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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 3 - Témoignages du 7 novembre 2002


OTTAWA, le jeudi 7 novembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 11 heures pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international (perspective canadienne de la faillite d'Enron).

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes ici pour poursuivre notre étude. Je suis heureux d'accueillir une personne que je connais bien, une véritable étoile au firmament du monde canadien des affaires, M. Stephen Jarislowsky, président du conseil et chef de la direction de Jarislowsky Fraser Limited, qui se joint à nous par vidéoconférence.

Bienvenue, monsieur Jarislowsky. Nous sommes impatients d'écouter ce que vous avez à nous dire.

Je suppose que vous avez une déclaration liminaire à présenter. Ensuite, nous aurons quelques questions à vous poser.

M. Stephen Jarislowsky, président du conseil et chef de la direction, Jarislowsky Fraser Limited, Coalition canadienne pour une bonne gouvernance: J'ai effectivement une déclaration, honorables sénateurs. Je vous ai également fait parvenir le texte d'un discours que j'ai récemment prononcé à une conférence de professionnels organisée à Montréal par Canada Live, de même que le plan d'un document que j'ai rédigé pour la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance et qui est actuellement débattu par la Coalition en vue de l'adoption d'un document final qui sera distribué à toutes les sociétés publiques et entreprises de vérification, d'investissements, et cetera.

Même si je suis l'un des organisateurs de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance, nous ne sommes pas encore suffisamment avancés aujourd'hui pour présenter au comité une déclaration ferme. Tout ce que je peux dire, c'est que la Coalition a été formée de façon à inclure assez de fonds dirigés pour avoir de l'influence auprès des sociétés cotées en Bourse qui ne se conformeront pas à ce que sera notre définition de «bonne gouvernance».

Les membres de la coalition gèrent un capital de quelque 500 milliards de dollars. Notre liste supplémentaire d'observateurs augmente encore plus ce nombre. Directement ou indirectement, ceux qui investissent dans nos fonds contrôlent de fait beaucoup des sociétés vraiment publiques du Canada. De plus, notre pouvoir d'investissement nous rend essentiels au succès des émissions d'actions et d'obligations des sociétés contrôlées.

Nous croyons que la responsabilité de la bonne gouvernance doit incomber en premier aux sociétés, ce qui n'était pas le cas dans le passé. Les conseils d'administration représentent les actionnaires, qui sont les propriétaires ou les bénéficiaires des fonds que nous gérons et au nom desquels nous agissons comme fiduciaires. Dans la mesure où, ensemble, nous contrôlons leurs sociétés ou presque, nous pensons que les conseils d'administration se conformeront à nos lignes directrices sans trop d'intervention de notre part ou accepteront de nous laisser désigner certains de leurs membres. Nous aurons en outre la possibilité de révoquer en bloc certains conseils d'administration.

L'approbation automatique antérieure des listes et des propositions de la direction est tout autant une cause de mauvaise gouvernance que n'importe quoi d'autre. Nous avons le pouvoir et le devoir, à titre de fiduciaires, de veiller à la bonne gouvernance, mais la plupart des investisseurs institutionnels ne se sont pas acquittés de cette responsabilité. On ne peut donc pas s'étonner du fait que les conseils d'administration et les membres de la direction ont souvent noué entre eux des liens trop étroits.

Les raisons sont multiples. Elles vont de la paresse, qui coûte du temps et de l'argent, au conflit d'intérêts. Beaucoup d'entre nous considèrent les sociétés comme une source d'affaires: garde, agent de transfert, assurance, mandats des fonds de pension, information de recherche, et cetera. De plus, les lois du Canada ont généralement servi à confirmer les décisions des conseils d'administration face aux plaintes des actionnaires opprimés. Brant Keeprite en est un exemple flagrant. La loi est lente. Il faut parfois attendre cinq ans ou plus pour qu'un jugement final soit rendu. L'affaire Keeprite a duré huit ans. Les avocats ont tendance à faire traîner les choses, surtout s'ils savent qu'ils ont tort. Les procès de ce genre coûtent très cher en temps et en argent.

Trop souvent, les procurations sont envoyées aveuglément par les banques, les sociétés de fiducies et les agents de souscription, qui cherchent ainsi à gagner la faveur des entreprises en cause. Il y a aussi fréquemment des récompenses monétaires: tant d'argent pour les procurations ou les actions envoyées par suite des sollicitations de la direction. Beaucoup d'investisseurs ne sont jamais consultés par les dépositaires ou, s'ils le sont, ils ne comprennent pas du tout les questions posées même s'ils essaient de lire la quarantaine de pages de jargon qu'on leur a fait parvenir.

