Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 6 - Témoignages du 4 février 2003


OTTAWA, le mardi 4 février 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts se réunit aujourd'hui à 17 h 38 pour faire une étude sur l'impact du changement climatique sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales au Canada et les stratégies d'adaptation à l'étude axées sur l'industrie primaire, les méthodes, les outils technologiques, les écosystèmes et d'autres éléments s'y rapportant.

Le sénateur Donald H. Oliver (président) occupe le fauteuil.

[Translation]

Le président: Honorables sénateurs, soyez les bienvenus à notre première réunion de 2003. Je salue également toutes les personnes qui suivent nos délibérations sur la Chaîne parlementaire ou sur Internet.

[Translation]

Aujourd'hui nous poursuivons notre étude des effets des changements climatiques sur l'agriculture, les forêts et les collectivités rurales. Nous examinons en particulier l'adaptation nécessaire au soutien de nos industries primaires et de nos communautés.

Comme le démontrent les sondages d'opinion publique et les reportages médiatiques, le changement climatique est devenu un sujet préoccupant pour beaucoup de Canadiens et de Canadiennes. Puisque les changements environnementaux affectent tous les citoyens et ce, dans toutes les parties du Canada, notre étude devient de plus en plus importante. Durant les derniers mois, beaucoup de Canadiens et de Canadiennes ont remarqué le travail des comités sénatoriaux. Ils ont reconnu la rigueur de nos études et la qualité de nos rapports.

En se basant sur le travail déjà accompli sur le sujet, notre comité atteindra un haut standard et je suis convaincu qu'il saura proposer des solutions qui aideront nos fermiers, nos travailleurs forestiers et nos collectivités rurales. En décembre dernier, nous avons examiné l'impact des changements climatiques dans certaines régions canadiennes et l'adaptation locale. Nous terminons aujourd'hui notre examen régional en ce qui concerne les Prairies et la Colombie- Britannique.

[Translation]

Honorables sénateurs, j'ai l'honneur d'accueillir deux éminents scientifiques du Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation, M. David Sauchyn, qui représente la région des Prairies, et M. Stewart Cohen, qui représente la région de la Colombie-Britannique. Ils donneront de l'information sur l'impact du changement climatique sur leur région et expliqueront comment divers secteurs s'adaptent aux nouvelles réalités.

Allez-y, monsieur Sauchyn.

M. Dave Sauchyn, coordonnateur, région des Prairies, Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation: Monsieur le président, je suis heureux d'avoir l'occasion de parler aujourd'hui des incidences du changement climatique et de l'adaptation dans les provinces des Prairies. J'utiliserai le présent document en PowerPoint dont vous avez un exemplaire. Vous avez également un exemplaire du mémoire que notre bureau vous a fait parvenir.

Au Canada, les incidences du changement climatique sont principalement ressenties dans le Nord, puis dans les Prairies. D'après le Modèle canadien du climat du globe, c'est dans les prairies que les effets du réchauffement planétaire seront les plus marqués. Les incidences se manifestent d'abord dans le Nord, mais c'est dans les provinces des Prairies que le coût du changement climatique sera le plus élevé pour la seule raison que la population y est plus dense que dans le Nord.

En fait, le réchauffement planétaire est déjà en cours. Au moyen d'une série de données climatiques sur les provinces des Prairies, nous pouvons démontrer que les températures hivernales et printanières ont déjà augmenté considérablement. La diapositive que j'utilise concerne le sud-ouest de la Saskatchewan et indique une forte augmentation de la température de février. Toutes les séries de données climatiques sur les provinces des Prairies confirment cette tendance.

Les prévisions pour le présent siècle en ce qui concerne ces provinces indiquent certes une hausse de la température. C'est l'aspect le plus certain des prévisions. Cette hausse de la température sera surtout marquée dans les basses températures, c'est-à-dire dans les températures hivernales, printanières et nocturnes. Comme l'indique la figure précédente, la température s'est déjà réchauffée de façon marquée en hiver et la saison de croissance s'est allongée de près de trois semaines depuis les années 60. Tous les agriculteurs des Prairies sont en mesure de le confirmer.

Les prévisions en ce qui concerne les précipitations sont moins sûres. Elles fluctuent entre une légère diminution et une forte augmentation. La plupart des données scientifiques laissent prévoir une augmentation des averses de pluie et de neige dans les provinces des Prairies. Cependant, à cause des températures plus élevées, la perte d'eau par évaporation sera beaucoup plus élevée, ainsi que la perte d'eau par transpiration des végétaux. Les principales conséquences du changement climatique dues à un accroissement de la perte d'eau dans les provinces des Prairies sont une perte d'humidité du sol et d'eaux superficielles. Si l'allongement de la saison de croissance est un avantage, le principal inconvénient des conséquences du changement climatique sera la perte d'eau. La perte par évaporation sera de loin supérieure aux précipitations accrues prévues.

L'autre impact majeur du changement climatique est l'accroissement de la variabilité du climat en raison duquel nous prévoyons des conditions météorologiques extrêmes. Nous prévoyons que la fréquence des tempêtes augmentera et que, par conséquent, les tempêtes de pluie ou de vent d'une certaine ampleur seront plus fréquentes. En outre, le cycle hydrologique sera plus variable et certaines années seront pluvieuses. En fait, nous prévoyons des années où la pluviosité sera supérieure au niveau normal mais aussi des années où la sécheresse sera très supérieure au niveau normal. J'aborderai la question de la sécheresse dans quelques minutes parce que c'est, bien entendu, le phénomène météorologique le plus préoccupant en ce qui concerne les Prairies.

La diapositive que je montre actuellement représente des prévisions météorologiques ou plus exactement des prévisions climatiques pour le présent siècle, en ce qui concerne les provinces des Prairies. Au changement climatique prévu s'ajoute un autre facteur qui est la sensibilité des Prairies à ce changement, à la variabilité du climat et à ces conditions météorologiques extrêmes. Les systèmes naturels comme les «badlands» du sud-ouest de la Saskatchewan, et les systèmes socio-économiques, comme les terres en culture du centre de l'Alberta, sont sensibles au climat. Le scénario que nous avons élaboré prévoit qu'un accroissement de la variabilité du climat, le changement climatique et des conditions météorologiques extrêmes plus fréquentes laisseront leur marque sur ces systèmes sensibles.

Une vue du Canada prise de l'espace indique que l'écozone des Prairies est une région unique du Canada. Le sol, la couverture végétale et le climat sont tels que les Prairies constituent la région du Canada où sont la plupart des terres agricoles. L'autre caractéristique naturelle des Prairies est que c'est la région la plus aride du Canada. La sécheresse du climat — le climat sous-humide — est telle que la couverture végétale est restreinte; c'est d'ailleurs la principale caractéristique naturelle des Prairies. Nous pouvons le confirmer grâce à la notion de déficit d'humidité car dans les trois provinces des Prairies, les gains annuels en eau sont inférieurs aux pertes. La situation est comparable à celle d'un solde de compte bancaire, où il y a des dépôts et des retraits. En ce qui concerne le bilan hydrique, il est fait de dépôts de chutes de neige et de pluie, alors que les retraits viennent de l'évapotranspiration — une perte d'eau par évaporation et par transpiration foliaire. Le solde se traduit par un surplus ou par un déficit d'eau.

La seule région des Prairies recevant un surplus est celle des montagnes Rocheuses, à haute altitude. C'est ce qui explique la présence de glaciers et de champs de neiges éternelles. Dans les autres zones des provinces des Prairies, on enregistre un déficit hydrique pouvant atteindre 425 centimètres. Cette région couvre le sud-ouest de la Saskatchewan et le sud-est de l'Alberta et est communément appelée le triangle de Palliser. Dans cette région, le déficit est compensé par l'irrigation des terres agricoles. La carte que vous voyez indique le climat actuel des provinces des Prairies, d'après les données climatiques pour la période de 1961 à 1970.

Nous pouvons établir une carte pour la période de 2040 à 2069 — c'est-à-dire pour le milieu du siècle — en fonction du Modèle canadien du climat. Cette carte indique que le réchauffement planétaire produit un tout nouveau type de déficit d'humidité qui atteindrait 490 centimètres, soit un déficit de près d'un demi-mètre d'eau qu'il faudra compenser pour produire des récoltes. La carte indique en outre que la superficie des terres arides deviendra assez considérable vers le milieu du présent siècle et couvrira environ la moitié des provinces des Prairies. Au nord, la zone forestière rétrécira considérablement.

Cette carte indique ce que nous considérons comme l'impact dominant du changement climatique sur les provinces des Prairies, à savoir l'agrandissement du territoire aride couvert de graminées et la diminution de la superficie de terres humides où poussent des arbres. On peut aisément imaginer les conséquences de cette tendance pour l'agriculture et pour le secteur forestier.

Ces changements nécessiteront une certaine adaptation. Ils nécessiteront un ajustement des pratiques, de l'infrastructure, des politiques et des programmes afin d'atténuer le plus possible l'incidence de cet assèchement du paysage des Prairies et de tirer parti des avantages d'un réchauffement climatique, à savoir principalement la possibilité de produire des cultures sur une plus longue période de croissance, bien que cette possibilité soit limitée par la réduction des quantités d'eau disponibles. Sur ce diagramme des options d'adaptation, j'ai utilisé la couleur rouge pour mettre en évidence les exploitations locales car c'est à ce niveau que les agriculteurs, les propriétaires de ranchs et les exploitants forestiers ajusteront leurs méthodes.

Les autres cases de la présente diapositive représentent les approches structurelles, technologiques, politiques, financières, législatives et institutionnelles; les bureaucrates, les politiciens et les décideurs du secteur public et du secteur privé devront adapter les politiques officielles, les institutions et les programmes pour aider les cultivateurs, les propriétaires de ranchs et les forestiers à faire face à ces conditions climatiques plus sèches.

En ce qui concerne le secteur forestier, le principal impact du changement climatique sera un changement de la productivité de la forêt. Dans un premier temps, elle augmentera en raison des quantités accrues de dioxyde de carbone, parce que c'est une substance indispensable à la respiration et à la productivité des végétaux. À long terme cependant, la productivité de la forêt diminuera en raison de l'humidité insuffisante du sol; en outre, en raison de l'assèchement de la forêt, on peut prévoir un accroissement de la fréquence des feux de forêt et des infestations par les insectes. Enfin, le nombre d'arbres appartenant à des essences de grande valeur commerciale diminuera. À cause de ces incidences, l'aménagement forestier sera secondé par un accroissement de la recherche scientifique et par l'intégration des incidences du changement climatique à d'autres activités d'utilisation des sols. La carte que vous voyez, établie par le Saskatchewan Research Council, indique l'accroissement de la gravité des feux de forêt que nous prévoyons en raison du réchauffement climatique.

Le diagramme suivant indique que nous prévoyons que, dans un premier temps, la productivité de la forêt augmentera à la suite de l'accroissement des émissions de dioxyde de carbone mais qu'elle diminuera ensuite considérablement en raison de l'assèchement du sol.

En ce qui concerne l'agriculture, en se basant sur ce scénario de l'accroissement de l'aridité, on peut comparer une carte indiquant la classification des terres selon leurs aptitudes pour les cultures pour la période de 1961 à 1990 à une carte analogue pour la période de 2040 à 2069. La première carte représente la situation actuelle dans les Prairies. Elle indique qu'une vaste région du sud des Prairies convient à la production des céréales de printemps, c'est-à-dire en gros aux cultures céréalières. Ces zones ombrées représentent les ombrages intermédiaires allant des bruns aux verts. La région que nous appelons région céréalière, englobant une grande partie du sud de la Saskatchewan, du sud-est du Manitoba et du sud de l'Alberta, est propice à la production de cultures céréalières. Au nord, la production est limitée par un manque de chaleur. La saison de croissance est trop courte pour ces cultures.

Si l'on applique le Modèle canadien du changement climatique à cette carte, on obtient un scénario très différent pour le milieu du présent siècle. Une plus grande superficie des provinces des Prairies sera propice à la production céréalière. Ces zones ombrées intermédiaires s'étendent jusqu'au centre de la Saskatchewan et au nord de l'Alberta. La production céréalière sera donc possible sur une plus vaste superficie du territoire des Prairies, à supposer que l'eau nécessaire soit disponible.

La même carte indique qu'un vaste territoire du sud de la Saskatchewan et du sud-est de l'Alberta deviendra impropre à la production céréalière. Ce territoire correspond aux zones ombrées en rouge que vous voyez sur cette carte qui représente les paysages trop secs pour produire des cultures. Ces zones étaient inexistantes; nous prévoyons toutefois qu'un pourcentage élevé du territoire de la Saskatchewan et qu'une vaste région du sud de l'Alberta seront trop arides pour la culture céréalière.

L'autre défi qui se pose est la variabilité accrue du climat qui, s'ajoutant à l'assèchement des Prairies, augmentera la fréquence des conditions climatiques extrêmes. Les deux extrêmes en question sont une trop grande quantité d'eau et une quantité d'eau insuffisante. Les inondations, d'une part, et les périodes de sécheresse, d'autre part, poseront donc des défis de taille parce que, si nous avons des dizaines d'années pour nous adapter à un réchauffement du climat, nous aurons peut-être moins de temps pour nous ajuster à un accroissement de la variabilité du climat.

L'anomalie climatique la plus préoccupante est, certes, la sécheresse. La carte que vous voyez est une carte des provinces des Prairies pour la saison de croissance précédente indiquant la superficie des terres où l'on a enregistré une sécheresse record. La partie ombrée en rouge indique des conditions de sécheresse encore jamais enregistrées depuis le début de l'observation climatologique, c'est-à-dire vers les années 1880. Comme vous pouvez le constater, pratiquement tout le centre et le nord de l'Alberta et l'ouest de la Saskatchewan n'avaient jamais été touchés par une telle sécheresse. Tous les records de sécheresse ont été battus au cours des trois dernières années.

Si vous connaissez bien les Prairies, le type de scène représenté sur cette photographie ne vous est pas étranger. Elle a été prise près d'Outlook, en Saskatchewan, et montre que la station de jaugeage du gouvernement fédéral n'est plus fonctionnelle parce que le cours d'eau a disparu. L'eau de surface a disparu sur une vaste zone de cette région.

L'ARAP, c'est-à-dire l'Administration du rétablissement agricole des Prairies, qui relevait d'Agriculture Canada, avait été créée en raison des préoccupations liées au climat. Elle a été créée dans les années 30 à la suite du «Dust Bowl» et est responsable de l'aménagement et du rétablissement du paysage des Prairies depuis cette période. Un rapport publié en 2000 par cet organisme révèle que, malgré toutes les mesures de conservation du sol prises depuis les années 30, le paysage des Prairies reste vulnérable à l'érosion à la suite des sécheresses successives, étant donné que le maintien d'une couverture résiduelle ou d'une couverture de chaume devient très aléatoire en l'absence d'eau.

