Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 1 - Témoignages du 24 octobre 2002
OTTAWA, le jeudi 24 octobre 2002
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi S-2, Loi mettant en oeuvre un accord, des conventions et des protocoles conclus entre le Canada et le Koweït, la Mongolie, les Émirats Arabes Unis, la Moldova, la Norvège, la Belgique et l'Italie, en vue d'éviter les doubles impositions et de prévenir l'évasion fiscale et modifiant le texte édicté de trois traités fiscaux, se réunit aujourd'hui à 11 heures pour en étudier la teneur de même que pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
Le président: Honorables sénateurs, nous sommes réunis ce matin pour examiner le projet de loi S-2. Nous recevons aujourd'hui le secrétaire parlementaire du ministre des Finances, M. Byron Wilfert, de même que des témoins du ministère des Finances et du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international.
Monsieur Wilfert, vous avez la parole.
M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Honorables sénateurs, je suis heureux de me présenter devant ce comité aujourd'hui pour parler du projet de loi S-2, soit la Loi de 2002 pour la mise en oeuvre de conventions fiscales proposée. Je serai bref de manière à pouvoir répondre à vos questions.
Honorables sénateurs, ce projet de loi met en oeuvre des conventions fiscales que le Canada vient de conclure avec sept pays. Les conventions conclues avec la Belgique, l'Italie et la Norvège sont des mises à jour. Les quatre autres, soit celles conclues avec le Koweït, la Mongolie, la Moldova, les Émirats Arabes Unis, constituent une première dans notre histoire.
L'interdépendance croissante de l'économie mondiale met en évidence l'importance d'éliminer les entraves fiscales au commerce et à l'investissement internationaux. Ces conventions visent donc à faciliter le commerce transfrontalier, l'investissement et diverses autres activités entre le Canada et chacun des pays signataires.
Les conventions fiscales n'établissent pas l'impôt à payer et elles n'empêchent généralement pas les pays d'imposer leurs résidents comme ils le jugent bon aux termes de leurs propres lois fiscales. Elles définissent plutôt la mesure dans laquelle un pays peut imposer le revenu d'un résident d'un autre pays.
Grâce à ces conventions, nous sommes sûrs de la façon dont l'impôt sera appliqué aux Canadiens à l'étranger et nous donnons à nos partenaires les mêmes assurances quant à la manière dont l'impôt canadien s'appliquera à leurs résidents.
Honorables sénateurs, les conventions fiscales sont conçues en fonction de deux grands objectifs: premièrement, elles abolissent les obstacles au commerce et à l'investissement transfrontaliers et, deuxièmement, elles préviennent l'évasion fiscale en favorisant la collaboration entre les autorités fiscales du Canada et celles des autres pays. J'aimerais d'abord vous entretenir brièvement du premier objectif, c'est-à-dire la promotion du commerce et de l'investissement.
Honorables sénateurs, le risque et l'incertitude font partie de la vie de tous les jours mais, comme nous le savons tous, ils peuvent avoir des effets perturbateurs sur l'activité économique. Les investisseurs, les négociants et les autres contribuables engagés dans des transactions internationales veulent savoir quelles seront les conséquences fiscales de leurs activités, tant au Canada qu'à l'étranger. En d'autres termes, ils veulent connaître les règles du jeu et obtenir l'assurance qu'ils recevront un traitement équitable.
Les conventions fiscales éliminent les incertitudes au sujet des conséquences fiscales des affaires, du travail ou des séjours à l'étranger, en établissant clairement la corrélation entre le régime fiscal de deux pays. Elles répartissent le droit de prélever les impôts entre les deux pays concernés et prévoient en outre des mécanismes de règlement des différends, l'obligation d'éliminer la double imposition, les engagements envers la non-discrimination et des engagements de fournir un préavis d'abrogation de l'entente. Ensemble, ces éléments favorisent la certitude et la stabilité et contribuent à établir un climat plus propice aux affaires.
Je n'ai pas l'intention de m'étendre sur ces avantages, honorables sénateurs, mais je crois important d'approfondir la question de la double imposition. La double imposition non assortie de mesures d'allégement représente sans contredit l'une des situations les plus éprouvantes pour un contribuable. Il y a double imposition lorsqu'un contribuable vivant dans un pays et touchant un revenu dans un autre est assujetti deux fois à l'impôt sur le même revenu. Sans convention fiscale, les deux pays peuvent prélever un impôt sans accorder au contribuable de mesures d'allégement relativement à l'impôt payé dans l'autre pays.
Pour éviter la double imposition, les conventions fiscales font appel à deux méthodes générales. Dans certains cas, elles confèrent au pays de résidence du contribuable le droit exclusif d'appliquer un impôt sur certains revenus; dans d'autres cas, elles répartissent le droit d'imposition, mais exige du pays de résidence qu'il élimine la double imposition en accordant un allégement aux titres de l'impôt payé dans l'autre pays.
Par exemple, le Canada aura le droit exclusif d'imposer le revenu d'emploi d'un résident canadien travaillant pour une société canadienne envoyé en affectation pour une courte durée — disons pour trois mois — dans l'un des sept pays visés par ce projet de loi. En revanche, si la même personne est envoyée à l'étranger pendant une plus longue période, par exemple pour un an, le pays où le revenu est gagné peut également imposer le revenu d'emploi; le Canada doit alors déduire cet impôt de l'impôt par ailleurs payable ici.
Autrement dit, les conventions fiscales contenues dans le projet de loi réduisent la fréquence à laquelle les contribuables d'un pays sont tenus de produire des déclarations et de payer de l'impôt dans un autre pays, lorsque leur participation à la vie économique de ce pays n'est pas significative, ou lorsqu'il serait ennuyeux de le faire.
Permettez-moi maintenant, honorables sénateurs, d'aborder rapidement l'importance des retenues d'impôt. Comme les honorables sénateurs le savent sans doute, les retenues d'impôt constituent une pratique commune au sein des régimes fiscaux internationaux. Dans le cas du Canada, elles sont appliquées à certains paiements que des résidents du Canada versent à des non-résidents. Il s'agit notamment des intérêts, des dividendes et des redevances. Les retenues d'impôt sont prélevées sur les montants bruts versés à des non-résidents et elles représentent leurs obligations finales en ce qui concerne l'impôt sur le revenu au Canada.
Sans convention fiscale, le Canada impose habituellement ses revenus à un taux de 25 p. 100, soit le taux prévu dans la Loi de l'impôt sur le revenu. Nos conventions fiscales précisent le maximum des retenues d'impôt qui peuvent être prélevées sur certains revenus. Chaque fois qu'une convention fiscale du Canada établit le plafond des taux de retenues d'impôt, ces taux sont toujours inférieurs aux 25 p. 100 prévus dans notre loi.
Permettez-moi de vous donner quelques exemples de réduction des taux de retenues d'impôt prévues dans le présent projet de loi. Chaque convention visée dans ce projet de loi prévoit un taux maximal de 15 p. 100 sur les dividendes de portefeuille versés à des non-résidents. Pour ce qui est des dividendes versés par des filiales à leur société mère, le taux maximal de retenues d'impôt est ramené à 5 p. 100. La réduction des retenues d'impôt s'applique aussi aux redevances, aux intérêts et aux pensions. Le plafond du taux de retenues d'impôt sur les intérêts et les redevances est fixé à 10 p. 100 dans chacune de ces conventions.
De plus, il convient de préciser que les conventions conclues avec la Mongolie, les Émirats arabes unis, la Norvège, la Belgique et l'Italie prévoient des réductions des taux de retenue d'impôt ou des exonérations complètes dans le cas des redevances versées pour l'utilisation, ou le droit d'utilisation, de certains droits d'auteurs, de logiciels informatiques, de brevets et de savoir-faire.
En ce qui a trait aux paiements de pension périodiques, le taux maximal de retenues d'impôt est fixé à 15 p. 100 pour tous les pays, sauf la Belgique et les Émirats Arabes Unis, où aucun plafond n'a été fixé.
Je passerai maintenant au second objectif des conventions fiscales, à savoir prévenir l'évasion fiscale en favorisant la collaboration entre les autorités fiscales canadiennes et celles d'autres pays. Les conventions fiscales constituent un important outil de protection de l'assiette fiscale canadienne en ce sens qu'elles permettent les consultations et l'échange de renseignements entre nos autorités fiscales et celles des pays avec lesquels nous avons des conventions. Cela signifie que les autorités fiscales peuvent traiter directement les unes avec les autres pour régler des problèmes de prix de transfert internationaux. Elles peuvent convenir de solutions mutuellement satisfaisantes à des préoccupations soulevées par les contribuables. Elles peuvent procéder à des vérifications et engager d'autres discussions visant à améliorer l'administration de l'impôt.
Honorables sénateurs, ce projet de loi se rattache aux efforts que le Canada ne cesse de déployer pour étendre son réseau de conventions fiscales. À l'heure actuelle, de telles conventions sont en vigueur entre le Canada et plus de 75 pays. Notre réseau figure parmi les plus imposants au monde.
L'économie canadienne repose en grande partie sur le commerce international. De fait, les exportations canadiennes comptent pour plus de 40 p. 100 de notre produit intérieur brut annuel. Qui plus est, la prospérité économique du Canada repose sur l'investissement étranger direct, de même que sur l'afflux de renseignements, de capitaux et de technologie. Les conventions fiscales du Canada favorisent la création des liens internationaux sur lesquels nous comptons. Autrement dit, en éliminant les obstacles fiscaux et en créant des résultats fiscaux plus prévisibles pour les négociants, les investisseurs et les autres contribuables menant des échanges internationaux, nos conventions fiscales favorisent les débouchés sur notre territoire ainsi que le commerce international et les investissements à l'étranger.
Honorables sénateurs, ainsi prend fin mon allocution. Les fonctionnaires qui m'accompagnent et moi-même seront maintenant heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Tkachuk: Je crois comprendre qu'il y avait des erreurs dans les conventions fiscales conclues avec le Vietnam, le Portugal et le Sénégal qui ont été corrigées dans la version anglaise du projet de loi. Pourriez-vous nous parler plus précisément de ces erreurs et nous les expliquer?
M. David Sénécal, chef intérimaire, Conventions fiscales, Division de la législation de l'impôt, ministère des Finances: Honorables sénateurs les erreurs dont vous parlez sont très mineures. Elles étaient pour la plupart attribuables à des incohérences entre les versions anglaise et française.
Dans le cas du Portugal, dans la version anglaise de l'article portant sur la discrimination je crois que nous parlions d'une «person» dans l'une des dispositions. Nous avons négocié le traité en français. Nous voulions faire affaire avec des personnes physiques, des «individuals». Cependant, dans la traduction anglaise du texte français le mot `person' a été utilisé et c'est ce que nous corrigeons.
