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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 20 - Témoignages du 18 septembre 2003


OTTAWA, le jeudi 18 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit aujourd'hui à 11 h 03 pour étudier l'infrastructure et la gouvernance du système de santé publique du Canada, ainsi que la capacité du Canada de réagir aux urgences sanitaires découlant d'épidémies infectieuses.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Nous poursuivons notre étude sur l'infrastructure et la gouvernance du système de santé publique du Canada, ainsi que sur la capacité du Canada de réagir aux urgences sanitaires découlant d'épidémies infectieuses. L'exemple récent du SRAS a polarisé notre attention sur ces questions.

Nous accueillons ce matin, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, Andrew Marsland, Gilles Lavoie, Judith Bossé et Karen Dodds. Nous vous souhaitons la bienvenue à notre comité.

Madame Dodds, je crois comprendre que vous serez la première à présenter votre exposé. Vous avez la parole.

Mme Karen Dodds, directrice générale, Direction des aliments, Direction générale des produits de santé et des aliments, Santé Canada: Je présente cet exposé conjointement avec mes collègues de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. C'est un plaisir d'être des vôtres ce matin, pour parler de la salubrité des aliments et de la santé publique dans le cadre particulier de la gouvernance et de l'infrastructure et des mesures qui ont été prises en réaction au cas d'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, détecté dans un cheptel ici au Canada, le 20 mai.

Votre comité a pour mandat d'étudier la santé publique. Il est donc approprié que vous demandiez une étude de l'ESB, étant donné qu'à l'échelle internationale, la salubrité des aliments est considérée comme un élément fondamental de la santé publique. C'est un aspect dont s'occupent souvent dans d'autres pays des organismes distincts de l'Agence de contrôle et de surveillance des maladies. Cependant, la salubrité des aliments et de l'eau sont considérés comme des éléments importants de la santé publique.

On peut d'ailleurs le constater si l'on examine le mandat de l'Organisation mondiale de la santé, établie en 1948. Une partie de son mandat portait sur la salubrité des aliments, que l'on jugeait faire partie du mandat de la santé publique. Cela a été confirmé en mai 2000, lorsque l'Assemblée mondiale sur la santé a adopté une résolution demandant à l'Organisation mondiale de la santé de reconnaître la salubrité des aliments comme une fonction essentielle de la santé publique. On peut considérer que cela va de soi dans les pays qui ont un système bien développé de salubrité des aliments, mais c'est une fonction dont il faut s'occuper avec soin, qu'il faut promouvoir et surveiller dans les pays qui sont en train de mettre sur pied un système de salubrité des aliments.

Il existe différentes façons de représenter les liens qui existent entre la salubrité des aliments, la santé des animaux et des végétaux, et les répercussions de l'environnement en général sur la santé humaine. Il s'agit d'un exemple. De toute évidence, c'est souvent l'alimentation humaine qui nous expose le plus aux contaminants de l'environnement, qu'il s'agisse d'un contaminant infectieux ou chimique.

C'est entre autres par les végétaux, mais plus particulièrement par les animaux, que certains de ces contaminants nous sont transmis. Comme les animaux ont une physiologie similaire à celle des humains, les micro-organismes qui causent des maladies chez les animaux peuvent souvent causer des maladies chez les humains. Il faut établir des liens étroits entre la santé des animaux et la santé humaine. L'alimentation est souvent le vecteur — mais pas toujours. Ce à quoi les animaux sont exposés dans leur environnement et l'alimentation qu'on leur donne peut influer sur leur santé, ce qui influe ensuite sur la santé humaine.

Le système de salubrité des aliments au Canada est complexe et comporte différents niveaux et différents intervenants. Il est important que chaque niveau et chaque intervenant fassent eux aussi preuve de vigilance. Nous communiquons avec le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et territoriaux, les administrations municipales, l'industrie de l'alimentation, le secteur agricole même, les consommateurs qui de toute évidence jouent un rôle important en raison des aliments qu'ils choisissent et de la façon dont ils les manipulent, et la société civile qui participe à la prise de décisions et à l'élaboration de politiques.

Au niveau fédéral au Canada, le mandat concernant la salubrité des aliments est partagé. Santé Canada est chargé d'établir des normes et des politiques concernant la salubrité des aliments et la valeur nutritive des aliments, c'est-à-dire les tolérances prévues pour les contaminants chimiques, microbiologiques et pour certains procédés comme la pasteurisation. Nous sommes chargés d'établir ces aspects de la salubrité des aliments, d'examiner les propositions de l'industrie concernant de nouveaux additifs alimentaires et les aliments génétiquement modifiés.

Nous sommes aussi chargés d'évaluer l'efficacité des activités de l'Agence canadienne d'inspection des aliments en ce qui concerne la salubrité des aliments et, comme vous l'avez entendu hier, un autre aspect important de notre mandat consiste à lutter contre les poussées endémiques et à surveiller les maladies de même qu'à intervenir en matière de santé publique. Il est important que ces deux aspects soient étroitement liés parce qu'ils vont de pair. Nous nous occupons de la recherche, de la surveillance, de l'épidémiologie, de l'évaluation du risque, de l'élaboration de politiques, de l'établissement de normes et de règlements.

Mme Judith Bossé, vice-présidente, Sciences, Agence canadienne d'inspection des aliments: L'Agence canadienne d'inspection des aliments a un rôle à jouer dans le domaine de la santé publique, en ce qui concerne les aliments et les maladies qui peuvent être transmises directement par des animaux ou des végétaux aux humains. Nous sommes en train d'élaborer une politique dans le cadre du programme d'inspection pour assurer l'application et le respect de normes et de politiques fédérales en matière de salubrité des aliments et nous sommes également en train d'élaborer des normes et des politiques sur la santé des animaux et des végétaux, qui entraîneront l'établissement de programmes destinés à assurer l'application et le respect des normes et politiques en question.

Par exemple, nous réglementons entre autres les aliments pour animaux afin d'éviter qu'ils pénètrent dans la chaîne alimentaire. Nous réglementons les produits biologiques à usage vétérinaire, qui sont des vaccins utilisés chez les animaux mais qui pourraient présenter un risque pour les humains selon la façon dont ils sont produits. Nous avons de nombreux programmes de contrôle des maladies animales, notamment de la tuberculose, de l'anthrax ou de l'ESB. Nous avons des programmes de surveillance, de contrôle, de veille, de recherche et de développement d'essai semblables à ceux qui existent à Santé Canada, mais nous examinons les maladies animales dans leur ensemble et non uniquement celles qui posent des risques pour la santé publique, tout en sachant que les questions de santé publique se trouvent au sommet de la pyramide.

M. Andrew Marsland, sous-ministre adjoint intérimaire, Direction générale des services à l'industrie et au marché, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Le rôle principal d'Agriculture et Agroalimentaire Canada en matière de salubrité des aliments consiste à diriger l'élaboration de politiques et de programmes destinés à appuyer l'industrie de l'agriculture et de l'agroalimentaire pour qu'elle réussisse sur le marché et réagisse aux exigences des consommateurs. À cet égard, l'aspect le plus pertinent est l'élaboration du cadre stratégique pour l'agriculture, en réponse à un marché de plus en plus complexe où les consommateurs sont beaucoup plus préoccupés par les aliments qu'ils consomment et la façon dont ils sont préparés.

Le cadre stratégique pour l'agriculture est une initiative fédérale-provinciale/territoriale. Toutes les provinces ont signé l'entente-cadre et nous sommes en train de négocier des ententes de mise en oeuvre avec certaines.

Ce cadre comporte cinq piliers: la gestion des risques de l'entreprise, les sciences et l'innovation, l'environnement, le renouveau, et la salubrité et la qualité des aliments. Nous sommes en train d'aider les agriculteurs et les producteurs à acquérir les aptitudes de gestion et les aptitudes techniques dont ils auront besoin pour réussir dans un environnement complexe.

Pour votre comité, la salubrité et la qualité des aliments sont les éléments les plus pertinents. Dans ce contexte, le cadre stratégique pour l'agriculture vise à établir des objectifs et des programmes dans quatre secteurs clés. Le premier porte sur la salubrité des aliments. Nous sommes en train d'élaborer des systèmes de salubrité des aliments dans l'ensemble de la chaîne de production alimentaire, y compris des systèmes d'analyse des risques et maîtrise des points critiques à la ferme, à l'échelle nationale. Nous offrons aussi de l'information sur la surveillance à l'industrie et nous assurons la gouvernance de ces systèmes.

Deuxièmement, l'objectif en matière de qualité est d'assurer un cadre qui permet à l'industrie d'élaborer des normes de qualité qui lui permettront de réussir sur le marché. Troisièmement, nous sommes en train de mettre au point des dispositifs de dépistage et de repérage pour l'ensemble des principaux groupes de produits afin de faciliter le retraçage de produits particuliers à la ferme. Enfin, nous sommes en train de faire de la recherche pour cerner les risques et appuyer les systèmes lancés par l'industrie.