Le deuxième paragraphe de cet extrait du rapport indique que les agriculteurs éprouvent de la difficulté à justifier la protection du sol en raison des probabilités d'une forte érosion au moins une fois au cours de la période d'activité d'une exploitation agricole familiale. Sur le plan économique, il n'est pas facile de justifier la protection du sol contre l'érosion lorsque les probabilités d'érosion au cours de la vie d'une personne sont élevées. Si l'on prévoit des sécheresses plus graves, on prévoit également une érosion plus accentuée. Il sera peut-être plus rentable de pratiquer la conservation du sol à la suite du changement climatique.

Voici le scénario qui se déroule actuellement. Cette photo, qui a été prise près d'Oyen (Alberta), le printemps dernier, représente l'érosion du sol de l'autre côté de la Route 9. Elle a été prise tout près de l'endroit où mes grands- parents avaient une propriété rurale. C'est une scène qui était courante au cours du «Dust Bowl» des années 30. Grâce au rétablissement du paysage des Prairies, cette scène est devenue moins fréquente, mais elle demeure visible pendant les périodes de sécheresse. En raison de la gravité accrue des sécheresses dues au changement climatique, ce type de scène deviendra peut-être plus courant.

À la suite de la sécheresse de 1999 à 2002 — qui n'est pas encore terminée sur une grande partie du territoire de l'Alberta —, le gouvernement albertain, et plus particulièrement le ministère de l'Environnement de la province, ont élaboré l'année dernière une stratégie de gestion des risques de sécheresse. C'est un bon exemple d'adaptation au changement climatique. Les politiciens de l'Alberta ne sont peut-être pas conscients de s'adapter au changement climatique, mais c'est bel et bien de l'adaptation, même si cette stratégie ne fait pas référence au changement climatique mais plutôt à la «gestion des risques» et à la «sécheresse».

Le scénario d'une sécheresse accrue à la suite du changement climatique indique que ce type de gestion des risques sera de plus en plus nécessaire pour s'adapter à ce changement. La raison invoquée pour justifier ce plan de gestion des risques est que l'on a toujours pris des mesures ponctuelles en cas de sécheresse. Les gouvernements provincial et fédéral ont réagi en accordant de l'aide. Cependant, on est conscient que l'aide n'est pas une solution durable au problème de la sécheresse. Le gouvernement de l'Alberta a donc en l'occurrence élaboré un plan de gestion des risques afin de se préparer à une fréquence accrue de la sécheresse due au changement climatique.

Je voudrais enfin mentionner une étude de l'Université de Regina, qui a été financée par le Conseil de recherches en sciences humaines du Canada. Nous étudions le stress imposé aux petites collectivités et aux entreprises agricoles familiales des six municipalités rurales représentées sur cette carte. Un grand nombre de spécialistes en sciences sociales y participent; cette étude porte sur le stress économique et social, mais le changement climatique est un facteur qui est pris en considération.

Nous avons d'abord fait un sondage dans les six municipalités concernées et nous avons demandé aux habitants quel est leur degré de sensibilisation au changement climatique et quelles sont leurs perceptions. Les résultats sont très révélateurs. Onze pour cent seulement des participants ne considèrent pas le changement climatique comme un problème grave. En fait, 45 p. 100 des participants estiment que c'est un problème très grave.

Nous leur avons en outre demandé quelles mesures ils prennent au sujet du changement climatique. Les réponses sont également très révélatrices, surtout dans le milieu agricole. Moins de 40 p. 100 des agriculteurs ont répondu qu'ils ne s'adaptaient pas au changement climatique. Les autres ont dit qu'ils prenaient certaines dispositions. En fait, près de 30 p. 100 des agriculteurs ont mentionné qu'ils se préparaient activement aux impacts du changement climatique.

Voici un des points du mémoire que vous avez en main. À partir de maintenant, mes commentaires porteront sur ce mémoire et plus particulièrement sur les neuf points mentionnés à la première page. Le huitième point est le suivant:

La population des Prairies, et en particulier les agriculteurs, a une capacité relativement grande à s'adapter aux variations du climat.

Les régions du monde où le climat est plus variable d'une saison à l'autre et d'une année à l'autre que dans les Prairies sont très peu nombreuses. Depuis toujours, les provinces des Prairies ont dû s'adapter aux caprices de la météo. Malgré cette capacité d'adaptation, environ 30 p. 100 des agriculteurs qui ont participé à notre sondage ont dit qu'ils ne prenaient aucune disposition pour s'adapter au climat. Je pense qu'à l'échelle pancanadienne, ce sont les agriculteurs des Prairies qui sont le mieux en mesure de s'adapter au changement climatique, mais cette adaptation sera pour eux un défi de taille et ils auront besoin de beaucoup d'aide.

Au premier point, nous mentionnons que les provinces des Prairies constituent, de toutes les régions peuplées du Canada, celle où l'on prévoit les plus fortes hausses de température. Au deuxième point, nous mentionnons que les Prairies sont une région très diversifiée, allant des Rocheuses et des Prairies du sud-ouest de l'Alberta jusqu'à la toundra et aux terres stériles situées à proximité de Churchill (Manitoba). Ces écosystèmes, ces paysages, ces collectivités et ces activités économiques sont sensibles au climat et, par conséquent, au changement climatique.

Dans mon exposé, j'ai insisté beaucoup sur le fait que le principal effet du réchauffement planétaire dans les provinces des Prairies sera une aridité accrue — l'assèchement des Prairies en raison de la perte d'eau, même si l'on prévoit des averses de pluie et des chutes de neige plus abondantes. Des températures plus élevées entraîneront un allongement de la période de croissance qui permettra de cultiver de plus grandes superficies et d'accroître la variété des cultures. Cependant, une baisse de l'humidité du sol et des réserves d'eau pourrait limiter cette perspective. On peut en fait prévoir que la pénurie d'eau restreindra davantage que tout autre facteur l'activité économique dans les provinces des Prairies.

Les fluctuations prévues au niveau de la variabilité du climat, et surtout de la fréquence de conditions climatiques extrêmes, pourraient influer grandement sur la population et sur l'économie des Prairies. C'est déjà la région du Canada où le climat est le plus variable et on prévoit qu'il le deviendra encore davantage. C'est en fait la seule région du Canada où la sécheresse est un risque sérieux. Bien que d'autres régions du Canada soient touchées par la sécheresse, dans les Prairies, on la considère comme un risque naturel.

D'autre part, les Prairies sont la région du Canada où les chutes de pluie ont toujours été les plus abondantes. J'ai eu des entretiens avec des agriculteurs du sud du Manitoba qui m'ont appris que la principale raison pour laquelle ils s'inscrivent à l'assurance-récolte est la sécheresse et que les risques d'inondation sont la deuxième. Par conséquent, quand ils ne sont pas touchés par la sécheresse, ils sont touchés par des inondations.

Les eaux de ruissellement des Prairies viennent principalement des Rocheuses. Dans cette région, les précipitations ne sont pas la principale source d'eau. Les principales sources d'eau, surtout en Saskatchewan et en Alberta, sont les glaciers et la fonte des neiges dans les Rocheuses. C'est la principale source d'approvisionnement pour l'irrigation dans le sud de l'Alberta et dans l'ouest de la Saskatchewan. Les Rocheuses sont également la source d'approvisionnement en eau, directe ou indirecte, de toutes les villes de la Saskatchewan et de l'Alberta.

Le Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation (RCRICA) de la région des Prairies, où je travaille, a financé la recherche dans ce domaine. Nos travaux ont révélé que cette source d'approvisionnement se tarit. On prévoit que la plupart des glaciers disparaîtront au cours du présent siècle. L'ouest du Canada a bénéficié du luxe de l'eau glaciaire, mais cette source se tarit vite. Il sera donc nécessaire d'adapter les stratégies de gestion de l'eau en conséquence. C'est une question sur laquelle on se penche actuellement dans le sud de l'Alberta.

Les effets d'un climat plus chaud sur la forêt boréale se manifesteront au niveau des feux de forêt, des infestations d'insectes et des changements au niveau de la productivité de la forêt. Ils nécessiteront une forte adaptation du secteur forestier, ainsi qu'en matière d'aménagement forestier, responsabilité qui relève principalement du gouvernement provincial.

J'ai déjà mentionné la capacité d'adaptation de la population des Prairies. Cette population est toutefois vulnérable, surtout dans les petites localités déjà en déclin qui sont soumises à d'autres stress, particulièrement sur le plan économique.

Le dernier point, mais non le moins important, concerne la recherche. Le message que je voudrais vous transmettre est que, pour planifier l'adaptation au changement climatique, il est nécessaire de pousser la recherche beaucoup plus loin parce que nous commençons seulement à connaître les impacts du changement climatique. Nos connaissances sur les processus qui permettraient à nos collectivités, au gouvernement, à l'industrie et aux divers secteurs de l'économie de s'adapter au changement climatique sont encore plus rudimentaires. Par conséquent, ce que je tiens beaucoup à ce que vous reteniez de cet exposé, même vous oubliez le reste, c'est que nous avons grand besoin de votre appui.

Je suis certain que cet argument vous est familier: par rapport à l'ensemble des dépenses, on ne consacre qu'un maigre pourcentage des fonds à l'adaptation au changement climatique. Jusqu'à présent, dans le cadre du programme sur le changement climatique, on a surtout mis l'accent sur la réduction des émissions de gaz à effet de serre et sur le débat entourant le Protocole de Kyoto. Si vous avez l'occasion de lire ce mémoire, vous verrez qu'au neuvième point, nous faisons des recommandations en ce qui concerne le financement de la recherche sur l'adaptation au changement climatique.

Ce mémoire contient également une annexe qui décrit les activités du Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation, un institut de recherche dont le siège est à l'Université de Regina. C'est là que se trouve le bureau du Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation pour la région des Prairies. Si vous avez l'occasion de lire cette annexe, vous constaterez que cet institut est entièrement financé par Ressources naturelles Canada. En fait, il est dû à son initiative. Je profite de l'occasion pour signaler le rôle majeur que ce ministère a joué dans le dossier du changement climatique.

Le président: Je vous remercie pour cet excellent exposé. Une des dernières observations que vous avez faites est que l'on n'a pas encore fait beaucoup de travaux ni de recherche en matière d'adaptation mais que nos efforts ont été principalement axés sur les émissions de gaz à effet de serre et sur Kyoto. On nous a précisément confié le mandat de faire cette étude. Estimant que les efforts avaient été très restreints jusqu'à présent, nous tenions à faire le bilan de la recherche dans ce domaine. Les recommandations que nous ferons à l'issue de ce processus seront fondées sur nos constatations. C'est le but des présentes audiences.

Je donne maintenant la parole à M. Cohen. J'espère que son exposé sera un peu plus optimiste parce que d'après ses observations, il semblerait que M. Sauchyn ne soit pas très optimiste pour l'avenir de l'agriculture dans l'ouest du Canada, surtout pour les cinquante prochaines années. J'écoute attentivement, dans l'espoir de déceler un ton plus optimiste dans votre exposé.

M. Stewart Cohen, conseiller scientifique, région de la Colombie-Britannique, Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation: Monsieur le président, mesdames et messieurs, mon message portera sur les défis; j'éviterai le sujet de l'espoir. Nous pourrons toutefois en discuter plus tard.

Je représente le Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation pour la région de la Colombie-Britannique qui a ses bureaux à l'Institute for Resources, Environment and Sustainability de l'Université de la Colombie-Britannique. Les autres partenaires sont le Groupe de recherche sur les impacts et l'adaptation d'Environnement Canada et le British Columbia Ministry of Water, Land and Air Protection. Nous sommes secondés dans nos travaux par un comité consultatif composé des représentants des universités de la Colombie-Britannique, d'autres ministères, d'organismes représentant des membres des Premières nations et d'organismes communautaires. La liste des organismes membres du comité consultatif se trouve à la fin du texte imprimé de la série de diapositives, que nous avons remis.

Je ferai d'abord de brefs commentaires associés aux principaux points du mémoire. En ce qui nous concerne, le premier point est analogue à ce que M. Sauchyn a mentionné au sujet des Prairies, à savoir que l'on a observé une élévation de la température et des précipitations en Colombie-Britannique. Ce réchauffement a modifié la durée de la saison de croissance et semble être en cause dans la récente infestation du dendroctone du pin ponderosa qui a atteint des proportions épidémiques. Je donnerai des informations plus précises à ce sujet dans quelques minutes.

Les impacts du changement climatique que l'on prévoit pour l'avenir incluent un allongement constant de la saison de croissance, un accroissement de la demande d'eau pour les cultures et un risque accru de feux de forêt et d'infestation par les parasites. On observe en outre certaines préoccupations locales, dans diverses régions de la province. Dans le nord-est de la Colombie-Britannique, la diminution de la productivité de la forêt et les risques pour sa croissance suscitent des préoccupations. Dans l'Okanagan, la survie de l'agriculture est assujettie à l'irrigation. Dans la région du bassin de Géorgie, les préoccupations sont liées aux risques d'inondation. Dans la zone côtière, elles portent sur l'érosion des côtes et sur l'avenir des pêches.

Comme l'a mentionné M. Sauchyn, il est nécessaire de faire davantage d'efforts dans le domaine de la recherche pour mieux comprendre les possibilités d'adaptation au changement climatique et déterminer l'incidence que ce phénomène pourrait avoir sur la gestion des ressources et sur le développement régional.

J'aimerais communiquer des informations plus précises sur les tendances climatiques en Colombie-Britannique en citant deux cas susceptibles de vous intéresser. Le premier concerne les problèmes liés à l'eau dans l'Okanagan et dans la région de Columbia et leurs incidences sur le secteur agricole et les autres utilisateurs d'eau alors que le deuxième concerne le secteur forestier et ne porte pas uniquement sur les insectes ravageurs ou sur les feux de forêt mais également sur les incidences du réchauffement de la température sur les options en matière d'aménagement forestier. Je mentionnerai ensuite les possibilités d'accroissement du dialogue entre les chercheurs et les décideurs locaux.

Je commenterai d'abord une série de diapositives tirées d'un document publié par le British Columbia Ministry of Water, Land and Air Protection, signalant certaines tendances climatiques récentes dans la province. La première diapositive représente les hausses de températures moyennes au cours du siècle dernier. On constate un réchauffement de la température dans toute la province, surtout dans la partie intérieure et dans le nord. Dans la région côtière, le réchauffement est d'environ un demi-degré. Son intensité varie selon les saisons et selon les périodes de la journée. La carte représentée sur cette diapositive-ci montre que les températures nocturnes minimales ont augmenté beaucoup plus que les températures diurnes maximales et qu'aucune tendance marquée n'a été observée dans plusieurs régions en ce qui concerne ces dernières températures.

