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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 25 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 23octobre2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi S-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes, se réunit aujourd'hui, à 11h 08, pour en faire l'examen.

Le sénateur MichaelKirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Chers collègues, nous sommes réunis pour examiner le projet de loi S-3, un projet de loi d'intérêt public présenté par le sénateur Poy et visant à modifier la Loi sur l'hymne national. Nous avons plusieurs témoins à entendre, ce matin. Essayons d'utiliser le temps dont nous disposons le plus efficacement possible. La Légion canadienne, qui a été invitée à témoigner, nous a envoyé une lettre dont je vais vous faire lecture officielle plus tard.

Notre premier témoin est le parrain du projet de loi, soit le sénateur Poy.

L'honorable ViviennePoy: Sénateur Kirby, je vous remercie.

Le projet de loi S-3 propose que les paroles de l'hymne national, en anglais, soient modifiées en remplaçant les mots «all thy sons command», par les mots «all of us command». Aucun changement n'est envisagé dans la version française.

Je parraine le projet de loi à l'étude de concert avec le sénateur TommyBanks, un distingué musicien de l'Alberta.

J'aimerais comme point de départ vous parler de l'historique du projet de loi S-3. Dans le cadre d'une interpellation au Sénat en février 2001, j'ai pris la parole pour faire remarquer que les femmes et les jeunes filles étaient absentes de notre hymne national, qui parle uniquement de tous ses fils. À la suite de cette interpellation et de l'attention médiatique sans précédent qui l'a entourée, des appuis se sont manifestés de toutes parts en faveur de modifier l'hymne national de manière à y inclure les femmes et les jeunes filles en utilisant des mots plus inclusifs. J'aimerais déposer certaines lettres que j'ai reçues du grand public en faveur de l'amendement.

Ensuite, en juillet2001, MmeFrancesWright et MmeJeanned'ArcSharp, toutes deux présentes dans la salle aujourd'hui, ainsi que le comité ad hoc de la Fondation Famous5, ont mis en circulation sur la colline parlementaire une pétition. Depuis lors, ils ont recueilli 3026signatures, et j'aimerais déposer les pétitions ici aujourd'hui. De nombreux sénateurs, entre autres, m'ont également manifesté personnellement leur appui.

J'aimerais parler des raisons qui m'ont amenée à déposer le projet de loi. En dépit du niveau sans précédent d'appuis dont jouit l'initiative et de toutes les personnes qui m'encouragent à aller de l'avant, je ne me serais peut-être pas sentie obligée de déposer le projet de loi au Sénat, n'eût été plusieurs facteurs.

Tout d'abord, lors du débat sur l'hymne national à la Chambre des communes, en 1980, les trois leaders de la Chambre se sont entendus pour faciliter l'adoption du projet de loi en limitant le débat à l'étape de la deuxième lecture à un seul intervenant par parti et en ne proposant pas de modification à la version anglaise de l'hymne national. Le sentiment d'urgence qui caractérisait l'adoption de la Loi sur l'hymne national venait du malaise collectif qui entourait l'unité nationale à la suite du référendum tenu au Québec en mai de la même année. C'est pourquoi le gouvernement fédéral estimait nécessaire de renforcer les symboles nationaux qui faisaient l'unité du pays. La loi a été adoptée avec très peu de participation de la part des Canadiens. Néanmoins, les leaders de la Chambre ont reconnu qu'il était nécessaire d'apporter des modifications au texte anglais et ont convenu de le faire au moyen d'un projet de loi d'intérêt public qui serait renvoyé à un comité spécial lors de la session suivante du Parlement. Cela ne s'est jamais fait.

Conformément à cet engagement, six projets de loi d'intérêt privé ont été déposés dans l'autre endroit depuis 1984 en vue de modifier l'expression «in all thy sons command» de manière à y inclure les femmes. Toutefois, aucun de ces projets de loi n'a jamais été renvoyé à un comité.

Manifestement, l'amendement à l'étude aurait dû être fait pour tenir l'engagement pris par les leaders en 1980. Le projet de loi S-3 est une tentative en vue de respecter cet engagement.

Ensuite, comme l'a soutenu si énergiquement le sénateur Beaudoin à la Chambre, l'amendement à l'étude ferait en sorte que l'hymne national respecte le principe de l'égalité des droits pour les deux sexes, tel que garanti à l'article28 de la Charte des droits et des libertés entrée en vigueur en1982, de manière à refléter la place des femmes dans la société canadienne.

Ensuite, j'ai découvert que, contrairement à toutes les sources connues, y compris à Patrimoine canadien, le texte original du Ô Canada de1908, qui est conservé aux Archives nationales, n'incluait pas l'expression «True patriot love in all thy sons command». La version de 1908 dit plutôt: «True patriot love thou dost in us command». Patrimoine canadien vient de corriger l'information sur son site Web. Chers collègues, j'aimerais déposer le document que voici, soit la première version d'Ô Canada protégée par des droits d'auteur, de sir Robert Stanley Weir.

Quatrième point, il existe un précédent où un hymne national a été modifié. En Australie, pays avec lequel le Canada a beaucoup d'affinités, Advance Australia Fair a été modifié de manière à le rendre plus inclusif. Le comité qui a examiné les paroles de l'hymne national au début des années80 a remplacé l'expression «Australians sons let us rejoice» par «Australian all let us rejoice», avant de le désigner officiellement comme son hymne national en1984.

Cinquième point, pour ce qui est du projet de loi S-3 comme tel, des musicologues et des linguistes ont été consultés pour savoir si l'amendement proposé visant à remplacer l'expression «in all thy sons command» par «in all of us command» était valable à la fois sur le plan musical et sur le plan linguistique.

Quant à l'historique du projet de loi S-3, un an après l'interpellation initiale, en février 2002, j'ai déposé le projet de loi S-39 et prononcé le discours à l'étape de la deuxième lecture, mais le projet de loi est mort au Feuilleton lorsque le Parlement a été prorogé. Dès le début de l'actuelle session, j'ai immédiatement redéposé le projet de loi, sous le numéro S-3. Je remercie tous les sénateurs qui ont pris la parole au sujet des projets de loi S-3 et S-39, tant leurs partisans que leurs détracteurs. Il importait d'avoir un débat sur nos symboles nationaux. Je remarque qu'il a été passionné.

Passons maintenant aux préoccupations que soulève le projet de loi S-3. De toute évidence, l'amendement proposé inquiète parce que nous sommes tous attachés à notre hymne national et qu'il est donc source de vives émotions. J'espère pouvoir dissiper certaines des inquiétudes exprimées.

Ainsi, on a dit qu'il était impossible de modifier l'hymne national parce qu'il était passé dans la tradition. Toutefois, sir Robert Stanley Weir a modifié plusieurs fois le Ô Canada. De nombreuses versions différentes ont eu cours tout au long du XXesiècle. Le comité qui s'est réuni pour examiner l'hymne national en1967 a également changé neuf mots du texte. Je propose de n'en changer que deux.

Par conséquent, l'hymne national traditionnel date de 1980. En fait, si l'on tient vraiment à respecter la tradition, il faudrait remonter jusqu'à la version authentique de 1908 où il est question justement de «us» plutôt que de «sons».

On craint aussi que le changement ne soit envisagé par souci de rectitude politique. Je peux vous affirmer avec certitude que ce n'est pas le cas. De nombreux mots qui avaient cours auparavant ne sont plus acceptables dans la société canadienne. Le guide stylistique de la Presse canadienne impose l'emploi de mots inclusifs. Même l'émission Star Trek a changé les mots que l'on entend au début: «Where no one has gone before». De nombreuses églises offrent d'autres versions de leurs hymnes qui incluent les femmes. L'Église unie déclare, dans ses lignes directrices, que le langage inclusif est important parce qu'il reflète le monde dans lequel nous vivons et le façonne... L'emploi de mots inclusifs est donc une question de justice. On ne peut le rejeter comme étant une mode passagère ou la préoccupation de quelques radicaux. La nouvelle version internationale de la Bible a été modifiée de manière à faire davantage place aux femmes. De fait, si sir Robert Sanley Weir a employé des mots inclusifs dans la version originale de Ô Canada, pourquoi supposer que l'amendement projeté est proposé par souci de rectitude politique? Ces mots étaient déjà utilisés en 1908.