Un aspect important de ces ententes est l'établissement d'objectifs et de rapports publics à l'intention des Canadiens sur les mesures prises par le gouvernement et l'industrie pour atteindre ces objectifs.

[Français]

Mme Dodds: Je vais maintenant décrire les responsabilités provinciales et territoriales. Chaque province est responsable d'établir les normes de politiques agricoles et alimentaires destinées aux fins du commerce et de la consommation à l'intérieur d'une province. Le ministère responsable varie d'une province à l'autre. La responsabilité repose parfois sur le ministère de l'Agriculture et parfois sur le ministère de la Santé.

[Traduction]

Il est impossible de prévoir d'une province à l'autre si cela relèvera du ministre de la Santé ou du ministre de l'Agriculture. Il existe aussi des responsabilités au niveau municipal. Les municipalités sont principalement chargées de la réglementation et de l'inspection des établissements d'alimentation, y compris les établissements de service alimentaire comme les cafétérias et les restaurants. Certaines provinces — entre autres la Colombie-Britannique et l'Ontario — ont délégué certaines responsabilités en matière de salubrité alimentaire des ministères provinciaux de la Santé aux services régionaux de santé publique.

Mme Bossé: Les trois ministères reconnaissent qu'ils doivent collaborer étroitement sur les questions de salubrité alimentaire étant donné que les mesures de protection des animaux et des végétaux font partie d'un volet important et complémentaire aux activités de protection de la santé publique. Un protocole d'entente a été établi entre Santé Canada et l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Certains protocoles d'entente sont en train d'être élaborés entre AAC et ACIA, ainsi qu'entre AAC et Santé Canada en vertu du cadre stratégique pour l'agriculture.

[Français]

Nous avons plusieurs comités coordonnant les activités entre Santé Canada et l'agence, ou Agriculture Canada. Ces comités sont constitués du sous-ministre et descendent à tous les niveaux de l'organisation jusqu'à des groupes de travail chargés de discuter des questions de façon plus spécifique.

[Traduction]

La vice-présidente: J'aimerais rappeler au témoin, si vous utilisez un acronyme, de bien vouloir l'expliquer.

Mme Dodds: Il existe aussi un système bien établi de coordination entre les paliers fédéral et provinciaux/ territoriaux. Je porterai à votre attention en particulier trois comités. Le Groupe canadien de mise en oeuvre du système d'inspection des aliments est sans doute le plus vaste des trois comités. Il comprend des représentants du gouvernement fédéral — les trois ministères représentés ici — et des représentants des secteurs de la santé et de l'agriculture de chaque province. Il a pour objectif d'examiner les normes nationales et la coordination parmi les différents organismes.

Il existe également un comité fédéral/provincial/territorial sur la politique de salubrité des aliments. Ce groupe discute de l'élaboration de politiques et de normes et ses participants proviennent des secteurs de la santé et de l'agriculture. Ce groupe est dirigé par Santé Canada.

Il y a aussi le Comité fédéral/provincial/territorial d'inspection agroalimentaire, dirigé par l'Agence canadienne d'inspection des aliments avec la participation d'Agriculture Canada et les ministères provinciaux de l'Agriculture. Il existe aussi de nouveaux comités sur la gouvernance, chargés d'examiner le cadre stratégique pour l'agriculture.

Nous avons aussi des ententes et protocoles fédéraux/provinciaux/territoriaux particuliers. L'un qui se rapporte particulièrement à la question que vous étudiez est le protocole d'intervention d'une épidémie de toxi-infection alimentaire, qui recoupe tous les secteurs de Santé Canada et inclut la participation de l'Agence canadienne d'inspection des aliments. Les provinces ont souscrit à ce protocole. On y énonce clairement les responsabilités premières et autres en cas d'une épidémie de toxi-infection alimentaire.

Si l'infection est détectée en premier, ce sont les services médicaux et de santé publique qui en prennent la direction. Mes collègues de la Direction de la population et de la santé publique qui ont comparu devant vous hier ont la responsabilité première au niveau fédéral pour faire enquête sur l'épidémie. Pour ce qui est de l'aspect alimentaire — qui peut comporter l'analyse des aliments, mais surtout des enquêtes des établissements alimentaires, cette responsabilité relève de l'Agence canadienne d'inspection des aliments et/ou de la province selon la façon dont les aliments sont commercialisés au Canada.

L'Agence canadienne d'inspection des aliments a aussi conclu des ententes bilatérales avec de nombreuses provinces concernant les responsabilités en matière d'inspection dans une province.

[Français]

Mme Bossé: Permettez-moi à présent de vous parler de la réponse entreprise lorsque nous avons découvert la vache, qui fut détectée comme étant infectée par la maladie du BSE.

Cette vache fut diagnostiquée par un des laboratoires vétérinaires faisant partie du réseau des laboratoires mis en place au début 2002, pour assurer la surveillance des cas de BSE. Des échantillons de cette vache, après avoir été soumis à titre d'échantillons de contrôle routinier, ont révélé la présence de la maladie du BSE. Le cas a alors été rapporté à l'Agence canadienne d'inspection des aliments et l'échantillon fut envoyé immédiatement au laboratoire de référence de Winnipeg, laboratoire de l'Agence canadienne d'inspection des aliments.

Étant donné qu'il s'agissait du premier cas détecté au Canada, l'agence a procédé normalement. L'échantillon fut envoyé au Laboratoire mondial de référence. Les examens ont en effet révélé, le 20 juin dernier, que la vache était bel et bien positive au BSE.

L'agence a donc entreprise une enquête immédiatement afin de déterminer le lieu d'origine de la vache et la façon dont la carcasse fut disposée. Après enquête, on a pu conclure que la viande de cet animal n'avait pas pénétré la chaîne alimentaire. On a conclut également que la viande de cet animal, étant donné la condition de cette vache lorsqu'elle a été abattue, avait été envoyée pour la fabrication d'aliments destinés aux animaux, mais n'avait toutefois pas pénétré la chaîne alimentaire des ruminants.

La cause la plus probable de contamination chez cet animal fut l'alimentation animale, plus particulièrement une source de protéine couramment utilisée pour nourrir les animaux. L'enquête nous a permis de conclure, au cours de l'été, qu'aucun autre animal n'a été infecté par la maladie.

[Traduction]

Mme Dodds: Il était clair après qu'il eut été confirmé qu'un animal était atteint de l'encéphalopathie spongiforme bovine, ou ESB, qu'une intervention, y compris une intervention en matière de santé publique, s'imposait. La variante de la maladie de Creutzfeldt-Jakob, est la maladie humaine associée à l'ESB. Il s'agit d'une maladie neurodégénérative incurable. Elle a une longue période d'incubation et est toujours mortelle. Il y en a eu 145 cas dans le monde dans le contexte d'une épizootie qui au Royaume-Uni seulement a touché environ 200 000 animaux bien que le nombre total d'animaux infectés par l'ESB puisse atteindre 2 millions. Un certain nombre de cas internationaux, tel celui détecté au Canada il y a un an, ont été associés à un séjour au Royaume-Uni et à la consommation de boeuf dans ce pays.

Il existe d'autres facteurs pour la santé humaine et la santé publique qui vont au-delà de la salubrité des aliments. Santé Canada a une politique d'exclusion d'un donneur potentiel de sang en fonction du statut de l'ESB d'un pays et de la durée du séjour dans un pays. Il existe un certain nombre d'autres produits thérapeutiques, y compris les produits pharmaceutiques, les instruments médicaux, les produits biologiques et les vaccins, les produits de santé naturels et cosmétiques qui peuvent renfermer des ingrédients actifs ou autres pouvant être dérivés d'une source bovine. Par exemple, la gélatine et les capsules de gélatine peuvent provenir d'une source bovine.

Tous les autres pays ayant relevé des cas d'ESB ont mis en oeuvre des contrôles supplémentaires, particulièrement au niveau de la santé publique et de la santé humaine et également au niveau de la santé animale. Avant le 20 mai, le Canada et d'autres pays considéraient que nous étions provisoirement exempts d'ESB. Nous avions établi des mesures de contrôle pour les importations; nous avions le système de surveillance; et nous avions une interdiction frappant les aliments du bétail, même si nous n'avions jamais détecté de cas d'ESB au Canada. La détection d'un cas d'ESB chez une vache a modifié la façon dont nous concevions le niveau de prévalence de la maladie au Canada. Les responsables de Santé Canada, de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, de l'industrie et de la santé publique ont envisagé de revoir les politiques relatives à la santé humaine et animale.