M. Sauchyn a mentionné le recul des glaciers. C'est un phénomène que l'on peut observer en Colombie-Britannique. Voici une photo du glacier Wedgemont, près de Whistler; elle a été prise en 1979 alors que l'autre a été prise à peu près du même endroit une vingtaine d'années plus tard. Un recul est visible sur le front du glacier ainsi qu'à mi-hauteur de la pente. Le recul des glaciers est une tendance à l'échelle planétaire.

Le diagramme tiré du rapport du Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évaluation du climat, le GIEC, signale les tendances de recul des glaciers dans de nombreux pays arctiques, mais aussi dans des pays comme le Kenya, le Pérou et le Chili. L'échelle est en kilomètres et, par conséquent, chaque portion de ligne horizontale représente un kilomètre. Pour la plupart de ces glaciers, la ligne se dirige vers le bas à mesure que l'on avance dans le temps; c'est donc signe de recul. En ce qui concerne le glacier Wedgemont, il se trouve à peu près au milieu de la page. Il est représenté par une ligne rouge qui s'incline vers la droite et qui représente un recul d'un kilomètre et demi.

Si la température s'est réchauffée en Colombie-Britannique, les précipitations sont toutefois plus abondantes. La présente carte révèle une augmentation de 2 à 4 p. 100 par décennie au cours du XXe siècle, du moins dans le sud de la province. Nous n'avons pas pu déceler de tendance significative sur le plan statistique dans le nord.

On a également relevé certaines tendances en ce qui concerne la fonte de la glace. Ces nouvelles tendances sont incontestablement dues au réchauffement des températures. La figure que vous voyez indique le changement de la première fonte des glaces sur une période d'une cinquantaine d'années et les chiffres représentent le nombre de jours par décennie. Par conséquent, dans le sud de la partie intérieure de la province et dans le nord, la date du début de la fonte des glaces a avancé d'environ une semaine par décennie au cours de cette période, soit d'un peu plus d'un mois dans la plupart de ces régions.

Je passe maintenant au premier cas que je voudrais mentionner et qui concerne la gestion de l'eau et le changement climatique dans les régions de l'Okanagan et de Columbia, situées dans le sud et le sud-est de la province. Je voudrais d'abord communiquer quelques informations transmises par l'Université de Washington à Seattle où l'on a étudié l'impact de la gestion des ressources en eau sur le bassin hydrographique du fleuve Columbia qui est un bassin transfrontalier. Le cours supérieur du fleuve est situé en Colombie-Britannique, mais il arrose les États de Washington, du Montana et de l'Idaho et son extrémité inférieure est située en Oregon. Des aménagements d'envergure ont été faits dans ce bassin hydrographique où l'on a créé de vastes réservoirs ainsi que d'autres de plus petite taille, ce qui démontre que ces travaux sont liés à de nombreux objectifs. En hiver, l'objectif principal est la production d'hydroélectricité. En été, les nombreux objectifs incluent notamment la régularisation des crues, la production hydroélectrique — destinée en grande partie à l'exportation en Californie —, l'irrigation pour l'agriculture, principalement pour la région de Snake River (Idaho), le contrôle du débit d'entrée pour les pêches et pour les activités récréatives.

L'Université de Washington travaille sur ce projet depuis plusieurs années et la conclusion qu'elle a tirée de ses travaux hydrologiques est que l'on peut prévoir qu'à la suite d'un changement climatique, le débit augmentera plus tôt au printemps à cause de l'avancement de la fonte des neiges. Sur le graphique, la ligne en pointillés indique le débit moyen actuel qui atteint son point culminant en juin. Les divers scénarios qui ont été utilisés dans le cadre des simulations et qui sont représentés par la courbe noire indiquent que le débit atteindra son point culminant environ un mois plus tôt et que les débits augmenteront en hiver et au début du printemps, pour diminuer par conséquent en été et au début de l'automne. Autrement dit, la quantité d'eau disponible en été pour l'irrigation, l'utilisation urbaine, la protection des pêches et la production énergétique diminuera. La quantité d'eau disponible l'hiver pour la production énergétique augmentera, mais les risques d'inondation seront probablement accrus.

Outre ces travaux hydrologiques, l'Université de Washington a également élaboré un modèle de système de gestion des eaux au moyen duquel elle voulait tenter de déterminer dans quelle mesure ces divers objectifs seraient atteints selon divers scénarios de changement climatique. Le degré de fiabilité a été établi selon une échelle allant jusqu'à 100. Huit objectifs différents sont représentés dans ce graphique. Celui qui est indiqué à l'extrême-gauche du graphique est la production garantie d'énergie. Cette énergie est destinée à la clientèle qui paie un supplément pour une production garantie d'hydroélectricité. La barre noire indique les résultats estimatifs obtenus grâce à ce modèle dans les conditions climatiques actuelles, soit une fiabilité d'environ 90 p. 100 en ce qui concerne la production d'électricité. La barre rouge représente les résultats obtenus selon un scénario climatique s'appuyant sur un modèle allemand, l'ECHAM4. Ce scénario prévoit un climat plus chaud et un peu plus sec que le climat actuel. La barre bleue représente les résultats obtenus en appliquant un modèle américain, le PCM, prévoyant également un climat plus chaud mais aussi plus humide. Les résultats obtenus selon le scénario prévoyant un climat plus chaud et plus sec laissent prévoir une diminution de 10 p. 100 de la fiabilité en ce qui concerne la production d'énergie garantie; selon le scénario de climat plus chaud et plus humide, la différence est toutefois peu marquée.

En ce qui concerne les autres objectifs, notamment les mouvements des poissons et l'irrigation par la rivière Snake, on constate que le degré de fiabilité diminue généralement selon le scénario d'un climat plus chaud et plus sec. En ce qui concerne la navigation et la régularisation des crues, le degré de fiabilité serait accru. Cette différence augmente par conséquent la complexité de la tâche des responsables de la gestion des eaux qui doivent organiser la gestion des eaux d'un bassin hydrographique en fonction de plusieurs objectifs différents. Comment pourront-ils s'adapter à un changement de la ressource qu'ils s'efforcent de gérer?

Nous tenions, quant à nous, à faire une étude de cas portant spécifiquement sur les conditions canadiennes, dans l'espoir d'apporter des données nouvelles dans le cadre d'un dialogue transfrontalier avec nos collègues de l'Université de Washington. Nous avons d'abord entrepris une étude portant sur la région de l'Okanagan, une région qui est très dépendante de l'irrigation, pour l'agriculture et surtout pour la culture fruitière. En outre, la population des villes de Kelowna et de Vernon augmente et l'effet conjugué de ces diverses pressions engendre certaines difficultés au niveau de la gestion des eaux dans cette région.

On prévoit que, dans les conditions climatiques prévues pour l'avenir, la durée de la saison de croissance augmentera. Dans ce graphique, les calculs portent sur une unité thermique de croissance appelée «degré-jour» qui désigne le nombre de degrés dépassant un certain seuil de base pour les cultures. Dans ce cas, la différence est de cinq degrés Celsius.

La ligne noire, c'est-à-dire la ligne inférieure sur le graphique, représente les résultats estimatifs dans le contexte du climat actuel, la ligne rouge, c'est-à-dire la ligne supérieure, concerne les années 2080. En comparant le climat actuel au mois d'avril — qui est d'environ 100 degrés-jours — au climat prévu pour la fin du présent siècle, on constate que l'on obtiendra probablement ce niveau de chaleur en mars. La saison de croissance sera avancée d'environ un mois. Les degrés-jours devraient augmenter d'environ 20 p. 100 au milieu de la saison de croissance. Par conséquent, la saison de croissance serait plus longue et plus chaude. La question qui se pose est: l'eau nécessaire sera-t-elle disponible?

Une équipe d'Agriculture et Agroalimentaire Canada établie à Summerland (Colombie-Britannique) a établi un modèle permettant de calculer la demande d'eau pour les cultures. Les résultats de son étude sont représentés dans le présent tableau. Les chiffres indiqués concernent quatre districts d'irrigation situés dans le sud de la région de l'Okanagan. Les allocations prévues dans les permis sont indiquées dans la première colonne et sont exprimées en millions d'acres-pieds par an. Le niveau d'utilisation déclaré est indiqué dans la colonne suivante pour la fin des années 2090. Dans certains cas, elle est nettement inférieure aux quantités attribuées, mais la limite est presque atteinte dans le cas de Penticton.

Les deux colonnes suivantes contiennent les chiffres estimatifs obtenus grâce au modèle de la demande d'eau pour les cultures dépendant de l'évapotranspiration, c'est-à-dire d'un indicateur lié à la température. Dans le cas de Penticton, les chiffres estimatifs pour la période de 1961 à 1990 sont de 6,6 millions d'acres-pieds. La demande passera à 9,1 millions d'acres-pieds selon le scénario climatique prévu pour l'avenir et dépassera le plafond actuel prévu pour Penticton.

Dans le cas de Summerland, la demande prévue est presque égale à l'allocation prévue dans les permis. Ce sera une source de grosses difficultés pour les planificateurs qui pensent que l'irrigation sera une importante stratégie d'adaptation pour l'agriculture à un accroissement de la durée de la saison de croissance et des températures pendant cette saison.

Pendant que l'équipe d'Agriculture et Agroalimentaire Canada faisait cette étude, une équipe dont j'ai fait partie a fait une étude hydrologique du débit de plusieurs cours d'eau de la région de l'Okanagan. Je citerai deux exemples: celui de Dave's Creek situé près de Kelowna et celui du Whiteman Creek, situé près de Vernon. En ce qui concerne le premier, la zone bleue représente les débits estimatifs pour la période couverte par les données disponibles et les autres courbes, la verte, la rouge et la noire, représentent les débits prévus pour l'avenir. On constate qu'à mesure que l'on avance dans le temps, la période de débit de pointe à la suite de la fonte des neiges avance constamment et, qu'en l'occurrence, le débit de pointe baisse de plus en plus. Le débit d'eau sera plus important qu'à l'heure actuelle au cours de l'hiver et au début du printemps et, par conséquent, il diminuera pendant la saison de croissance, c'est-à-dire du mois de mai au mois d'août.

En ce qui concerne le Whiteman Creek, la période de fonte des neiges débutera également plus tôt mais le débit de pointe restera au niveau actuel. Cette stabilité est probablement due au fait que ce cours d'eau est situé à une plus haute altitude et que la fonte des neiges ne sera pas accélérée mais qu'elle débutera plus tôt. Dans ce cas également, la quantité d'eau augmentera au printemps et diminuera pendant la saison de croissance.

Nous tenions à communiquer les résultats de ces scénarios aux responsables de la gestion des eaux de la région et à amorcer un dialogue sur l'adaptation. La principale question que nous leur avons posée est la suivante: qu'arrivera-t-il si ce sont là les nouvelles perspectives hydrographiques pour votre réseau d'irrigation, pour votre réseau municipal et pour l'habitat des ressources halieutiques? Quelles sont, d'après vous, les perspectives d'adaptation? Quelles options préféreriez-vous? Cela vous inciterait-il à revoir vos méthodes de gestion? Nous avons tenu une série de réunions d'un groupe de consultation en 2001. Cette étude a été financée par le Fonds d'action pour le changement climatique. Les divers gestionnaires locaux concernés ont mentionné plusieurs options. Nous n'avons pas tenté de réaliser un consensus. Nous voulions uniquement connaître leurs opinions. Une préférence pour quelques mesures d'ordre structurel se dégage, particulièrement en ce qui concerne un accroissement de la capacité de stockage par la construction de barrages plus élevés. Les personnes interrogées ont également manifesté un certain intérêt pour diverses mesures sociales, notamment l'achat de permis d'utilisation de l'eau. Il semblerait que ces dernières aient la préférence sur les mesures d'ordre institutionnel comme une réorganisation des organismes de gestion des eaux dans le but de couvrir intégralement une région ou un bassin.

Les intervenants ont déterminé les incidences de certaines de ces options. Certaines entraîneraient des coûts élevés alors que d'autres pourraient avoir des répercussions secondaires sur les pêches et que d'autres pourraient réduire les choix en matière de développement. À la fin de cette étude, nous avions l'impression d'entrevoir certaines possibilités d'établir un contact entre la recherche scientifique et le processus décisionnel à l'échelle globale.

Avec l'aide de nos collègues d'Agriculture et Agroalimentaire Canada, nous avons amorcé une étude conjointe faisant intervenir les travaux hydrologiques et les travaux sur l'utilisation de l'eau pour les cultures. Ce diagramme donne un aperçu de notre plan. L'étude n'est pas encore terminée. Nous espérons être en mesure d'établir le lien entre les scénarios climatiques et les scénarios hydrologiques; les scénarios portant sur la demande et sur l'offre d'eau pour l'irrigation et les scénarios concernant l'évolution de l'utilisation des terres. Est-ce la superficie des terres en culture ou plutôt celle des terres urbaines qui augmentera au cours du présent siècle dans le cadre de ce scénario?

En outre, nous examinons le rôle des institutions locales dans la prise de mesures de gestion des eaux à caractère préventif. Nous avons interviewé des intervenants du sud-est du district d'irrigation de Kelowna par exemple, qui ont déjà établi un programme de mesure de la quantité d'eau utilisée pour l'irrigation. Nous leur avons posé les questions suivantes: Pourquoi avez-vous pris cette décision? Comment avez-vous procédé? Comment avez-vous évalué l'efficacité de cette initiative en ce qui concerne la réduction de la demande d'eau? Nous menons des interviews en ce qui concerne plusieurs de ces cas afin de comprendre les processus décisionnels actuels.

Nous examinons en outre les coûts de certaines options d'adaptation. Certaines d'entre elles, comme le recours accru à des programmes de mesure, sont axées sur la demande alors que d'autres, comme la construction de réservoirs de plus grande capacité ou le pompage de l'eau du lac Okanagan vers des points situés à plus haute altitude sont axées sur l'offre. Quels sont les coûts associés à ces options? Quelles sont les économies d'eau possibles grâce à un accroissement de la capacité de stockage? L'une de ces options permettra-t-elle de réduire, à elle seule, la vulnérabilité de la région ou sera-il nécessaire d'avoir recours à plusieurs options?

Nous espérons que ces divers renseignements seront utiles pour alimenter un processus de dialogue sur la gestion des eaux à l'échelle régionale avec les responsables de cette gestion et avec les utilisateurs de la région. Nous espérons avoir des résultats à annoncer d'ici environ un an.

Je voudrais maintenant faire des commentaires sur le deuxième cas type, celui qui concerne l'aménagement forestier et le changement climatique dans la région intérieure et dans le nord de la Colombie-Britannique. Voici pour commencer une photographie que plusieurs d'entre vous ont peut-être déjà vue. Elle a été prise dans le centre de la province et montre l'étendue des dégâts causés par le dendroctone du pin ponderosa. Elle ressemble à première vue à une magnifique photo d'arbres au feuillage rouge, mais ceux-ci sont tous endommagés et malades et sont en train de périr à cause de cet insecte.