On craint aussi, par cet amendement, de manquer de respect envers nos anciens combattants. J'avoue ne pas du tout comprendre cet argument. Combattre est-il le seul moyen de faire preuve de patriotisme? L'amendement à l'étude ne diminue en rien notre reconnaissance de la contribution de ces hommes. Ce serait le cas s'il proposait «in all thy daughters command». L'amendement substituant le mot «us» inclut simplement toutes les femmes qui ont aussi participé à l'effort de guerre, de nombreuses façons. Que fait-on des femmes qui ont fait leur part au pays en travaillant dans les usines, des femmes pilotes qui ont livré les appareils aux hommes de l'armée de l'air, de celles qui ont travaillé comme infirmières au front? Nous savons tous, j'en suis sûre, à quel point la contribution des femmes a été importante durant la guerre.

M.StuartLindop, ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale, soutient avec passion ce qui suit:

En tant qu'ancien combattant, que bénévole blessé au front durant la libération de la Hollande, je suis très conscient de l'énorme contribution des femmes à l'effort de guerre canadien au sein des Forces armées, au sein de l'industrie et au front intérieur. Les femmes qui font partie des Forces armées canadiennes, lorsqu'elles chantent notre hymne national, doivent y voir une certaine ironie, surtout là où il est question de «True patriot love in all thy sons command». En effet, les femmes en sont implicitement exclues.

Un autre ancien combattant, DonaldJackson, a écrit:

J'en suis à ma 80eannée et je suis un ancien combattant de la Seconde Guerre mondiale. Voilà quelque temps déjà que les mots de notre hymne national «True patriot love an all thy sons command», qui semblent exclure les femmes, me mettent mal à l'aise. Selon moi, il faudrait lire, dans cette partie de notre hymne: «True patriot love in all of us command». Par ce simple changement, on inclurait tous les Canadiens, non seulement les hommes du Canada».

Par ailleurs, on craint aussi d'ouvrir la porte à des changements à n'en plus finir dans l'hymne national. Ce n'est pas le cas. Je ne propose pas de changement à la version française de l'hymne national, pas plus que je ne propose de retirer la mention de Dieu ou de la terre de nos aïeux. Le projet de loi à l'étude a simplement pour objet de rafraîchir l'hymne national de manière à ce qu'il témoigne davantage de notre société actuelle, y compris de la moitié de sa population.

En quoi l'amendement est-il positif? J'aimerais déposer un document qui réunit plusieurs citations de personnalités des médias, des milieux universitaires, du cercle des études de la condition féminine et du gouvernement qui ont marqué leur appui au changement. Avec votre permission, je vais vous en lire quelques passages. L'honorable MitchellSharp, dont les liens avec le gouvernement du Canada sont bien connus, a écrit:

Par la présente, je vous félicite d'avoir décidé de déposer un projet de loi visant à remplacer le mot «sons», dans l'expression «True patriot love in all thy sons command» de l'hymne national, par un mot qui a pour effet d'inclure les deux sexes.

MmeLornaMarsden, un sénateur dont certains d'entre vous se souviennent peut-être et actuel recteur de l'Université York, a écrit:

Félicitations pour votre projet de loi visant à changer les paroles de l'hymne national de manière à revenir à la version originale non sexiste— vos arguments s'appuyant sur la version originale de 1908 sont incontestables.

J'ai également reçu une lettre d'appui de M.RobertBirgeneau, président de l'Université de Toronto, qui écrit:

Je vous félicite d'avoir pris l'initiative au sujet de cette très importante question d'équité dans une des expressions les plus puissantes de notre identité canadienne— notre hymne national.

M.PeterTrueman, un ancien présentateur de nouvelles bien connu de la chaîne Global Television, a écrit:

À mon avis, l'expression «True patriot love in all thy sons command» devrait être remplacée par l'expression «True patriot love in all of us command».

Des organisations de femmes et des groupes d'étude de la condition féminine appuient également la modification proposée. L'Église unie, en conformité avec sa politique d'emploi de mots inclusifs dans les hymnes, a également adopté une motion à l'appui de l'amendement.

L'amendement à l'étude concerne également les générations futures de jeunes filles et de jeunes hommes actuellement aux études. Il représente un véritable engagement à l'égard de l'égalité dans les paroles de notre plus important hymne.

J'en veux pour preuve l'éditorial de Catherine Clark, dans le Toronto Star, qui, en tant qu'adolescente influençable de 14ans, s'est rendu compte qu'elle n'était pas incluse dans l'hymne. Je cite:

Les paroles «in all thy sons command» et le fait que notre hymne n'incluait ni moi, ni les autres membres de mon sexe, m'ont frappée, ce Jour du Canada en particulier.

Le YWCA du Canada, qui travaille activement auprès des jeunes filles du pays, a écrit pour dire qu'il constate le besoin de changer l'hymne national de manière à refléter les aspirations des jeunes filles.

Pensez à ces écoliers qui chantent l'hymne national. Plusieurs enseignants ont également épousé la cause. En1993, JudithOlson, qui enseigne la musique en Ontario, a lancé le comité pour l'équité du Ô Canada après avoir entendu plusieurs étudiants s'interroger sur l'exclusion implicite dans les mots «in all thy sons command».

J'ai reçu plusieurs lettres de pères et d'époux que les paroles de l'hymne mettent mal à l'aise et qui demandent qu'elles soient changées. Je parle au nom de nombreux Canadiens aujourd'hui.

L'hymne national devrait appartenir au peuple et représenter pour lui un moyen d'exprimer sa fierté. Il fait partie de son identité. Quand, en 1980, la Loi sur l'hymne national a été adoptée sans s'arrêter à des questions importantes comme l'expression «thy sons», les Canadiens n'ont pas eu voix au chapitre. Comme je l'ai déjà dit, la Loi sur l'hymne national a été adoptée par la Chambre des communes et le Sénat en une seule journée, le 27juin1980, les leaders de la Chambre limitant le débat à un seul intervenant par parti et promettant que tous les projets de loi visant à modifier la loi, par exemple à remplacer les mots «sons», seraient examinés par un comité spécial. Comme cela ne s'est jamais produit, les membres du grand public n'ont jamais pu donner leur opinion dans le cadre d'une étude de la Loi sur l'hymne national de 1980. Personne n'a été invité à faire un exposé, et même la participation des députés et des sénateurs a été limitée.

Le 27 juin 1980, le secrétaire d'État et ministre des Communications d'alors, Francis Fox, qui avait déposé le projet de loi, a reconnu que bien des gens aimeraient que soient remplacés les mots «sons» et «native land» de manière à mieux témoigner de la réalité du Canada. Il a ajouté:

Tous les députés semblent, je crois, être en sympathie avec ces préoccupations. J'aimerais donc donner à mes collègues l'assurance qu'au cours de la prochaine session, le gouvernement sera disposé à examiner un projet de loi d'intérêt public à cet égard.

Ed Broadbent, alors chef du NPD, a déclaré:

Je tiens à dire, dans ce contexte, qu'une partie de l'entente décrite par le ministre lorsqu'il a présenté le sujet aujourd'hui est qu'un comité sera formé durant la prochaine session pour traiter de certains changements importants aux paroles de l'hymne national.

Ed Broadbent a tout particulièrement parlé de changer le mot «sons».

Le comité n'a jamais été formé, de sorte que les porte-parole des Canadiens et des Canadiennes n'ont pas pu exprimer leurs réticences, puisque le débat était clos. Des réticences ont également été exprimées au Sénat, et le projet de loi n'a été adopté que parce qu'on supposait au départ qu'un comité serait formé pour étudier des modifications qui le rendraient plus conforme à la réalité canadienne.

Depuis 1980, presque tous les projets de loi d'intérêt public visant à modifier l'hymne national ont porté sur le mot «sons». Notre hymne qui exclut la moitié des écoliers. Ces paroles contredisent le message que véhiculent les enseignants partout— que les jeunes filles et les jeunes hommes ont les mêmes capacités et les mêmes compétences et qu'ils rendent les mêmes services à leur pays. Il faut redresser la situation. Il en va de l'avenir du Canada.