M. Marsland: Je crois que nous savons tous quelle a été la réaction du monde à la découverte d'un cas d'ESB en Alberta. Pour situer le contexte, l'industrie du boeuf a réussi à accroître ses marchés d'exportation. Les exportations de bovins vivants, de boeuf et de produits du boeuf atteignent une valeur de 4,4 milliards de dollars. Cela représente environ 60 p. 100 de la production totale et 50 p. 100 de la production est exportée aux États-Unis. La réponse de nos partenaires commerciaux a été assez immédiate: ils ont fermé les frontières. En tout, environ 34 pays ont imposé immédiatement des restrictions sur les exportations de boeuf et de bétail du Canada. C'était une réaction caractéristique à un cas d'ESB.

En ce qui concerne l'enquête, un représentant de l'Agence canadienne d'inspection des aliments a immédiatement reconnu qu'il fallait revoir son enquête. Par conséquent, une équipe de spécialistes a été constituée pour faire cet examen. Le rapport a fermement appuyé l'efficacité et la rigueur de l'enquête et a recommandé un certain nombre de mesures que le Canada devrait envisager pour réagir à cette expression d'un cas unique. En fait, le rapport recommandait entre autres un examen de nos politiques de surveillance de l'ESB, des politiques concernant les aliments du bétail pour ce qui est de l'ESB, de la sensibilisation du public, des mécanismes de dépistage et de repérage, et cetera.

Le ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a immédiatement rencontré les membres de la table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du boeuf le 28 mai, à peine une semaine après la découverte du cas. À l'issue de ces discussions avec les membres de cette table ronde, un plan en cinq points a été proposé en réaction au cas. Ces cinq points comprenaient la surveillance, l'examen de la politique sur l'alimentation animale, la consolidation du système actuel de repérage et de dépistage dans l'industrie du boeuf, l'examen des plans de salubrité alimentaire à la ferme et d'une approche nationale en matière de système de salubrité alimentaire.

En juillet, les ministres de la Santé et de l'Agriculture ont annoncé une politique d'élimination de matériel à risque spécifié provenant d'un bétail âgé de plus de 30 mois lors de l'abattage — une mesure indispensable pour protéger la santé humaine dans ce cas.

Afin de donner suite aux répercussions économiques de la découverte d'un cas d'ESB, les gouvernements fédéral, provinciaux et territoriaux ont annoncé un programme de relance suite à l'ESB d'une valeur totale de 460 millions de dollars, auquel on a accordé par la suite un montant supplémentaire de 60 millions de dollars. Ce programme assurait un paiement compensatoire lorsque le prix du marché tombait en deçà d'un niveau de référence. Ce programme a pris fin à la fin août lors de la réouverture partielle de la frontière américaine au boeuf canadien.

Au fur et à mesure de l'évolution de cette situation au cours de l'été, un élément important a consisté à déterminer comment les risques étaient communiqués au public et de s'assurer que les risques étaient limités au contexte approprié. Cela est confirmé par la croissance de la consommation de boeuf en juillet et en août, lorsque nous avons constaté des hausses importantes de la «consommation apparente de boeuf».

Mme Bossé: Je vous parlerai des progrès importants réalisés depuis l'été. La mise en oeuvre de la politique d'élimination de matériel à risque spécifié nous a permis de conserver la confiance des Canadiens et a également facilité la réouverture de la frontière avec les États-Unis et le Mexique. Nous avons aussi constaté une réouverture restreinte de certains de nos marchés internationaux, ce qui ne s'était pas produit auparavant dans d'autres pays où l'alerte à l'EBS a été de courte durée, comme chez nous. Nous avons réussi à maintenir un programme d'abattage efficace pour soutenir la chaîne d'approvisionnement.

Cela dit, il reste encore beaucoup à faire. Nous devons améliorer nos restrictions et nos normes en matière d'alimentation animale; nous devons consolider le système de repérage et de dépistage; nous devons améliorer la surveillance; nous devons nous efforcer d'améliorer la sensibilisation aux maladies; nous devons remettre sur pied une industrie affaiblie; nous devons rouvrir les frontières fermées, et rétablir l'accès aux États-Unis pour des bovins vivants, ce qui n'est pas le cas à l'heure actuelle; et nous devons mettre au point une méthode d'essai et de validation et élargir notre capacité nationale en matière d'essais.

M. Marsland: En ce qui concerne le rôle particulier d'Agriculture et Agroalimentaire Canada pour ce qui est de gérer les préoccupations parallèles que représentent la salubrité des aliments et les répercussions économiques de la découverte de l'ESB, l'un des rôles clés du ministère a consisté à coordonner la table ronde sur la chaîne de valeur de l'industrie du boeuf. Cette table ronde avait été établie avant la découverte de l'ESB et il s'agit en fait d'une série de plusieurs tables rondes qui portent sur tous les principaux groupes de produits. L'objectif de cette table ronde était de réunir les principaux intervenants de toute la chaîne de valeur, depuis les producteurs primaires jusqu'aux transformateurs et aux exportateurs, avec les principales personnes-ressources des gouvernements provinciaux et fédéral.

La table ronde sur le secteur de l'élevage bovin s'est tenue le 28 mai et depuis il y a eu trois réunions. Ses membres se sont immédiatement attelés à la tâche de concevoir un plan d'action fondé sur la collaboration entre le secteur et le gouvernement afin de faire face aux conséquences de ce problème. Divers groupes de travail se sont penchés sur la réouverture des marchés, les substances à haut risque, les systèmes de salubrité des aliments à la ferme, l'amélioration du système de suivi et la politique sur les aliments du bétail. Ces groupes de travail ont poursuivi leurs travaux pendant tout l'été.

Mme Dodds: L'EBS aura certainement des conséquences à plus long terme sur les politiques de santé publique et d'hygiène vétérinaire. Comme l'ont précisé mes collègues, certaines questions devront faire l'objet de politiques plus poussées. Parmi les questions les plus complexes, citons l'alimentation et la surveillance. Nous devons procéder au niveau national tout en soutenant le secteur et, dans la mesure du possible, en respectant les attentes nationales et internationales.

Heureusement, il y a eu des progrès scientifiques notables depuis la découverte de la maladie chez l'animal en Grande-Bretagne en 1986 environ et chez l'humain une décennie plus tard. Nous avons pu profiter de ces progrès, mais il reste beaucoup de travail à faire. Évidemment, il est important de maintenir la confiance de la population pour ce qui est des systèmes gouvernementaux et du secteur de l'élevage de bovins, au Canada et à l'étranger.

Lors de son étude des politiques, l'équipe d'experts a indiqué qu'il était très important que les mesures adoptées aient une portée nationale — qu'elles ne se limitent pas au palier fédéral mais s'appliquent à tous les niveaux. C'est un élément clé pour assurer l'adoption, la mise en place et l'application uniformes dans toutes les régions du pays.

Cela signifie également que toutes les parties concernées, à savoir les gouvernements fédéral et provinciaux, les éleveurs, les consommateurs, le secteur et les experts en épizootie doivent s'engager et réagir.

Dans les derniers mois, nous avons pu tirer des leçons de cette situation. Tous les intervenants ont compris qu'une collaboration étroite et une communication efficace étaient absolument essentielles pour que le gouvernement fédéral puisse gérer la crise de la vache folle plutôt qu'en subir les effets. Les échanges — en personne ou au téléphone — étaient presque journaliers et se sont faits à différents niveaux: entre les sous-ministres cet été ainsi qu'entre les différents intervenants dans les provinces et au sein du secteur de l'élevage de bovins.

C'est grâce à nos communications externes sur les risques liés à l'EBS, notamment les points de presse réguliers, que nous avons pu éviter la panique et que la population a une meilleure compréhension de l'EBS. Notre collègue, M. Brian Evans, vétérinaire en chef canadien auprès de l'Agence canadienne d'inspection des aliments n'est pas là aujourd'hui mais il a été présent tout au long de cette crise. Certains collègues et représentants de pays étrangers ont même fait remarquer que la réaction canadienne établit un précédent, tout comme la réaction sur le plan commercial. Aucun autre pays n'a été en mesure de gérer aussi bien les conséquences de l'apparition de l'EBS. C'est notamment grâce à cette réaction que la population n'a pas perdu confiance dans notre système de salubrité des aliments et notre secteur agricole canadien.

Nous avons également compris qu'un dialogue transparent et précoce avec les partenaires non gouvernementaux facilitait grandement l'examen des problèmes réels ou potentiels de mise en oeuvre.

La vice-présidente: Monsieur Marsland, je voudrais que vous nous parliez du système de suivi. Dès leur naissance, les veaux sont tatoués ou identifiés par le biais d'une plaquette pour qu'on puisse les suivre du début à la fin, n'est-ce pas? Si c'est bien le cas, combien d'années ont été répertoriées dans ce système?

M. Gilles Lavoie, directeur général principal, Direction générale des services à l'industrie et aux marchés, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Le système actuel nous permet de suivre les bovins de la naissance à l'abattage. On leur met une petite étiquette à l'oreille. Le système a toujours quelques points faibles que le secteur a essayé de corriger. Par exemple, il arrive que les animaux perdent leur étiquette, qu'il faut alors absolument remplacer.