Le Service canadien des forêts a fait des études sur le dendroctone du pin ponderosa. Cette carte-ci indique les endroits où les épidémies se sont déclarées. Il semblerait que deux facteurs climatiques intéressants interviennent. D'une part, on constate que les foyers d'épidémie sont peu nombreux dans les régions où les étés sont relativement frais. Il s'agit des régions de couleur orange, généralement situées à plus haute altitude. D'autre part, les foyers d'épidémie sont également peu nombreux dans les régions où les températures hivernales minimales sont inférieures à moins 40 degrés Celsius, représentées par la ligne noire. Au cours des deux dernières années, les hivers ont été doux et ces basses températures hivernales n'ont pas été atteintes. Par conséquent, les insectes ont pu survivre l'hiver et étendre leur rayon d'action. Le Service canadien des forêts a démontré que la dernière épidémie a touché près de 1,5 million d'hectares.

Deux facteurs entrent en ligne de compte: les hivers ont non seulement été assez doux pour permettre à l'insecte de survivre mais, comme l'indique l'autre courbe parsemée de points bleus, la superficie couverte par l'essence la plus vulnérable, c'est-à-dire le pin de Murray, a considérablement augmenté dans cette région. Ce changement est dû à une décision en matière d'aménagement qui a de toute évidence été fondée sur des critères d'efficacité et de productivité mais qui, en raison de l'adoucissement des températures hivernales, a accru le degré de vulnérabilité et a ouvert la voie à cette épidémie.

Que nous réserve l'avenir? Cette étude faite par le Service canadien des forêts visait à évaluer les conditions climatiques propices à la propagation du dendroctone du pin ponderosa, pour le passé et pour l'avenir. Cette diapositive représente donc quatre tranches de temps d'une durée de 30 ans. Les cartes de la partie supérieure de la diapositive représentent les résultats pour les périodes de 1941 à 1970 et de 1971 à 2000 alors que les cartes de la partie inférieure représentent des prévisions. Les catégories en jaune pâle et en orange, qui représentent des conditions climatiques très propices et extrêmement propices, couvrent une superficie de plus en plus grande, jusqu'à dominer toutes les régions de faible altitude de l'intérieur de la Colombie-Britannique — le sud, le centre et le nord.

Une autre étude a été faite au sujet d'un autre indicateur appelé indice forêt-météo. Cette figure a été tirée d'une étude faite il y a plusieurs années dans le cadre d'une étude plus générale appelée Étude d'impact sur le bassin du Mackenzie. Il semblerait que Aynslie Ogden, qui a fait un exposé pour le RCRICA-Région du Nord devant votre comité en décembre, ait cité cette étude qui contenait plusieurs types de prévisions, notamment sur les changements au niveau du danger d'incendie.

La présente diapositive représente huit périodes. Pour votre information, je signale que le Grand lac des Esclaves est la forme allongée située dans le coin supérieur droit des diverses cartes. La région située juste en dessous de ce lac est le nord de l'Alberta alors que le nord-est de la Colombie-Britannique est à gauche. L'indice forêt-météo est subdivisé en trois catégories: la couleur verte représente un indice peu élevé, la bleue un indice moyen et la rouge un indice élevé. On constate que la superficie couverte par la couleur rouge augmente progressivement entre les années 80 et les années 2050. Elle commence dans le nord de l'Alberta et progresse vers l'Ouest, jusqu'à la Colombie-Britannique.

Dans le cas des conditions climatiques propices à la propagation du dendroctone du pin et de l'indice forêt-météo, on ne tient pas compte d'un éventuel changement au niveau de la gestion ou de l'adoption d'une stratégie préventive d'adaptation. Ce que représentent ces deux figures, ce sont les changements au niveau des risques liés aux scénarios de changement climatique.

Le British Columbia Ministry of Forests a mis en place un autre projet intéressant portant sur le secteur forestier et le climat. Dans le cadre de ce projet, il examine à quelle altitude on plante un semis d'arbre par rapport à l'altitude de l'arbre dont provient le semis. Il s'agit de déterminer s'il convient de planter le semis d'un arbre situé par exemple à 500 mètres d'altitude, dans le cas d'un reboisement après abattage, après un incendie ou après une infestation parasitaire, à la même altitude (500 mètres), ou à une altitude plus basse ou plus élevée, et quelle serait la croissance de cet arbre.

Plusieurs parcelles d'essai sont représentées dans la présente figure. L'échelle de grandeur placée à l'horizontale, appelée «changement d'altitude» commence à zéro, ce qui représente un endroit situé à la même altitude que celui où se trouvait l'arbre dont provient le semis. Les chiffres positifs qui se trouvent à la droite de ce point indiquent que les semis ont été plantés à des altitudes plus élevées alors que les chiffres négatifs indiquent qu'ils ont été plantés à des altitudes moins élevées. L'axe vertical représente une évaluation du degré de réussite de cette expérience, exprimé en volumes par hectare; il s'agit donc des variations de rendement exprimées en pourcentages. Le zéro représente un rendement égal au rendement actuel. Les chiffres positifs indiquent un rendement supérieur et les chiffres négatifs un rendement inférieur; ils démontrent par conséquent que c'était une erreur de planter les semis à cette altitude.

La courbe qui relie cette série de points a été tracée à des fins statistiques, pour indiquer s'il existe un lien entre l'altitude à laquelle on a planté le semis par rapport à l'altitude de l'arbre dont il provient, et le rendement. On constate que, sur un âge moyen des arbres variant entre 30 et 50 ans, en dehors d'un changement climatique, le rendement idéal serait obtenu au point zéro, c'est-à-dire à la même altitude. En fait, cette courbe n'atteint pas son point culminant à zéro, mais à une altitude supérieure de 200 à 300 mètres à celle de l'arbre d'origine. Par conséquent, si vous vouliez planter un arbre, vous auriez intérêt à le planter à une altitude supérieure pour obtenir un rendement égal ou supérieur.

Les températures refroidissent à mesure que l'altitude augmente; elles baissent généralement d'environ six degrés par kilomètre, dans un climat sec. Autrement dit, à une altitude de 300 mètres, l'arbre a connu au cours de son cycle de vie un réchauffement d'un à deux degrés entre la période où l'arbre-mère a entamé sa croissance et celle où le semis a été produit, semis que l'expert-forestier doit décider où planter.

Le président: Ne faudrait-il pas utiliser de nouvelles espèces?

M. Cohen: C'est une autre question. Faut-il utiliser d'autres espèces? C'est un casse-tête pour les experts-forestiers. Ils doivent s'adapter à ces changements non seulement au niveau des risques mais aussi au niveau du potentiel, compte tenu d'une hausse de température.

Quelles sont les constatations qui ont été faites dans ces deux cas, ainsi que dans les premiers exemples que j'ai mentionnés. La première est que la Colombie-Britannique est déjà touchée par un changement climatique: les températures augmentent et les précipitations aussi. Les glaciers reculent, ce qui modifie les quantités d'eau disponibles en été, comme vient de le mentionner M. Sauchyn.

Les études sur le changement climatique au cours des prochaines années indiquent que les sources d'approvisionnement en eau seront touchées, surtout par un avancement de la période de fonte des neiges. Les bassins hydrographiques contiendront probablement davantage d'eau en hiver et moins en été. On n'a pas encore établi de données précises permettant de déterminer si les quantités totales d'eau disponibles au cours de l'année seraient supérieures ou inférieures. Un doute subsiste à cet égard, mais le degré de certitude est assez élevé en ce qui concerne les conséquences des fontes de neige plus précoces. Un autre facteur est que les saisons de croissance seront plus longues et plus chaudes. Les risques d'infestation par des insectes nuisibles et d'incendie augmenteront probablement à l'intérieur de la Colombie-Britannique et s'étendront à des zones situées à des altitudes et à des latitudes plus élevées.

Cette étude a révélé quelques informations tout en soulevant de nouvelles questions. Comment évolueront l'offre et la demande en eau et quelles seront les implications de ces changements sur le plan d'une gestion axée sur plusieurs objectifs, notamment sur le soutien à l'irrigation, le soutien aux pêches, la fourniture d'électricité et la régularisation des crues? Par exemple, compte tenu de ces objectifs, les gestionnaires devront non seulement se préoccuper d'un changement au niveau de la ressource comme telle, mais ils devront en outre tenir compte de divers changements démographiques et de changements d'utilisation des terres qui pourraient restreindre notre capacité d'adaptation. Ces divers facteurs devront forcément être pris en considération simultanément.

En fait, le changement climatique en soi pourrait restreindre les possibilités au niveau des stratégies d'adaptation axées sur d'autres utilisateurs, comme les cultivateurs qui ont recours à l'irrigation. Quelle sera l'incidence du changement climatique au niveau de l'aménagement forestier? Les expériences faites sur les semis de pin de Murray démontrent qu'il sera essentiel que les plans de reboisement tiennent compte des changements climatiques sur une période correspondant au cycle de vie des arbres concernés. Quelles seront les incidences sur les niveaux de récolte? Quelles seront les répercussions pour les collectivités qui en dépendent?

Toutes ces considérations nous poussent à nous interroger quant aux risques climatiques et à leurs incidences pour les collectivités. La question qu'il convient de se poser est: les entreprises et les pouvoirs publics prennent-ils des décisions de planification et de gestion en présumant que le climat ne changera pas?

Comment peut-on intégrer des scénarios climatiques aléatoires à ces évaluations des risques et des possibilités? Les scénarios sont aléatoires en raison de la nature de la science climatique moderne. L'application des modèles climatiques mondiaux à une échelle régionale est extrêmement complexe, surtout en Colombie-Britannique, en raison de la complexité du terrain. Par conséquent, nous n'attribuerons jamais des probabilités à ces scénarios. Nous pouvons en signaler l'origine aux personnes concernées et mentionner qu'ils ont été établis selon les règles de l'art par des experts en sciences atmosphériques, mais nous ne pouvons pas y rattacher des probabilités.

Nous espérons que le RCRICA pour la région de la Colombie-Britannique sera en mesure d'accroître le dialogue sur les impacts du changement climatique et sur l'adaptation à ce changement. Avec ses partenaires, il a déjà organisé des ateliers auxquels ont participé des chercheurs de l'Université de la Colombie-Britannique et de l'Okanagan College; il compte en outre en organiser aussi, avec des représentants d'autres établissements de niveau supérieur. Il a également tenu des ateliers régionaux visant à attirer un plus grand nombre de participants non seulement des représentants du milieu de l'enseignement supérieur, mais aussi des intervenants et des gestionnaires locaux de ressources. Une réunion très fructueuse a eu lieu il y a 15 jours à Cranbrook et une autre est prévue à Prince George dans deux semaines.

Ce processus nous permet d'être au courant des préoccupations des intervenants et des chercheurs dans plusieurs domaines. La première est la nécessité d'établir davantage de programmes de surveillance. Il ne s'agirait pas seulement de programmes de surveillance du climat mais aussi de surveillance de l'état des ressources: eau, ressources halieutiques, développement des cultures, forêts, et cetera. Diverses préoccupations sont liées à la vulnérabilité, non seulement de la ressource proprement dite, mais aussi des collectivités, des économies régionales alors que d'autres concernent les options d'adaptation. Ces diverses préoccupations en engendrent d'autres qui sont liées aux incidences générales sur la santé communautaire et sur le style de vie et à des impacts imprévus. Il est important que ces types d'études soient axés sur l'avenir, même si cet avenir est incertain en ce qui concerne le climat, car elles permettront peut-être de prévoir l'imprévu.

Enfin, le RCRICA pour la région de la Colombie-Britannique fait la promotion de nouvelles possibilités de recherche dans la région. En encourageant la participation des intervenants aux premières étapes de la recherche, nous voulons encourager une collaboration interdisciplinaire et une collaboration entre chercheurs et praticiens de divers secteurs de la gestion des ressources. L'acquisition de connaissances sur les possibilités d'adaptation d'une région au changement climatique a un rôle très important à jouer à l'échelle locale.

Nous espérons que ces nouvelles possibilités permettront d'identifier de nouveaux points vulnérables ou d'autres possibilités d'adaptation à examiner. L'enjeu est d'être mieux armé pour faire face aux fluctuations climatiques actuelles ou futures et aux risques qui y sont associés.

J'ai mentionné que, dans une des dernières diapositives, je donnerais une liste des comités consultatifs affiliés. Ils ont fait des recommandations importantes sur les possibilités d'établir un contact entre le problème du changement climatique et divers chercheurs et intervenants de la région. La dernière diapositive représente l'adresse de notre site Web.

Le président: Je vous remercie pour votre excellent exposé.

Monsieur Sauchyn, sur une de vos premières diapositives, vous avez mentionné que, d'ici 2040, le sud des Prairies serait une région sèche et qu'environ 50 p. 100 de cette région serait aride. Vous avez mentionné ensuite quelques incidences positives, notamment, qu'il sera possible de prolonger la saison de croissance de certaines cultures.

J'espère que cette aridité offre de nombreux autres avantages pour les agriculteurs et les travailleurs du secteur forestier. Pouvez-vous mentionner quelques autres avantages de l'allongement de la saison de croissance et de l'aridité de 50 p. 100 du territoire de la province d'ici 2040?

M. Sauchyn: Les avantages d'une période de croissance plus longue sont qu'il sera possible de produire des cultures de saison chaude et par conséquent de varier la production, ainsi que de faire deux récoltes par an. On peut établir un parallèle avec le type d'agriculture pratiquée dans le sud, dans le Midwest ou dans les plaines centrales des États-Unis. Plusieurs agriculteurs des Prairies font déjà des expériences avec des essais de saison chaude comme les légumineuses. C'est un nouveau débouché. Les possibilités sont cependant limitées par la diminution des réserves d'eau.

Le président: Ce n'est peut-être pas un avantage, compte tenu de la fonte des glaciers.

M. Sauchyn: Dans ce nouveau contexte climatique, la gestion de l'eau revêt une importance cruciale.

Le président: D'où pourrait venir l'eau si les glaciers disparaissent? Les précipitations normales n'ont jamais été élevées, d'après vous, et on ne peut tout de même pas se mettre à dessaler l'eau de mer. De quelle source tirera-t-on cette nouvelle eau?

M. Sauchyn: Une des deux autres sources serait la nappe d'eau souterraine. En comparaison d'autres États ou provinces, les Prairies n'exploitent pas beaucoup l'eau souterraine. Celle-ci est toutefois de piètre qualité dans les Prairies.

Le président: Ce n'est que du gaz et du pétrole.