Vous êtes-vous demandés ce que pensent les femmes qui font actuellement partie de nos forces et qui sont prêtes à combattre avec fierté pour leur pays, ainsi que les femmes qui ont appuyé l'effort de guerre avec tant de compétence dans le passé? Qu'en est-il des femmes athlètes qui ont été si acclamées aux Olympiques et des immigrantes qui croyaient être arrivées dans un pays offrant des chances égales?

Honorables sénateurs, quand le Ô Canada est entonné avec fierté, c'est pour inspirer. Laissons-le inspirer tous les Canadiens.

Le sénateur Fairbairn: Merci, monsieur le président, et merci beaucoup, sénateur Poy. Votre initiative est très courageuse. Je sais que ce fut un long processus.

Il y a plusieurs observations que j'aimerais faire avant de poser ma question. Je suis heureuse de voir FrancesWright ici aujourd'hui. Nous venons d'une province qui est encore proche de ses origines, et nous avons été élevées par des mères et dans des familles qui nous ont encouragées, parfois même à contre-coeur, à prendre part à l'action d'égal à égal avec tous nos collègues.

À mon avis, ce n'est pas une question de rectitude politique ou de préjugé. C'est une question d'oubli.

Dans le sud de l'Alberta, d'où je viens, nous chantons l'hymne national sans arrêt; nous aimons le faire. Je suis fière d'être colonel honoraire du 18erégiment d'artillerie antiaérienne. Quand nous remettons des médailles, nous entonnons l'hymne national et, en face de moi, se trouvent des soldats, des hommes et des femmes, qui reviennent de Bosnie et souffrent en silence de ce qu'ils ont vécu là-bas dans l'exercice de leurs fonctions. Il est difficile de regarder ces femmes en prononçant les paroles de notre hymne national.

Je dois d'abord avouer au comité et à tout le monde que cette question me préoccupe depuis ma 3eannée. À l'époque, on était en période de guerre, et je ne pouvais pas comprendre pourquoi nous chantions cette chanson. L'hymne national était loin de mes préoccupations et de celles des autres élèves de ma classe.

J'approuve évidemment ce que vous faites, sénateur Poy. Vous avez énuméré beaucoup de gens importants qui ont réagi favorablement à votre initiative. Avez-vous entendu la réaction des jeunes, quand vous avez fait valoir et expliqué votre point de vue?

Le sénateur Poy: Toutes les réactions dont je me souviens sont celles des parents. Le YWCA représente les enfants, mais je ne me rappelle pas avoir reçu de lettres de leur part, sauf que des parents ou des adultes m'ont dit que la situation les gênait depuis très longtemps, et des enseignants m'ont signalé que des enfants leur ont demandé pourquoi il n'était pas question d'eux dans notre hymne national. Les enseignants m'ont fait part de cette préoccupation au nom de leurs élèves.

Le sénateur Callbeck: Sénateur, je vous félicite d'avoir présenté ce projet de loi, bien sûr. Je sais que la préparation a été longue et je vous remercie d'avoir tenu bon. Je l'approuve pour les raisons évidentes que vous avez indiquées.

Il y a toujours beaucoup d'inquiétudes qui sont exprimées quand un projet de loi est présenté, et il y en a eu aussi pour le vôtre. Vous les avez relevées et y avez bien répondu.

J'aurais une question à vous poser. Le projet de loi a pour titre: «Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes». Des gens sont d'avis qu'il faudrait changer d'autres paroles pour englober tout le monde. Par exemple, les mots «native land» excluent les immigrants reçus. D'autres paroles soulèvent des objections. J'aimerais avoir votre avis là-dessus.

Le sénateur Poy: En fait, les gens m'ont posé des questions à ce sujet. J'ai reçu beaucoup d'autres suggestions, mais je ne propose pas de changer d'autres paroles. Vous avez soulevé la question de «native land». Dans le texte actuel, le mot «native» dans l'expression «our home and native land» fait référence au pays où on est né, à notre pays natal. Beaucoup de Canadiens sont nés ici; les immigrants choisissent de faire du Canada leur patrie. Je considère le Canada comme la patrie que j'ai choisie, mais le pays natal de mes enfants. D'une certaine façon, on englobe tout le monde. Cela ne me pose pas de problème. Ce sera aux gens que cela dérange de s'en occuper.

Le sénateur Callbeck: J'ai aussi entendu dire, à propos de «God save our land», ou Dieu garde notre patrie, que le mot «Dieu» exclut certaines religions.

Le sénateur Poy: Je ne trouve pas. À ceux qui m'ont demandé d'enlever le mot Dieu, je réponds qu'il désigne seulement un être supérieur. Tous ceux qui croient en un être supérieur ont leur propre dieu. Une faible proportion de Canadiens ne croient en rien, mais la plupart d'entre nous croient. Ce dieu s'appelle différemment pour un musulman, un hindou ou un chrétien. Il reste que «Dieu» désigne un «être supérieur». Cela ne me pose pas de problème.

Le sénateur Callbeck: Merci et félicitations.

Le sénateur Cordy: J'aimerais moi aussi me joindre à mes collègues pour vous féliciter de l'énorme travail que vous avez accompli. Les informations que vous nous avez fournies tout à l'heure sont tellement détaillées qu'elles m'ont aidée à prendre ma décision. J'approuve moi aussi votre projet de loi.

Je suis membre du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Comme le sénateur Fairbairn, j'ai visité des bases militaires d'un bout à l'autre du pays, et je me suis fait un point d'honneur, comme je suis la seule femme au sein du comité, de chercher à m'adresser aux membres féminins des Forces armées. La contribution de nos militaires, hommes et femmes, est tellement extraordinaire que je n'aime pas que notre hymne national exclue les femmes. Vous avez dit que les enseignants essaient toujours de faire la promotion de l'égalité des sexes, et j'ai remarqué vos propos ayant moi-même déjà enseigné aux élèves du primaire.

J'ai été frappée d'apprendre dans ce que vous nous avez dit ce matin que la Loi sur l'hymne national a été adoptée en 1980 et qu'un comité avait alors promis d'examiner la possibilité d'y apporter des modifications. Avez-vous dit qu'aucun comité n'avait été formé pour l'examiner?

Le sénateur Poy: C'est exact. J'ai lu, dans les Débats de la Chambre des communes et dans les Débats du Sénat, les travaux qui ont entouré l'adoption du projet de loi. C'est ce qu'on avait promis, mais une fois le projet de loi adopté, la promesse n'a pas été tenue.

Par la suite, tous les projets de loi d'initiative parlementaire présentés par des députés à la Chambre des communes n'ont jamais eu de succès. C'est ce qui s'est arrivé. En tant qu'historienne, j'ai fouillé la question. J'aime toujours aller au fond des choses. C'est ainsi que nous avons découvert ce qui s'était vraiment passé et pourquoi le texte de l'hymne national est ce qu'il est. En 1980, nous avons adopté la Loi sur l'hymne national à la hâte pour montrer l'unité du pays. On a réussi à le faire adopter seulement parce que les dirigeants ont promis à la Chambre des communes et au Sénat que le texte serait modifié par la suite, mais il ne l'a jamais été.

Le moment est maintenant venu d'honorer la promesse faite.

Le sénateur Cordy: Vous avez parlé de l'aspect historique de notre hymne. Quand j'ai examiné le projet de loi, dont je trouve l'objectif fort louable, je m'étais demandé s'il s'agissait d'un document historique. Je me demandais si nous n'allions pas changer pas le texte d'un document historique. Or, j'ai découvert en fait que le document historique contient les mots que vous proposez.

Le sénateur Poy: Oui, il utilise le mot «us».

Le sénateur Cordy: Il englobe tout le monde. On l'a remplacé par le mot «sons» dans le document historique. Merci de l'énorme travail que vous avez accompli.

Le président: Je vais demander aux prochains groupes de témoins de s'avancer. Nous allons entendre M.Kallmann, MmeWright, MmeSharp et MmeLaidlaw-Sly.

Je vais demander aux témoins de faire une brève déclaration. Nous vous poserons des questions une fois que vous aurez tous pris la parole, comme nous le faisons souvent. Je vais demander à MmeWright de commencer.