En ce qui concerne la convention fiscale avec le Vietnam, une autre erreur a été commise. Si j'ai bonne mémoire, dans le cas qui nous intéresse, dans la définition de l'expression «royalties», nous faisions référence à `other tangible property' une expression qui ne se trouve pas dans les versions françaises ou vietnamiennes du texte. Après avoir consulté les autorités vietnamiennes, nous avons convenu que ces mots ne devraient pas avoir figuré dans la version anglaise. Par conséquent, nous les y supprimons.
Le sénateur Tkachuk: Ce problème a-t-il causé des difficultés ou quelqu'un s'en est-il aperçu au moment de la révision du projet de loi?
M. Sénécal: Quelqu'un a relevé l'erreur.
Le sénateur Tkachuk: Comme vous le savez, de notre côté nous nous intéressons à certaines des questions de droits de la personne soulevées par la signature de traités avec des pays qui n'ont peut-être pas des dossiers exemplaires en matière de la personne exemplaires et, dans certains cas, moins qu'exemplaires. En ce qui concerne le Koweït, comment le gouvernement peut-il prétendre que le dossier du Koweït en matière de droits de la personne n'est plus flagrant même s'il prive encore les femmes de droits politiques, lesquelles constituent environ la moitié de leur population? Au Canada, ne considérerions-nous pas cela comme une violation flagrante des droits de la personne?
M. Wilfert: Honorables sénateurs, en ce qui concerne le Koweït, comme vous le savez, tous les pays sont régis par l'intérêt national. Il en va de même chez nous. Le fait que le Koweït prive, à l'instar de l'Arabie Saoudite et d'autres États du Moyen-Orient, prive les femmes de droits politiques est quelque chose, d'un point de vue politique, qui inquiète nettement le Canada. Cependant, par l'entremise de divers canaux et, de toute évidence de diverses tribunes, nous continuons à retenir l'attention de ces pays en particulier sur ces questions.
Le Koweït, toutefois, a signé tous les principaux textes en matière de droits de la personne. Le fait est que les Canadiens, pour diverses raisons, font des affaires dans cette partie du monde. Pour protéger les Canadiens qui font des affaires dans ces États en particulier, y compris le Koweït et vice-versa, nous voulons nous assurer que nos ressortissants canadiens soient protégés par des conventions fiscales.
Si nous devions pousser l'argument davantage, j'oserais dire que nous ferions probablement moins affaire avec un nombre beaucoup moindre de pays où les entreprises canadiennes peuvent faire des affaires, qu'elles soient situées en Birmanie, en Indonésie ou peu importe le pays. Nous prenons bonne note du point que vous soulevez. Une fois de plus, ce projet de loi vise à protéger les Canadiens qui, en fait, font des affaires.
Le sénateur Tkachuk: Quelle est la différence entre genre et race en ce qui a trait aux droits de la personne? Qu'arriverait -il si le Koweït ou quelque autre pays avec lequel nous avons signé une convention fiscale commettait les même violations et que la moitié de la population était privée de ses droits politiques et était noire?
M. Wilfert: Honorables sénateurs, le Canada fait affaire avec des États, qu'il s'agisse de la République populaire de Chine, d'États africains, y compris le Congo, où nous relevons et exprimons assurément des préoccupations en ce qui concerne les droits de la personne. Des entreprises canadiennes ou des Canadiens font des affaires dans ces pays, pour toutes sortes de raisons. Nous voulons les protéger, dans le cas qui nous intéresse, en ce qui a trait à cette question de l'imposition.
Cependant, à un niveau différent, nous continuons, par l'entremise du ministère des Affaires étrangères et du Commerce international, d'exprimer nos opinions. Il s'agit selon moi d'une question, je le répète, qui se situe sur deux plans et pour laquelle je respecte vos observations. Toutefois, le fait est que nous n'empêcherons pas — et je ne sais pas comment nous empêcherions nécessairement — les Canadiens ou les entreprises canadiennes de faire des affaires légitimes dans ces pays ou États à moins de les exclure — et si nous devions les exclure, je dirais qu'il nous faudrait le faire pour un grand nombre.
Le sénateur Tkachuk: En ce qui concerne l'Afrique du Sud, la population noire a été privée de ses droits politiques et nous avons appuyé les sanctions grâce aux valeureux efforts de John Diefenbaker et Brian Mulroney. Je ne comprends pas la différence si ce n'est le fait que dans un cas ce soit une question de race et dans l'autre de genre.
M. Wilfert: Dans le cas de l'Afrique du Sud, honorables sénateurs, avec tout le respect que je vous dois, certaines de ces sanctions ont été plus symboliques que réelles du fait que notre activité économique y était très réduite à part, par exemple, la question des vols à destination d'Afrique du Sud ou l'embargo sur le vin.
Il ne s'agit pas pour moi d'une question de race ou de genre. Dans le cas qui nous intéresse, la question c'est la réalité avec laquelle compose des entreprises canadiennes et des Canadiens en particulier, qui font des affaires dans ces pays. Nous voulons nous assurer que nous avons des ententes qui nous protègent, comme nous en avons maintenant avec 75 autres états.
Le fait est que de temps à autre le Canada prend des mesures. Le cas actuel du Zimbabwe en serait un excellent exemple. Le Canada examine chaque cas individuellement. Une des choses que nous faisons c'est de retenir leur attention. Voilà qui revêt une très grande importance pour le changement. Nous avons été témoins de certains de ces changements dans un cas que je connais plus particulièrement, celui de la République populaire de Chine.
Le sénateur Tkachuk: J'ai deux autres questions. Pour continuer sur le même sujet, sachant qu'elles seraient assujetties à une double imposition, ces personnes ne seraient-elles pas incitées à ne pas faire des affaires avec ces pays. Vous dites que des gens font des affaires et qu'ils le font en partie parce que nous avons des conventions fiscales. Comme il y aurait et des problèmes de double imposition et des problèmes d'ordre financier, les entreprises n'iraient pas dans ces pays. N'exercerions-nous pas de cette manière des pressions sur un pays pour le convaincre d'améliorer son dossier en matière de droits de la personne? Vous ne pouvez utiliser un argument et automatiquement dire que l'autre argument ne marchera pas.
M. Wilfert: Je vous dirais une fois de plus que nous sensibilisons et impliquons les pays que ce soit aux niveaux politique, économique ou social. Donner à entendre aux Canadiens que nous ne devrions pas faire des affaires...
Le sénateur Tkachuk: Nous ne disons pas cela, toutefois.
M. Wilfert: Je ne vous comprends peut-être pas très bien.
Le sénateur Tkachuk: Il n'y aurait tout simplement pas de convention. Autrement dit, les gens pourraient faire des affaires; ils ne paieraient que deux fois de l'impôt.
M. Wilfert: Comme vous le dites, ce serait de toute évidence une mesure de dissuasion.
Le sénateur Tkachuk: Oui, en effet. Par conséquent, ils dépenseraient leur argent ailleurs.
M. Wilfert: Je suis sûr que d'autres pays comblerait le vide. Nous avons une politique d'engagement depuis 40 ans à Cuba, et les entreprises canadiennes sont présentes là-bas. Jusqu'à tout récemment, les Américains n'y étaient pas.
Le Canada a fait et continue de faire la promotion des droits de la personne. C'est au coeur de la politique étrangère de notre pays. Soit qu'on s'engage, soit qu'on se désengage. Si on devait dire aux gens de ne pas s'établir dans un pays en particulier parce que nous n'avons pas signé de convention fiscale avec lui, ils iraient peut-être ailleurs. Cependant, les entreprises peuvent avoir des raisons stratégiques d'aller s'installer dans tel ou tel pays. En adoptant le projet de loi, nous allons reconnaître quelque chose qui existe déjà. Cela va protéger les Canadiens, et c'est dans notre intérêt de le faire. En même temps, cette mesure ne nous interdit pas du tout de faire la promotion, par exemple, des droits des femmes dans des pays comme le Koweït ou l'Arabie Saoudite.
Le sénateur Tkachuk: On cite souvent Cuba en exemple. Cuba est toujours dirigé par un dictateur qui viole les droits de la personne et incarcère des prisonniers politiques, un dictateur probablement aussi affreux qu'on peut l'être. Parmi ces pays en voie de développement, quelle preuve avons-nous qu'il y en a qui se sont mis tout à coup à bien traiter la population et à respecter les droits de la personne? Quels pays avons-nous directement incité à changer?
M. Wilfert: Monsieur le sénateur, je vous dirais qu'en République populaire de Chine et à Cuba, nous avons constaté, grâce à nos contacts et à ceux d'autres pays, une transformation graduelle, autant dans le domaine des droits de la personne que sur le plan de la libéralisation économique. Beaucoup de facteurs expliquent la situation à Cuba mais, depuis l'effondrement du Bloc soviétique récemment, les Cubains ont dû se tourner ailleurs. Qui aurait pensé il y a même cinq ans que l'ancien président des États-Unis, Jimmy Carter, se serait engagé à l'égard de Cuba? Nous avons une importante délégation commerciale qui s'est rendue à Cuba dernièrement, et il y a beaucoup d'autres exemples. Castro a libéré des prisonniers politiques. Il doit y avoir une certaine pression.
Je terminerai en vous disant ceci. Dans le cas de la Corée du Nord, le fait qu'il n'y ait pas eu d'engagement jusqu'à tout récemment à l'égard de ce pays explique pourquoi la Corée du Nord joue un rôle si important dans le monde sur le plan du terrorisme et du développement nucléaire. La famine et d'autres raisons poussent Kim Jong II à manifester une certaine ouverture. Je ne crois pas qu'il le ferait sans ces pressions, mais il le fait. Dans ce cas, nous devons lui demander de faire quelque chose pour obtenir autre chose. La même chose s'est produite en Chine, ainsi qu'à Cuba et ailleurs.
Le sénateur Prud'homme: La question du sénateur Tkachuk me fait réagir. Je crois que vous avez très bien répondu en employant le mot «engagement». Cependant, il y a beaucoup de confusion à ce sujet, surtout quand on parle du Koweït. Le Koweït fait des progrès en raison de son engagement avec d'autres pays. Cela peut peut-être intéresser le sénateur Meighen et d'autres d'apprendre que le sénateur Kolber, que nous avons élu président hier soir, aurait dû l'être par scrutin secret au Koweït. Les membres des comités des finances et des affaires étrangères, au Koweït, sont élus par scrutin secret.
Le président: J'aimerais que vous posiez votre question.
Le sénateur Prud'homme: Monsieur Wilfert, vous savez qu'un scrutin a eu lieu au Koweït pour donner le droit de vote aux femmes, et que cette mesure a été rejetée par une voix au Parlement. Ce vote n'aurait jamais eu lieu sans cet engagement. Pour les fins du compte rendu, j'aimerais que vous nous disiez si vous êtes au courant que les 50 membres du Parlement ont tenu ce vote et que la mesure a été défaite par seulement une voix? Cela veut dire qu'un jour le pays va répondre aux exigences du sénateur Tkachuk.
M. Wilfert: Je suis au courant. En fait, ce n'est pas le premier vote de cette nature qui a lieu au Parlement du Koweït. Je suis d'accord avec le sénateur pour dire que les choses évoluent, comme c'est le cas au Bahreïn et en Jordanie. Je crois que c'est le résultat de l'engagement.