Les petits actionnaires n'ont rien à dire. Dans le cas de notre société, même en possédant 20 p. 100 des actions d'une entreprise — limite au-delà de laquelle nous devons faire une offre sur toute l'entreprise —, nous sommes constamment battus par les procurations automatiques.

Les fonds communs de placement sont les pires au chapitre du soutien de la direction. Il nous arrive constamment de les voir se retirer à la dernière minute pour éviter l'affrontement dont ils avaient pourtant convenu avec nous. Il me semble que la loi devrait imposer aux investisseurs institutionnels d'agir comme fiduciaires et d'exiger le maximum pour leurs clients. Elle devrait les condamner à de sévères amendes s'ils transmettent automatiquement des procurations à la direction. De plus il devrait être strictement interdit de payer les courtiers, les fiduciaires, les banques, et cetera pour la transmission de telles procurations. Si les dépositaires, les entreprises financières et les investisseurs institutionnels sont tenus de respecter un code fiduciaire strict, je crois — naïvement peut-être — qu'il y aurait au moins certains progrès.

De même, je crois que les administrateurs de société devraient avoir des titres de compétence. Il faudrait instituer un petit cours que les administrateurs seraient tenus de suivre, un examen auquel ils devraient réussir avant de siéger au sein d'un important conseil d'administration. J'en discute actuellement avec les Hautes Études commerciales ainsi qu'avec la faculté d'administration de McGill.

Il faudrait établir une définition d'«administrateur indépendant». Ces administrateurs devraient prêter serment au moment d'assumer leur mandat pour s'engager à agir au nom de tous les actionnaires. Je suis d'avis que le même processus devrait s'appliquer aux analystes en placements qui publient des opinions dans la presse ou qui en transmettent aux investisseurs. Cela donnerait aux administrateurs et aux analystes une obligation précise d'intégrité, qui permettrait de les poursuivre facilement s'ils y manquent.

Les institutions devraient également être fiduciaires en vertu de la loi, de même que les administrateurs de société. À l'heure actuelle, la loi est très vague à ce sujet. Il existe des lois depuis 5000 ans, mais elles n'ont jamais réussi à protéger personne contre la cupidité des hommes. Comptables, avocats et escrocs ont toujours trouvé des moyens plus ou moins licites de les tourner. Des lois et des règlements restrictifs ne pourront pas, seuls, nous protéger dans ce cas.

Les lois doivent néanmoins permettre aux investisseurs d'agir collectivement pour protéger leurs biens. La création de la Coalition canadienne pour une bonne gouvernance constitue un moyen beaucoup plus efficace d'assurer l'intégrité des administrateurs et des cadres. Elle aura également plus d'effets sur les entreprises de vérification car, comme groupe, nous pouvons exclure de la scène canadienne les entreprises qui ne voudront pas se conformer.

Si nous réussissons, je crois que les pièces vont s'emboîter: des administrateurs honnêtes et compétents nous conduiront à une bonne gestion et à une comptabilité prudente. Pour défendre les investisseurs, il y aura un chien de garde assez imposant et assez agressif pour assurer l'intégrité des marchés et de la direction de chaque société, ce qui permettra de rétablir la confiance du public.

Nous aurons notre propre bureau à plein temps. Nos sociétés et nos analystes auront leur mot à dire sur la gouvernance de chaque grande entreprise. Nous élaborons des lignes directrices et dresserons des listes d'administrateurs indépendants compétents que nous proposerons aux entreprises. Au pire, nous pouvons intervenir directement en usant de nos pouvoirs de propriétaires.

Nous aurons également la possibilité de contribuer à la gouvernance du marché des actions et des obligations et de faire face à certains des conflits d'intérêts flagrants qu'on trouve là. Nous pouvons à tout moment inciter les comptables à l'intégrité et à la prudence.

Nous croyons que le Canada ne devrait avoir qu'une seule commission des valeurs mobilières et que ses avocats devraient être si bien rémunérés qu'ils n'envisageraient jamais de revenir à leur cabinet antérieur et ne craindraient donc pas de se faire des ennemis de leurs anciens associés. J'ai dit, il y a longtemps déjà, qu'il serait préférable pour nous de ne pas avoir une Commission des valeurs mobilières de l'Ontario pour que personne ne soit naïvement tenté de croire que la Commission protégera les actionnaires. Une commission qui, des années après le scandale Bre-X, n'a pas encore obtenu des condamnations ne me paraît pas particulièrement efficace.

Les commissions de valeurs mobilières devraient être dotées d'un personnel hautement compétent et investies de vrais pouvoirs. Autrement, elles ne font qu'embêter le monde en percevant des droits et en édictant des règlements qui gaspillent notre temps et notre argent sans s'attaquer aux vrais problèmes.

