autochtones ou à des sans-abri de travailler pour vous afin d'obtenir des renseignements sur leurs milieux respectifs? Il y a une trentaine d'années, cela aurait été impossible, mais maintenant, c'est à eux, plutôt qu'à nous de s'en occuper.

Mme Bailie: C'est la démarche que nous avons adoptée pour le recensement cette fois-ci, avec un certain succès. Nous pourrions sans doute poursuivre sur cette voie.

Le sénateur Léger: Les autres sujets de discussion, comme l'éducation, le soutien social ne sont pas du ressort de votre profession. Les problèmes mentaux prennent-ils tous naissance dans les conditions sociales?

Dr Millar: Cela ne fait pas directement partie de notre système statistique et de mesure. Cependant, l'Institut canadien d'information sur la santé a lancé l'Initiative sur la santé de la population canadienne. D'ailleurs, j'ai mentionné spécifiquement certains de ces résultats concernant le suicide chez les jeunes Autochtones. Nous détenons des renseignements qui montrent que les aspects sociaux qui composent leur culture ont une incidence importante sur la santé mentale et la probabilité du suicide.

Chose certaine, nous prenons en compte ces grands déterminants de la santé, particulièrement l'importance de l'éducation et du développement au cours de la petite enfance. Il ressort que ces deux éléments influent énormément sur l'état de santé mental subséquent. Nous sommes sensibles à ces facteurs.

D'ailleurs, nous avons de bons instruments de mesure pour certains d'entre eux. On peut s'en servir au niveau local pour réfléchir à des moyens de prévenir la maladie mentale et de favoriser le bien-être mental.

Le sénateur Léger: Je voulais aussi mentionner qu'aucune étude ne comporte de statistiques, rurales et urbaines, sur Terre-Neuve.

Il est plutôt étrange, étant donné que votre tâche consiste à être précis, qu'il n'y ait pas de statistiques sur Terre- Neuve.

Mme Bailie: Dans le cadre de cette nouvelle enquête, nous devrions être en mesure de vous fournir des précisions sur la population urbaine/rurale et certainement sur les disparités entre les provinces. Cela ne saurait tarder.

La vice-présidente: Nous allons nous assurer de vous réinviter en août, une fois que vous aurez terminé.

Docteur Millar, lorsque vous avez parlé de ce qui se fait dans d'autres pays en matière de collecte d'informations sur la santé, y a-t-il un pays qui pourrait nous servir d'exemple à cet égard?

Dr Millar: Je ne pense pas qu'il y ait un pays qui nous devance. Les comparaisons internationales que nous avons faites montrent que pour ce qui est de mesurer les résultats dans le domaine des soins de santé, si c'est ce dont nous parlons, le Canada fait aussi bonne figure que n'importe quel autre pays. Cela dit, il y a des exemples fort intéressants ailleurs. J'ai parlé de la société américaine Kaiser Permanente qui a investi beaucoup d'argent dans un système de cueillette de données. Aux États-Unis également, le ministère des Anciens combattants fait du bien meilleur travail qu'ici. Il y a d'autres exemples comme ceux-là, mais aucun pays comme tel n'a dépassé le Canada. Même si ce n'est pas brillant, il n'y a pas mieux.

La vice-présidente: Je remercie nos témoins qui ont été de véritables mines d'informations.

Honorables sénateurs, nous devons étudier deux budgets. Premièrement, l'allocation budgétaire prenant fin le 31 mars 2004 pour le volet législatif, qui totalise 3 000 $. Il faudrait que quelqu'un présente une motion d'approbation de ce budget.

Le sénateur Fairbairn: J'en fais la proposition.

La vice-présidente: Y a-t-il des interventions? Tous ceux qui sont en faveur?

Des voix: D'accord.

La vice-présidente: La motion est adoptée.

Le deuxième budget concerne l'étude spéciale sur la santé mentale que nous effectuons à l'heure actuelle. Il s'établit à 142 000 $. Nous avions prévu d'être à Toronto cette semaine ou la semaine prochaine et par conséquent, cette somme a été ajoutée à l'exercice financier. Comme nous ne sommes pas en mesure de nous y rendre, nous allons la reporter au prochain exercice. Notre budget s'élève dont à 142 000 $.

Quelqu'un peut-il présenter une motion d'approbation de ce budget?

Le sénateur Cordy: J'en fais la proposition.

La vice-présidente: Y a-t-il des intervenants? Tous ceux qui sont en faveur?

Des voix: D'accord.

La vice-présidente: La motion est adoptée. Le budget est approuvé.

Le 26 mars prochain, nous allons amorcer les discussions préliminaires sur le projet de loi C-13, Loi concernant la procréation assistée. Nous voulions que le sénateur Morin organise certaines séances d'information spéciales pour nous.

À propos du projet de loi S-13, M. Radwanski n'est pas disponible avant le début d'avril, ce qui est bien mieux que la date originale de la fin mai.

La séance est levée.


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