Le sénateur Lynch-Staunton: Dans votre exposé, vous avez dit que les conventions fiscales permettent les consultations et l'échange de renseignements entre nos autorités fiscales et celles des pays avec lesquels nous avons des conventions. De quels renseignements s'agit-il? Échange-t-on des renseignements personnels, ou des informations de nature générale qui n'ont rien de confidentiel?
M. Wilfert: C'est une excellente question, monsieur le président. Vous avez raison à propos des aspects personnels, monsieur le sénateur, mais il y a différents éléments. Si vous n'avez pas d'objection, monsieur le président, je vais demander à mon collègue d'expliquer la question.
M. Brian J. Ernewein, directeur, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: Monsieur le président, en règle générale, les dispositions sur l'échange de renseignements prévues dans les conventions contenues dans le projet de loi concordent avec celles qui figurent dans d'autres conventions fiscales déjà en vigueur et permettent d'échanger des renseignements liés à la fiscalité dans l'autre pays et ce, pour des raisons fiscales.
Je ne suis pas certain du sens que vous donnez à «renseignements personnels»; il peut s'agir de renseignements de nature fiscale concernant un particulier ou une société, par exemple. Cependant, on ne peut fournir que des renseignements fiscaux, et ils ne peuvent servir qu'à des fins fiscales dans l'autre pays.
Le sénateur Lynch-Staunton: Par conséquent, dans le cas d'un Canadien faisant affaire dans un pays pour lequel il existe une convention fiscale, des renseignements confidentiels sur sa situation fiscale pourraient être communiqués à un autre pays qui pourrait les divulguer ou non, ou les utiliser de façon abusive.
M. Ernewein: D'abord, on ne fournirait aucun renseignement si l'Agence des douanes et du revenu du Canada n'avait pas l'assurance qu'ils vont servir uniquement à des fins d'évaluation fiscale dans l'autre pays. Si on avait le moindre doute à ce sujet, les renseignements ne seraient tout simplement pas fournis.
Ensuite, dans le cas d'un résident canadien, la pertinence de la transmission des renseignements à un autre pays serait limitée. En général, c'est l'État où réside la personne, le pays où le contribuable vit, qui s'intéresse ou a plus de raisons de s'intéresser au revenu acquis dans d'autres pays et qui demande l'information. Il serait à mon avis plus rare, monsieur le sénateur, que ce soit l'autre pays qui s'adresse au pays de résidence de la personne, comme dans le cas que vous avez exposé.
Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne suis pas en terrain connu, mais je vais donner un exemple qui j'espère a du bon sens.
Supposons qu'un Canadien déclare un certain revenu dans un pays X, que le même revenu est déclaré autrement au Canada et que le pays X entretient des doutes sur la déclaration faite. Serait-il autorisé à demander à l'ADRC des informations équivalentes pour s'assurer que les deux déclarations sont similaires?
M. Ernewein: Monsieur le président, je veux m'assurer de bien comprendre votre question. Parlez-vous d'un résident du pays X ou d'un résident du Canada?
Le sénateur Lynch-Staunton: D'un Canadien.
M. Ernewein: Le seul revenu que l'autre pays pourrait imposer en vertu de notre convention fiscale est le revenu gagné chez lui. Il est à peu près certain que l'autre pays aurait de meilleurs renseignements sur ce revenu que nous.
Cependant, pour vous aider autant que je le peux, dans la mesure où nos autorités fiscales possèdent ou pourraient posséder des informations sur ce revenu que l'autre pays ne posséderait pas, une demande d'information à ce sujet est possible. Dans ce cas, ce que j'ai dit au sujet de la confidentialité de l'information s'appliquerait. Cependant, il serait à tout le moins possible de fournir cette information.
Le sénateur Lynch-Staunton: Pour revenir plus près de chez nous, y a-t-il des échanges d'informations, disons, entre les autorités fiscales des États-Unis ou celles du Royaume-Uni et les autorités fiscales canadiennes? Si j'ai bien compris, le Canada exige de déclarer le revenu dans le monde entier. En supposant que ce Canadien doive déclarer son revenu dans l'un ou l'autre de ces pays ou les deux, est-ce que ces pays échangent des renseignements sur ce contribuable?
M. Ernewein: Oui, ils le font, surtout avec les pays où nos contribuables ont beaucoup d'intérêts, comme par exemple les États-Unis et le Royaume-Uni.
Le sénateur Lynch-Staunton: Est-ce que les conventions fiscales prévoient l'échange de renseignements similaires?
M. Ernewein: Oui.
Le sénateur Lynch-Saunton: Merci.
Monsieur Wilfert, on peut peut-être résumer de cette façon la réponse que vous avez donnée au sénateur Tkachuk: quand il faut choisir entre les droits de la personne et les échanges commerciaux, ce sont ces derniers qui l'emportent, n'est-ce pas? Il me semble — et je ne veux pas répondre à ma propre question — que le Canada, dans le passé, défendait avec détermination les droits de la personne à l'échelle internationale. On a parlé de l'Afrique du Sud. Des sanctions, qu'elles aient été symboliques ou non, ont été imposées au pays et des pressions politiques ont été exercées aussi bien à l'interne qu'à l'externe. Dans le cas de l'Afrique du Sud, le Canada a joué un rôle important du fait qu'il s'est attaché à voir à ce que l'apartheid soit enfin remplacé par un régime démocratique. Je pense que M. Mandela serait le premier à le reconnaître.
Or, le gouvernement n'affiche pas la même détermination dans ce cas-ci. Ce que j'ai entendu dire jusqu'à maintenant, c'est que la protection des Canadiens, leurs investissements et l'élimination de la double imposition constituent une priorité. J'espère que les pays avec lesquels nous faisons affaire et qui ne respectent pas les droits de la personne vont finir par honorer leurs obligations en vertu de tous les traités qu'ils ont signés, ainsi de suite. Alors, quelle est la réponse? S'il fallait choisir entre les droits de la personne et les échanges commerciaux sur le plan international, lequel l'emporterait?
M. Wilfert: Monsieur le président, il n'est pas question ici de troquer de la nourriture contre des armes. On ne peut pas comparer le commerce aux droits de la personne.
Il ne faut pas oublier non plus que c'est un Canadien qui a rédigé la Déclaration universelle des droits de l'homme. Sauf votre respect, il existe de nombreuses façons d'amener un pays à s'intéresser à la question des droits de la personne: il ya, par exemple, les contacts d'affaires ou sociaux, ou encore les relations inter personnelles ou politiques.
Par ailleurs, il est vrai qu'on retrouve au sein de la Francophonie, tout comme au sein du Commonwealth, des personnes peu recommandables. Or, est-ce que le premier ministre aurait dû refuser de participer au Sommet francophone à Beyrouth parce que nous n'apprécions pas ces personnes? Peut-être.
Le premier ministre a joué un rôle de premier plan dans le dossier du Zimbabwe. Il a fait part de ses préoccupations concernant le Togo, le Congo et d'autres pays d'Afrique. Le fait est que nous devons être présents. Pour ce qui est des pays mentionnés jusqu'ici, j'ai indiqué qu'ils ont ratifié six grands instruments en matière de droits de la personne.
Sénateur, à mon avis, il n'est pas question de choisir entre les échanges commerciaux et les droits de la personne. Le moyen utilisé pour promouvoir et, je l'espère, favoriser l'élaboration de — je reviens aux commentaires du sénateur Prud'homme. La promotion et l'élaboration de ces instruments témoignent en fait de notre engagement. Notre participation à d'autres tribunes internationales, qu'il s'agisse de l'APEC ou de l'ANASE, témoignent aussi de notre engagement. Cette question est fort importante. Encore une fois, c'est peut-être tout simplement une impression. Je ne crois pas avoir dit que, dans le cas de l'Afrique du Sud, les sanctions étaient symboliques. Certaines étaient sévères. Je félicite les premiers ministres Mulroney et Diefenbaker pour les rôles qu'ils ont joués à cet égard, tout comme je félicite le premier ministre pour le rôle qu'il a joué dans le dossier touchant le Nigéria, rôle qui, bien entendu, a abouti à l'instauration d'un gouvernement démocratique dans ce pays.
Encore une fois, il n'est pas question ici de troquer de la nourriture contre des armes, de choisir entre les échanges commerciaux et les droits de la personne. Sauf votre respect, sénateur, ce qu'il faut, ici, c'est de savoir quel rôle nous allons jouer, et l'importance que nous allons y attacher.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est une question que nous allons continuer d'examiner ici et ailleurs. Je ne m'éterniserai donc pas là-dessus. Merci de votre réponse.
Je voudrais faire un dernier commentaire, et aussi poser une question, pour rassurer mon collègue, le sénateur Tkachuk. Je note que Cuba ne figure pas sur la liste des pays avec lesquels nous avons conclu des traités. Je suis certain que cela vous fait plaisir, sénateur Tkachuk.
Le sénateur Tkachuk: Oui.
Le sénateur Lynch-Staunton: Peut-être que la question des droits de la personne y est pour quelque chose. Sinon, pourquoi n'avons-nous pas signé de convention fiscale avec Cuba?
Vous avez mentionné ce pays, et c'est un pays où les Canadiens ont, entre autres, de nombreux investissements. Je trouve étonnant qu'il ne figure pas sur la liste.
M. Ernewein: La question a déjà été soulevée. La réponse est forcément incomplète, à savoir que nous n'avons pas conclu de convention fiscale avec Cuba. Aucune négociation en ce sens n'a cours en ce moment, mais cela ne veut pas dire qu'aucun traité ne sera signé à l'avenir.
Le sénateur Fraser: Pour revenir au point très important qu'a soulevé le sénateur Tkachuk, je ne crois pas que le Koweït soit le meilleur exemple qu'on puisse citer. Au cours des dernières années, j'ai eu beaucoup d'entretiens avec des parlementaires, hommes et femmes, de divers pays. Mes amis au Koweït me disent qu'ils s'attendent, comme l'a laissé entendre le sénateur Prud'homme, à ce que les femmes obtiennent bientôt le droit de vote. La situation est plus difficile du côté des Émirats arabes unis. Ils n'ont même pas ratifié la CEDAW, la Convention sur l'élimination de toutes les formes de discrimination à l'égard des femmes.
Néanmoins, mes contacts laissent entendre que M. Wilfert a raison, à savoir que les défenseurs des droits de la personne de tous les pays, sauf ceux qui constituent des cas plus extrêmes — et l'Afrique du Sud, au cours des dernières années de l'apartheid, aurait fait partie de cette catégorie — veulent un engagement de notre part. Ils veulent que le Canada soit présent, en partie pour donner l'exemple, entre autres dans le dossier touchant les droits des femmes. Ils veulent que le Canada envoie des femmes qui sont ministres, avocates et comptables, pour montrer que la terre ne cesse pas de tourner quand des femmes détiennent des postes de responsabilité.