M. Sauchyn: On peut s'attendre à ce que de fortes pressions soient exercées pour que l'on exploite l'eau souterraine.

L'autre source est située plus au nord. Sur le bouclier du nord de la Saskatchewan et du Manitoba, il y a beaucoup d'eau, mais le problème est de l'acheminer vers le sud des provinces des Prairies. Je suis certain que des ingénieurs examinent des solutions techniques semblables. Cependant, les experts en sciences sociales préféreraient que la population se déplace vers le nord, c'est-à-dire vers la source. Quant à eux, les ingénieurs préféreraient acheminer l'eau vers le sud où la population est actuellement établie.

Le sénateur Wiebe: Il semblerait, d'après vos exposés, qu'en ce qui concerne l'ouest du Canada, le réchauffement planétaire entraînera une pénurie d'eau. Pourtant, l'eau ne disparaîtra jamais du globe à moins qu'on ne fasse comme certaines compagnies pétrolières albertaines et qu'on ne l'injecte dans le sol. Je n'ai toutefois pas l'intention de discuter de cette méthode ridicule aujourd'hui.

Pour produire de l'eau, il faut de la chaleur. La chaleur évapore l'eau; cette évaporation forme les nuages qui se transforment en pluie. L'eau produite par la fonte des glaciers se déverse dans les océans. Par conséquent, la masse du sol diminuera de volume et la masse d'eau augmentera de volume, non seulement à cause de la fonte des glaciers mais aussi à la suite de la fonte de la calotte glaciaire, par exemple.

Pourquoi ne bénéficierait-on pas de ces précipitations dans le sud et dans l'ouest du Canada? La plupart des précipitations dans l'ouest viennent des montagnes, à la suite de l'évaporation qui se produit à la surface des océans. Je ne suis donc pas entièrement d'accord avec vous. Les glaciers ont eu une incidence sur les réserves à long terme d'eau de surface dans l'Ouest. J'habite cependant en bordure de la partie sud de la rivière Saskatchewan. Notre principale préoccupation dans cette région est la quantité de neige qui tombe dans les montagnes parce que c'est d'elle que dépend la quantité d'eau disponible l'année suivante. Notre source d'approvisionnement en eau n'est pas la fonte des glaciers mais les précipitations.

On présume que le réchauffement planétaire est associé à la sécheresse. Ne serait-il pas possible de l'associer également à l'humidité? Le triangle de Palliser, c'est-à-dire la région située entre Winnipeg et Saskatoon en passant par Calgary, est représenté sur cette carte. Il y a des années, Palliser a dit que c'était un désert et il ne recommandait à personne de pratiquer la culture dans cette région. Pourtant, les agriculteurs se sont bien adaptés dans ce désert.

Est-ce que nous envisageons le scénario le plus pessimiste ou les courants atmosphériques pourraient-ils changer à la suite du réchauffement planétaire et amener de plus grandes quantités d'eau dans notre région? Est-ce qu'elle pourrait devenir une région tropicale plutôt qu'une région désertique?

M. Sauchyn: En ce qui concerne le triangle de Palliser, le Texas est une zone géographique qui peut servir de point de comparaison pour un scénario climatique. On considère l'ouest du Texas comme un désert et pourtant, cette zone reçoit des précipitations plus abondantes que le sud de l'Alberta, en raison de la proximité du golfe du Mexique. Par contre, les pertes d'eau y sont plus importantes que dans le sud de l'Alberta. Si l'ouest du Texas est une région aussi aride, c'est parce que le taux d'évaporation y est très élevé.

Vous avez raison. On s'attend à ce que les chutes de pluie et de neige soient plus abondantes à l'avenir dans les Prairies. Pour exploiter ces précipitations, il faudrait empêcher cette humidité de retourner dans l'atmosphère par évaporation.

Vous mentionnez également à juste titre que certaines années, les précipitations seront un peu plus abondantes. Il y aura des années de grande sécheresse mais aussi des années particulièrement pluvieuses si les prévisions en ce qui concerne le changement climatique se réalisent. La difficulté est de trouver une méthode qui permette de capter cette eau supplémentaire pour la stocker en prévision des années de sécheresse.

Vous avez mentionné John Palliser. Dans notre mémoire, j'ai mentionné certaines études faites au CPRA (Collectif des Prairies pour la recherche en adaptation), portant sur la sécheresse avant la colonisation des Prairies. Nous sommes allés dans la région des Cypress Hills, dans le sud de la Saskatchewan, qui est boisée, pour examiner les anneaux d'accroissement des arbres. Dans cette région, la croissance des arbres est proportionnelle à l'abondance des précipitations. Nous avons constaté qu'une sécheresse avait sévi dans cette région de 1855 à 1867, une sécheresse qui a duré 12 ans, et John Palliser est arrivé dans la région pendant cette période de sécheresse.

Nous avons constaté également que le XXe siècle a été extrêmement pluvieux. Pourtant, ce qui caractérise le climat du XXe siècle, ce sont des périodes de sécheresse très accentuée qui n'ont toutefois duré qu'un an — 1937, 1961, 1984 et 1988 — jusqu'à ce qu'on arrive à la fin du siècle et à la sécheresse actuelle.

Nos parents, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents ont en fait choisi le meilleur siècle pour coloniser les Prairies. Avant cela, c'était une région beaucoup plus aride et l'on prévoit des conditions beaucoup plus sèches pour l'avenir.

M. Cohen: Il est important de faire une différence entre sécheresse hydrologique et sécheresse agricole. Dans les deux cas, il s'agit d'une pénurie d'eau, mais dans des parties différentes du système.

Une sécheresse agricole est due à une pénurie d'eau dans les zones de cultures; cette notion évoque donc celle de l'humidité du sol qui dépend des précipitations locales.

Une sécheresse hydrologique dépend des précipitations dans la région où se trouve la source des cours d'eau concernés. Comme l'a mentionné le sénateur Wiebe, la partie sud du cours de la rivière Saskatchewan est très tributaire des fontes de neige dans les Rocheuses. Les fontes de neige peuvent être extrêmement variables d'une année à l'autre et, par conséquent, le niveau de la rivière est extrêmement variable. Cependant, les quantités de précipitations dont un agriculteur a besoin dépendent de l'humidité du sol sur son terrain. Dans le contexte d'un changement climatique, il est certain que les probabilités de sécheresse agricole augmenteront en raison du réchauffement de la température. C'est toutefois beaucoup moins sûr en ce qui concerne une sécheresse hydrologique parce qu'il est difficile de prévoir avec exactitude les accumulations de neige dans les Rocheuses à l'avenir.

Je voudrais faire un commentaire au sujet de la distinction entre les réserves totales d'eau et les fluctuations en ce qui concerne le moment où elles sont disponibles et leur distribution. Dans le cas que nous avons examiné en Colombie- Britannique, on ne peut pas tirer de conclusions définitives sur les changements globaux. Cependant, on peut en tirer une sur les changements dans le temps. Étant donné que la fonte des neiges commencera plus tôt, l'eau passera plus tôt dans le réseau hydrographique. Par conséquent, la quantité d'eau augmentera en avril et en mai et diminuera en juillet et en août. C'est ce que l'on peut actuellement observer dans la plupart des bassins hydrographiques où la fonte des neiges est un facteur important. On observe déjà ce changement dans toute l'Amérique du Nord.

On ne sait pas exactement quelles conséquences ces changements auront pour les services d'irrigation parce que cela dépendra de la priorité que les institutions responsables de cette ressource accorderont à cet objectif par rapport aux autres objectifs qu'elles s'efforcent d'atteindre.

Le sénateur Wiebe: Comme vous l'avez mentionné, le principal mandat de ce comité est d'écouter les opinions de citoyens tels que vous afin de pouvoir faire des recommandations sur les possibilités d'adaptation au changement climatique.

Monsieur Sauchyn, vous mentionnez dans votre mémoire diverses options d'adaptation. Je voudrais toutefois des informations plus précises en ce qui concerne les options qui consistent à modifier le cours des événements et celles qui consistent à en prévenir les effets. Est-ce que les conditions météorologiques sont «les événements» ou sont-elles plutôt «les effets»? Comment peut-on les modifier?

M. Sauchyn: Dans ce graphique, les événements font référence aux conditions météorologiques et pour modifier celles-ci, il faut s'efforcer de renverser le cours des tendances actuelles. La case «modifier les événements» fait référence à la réduction des émissions de gaz à effet de serre, qui est la principale cause du changement climatique actuel.

Le sénateur Wiebe: Comment faut-il interpréter «prévenir les effets»? Cela concerne-t-il également les gaz à effet de serre?

M. Sauchyn: On peut remplacer «effets» par «incidences»; «prévenir les effets» est donc synonyme d'adaptation.

Le sénateur Wiebe a raison: ce sont les chutes de neige dans les Rocheuses qui constituent la principale source d'eau pour l'ouest des Prairies, mais les modèles de changement climatique révèlent que dans les Rocheuses, les chutes de neige diminueront alors que la pluviosité augmentera. C'est déjà visible. Si vous avez voyagé dans les Rocheuses cet hiver, vous avez pu constater que, même si les accumulations de neige y sont marginales, plusieurs averses sont tombées sur la région. Comme l'a mentionné M. Cohen, les difficultés viennent des changements qui surviennent au niveau de la nature et du calendrier des précipitations de pluie. Même si la quantité totale d'eau de pluie et de précipitations ne change pas, ou si elle augmente, leur nature et le calendrier changent et c'est à ce niveau que le problème se pose.

Le sénateur Fairbairn: Vos exposés me dépriment parce que presque tous les commentaires que vous avez faits dépeignent la situation actuelle dans le sud-ouest de l'Alberta, non seulement depuis un ou deux ans mais depuis plusieurs années. On mentionne parfois dans les reportages médiatiques que la sécheresse de l'année dernière était la pire sécheresse de mémoire humaine. Elle était effectivement terrible. On a parfois tendance à oublier que ces conditions ne durent pas qu'un an, mais plusieurs années. Les précipitations qui, chose étrange, se sont déversées sur ma région (le sud-ouest de l'Alberta) l'été dernier ont incontestablement aidé à remplir les réservoirs, mais elles ne sont pas tombées au bon moment. Elles ont détruit les semis. À l'automne, alors que l'on a normalement la chaleur nécessaire à la dernière poussée de croissance de la plupart des plantes que nous cultivons, il a fait très froid et humide et des cultures comme les patates et les betteraves sucrières ont pourri sur pied.

Vos travaux sont extrêmement intéressants. La seule façon d'aider les collectivités extrêmement vulnérables à ce type de conditions météorologiques, à savoir les petites collectivités agricoles, consiste à faire sans tarder, comme vous l'avez mentionné, des recherches plus poussées permettant de faire face à la situation. La chaleur nécessaire est là, mais pas l'humidité.

Êtes-vous au courant de la création du Water Institute, à l'University de Lethbridge? Je ne dirais pas qu'il a été créé parce qu'on désespérait, mais c'était probablement presque le cas. Cet institut fait de nombreuses études. À quelle solution de rechange pourrait-on avoir recours si nos régions ne reçoivent pas suffisamment d'humidité?

Il y a plusieurs années, la situation était vraiment catastrophique et les habitants de la région demandaient si l'on ne pourrait pas installer des canalisations pour pomper l'eau souterraine; un grand nombre d'entre eux ont installé divers dispositifs dans le sol et n'ont réussi qu'à faire remonter de la poussière. Il n'y avait pas une goutte d'eau. Je sais que vous ne pouvez pas répondre à la question, mais faites tout de même une tentative. Comment peut-on faire des projets d'avenir dans cette région du Canada alors que, en dépit de certaines de vos suggestions, on n'arrive même pas à maintenir les niveaux d'eau nécessaires?

M. Sauchyn: C'est exact. Je n'ai pas de solution à proposer. Nous étudions toutefois les options avec l'aide du Water Institute for Semi-arid Ecosystems, le nouveau centre de recherche de l'Université de Lethbridge que vous avez mentionné. Nous examinons les options avec le ministère de l'Environnement de l'Alberta, avec Environnement Canada et avec les districts d'irrigation du sud de l'Alberta.

Soixante-dix pour cent de l'eau consommée dans le sud de l'Alberta est consommée par les districts d'irrigation. Environ 300 permis d'utilisation d'eau sont en circulation dans le sud de l'Alberta. Les sept premiers ont été distribués aux districts d'irrigation. Les permis sont délivrés et les allocations d'eau sont faites dans l'ordre d'arrivée des demandes. Cette approche a été remise en question en 2001. Le ministère de l'Environnement de l'Alberta a été presque forcé de résilier des centaines de permis d'exploitation d'eau parce qu'il a dû reconnaître le droit des irrigateurs qui étaient les premiers arrivés. Ces derniers se sont rendu compte qu'il n'était pas possible qu'ils conservent leur permis d'eau alors que leurs voisins et les habitants des régions urbaines perdraient le leur. On a donc trouvé un terrain d'entente.

En définitive, nos institutions doivent faire preuve d'une beaucoup plus grande souplesse parce qu'à l'avenir, le climat sera beaucoup plus sec mais aussi beaucoup plus variable, et que l'alimentation en eau sera beaucoup moins fiable. Certaines années, il y aura des inondations mais bien plus souvent, il y aura pénurie d'eau.

Les institutions gouvernementales, les gestionnaires et les planificateurs doivent s'assurer que les politiques et les programmes ne limitent pas la marge de manoeuvre des agriculteurs et des petites collectivités. Ceux-ci doivent être aptes à s'adapter, mais les programmes et politiques actuellement en place entravent parfois ce processus d'adaptation.

Le sénateur Fairbairn: À ce propos, en 2001, les habitants du sud-ouest de l'Alberta avaient prévu que les précipitations seraient insuffisantes pour pouvoir produire une bonne récolte et, pour la première fois, ils avaient reçu la permission de louer leur quota d'eau à un voisin pour autant que celui-ci démontre qu'il pourrait en faire une meilleure utilisation. Je pense que c'était la première fois qu'on procédait de cette façon, du moins depuis quelques années. Cette façon de procéder a été très efficace. C'était une solution originale.

Dans quelques semaines, nous prendrons la route pour visiter certaines régions de l'ouest du Canada. Notre comité a pour mandat d'étudier la capacité des collectivités concernées, par le biais de la gestion ou par d'autres méthodes, de survivre, de retenir leur population, en tenant compte non seulement des pressions qui se manifestent déjà, mais aussi des pressions futures. Ce problème est généralement considéré comme un problème qui concerne l'agriculture, et c'est un fait, mais si de petites collectivités disparaissent, il deviendra également un problème humain et social, et aussi un problème économique.