Bref, je crois que c'est l'investisseur institutionnel qui doit agir comme fiduciaire de ses clients pour veiller à la qualité des conseils d'administration de toutes les sociétés publiques d'importance. Je pense en outre que si les petites sociétés ne peuvent pas avoir d'administrateurs indépendants, elles ne devraient pas être cotées à la Bourse de Toronto. Toutes les sociétés figurant à la cote publique de la Bourse devraient avoir une majorité d'administrateurs indépendants.

Il faudrait de plus établir des règles concernant les options d'achat d'actions. Celles-ci ont servi à piller des sociétés sans pour autant que les cadres deviennent vraiment des actionnaires à long terme. C'est une erreur de permettre aux entreprises de ne pas déclarer les options comme dépenses. C'en est une autre de leur accorder un traitement fiscal avantageux. Les rémunérations excessives de toutes les formes ont poussé la cupidité à l'extrême.

La rémunération, et surtout les options, devrait faire l'objet de lignes directrices. Nous nous en occuperons, mais les politiciens ne devraient pas se laisser influencer par les contributions à leur campagne électorale, qui engendrent la cupidité. Il n'est pas mauvais d'avoir un peu de cupidité et un peu de peur. En trop forte dose, cependant, ce serait désastreux. Tous les dimanches, certaines d'entre nous disent: «Et ne nous soumets pas à la tentation, mais délivre- nous du mal».

Monsieur le président, c'était là un résumé de mon exposé.

Le président: Je vous remercie de votre franchise.

Le sénateur Oliver: Il y a un point sur lequel j'aimerais avoir votre avis. En parlant de la bonne gouvernance des sociétés, vous avez souligné la nécessité d'avoir des conseils d'administration indépendants. Vous avez ajouté qu'il est indispensable de formuler une définition d'«administrateur indépendant».

Plusieurs éminents universitaires et d'autres ont présenté des observations sur le sens que devrait avoir le mot «indépendance». Comme vous le savez, les Américains y ont aussi beaucoup réfléchi dans les six ou sept derniers mois. Je serais heureux de savoir quels éléments l'indépendance des administrateurs devrait comprendre à votre avis et ce que cela implique.

M. Jarislowsky: En temps normal, je dirais que cela signifie qu'on n'a pas de relations d'affaires avec la société, qu'on n'a pas un lien de parenté trop proche avec un cadre et qu'il n'existe pas de conflit majeur, par exemple si on est chef de la direction d'une autre société. Autrement dit, ce sont les éléments normaux qu'on attache à l'indépendance.

Par ailleurs, je connais beaucoup d'administrateurs qui, même s'ils ont certains conflits, vont s'acquitter avec intégrité de leur mandat de fiduciaires des actionnaires.

Même si on exige un minimum de base, il faut parfois admettre quelques exceptions.

Le sénateur Oliver: Avez-vous des suggestions pour assurer l'indépendance des comités de vérification? Faudrait-il, par exemple, une règle ou une politique imposant que les membres du comité de vérification d'une société canadienne soient nommés ou choisis par des administrateurs indépendants et non par des membres de la direction, et ainsi de suite?

M. Jarislowsky: Sénateur Oliver, je vous ai envoyé un projet de huit pages — je crois que vous l'avez reçu — contenant nos suggestions à cet égard. À mon avis, la quasi-totalité des membres du comité de vérification, du Comité des ressources humaines et du Comité des candidatures devraient être indépendants au plus haut degré possible.

Cela signifie sûrement que tous les membres du comité de vérification devraient être indépendants. C'est l'un des deux comités dans lesquels j'insisterais sur cette indépendance. L'autre serait le Comité des ressources humaines et de la rémunération.

Le sénateur Oliver: Pourriez-vous nous dire quels éléments vous mettriez dans le cours pour administrateurs sur lequel vous travaillez avec les universités?

Je sais que l'Institut des administrateurs des corporations a beaucoup travaillé dans ce domaine et que des administrateurs comme Bill Dima ont rédigé des documents sur les cours et la formation que les administrateurs devraient recevoir.

M. Jarislowsky: Si des administrateurs hautement compétents pouvaient guider les nouveaux venus dans leurs activités, ce serait probablement l'idéal parce qu'ils agiraient alors comme mentors.

Par ailleurs, il y a aussi les lignes directrices normales concernant l'absence de conflits d'intérêts, le temps à consacrer... Pour revenir encore une fois à mes huit pages, je mentionne, en parlant du Comité des ressources humaines et de la rémunération, que la principale fonction d'un administrateur est de veiller à ce que les membres de la direction soient de la plus haute compétence.