Toutefois, ils veulent, de notre part, un engagement constructif, et pas uniquement de l'argent. Je pense qu'on a tendance à dire, dans des cas comme celui-ci, qu'il s'agit ici tout simplement d'une convention fiscale, que cela n'a rien à voir avec les droits de la personne. Toutefois, comme vous l'avez laissé entendre, finalement, tout se ramène aux droits de la personne.
M. Wilfert: Oui.
Le sénateur Fraser: En supposant que le projet de loi soit adopté, le gouvernement du Canada peut-il alors indiquer, avec courtoisie, aux gouvernements des pays concernés, que le Sénat du Canada, et sans doute le Parlement du Canada, est heureux de collaborer avec eux et, notamment, exprimer le désir que ces liens plus étroits favorisent, dans ces pays, le respect des droits de la personne en général, et ceux des femmes en particulier?
M. Wilfert: Je prends note de ce que vous dites. Je vais transmettre le message qui, je crois, est un message raisonnable que nous essayons déjà, comme je l'ai mentionné, de faire passer dans diverses tribunes. Dans ce cas-ci, je transmettrai volontiers ce message au ministre et aux autres personnes concernées.
Le sénateur Meighen: Messieurs, merci d'être venus nous rencontrer.
Cela fait de nombreuses années que nous entendons cet argument. Je crois qu'il faut maintenir les liens que nous entretenons avec les pays avec lesquels nous avons de profonds désaccords, et non les rompre. Il y a un adage en français qui dit que les absents ont toujours tort et, dans une certaine mesure, c'est vrai. Cela dit, je voudrais parler du processus. Qui prend la décision finale? Je présume que c'est le ministre.
Monsieur Norfolk, à quel stade vos conseils entrent-ils en jeu? Si pour une raison ou une autre, le gouvernement du Zimbabwe voulait conclure avec le Canada un traité semblable à ceux dont il est question aujourd'hui, présenteriez- vous un rapport au ministre sur la situation des droits de la personne? Si vous ne le faites pas, y a-t-il quelqu'un qui le ferait? Feriez-vous des recommandations pour ou contre le traité en fonction de la situation des droits de la personne au Zimbabwe ou dans un autre pays potentiellement signataire?
M. Wilfert: Je vous remercie de poser cette question. J'aimerais indiquer...
Le président: Excusez-moi, mais je pense que la question s'adressait à M. Norfolk.
Le sénateur Meighen: Je m'interroge sur le rôle de M. Norfolk ou de sa division, mais j'aimerais bien entendre la réponse du secrétaire parlementaire également.
M. Wilfert: Je tiens aussi entendre la réponse de M. Norfolk. Je voulais seulement dire que c'est nécessairement ce qui arriverait, même si parfois j'ai plutôt l'impression d'être le secrétaire parlementaire du ministre des Affaires étrangères que celui du ministre des Finances. Il est évident que les deux questions sont liées, comme vous l'avez mentionné.
Il y a certainement d'autres circonstances qui pèseraient dans la balance, particulièrement en ce qui concerne le Zimbabwe, envers lequel le Canada a déjà des positions officielles. Il ne fait pas de doute que le MAECI ferait rapport au ministre dans ce cas. J'ai eu l'occasion de prodiguer des conseils au ministre des Finances actuel à maintes reprises. C'est le genre de chose que je ferais personnellement et que le ministère ferait aussi, j'en suis sûr. M. Norfolk peut le confirmer, n'est-ce pas?
M. Adrian Norfolk, directeur adjoint, Droits de la personne, des affaires humanitaires et de la promotion internationale de la femme, ministère des Affaires étrangères et du Commerce international: En effet. J'aimerais par la même occasion souligner l'excellent travail de M. Wilfert à titre de secrétaire parlementaire de notre ministère et endosser tout ce qu'il vient de dire.
Les ministères communiquent continuellement sur ce genre de question et sont conscients, évidemment, qu'il s'agit d'enjeux de la plus grande importance. Dans une telle situation, nous présenterions des rapports au ministre sur demande. Ceux-ci seraient probablement préparés par la direction géographique chargée d'étudier la situation des pays concernés. Notre propre division s'occuperait de la coordination si un traité touchait un grand nombre de pays, comme c'est le cas ici. Nous ferions rapport au ministre de la situation dans tous ces pays après consultation des spécialistes de nos directions géographiques, ce qui nous amène souvent à consulter notre personnel en mission.
Le sénateur Meighen: Si je comprends bien, vous ne faites pas de recommandation?
M. Norfolk: Nous disons si nous craignons ou non que l'entente entraîne une double imposition. Dans ce cas-ci, nous avons dit ne pas craindre une telle éventualité.
Le sénateur Meighen: Si vous exprimez des inquiétudes, il revient ensuite aux autorités politiques de décider si celles- ci sont suffisamment alarmantes pour ne pas signer le traité?
M. Norfolk: Si nous manifestons des inquiétudes, un processus de négociation et de discussion s'enclenche entre le ministère des Finances et nous. Je ne peux dire à quel niveau la décision finale sera prise. L'affaire pourrait même se rendre jusqu'à un niveau politique, mais cela ne nous inquiète pas dans ce cas-ci.
Le sénateur Meighen: L'affaire pourrait même se rendre jusqu'à un niveau politique? J'aurais cru que toutes les décisions devaient se prendre à un niveau politique. Ce n'est pas le cas?
M. Wilfert: Lorsque nous présentons des projets de loi, nous examinons évidemment beaucoup d'aspects. Ce serait une négligence de ma part de ne pas remercier le MAECI pour le travail qu'il a fait en collaboration avec le ministère des Finances en vue de ce projet de loi.
Ces questions reviennent souvent. Selon mon expérience avec le ministre, on en discute. Ces questions surgissent de diverses façons, mais je peux vous assurer qu'en bout de ligne, on en tient compte. Je serais porté à croire que si un ministère — dans ce cas-ci, le MAECI — communiquait des informations inquiétantes aux politiciens, ceux-ci en prendraient bonne note et agiraient en conséquence.
Le sénateur Meighen: Je cherche un exemple sur lequel nous pourrions tous être d'accord, je suis sûr qu'il y en a. La Roumanie de Ceausescu ou la Russie de Staline, tiens. Qui décide que nous n'allons pas conclure de traité, que nous n'allons pas le proposer au Parlement du Canada?
Est-ce le ministre des Finances? Est-ce quelqu'un de votre division, monsieur Norfolk?
M. Wilfert: En bout de ligne, monsieur le président, c'est au politicien de décider. D'après moi, la responsabilité devrait incomber au ministre.
Le sénateur Meighen: Je suis heureux de l'entendre. Pouvons-nous prendre pour acquis, lorsque nous sommes saisis d'un projet de loi de la sorte, que le ministre en accepte les considérations politiques et relatives aux droits de la personne?
M. Wilfert: Encore une fois, je vous dirais, monsieur le président et monsieur le sénateur, qu'en tant que secrétaire parlementaire du ministre des Finances, je ne serais pas ici s'il ne m'avait pas donné son aval.
Le sénateur Meighen: Qu'en est-il du ministre des Affaires étrangères? A-t-il son mot à dire?
M. Wilfert: Comme je pense l'avoir déjà dit, monsieur le président, le ministère nous est d'une aide très précieuse pour l'information qu'il nous donne, ce qui est particulièrement vrai dans le cas de ce traité.
M. Norfolk: Nous n'avons pas d'inquiétudes au sujet de ce traité.
Le sénateur Meighen: Vous n'avez pas d'inquiétudes, dites-vous?
M. Norfolk: Nous n'avons pas d'inquiétudes au sujet de ce traité.
Le sénateur Lynch-Staunton: C'est vrai. Nous avons déjà tous posé des questions lorsque nous avons étudié les traités. En passant, les cahiers d'information étaient excellents. Ils ont été préparés par les Finances et comprennent un résumé de l'évaluation faite par le ministère des Affaires étrangères et du Commerce international au sujet de ces pays, quels qu'ils soient. Nous avons donc des renseignements sur leur régime politique, la situation des droits de la personne là-bas et tout le reste. Vous l'avez déjà fait, je crois, en réponse aux commentaires exprimés hier, ce que confirme ce que nous venons d'entendre. Ceci dit, il serait utile d'ajouter ces renseignements au cahier d'information.
Le président: Je suis d'accord avec cette suggestion, bien que nous ayons déjà reçu un peu de documentation sur vos commentaires.
M. Wilfert: Monsieur le président, c'est un excellent point. Je ne manquerai pas de recommander que cela soit fait dans l'avenir.
Le sénateur Kelleher: Nous avons entendu nombre de voeux pieux ce matin que la signature de ces traités mène à un plus grand respect des droits de la personne.
Le gouvernement est très bon pour faire des études. Je me demande seulement si quelqu'un, dans les deux ministères concernés par ce type de projet de loi, a déjà été appelé à réaliser une étude pour vérifier s'il y a véritablement lieu de croire à ces voeux pieux?
M. Wilfert: Monsieur le président, je ne sais pas comment vous interprétez le mot «pieux». Cependant je vous dirais, monsieur le sénateur, que nous attachons beaucoup d'importance à l'expérience sur le terrain et que nous nous efforçons de consulter nos alliés et diverses parties lorsque nous effectuons des évaluations.
Par l'intermédiaire d'organismes non gouvernementaux, nous savons que divers organismes voués à la protection des droits de la personne recueillent de la documentation, tant sur notre pays que sur les autres. Ainsi, il n'y a pas que les renseignements échangés entre les gouvernements ou issus de leur analyse. C'est un facteur important.
Je vais certainement demander à mon collègue de s'exprimer aussi, mais à ce que je comprends des travaux du ministère des Affaires étrangères, des analyses sont constamment réalisées. Prenons, par exemple, les observations du grand théoricien international Hans Morgenthau, qui dit que ceux qui ne s'engagent pas, finissent par avoir un regard extérieur. Quand on s'engage, on en arrive nécessairement à une analyse. Ce qu'on fait de cette analyse dépend toutefois de chacun, bien sûr.
On constate que beaucoup de sociétés ont une conscience sociale beaucoup plus grande qu'avant. Il est clair que certaines règles du jeu sont maintenant prises en compte, et le public l'exige. Ce sont des changements très importants.
M. Norfolk: J'aimerais ajouter quelques éléments, notamment sur un sujet qui vient d'être mentionné. Il y a un concept dont il n'a pas du tout été question ici, soit celui des droits économiques, sociaux et culturels. Un nombre grandissant d'ONG et d'États voient les droits économiques comme opposés aux droits civils et politiques. Bien sûr, lorsqu'il s'agit de défendre les droits économiques de ces personnes, toute la question du commerce est très importante.
Beaucoup d'études ont été réalisées sur les liens entre droits commerciaux et droits de la personne. Je vais devoir vérifier les conclusions de la dernière de ces études menées par notre ministère. Je vais revenir à l'honorable sénateur au sujet des résultats d'études et des conclusions de rapports à cet égard.