Le suivi entre l'abattage et la vente n'est pas toujours assuré. Par contre, du point de vue de l'hygiène vétérinaire, il suffit d'assurer le suivi jusqu'à l'abattage parce qu'il y a, à cette dernière étape, des inspections vétérinaires, des inspections avant la mise à mort, etc. Pour ce qui est de l'hygiène vétérinaire, c'est suffisant. Cela a également été suffisant pour retracer les informations qui ont été données sur-le-champ par l'Agence canadienne d'identification du bétail à l'ACIA. On a ainsi pu retracer l'animal malade.

La vice-présidente: Depuis combien de temps ce système de suivi existe-t-il?

M. Lavoie: C'est en janvier 2001 que le suivi est devenu obligatoire et surveillé dans le secteur de l'élevage de bovins. On est d'ailleurs actuellement en train de concevoir un autre système pour les autres espèces, par exemple, les moutons et les cochons. Les éleveurs de bétail se rencontrent aujourd'hui à Calgary pour essayer d'harmoniser les différents systèmes afin d'assurer une bonne communication. Par conséquent, si différentes espèces risquent d'être atteintes de la même maladie, on leur saurait grâce à l'information contenue dans le système.

La vice-présidente: Par curiosité, sait-on d'où venait cette vache malade? Ce n'était pas une bête très jeune.

Mme Bossé: Il est fort probable que cette vache faisait partie de troupeaux dépeuplés. Par contre, on ne sait pas exactement de quel troupeau il s'agit. Mais il semble évident que la vache provenait d'un des troupeaux dépeuplés.

La vice-présidente: Où l'agriculteur a-t-il obtenu cette vache?

Mme Bossé: Elle est née dans sa ferme.

Le sénateur Morin: Je voudrais tout d'abord soulever la question des éclosions d'entéropathie. Il y a quelques années, on a connu une éclosion de salmonellose dans la charcuterie. Si j'ai bien compris, c'est la Direction générale des produits de santé de Santé Canada qui s'occupe des normes. Par contre, si une véritable éclosion traverse les frontières provinciales, c'est la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique qui prend le dossier en main.

Vous avez sans doute lu dans les journaux que la ministre, l'Association médicale canadienne ainsi que la Commission Naylor recommandent fortement qu'une agence comme les Centers for Disease Control, CDC, l'agence de protection de la santé en Grande-Bretagne ou comme celle qu'on retrouve en Australie soit mise en place. Tous les pays européens semblent vouloir adopter ce modèle d'agence qui intègre les ressources provinciales, et ainsi de suite. C'est une possibilité. Ce n'est pas la seule, mais elle mérite d'être prise en compte.

Si cela était mis en pratique et s'il y avait une éclosion d'origine alimentaire — telle la maladie — l'agence serait-elle responsable de la surveillance et de la prise en charge ou cela dépasserait-il son mandat? Par exemple, j'ai cru comprendre qu'aux États-Unis c'était du ressort de la FDA. Qu'en pensez-vous?

Je sais que c'est une question théorique. Par contre, c'est la seule occasion que j'ai pour la poser et vous êtes après tout les experts canadiens en la matière. Pourriez-vous me dire ce que vous en pensez?

Mme Dodds: Malheureusement, ce n'est pas une question purement théorique puisque les éclosions d'origine alimentaire sont une réalité à laquelle doivent faire face bien trop souvent le Canada et les autres pays développés. Le protocole que j'ai mentionné plus tôt traite de cette question. En règle générale, une éclosion est identifiée lorsque des gens vont voir leur médecin de famille ou se présentent aux urgences des hôpitaux parce qu'ils ont des symptômes. Le médecin peut alors signaler le cas dans un système. Ensuite, des échantillons seront envoyés au laboratoire de santé publique, en général provincial ou local. Certains de mes collègues de la Direction générale de la santé de la population et de la santé publique vous ont peut-être indiqué qu'il existe maintenant un système Web qui permet de regrouper les rapports de ce genre. Il est alors possible de détecter un nombre anormal de cas de salmonelle ou de colibacille et de détecter une éclosion. Les autorités alimentaires seront alors alertées, la Direction des aliments au niveau local ou directement l'Agence canadienne d'inspection des aliments au niveau national. Les deux parties collaboreront pour déterminer si la source du problème est effectivement d'origine alimentaire; il existe effectivement d'autres modes de transmission, notamment l'eau.

Le plus souvent, les épidémies de toxi-infection alimentaire sont signalées par le médecin de famille et remontent la filière jusqu'à mes collègues.

Le sénateur Morin: Qui fait le travail d'investigation? Qui se charge de l'épidémiologie? Qui voit ces malades et leur demande où ils ont mangé, où ils ont acheté les aliments, ainsi de suite. Qui s'en charge?

Mme Dodds: Cela relève de mes collègues de la direction générale de la santé de la population et de la santé publique en collaboration avec leurs collègues provinciaux. Il arrive que l'Agence canadienne d'inspection des aliments reçoive des plaintes directement des consommateurs. Elle peut alors envoyer un inspecteur, qui ira poser des questions préliminaires, et communiquera aussi avec les gens de la santé.

Un autre élément du système de salubrité des aliments décèle parfois un problème et cherche à voir s'il y a eu augmentation du nombre de maladies. C'est ainsi que le lien est fait. Cela arrive moins souvent que les cas où l'on rencontre une maladie humaine attribuable à un aliment insalubre.

Le sénateur Morin: Ma deuxième question porte sur les conflits d'intérêts. Ma question s'adresse à M. Marsland et à ses collègues.

L'ACIA relève d'Agriculture Canada. Les enjeux sont de deux ordres: santé et commerce; or, l'Agence s'occupe des deux. Les exemples ne manquent pas. En ce qui concerne l'ESB, on a passé plus de temps ce matin à discuter des questions économiques que des questions de santé publique. Je ne nie aucunement l'importance des enjeux économiques et j'y suis sensible mais ce n'est pas l'endroit pour en discuter. C'est le Comité de l'agriculture qui s'en charge. Je suis sensible au problème, mais il nous appartient d'envisager la question de l'ESB sous l'angle de la santé publique et non de l'économie.

J'ai un certain nombre de questions à cet égard. Par exemple, quelles sont les responsabilités des provinces et du gouvernement fédéral? Si je vous ai bien compris, le gros du travail se fait actuellement dans les laboratoires provinciaux. Par exemple, cette pauvre vieille vache a d'abord été diagnostiquée dans un laboratoire provincial puis a remonté la chaîne. Les premiers tests sont effectués dans un laboratoire provincial. Qui est sensé s'assurer que des aliments d'origine animale ne sont pas donnés au bétail au moment où l'on se parle? Qui est responsable de cela?

Qui a la responsabilité de veiller à ce que personne — pour reprendre une expression qui a fait florès — ne décide de «tuer, enterrer et se taire»? Comment savons-nous que cela ne se fait pas? Cela se faisait avant cette déclaration bien connue, qui a été niée, au fait, dans le journal ce matin.

C'est une question de santé publique. Si des éleveurs ont aujourd'hui des vaches atteintes de pneumonie, comme cette pauvre vieille vache, comment le savons-nous?

Cela m'amène à ma dernière question. Pourquoi tous ces pays ont-ils fermé leurs frontières? Pourquoi sont-elles encore partiellement fermées? Ont-ils une justification? S'il y a une base scientifique à cette fermeture partielle des frontières, nous devrions la connaître.

La seule réponse que nous avons eue — et j'y crois — c'est que le boeuf canadien est sûr. J'en suis convaincu, mais à un moment donné il faudra distinguer entre les enjeux économiques et les enjeux de santé publique. Il faudra bien à un moment donné qu'il y ait une déclaration nette au sujet du risque pour la santé publique.

La maladie de Creutzfeldt-Jacob est une maladie grave. Non seulement on en meurt, on peut végéter à l'hôpital pendant des années. Moi, je préférerais de loin en mourir. Le comité et les Canadiens devraient savoir exactement ce qu'il en est. Il ne faut pas se contenter de dire il n'y a eu qu'un cas et tout va bien. Ce matin, on a parlé que de la dimension économique: les millions que cela a coûté, le bétail et les élevages. Je sais que ce sont de vrais problèmes, mais ce n'est pas celui dont on discute ici aujourd'hui. Il est question ici de santé publique, de la santé des Canadiens.

Il y a le terrible exemple du ministre de la Santé du Royaume-Uni, au moment où la maladie est apparue là-bas, qui a donné un hamburger à sa fille de sept ans en lui disant qu'il n'y avait aucun problème alors que c'était faux. Pour moi, faire de la propagande ou une campagne publicitaire, ce n'est pas la solution. Disons clairement pourquoi ces frontières sont toujours fermées.

Est-ce une mesure de santé publique? Ils ne les ferment pas pour d'autres raisons que pour protéger la santé publique dans leurs pays. C'est leur seule raison officielle. Sont-ils complètement dans l'erreur? Si c'est le cas, prouvons-le.