Une question à laquelle la sécheresse qui a sévi cet été m'a fait penser est: comment peut-on persuader les jeunes de ne pas abandonner la terre quand ils voient leurs parents vivre une expérience aussi traumatisante? Qu'a-t-on à leur offrir? J'espère que la recherche leur donnera de nouvelles motivations. Nous avons diversifié nos activités dans toute la mesure de nos possibilités, notamment en nous recyclant dans l'élevage de l'alpaga et du lama, dans le sud de l'Alberta. Comment convaincre un jeune de s'accrocher, malgré les informations et les prévisions qui ont été communiquées ce soir?

M. Sauchyn: Je suis un scientifique et je ne suis pas en mesure de répondre à votre question. Vous avez fait quelques commentaires très intéressants qui démontrent que le changement climatique n'est qu'un facteur parmi d'autres. Il faut l'examiner dans le contexte des autres facteurs économiques et sociaux qui ont une influence sur ces collectivités. La plupart de ces collectivités sont extrêmement vulnérables, si bien qu'une mauvaise année, ou quelques-unes d'affilée, pourrait causer leur perte.

M. Cohen: Sénateur Fairbairn, c'est un sujet très important que vous abordez là; il s'agira de déterminer la capacité d'une région de s'adapter à un certain type de stress ou de risque. La capacité d'adaptation est liée à divers facteurs d'ordre technique, d'ordre institutionnel, d'ordre économique et d'ordre social. De nombreuses régions et collectivités ont déjà démontré leur capacité de s'adapter à des sécheresses, à des inondations ou à d'autres types de catastrophes. La question est de savoir quel défi posera le changement climatique pour la capacité d'adaptation d'une région. La capacité d'adaptation, non seulement en ce qui concerne les Prairies, mais aussi les autres régions du Canada, est liée à notre base de connaissances — c'est-à-dire aux universités, aux pouvoirs publics, aux collectivités, aux ingénieurs et diverses autres personnes, qui devront investir le temps, le talent et les ressources nécessaires pour régler ce type de problèmes. Comme l'a mentionné M. Sauchyn, de nombreux autres changements surviendront également.

La recherche dans ce domaine est interdisciplinaire. Elle se situe à la fois à l'échelle planétaire, à l'échelle nationale et à l'échelle locale; en outre, son milieu naturel n'est pas un cadre universitaire. Il sera nécessaire d'investir dans la capacité de poursuivre ce type de recherche à long terme, de réunir des personnes ayant des sources de données différentes, des bases de connaissances différentes, des expériences différentes et des outils différents pour déterminer les incidences qu'aura le changement climatique sur le développement futur. J'ai dit que je n'aborderais pas la question de l'espoir. Que savent les scientifiques de l'espoir? Les scientifiques ont le bagage de connaissances nécessaire pour étudier diverses options et ils apprécient les efforts déployés par les experts en sciences sociales pour établir un dialogue et démontrer, par des anecdotes et des situations précises, qu'un ordre futur préétabli est un mythe. Certaines personnes parlent de «recul» dans ce contexte.

Nos premiers espoirs résident dans notre capacité de faire un effort collectif pour déterminer les défis que pose le changement climatique en ce qui concerne notre capacité d'adaptation, sous ses diverses formes, car cela permet de mobiliser les expériences, les connaissances et les outils locaux pour faire front commun avec les chercheurs professionnels et former ce que j'appelle le collectif scientifiques-intervenants. La collaboration peut se situer à différents niveaux. Nous avons la capacité de réunir ces outils et ces expériences, mais il faut un responsable. En raison de sa nature interdisciplinaire, cette collaboration ne fait généralement pas l'objet de l'appui durable nécessaire pour donner naissance à une éthique professionnelle ou à une collectivité de spécialistes.

Le président: Le gouvernement doit-il vraiment intervenir pour assurer la coordination et l'administration?

M. Cohen: Il s'agit de leadership en matière de recherche et ce leadership peut venir de plusieurs sources comme le gouvernement, les universités, voire les organisations non gouvernementales. Pour assurer ce leadership, il est toutefois nécessaire de disposer de ressources de façon ininterrompue.

En décembre, M. Duinker, qui a déjà témoigné, a mentionné les chaires de recherche dans les universités qui pourront contribuer dans une large mesure à faire acquérir au Canada la capacité de faire de la recherche locale dans ce domaine. Il faut instaurer des mesures incitatives analogues dans d'autres collectivités pour que les experts puissent consacrer tout le temps nécessaire à l'étude de la question. C'est ainsi que l'on peut faire des expériences d'apprentissage communes et nourrir un certain espoir.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais faire un dernier commentaire. Dans les exposés que vous avez faits ce soir, bien que l'on considère depuis un certain temps le changement climatique comme un phénomène lié à d'autres types de ressources naturelles, vous signalez, à l'instar des autres observateurs, que cette question revêt de nombreux aspects. Cependant, c'est peut-être celui que nous examinons, à savoir ses incidences sur la croissance des produits alimentaires, qui est le plus spectaculaire. Je vous remercie de l'avoir mis en évidence.

Le sénateur Gustafson: Vous avez mentionné la politique gouvernementale. J'ai fait, il y a deux jours, un aller-retour en voiture entre Estevan, en Saskatchewan, et Vulcan, en Alberta. Le spectacle était très édifiant. Le trajet commence dans les Prairies, le long de la frontière. J'ai notamment constaté qu'un grand nombre d'agriculteurs ont de nouveau recours à la pratique des jachères. Depuis des années, on recommandait la monoculture pour éviter l'érosion du sol pendant les périodes de sécheresse. Actuellement, de nombreuses terres de culture sont en jachère entre Vulcan (Alberta) et Regina (Saskatchewan), autrement à 50 milles à l'ouest d'ici. J'ai été très étonné.

Pourquoi les agriculteurs ont-ils de nouveau recours à cette pratique? L'autre jour, un des voisins m'a dit — j'ai été cultivateur pendant 50 ans et je le suis toujours — qu'il envisageait d'avoir de nouveau recours à la pratique des jachères parce qu'il n'avait plus les moyens de supporter les coûts d'intrants. Comme vous l'avez mentionné, la politique gouvernementale revêt une importance capitale dans le contexte des sécheresses.

Notre comité a fait une étude que je trouve vraiment excellente et il a publié un rapport intitulé «Les agriculteurs canadiens en danger». La plupart de mes collègues ont fait des voyages en Europe et aux États-Unis pour étudier la condition des agriculteurs. Certaines des initiatives prises dans ces autres pays me semblent très efficaces. Il est actuellement beaucoup question de subventions et d'examen des diverses options possibles pour les supprimer, mais je pense qu'on ne les supprimera jamais. En Europe, aux États-Unis et dans certains pays plus petits, le développement rural, l'environnement et l'agriculture relèvent de la même administration. On pense essentiellement que les agriculteurs n'ont pas les moyens d'assurer seuls l'intendance de la terre. Il faudra que l'ensemble de la société prenne conscience de l'évolution de la terre sur le plan environnemental. Sans utiliser exactement les mêmes termes, vous avez très bien décrit les problèmes qui se posent.

Il est possible de citer d'autres exemples comme celui des engrais dont on fait peut-être un usage exagéré. On utilise des produits antiparasitaires et on vaporise divers produits chimiques qui suscitent des préoccupations pour l'environnement et sont à la source des diverses initiatives que nous prenons pour tenter de régler certains problèmes très graves. Je pense que la politique gouvernementale joue un rôle essentiel. Comment sensibiliser la population canadienne, les gouvernements provinciaux, le gouvernement fédéral et les personnes influentes aux problèmes qui nous menacent?

M. Sauchyn: Le changement climatique est en définitive un enjeu social et pas un enjeu scientifique; il doit par conséquent occuper une place importante dans la politique gouvernementale. Nous avons créé le problème, ou du moins accru la cadence, du changement climatique et nous devons maintenant faire face à ses répercussions. C'est en définitive une question sociale.

Je trouve également que les agriculteurs, en particulier ceux des Prairies, font preuve d'une résistance étonnante et qu'ils font ce qui est nécessaire pour tenir le coup.

J'ai participé à l'émission Newsworld du réseau anglais de Radio-Canada l'été dernier au cours de laquelle j'ai déclaré à peu près ceci: «Les agriculteurs devront s'adapter». Mon oncle, qui est agriculteur en Alberta, a regardé cette émission et, à la première occasion, il m'a demandé quelles initiatives je m'attendais à ce qu'il prenne.

Il y a des limites à ce que les agriculteurs peuvent faire. La gestion de la ressource, c'est-à-dire du sol, de l'eau et de la végétation, relève en définitive de tous les Canadiens.

Le président: Tout à l'heure, lorsque vous avez répondu à une question du sénateur Fairbairn, vous avez mentionné qu'en ce qui concerne l'adaptation, il fallait accorder aux agriculteurs la marge de manoeuvre nécessaire pour être en mesure de s'adapter. Vous avez mentionné également que divers règlements et procédures en place constituaient un obstacle et qu'il faudrait que cela change. Quels sont les règles, les règlements, les arrêtés ou autres mesures actuellement en place qui entravent la capacité d'adaptation des agriculteurs au changement climatique?

M. Sauchyn: Je ne peux pas donner des informations précises à ce sujet de but en blanc. Je suis certain que d'autres personnes ici présentes sont plus aptes que moi à en parler. Ce commentaire ne s'applique pas uniquement à la question du changement climatique. Dans plusieurs circonstances, la politique gouvernementale a eu des conséquences néfastes, notamment la pratique des jachères ou la mise en culture des terres marginales. Les cas où la politique gouvernementale a eu des conséquences indésirables dans le secteur agricole abondent.

D'une façon générale, il est toutefois nécessaire de permettre aux agriculteurs et aux éleveurs de s'adapter au changement climatique. Par exemple, cet hiver, j'ai eu des entretiens avec des propriétaires de ranchs locaux dans une taverne de Medicine Hat. Ils avaient réduit considérablement leurs troupeaux, et c'est une mesure qui a de graves répercussions puisqu'ils ont perdu leur bétail reproducteur. Je présume qu'ils ont pris cette décision pour des raisons financières. Ils ont expliqué qu'ils tentaient de préserver les herbages. On a tendance à accuser les agriculteurs de violer la terre, mais ceux-ci ont conscience que s'ils veulent maintenir l'agriculture dans leur région, ils doivent protéger le paysage, les herbages et les autres ressources. Les agriculteurs et les éleveurs ne peuvent pas prendre toutes les responsabilités.

Le sénateur LaPierre: C'est un sujet sur lequel je ne suis pas très informé. Par conséquent, je suis un bon auditoire. Je suis un Canadien typique. Je sais qu'il y a des agriculteurs. Je sais que des sécheresses surviennent. Je sais que les agriculteurs sont aux prises avec bien d'autres problèmes. Je ne sais pas très bien quelles mesures on peut prendre pour les résoudre. J'ai toutefois une question à poser et un scénario à proposer.

Ma question concerne les Autochtones établis dans les provinces concernées: observe-t-on les mêmes conditions dans les réserves où vivent les Autochtones? À propos de capacité d'adaptation, les Autochtones sont probablement, de tous les humains qui peuplent la terre, ceux dont la capacité d'adaptation est la meilleure. Par conséquent, je voudrais savoir si les conditions climatiques ou les changements que vous mentionnez ont une incidence sur leur mode de vie et ce qu'ils deviendront dans ce contexte.

M. Cohen: Aynslie Ogden du Réseau canadien de recherche sur les impacts climatiques et l'adaptation pour la région du Nord a fait des commentaires au sujet des Autochtones de l'Arctique. Un des commentaires qu'ont faits les Autochtones à la suite des changements qu'ils ont observés au cours des dernières années mentionne la possibilité que le rythme de la terre s'accélère. On observe certains changements au niveau des saisons et au niveau des propriétés de la glace. Les Autochtones de cette région présumaient que les causes de ces changements étaient locales. Cependant, à la suite des nombreuses discussions avec les habitants de ces collectivités et avec des chercheurs, on sait maintenant que ces changements ne se produisent pas uniquement à l'échelle locale.

Le problème de l'adaptation dans ce type de scénario est différent et ce, pour plusieurs raisons, notamment parce qu'il vient s'ajouter aux questions qu'ils se posent déjà au sujet de leur mode de vie: devraient-ils garder leur mode de vie traditionnel ou s'intégrer à une économie axée sur le salariat, ou encore tenter de concilier l'un et l'autre? Le changement climatique a-t-il une incidence sur leur vision de ce dualisme?

La deuxième raison est en rapport avec l'évolution de leur statut en ce qui concerne la terre. Leur rôle dans le contexte de la gestion des ressources est lié au règlement de leurs revendications territoriales. Les collectivités du Nord dont les revendications territoriales sont réglées ont certaines responsabilités. Au Nunavut et dans les Territoires du Nord-Ouest par exemple, où les Autochtones peuvent prendre des décisions en ce qui concerne la gestion des troupeaux de caribous ou des ressources halieutiques, ils peuvent instaurer et maintenir des comités de cogestion des ressources qui pourront examiner ce problème avec la collaboration d'autres chercheurs et tenter d'y trouver des solutions. L'état des revendications territoriales et leur dualisme influenceront leur vision de l'avenir.

Certains habitants du Nord ont mentionné que les divers scénarios de changement climatique ouvraient de nouvelles perspectives dont ils doivent toujours s'accommoder. Est-ce qu'un chasseur de caribou devrait devenir producteur de blé parce que la saison de croissance est devenue assez longue dans le sud de la vallée du Mackenzie pour y cultiver du blé? C'est une question qu'on ne se serait jamais posée sans le changement climatique. C'est toutefois une question que l'on se pose maintenant. Cette perspective concorde-t-elle avec leur vision d'un mode de vie? Ce dualisme crée une confusion.

Je pense que la participation à une étude sur la question commence à susciter de l'intérêt dans les milieux autochtones. J'ai constaté le même phénomène en Colombie-Britannique en ce qui concerne les pêches. Les Autochtones participent activement à la gestion des pêches et aux activités de groupes de travail ayant pour objectif de créer de nouveaux outils d'analyse dans ce domaine. Cette participation a donné naissance à un dialogue très constructif et à un partenariat vigoureux; j'espère donc pouvoir cultiver ce type de participation, d'après mon expérience actuelle dans la région de l'Okanagan. Je considère les Autochtones comme des partenaires dans le partage des connaissances. Le défi consiste à instaurer un climat de confiance propice à cet échange; dès lors, leurs perspectives et leurs connaissances seront respectées dans le contexte de cette analyse.

Lorsque cette analyse sera terminée, ils examineront la question de l'adaptation dans leur perspective personnelle, à l'instar des acteurs du secteur de l'agriculture irriguée. Je ne suis pas en mesure de prévoir comment la situation évoluera parce que plusieurs questions, très importantes à leurs yeux, ne seront peut-être pas examinées comme telles.