L'administrateur devrait non seulement assister aux réunions du conseil d'administration et s'entretenir avec le chef de la direction, le directeur financier ou le directeur de l'exploitation, mais aussi apprendre à très bien connaître les personnes qui travaillent pour la société.

Bien entendu, le plan du cours revêtirait un aspect officiel. Toutefois, j'insisterais très énergiquement pour que des administrateurs d'une intégrité et d'une compétence exemplaires donnent ces cours.

Le sénateur Fitzpatrick: J'ai trouvé intéressantes vos observations concernant les investisseurs institutionnels, les courtiers, les fiduciaires et les banques.

Je ne sais pas comment vous pourriez imposer aux investisseurs institutionnels d'agir comme fiduciaires et comment vous pourriez interdire aux courtiers et aux institutions financières d'agir au nom de la direction pour obtenir des procurations.

Ce sont là des choses bien enracinées dans nos systèmes actuels d'investissement et de courtage.

Vous n'avez pas mentionné — vous devriez peut-être le faire — le rôle des prête-noms et des établissements de dépôt sur lesquels nous comptons à l'heure actuelle. Il fut un temps où l'on connaissait les actionnaires. Aujourd'hui, on ne les connaît pas parce qu'ils participent par l'entremise d'un investisseur institutionnel ou d'un fonds de pension.

La direction ne peut pas toucher les actionnaires. Et les actionnaires ne peuvent pas joindre la direction. Ils n'ont plus la même influence qu'ils avaient auparavant à cause de la présence de prête-noms qui masquent leur identité. On ne sait pas qui sont les actionnaires et on ne peut pas le savoir.

Si on pouvait les connaître, s'il y avait un moyen de communication direct entre les actionnaires et la direction, la participation des actionnaires pourrait être plus efficace.

Avez-vous des observations à formuler à ce sujet?

M. Jarislowsky: Je crois que l'actionnaire moyen ne comprend pas vraiment ce que signifie une bonne gouvernance ou une bonne gestion. Quand on lui présente une liste de candidats administrateurs, il ne connaît personne sur la liste.

De plus, il ne se sent pas assez compétent pour savoir quel serait le nombre le plus indiqué d'options.

Je crois que ce sont les raisons fondamentales pour lesquelles la coalition a été créée. Elle existe parce que tout le monde veut gagner de l'argent sur le dos des actionnaires dont je défends les droits à titre de conseiller en placements. Elle existe pour défendre les actionnaires qui auraient dû être protégés par les fonds communs de placement, qui disposent du personnel nécessaire pour analyser les propositions faisant l'objet des procurations demandées par la direction. C'est précisément pour cette raison, parce que nous savons quels excès sont commis. Nous savons qu'il est abusif de verser des commissions allant au-delà d'un certain point et qu'il faudrait interdire les options qui n'aboutissent jamais à l'achat d'actions et ne sont exercées que pour obtenir un autre boni.

Voilà pourquoi je crois que les gens chargés de gérer l'argent d'autrui devraient avoir qualité de fiduciaires et être légalement défini comme tels.

Je crois en outre qu'un analyste qui s'adresse au public et ne parle pas seulement à ses supérieurs dans une société — dans la mesure où il fait une déclaration ou son entreprise fait une déclaration qui lui est attribuée — serait dans une situation très différente s'il a prêté serment, comme un médecin, de la situation d'une personne qui recevrait un important boni parce qu'elle a su attirer un grand nombre de souscripteurs.

Le sénateur Fitzpatrick: Comment pouvez-vous établir une responsabilité de fiduciaire entre un établissement de placement et l'actionnaire d'un fonds? C'est ce que vous auriez besoin de faire pour que l'établissement assume sa responsabilité de fiduciaire. Autrement dit, vous auriez des droits d'actionnaire par rapport à l'établissement de placement. Est-ce bien ce que vous proposez?

M. Jarislowsky: Dans notre société, par exemple, si nous ne sommes pas d'accord avec les termes d'une procuration, nous informons nos clients de notre point de vue et leur demandons de nous répondre dans les dix jours s'ils s'y opposent. Autrement, nous les représentons à titre de fiduciaires ou de mandataires. N'importe quel autre conseiller en placements peut faire la même chose. Un fonds de pension autogéré peut sûrement le faire aussi, de même qu'un fonds commun de placement, s'il a des employés qui examinent ces questions au lieu d'essayer de gagner la faveur des cadres des sociétés. S'ils sont tenus par la loi d'agir comme fiduciaires des actionnaires, je crois que ces établissements peuvent s'en occuper. S'ils ne le font pas, s'ils ne s'acquittent pas de leurs fonctions de fiduciaires, même une entreprise comme la nôtre peut les poursuivre en justice.