Tout cela m'inquiète un peu. Je suis très sensible à la dimension commerciale. Je comprends parfaitement que pour ces agriculteurs et ces éleveurs, c'est un grave problème. Dans une autre salle, dans un autre comité, je les défendrais à pleins poumons. Mais ce n'est ni l'heure ni l'endroit: il est question ici de santé publique.

Mme Bossé: Vous avez dit que c'est un laboratoire provincial qui avait décelé le cas. Je vais vous expliquer comment se font les tests de dépistage de l'ESB, l'encéphalopathie spongiforme bovine, au Canada. C'est un réseau de laboratoires qui s'en occupe. Nous avons deux laboratoires de référence qui s'assurent que tous les tests sont réalisés à l'aide de tests internationalement validés et qu'ils sont réalisés avec une bonne assurance de la qualité pour assurer la qualité des résultats qui sortent.

Dans ce réseau de laboratoires de l'ESB, il y a des laboratoires provinciaux et fédéraux. En 2001, avant la création d'un grand réseau ESB, nous avons testé à peu près 1 000 animaux à risque élevé par année. En 2002, depuis que nous avons augmenté la capacité du réseau, nous avons testé plus de 3 400 animaux à risque élevé. Nous ciblons les animaux qui risquent le plus de présenter la maladie. Ce n'est pas une opération exclusivement provinciale; c'est une collaboration entre des homologues provinciaux et fédéraux. En raison des multiples compétences, ces animaux d'un certain âge entrent dans le système fédéral, mais ils entrent aussi dans le système provincial. Nous passons par nos canaux de compétences pour avoir accès à ces animaux à risque élevé.

En termes de santé publique, nous avons toujours été d'avis que l'ESB est un risque élevé de santé publique. Pour cette raison, depuis qu'il a été annoncé en 1996 qu'il y a un lien avec la maladie humaine, l'ACIA a appliqué une interdiction des farines, c'est-à-dire une interdiction des farines de ruminants à ruminants. Cette interdiction a été appliquée et a été respectée.

Si vous voulez des détails supplémentaires sur la surveillance ou sur l'interdiction de ces farines, je pourrais inviter l'un de nos scientifiques à vous en parler.

Le sénateur Morin: Qu'en est-il de «tuer, enterrer et se taire»?

La vice-présidente: Que faites-vous avec cela? J'ai regardé les nouvelles hier soir. Comme consommateur, ça me donne des frissons dans le dos.

Le sénateur Morin: C'est une question de santé publique.

La vice-présidente: Oui. On a fait du bon travail d'endiguement et d'information, mais on se demande s'il y a des éleveurs qui font cela. Il y en a un qui a admis qu'il l'aurait fait. Que faites-vous contre ça? L'éleveur a admis qu'il aurait agi ainsi. Cela fait disparaître toute la confiance de la population.

Dre Sarah Kahn, vétérinaire en chef adjointe du Canada, Agence canadienne d'inspection des aliments: Je suis l'adjointe du vétérinaire en chef et directrice de la Division de la santé des animaux et de la production à l'ACIA. Je vous remercie de l'occasion que vous me donnez de prendre la parole devant le comité. Vous soulevez là une question importante.

Le Canada a un système de contrôle d'excellente qualité d'après les normes mondiales. Nous avons le mandat au fédéral de lutter contre les maladies animales. Il y a une chaîne très claire de responsabilités et de comptes à rendre et d'autorité pour la lutte contre les maladies animales au Canada. Beaucoup de pays n'ont pas de système aussi clair ou si bien établi.

Nous avons un système de maladies à déclaration obligatoire, qui s'applique à toutes les grandes maladies comme la fièvre aphteuse et l'ESB, en vertu duquel quiconque soupçonne l'existence d'un cas de cette maladie est obligé de le signaler à l'autorité fédérale en passant par le vétérinaire de district.

Nous collaborons étroitement avec la profession vétérinaire pour lui signaler les maladies qui sont importantes, la science des maladies et les raisons pour lesquelles elles sont importantes. Nous prenons la parole à l'occasion de rencontres professionnelles. Nous publions des articles dans les publications professionnelles et nous avons de l'information sur le site Internet. Nous donnons des séances de formation et sommes actifs auprès de la profession. Une des lignes de défense les plus importantes est le conseiller vétérinaire à la santé du troupeau qui visite les élevages et établit des rapports professionnels avec l'éleveur et s'occupe de la santé du troupeau.

Nous avons le réseau des laboratoires et les installations de diagnostic, comme Mme Bossé l'a dit. Nous avons aussi un excellent système d'indemnisation de l'agriculteur propriétaire d'un animal dont nous avons ordonné la destruction pour lutter contre une maladie. Cela pourrait être pour une maladie comme la tuberculose bovine — qui présente également des risques pour la santé humaine — jusqu'à l'ESB. Ils savent que lorsqu'ils déclarent une maladie, ils toucheront une indemnisation juste, la valeur de l'animal, le prix d'un animal en santé sur le marché.

Les communications se font aussi directement avec l'industrie au moyen de revues professionnelles et d'hebdomadaires agricoles. Par exemple, en avril et mai, avant la détection de l'ESB, nous avions publié à nouveau une brochure qui insistait sur l'importance de l'interdiction frappant les aliments du bétail. Nous distribuerons cela aux agriculteurs et aux familles agricoles au moyen de leurs chèques pour le lait et d'autres envois postaux que nous sommes certains qu'ils vont ouvrir, par opposition à une circulaire de Canadian Tire, par exemple. Nous faisons un effort intensif de communication avec l'industrie et avec les vétérinaires pour marquer l'importance de ces maladies, leur montrer comment les reconnaître et leur rappeler leurs obligations en matière de déclaration.

Cela dit, il faut admettre qu'il y aura toujours une tendance - peut-être pour les agriculteurs qui ne sont pas très bons, ceux qui ne pratiquent pas les normes d'excellence que nous souhaitons, à vouloir masquer une maladie. Il est certain que vu les conséquences extraordinaires dans le cas de l'ESB, la tentation doit être forte pour certaines personnes.

Comme agence, nous avons pour nous une ligne d'autorité et de responsabilité qui va de la ferme à l'assiette sur le plan des inspections, des programmes de réglementation à la ferme et à l'abattoir et de l'étiquetage et même la responsabilité du retrait de produits sur le marché. Nous faisons le plus possible, par tous ces moyens, pour lutter contre ce que vous appelez la tendance à tuer, enterrer et se taire.

Le sénateur Morin: L'agriculteur est-il tenu de rendre des comptes pour chaque animal? A-t-il la liberté de tuer l'animal et de l'enterrer et c'est tout? Mettons qu'il a trop de vaches et veuille en éliminer 50. Est-ce qu'il peut tout simplement les tuer et les enterrer? Est-il obligé de tenir le compte des animaux qu'il a dans son troupeau? Peut-il se débarrasser d'animaux sans le déclarer?

Dre Kahn: Il peut éliminer les animaux sous réserve des contrôles sur l'impact environnemental, etc. Par contre, si l'on soupçonne un cas de maladie — une maladie à déclaration obligatoire — il est tenu en loi de signaler ces soupçons. C'est le cas pour l'agriculteur, le vétérinaire et le laboratoire qui établit le diagnostic.

Le sénateur Morin: Une vache pourrait très bien disparaître du troupeau sans que personne n'en sache rien. Il n'y aurait aucune enquête ni question si une vache disparaissait du troupeau.

La vice-présidente: Comme on l'a dit, on verse une indemnité équitable. J'ai été élevée à la ferme. La plupart des éleveurs choisiront d'être indemnisés plutôt que de creuser un trou et d'enterrer la bête.

Dre Kahn: L'autre facteur pertinent, c'est que lorsque le pays est considéré libre de l'ESB, des gens pourront même ne pas envisager cette éventualité. Par exemple, une vache à la patte brisée pourrait-elle avoir l'ESB? Dans les pays où la maladie existe, on considère que c'est un risque. Cet animal présente un risque d'ESB. Au Canada, il y a 12 mois, une vache à la patte brisée n'aurait pas été considérée comme un risque d'ESB. Les gens auraient dit qu'elle avait la patte brisée. Il est très important de conscientiser les gens pour s'assurer que c'est un diagnostic possible ici.

Mme Dodds: Le sénateur Morin a soulevé la question de la santé publique et de l'ESB. Tant Santé Canada que l'Agence canadienne d'inspection des aliments ont reconnu que le lien entre la santé publique et la santé animale est un lien très étroit dès le début.

Le Canada a eu beaucoup de chance et fait fond sur l'excellent travail effectué d'abord par Agriculture Canada puis par l'ACIA. Dès les premiers jours de l'épidémie au Royaume-Uni, nous nous sommes dotés d'une politique — d'abord et avant tout de santé animaux, c'est vrai — pour ne pas importer de bêtes ou de produits animal de pays où sévissait l'ESB.