C'est une autre occasion d'instaurer une collaboration interdisciplinaire. Un certain nombre de chercheurs étudient les cultures et les modes de vie des Premières nations et les différences à ce niveau entre les collectivités de l'Arctique, celles des Prairies et celles de l'est du pays. Ceux qui étudient les connaissances environnementales traditionnelles n'ont pas très souvent l'occasion de collaborer avec les chercheurs dont les travaux s'inscrivent dans une perspective scientifique occidentale: écologie, hydrologie et autres disciplines.

De premiers contacts s'établissent. J'espère que le RCRICA encouragera ce dialogue parmi les autres dialogues interdisciplinaires nécessaires pour trouver une solution à ce problème.

Le sénateur LaPierre: Que deviendront les autres régions des Prairies, le Manitoba et l'Alberta? J'ai une certaine notion de ce qui se passera dans le Nord, parce que nous avons examiné ce cas-là, mais que se passera-t-il dans les réserves des Prairies?

M. Sauchyn: Il faut faire une différence entre le sud des Prairies, où les Autochtones vivent dans des réserves ou dans les régions urbaines, et le nord, c'est-à-dire la forêt boréale, où les Autochtones perpétuent dans une certaine mesure le mode de vie ancestral. La plupart des commentaires de M. Cohen sont valables en ce qui concerne la région forestière du nord des Prairies. Les incidences du changement climatique qui se manifestent déjà sont la disparition des chemins d'hiver et leur viabilité car ces collectivités autochtones isolées dépendent du gel du sol pour assurer leur approvisionnement en hiver. Au cours des dernières années, les chemins d'hiver n'ont pas été carrossables. L'autre possibilité est le transport par avion, qui est beaucoup plus coûteux.

Le scénario que j'ai présenté en ce qui concerne les provinces des Prairies, concernant un déplacement de l'agriculture vers le nord, aurait évidemment une incidence sur la population de cette région. Si la solution à l'aridité accrue dans le sud des Prairies consiste à encourager un déplacement de l'agriculture vers le nord, on déplacera également les activités économiques de certains habitants de cette région. Cette région n'est pas équipée de l'infrastructure nécessaire à l'agriculture. Il faudrait rétablir un réseau ferroviaire, un réseau routier et un réseau d'acheminement des céréales dans une région où, à l'heure actuelle, la principale activité économique est le mode de vie autochtone ancestral.

Le sénateur LaPierre: Je ne pense pas qu'il y ait le moindre espoir que cela se produise. Je pense que la situation deviendra terrible. Je pense que le petit exploitant agricole est en voie de disparition et que l'agriculture sera sous le contrôle d'énormes conglomérats américains qui seront propriétaires de la terre et de l'eau. CBC a mentionné ce matin, dans un de ses reportages d'étape, et cela a été confirmé par la Banque mondiale, que la vente d'eau à des entreprises privées est une tendance qui se dessine à l'échelle mondiale. Je pense qu'elle réduira l'autarcie des Canadiens. Elle créera un élargissement de la base urbaine, ce qui aura des conséquences catastrophiques. La recherche et diverses autres initiatives ne sont pas les seules solutions pour sortir de l'ornière.

[English]

Il y a une prise de conscience fondamentale des individus et des communautés. Sans cette prise de conscience, rien ne peut être fait.

[Translation]

Il n'y a rien à faire. Nous venons de vivre la tragédie de Kyoto dans le contexte de laquelle la plupart des gouvernements provinciaux et les administrations municipales ont affirmé que la «prise de conscience» de la nécessité de limiter les émissions pour protéger l'environnement était en fait un complot du gouvernement fédéral pour s'approprier davantage de pouvoir au détriment des provinces et de toute la population.

Je n'ai pas beaucoup d'espoir. J'espère que notre comité sera capable de démontrer que l'ignorance du problème est profonde. Près de 90 p. 100 de la population — les agriculteurs et les non-agriculteurs représentent 89,7 p. 100, soit la grosse majorité de la population — est touchée. Nous vivons pour la plupart dans des centres urbains. Nous savons qu'il faudra vivre dans un dôme géodésique comme celui de l'architecte Buckminster Fuller. Même si on va s'installer ailleurs ou si on modifie son mode de vie, on n'y échappera pas. Les signes annonciateurs sont là.

Vous devez par conséquent nous dire non seulement quelles études scientifiques, mais aussi quelles études interdisciplinaires il est nécessaire de faire. Vous devez nous dire quels mécanismes il est essentiel de mettre en place pour sensibiliser davantage la population et concentrer les ressources pour favoriser cette «prise de conscience» et la transformer en action.

Je m'excuse pour le sermon, mais je vous donne ma bénédiction.

Le président: C'était un beau sermon.

M. Cohen: Je n'avais pas l'intention de parler d'espoir.

Le sénateur LaPierre: Vous devez le faire, parce que vous êtes un scientifique.

M. Cohen: J'ai fait de longues études pour étudier l'espoir et savoir comment le susciter.

Quant à savoir si c'est une occasion d'être maître de son destin face au changement climatique, je tiens à signaler ceci: que ce soit à l'échelle d'une collectivité des Premières nations, d'une province ou d'un pays, plus on investira dans les capacités internes de s'informer sur ces problèmes et plus il y aura de l'espoir. Il s'agira d'investir dans la recherche dans de nombreuses collectivités différentes. La recherche interdisciplinaire doit forcément jouer un rôle fondamental dans le cadre de cette initiative; c'est le type de recherche que je pratique personnellement et c'est le système dont le RCRICA fait la promotion. Un autre aspect concerne certains facteurs que M. Sauchyn a mentionnés mais au sujet desquels il n'a pas pu donner de renseignements précis, à savoir le contrôle sur les instruments de la ressource dans votre région ou votre province et sur les méthodes d'évaluation de l'efficacité de ce type de mesures de contrôle pour ce qui est de faire face à un avenir incertain. Il s'agit d'activités institutionnelles à divers paliers dont nous ne comprenons pas à fond les rouages. L'origine d'une loi, l'origine d'une règle d'exploitation, l'origine d'un office de commercialisation, l'origine d'une structure tarifaire: tous ces éléments ont des racines historiques. Ils ont été mis en place pour des raisons précises et il est important d'évaluer le potentiel de ces instruments, de ces règles et de ces structures tarifaires dans le contexte de scénarios comme celui-ci. C'est pourquoi il est nécessaire de faire participer les responsables de la mise en oeuvre de ces outils, de la gestion de ces structures et de mettre ces outils à l'essai dans le contexte de ces divers scénarios. Il s'agit d'analyses par simulation, mais nous pourrons faire un apprentissage utile grâce à ce processus.

L'apprentissage est ce qui nous donne l'espoir — et c'est ce que j'avais mentionné avant le sénateur Fairbairn —, parce qu'il nous permet d'élargir l'éventail de nos connaissances personnelles. Cet apprentissage devrait être interdisciplinaire et interjuridictionnel; il est donc essentiel d'avoir la capacité de le faire.

Le sénateur Hubley: Je dois rassembler mes forces après avoir entendu la question du sénateur LaPierre et la réponse du témoin. Compte tenu des commentaires qui ont été faits ce soir, nous devrons compter sur notre espoir — et j'en ai beaucoup — et sur notre confiance en notre collectivité agricole pour fournir les réponses et les solutions nécessaires afin qu'elle puisse demeurer prospère.

Je pense que, malgré les épreuves que le changement climatique et la sécheresse nous obligeront d'affronter, la solution a un rapport direct avec notre capacité de résistance ou avec notre capacité d'adaptation. Autrement dit, dans la lignée des commentaires qu'a faits le sénateur Gustafson, je pense que c'est peut-être le gouvernement qui doit être en mesure d'évaluer la situation, étant donné la capacité d'adaptation des collectivités agricoles et de leur volonté de chercher des solutions. Je pense toutefois que, étant donné la gravité de cette sécheresse, il incombe au gouvernement d'apporter l'aide nécessaire pour surmonter cette difficulté. Il a toute l'information nécessaire mais sera-t-il en mesure de soutenir la collectivité agricole au cours de la prochaine étape?

Je ne suis pas certain de m'être bien fait comprendre, mais c'est ma perception.

M. Sauchyn: Dans l'étude sur l'adaptation, nous faisons une différence entre l'adaptation autonome et l'adaptation planifiée. On s'adaptera parce que l'être humain a un instinct de survie très développé. Même si on ne bouge pas, on s'adaptera dans une certaine mesure au changement climatique. Cette adaptation sera toutefois coûteuse, surtout sur le plan social. L'avantage de l'adaptation planifiée est qu'elle peut être mise en oeuvre d'une façon équitable et efficace pour que personne ne soit avantagé ou désavantagé. Ce sont des principes auxquels nous attachons beaucoup d'importance au Canada. Notre objectif est de faire de la recherche pour faciliter l'adaptation planifiée, plutôt que de compter sur les gens pour trouver un moyen de s'en tirer. Comme l'a brièvement mentionné M. Cohen, il faut établir un nouveau mode de recherche parce que ces problèmes ne seront pas résolus par des scientifiques spécialisés dans une discipline précise.

Les chercheurs agricoles, surtout ceux de Guelph et de Saskatoon, ont communiqué de l'information et donné un appui très efficace aux agriculteurs, notamment à ceux des Prairies, et ce, grâce à leur recherche. Je pense que même ces chercheurs reconnaissent qu'ils ont pratiquement atteint la limite du possible en matière de développement de productions végétales xérophiles. Dans l'état actuel des connaissances et dans le contexte de ce type d'approche scientifique, un chercheur dans une discipline précise ne peut aider à trouver une solution que dans certaines limites. Il est nécessaire de former d'autres types de scientifiques qui collaboreront activement avec les agriculteurs.

Les chercheurs agricoles collaborent depuis longtemps avec les agriculteurs et leur communiquent les résultats de leur recherche. Il est maintenant nécessaire de former une nouvelle génération d'experts en sciences sociales, de géoscientifiques et de spécialistes en sciences biologiques qui pourront collaborer activement avec les agriculteurs, les associations et les organismes gouvernementaux voués à la défense d'une agriculture durable, ou trouver un mécanisme permettant de leur transmettre les résultats de leurs travaux.

Un domaine où les programmes gouvernementaux manquent de souplesse est celui du financement de la recherche universitaire. Trois organismes subventionnaires ont été établis: le Conseil de recherches médicales, le Conseil de recherches en sciences humaines et le Conseil de recherches en sciences naturelles et en génie. Ces deux derniers organismes apportent un soutien important mais purement symbolique à la recherche interdisciplinaire car ils ne sont pas en mesure de la financer étant donné que leur mandat consiste à octroyer des fonds pour la recherche en génie et en sciences physiques ou pour la recherche en sciences sociales. La recherche sur le changement climatique doit être interdisciplinaire en raison de sa nature même.

Le président: Ce sont des commentaires très pertinents. Je vous en remercie.

Le sénateur Hubley: À propos des résultats du sondage en ce qui concerne les agriculteurs et les non-agriculteurs, concernent-ils des personnes qui vivent dans des petites collectivités? Est-ce à ce niveau que le sondage a été fait?

M. Sauchyn: C'est exact. Elle a été effectuée dans les municipalités rurales.

Le sénateur Hubley: Ces résultats ne signifient pas que de 89 à 90 p. 100 des participants ne prenaient aucune disposition. Ne faut-il pas lire les graphiques de haut en bas?

M. Sauchyn: C'est bien cela. Ce que ces résultats indiquent, c'est qu'un petit nombre d'agriculteurs n'ont pas pris de dispositions. La plupart des personnes qui ne prennent aucune disposition sont dans les villes. Dans les villes, on ne bouge pratiquement pas.

Le sénateur Hubley: Je voudrais que l'on discute de la nature de la sécheresse. On a mentionné deux ou trois sécheresses annuelles. Lorsqu'une sécheresse se répète d'une année à l'autre, un facteur multiple intervient-il? Est-ce qu'elle s'aggrave parce qu'elle revient chaque année? En cas de changement, faudra-t-il plus de temps pour que les terres touchées redeviennent arables et utilisables? Est-ce généralement le cas?

M. Sauchyn: Oui. La sécheresse est un problème complexe, sénateur. Comme l'a mentionné M. Cohen, il faut faire la différence entre les sécheresses agricoles et les sécheresses hydrologiques. Il y a plus de 40 possibilités de définir une sécheresse, selon que l'on fait de la gestion de l'eau ou du sol, ou que l'on étudie le climat. C'est un phénomène relativement complexe.

La durée d'une sécheresse est indéniablement un facteur important. La plupart des agriculteurs sont en mesure de survivre à une sécheresse ponctuelle. Quand la sécheresse dure deux ans, les risques sont déjà plus grands. Que faire lorsque les sécheresses se succèdent sur une période de trois à cinq ans? Les ingénieurs conçoivent généralement les structures d'alimentation en eau du sud de l'Alberta et de la Saskatchewan en prévision d'une sécheresse de deux ans. Nous n'avons pas la capacité nécessaire pour faire face à une sécheresse qui dure plus de deux ans.

Le sénateur Day: La plupart d'entre nous savent très bien de quoi vous parlez. Je tiens à vous féliciter et à vous remercier pour vos exposés parce qu'ils sont très intéressants, surtout les exemples que vous avez cités. Si vous pouviez trouver d'autres cas où les règlements font obstacle à l'adaptation, nous aimerions que vous nous les signaliez. Vous pourriez le faire par courrier adressé au greffier ou au président. Nous l'apprécierions beaucoup.

En ce qui nous concerne, il est plus facile de réagir à une catastrophe ou à un événement analogue au «big bang», mais ce n'est pas le cas en ce qui concerne la situation à l'étude. C'est un processus très lent et graduel. Cela me fait penser à une certaine continuité pour savoir où l'on en est. Je voudrais que vous me corrigiez si je me trompe. Je pense que la première étape consiste à prendre conscience du réchauffement planétaire. On fait de la modélisation, des expériences et on applique les modèles à des situations connues. On fait ensuite des essais sur le modèle afin de pouvoir l'utiliser pour faire des prévisions. Nous avons atteint cette étape. Certaines personnes se sentent plus à l'aise avec leurs modèles et les méthodes de modélisation déjà connues. D'autres estiment qu'il faut davantage de temps. Il est utile de faire de la modélisation pour prévoir certains événements, mais on ne peut pas tout prévoir. On ne peut pas prévoir les quantités de neige qui tomberont sur les Rocheuses ou certaines incidences, mais on peut faire d'autres types de prévisions. Nous en sommes en quelque sorte à la première étape.