MmeFrancesWright, présidente, Fondation Famous5: La Fondation est très heureuse de participer au rétablissement de l'hymne national. Encore une fois, merci, honorables sénateurs d'avoir appuyé et accueilli les cinq femmes célèbres sur la Colline du Parlement pour qu'elles puissent en inspirer d'autres, chacun d'entre nous, à être des bâtisseurs de notre pays. Elles n'y seraient pas sans le rôle de premier plan que certains d'entre vous ont joué, notamment le sénateur Fairbairn, le sénateur Poy, qui a été d'une grande générosité, ainsi que des gens comme vous, monsieur le président et sénateur Callbeck.

Il est de circonstance que nous soyons réunis ici aujourd'hui, cinq jours après le 74e anniversaire de l'affaire personne pour discuter d'un mot, d'un symbole — et de son pouvoir de nous rassembler ou de nous diviser. En revenant à l'intention première du parolier, le juge StanleyWeir, vous allez nous permettre à tous de participer à l'édification du Canada, simplement en chantant notre hymne national.

La Fondation Famous5 a été créée en 1996 pour célébrer le 70eanniversaire de l'affaire personne, et pour reconnaître et encourager l'initiative des femmes, en collaboration avec les hommes de coeur du Canada. À l'occasion de toutes nos activités, nous entonnons le Ô Canada. Au printemps de 1997, MmeBetty Donaldson, professeure de renom à l'Université de Calgary, est venue nous demander si nous pouvions faire changer les paroles de l'hymne national pour englober à la fois les hommes et les femmes. Comme nous étions occupées, nous lui avons proposé de le faire dans deux ou trois ans.

Puis, il y a trois ans, nous sommes allées montrer la maquette de notre monument dans toutes les assemblées législatives provinciales du pays, et même ici, en partenariat avec les Guides du Canada. Après presque chaque présentation, les filles, ou leurs pères, venaient nous demander comment ils pouvaient s'identifier à l'hymne national, ou comment leurs filles pouvaient le faire. Chanter Ô Canada suscite tout un sentiment patriotique. Heureusement pour nous, le sénateur Poy a accepté de s'associer à nous et de défendre cette cause. Nous vous remercions énormément, vous, sénateur Poy, et votre personnel qualifié, d'avoir retrouvé autant d'informations dont nous avons besoin aujourd'hui pour prendre une décision.

Quand nous avons lancé notre pétition ici sur la colline, en 2001, Jeanned'ArcSharp, qui va faire un bref exposé aujourd'hui, s'est jointe à nous ainsi que d'autres membres du comité qui se trouvent ici aujourd'hui. Le processus a été long avant aujourd'hui.

Pour la plupart des Canadiens, la Charte des droits et libertés est l'un de nos symboles nationaux les plus significatifs. Ce que nous cherchons à faire aujourd'hui, entre autres, c'est assurer l'harmonie entre tous nos symboles nationaux, nos politiques et nos pratiques.

D'autres symboles relient aussi l'ensemble des Canadiens, et l'un d'eux est notre monnaie. Tous les Canadiens utilisent notre monnaie, n'est-ce pas? En octobre2004, la Banque du Canada et le gouvernement du Canada vont lancer le nouveau billet de cinquante dollars qui fera partie de la fabuleuse nouvelle série intitulée «L'épopée canadienne», une autre initiative de la Fondation Famous5.

Le nouveau billet de cinquante dollars va rendre hommage aux bâtisseurs de notre pays, aux femmes qui l'ont bâti. Une brochure a été produite, dont malheureusement je n'ai qu'un exemplaire à vous montrer aujourd'hui. Réservez tout de même la date du 13octobre2004 pour venir à Calgary célébrer ce que les femmes canadiennes, en collaboration avec nos hommes de coeur, ont fait pour bâtir notre pays. C'est la première fois que des femmes canadiennes sont honorées par la mise en circulation d'un billet de banque. Cette initiative va offrir aux filles et aux garçons, aux femmes et aux hommes, l'occasion de s'engager davantage à travailler et à être prêts à tout pour le Canada, véritable objet de notre amour patriotique.

En janvier de l'an prochain, Parcs Canada va organiser un petit colloque ayant pour thème l'histoire des femmes. On veut élaborer de nouvelles stratégies et de nouveaux moyens pour encourager et célébrer les filles du Canada, afin de reconnaître autant les hommes que les femmes qui bâtissent notre nation.

Étant donné que le Canada n'a pas de serment l'allégeance, notre hymne national prend plus d'importance. Nous vouons hommage et respect au Canada et à ceux qui ont bâti notre magnifique pays mais, en plus, nous lui rendons allégeance en chantant «Ô Canada, we stand on guard for thee», nous sommes prêts à tout pour toi. Nous allons nous encourager, nous et d'autres, à faire du Canada un meilleur pays chaque fois que des Canadiens diront «True patriot love in all of us command», objet de l'amour patriotique de nous tous, que ce soit de nouveaux Canadiens ou des Canadiens de longue date, qu'ils soient jeunes, vieux, minces ou grassouillets, peu importe, nous serons tous englobés.

Au printemps de 2001, le gouvernement fédéral a inauguré notre magnifique cimetière militaire national. Un impressionnant monument y est élevé —et je crois que vous avez une coupure de presse à ce sujet— sur lequel y sont gravés les mots suivants:

AUX HOMMES

ET FEMMES

DES FORCES

ARMÉES DU

CANADA QUI ONT

SERVI LEUR NATION

AVEC DISTINCTION

EN TEMPS DE

GUERRE ET DE PAIX

Heureusement, le Canada a vécu surtout des moments de paix.

J'ai reçu de nombreuses lettres de femmes qui ont fait partie de la division féminine, dans l'aviation, l'Armée ou la Marine marchande et de femmes qui font partie des Forces armées aujourd'hui.

Par conséquent, pour harmoniser tous nos symboles nationaux et nos politiques, je vous demande de rétablir notre hymne. Il faut le rendre vraiment conforme à notre histoire, à notre réputation sur la scène internationale et à nos rêves. On peut le faire en adoptant le projet de loi S-3. En ranimant le sentiment initial, nous allons faire du Ô Canada un nouvel appel à tous pour servir notre pays. Personne n'aura plus d'idée vague au sujet de ceux qui bâtissent le Canada, qu'on ait 7 ou 70ans; quand nous chantons Ô Canada, nous le saurons tous clairement. «True patriot love in all of us command», et merci à tous.

[Français]

Mme Jeanne d'Arc Sharp, membre de la Fondation Famous 5: Monsieur le président, salutations distinguées à tous les membres du comité.

[Traduction]

Je tiens d'abord à féliciter le conseil d'administration de la Fondation Famous5 et sa présidente et directrice générale, FrancesWright. Dans un document sur les orientations stratégiques de 2000-2005, sous le titre de la rubrique «sensibilisation du public», on peut lire que l'objectif est de mettre en oeuvre un plan afin que l'hymne national utilise un langage non sexiste.

J'aimerais ensuite féliciter le sénateurPoy. Elle a lancé un premier appel en février2001, et un autre en octobre2002. Elle a découvert dans ses recherches la version originale du Ô Canada qui date de 1908 et dans laquelle on peut lire les mots «True patriot love thou dost in us command».

Quand la Grande-Bretagne est en guerre, le Canada l'est aussi. Il n'y a pas de différence, comme l'a dit le premier ministre sirWilfridLaurier, à la Chambre des communes le 12janvier1910. Au début du mois d'août de 1914, quand la Grande-Bretagne a déclaré la guerre à l'Allemagne, le duc de Connaught, qui était le gouverneur général du Canada à l'époque, a parlé d'une grande manifestation de vrai patriotisme chez nous, c'est-à-dire dans l'ensemble du pays. C'est à ce moment-là que Son Honneur RobertStanleyWeir a décidé de modifier les paroles du Ô Canada qu'il avait écrites et de les protéger par le droit d'auteur; il a alors écrit «True patriot love in all thy sons command». Ce n'est pas surprenant qu'il l'ait fait puisque de 1914 à 1918, nos pères, nos frères et nos fils ont été appelés sur les champs de bataille par milliers. Des milliers d'autres ont dû aller remplacer tous ceux qui y ont laissé leur vie.