Nous avons aussi en place depuis 1992 un système de surveillance pour les maladies animales qui surpassaient les normes internationales pour les pays où l'ESB n'avait pas été détectée. L'interdiction frappant les aliments du bétail est en place depuis 1997.

Après la détection du cas, Santé Canada a examiné les contrôles qui étaient en place et les risques possibles pour la santé humaine — non seulement à partir des aliments mais aussi à partir d'autres produits. En vertu de plans fédéraux, chaque bête menée à l'abattoir doit subir une inspection avant l'abattage. C'est un vétérinaire qui examine son état de santé. Il en va de même pour la plupart des systèmes provinciaux. Il en est ainsi en Alberta. En ce qui concerne ce cas précis, le vétérinaire qui l'a examiné a déclaré que l'animal n'était pas propre à l'abattage et à l'entrée dans la chaîne alimentaire. L'animal a été condamné et envoyé à l'équarrissage. Les bêtes sont inspectées par un vétérinaire.

Nous savons d'expérience dans le domaine scientifique que les bêtes de moins de trois ans sont essentiellement exemptes de la maladie. La majorité des bêtes qui vont à l'abattage au Canada pour la production de boeuf sont âgées de moins de trois ans. Encore une fois, les travaux scientifiques nous apprennent que la viande musculaire ne comporte pas de tissus infectieux. Le lait et les produits laitiers sont exempts de matériel infectieux. Nous avons ajouté l'interdiction de matériel à risque spécifié comme mesure de précaution car c'est là que se trouvait le risque pour un animal d'entrer dans le système sans être détecté. Cette mesure à elle seule élimine plus de 99 p. 100 du risque d'infectivité de l'animal. C'est une façon efficace de stopper la transmission de la maladie de l'animal à l'humain.

Dans le monde, nous sommes l'un des rares pays à avoir mis en oeuvre des contrôles avant d'avoir repéré un cas d'ESB au Canada. Sur le plan international, notre ministre, le secrétaire à l'Agriculture des États-Unis et le ministre mexicain de l'Agriculture ont demandé à l'organisation internationale qui se charge d'établir les normes de santé animale d'examiner ses normes ainsi que la situation ici où, d'après les renseignements, la prévalence est faible. Des contrôles sont en place dans certains cas depuis plus d'une décennie. Il faut apporter des changements aux normes où, auparavant, un pays avait la maladie en nombre important ou en était exempt, à peu de choses près. Cette réunion va se tenir la semaine prochaine. Le Dr Brian Evans va y participer.

Le sénateur Cook: On parle du mouvement des aliments. Quand je vais faire l'épicerie, mes oranges viennent sans doute d'Afrique; mes raisins du Chili, mes kiwis de l'Australie et il ne me vient jamais à l'esprit qu'ils sont impropres à la consommation.

J'aimerais passer de la viande au poisson. Il y a une nouvelle industrie sur les deux côtes, et même dans l'intérieur, que l'on appelle l'aquaculture. De temps à autre, on apprend qu'il y a une maladie et que tout l'élevage est détruit.

Quels mécanismes sont en place pour s'assurer que les aliments — qui font de plus en plus partie du régime alimentaire des Canadiens — sont sous surveillance? Actuellement, il y a de la morue et de la truite dans les élevages et, à Terre-Neuve, de la morue. Nous élevons aujourd'hui dans des enclos des poissons qui ont toujours vécu en mer. En Nouvelle-Écosse, on fait l'élevage du flétan. Où se trouve la responsabilité ici et quelles seront les méthodes de confinement pour assurer la qualité de la transformation des aliments?

Mme Dodds: C'est Santé Canada qui a la responsabilité d'agréer et d'homologuer les médicaments à usage vétérinaire, y compris tous les médicaments destinés au poisson et à l'aquaculture. Il s'assure que ces médicaments n'ont pas d'incidences nocives ni sur les animaux, y compris les poissons, ni sur, par la suite, la chaîne alimentaire pour les humains. L'innocuité pour les humains est un des éléments de l'examen des médicaments à usage vétérinaire. C'est un de mes collègues de Santé Canada qui en a la responsabilité. Mon collègue de l'Agence canadienne d'inspection des aliments peut vous dire quelques mots sur les contrôles.

Dre Khan: C'est un domaine dans lequel il y a partage d'une partie des compétences puisqu'il est certain qu'un des principaux responsables du contrôle de la santé des populations halieutiques est le ministère des Pêches et des Océans. Nous discutons avec Pêches et Océans des meilleurs moyens de gérer certains défis propres à l'aquaculture.

Il reste que l'inspection du poisson et des fruits de la mer relève de la compétence de l'ACIA. Une intention particulière est donnée à la protection de la santé publique. Heureusement, nombre des maladies qui sont spécifiques aux espèces aquatiques ne sont pas zoonotiques, elles n'affectent pas les humains. Les espèces qui posent le plus de problèmes sont les mollusques parce qu'ils filtrent les substances qui se trouvent dans l'eau. Ils peuvent absorber des résidus dangereux pour la santé publique, qu'il s'agit de résidus microbiologiques, de métaux ou de substances toxiques.

Une surveillance est exercée au niveau de la qualité et de l'innocuité des poissons et des fruits de mer destinés à la consommation humaine. C'est l'ACIA qui s'en charge.

Le sénateur Cook: C'est purement anecdotique, mais j'ai vu des saumoneaux se faire piquer, se faire inoculer dans la chute artificielle d'un bassin aquicole. D'après ce qu'on m'a dit, ils sont tous sous médication. Quand nous mangeons ces poissons, nous consommons les résidus de ces médicaments. C'est peut-être la raison pour laquelle nos propres médicaments n'ont plus autant d'effet qu'auparavant. C'est purement anecdotique, mais ça pose quand même un problème en terme de santé publique.

Mme Bossé: Nous avons un programme de surveillance de la présence de ces résidus dans les poissons. Nous avons aussi un programme de supervision de l'industrie du mollusque pour les toxines. Les zones d'élevage sont ouvertes en fonction de leur innocuité, de leur faible teneur en toxines. La surveillance est permanente.

L'eau de ces zones d'élevage est aussi surveillée pour ce qui est de sa qualité et de la présence de microbes. Les produits de l'aquaculture sont surveillés de très près, tout comme les mollusques élevés à l'état sauvage.

Le sénateur Cook: Un bassin aquicole peut contenir jusqu'à 15 000 saumons. Arrivés à maturité, ils n'ont pas beaucoup de place pour bouger. Il doit y avoir toute une série de filets. Ce que j'entends dire au Comité des pêches m'inquiète. Êtes-vous l'instance compétente ou y a-t-il collaboration avec les ministères des Pêches, de la Santé ou de l'Agroalimentaire? Est-ce que vous communiquez? Est-ce que vous suivez les poissons depuis leur première piqûre jusqu'à mon assiette?

Mme Dodds: Oui. D'ailleurs, Santé Canada a organisé en mars un atelier national pour étudier la coordination de la surveillance des contaminents chimiques dans les aliments, y compris les résidus de médicaments à usage vétérinaire, de produits antiparisitaires, ce genre de choses. C'est Santé Canada qui fixe les niveaux de résidus maximums sur lesquels se font les inspections de l'ACIA. Il est évident qu'une partie de cette surveillance et de ce contrôle est assuré par l'Agence canadienne d'inspection des aliments, par Pêches et Océans, par les ministères provinciaux de l'Environnement et par certains ministères provinciaux de l'Agriculture.

En mars, nous avons donc organisé un atelier pour voir comment nous pourrions mettre en place un système coordonné à l'échelle nationale pour remplacer le système un peu trop éclaté actuel. Encore une fois, la collaboration sur ces questions a toujours été bonne. En conséquence, le flot des informations est bon. Nous voulons simplement l'améliorer et le rendre plus formel.

Le sénateur Cook: L'entente de compétence pour le contrôle de cette industrie vous satisfait-elle?

Mme Dodds: Les industriels de l'aquaculture sont regroupés au sein d'une association. Nous les avons fait participer à certaines de nos réunions. Ils veulent que leurs produits soient sûrs, tout comme les agriculteurs.

Le sénateur Roche: Je ne sais exactement à quel témoin poser ma question. Je les remercie tous de leur témoignage fort instructif.

Madame Dodds, j'ai été frappé par votre propos. Vous avez dit qu'il fallait gérer l'ESB et non pas en subir les effets. C'est peut-être à mon avis ce qui est arrivé. Plus cela s'éternise, plus le niveau de frustration augmente — non seulement chez les politiciens mais également, comme nous l'avons vu ici hier, chez les éleveurs et les agriculteurs. Protéger la santé sans entraver le commerce devient de plus en plus difficile.