De manière générale, on observe que plus les pays avancent sur le plan socio-économique, plus la situation des droits de la personne s'y améliore dans son ensemble. La Malaisie en est un bon bel exemple. Pendant la récession économique, la situation des droits de la personne s'est compliquée. Au fur et à mesure que les choses se sont améliorées, la situation des droits de la personne s'est améliorée également. Le lien entre les deux était presque direct.
Un autre point, dont mon collègue a déjà parlé, est celui de la responsabilité sociale des entreprises. Vous avez dit espérer que ces ententes amélioreront la situation des droits de la personne. Je suppose que notre position à cet égard, c'est que les traités pourraient contribuer à l'améliorer. Il est clair que nous ne voyons pas ces ententes comme un obstacle à l'amélioration du respect des droits de la personne. Toute la question reste à savoir comment on peut en optimiser les effets et faire en sorte que cet engagement améliore le plus possible de la situation des droits de la personne. Nous travaillons en ce sens en mettant l'accent sur la responsabilité sociale des entreprises. Notre ministère favorise activement, à l'instar d'autres ministères, la responsabilité sociale des entreprises et l'élaboration d'une stratégie canadienne visant à inciter les sociétés établies dans les pays où la situation nous inquiète à revoir leurs façons de faire et à protéger les droits de la personne.
Le sénateur Kelleher: Si je peux me le permettre, monsieur le président, j'aurais une dernière question.
Vos ministères respectifs sont conscients de ce problème relatif aux droits de la personne depuis un certain temps, problème dont il a été question ici à maintes reprises, mais vous ne nous présentez aucune étude ou preuve concrète à ce chapitre, ce qui me donne l'impression que vous n'avez toujours pas mené d'étude à ce sujet.
La prochaine fois que vous comparaissez devant nous au sujet d'un traité portant sur des conventions fiscales, je vous conseillerais de nous procurer de la documentation écrite ou une quelconque étude réalisée en la matière pour nous prouver vos déclarations pieuses — et j'utilise encore le mot `pieux.
M. Wilfert: Monsieur le président, j'aimerais seulement rappeler au sénateur avoir dit que nous allons vous acheminer ces documents, de même que des renseignements produits par le MAECI, comme vous l'avez déjà demandé. Le sénateur Lynch-Staunton et moi-même allons transmettre le message.
Si j'ai bien entendu sa réponse, M. Norfolk n'a pas dit qu'il n'y avait pas d'étude. Le ministère vous reviendra afin de vous faire connaître les études réalisées sur le sujet.
Il ne fait pas de doute qu'on fait l'analyse constante de la situation de ces pays, mais j'estime utile et constructif pour tous les membres du comité d'avoir en mains des renseignements généraux sur ces pays, car les conclusions auxquelles vous arriverez seront nécessairement basées sur l'information que vous aurez reçue.
Le président: Cela met un terme à la période de questions.
Le sénateur Tkachuk: J'aurais une demande à faire.
Le président: Allez-y.
Le sénateur Tkachuk: Pour revenir à ma première question, pourriez-vous nous fournir de la documentation écrite sur le Vietnam, le Portugal et le Sénégal, ainsi qu'une justification des changements apportés au projet de loi? Je pense que vous avez déjà répondu pour deux de ces pays, mais pas pour le troisième. J'aimerais avoir le tout par écrit. Je me demandais, comme vous ne le mentionnez pas dans le cahier d'information, si vous aviez l'intention de modifier d'anciens traités et le projet de loi. Je vous prierais d'inclure ces renseignements dans le cahier d'information pour nous mettre au courant. Ce serait utile.
M. Wilfert: C'est d'accord, sénateur.
Le sénateur Tkachuk: Veuillez l'envoyer au président.
Le sénateur Lynch-Staunton: Il vous en fera un résumé.
Le sénateur Prud'homme: Comme il semble que nous serons souvent appelés à examiner ce genre de traité, puis-je vous demander de transmettre le message suivant à votre ministre des Finances et au ministre des Affaires étrangères: qu'ils organisent un séminaire intitulé «Le commerce et les droits de la personne: des enjeux opposés ou conciliables». Je serais très très heureux de me proposer comme conférencier pour défendre le postulat des enjeux conciliables.
Le président: Messieurs, merci d'avoir participé à notre séance.
Honorables sénateurs, êtes-vous d'accord pour procéder à l'étude article par article du projet de loi S-2?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi S-2 s'intitule: «Loi de 2002 sur la mise en oeuvre de conventions fiscales». Avez-vous l'intention, honorables sénateurs, de proposer des modifications?
Des voix: Non.
Le président: L'adoption du titre est-elle reportée?
Des voix: D'accord.
Le président: L'adoption de l'article 1, le titre abrégé, est-elle reportée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 1, article 2, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 2, article 3, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 3, article 4, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 4, article 5, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 5, articles 6 et 7, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 6, article 8, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 7, article 9, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 8, article 10, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 9, article 11, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: La partie 10, article 12, est-elle adoptée?
Des voix: D'accord.
Le président: Les annexes 1 à 7 sont-elles adoptées?
Des voix: D'accord.
Le président: L'article 1, soit le titre abrégé, est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi à la Chambre?
Des voix: D'accord.
Le président: Nous allons passer maintenant à notre étude de la situation actuelle du régime financier canadien et international, ou si vous préférez, à l'étude de la perspective canadienne de l'effondrement d'Enron, pas d'Enron en particulier, mais du sujet en général.
C'est avec plaisir que j'accueille M. Maurizio Bevilacqua, secrétaire d'État aux Institutions financières internationales, ministère des Finances. Nous recevons deux témoins du ministère des Finances, soit M. Bob Hamilton, sous-ministre adjoint de la Direction de la politique du secteur financier et M. Charles Seeto, directeur de la Division du secteur financier, Direction de la politique du secteur financier. Nous lèverons la séance à 13 h 20, afin de pouvoir être à la salle du Sénat à 13 h 30.
M. Maurizio Bevilacqua, secrétaire d'État, Institutions financières internationales: J'aimerais vous remercier, monsieur le président, ainsi que les membres du comité, de m'avoir invité à comparaître aujourd'hui devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce quant à l'importance de raffermir la confiance des investisseurs dans les marchés financiers canadiens.
Je voudrais féliciter le président pour sa réélection, bien sûr, de même que tous les membres du comité. Je crois que vous avez connu une campagne très difficile. D'expérience, je sais bien, comme vous, monsieur le président, quelle contribution remarquable les travaux du comité peuvent apporter, et je peux vous dire que lorsque j'étais président du Comité des finances de l'autre chambre, je lisais avec attention les travaux de votre comité, parce que vous aviez de bonnes idées. Je n'ai pas honte de dire que j'en ai même emprunté quelques-unes, qui ont plutôt bien fonctionné.
J'aimerais vous dire aussi combien je suis heureux que votre comité évalue comment nous pouvons raffermir la confiance des investisseurs au lendemain de la dégringolade d'Enron et de WorldCom aux États-Unis.
De par sa nature, la confiance des investisseurs doit être entretenue par un grand nombre de joueurs du marché financier: les directeurs généraux, les conseils d'administration, les marchés boursiers, la profession comptable, les agences de cotation des titres, les analystes, les organismes de réglementation, les gouvernements et la liste continue. Il est absolument crucial qu'une tribune nationale comme celle que constitue ce comité examine l'ensemble des grands enjeux et des liens entre eux.
Monsieur le président, pourquoi attacher autant d'importance à la confiance des investisseurs? Qu'il s'agisse d'impôts concurrentiels, de réforme réglementaire ou d'exigences en matière de saine gestion d'entreprises, le gouvernement a le devoir de faire tout son possible pour stimuler l'économie de manière à satisfaire tous les Canadiens. Ces domaines, qui façonnent le monde du commerce, continuent d'évoluer, et il n'y a aucun doute que nous devons nous y adapter.
Ceci dit, nous avons le choix: soit nous adaptons continuellement le système canadien afin qu'il soit concurrentiel, soit nous traînons derrière les pays en tête de file. C'est bien simple: nous devons agir, et nous allons agir. La stagnation n'est pas une option pour le Canada. La confiance de l'investisseur est essentielle si l'on veut que les marchés financiers soient performants, et ceux-ci sont à leur tour indispensables pour assurer à tous les Canadiens une meilleure prospérité économique.
Des marchés financiers performants permettent à notre pays de réaliser son plein potentiel économique, à nos entreprises de croître et d'innover, et à nos concitoyens de réaliser leurs rêves. Ils sont le soleil qui font croître nos petites, moyennes et grandes entreprises, à toutes les étapes de leur développement, surtout dans la phase de démarrage.
La confiance et l'intégrité de toutes les personnes concernées sont essentielles pour la performance de nos marchés financiers. Compromettre cette confiance, comme l'ont fait Enron et WorldCom, porte atteinte à tous les intervenants dans le monde entier, pas seulement aux États-Unis d'Amérique.
Le Canada a toujours favorisé la bonne gestion d'entreprises. Grâce au leadership de la Bourse de Toronto, nous avons été parmi les premiers pays à étudier systématiquement les façons d'améliorer cette gestion et à adopter des lignes directrices exhaustives à cet égard. Nous avons commencé, bien avant les États-Unis, à exiger que les informations importantes soient communiquées continuellement et en temps opportun aux marchés. Nous avons mis l'accent sur l'indépendance des conseils d'administration, plus précisément, en soulignant le rôle essentiel que peut jouer un président du conseil d'administration ou un directeur en chef qui ne fait pas partie de la direction.
Notre gouvernement estime que, dans le contexte actuel, bien que notre système de gestion d'entreprises et de communication de l'information financière ait ses points forts, il peut être amélioré et fidèlement refléter les nouvelles normes qu'exigent les investisseurs.
En raison des récents scandales d'entreprises aux États-Unis, il est d'autant plus urgent que nous examinions nos normes et pratiques et que nous remettions nos hypothèses en question. Nos normes doivent non seulement répondre aux exigences des investisseurs canadiens, mais aussi à celles des investisseurs internationaux. La réponse des États- Unis aux scandales financiers qui les ont secoués a été de voter la loi Sarbanes-Oxley en 2002. Il s'agit d'une mesure législative radicale visant à faire renaître la confiance dans les marchés financiers américains.
De nombreux pays se penchent aujourd'hui sur leurs normes et pratiques afin d'éviter qu'un scandale semblable n'éclate sur leur territoire. Des organes internationaux, comme l'Organisation internationale des commissions de valeurs et le Forum sur la stabilité financière, se concentrent aussi sur la question.
Beaucoup de travail se fait au Canada. Le gouvernement fédéral, tel qu'il l'a annoncé dans son discours du Trône, collabore avec les organismes de réglementation, les chefs d'entreprises et les participants aux marchés financiers dans l'objectif de faire renaître la confiance de l'investisseur et d'améliorer la performance et l'intégrité des marchés financiers canadiens.