Même si c'est en beaucoup plus petit nombre, les femmes ont participé à l'effort de guerre depuis le début; en effet 2504infirmières en uniforme ont servi dans les Forces armées canadiennes à l'étranger et 39 d'entre elles y sont mortes.

Monsieur le président, de 1914 à 1918, l'effort de guerre des civils au pays a été considérable. Des soldats ont été envoyés au cours des premières semaines de la guerre, et on ne peut oublier la loi qui a reçu la sanction royale le 20septembre1917 et qui autorisait la perception d'un impôt de guerre sur certains revenus. Le 24mai1918, on a aussi adopté une loi assurant une indemnisation dans le cas des employés de Sa Majesté ayant été tués ou blessés dans l'exercice de leurs fonctions.

Aujourd'hui, les Canadiens payent toujours de l'impôt sur le revenu, et une indemnisation est encore versée pour nos soldats masculins et féminins blessés ou tués en territoire de guerre. Les paroles «True patriot love in all thy sons command» de notre hymne national excluent les femmes, qui composent plus de 50p. 100 de la population de notre pays, qui excellent dans toutes les sphères d'activités et qui ont servi avec bravoure dans les Forces armées. Je suis sûre que, dans sa première version du Ô Canada composée en 1908, le jugeWeir avait l'intention d'englober les hommes et les femmes.

J'appuie le projet de loi S-3. Il vise à rétablir le mot «us» dans la version originale de l'hymne national. Les Canadiens entonneront ensuite l'hymne avec plus d'enthousiasme.

Mme Catherine Laidlaw-Sly, présidente, Conseil national des femmes du Canada: Le Conseil national des femmes du Canada est heureux d'avoir l'occasion d'appuyer la démarche du sénateur Poy, qui vise à modifier la version anglaise de l'hymne national. Nous tenons à la féliciter pour le travail de recherche qu'elle a effectué.

Il convient de noter, comme d'autres l'ont déjà fait, que les mots utilisés dans la version originale de l'hymne national étaient inclusifs. J'ajouterais que le Conseil était conscient de ce fait en 1983 lorsqu'il s'est penché sur la question, cette année-là.

De manière générale, le Conseil n'était pas satisfait, en 1980, des mots qui avaient été adoptés. Il estimait que l'amour du pays, la loyauté envers celui-ci dans les bons comme dans les mauvais moments, étaient des sentiments que tous pouvaient ressentir, pas uniquement les hommes. Il savait aussi—et vous en avez parlé, sénateurCallbeck— que le mot «native» était peut-être inapproprié, étant donné qu'un grand nombre de Canadiens avaient choisi le Canada comme patrie.

En 1983, le Conseil national a tenu un débat sur la question. Soucieux de connaître l'opinion de ses membres, il a préparé un questionnaire, qu'il a ensuite distribué. Il n'a pas retenu, pour ce faire, les services d'un spécialiste. Comme vous pouvez l'imaginer, quand on fait un travail d'amateur, on obtient des résultats mitigés. Le questionnaire proposait des choix, sauf qu'il ne posait pas la question prédominante: «Voulez-vous qu'on modifie l'hymne? Si oui, quelle modification doit-on y apporter?» Cette question n'a été posée qu'à la toute fin. Résultat: 30p.100 des répondants ont affirmé qu'il n'était pas nécessaire de changer l'hymne; 48p.100 ont dit qu'il fallait remplacer les mots «all thy sons» par «all of us», et un peu plus de 25p.100, par «all thine own».

Fait étonnant, plus de 64p.100 des répondants, soit presque deux tiers des membres, ont recommandé que le mot «native» soit remplacé par «cherished». J'ai trouvé cela intéressant. Je ne l'ai su que lorsque j'ai pris connaissance du document de travail qui avait été préparé cette année-là. Une résolution a été rédigée et soumise à l'assemblée générale annuelle, sauf qu'aucune politique n'a été adoptée, faute d'accord. J'ajouterais que cette résolution était probablement une proposition d'urgence. Or, une majorité des deux tiers est requise pour qu'elle soit adoptée. Malheureusement, la question n'a pas fait l'objet de nouvelles discussions dans les années qui ont suivi.

Depuis, bon nombre de nos membres préfèrent utiliser les mots «all of us». Quand le débat a été relancé, l'an dernier, on nous a dit que, depuis la tenue de la première conférence mondiale des Nations Unies sur les femmes, il était important de faire en sorte que les institutions nationales et les symboles—et nous considérons l'hymne national comme un de nos symboles les plus importants— englobent tout le monde. Nous savons maintenant qu'il ne convient plus d'utiliser, comme on le fait en anglais, la troisième personne du masculin pour désigner les hommes et les femmes. Cette pratique perpétue l'image que l'homme est plus important que la femme. Or, les femmes se sont battues pendant trop longtemps en vue d'obtenir l'égalité des droits pour accepter l'usage continu du genre masculin. De plus, les jeunes filles ne doivent plus accepter cette explication plutôt banale qu'on leur sert, à savoir que le mot «fils» englobe aussi les filles. Si c'est le cas, il faudrait, logiquement, qu'on le précise. Aujourd'hui, le remplacement des mots «all thy sons» est perçu, semble-t-il, comme un changement important qui s'impose depuis longtemps.

De plus, notre représentant auprès des Nations Unies nous signale que l'article 197 du programme d'action de Beijing, qui s'intitule «Mécanismes institutionnels chargés de favoriser la promotion de la femme», met l'accent sur la nécessité d'apporter des changements aux mécanismes et aux institutions chargés de la promotion de la femme pour que celles-ci participent pleinement aux activités de développement politique, économique, social et culturel.

Nous estimons que l'ajout des mots «social» et «culturel» à la loi sur l'hymne national rendrait celle-ci plus inclusive. Nous recommandons fortement que cette modification soit apportée.

L'an dernier, les membres du Conseil ont demandé à la présidente d'envoyer une lettre au comité dans le but de manifester leur appui au projet de loi. Le Conseil national des femmes du Canada espère que l'objectif du projet de loi sera atteint et que les parlementaires prendront les mesures qui s'imposent pour corriger la situation.

Le président: Enfin, nous allons entendre Helmut Kallmann, ancien musicothécaire de la Bibliothèque nationale.

M. Helmut Kallmann, ancien musicothécaire: Honorables sénateurs et chers invités, permettez-moi de faire un bref survol de la question, d'un point de vue avant tout musical.

Avant que le Ô Canada ne soit rédigé en 1880, plusieurs hymnes nationaux étaient entonnés au Canada lors d'événements patriotiques —mentionnons, par exemple, À la claire fontaine, Vive la Canadienne et, surtout, Sol canadien, terre chérie. En 1867, 13ans avant l'adoption du Ô Canada, nous chantions The Maple Leaf For Ever. J'ajouterais que «for ever» s'écrit en deux mots et non pas en un seul, comme le veut l'usage. Aucun de ces chants n'avait de statut officiel, même s'ils étaient entonnés lors d'événements patriotiques.

Le Ô Canada tire son origine de la célébration de la fête de saint Jean-Baptiste, en juin. En 1880, les Canadiens français, qui devaient célébrer une fête nationale, ont décidé de tenir un concours en vue de trouver un chant national.

Ils estimaient que le Canada avait besoin d'un hymne national. Le concours lancé, ils se sont rendu compte qu'ils étaient déjà en mars, que la célébration devait avoir lieu en juin et qu'il était impossible de choisir un texte et de le faire publier à temps. ErnestGagnon, président du comité, demanda à son ami, CalixaLavallée, né en 1842 et mort en 1891, de composer la musique. M.Lavallée était un musicien exceptionnel et bien connu qui avait composé la musique de nombreuses danses, comédies musicales, marches, morceaux pour piano, dont certaines ont été largement publiées. Il était la personne tout indiquée pour faire ce travail. M.Lavallée a composé trois ou quatre musiques, et les a envoyées à ses amis. Celle de Ô Canada a été choisie à l'unanimité.

Fait intéressant, la musique a été composée avant que les paroles ne soient écrites. Gagnon a dit à Lavallée: «Pourquoi n'écrivez-vous pas quelque chose qui ressemble à Ô Canada?» Il lui a peut-être donné les premières notes. Une fois la musique terminée, ils sont allés voir SirAdolphe-BasilRouthier, qui a rédigé les paroles françaises que nous utilisons aujourd'hui.