Le sénateur Fitzpatrick: Quelle réaction vos interlocuteurs ont-ils quand vous formulez de telles recommandations ou suggestions?

M. Jarislowsky: La réaction est absolument magnifique, sénateur.

Le sénateur Fitzpatrick: De quel pourcentage parlons-nous?

M. Jarislowsky: Parmi les membres de notre coalition, je dirais 95 p. 100. Dans le courrier que je reçois, c'est plutôt 100 p. 100. On me dit constamment: «Il était vraiment temps!»

Les gens en ont assez. Ils ne veulent plus que les investisseurs continuent ainsi à être plumés.

Le sénateur Fitzpatrick: Puis-je vous demander combien de clients vous avez? Quel pourcentage du marché cela fait- il?

M. Jarislowsky: Nous représentons 33 milliards de dollars de fonds et nous avons environ 500 clients institutionnels et 5000 clients individuels. Nous nous classons en première ou en deuxième place parmi les entreprises qui n'appartiennent pas d'autres et qui sont vraiment indépendantes sur le marché canadien, en ce qui a trait à la gestion des investissements.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien d'autres entreprises suivent le même genre de programme?

M. Jarislowsky: Presque tout le monde s'est joint à nous, soit comme membre de la Coalition soit comme observateur. Quand nous tenons des réunions, nous avons une quarantaine de personnes dans la salle et peut-être une vingtaine d'autres au téléphone.

Le sénateur Fitzpatrick: Quelles autres relations — si je peux les appeler ainsi — avez-vous avec la clientèle? Quels autres genres de communications faites-vous? Par exemple, communiquez-vous avec vos clients seulement à l'occasion des réunions générales annuelles, ou bien y a-t-il d'autres contacts dans l'intervalle?

M. Jarislowsky: Nous revoyons chacun de nos portefeuilles, institutionnel et privé, une fois par mois, puis nous écrivons ce que nous avons à dire dans une lettre dont une partie s'adresse aux investisseurs institutionnels et dont la fin vise les clients privés.

Le sénateur Tkachuk: Vous ne mâchez pas vos mots quand vous parlez des options et du pillage des sociétés.

J'essaie de me faire une idée de la façon dont vous traitez les options. C'est ma première question.

Vous mentionnez également le traitement fiscal avantageux des options. Voulez-vous parler des 100 000 $ — je crois bien que c'est le plafond — qui ne sont pas imposables avant qu'il y ait vente, tandis que le reste est imposable au moment où les options sont exercées? Pouvez-vous aussi nous donner votre point de vue sur le premier point?

M. Jarislowsky: Pour répondre au premier point, je dirais qu'à mon avis les options font partie de la rémunération. J'en parle dans les lignes directrices qui vous ont été distribuées. Je suis probablement plus strict que beaucoup d'autres. Dans mon esprit, la rémunération comprend trois volets. Le premier est le salaire, qui devrait être généreux. Le deuxième est le boni qui, pour moi, ne devrait jamais dépasser 50 à 100 p. 100 du salaire. En troisième lieu, il y a les options.

J'estime qu'il devrait être interdit aux sociétés de consacrer plus de 5 p. 100 de leur capital à la distribution d'options. Notre société s'oppose à tout chiffre supérieur à cela et a souvent réussi à faire adopter des changements. Autrement, il y a une trop forte dilution du capital.

Je crois en outre que les options doivent servir à transformer les cadres qui peuvent influer sur la société en actionnaires à long terme, de préférence jusqu'à ce leur départ à la retraite ou ailleurs.

Je pense aussi qu'un cadre ne devrait recevoir une option que s'il détient un poste dans lequel il peut influer directement sur la croissance de la société. Il ne devrait obtenir cette option qu'une fois, pas chaque année. Il ne devrait bénéficier d'une autre option que s'il reçoit une importante promotion. L'option doit être limitée à un pourcentage de son salaire. Une fois qu'il l'a exercée, tout ce qui reste après les impôts et le montant initial devrait être gardé jusqu'à la retraite, de façon que le cadre en question ait le même statut qu'un actionnaire et considère la société de la même façon. Ce qui se passe ces jours-ci, c'est que les gens reçoivent une année donnée une option d'un million d'actions qu'ils peuvent exercer trois ou quatre ans plus tard. Une fois qu'ils l'ont fait, ils vendent immédiatement. En fin de compte, ils ne possèdent jamais des actions de la société.