Dans ce contexte, mes objectifs sont les suivants: tout d'abord, fournir un cadre de travail regroupant les domaines clés qu'il faut traiter d'après le gouvernement; ensuite, exposer les progrès réalisés par les participants au marché canadien dans ces domaines; et enfin, soulever certaines questions fondamentales au fur et à mesure que nous avançons.
Notre ultime objectif doit être bien clair: une solution canadienne aux problèmes de gestion d'entreprises qui satisfait à nos besoins tout en répondant aux normes internationales les plus rigoureuses.
Permettez-moi d'énumérer d'emblée les cinq éléments qui, selon le gouvernement, sont essentiels au renforcement de la confiance de l'investisseur. Premièrement, il faut assurer la saine gestion des entreprises et pour ce faire, préserver l'indépendance du conseil d'administration par rapport aux gestionnaires.
Deuxièmement, les gestionnaires doivent rendre des comptes. Les directeurs généraux, ainsi que les directeurs financiers, doivent pouvoir authentifier les états financiers de leurs sociétés.
Troisièmement, la communication de l'information financière doit être améliorée. Il est essentiel que cette communication soit exhaustive, transparente et opportune.
Quatrièmement, nous avons besoin d'un système de vérification crédible. Bien que le domaine soit complexe, le principe de base est fort simple: les vérificateurs doivent être indépendants des sociétés qu'ils vérifient, et leur travail doit être dûment surveillé.
Cinquièmement, les règles doivent être plus sévèrement appliquées. Des lois utiles, ainsi que l'application efficace de celles-ci, sont essentielles si on veut réellement décourager les actes qui sapent l'intégrité des marchés financiers et la confiance des investisseurs.
Je veux maintenant passer à la question des progrès récents.
Je veux que vous sachiez que d'importants progrès de renforcement de la confiance de l'investisseur sont en train d'être réalisés au Canada. Cela reflète bien la coopération que pratiquent les intervenants des marchés financiers afin de résoudre ensemble ces problèmes clés.
La création, cet été, du Conseil canadien sur la reddition de comptes a été une étape importante de l'effort de crédibilité du processus de vérification. Cet effort commun entre les organismes de réglementation, y compris l'organisme fédéral de réglementation — le Bureau du surintendant des institutions financières — et les comptables devraient garantir l'application et le respect des normes canadiennes.
L'Institut canadien des comptables agréés fait fond sur cet effort. Il vient de publier une ébauche de règles régissant l'indépendance des vérificateurs, dans l'intention d'améliorer la qualité du processus de vérification. Ces règles devraient être mises au point d'ici la fin de 2002 et mises en oeuvre en 2003.
Afin d'améliorer la communication de l'information, le Conseil des normes comptables vient de diffuser de nouvelles lignes directrices sur les entités à vocation particulière et les garanties spéciales, thèmes comptables qui font l'objet de nouvelles études minutieuses dans la foulée du scandale Enron. Ce conseil a aussi annoncé qu'il envisage d'exiger que les options d'achat d'actions accordées aux employés de l'entreprise soient imputées à l'exercice.
Le Conseil canadien des chefs d'entreprise a récemment diffusé les plans d'action à l'intention des directeurs généraux et conseils d'administration. La coalition canadienne pour une saine gestion, groupe de grands investisseurs institutionnels, envisage d'améliorer collectivement les pratiques de gestion des sociétés publiques canadiennes.
La Bourse de Toronto vient d'annoncer de nouvelles mesures visant à améliorer les pratiques de gestion d'entreprise chez les sociétés cotées à la Bourse de Toronto. Comme il se doit, le gouvernement fédéral s'est engagé, dans son discours du Trône, à aider les provinces, organismes de réglementation, chefs d'entreprise et participants aux marchés monétaires à favoriser un système de réglementation des valeurs mobilières efficace qui répondra aux besoins des marchés financiers régionaux et des sociétés publiques naissantes.
Dans le cadre de cet engagement, l'honorable John Manley, vice-premier ministre et ministre des Finances, a nommé Harold MacKay représentant spécial de la réglementation des valeurs mobilières canadiennes. M. MacKay est chargé de recommander, d'ici le 15 novembre, le meilleur processus permettant d'améliorer la réglementation des valeurs mobilières, ainsi que les questions que ce processus devraient aborder.
En ce qui concerne l'application des règles, le comité Crawford a, dans le cadre de son examen quinquennal des lois ontariennes sur les valeurs mobilières, insisté sur l'importance d'une application plus stricte, et a recommandé d'accroître le pouvoir des organismes ontariens de réglementation des valeurs mobilières et d'instaurer de nouvelles infractions et sanctions.
Le gouvernement ontarien vient d'annoncer qu'il adopterait beaucoup de ces recommandations sur l'application en proposant d'attribuer de plus vastes pouvoirs aux organismes de réglementation et de durcir les sanctions prévues pour le non-respect de la loi régissant la vente des valeurs mobilières. Le gouvernement du Québec a aussi proposé de durcir ces mêmes sanctions.
Finalement, afin de permettre aux investisseurs et aux participants aux marchés financiers de suivre l'évolution de la situation et de renforcer la confiance, le ministère des Finances a affiché sur son site Web un rapport de progrès exhaustif intitulé «Stimuler la confiance dans les marchés de capitaux du Canada».
Monsieur le président, j'ai une copie papier de ce rapport que nous pourrions peut-être distribuer aux membres du comité, étant donné qu'il révèle que de nombreux intervenants sont en train de traiter ces questions. C'est ainsi que fonctionne le pays, vu la variété des organismes de réglementation, des échanges et des parties concernées. En fait, des démarches sont entreprises sur plusieurs fronts. C'est une des responsabilités de notre gouvernement, ainsi que de ce comité, que d'indiquer aux investisseurs canadiens que toutes ces démarches sont entreprises.
Monsieur le président, bien que des progrès aient été réalisés, il reste beaucoup à faire. Si nous voulons avancer, nous devons résoudre de nombreux problèmes.
Premièrement, dans quelle mesure la loi américaine Sarbanes-Oxley et les nouvelles règles régissant les bourses sont- elles pertinentes au Canada? Étant donné les étroits liens économiques et financiers que nous entretenons avec les États-Unis d'Amérique, nous sommes manifestement influencés par l'évolution des marchés financiers de ce pays et c'est certainement ce qui se passe dans le cas de sa réaction face aux récents scandales.
La Commission des valeurs mobilières de l'Ontario a demandé, par écrit, aux participants des marchés financiers si les mesures américaines conviendraient au Canada. La Alberta Securities Commission a entamé son propre processus de consultation.
Nous devons étudier attentivement ces nouvelles règles américaines et nous demander si elles s'inspirent d'une saine politique publique, et si oui, comment les appliquer au milieu financier canadien.
Monsieur le président, votre comité peut jouer un rôle clé, et même essentiel, en répondant à cette question. Pour vous faciliter la tâche, je vous enverrai dès demain un document illustrant les principaux changements aux politiques qu'entraîne la loi Sarbanes-Oxley.
Deuxièmement, dans quelle mesure les saines pratiques de gestion devraient-elles être légiférées ou non?
De toute évidence, les Américains ont opté pour la loi. Au Canada, les règles de gestion sont un mélange de lignes directrices facultatives et de règles obligatoires.
Les marchés financiers peuvent inciter les sociétés ouvertes canadiennes à adhérer à des normes plus élevées de conduite d'entreprise. Peuvent-ils seuls cependant, offrir une couverture et une assurance universelles auxquelles s'attendent les investisseurs ou est-ce que d'autres mesures législatives et réglementaires s'imposent pour veiller à ce que de saines pratiques de gestion d'entreprises soient systématiquement appliquées par les sociétés ouvertes canadiennes?
Troisièmement, devrions-nous faire la distinction entre petites et grandes entreprises au Canada en matière d'exigences de gestion? Comme les nouvelles règles de gestion pourraient imposer un autre genre de fardeau aux petites entreprises, devraient-elles être adaptées à celles-ci, tout en maintenant les principes généraux de confiance des investisseurs? Par exemple, une certaine flexibilité serait-elle permise pour la composition des comités de vérification et non peut-être pour l'agrément d'un PDG ou d'un directeur financier? C'est une question importante que le comité devra élucider pour le gouvernement.
Quatrièmement, devrions-nous faire la distinction entre sociétés à grand nombre d'actionnaires et sociétés à actionnaires contrôlants en matière d'exigences de gestion? Il existe au Canada de nombreuses entreprises dirigées par un ou quelques actionnaires. Les exigences devraient-elles y être différentes, tout en maintenant les principes généraux?
Il revient à vous de décider si on doit faire preuve d'une certaine flexibilité pour les sociétés publiques avec de nombreux actionnaires. Par exemple, la définition de l'«indépendance» des membres du conseil et du comité devra être soigneusement revue. S'agit-il simplement d'une indépendance vis-à-vis la gestion, ou aussi d'une indépendance vis-à- vis toutes les parties ayant des intérêts substantiels dans la société? Si oui, pourquoi et par rapport à quelles questions?
Finalement, monsieur le président, comme le gouvernement l'a indiqué dans le discours du Trône, nous étudierons et, au besoin, modifierons les lois et verrons à leur plus stricte application afin de garantir que les normes de gestion des sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale et des établissements financiers soient du plus haut niveau.
C'est dans ce contexte que notre gouvernement est en train de revoir la Loi canadienne sur les sociétés par actions et les lois s'appliquant aux établissements financiers sous réglementation fédérale. Nous nous pencherons également sur l'application de la loi, et sur les moyens d'en faire l'outil de dissuasion le plus efficace possible.
Avant de terminer, monsieur le président, je tiens à souligner que nos gens d'affaires sont on ne peut plus honnêtes et travailleurs. En aucun cas les succès de la majorité ne devraient être compromis par le manque de jugement d'une minorité.
Honorables membres du comité, je suis conscient de l'influence primordiale que les comités peuvent avoir sur la création de nouvelles politiques novatrices. Permettez-moi de vous dire que le ministre des Finances et moi-même apprécions le travail que vous réalisez. Nous attendons avec impatience le rapport que vous nous fournirez d'ici la fin de l'année et qui sera le point de convergence du débat national sur cette importante question économique. Nous estimons que le pays doit se mobiliser pour relever ce défi national. Notre efficacité dépend de la coordination entre le gouvernement fédéral, les autres gouvernements, les organismes de réglementation et les intervenants du secteur privé.
Que ce soit très clair, cette question est pressante. Bien que d'importants progrès aient été réalisés et continueront de l'être, tous les intervenants doivent se mobiliser rapidement afin de renforcer la confiance de l'investisseur. Le gouvernement, lui, se servira de tous les outils à sa disposition afin que les Canadiens reprennent confiance dans leurs marchés financiers.
Le maintien et le renforcement de la confiance de l'investisseur ne sont pas le seul enjeu. Il nous incombe aussi de bâtir un avenir prospère et concurrentiel pour toutes les générations futures. Merci, monsieur le président.