L'hymne a été joué pour la première fois le 21juin1880 par des orchestres militaires et civils, mais sans les paroles. Il a été chanté pour la première fois, si je ne m'abuse, le dimanche suivant.

À mon avis, et d'après de nombreux observateurs, l'Ô Canada est un chant magnifique, mais il y en a qui ne sont pas d'accord. Certains prétendent que les premiers mots d'Ô Canada évoquent la marche des prêtres dans le second acte de la Flûte enchantée.

Il y a deux ans, le Globe and Mail a publié une lettre qui disait, en gros:

C'est la musique qui me dérange. Il existe une étrange ressemblance entre la mélodie de CalixaLavallée et l'ouverture du second acte de la Flûte enchantée de Mozart. Si vous voulez emprunter la musique de quelqu'un, aussi bien vous inspirer de ce qu'il y a de meilleur. À bien y penser, comme le Canada n'est qu'un pays de second ordre, je suppose qu'il est normal qu'on ait un hymne légèrement usagé.

J'étais furieux. Je trouvais la lettre insultante. J'ai envoyé une lettre au Globe and Mail, mais il ne l'a jamais publiée. La musique ne vient pas de Mozart. Il y a seulement une ou deux mesures qui se ressemblent. L'Ô Canada compte 28mesures. Mozart avait utilisé les mêmes mesures dans l'un de ses premiers opéras, et il n'était pas le seul à le faire. Corelli, cent ans plus tôt, avait utilisé les mêmes mesures dans deux sonates pour violon. Il existe également une ressemblance entre la musique de Sonata for Young People, écrite par RobertSchumann dans les années 1850, et celle de Lavallée.

Le fait est que n'importe quel musicien, n'importe quelle personne capable de compter de un à cinq, peut intervertir les chiffres 1-3-5, 3-5-1, 5-3-1. Ajoutez 1-3-5, et vous avez le dernier mouvement de la Symphonie no5 de Beethoven. Ici, nous avons 3-5-1, et avec 5-3-1, vous arrivez à l'ouverture Die Meistersinger de Wagner. Il n'est pas nécessaire d'être un génie pour comprendre cela.

Ô Canada est très vite devenu populaire au Québec parmi les Canadiens français. Toutefois, il n'y avait qu'une seule version, la française. Vers 1901, le duc de Cornwall et de York, plus tard GeorgesV, s'est rendu à Toronto, en Ontario. La musique a été jouée sans les paroles. Dès lors, de nombreuses traductions sont apparues.

ThomasBedfordRichardson a été le premier à adapter le poème. La chorale de MasseyHall l'a également chanté en 1906. En 1908, sirStanleyWeir a écrit les paroles de la version que nous chantons aujourd'hui.

Plusieurs concours avaient été lancés, dont un par la revue Collier, qui a reçu 350textes. Vous pouvez imaginer combien d'entre eux étaient bons. Certains étaient des adaptations de la version française, ce qui n'allait pas du tout, et d'autres, des textes nouveaux. La bibliothèque publique de Toronto, aujourd'hui la Metro Toronto Library, possède un manuscrit, que j'ai vu il y a des années de cela, qui renferme 25versions différentes du texte.

C'était tout juste avant la Première Guerre mondiale. Depuis, la musique a été publiée à maintes reprises en plus de faire l'objet de nombreux enregistrements. En 1967, il a été décidé que l'Ô Canada allait devenir l'hymne national. Il n'a été adopté officiellement qu'en 1980.

J'appuie la démarche du sénateurPoy. Je ne vois pas pourquoi on ne changerait pas quelques mots dans le texte. Il ne s'agit pas d'un poème de Shelley, de Keats ou de Wordsworth. On peut changer des mots qui sont dépassés. L'hymne national, après tout, constitue un moyen d'exprimer des sentiments. Les mots, selon moi, ne sont pas sacro- saints. Je suis tout à fait d'accord avec l'idée de changer le texte. Si j'étais sénateur, je voterais en faveur du projet de loi.

Le président: Merci, monsieurKallmann. Y a-t-il des questions?

Le sénateur Callbeck: J'ai appris beaucoup de choses au sujet de l'hymne national depuis que je suis ici.

MonsieurKallmann, ai-je bien compris? Avez-vous dit que l'hymne national a été approuvé en 1967 et adopté en 1980?

M. Kallmann: Approuver et adopter un texte sont deux choses différentes. Je ne sais pas si l'hymne est devenu loi en 1967. Je n'ai pas le texte devant moi. Il existe une légère différence entre ces deux mots.

Le sénateur Callbeck: Monsieur le président, je voudrais profiter de cette occasion pour féliciter FrancesWright pour le rôle qu'elle a joué dans l'édification du monument des «célèbres cinq» sur la colline. Je sais que c'est elle qui a parrainé le projet. Jamais un monument n'a suscité autant d'intérêt. Chaque fois que je passe devant celui-ci, il y des gens qui l'admirent. Il y a habituellement quelqu'un qui s'installe dans la chaise vide pour se faire prendre en photo. Donc, merci beaucoup.

Le président: Je vais souvent à mon bureau, l'été. J'ai noté que les autres statues ne sont pas aussi populaires. Il y a toujours des groupes de touristes ou de personnes qui admirent le monument des «célèbres cinq». Ce sont toujours les jeunes filles qui vont s'asseoir dans la chaise vide. Ce monument est devenu un point d'attraction sur la Colline. On ne s'attendait pas à ce qu'il soit aussi populaire.

Mme Wright: Il dépasse nos espérances. Le monument est très beau. C'est Barbara Patterson, une autre Albertaine, qui l'a conçu.

Il y a deux ans, un garde de sécurité qui, habituellement, travaillait le jour, mais qui, depuis quelques mois, travaillait la nuit, m'a téléphoné. Il m'a dit qu'il y avait toujours des gens autour du monument pendant la journée, et qu'à toutes les demi-heures, une ou deux personnes venaient s'y recueillir. C'était surtout des femmes, mais il y avait aussi des hommes. Ils s'installaient là, et la plupart d'entre eux versaient des larmes, poussaient des soupirs.

Je trouve cela étonnant. Le comité d'Ottawa a dit que plusieurs groupes d'entraide visitent le monument. Il y a aussi des malades qui viennent chercher un peu de réconfort auprès de ces mères de la Confédération. Différentes personnes aux prises avec un divorce ou des difficultés financières m'ont dit qu'elles aimaient se trouver en présence d'un groupe qui leur offre un appui moral et qui leur donne le courage d'aller de l'avant.

Je tiens à vous remercier de tout ce que vous avez fait pour que ce projet devienne réalité.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Fairbairn: J'ai vu des hommes, aussi, s'asseoir dans la chaise vide. C'est vrai. Le monument est comme un aimant. Nous en sommes tous enchantés. Toutes les femmes membres du Sénat en sont fières, surtout celles qui viennent de l'Alberta.

Sénateur Poy, vous dites que la statue attire les jeunes. Ces changements ne visent pas ma génération, mais plutôt les jeunes, les femmes qui luttent et qui font maintenant partie intégrante de la société canadienne. Je trouve anormal qu'elles soient exclues de l'hymne national.

Je note, madame Wright, que le Prix du Gouverneur général en commémoration de l'affaire personne est décerné, chaque année, à une jeune femme. J'aimerais que vous nous expliquiez comment, par ce changement, nous pouvons faire comprendre aux jeunes femmes qu'elles sont l'égale de l'homme.

Mme Wright: J'ai parlé des symboles qui englobent tout le monde. Certains se plaignent du fait qu'il n'y a pas d'hommes dans ce monument. Mon mari a toujours dit que les conjoints devraient eux aussi faire partie de la statue des «célèbres cinq», parce qu'elles n'auraient pas pu accomplir tout ce qu'elles ont fait sans l'aide de leurs conjoints et de leurs familles.

Toutefois, notre regard se porte du côté des jeunes, parce qu'ils ont une responsabilité énorme à assumer, vu la complexité du monde dans lequel nous vivons présentement. S'ils savent que leur contribution est appréciée et jugée importante, ils vont se sentir plus forts s'ils entendent et entonnent les mots «True patriot love in all of us command».