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais préciser, pour que les téléspectateurs comprennent, qu'une société ne peut pas émettre des options dépassant 10 p. 100 des actions en circulation. Est-ce que je me trompe?

M. Jarislowsky: Comme je ne suis pas avocat, je préfère ne pas me prononcer.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit qu'il faudrait se limiter à 5 p. 100.

M. Jarislowsky: Nous avons l'impression que ce pourcentage est amplement suffisant. J'ai aussi la ferme conviction qu'il faut éliminer le système des «cadres étoiles» dans lequel le chef de la direction obtient un million de dollars, tandis que le suivant sur la liste doit se contenter de 20 000 $. La direction d'une société devrait être un travail d'équipe. Le système des étoiles ne faites qu'encourager les gens à se poignarder dans le dos pour atteindre le poste de chef de la direction.

Le sénateur Tkachuk: Ne serait-il pas préférable de ne soumettre les options à l'impôt qu'au moment de la vente? Est-ce que cela n'encouragerait pas les cadres à conserver les actions après avoir exercé l'option?

M. Jarislowsky: Si les options sont modestes, je serais parfaitement d'accord. De toute évidence, dans la plupart des cas, une partie des actions doit être vendue pour payer le prix initial de l'option. Personnellement, je ne suis pas en faveur des prêts aux cadres. Je crois que c'est une erreur.

Le sénateur Tkachuk: J'ai deux petites questions à poser, si je peux me permettre.

On nous dit souvent au comité que les options devraient être déclarées comme dépenses. Hier, j'ai posé une question aux représentants de Certified Management Associates. C'est une question qui m'embête encore. Comment fait-on pour déclarer les options comme dépenses? De quelle façon peut-on les inscrire sur le bilan?

M. Jarislowsky: Il y a plusieurs méthodes. La question est de définir une méthode qui conviendra à tout le monde. En effet, si l'on décide de déclarer les options comme dépenses, il ne devrait y avoir qu'un seul moyen de le faire. Permettez-moi de vous exposer mon point de vue sur le coût d'une option. Supposons qu'une société ait des options totalisant 1 000 actions dont le prix courant est cinq fois plus élevé que le prix d'exercice. Pour revenir à la situation initiale, la société aurait à racheter le même nombre d'actions cinq fois plus cher pour pouvoir les offrir à nouveau comme options. Cette différence constitue le coût de l'option pour la société.

Le sénateur Tkachuk: Cela s'applique lorsque l'option est exercée. Supposons maintenant qu'une option soit exercée en février dans le courant de l'exercice de la société, à un moment où le prix courant de l'action est cinq fois plus élevé que le prix d'exercice. Supposons en même temps qu'au cours du même exercice, le prix de l'action tombe plus bas que le prix d'exercice. Comment peut-on alors inscrire le coût de l'option sur le bilan de cet exercice? Est-ce que ce serait une vraie dépense si, en fin d'exercice, le prix de l'action est égal au prix d'exercice de l'option?

M. Jarislowsky: Je crois fermement qu'à tout moment, la dépense est égale au passif représenté par l'option non exercée. Lorsque l'option est exercée, nous revenons clairement au statu quo antérieur représentant le coût. Si le coût a déjà été déclaré l'année précédente, il n'y a rien d'autre à inscrire.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons déjà tenu des audiences sur la régie des sociétés. Vous êtes responsable d'un fonds commun de placement. Au cours des années 90, tous ceux qui s'occupaient de fonds communs et de fonds de pension venaient se vanter devant le comité des gains extraordinaires qu'ils avaient réalisés. À ce moment, la rémunération des cadres était la plupart du temps excessivement élevée et souvent absolument ridicule, à mon avis. Bien entendu, personne n'est venu nous parler de bonne gouvernance quand le marché était à la hausse. Chacun parlait de ses exploits. Maintenant que les prix dégringolent, tous les intéressés nous parlent de bonne gouvernance et de tout ce qui se faisait dans des temps meilleurs. Est-ce que vos collègues et vous aviez les mêmes préoccupations il y a quelques années, quand le marché était bon?

M. Jarislowsky: Je dirai, au nom de notre société, que nous menons ce combat depuis 40 ans. Je me suis adressé à la presse écrite et électronique pour dire à quel point ces salaires et ces options étaient ridicules et pour avertir les gens que la bulle finirait par éclater. J'ai la conscience tranquille. Je peux également dire que beaucoup de membres de mon secteur étaient du même avis et l'ont dit tout haut. J'ai cependant honte de reconnaître que la majorité des membres de l'industrie ne se sont occupés que de leurs propres intérêts en vendant leurs fonds communs de placement et en se vantant des gains réalisés.