Cela m'amène à nos intérêts à long terme. Madame la présidente, nous sommes réunis pour examiner l'infrastructure et la gouvernance du système de santé public ainsi que la capacité du Canada de réagir aux urgences sanitaires — en d'autres termes, le système actuel de protection de la santé.

Nous avons parlé de l'ESB. Il me semble que le système a fonctionné; il a détecté la présence de cette bête malade. Cette vache n'est pas entrée dans la chaîne alimentaire. Il n'y a jamais eu de risques pour la santé, d'après ce que je crois comprendre. Pourtant, nous semblons nous retrouver aux prises avec des conséquences et des répercussions infinies qui tendent à suggérer la présence de facteurs autres que ceux liés à la protection de la santé. Il y a des facteurs politiques et des facteurs commerciaux dont l'examen nous amènerait bien au-delà du mandat de notre comité. Il faut nous limiter aux questions relatives à cette étude de l'infrastructure et de notre capacité de réagir aux urgences sanitaires.

Est-il possible de répondre clairement à la question suivante: le système actuellement en place est-il suffisant ou faut- il le changer? Existe-t-il une réponse claire à cette question qui me permettrait de comprendre si oui ou non les éleveurs et les agriculteurs sont injustement instrumentalisés et pris dans une situation qui échappe à leur contrôle? Ils respectent le système. Quelles seront les conséquences à long terme sur leur existence et sur l'économie canadienne?

Mme Dodds: Permettez-moi de vous décrire certains des défis de santé publique du système canadien, puis je demanderai à un de mes collègues de vous parler de l'évolution de certaines des normes de l'Office international des épizooties.

Le système au Canada a fonctionné, mais avoir vécu cet événement montre qu'on peut lui apporter des améliorations. Il y a des responsabilités au niveau fédéral, au niveau provincial et au niveau municipal. Le degré de contrôle n'est malheureusement pas le même à tous les paliers. Du point de vue de la santé publique, nous aimerions une amélioration afin que tous les Canadiens bénéficient du même degré de protection, que l'animal soit passé par un abattoir fédéral, provincial ou autre.

Nos comités fédéraux-provinciaux et territoriaux essaient d'améliorer l'harmonisation et la communication, mais nous voulons encore aller plus loin. Cela pose un problème. Terre-Neuve n'a pas vraiment d'industrie du boeuf. Quel devrait être le degré d'investissement du gouvernement dans cette province par comparaison avec l'Ontario et l'Alberta où cette industrie est une composante économique très importante? Il y a les risques de contamination pour les Canadiens. Nous nous intéressons en priorité aux abattoirs fédéraux parce que c'est de ceux-ci que sort la majorité de la viande que nous consommons.

Il y a quelques problèmes de santé publique. Nous pouvons apporter des améliorations au système mais à mon avis c'est un des meilleurs système du monde actuellement.

Mme Bossé: Actuellement, au Canada, environ 95 p. 100 des abattoirs sont inspectés par le fédéral. Cela signifie que tous les animaux qui passent dans le système sont vus avant d'être abattus. Le gouvernement fédéral, de concert avec les provinces concernées, élabore un code de réglementation national pour la viande et la volaille. Il s'efforce de faire adhérer les provinces à ce code. L'objectif c'est une norme nationale. Une norme comparable et analogue à la norme fédérale. Nous avançons mais il reste encore du chemin à faire.

Le sénateur Roche: Il semble évident qu'une intégration des systèmes d'inspection fédéral et provinciaux s'impose. Je suppose que cela entre dans la catégorie des améliorations dont parle Mme Dodds.

Faut-il un changement structurel ou une meilleure intégration des systèmes d'inspection fédéral et provinciaux suffit-elle? Par exemple, devrions-nous, comme les Japonais le réclament, inspecter chaque animal? Est-il possible d'inspecter chaque animal et, dans l'affirmative, cela mettrait-il un terme aux accusations de laxisme en termes d'ESB? L'inspection généralisée est-elle une option viable?

Mme Bossé: Nous savons beaucoup de choses sur l'ESB une fois la maladie déclarée. Normalement, les animaux destinés à la consommation sont abattus longtemps avant qu'ils n'atteignent 20 mois. Par conséquent, inspecter tous les animaux ferait augmenter les coûts sans que notre surveillance soit plus scientifique. Ce serait ajouter une mesure supplémentaire que les connaissances scientifiques actuelles ne justifient pas.

La vice-présidente: Voulez-vous dire qu'avant 24 mois la maladie ne peut être détectée par une inspection même si l'animal l'a eue?

Mme Bossé: Ils ne peuvent pas avoir cette maladie.

Le sénateur Morin: Est-ce que nous inspectons aujourd'hui tous les animaux qui ont plus de trois ans?

Mme Bossé: Il n'y a pas de tels programmes de surveillance actuellement, mais il y a des animaux en bonne santé de plus de 30 mois qui sont inspectés dans le cadre de programmes de surveillance. Il faut envisager le renforcement du programme de surveillance. Un groupe d'étude réfléchit à des options de surveillance renforcée mais toujours sur la base de données scientifiques solides.

Le sénateur Roche: J'aimerais pousser un peu plus cette discussion. N'étant pas du tout spécialiste, j'essaie de déterminer s'il y a une réponse simple à la demande d'inspection de chaque animal. Vous me dites que vous n'y seriez pas favorable.

Si j'ai bien compris, les autorités japonaises ne rouvriront leur marché que si tous les animaux sont inspectés. À votre avis, leur position est-elle sincère ou totalement objective? En d'autres termes, si tous nos animaux étaient inspectés, aurions-nous de nouveau accès au marché japonais? N'est-il pas possible que la fermeture par les Japonais de leur marché à la viande de boeuf ait été en représailles de la fermeture de notre propre marché à certains de leurs produits quand ils ont eu des problèmes? Et à ce moment-là, c'est une question commerciale pour ne pas dire politique?

Je vous pose ces questions dans le contexte de notre infrastructure actuelle. Cette infrastructure a-t-elle besoin d'être changée ou a-t-elle besoin d'être, comme Mme Dodds l'a dit tout à l'heure, mieux gérée?

Dre Kahn: J'ai participé aux discussions avec le Japon et avec l'Europe. Les pays qui inspectent tous les animaux pour l'ESB l'ont fait pour répondre à une perte totale de la confiance du public dans la sécurité de l'approvisionnement alimentaire et dans la compétence du gouvernement à gérer le problème de l'ESB. Par exemple, au Japon, ils ont fait toute une série d'inspections. Ils n'ont pas trouvé un seul cas chez les animaux de moins de 65 mois. Ils ont tout inspecté — y compris les veaux — pour la seule raison qu'ils avaient perdu la confiance du public.

Au Canada, grâce à nos bons systèmes, nous n'avons pas vécu une telle perte de confiance. Nous devrions continuer à demander à nos partenaires commerciaux ce que nous leur demandons depuis toujours, à savoir mettre en place des politiques qui reposant sur nos meilleures connaissances scientifiques offrent la meilleure protection pour la santé publique.

Comme Mme Bossé l'a dit, les groupes d'animaux qui présentent le risque le plus élevé sont très bien définis. Une approche standard de la surveillance de la population tant pour la santé publique que pour la santé des animaux est d'inspecter ce segment de la population qui est le plus susceptible de justifier la dépense. Le meilleur moyen de prévenir les problèmes c'est d'inspecter les groupes définis comme étant à risque. C'est l'approche du gouvernement et des autres administrations — nous fondons notre surveillance renforcée sur les connaissances scientifiques et sur les expériences des autres pays. Il n'est pas question d'inspecter tous les animaux.

Le sénateur Roche: La surveillance renforcée ce n'est pas l'inspection généralisée, n'est-ce pas?

Dre Kahn: Exactement. Dans d'autres pays, une grande partie de leurs inspections ne valent rien. Les animaux de moins de deux ans ne peuvent pas avoir développé la maladie.

La vice-présidente: S'ils n'ont pas eu le temps de la développer, les consommateurs ne sont pas en danger.

Le sénateur Morin: Est-ce que cela ouvrirait les frontières si nous le faisions?

M. Marsland: Cet été, la réaction des 34 pays qui ont imposé des restrictions à l'importation de viande de boeuf et de bovins canadiens ne va pas du tout dans le sens des quinze années de recherches scientifiques qui nous ont permis de comprendre cette maladie. C'est un bête bouton, ouvert, fermé. Un cas d'ESB et la frontière est fermée. Cela ne va pas du tout dans le sens des normes internationales élaborées par l'Organisation internationale qui régit les échanges commerciaux avec les pays qui ont connu des cas d'ESB et qui sont classés graduellement en catégorie libre, libre sous condition, risque faible et modéré et saturé.

Nous commençons à voir une évolution de cette réaction sur deux plans. Premièrement, les États-Unis et le Mexique ont partiellement rouvert leurs frontières à la viande de boeuf canadienne, partant du principe que selon les données scientifiques il n'y a pas de risque ou un risque négligeable associé à certaines catégories de coupe de viande de bovins de certains âges et de bovins plus jeunes, risque encore moindre si certains morceaux à risque spécifié sont systématiquement écartés. C'est la première évolution. Elle est relativement importante. Qu'un pays rouvre ses frontières à un pays qui a connu un cas d'ESB est un premier pas important.