Pourquoi doit-on attendre d'avoir 21ans avant d'être considéré comme un adulte qui participe à la vie publique? Ne peut-on pas, à 13 ans, songer aux différentes façons dont on peut améliorer le monde? Les jeunes commencent déjà à s'affirmer sur le plan environnemental, au chapitre de l'esclavage des enfants, ainsi de suite.

Les mots «in all of us command» signifient tout simplement que nous sommes tous— et je dis bien tous— animés d'un sentiment patriotique. Cela ne peut qu'aider les jeunes.

Mme Laidlaw-Sly: Sénateur Fairbairn, il y a un autre point qui mérite d'être souligné, et c'est la participation des jeunes femmes aux activités sportives. Je suis maintenant arrière-grand-mère, et j'en suis très fière. Mes huit petites- filles ont la possibilité, aujourd'hui, de participer à des activités qui, jadis, leur étaient interdites. Le fait que les jeunes femmes puissent participer à toutes ces activités, comme nous l'avons déjà mentionné— ce sont surtout les équipes sportives formées de jeunes femmes qui ont apporté la gloire au Canada. Elles ont remporté beaucoup de médailles d'or— non pas que le fait de remporter une médaille d'or compte plus que tout, mais le fait qu'elles participent à des activités est importante.

Nous sommes tous éberlués lorsque nous entendons le Ô Canada en voyant l'accomplissement de nos jeunes, que ce soit dans le domaine du sport ou ailleurs. Il faut que le symbolisme colle à la réalité. La réalité, c'est qu'il y a des femmes parmi nous.

La présidente: Je tiens à remercier le groupe de témoins d'être ici aujourd'hui.

Avant d'inviter notre prochain témoin, je vais lire pour le compte rendu une lettre que j'ai reçue d'Allan Parks, président national de la Légion royale canadienne.

Je vous remercie de m'avoir invité à comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie afin de lui présenter le point de vue de la Légion royale canadienne sur le projet de loiS-3, Loi modifiant la Loi sur l'hymne national afin d'englober tous les Canadiens et Canadiennes.

Comme vous l'a déjà mentionné le secrétaire national de la Légion, ni moi ni un de nos représentants élus ne peuvent témoigner devant le comité le 23octobre parce que nous avons un engagement ce jour-là. Toutefois, nous avons discuté du projet de loi et avons établi notre position sur la question:

Les 400000hommes et femmes qui font partie de la Légion royale canadienne ne trouvent pas les paroles de l'hymne national offensantes et ne voient aucune raison de les modifier.

Je vous saurais gré de communiquer au comité la position qu'a adoptée la Légion royale canadienne.

Je vous prie d'agréer, ..., mes salutations les meilleures.

Le président national,

Allan Parks

Malheureusement, la Légion ne peut pas être ici aujourd'hui.

Le sénateur Fairbairn: Monsieur le président, puis-je glisser un mot?

Le président: Bien sûr.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais remercier sincèrement toutes les personnes qui sont ici aujourd'hui. Je dois vous quitter non pas parce que je le souhaite, mais parce qu'il y a une autre grande cause à défendre sur la colline du Parlement aujourd'hui. C'est la journée de l'Alphabétisation, et des gens sont venus de tout le Canada pour la célébrer. Je dois mener la charge.

Le président: Notre dernier témoin de ce matin est M.Rudyard Griffiths, directeur exécutif de l'Institut du Dominion.

M. Rudyard Griffiths, directeur exécutif, Institut du Dominion: Merci, monsieur le président. C'est un grand honneur pour l'Institut de comparaître devant le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie.

En sa qualité d'oeuvre de bienfaisance ayant pour objectif de promouvoir la connaissance de l'histoire canadienne et un dialogue éclairé sur les questions de politiques publiques, l'Institut du Dominion reconnaît le rôle historique que joue le Sénat, encore aujourd'hui, dans le maintien des traditions et de la culture démocratiques du Canada.

Pour vous mettre en contexte, le travail de l'Institut consiste à mener périodiquement des sondages d'opinion pour évaluer la connaissance des Canadiens de leur histoire et à offrir divers programmes éducatifs aux écoles secondaires du pays. Pour ce qui est de nos recherches, les membres du comité connaissent peut-être déjà notre quiz annuel de la fête du Canada, ainsi que les sondages que nous réalisons sur le jour du Souvenir.

Pour les enseignants, nous avons un Bureau des orateurs nationaux, dont font partie des anciens combattants et des immigrants investis d'un rôle important dans la communauté. L'an dernier, ce bureau a suscité l'enthousiasme de quelques 1500bénévoles d'un bout à l'autre du Canada et a permis à près d'un quart de million de jeunes d'apprendre directement de la bouche de Canadiens extraordinaires vivant dans leur communauté des pans de notre histoire et des aspects de notre citoyenneté commune.

Vous m'avez demandé de vous faire part de nos réflexions sur le projet de loiS-3 et les changements qu'il propose à notre hymne national. Je vais le faire avec plaisir.

Je ne voudrais pas gaspiller le temps limité dont je dispose pour vous donner une leçon d'histoire. Je suppose que vous connaissez tous très bien notre hymne national, l'histoire de sa création et son importance dans l'histoire générale du Canada.

Je vais cependant ouvrir une petite parenthèse avant d'entrer dans le vif du sujet. En2001, avec le groupe Ipsos- Reid, nous avons effectué un sondage auprès des Canadiens pour déterminer dans quelle mesure ils connaissaient l'hymne national. À notre grand dam, nous avons constaté que 37 p.100 des répondants n'étaient pas capables de réciter les paroles de l'hymne après les mots «Ô Canada, terre de nos aïeux». De toute évidence, il faut intervenir davantage dans les écoles et dans la culture populaire afin que l'hymne national demeure un symbole d'appartenance essentiel pour tous les Canadiens. J'encourage le Sénat à poursuivre ses travaux sur le projet de loiS-3 afin de rendre l'hymne national actuel et pertinent pour les Canadiens.

L'hymne national est un symbole officiel de notre pays et il mérite qu'on lui accorde une attention sérieuse et soutenue, je le répète. Comme bien d'autres symboles nationaux — la feuille d'érable, par exemple — on doit l'interpréter et le réviser. C'est sain de le faire, afin que nos symboles nationaux demeurent significatifs pour les Canadiens et qu'ils continuent de refléter les valeurs de notre pays.

Pour l'institut, les tests les plus importants pour déterminer s'il faut changer notre hymne national sont ceux sur sa pertinence et sur l'expression des valeurs communes. Les questions que nous nous posons sont les suivantes: «Les paroles actuelles de l'hymne national sont-elles toujours significatives pour les Canadiens?», «Expriment-elles nos valeurs collectives?»; «Le changement pour les mots «of us» en anglais est-il essentiel pour refléter l'esprit de la société canadienne, qui se veut une démocratie multiculturelle dynamique en cette période où elle entre dans le XXIesiècle?»

J'oserais avancer que les paroles actuelles de l'hymne national satisfont amplement aux tests de pertinence culturelle et d'expression de nos valeurs communes.

Je vais prendre les quelques minutes qu'il me reste pour vous expliquer pourquoi. Les mots «thy sons» sont apparus à l'aube de la Grande Guerre, un conflit qui a coûté la vie à plus de 60000Canadiens, pendant qu'on travaillait à la rédaction du texte. Le coût terrible que le Canada a payé pour sa participation à la Première Guerre mondiale a conféré aux mots «thy sons» une signification et une pertinence d'autant plus grande dans les années20 et 30, pendant que le pays pleurait ses citoyens morts à la guerre.

Entre 1945 et 1949, un million de Canadiens se sont portés volontaires pour aller se battre au nom du Canada et des valeurs de la liberté et de la démocratie. D'abord mal préparés à la Deuxième Guerre mondiale, nous en sommes rapidement venus à jouer un rôle essentiel dans la défaite du fascisme. Cependant, le Canada a encore une fois payé cette victoire chèrement, en sacrifiant la vie de bon nombre de ses citoyens.

Aujourd'hui, en 2003, moins de six anciens combattants de la Première Guerre mondiale sont toujours avec nous. Nous avons toutefois la chance d'avoir encore 280000anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale à honorer, mais selon le ministère des Anciens combattants et le dernier recensement, environ 30000 de ces héros vont décéder durant la prochaine année.