Dans une perspective de continuité, lorsque nous serons quelque peu habitués à établir des prévisions, nous pourrons élaborer des stratégies préventives. À ce propos, vous avez fait allusion à la collaboration entre les scientifiques et les personnes concernées. Les stratégies interviennent à peu près à ce niveau. Nous élaborons actuellement des stratégies comme le Protocole de Kyoto, par exemple, qui ralentit quelque peu le processus de réchauffement. En dépit de Kyoto et même si nous respecterons tous les règlements, le réchauffement planétaire est inévitable; cette initiative ne fait que ralentir le processus. Kyoto nous donnera peut-être un certain répit. Par conséquent, je ne le considère pas dans une perspective de continuité.

Ensuite commence la phase de l'adaptation, avec les stratégies et la mise en oeuvre de ces stratégies. Je considère que c'est un problème sociologique de très grande envergure. Le changement ne se produit pas tout d'un coup. On observe quelques légers changements. Dans les Maritimes, quand les précipitations ont diminué en été, les agriculteurs ont aménagé des étangs pour recueillir de l'eau qu'ils pouvaient utiliser ensuite pour faire de l'irrigation à petite échelle. Ils n'avaient encore jamais pris de telles initiatives, mais c'est ce qu'ils font maintenant. Étant donné que l'été commence plus tôt, ils ont tendance à faire les semis plus tôt, quand le sol est plus humide. Le problème est que certains champs sont tellement détrempés qu'ils ne peuvent pas faire les semis. Il s'agit de mesures d'adaptation à une échelle très modeste.

Pensez-vous qu'il faudra prendre toute une série de petites mesures d'adaptation incluant les infrastructures et un déplacement éventuel? Certains agriculteurs cesseront de cultiver et certaines collectivités deviendront des collectivités fantômes, mais d'autres se formeront. Le gouvernement tentera de mettre en place des programmes pour ralentir le changement et l'évolution dans la mesure du possible. Il s'appliquera à modifier les règlements pour qu'ils cessent d'être un obstacle. Nous prendrons de nombreuses initiatives, mais il ne sera pas possible de trouver une solution globale. Ne pensez-vous pas que la situation évoluera très lentement et très graduellement?

M. Cohen: C'est bien cela, sénateur. Le changement climatique est un processus graduel. La «lenteur» est toutefois relative. Je me souviens de ce qu'on nous disait à l'époque où les premiers documents signalant qu'à la suite d'expériences de modélisation climatique par ordinateur, on avait constaté que la planète se réchaufferait si l'on continuait à émettre des gaz à effet de serre dans l'atmosphère. C'était il y a environ 25 ans. En 25 ans, on est passé des quelques études fondées sur des modèles climatiques extrêmement rudimentaires, des premières tentatives, à un stade où nous avons acquis des connaissances beaucoup plus approfondies sur les sciences climatiques, les cycles du carbone et sur diverses ressources, y compris les produits alimentaires, les forêts et l'eau, quoique à un degré de certitude variable. Nous sommes cependant mieux informés maintenant qu'il y a 25 ans.

Nous établissons actuellement un lexique des termes associés à l'adaptation. En ce qui concerne les émissions, nous acquérons des connaissances sur les ententes internationales et sur les enjeux régionaux dans le cadre de ces ententes. Le processus de Kyoto ne sera manifestement pas suffisant en soi, mais il représente une étape naturelle du processus d'apprentissage de cet aspect du problème. Nous sommes passés de la convention-cadre en 1992, qui ne contenait pas d'objectifs ou ne prévoyait pas d'instruments précis, au Protocole de Kyoto de 1997 établissant timidement quelques objectifs et quelques instruments pour aboutir inévitablement, en 2012, à un deuxième cycle de négociations qui couvrira probablement un champ plus large. C'est un processus graduel et l'acquisition de connaissances sur les options d'adaptation sera également progressive.

Par exemple, la sécheresse est perçue comme «le problème environnemental rampant». Ce n'est pas un problème comparable à une inondation parce qu'on voit le niveau de l'eau s'élever et qu'on a une notion immédiate des mesures d'urgence que l'on peut prendre, parce qu'on peut entasser des sacs de sable et prendre diverses autres initiatives. La lutte contre la sécheresse est plus complexe. C'est un problème plus complexe parce qu'on ne peut pas nécessairement en déceler les signes avant-coureurs. Le changement climatique est un problème plus complexe en raison des dimensions qui y sont associées.

Il est nécessaire de faire l'effort d'acquérir des connaissances sur le changement climatique et de faire des essais à mesure que nos connaissances progressent. Nous devrons expérimenter les mesures d'adaptation à des degrés variables; nous prendrons des mesures modestes que nous espérons pouvoir intégrer aux plans de développement et aux plans de gestion des ressources, à divers paliers de compétence.

Si le climat devient un thème explicite du débat sur les aliments, les forêts et l'eau, ces premières tentatives auront au moins permis d'intégrer cette expérience de façon explicite. Nous pourrons alors tirer des conclusions de cette expérience. S'il est nécessaire de modifier une politique, une mesure ou un ouvrage de génie, nous aurons une base logique sur laquelle nous pourrons nous appuyer.

Ça ne me dérange pas que l'apprentissage se fasse progressivement pour autant que ce soit un objectif de l'exercice et que le changement climatique sous ses divers aspects devienne un thème explicite du dialogue précédant la mise en place de ces mesures.

M. Sauchyn: Il y a de faibles probabilités que le réchauffement de 5 degrés prévu pour la première moitié du présent siècle soit atteint l'année prochaine. Il faudrait toutefois que survienne un changement catastrophique du cycle climatique mondial comme l'effondrement de la nappe glaciaire de l'Antarctique ou le changement de direction d'un courant océanique. D'après un certain nombre de scientifiques, il y a une faible probabilité que le niveau de changement climatique prévu au cours de ce siècle soit atteint l'année prochaine. Cette probabilité est toutefois tellement faible qu'on ne la signale probablement pas aux décideurs, mais nous sommes impuissants face à une telle éventualité.

Le sénateur Day: Un événement analogue au «big bang» pourrait survenir dans peu de temps.

M. Sauchyn: C'est cela. Le scénario le plus plausible est que le réchauffement planétaire au cours du présent siècle entraînera une élévation graduelle de la température moyenne. Les températures varieront d'une année à l'autre. Certaines années, les températures resteront froides mais les années chaudes le seront d'autant plus. Même si les températures passent d'un extrême à un autre d'ici la fin du siècle, les températures moyennes auront augmenté de 1,5 à 5,8 degrés.

Quand on dit aux gens de s'attendre à ce que d'ici la fin du siècle, les températures moyennes augmentent de 5 degrés, ils trouvent que c'est très bien. C'est pourquoi nous avons tendance à porter notre attention sur les incidences les plus immédiates du changement climatique, ou du moins à les mettre en évidence, comme les catastrophes ou les événements extrêmes étant donné que les pouvoirs publics sont réactionnaires de nature. Par conséquent, nous aimons faire un lien entre des événements extrêmes tels que des tempêtes de glace, des inondations et des sécheresses et le changement climatique, même si les scientifiques doivent admettre qu'ils n'ont pas la certitude absolue que la sécheresse actuelle soit due au changement climatique. En faisant ce lien, on incite toutefois les pouvoirs publics à réagir, comme l'a fait le gouvernement de l'Alberta en mettant en place un plan de gestion des risques.

M. Cohen: Il est possible de compléter la présente discussion par des invitations à participer à des exercices de simulation à l'échelle communautaire, voire à des exercices sectoriels, à l'échelle nationale. Les responsables de la gestion des ressources sont conscients que ces scénarios hypothétiques sont une occasion d'acquérir des connaissances. Même si l'on n'a pas encore la certitude que la sécheresse de 2001 est due aux émissions de gaz à effet de serre, il est possible de discuter des perspectives d'avenir dans un contexte propice à l'apprentissage qui fera disparaître cet aspect hypothétique du débat et permettra d'examiner les initiatives à prendre à l'échelle locale pour réduire la vulnérabilité en acquérant une capacité d'adaptation, en examinant le problème sous tous ses angles et en prévoyant l'incidence que ces changements auront sur l'utilisation ou la gestion d'une ressource.

Il faut examiner plusieurs facteurs simultanément. Il faut examiner les conditions météorologiques extrêmes actuelles et reconnaître que notre climat n'est plus un phénomène entièrement naturel. Les scientifiques du GIEC (Groupe d'experts intergouvernemental sur l'évolution du climat) l'ont mentionné clairement. Les gaz à effet de serre ont indéniablement une influence sur le climat actuel. On n'a toutefois pas encore la certitude absolue que la sécheresse est due à ces émissions. Le réchauffement observé au cours des 50 dernières années est certainement dû en partie aux émissions de gaz à effet de serre. Les experts ne peuvent pas modéliser le réchauffement de la température sans inclure les gaz à effet de serre dans leur modèle.

Si nous observons les premières manifestations de ces changements, il sera nécessaire d'étudier les diverses possibilités de réagir à ces extrêmes et de compléter ces études par des simulations. Ces deux exercices nous permettront de recueillir des informations.

Le sénateur Day: Vous ne pouvez pas nous suggérer de porter immédiatement notre attention sur des stratégies parce que, si nous tentions de présenter un rapport contenant des recommandations précises, il faudrait qu'elles couvrent tous les domaines à la fois. Les efforts des experts dans divers domaines des sciences sociales et de la recherche devraient porter sur ce problème. Certains experts tentent de mettre au point de nouvelles essences d'arbres pour les 50 prochaines années. De nombreuses compagnies forestières font des investissements considérables dans la plantation d'arbres qu'elles ne pourront pas abattre avant une soixantaine d'années. Le secteur forestier a besoin d'aide.

On recommande aux agriculteurs de se recycler dans d'autres cultures. Que font-ils? Vont-ils à l'équateur pour observer les cultures que l'on pratique dans cette région? Est-ce que toutes ces activités sont menées de front?

M. Sauchyn: Si vous arrivez à obtenir davantage de fonds du Conseil du Trésor pour la recherche sur l'adaptation, nous pourrons vous faire des recommandations précises sur l'utilisation de ces fonds.

Les intervenants et les experts en sciences sociales doivent participer à ce type de recherche dès le début. Même si je suis spécialisé dans les sciences climatiques, je ne recommanderais pas qu'on laisse le soin à mes pairs d'établir le programme de recherche.

Les agriculteurs, les forestiers et les pêcheurs posent les questions importantes qui doivent faire l'objet de recherches. Ce sont eux qui doivent subir les conséquences du changement climatique. Quant à nous, nous sommes à l'abri des incidences directes de ce changement.

Le sénateur Day: La plupart des agriculteurs n'auront pas une perspective à long terme sans y être forcés. Ils diront: «J'ai un équipement pour lequel je dois verser des mensualités et je voudrais savoir ce que je peux faire pour continuer à cultiver et à récolter». Ils ne diront pas: «J'aurais intérêt à cultiver d'autres variétés». Ce n'est que s'ils y sont forcés qu'ils le feront. Ce type de décision est généralement assujetti à des motifs économiques. Un agriculteur ne dira pas: «J'ai fait des études avec mon expert en sciences climatiques et nous avons décidé que je devais me lancer dans la culture de nouvelles variétés l'année prochaine». Ce n'est pas ainsi que cela se passera.

M. Sauchyn: C'est pourquoi il est nécessaire que le problème soit étudié par un groupe de personnes ayant des points de vue différents, pas seulement des scientifiques, ni des experts en sciences sociales, mais des personnes qui examinent les problèmes dans une perspective à plus long terme et à des échelles différentes. Il est nécessaire de faire participer des personnes qui se préoccupent de la situation locale et des conditions au cours de la prochaine saison de croissance. Ces personnes devront toutefois collaborer avec d'autres chercheurs qui examinent les problèmes à l'échelle nationale ou provinciale, et à plus longue échéance, parce qu'ils peuvent s'offrir ce luxe.

Le sénateur Day: Les sénateurs peuvent s'offrir le luxe d'étudier les problèmes à plus longue échéance.

Le sénateur Fairbairn: Je voudrais faire une observation. Les discussions ont considérablement progressé depuis le début de la séance. En écoutant les dernières questions, je me suis rendu compte que nous avons mis en place deux politiques concernant les régions du pays qui sont concernées: l'une est la politique agricole et l'autre est celle de développement rural. Nous avons discuté de développement rural principalement sous l'angle d'un lien avec les dispositions que peuvent prendre les habitants des centres urbains. C'est une approche tout à fait acceptable. Il me semble toutefois, après avoir écouté vos commentaires, qu'il faudrait mettre l'accent sur d'autres aspects.

Quand on aborde la question du développement rural dans les petites collectivités, la recherche et les discussions à caractère social doivent tenter d'établir un contact avec la réalité, avec ce que vous avez mentionné ce soir. Nous ne pouvons pas établir en parallèle deux types de politique officielle, l'un sur le terrain et l'autre dans les régions urbaines. Nous devons les fusionner pour pouvoir trouver des solutions innovatrices, non seulement en ce qui concerne les possibilités de maintenir la croissance des cultures ou les possibilités d'adaptation, mais aussi en ce qui concerne la survie des villes. Ces deux aspects sont à mon avis intimement liés. Je ne suis pas certaine que notre processus politique soit entièrement intégré.

M. Cohen: Sénateur Fairbairn, je pense qu'il est en effet nécessaire d'établir une politique gouvernementale intégrée parce que lorsque le changement climatique aura des impacts sur certaines régions, il ne fera pas de différence entre certains aspects particuliers. Il aura une incidence sur la ressource proprement dite qui fait de cet endroit ce qu'il est et il aura une influence sur les mesures qui seront prises dans le cadre d'une adaptation autonome ou d'une adaptation planifiée. Il serait bon d'examiner dans une perspective intégrée les aspects locaux de la politique parce que la gestion des ressources en eau et des autres ressources est toujours axée sur de nombreux objectifs et que si l'on porte toute son attention sur les cultures, sur les arbres ou sur l'eau, on ne tiendra pas compte de ces interactions.

Le changement climatique aura des incidences indirectes et influencera les liens entre ces diverses ressources. Des facteurs «temps», des facteurs «fréquence» et des changements au niveau des occasions et des risques entreront peut- être en ligne de compte. C'est pourquoi il convient d'aborder la situation dans une perspective plus globale.

Par conséquent, je serais en faveur de cette approche dans une perspective de recherche. Il est nécessaire de faire des études intégrées parce que les conséquences de ce changement seront différentes d'un endroit à l'autre et qu'il est nécessaire de les examiner dans une perspective globale.

Le président: Au nom de mes collègues, je vous remercie pour votre participation. Nous avons dépassé l'heure, mais c'est parce que vos exposés étaient très intéressants et qu'ils nous ont incités à poser de nombreuses questions. Je vous remercie encore. Nous avons notamment compris que la recherche ne doit pas être axée sur un seul secteur, mais qu'elle doit être coordonnée. Le gouvernement a un rôle à jouer à cet égard. Nous en tiendrons compte dorénavant.

La séance est levée.


Haut de page