Deuxièmement, le ministre Vanclief, avec le secrétaire Veneman des États-Unis et le secrétaire Usabiaga du Mexique, ont demandé à l'OIE de préparer une approche pragmatique fondée sur les dernières données scientifiques pour des directives internationales en réponse à des cas d'ESB. Ces réunions commenceront la semaine prochaine. Il y a un mouvement dans le monde qui tend à reconnaître que la science nous permet de beaucoup mieux comprendre les risques associés à la maladie et au commerce de ces animaux.

Le sénateur Roche: N'y a-t-il aucune raison pour que le Canada impose des normes pour l'ESB supérieures aux normes internationales? Respecter les normes internationales ne devrait-il pas être suffisant pour renforcer scientifiquement nos méthodes de surveillance?

Mme Bossé: Ce sont toutes les options que nous préparons pour notre ministre. Elles sont toutes dérivatives. Elles correspondent à des combinaisons de différents programmes et la surveillance est l'un d'entre eux. Renforcer les mesures d'interdiction de farine animale en est un autre.

Le sénateur Roche: C'est pour quand?

Mme Bossé: Le travail est en cours. Je ne peux pas vous donner de date exacte car le groupe de travail n'a pas terminé son travail.

La vice-présidente: Quand vous aurez terminé votre travail, que le ministre l'aura en main et que vous serez sur le point d'en communiquer les résultats, vous pourriez peut-être nous en envoyer une copie. Cela nous aiderait.

Le sénateur Morin: Avant que nous n'ayons ce cas, quelle était la position du Canada envers les pays ayant un seul cas d'ESB?

Dre Kahn: Nous refusions les importations.

Le sénateur Morin: Je sais mais sur quelle base?

Dre Kahn: Sur la base de politiques élaborées avec les États-Unis et le Mexique depuis un certain nombre d'années.

Le sénateur Morin: Quelle était la base de ces politiques? Pourquoi refusions-nous d'importer des bovins et de la viande originaires d'un pays n'ayant qu'un seul cas d'ESB? Bien sûr, il y avait des problèmes de santé publique mais quoi d'autre?

Dre Kahn: C'était simplement l'implication des mêmes politiques que celles adoptées par les autres pays n'ayant pas eu de cas jusque-là. Comme c'était une sorte de norme internationale, l'Amérique du Nord a adopté une approche analogue.

Le sénateur Morin: Oui, fondée sur la protection de la santé publique.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais changer de sujet. Comme je suis de l'Île-du-Prince-Édouard, je suis certaine que vous savez de quoi je vais parler: de pommes de terre. Les frais d'inspection ont augmenté d'une manière extraordinaire au cours des cinq dernières années. J'aimerais qu'on m'explique pourquoi.

Mme Bossé: Je suis terriblement désolée mais je ne peux pas répondre à votre question. Cependant, je me ferai un plaisir d'essayer d'obtenir les renseignements et de vous les faire parvenir. Je viens tout juste d'être nommée et mes spécialités ce sont les sciences et l'administration.

Le sénateur Callbeck: J'aimerais beaucoup avoir ces renseignements. Les augmentations sont extraordinaires.

J'ai une autre question sur les pommes de terre. Comme vous êtes nouvelle à ce poste, vous ne pourrez peut-être pas répondre. Cependant, vous pourrez m'envoyer la réponse. Il y a des années, tous les champs étaient inspectés. Les seuls champs inspectés sont les champs de plants de pommes de terre. En d'autres termes, si je cultive des plants de pommes de terre, mes champs sont inspectés. Cependant, les champs autour ne le sont pas à moins que le cultivateur ne le demande. Au cours des deux dernières années, nous avons connu un certain nombre de problèmes de virus.

Avez-vous pensé à des moyens pour aider les cultivateurs de plants de pommes de terre? J'aimerais vos commentaires.

Mme Bossé: Il faudra que je me renseigne pour vous. Je ne connais pas les programmes de pommes de terre et de plants de pommes de terre. J'essaierai d'avoir la réponse pour vous.

Le sénateur Callbeck: Merci.

La vice-présidente: Je vous écoutais et je pensais à la complexité des domaines dont vous avez la responsabilité. Il y a eu l'épidémie de SRAS, maladie transmise de l'animal à l'homme et qui nous est venue de l'étranger. Ce n'est pas forcément un problème qui est de votre compétence bien que je suis certaine que vous le suiviez de près. Que faites-vous face à ces nouvelles maladies? On a l'impression qu'il y en a une nouvelle tous les ans. Nous avons maintenant le virus du Nil.

Comment pouvons-nous être certains que le virus du Nil ne s'introduit pas dans notre chaîne alimentaire quand un moustique pique un animal et que nous mangeons cet animal? Ce n'est pas impossible. Il y a des gens qui ont ces nouvelles maladies et ce n'est que quelques années plus tard qu'on se rend compte de leur incidence sur leur santé.

Mme Dodds: Tout à l'heure, un de mes collègues a fait allusion aux maladies dites zoonotiques. Par définition, ce sont des maladies qui sont transmises par des animaux aux humains par le biais de différents vecteurs — parfois directement des animaux aux humains mais le plus souvent, par des vecteurs comme les moustiques, la nourriture ou l'eau. Ce sont des organismes qui provoquent des maladies chez les animaux mais qui peuvent aussi en provoquer chez les humains.

Cela fait plus d'un siècle que les responsables de la santé publique le savent. Les responsables de la protection de la santé humaine, qu'il s'agisse des problèmes liés à l'alimentation ou de la santé publique en général, ont toujours su qu'il leur fallait s'intéresser aux problèmes de santé des animaux. De plus en plus, les différents systèmes de surveillance permettent de les relier.

Pour comprendre, au niveau scientifique, j'utiliserais un exemple que tout le monde connaît — E.coli 0157, l'agent qui a causé la maladie propagée par l'eau de Walkerton. Le réservoir d'une telle maladie n'est pas la population humaine mais la population animale. Si nous pouvons avoir une idée de quels animaux sont infectés, qu'ils soient malades ou simplement porteurs, cela peut nous aider à comprendre quel contrôle il faut mettre en place pour protéger la santé humaine. Très souvent, c'est par le biais de mesures de sécurité et de sûreté alimentaire.

Pour les nouvelles maladies, c'est la même chose. Il y a la réalité scientifique de l'expérience passée qui montre que les micro-organismes peuvent infecter des animaux qui à leur tour peuvent infecter les humains. Nous sommes toujours sur le qui-vive. C'est surtout un problème avec les animaux à sang chaud. La température de notre corps est de 37 degrés. Les vaches sont également des animaux à sang chaud. Par conséquent, il est plus probable que les bactéries qui causent un problème et qui infectent les vaches puissent provoquer une maladie chez les humains plutôt que les poissons parce que la température des poissons est différente et leur physiologie est différente. Il y a moins d'agents pathogènes du poisson qui peuvent causer des problèmes de santé humaine. C'est la même chose pour les plantes qui ont un système biologique différent. Les organismes qui causent des maladies chez les plantes ont rarement un effet sur les humains. Par contre, cela arrive souvent avec des animaux à sang chaud comme les vaches et les cerfs.

La vice-présidente: Le virus du Nil est un exemple de maladie émergente. Les scientifiques la contrôlent?

Mme Dodds: La semaine prochaine, deux de mes collègues de Santé Canada seront là. Ils sont tous deux responsables des laboratoires spécialisés dans les zoonoses.

Mme Bossé: La semaine prochaine, M. Paul Kitching, qui est responsable du laboratoire de Winnipeg, sera ici avec M. Francis Plummer.

La vice-présidente: Je garde mes questions pour eux.

Mme Bossé: Beaucoup de travail a été fait sur le virus du Nil. Nous savons qu'il affecte certaines espèces, comme les chevaux, qui sont très susceptibles aux attaques du virus du Nil. Un vaccin a été mis au point pour les protéger.

Cependant, le SRAS est une maladie émergente qui a pris les gens au dépourvu car son évolution a été extrêmement rapide. Le Canada a réagi dès que la maladie a été identifiée et isolée. Le laboratoire de Winnipeg — de notre côté ainsi que du côté de la santé humaine — a organisé une expérience animale pour déterminer si les animaux pouvaient jouer un rôle dans la transmission du SRAS. Juste comme Toronto essayait de régler le problème, les laboratoires essayaient de déterminer la voie de transmission de la maladie. Nous savons qu'il peut prendre parfois très longtemps avant de bien comprendre les paramètres de transmission d'une maladie.

La vice-présidente: Je remercie nos témoins de leurs exposés instructifs et de leurs explications détaillées.

La séance est levée.


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