Le président: Merci à vous. Honorables sénateurs, vous devrez vous limiter à cinq minutes chacun, puisque nous n'en avons que 25 pour la période de questions.
Le sénateur Meighen: Quel excellent point de départ pour nos délibérations! Nous disposons de quelques paramètres pour commencer notre travail. Bien que j'espère que nous n'aurons pas à travailler 24 heures par jour et sept jours par semaine afin de respecter votre délai, nous ferons notre possible pour accomplir quelque chose d'ici la fin de l'année. Ce sont de toute évidence des questions qui touchent beaucoup de monde.
Je veux être sûr de bien comprendre votre observation à la page 1, le deuxième paragraphe traitant des marchés financiers et de l'économie:
Ces domaines qui façonnent le monde du commerce, continuent d'évoluer, et il n'y a aucun doute que nous devons nous y adapter. Ceci dit, nous avons le choix: soit nous adaptons continuellement le système canadien afin qu'il soit concurrentiel, soit nous traînons derrière les pays chefs de file.
De nombreuses personnes estiment que nous ne sommes pas actuellement concurrentiels et que nous devons transformer le système canadien afin de maintenir un avantage concurrentiel. Est-ce bien ce que vous êtes en train de dire?
M. Bevilacqua: Précisément.
Le sénateur Meighen: À quels égards trouvez-vous que notre système nous défavorise sur le plan de la concurrence?
M. Bevilacqua: Vous n'avez qu'à examiner le cas des commissions des valeurs mobilières et le fait d'avoir à souscrire dans différentes provinces. C'est le cas non seulement au Canada, mais aussi à l'étranger. Il n'y a aucun doute que nous devons mettre sur pied un système flexible et adaptable, qui faciliterait aussi beaucoup les affaires.
De manière générale, tout ce qui freine l'investissement et qui décourage les flux de capitaux vers le Canada et la création d'un milieu d'affaires propice est un obstacle que nous devons surmonter ensemble. Nous avons fait beaucoup de progrès au cours des dernières années, mais il reste beaucoup à faire.
Nous devons écouter attentivement les intervenants des marchés, ceux qui participent à l'économie de notre pays, et donc à l'économie mondiale. Je pense qu'ils peuvent transmettre d'importants messages au gouvernement sur de nombreux sujets.
Mais cela n'est qu'une partie d'un ensemble. En fin de compte, la question est la suivante: Comment pouvons-nous bâtir une économie concurrentielle? Comment la structurer de sorte que le Canada en retire un avantage concurrentiel? Ce domaine en particulier offre une occasion idéale aux intervenants clés, comme les organismes de réglementation, le gouvernement, les directeurs généraux, les sociétés et les commissions de valeurs mobilières. Tous ces acteurs doivent comprendre qu'il nous reste du travail à faire et que c'est la raison pour laquelle nous nous sommes engagés dans ce processus.
Je tiens à souligner — et c'est la raison pour laquelle j'ai demandé que soit distribuée une copie papier du site Web — que beaucoup de groupes et d'intervenants dans le pays sont déjà en train d'abattre beaucoup de travail dans ce domaine. L'obstacle qu'il nous reste à surmonter collectivement, c'est de faire en sorte que les investisseurs potentiels sont conscients de tout ce travail. Comment informer les investisseurs canadiens à ce sujet, comment leur indiquer que des mesures sont en train d'être prises, comme par exemple la création du Conseil canadien sur la reddition de comptes? C'est un aspect essentiel de notre stratégie, et ce sera un défi.
J'espère que nous continuerons à prendre de l'initiative et que nous poursuivrons nos efforts afin que les Canadiens sachent que nous travaillons consciencieusement pour arriver à une solution.
Le sénateur Meighen: Merci, monsieur Bevilacqua. J'ai trouvé vos observations des plus encourageantes. J'espère que nous pouvons tous vous aider à les traduire en actes. Le gouvernement fédéral, même avec les meilleures intentions du monde, est limité quant à ce sur quoi il peut légiférer. Je pense à la Loi canadienne sur les sociétés par actions et, bien entendu, aux institutions financières assujetties aux lois fédérales. Cependant, il y a tout un autre secteur qui n'est pas sous l'autorité fédérale.
L'un des problèmes qui met le Canada en position quelque peu désavantageuse, comme vous y avez fait allusion, la fragmentation de la réglementation dans le secteur financier. Vous avez parlé spécifiquement de la pléthore de commissions des valeurs mobilières qui existent dans tout le pays, et qui sont notre plus grand problème. Y a-t-il quoi que ce soit qui vous porte à croire que nous soyons plus près de n'avoir qu'une ou deux commissions des valeurs mobilières nationales, ou quelque chose de différent de chevauchement des règlements auxquels sont confrontés les investisseurs, du Canada et de l'étranger, lorsqu'ils viennent dans notre pays?
M. Bevilacqua: Comme vous le savez, M. Harold MacKay a été nommé en poste. Il nous fera rapport le 15 novembre des mesures les plus appropriées pour réaliser ce dont vous parlez. Cependant, notre pays est ce qu'il est. Il y a les provinces et un gouvernement fédéral. La seule façon de réaliser un modèle qui répondrait aux préoccupations qu'ont soulevé les investisseurs, ce serait par la coopération. C'est pourquoi le gouvernement fédéral ne peut pas tout simplement imposer sa propre volonté aux provinces. Nous devons comprendre qu'il nous faut nous efforcer d'obtenir la participation de tous les intervenants, parce que l'enjeu est complexe. J'espère que lorsque les Canadiens comprendront ce qu'il en coûte d'avoir un système fragmenté, ils insisteront aussi en faveur d'un modèle qui soit plus efficient.
J'applique la même logique à plusieurs problèmes, au pays, qui me préoccupent, comme celui des obstacles aux échanges commerciaux entre les provinces. Si les Canadiens savaient clairement ce que coûte ce système, ils appuieraient les initiatives qui visent un système différent de réglementation des valeurs mobilières.
Le sénateur Meighen: Monsieur Bevilacqua, en guise de conclusion, je vous dirai que je suis d'accord avec vous. Tout le monde est d'accord avec vous. Cependant, si vous pouvez y arriver vous devriez entrer dans la course au leadership du Parti libéral, parce que personne n'a réussi jusqu'ici à faire ce dont vous parlez. Personne n'a su démontrer aux Canadiens le coût de la redondance. Nous en avons parlé, nous avons cerné le problème, mais personne n'a su le démontrer dans la mesure où des Canadiens proposeraient une solution, alors je vous souhaite bonne chance.
Le sénateur Prud'homme: Prenez garde à la tentation.
M. Bevilacqua: Monsieur le sénateur, je peux vous garantir que je n'entrerai pas pour l'instant dans la course au leadership.
Le sénateur Fitzpatrick: Monsieur Bevilacqua, vous nous avertirez si vous comptez, la prochaine fois, proposer votre candidature au leadership.
Le sénateur Meighen: Vous avez ici votre collecteur de fonds, un jeune homme. Il s'est déjà mis à la tâche.
Le sénateur Fitzpatrick: Je suis d'accord, et d'autres aussi, j'en suis sûr, sur les principes que vous avez exposés. Je crois que vous posez de bonnes questions.
Cependant, nous avons encore un gros problème. Il vient en partie du fait que les sociétés ont entrepris de se mondialiser. Les compagnies deviennent de plus en plus grandes, au point qu'elles sont maintenant gigantesques. Ce pourrait être une bonne chose. Vous avez parlé de compétitivité, et je suis d'accord que c'est important. Je ne crois pas que la tendance s'arrêtera là.
Mais en ce qui concerne les vérifications, ma question est la suivante: comment un vérificateur peut-il faire une vérification exhaustive, précise et efficace de ces gigantesques compagnies? Si vous permettez, j'aurais une autre question: comment un comité de vérification se prépare-t-il à comprendre le rapport de vérification et les complexités de ces très grosses compagnies? Peut-être les grandes compagnies peuvent-elles se permettre d'embaucher des experts conseils pour appuyer un comité de vérification ou des administrateurs. Je ne suis pas sûr que les petites et moyennes entreprises le puissent. Nous savons qu'une grande part de la croissance de notre économie vient de l'expansion de petites et de moyennes entreprises.
J'ai néanmoins une suggestion à faire, qui est la suivante: vous pourriez offrir un crédit d'impôt pour les vérifications efficaces. Si les compagnies doivent faire ces vérifications approfondies et engager des experts-conseils pour aider les vérificateurs, peut-être devrait-il y avoir une forme de compensation, si ce qu'on veut vraiment c'est assurer l'exactitude des rapports financiers de ces compagnies. Ce pourrait être quelque chose à envisager. Peut-être voudriez-vous commenter cette suggestion.
C'est la même chose avec un comité de rémunération, bien que la pratique soit assez répandue maintenant dans les compagnies, qui paient pour faire faire de façon indépendante l'analyse de la rémunération qui est exigée dans les circulaires d'information. Cependant, des conseils sont nécessaires de temps à autre sur la diligence raisonnable des compagnies, ce qui relève de la responsabilité des administrateurs.
Comme je viens du secteur des ressources, je reconnais les difficultés que les administrateurs indépendants éprouvent à être sûrs des réserves publiées, que ce soit celles de pétrole ou de gaz ou dans l'industrie minière. Je sais qu'ils ont resserré les règles à cet égard. Il est certain qu'après Bre-X, il était très important de le faire.
Il reste néanmoins beaucoup d'autres considérations, comme le prix de la matière première ou la possibilité de couverture. Il est difficile pour les administrateurs externes et indépendants de comprendre toutes ces choses. Comme je l'ai dit, la raison d'être de l'entreprise, c'est évidemment de stimuler l'économie et d'encourager les petites et moyennes entreprises.
Je sais que vous ne pouvez pas répondre spécifiquement à toutes ces questions, mais j'aimerais connaître vos impressions.
M. Bevilacqua: En ce qui concerne la mondialisation, elle comporte des avantages et des risques. Nous voyons l'émergence d'organes mondiaux internationaux qui s'occupent de pratiques de vérification. Au fur et à mesure de nos progrès sur la voie de la mondialisation, nous assistons à la création de plus en plus d'organes internationaux en réponse, particulièrement, aux problèmes que vous avez soulevés.
Vous avez aussi soulevé la possibilité de crédits d'impôt pour les vérifications efficaces. J'en ai pris note, mais je ne sais pas ce que nous en ferons. C'est une idée que vous pourriez explorer dans le cadre de vos travaux ici, au comité.
La question des petites et grandes entreprises a aussi été soulevée lors de la présentation. Les petites et les grandes compagnies sont confrontées à des défis d'ampleur variée. Cette question doit aussi être examinée. Nous aimerions avoir une rétroaction sur le sujet.
Dans cette discussion que nous avons entre députés et sénateurs, n'oublions pas que la principale intéressée, dans cette discussion, sera la profession de vérification, et ce que ses membres auront à dire. Comme les honorables sénateurs inviteront très probablement des membres de la profession à témoigner devant eux, il leur faudra poser cette question.