Le sénateur Kelleher: Dans l'exposé que vous nous avez présenté tout à l'heure, vous avez abordé un sujet qui m'intéresse particulièrement. Vous avez dit que nous ne devrions avoir qu'une seule commission des valeurs mobilières au Canada. Tout le monde en parle avec une grande conviction, mais rien ne se produit jamais. Le problème, c'est que beaucoup de gens craignent la domination de Toronto. C'est certainement le cas du Québec et de la Colombie- Britannique.

Croyez-vous qu'il existe des moyens réalistes d'en arriver à une commission nationale des valeurs mobilières? Qu'est- ce que votre coalition préconise à ce sujet?

M. Jarislowsky: Bien sûr, nous préconisons une commission unique, mais je crois que le problème réside dans la Constitution du Canada et dans la répartition des pouvoirs entre le gouvernement fédéral et les provinces. Je ne suis pas avocat et je ne sais pas si le gouvernement fédéral peut établir sa propre commission par-dessus les autres. Si cette commission avait plus de pouvoirs que les autres, ce serait sûrement un moyen d'agir. J'ai écrit de nombreuses lettres à mon ami David Brown, le président de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario. Il doit commencer à s'en fatiguer. Nous sommes bons amis et avons siégé ensemble à des conseils d'administration, mais il dit qu'il ne peut rien faire parce que la loi ne lui permet pas d'agir. Il y a un autre facteur important, qui a également joué lors de la création de notre coalition. C'est le fait que la loi ne suffit pas pour régler ces problèmes. Le processus judiciaire est trop long et trop coûteux. Par conséquent, le seul moyen d'exercer une influence réelle dans les conseils d'administration consiste à réunir suffisamment d'actionnaires sous un même toit pour agir ensemble et faire en sorte que les conseils d'administration soient d'une qualité hors pair. Ainsi, les sociétés seraient bien gérées, elles créeraient des emplois plus nombreux et de meilleure qualité dans le pays. Elles paieraient beaucoup plus d'impôts parce qu'elles seraient plus rentables et qu'elles auraient moins de difficultés.

Après un certain temps, j'en ai eu assez des commissions impuissantes et du système judiciaire. Pendant des années, j'ai essayé de faire quelque chose. Nous avons maintenant un créneau. La loi a changé car, auparavant, nous ne pouvions même pas en parler les uns aux autres.

Le sénateur Kelleher: Vous avez mentionné votre ami David Brown. Il a comparu devant nous il y a quelque temps, le jour même où l'Ontario a annoncé la nouvelle loi. Vous avez sûrement eu l'occasion de l'examiner depuis. La trouvez-vous suffisante? Qu'en pensez-vous?

M. Jarislowsky: Je dois admettre que je ne l'ai pas suffisamment étudiée pour exprimer un point de vue.

Le sénateur Kelleher: Certains croient — et j'en suis — qu'il nous faut toujours un temps infini au Canada pour agir face à un scandale. Je prends l'exemple de Bre-X, dans lequel j'ai l'impression qu'on n'a rien fait. Les Américains, par contre, agissent plus rapidement et frappent plus fort.

Je crois que nous répugnons à jeter des gens en prison. Certains croient que ce n'est pas conforme aux traditions. Personnellement, je crois que nous devrions être plus sévères, comme les Américains. Qu'en pensez-vous?

M. Jarislowsky: Je reviens à ce que j'ai dit tout à l'heure. Nous obtiendrons de bien meilleurs résultats avec notre coalition parce que nous avons le contrôle de fait de ces sociétés. Les membres des conseils d'administration devront déterminer s'ils veulent être maintenus en fonction. Si oui, ils ont intérêt à surveiller la coalition, qui peut les jeter dehors s'ils ne se conduisent pas bien. Cette façon de procéder ira beaucoup plus loin que n'importe quelle loi.

Nous avons parlé de diverses commissions des valeurs mobilières. Aucune ne dispose de ressources suffisantes.

J'ai parlé du fait que les avocats ne veulent pas revenir à leur cabinet avec une mauvaise réputation. J'ai connu plusieurs avocats à la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario qui ne pouvaient plus revenir à leur cabinet.

À mon avis, on ne pourra pas changer cette situation avec des lois. On peut en adopter qui attribuent à certaines personnes des responsabilités de fiduciaires ou qui imposent aux administrateurs de suivre des cours. On peut adopter des règlements qui exigent de toutes les sociétés cotées à la Bourse de Toronto d'avoir au moins une majorité d'administrateurs indépendants et de ne nommer que de tels administrateurs dans tous les comités importants. De telles lois seraient excellentes.