Je suis canadien, mais je suis trop jeune pour avoir vécu cela. Toutefois, je prends vraiment conscience que dans notre État majoritairement composé de générations qui, heureusement, n'ont jamais connu la guerre, nous porterons bientôt à nous seuls la responsabilité très solennelle de nous souvenir. C'est une promesse que nous faisons tous en tant que citoyens devant les cénotaphes de nos municipalités du Canada, tous les 11novembre, afin de ne jamais oublier. Là, je crois que les mots «thy sons» sont de la plus grande pertinence dans le Canada d'aujourd'hui.

Si nous intensifions l'éducation publique et améliorons l'éducation scolaire, les mots «thy sons» pourront être particulièrement puissants pour rappeler aux Canadiens l'héroïsme et le sacrifice de 100000 de nos concitoyens qui sont morts au siècle dernier pour préserver les valeurs canadiennes de la liberté, de la démocratie et du respect de la primauté du droit.

En conclusion, nous croyons que ce changement pour «of us» s'inspire des meilleures intentions qui soient. De plus, comme je l'ai déjà dit, ce projet de loi favorise un débat très important à propos de l'hymne national. Les paroles actuelles demeurent toutefois pertinentes dans la société canadienne d'aujourd'hui pour honorer les anciens combattants qui sont toujours parmi nous et nous rappeler beaucoup trop tôt que lorsqu'ils disparaîtront, la responsabilité du Canada de se souvenir de ce fier patrimoine militaire reposera sur nous seuls.

À savoir si les paroles actuelles reflètent nos valeurs communes — la question du deuxième test que je préconise — je dirais que l'expression «thy sons» évoque les croyances canadiennes les plus précieuses. Elle témoigne de notre engagement inébranlable à défendre la liberté et la démocratie, pas seulement pour nos concitoyens, mais aussi pour les peuples du monde qui sont liés à nous dans l'humanité.

Je vous remercie encore une fois de nous donner la chance de vous présenter notre point de vue sur vos délibérations. Je félicite votre comité de soulever des questions aussi importantes sur la nature et le but des symboles nationaux comme notre hymne nationale. Le Canada ne pourra qu'en sortir grandi. Je suis tout disposé à répondre à vos questions.

Le président: J'aimerais vous demander une précision. Vous avez dit que l'Institut du Dominion effectuerait deux tests pour évaluer cette modification, celui de la pertinence et celui du respect des valeurs canadiennes. Je crois que vous avez dit deux choses surtout: d'abord, la modification proposée continue de refléter les valeurs canadiennes, mais vous préféreriez qu'elle ne soit pas apportée en raison de l'attachement des anciens combattants canadiens, particulièrement ceux de la Deuxième Guerre mondiale, aux mots actuels. Ainsi, vous ne vous opposez pas à la modification sous prétexte qu'elle échoue le test de la pertinence ou de respect des valeurs. Vous vous y opposez parce qu'elle réduit l'attention portée aux anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale.

M. Griffiths: Je dirais qu'en effet, pour une certaine période de temps, nous devons tenir compte du fait qu'il reste 280000anciens combattants de la Deuxième Guerre mondiale en vie et qu'ils sont très attachés à l'expression «thy sons» et à ce qu'elle signifie pour eux. Il est d'ailleurs tout aussi important, dans un avenir rapproché, que les jeunes Canadiens comme moi assument la responsabilité qui leur incombe de continuer de respecter cette promesse solennelle de ne jamais oublier, soit de nous souvenir. Puisque l'on veut intensifier l'éducation publique sur notre hymne national, les enseignants pourraient voir ces mots comme bonne occasion d'éducation. Ce pourrait être un moyen de nous rappeler notre histoire militaire, notre patrimoine militaire ainsi que les valeurs de la liberté, de la démocratie et du respect de la primauté du droit qui y sont intimement liées.

Le président: En fait, vous avez surtout peur de perdre le lien avec ce patrimoine. Vous ne contestez pas vraiment que ce changement reflète les valeurs canadiennes, n'est-ce pas?

M. Griffiths: C'est exact. La modification reflète aussi d'autres valeurs canadiennes importantes. Encore une fois, le test ultime à notre avis, lorsqu'on apporte une modification importante à un symbole national, consiste à se poser cette question: la parole ou la composante de ce symbole qui est remise en question est-elle toujours significative pour les Canadiens? Dans le cas qui nous occupe, elle l'est toujours. De plus, elle reflète et exprime toujours des valeurs canadiennes importantes, qui diffèrent peut-être de nos nouvelles valeurs, mais qui demeurent importantes.

Le sénateur Cook: Je vous remercie de votre exposé. Aidez-moi à comprendre votre raisonnement. Vous avez mentionné l'époque de la Deuxième Guerre mondiale et celle où les anciens combattants sont revenus de guerre, c'est bien cela?

M. Griffiths: Je remonte jusqu'à la Grande Guerre, puis avance dans le temps. Le fait qu'il n'y ait que six anciens combattants de la Première Guerre mondiale qui sont toujours parmi nous m'amène à ma deuxième question: comment, en tant que société, nous préparons-nous à assumer la responsabilité de nous souvenir en l'absence de nos anciens combattants pour symboliser l'histoire vivante et nous rappeler de la façon la plus puissante qui soit cette facette de l'histoire canadienne?

Le sénateur Cook: Je parle par expérience personnelle. Je viens de Terre-Neuve. Je n'étais pas Canadien à l'époque de la Grande Guerre, mais j'étais un enfant et je peux me souvenir. Je peux me souvenir de mon père qui est parti et qui est revenu, mais je me rappelle aussi de mes tantes, qui sont parties à la guerre. Vous nous parlez de l'importance de nous souvenir. À ce jour, je peux me rappeler des gens qui sont partis, des membres de ma famille qui sont partis; lorsque j'étais petit, les femmes qui m'entouraient sont parties à la guerre, comme mon père. Certaines sont revenues et d'autres non. Si vous nous parlez de la responsabilité non pas de mes enfants mais de mes petits-enfants de se souvenir, je crois que nous avons déjà atteint notre objectif. Je ne vois pas en quoi la modification proposée aujourd'hui s'applique à votre raisonnement, parce que ces événements sont survenus dans l'évolution de notre nation et que des femmes sont allées à la guerre à cette époque. Si c'est votre perspective, j'essaie de la comprendre. C'est une observation plus qu'une question.

Le président: Quelqu'un d'autre a-t-il des questions pour M.Griffiths?

Merci d'avoir témoigné devant nous.

Sénateurs, je m'en remets maintenant à vous. Vous plaît-il de prendre position sur ce projet de loi?

Le sénateur Callbeck: Adoptons-le.

Le président: Je pense qu'il nous faut une motion permettant au comité de faire rapport du projet de loi au Sénat sans modification. Est-ce juste?

Le sénateur Callbeck: Oui. J'en fais la proposition, monsieur le président.

Le sénateur Robertson: Excusez-moi, monsieur le président, notre société est maintenant très diversifiée, en avons- nous parlé?

Le président: Oui, nous en avons discuté.

Le sénateur Robertson: Je suis désolée, je suis arrivée en retard.

Le président: Je sais que vous aviez une réunion avec le Comité de la régie interne. Nous avons eu une discussion.

Le sénateur Poy a dit dans sa déclaration préliminaire que son projet de loi visait à ce que nous discutions de la question en général. À son avis, les points de vue sont partagés à savoir s'il faudrait apporter d'autres modifications. Il pourrait y avoir lieu de modifier, entre autres, les mentions de la «terre de nos aïeux» et de la «foi», comme vous l'avez dit.

Le projet de loi porte exclusivement sur cette question, mais ouvre certainement la porte à des possibilités dans l'avenir, si quelqu'un voulait proposer un projet de loi d'initiative parlementaire pour apporter d'autres changements. Ce serait possible.

Je vois que le sénateur Callbeck a proposé que nous fassions rapport du projet de loi au Sénat cet après-midi, sans amendement. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le président: Je vais le faire cet après-midi.

Je tiens à remercier toutes les personnes qui ont participé à la réunion d'avoir pris le temps de le faire. Sénateur Poy, merci d'être avec nous.

La séance est levée.


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