Je ne sais pas si j'ai repris tous les éléments que vous avez soulevés. En fait, la raison de ma présence ici, aujourd'hui, c'est pour établir le cadre de travail. Cependant, j'aurai besoin de l'aide des honorables sénateurs pour répondre à certaines de vos questions, mais aussi des intéressés du domaine. C'est indispensable.
Le président: Les sénateurs peuvent poser des questions qu'ils veulent. Cependant, j'hésite quelque peu à entrer dans les détails des divers problèmes que nous avons soulevés.
J'aimerais vous entendre dire quelque chose. Nous avons une communauté d'entreprises qui nous disent qu'elles ne veulent pas être réglementées, qu'elles peuvent très bien se débrouiller seules. Et puis il y a tout le reste de la communauté qui dit que si elles peuvent si bien se débrouiller seules, comment avons-nous pu nous retrouver dans ce fouillis? Je n'ai pas de réponse, et je ne dis pas que ce comité fera ce que vous voulez qu'il fasse, bien qu'il le fera peut- être. Je ne suis qu'un membre du comité.
Pouvez-vous faire une déclaration d'ordre général pour expliquer comment vous êtes porté à penser que le gouvernement devrait avoir une forme quelconque de loi pour assurer les investisseurs, ou est-ce que nous devrions laisser les entreprises se réglementer d'elles-mêmes? Peut-être cette question n'est-elle pas très juste, mais j'aimerais savoir ce que vous en pensez.
M. Bevilacqua: C'est une question honnête. La réglementation est nécessaire, mais nous n'avons pas forcément besoin de réglementer.
En tant que gouvernement, notre devoir est d'assurer la protection de l'intérêt public. Quand on parle aux entreprises, elles ne veulent pas de réglementation. Ce n'est pas tant qu'elles ne veulent pas de règles; elles veulent de bonnes règles, des règles qui ont du bon sens. En même temps, nous devons pondérer cela avec ce que nous ont dit certains investisseurs. Ils sont préoccupés.
En ce qui concerne la certification des états financiers, par exemple, est-ce que les PDG et les directeurs financiers devraient les attester? Quelle crédibilité a le document si le président directeur général ne veut pas le signer? Est-ce que c'est une règle équitable, ou est-ce histoire de dire: «J'ai suffisamment foi en ma compagnie pour apposer mon nom sur ce document»?
On ne voudrait pas aller à l'autre extrême, où personne ne voudrait être PDG ni siéger au conseil d'administration parce que c'est trop onéreux.
En plus, nous ne devons pas oublier que nous vivons dans une économie de marché. Le marché doit continuer de fonctionner. On ne peut avoir d'obstacles à l'activité commerciale. En dressant de tels obstacles, nous irions à l'encontre de notre objectif, qui est de constituer un système de marché efficace qui est réglementé sur certains plans, mais qui n'empêche pas les entreprises de faire leurs affaires.
Est-ce que cela répond à votre question, monsieur le président?
Le président: Non.
M. Bevilacqua: Alors j'ai réussi.
Le président: Vous avez réussi, c'est vrai. Cependant, vous faites vraiment ressortir la complexité de l'enjeu.
M. Bevilacqua: C'est une question d'équilibre.
Le président: Tout est une question d'équilibre.
Le sénateur Prud'homme: Je suis heureux que le sénateur Meighen ait posé ma question.
Le sénateur Tkachuk: Nous avons un problème, actuellement, au plan de la confiance dans les marchés, non pas tellement en raison de ce qui est arrivé dans des compagnies canadiennes, bien que certaines compagnies canadiennes importantes aient eu des déboires, mais surtout à cause de toute la publicité qui vient des États-Unis.
Il y a certaines choses que le gouvernement canadien peut faire pour restaurer la confiance des investisseurs. Tout d'abord, il peut continuer de réduire les gains en capital. Cette mesure serait une indication vigoureuse que le gouvernement canadien est convaincu que le marché et la bourse sont des endroits sûrs où investir. Deuxièmement, le gouvernement peut aussi éliminer la taxe réputée sur les options, qui est un de mes gros cauchemars. Le système actuel offre des incitatifs aux PDG et aux administrateurs pour qu'ils vendent leurs actions sur-le-champ, parce qu'ils doivent payer sur elles des impôts au taux de 50 p. 100. Il ne devrait pas y avoir d'impôt sur les options jusqu'à ce qu'elles soient vraiment vendues par la personne qui les a prises. Ce serait deux choses sur lesquelles le gouvernement pourrait émettre des signaux au marché.
Dans vos observations, vous avez parlé d'application vigoureuse. L'autre jour, je regardais une émission télévisée sur les escroqueries du télémarketing, dont les aînés sont particulièrement la proie. Les Américains disent que le Canada est l'endroit idéal pour ce genre d'activité illicite, parce que les pénalités pour fraude sont si minces. Par conséquent, tous ces escrocs sont au Canada, ce qui est une évolution négative de l'économie, cette escroquerie de toute l'Amérique du Nord et du monde. Ils ne feraient pas ça à partir des États-Unis parce que les pénalités y sont tellement sévères.
Est-ce que vous collaborez avec les représentants des ministères fédéral et provinciaux de la Justice en vue de rendre les pénalités plus sévères en cas de fraude? Après tout, extorquer l'argent aux retraités au moyen de pratiques malhonnêtes dans un régime de pensions, c'est aussi mal que de les escroquer par téléphone. Est-ce que vous avez des ressources efficaces pour lutter contre la fraude? Un autre problème qui a été mis en valeur, dans cette émission sur la fraude du télémarketing, est que nous n'attribuons pas assez de ressources aux enquêtes sur les fraudes.
M. Bevilacqua: En ce qui concerne les gains en capital et ce que vous avez dit sur les options d'achat d'actions, j'examinerai cela. Nous en parlerons quand nous parviendrons au volet des consultations prébudgétaires.
Le sénateur Tkachuk: Ne dites pas d'où c'est venu. Dites-leur que c'est votre idée.
M. Bevilacqua: Je parlerai au ministre des Finances de la question.
Au sujet de l'application, les représentants du ministère de la Justice participent à ce processus. Le comité est libre d'inviter les représentants du ministère de comparaître devant lui pour leur poser des questions. Un autre ministère qui travaillera étroitement avec nous est celui de l'Industrie.
Il y a une approche multiministérielle, et c'est le meilleur moyen de procéder. Ce n'est pas seulement qu'en société qu'il faut obtenir l'apport des intervenants; il faut aussi fait participer les intervenants au sein du gouvernement lui- même pour trouver les meilleures solutions possibles aux problèmes particuliers que nous avons.
Le sénateur Kelleher: Monsieur Bevilacqua, j'aimerais porter à votre attention un domaine qui, à mon avis, pose un certain problème. Je suis président du conseil d'administration d'une institution financière qui est détenue en propriété exclusive par une société mère à l'étranger. L'administration d'un conseil de cette nature pose d'énormes difficultés, et aussi l'exécution des fonctions qui sont attendues de nous lorsqu'on est dans ce genre de situation. On n'a pas le même type d'indépendance pour agir dont jouissent normalement administrateurs.
Nous vivons maintenant une époque où les gens créent des compagnies et des institutions au Canada. C'est ce que nous voulons. En même temps, vous devriez songer à mesurer l'aspect pratique de certaines des responsabilités en ce qui concerne les conseils d'administration qui sont dans ce genre de situation. Je ne sais pas si vous y avez pensé. Croyez-moi, ce peut être un vrai problème.
M. Bevilacqua: C'est un autre problème sur lequel, peut-être, ce comité devrait se pencher. Je vais certainement m'être formé une opinion d'ici à la fin du processus, mais je ne voudrais pas préjuger du processus de consultation.
Ceci nous ramène à la question dont nous avons parlé tout à l'heure sur la mondialisation. Avec l'émergence d'entités mondiales, nous verrons de plus en plus de ce genre de problèmes. Les institutions internationales doivent évoluer et veiller à mettre en place des mécanismes de sécurité et à ce que des mesures pour améliorer l'activité économique puissent être facilitées plutôt que d'y faire obstacle.
L'un des défis auxquels vous pourriez être confronté, c'est, si la compagnie est établie à l'étranger, qu'elle n'ait pas le genre de soutien que la société mère donne à son propre conseil d'administration. C'est la réalité d'une société mondialisée, et nous devons nous équiper pour faire face à ce genre de problèmes.
Le sénateur Setlakwe: Monsieur Bevilacqua, avant même d'envisager d'examiner cette question, on présumait qu'un certain degré de moralité ou d'éthique régnait dans le secteur des marchés de capitaux, lequel s'est largement dissipé. Le sénateur Tkachuk en a parlé lorsqu'il a demandé si nous devrions légiférer la moralité. La distinction que nous devons maintenant faire, c'est pour déterminer si nous devons intervenir et demander des sanctions pour ceux qui se conduiront mal sur les marchés des capitaux, ou de laisser faire, comme par le passé. Il règne un manque de confiance dans les marchés des capitaux aujourd'hui, attribuable à certaines choses qui sont arrivées récemment, et qu'il n'y avait pas auparavant.
M. Bevilacqua: C'est absolument vrai. Cependant, si je peux parler d'un point de vue philosophique, les règles et les lois, lorsqu'elles sont appliquées, amènent des gens jusqu'en prison. C'est la réalité de ce qui arrivera. Mais aussi, le marché vous tuera si vous savez ce que je peux dire par là. C'est là la question d'équilibre.
Je crois que les gens d'affaires sont, fondamentalement, honnêtes. Cependant, je sais aussi que la nature humaine veut que les gens soient motivés par l'intérêt personnel et que, parfois, l'intérêt personnel fait obstacle à l'honnêteté. C'est le défi qui se pose. C'est une discussion philosophique.
Le sénateur Setlakwe: C'était une question philosophique.
M. Bevilacqua: C'est une discussion qui prendra plus de cinq minutes. J'ai des opinions bien faites sur le sujet. C'est pourquoi je suis l'un de ceux qui soutiennent que les écoles d'administration devraient consacrer plus de ressources à l'étude de la déontologie. C'est ce qu'il faudra.
Le président: J'ai une question à poser à M. Seeto, pour laquelle je n'attends pas de réponse immédiate.
Quels sont les critères de la fiabilité? Est-ce que c'est la diligence raisonnable, etc.? Vous n'avez pas à répondre maintenant; peut-être pourriez-vous fournir une réponse par écrit au comité.
Le sénateur Fitzpatrick: J'ai un commentaire à faire, plutôt qu'une question à poser. Ce dont vous n'avez pas parlé, dans vos observations qui, comme je l'ai dit plutôt, étaient excellentes, est la question de la manière dont la communication et la reddition des comptes aux actionnaires se font. Il y a eu des situations, récemment, où les PDG savaient manifestement ce qui se passait, mais ils ne l'ont pas pleinement divulgué aux actionnaires. Peut-être pourriez- vous ajouter cela à votre liste des sujets à examiner, parce que c'est important.
La séance est levée.