Considérez les énormes excès commis aux États-Unis. Que faisait la SEC? Elle était absente. Il y a de nombreuses commissions, y compris celles de l'Ontario et du Québec. Notre société est bombardée tous les jours de formulaires à remplir pour satisfaire les commissions, mais ces formulaires ne permettent pas d'arrêter un seul voleur. Toute cette paperasse crée plus de travail et plus de frais pour l'investisseur.

Le président: Je voudrais poser une petite question. Vous avez dit dans votre exposé qu'il faudrait des lignes directrices sur la rémunération. Qui se chargerait de les élaborer?

M. Jarislowsky: Elles devraient être l'œuvre de gens comme nous. Je ne crois pas que ce serait une bonne idée d'en charger les pouvoirs publics.

Le président: Nous dites-vous que nous ne devrions pas légiférer?

M. Jarislowsky: Non, ce n'est pas ce que j'ai dit, sénateur Kolber. J'ai mentionné plusieurs éléments qui peuvent faire l'objet de lois. Par exemple, ce serait une excellente idée d'adopter une loi imposant des responsabilités de fiduciaire à des sociétés comme la nôtre. Vous pouvez sûrement interdire aux sociétés de verser des honoraires aux sociétés de fiducies et aux banques pour l'envoi de procurations. Vous pouvez exiger des banques qu'elles envoient les procurations aux propriétaires effectifs des sociétés dont elles ont la garde. Vous pouvez faire tout cela.

Le président: Où êtes-vous constitués en société?

M. Jarislowsky: Notre société est constituée au Canada.

Le président: C'est donc une société fédérale?

M. Jarislowsky: Elle est constituée en vertu des lois fédérales.

Le président: Nous avons des restrictions. Nous ne pouvons proposer des modifications qu'à la Loi canadienne sur les sociétés par action. Nous n'avons aucun pouvoir dans le cas des sociétés constituées en vertu des lois provinciales. Nous pouvons suggérer des choses, mais nous ne pouvons pas légiférer.

M. Jarislowsky: Nous disposons d'un excellent créneau pour de telles suggestions.

Le président: Oui.

M. Jarislowsky: C'est un excellent moment pour essayer d'apporter de grandes améliorations à la régie des sociétés. Si nous manquons ce créneau, dans deux ou trois ans, quand la bourse sera de nouveau en hausse et que tout le monde sera content, nous en reviendrons au même point, avec le même argent, les mêmes ventes d'actions et les mêmes incitatifs. Chaque cadre qui atteindra 56 ans et aura passé six ans comme chef de la direction voudra encaisser ses options pour devenir milliardaire, au lieu de rester millionnaire comme il l'était avant d'assumer la présidence du conseil. Et le cycle se poursuivra.

Le président: Je suis bien d'accord avec vous. Si vous aviez une baguette magique, quels salaires, quelles lignes directrices recommanderiez-vous? Faites donc abstraction des options dont vous avez déjà parlé.

M. Jarislowsky: Pour moi, un salaire équitable doit permettre à un cadre d'avoir le niveau de vie qui correspond à son poste, et peut-être un peu plus. Le boni de fin d'année s'y ajouterait.

Dans mes lignes directrices, je dirais que si une action double de prix, l'option ne devrait jamais permettre à un cadre d'obtenir plus que deux ans de salaire. Toutefois, je ne pense pas qu'il soit possible d'inscrire cela dans une loi.

Le président: Non, je ne le pense pas non plus. Qu'avez-vous pensé quand vous avez appris combien Jack Welch a touché à son départ?

M. Jarislowsky: J'ai trouvé cela amusant. Je n'ai appris la suite que plus tard. Le conseil d'administration voulait qu'il reste et qu'il paie. Il voulait devenir consultant. Il voulait garder les avantages qu'il avait acquis et qui comprenaient un appartement loué à un million de dollars par an et un avion.

Le pauvre homme n'a vraiment pas été aussi cupide qu'il aurait pu l'être. Toutefois, son ex-femme lui a vraiment fait beaucoup de tort.

Le sénateur Fitzpatrick: J'ai un commentaire et une question au sujet de votre Coalition pour une bonne gouvernance et de votre supervision des conseils d'administration. Même si je trouve l'intention louable, il me semble que vous choisissez le jury tout en jouant le rôle de juge. Y voyez-vous un conflit?

Ensuite, si ce n'est pas le cas et si la pratique est adoptée par les sociétés, n'allez-vous pas limiter les administrateurs à un très petit bassin de personnes qui répondent à vos critères et qui sont prêtes à siéger à des conseils d'administration?

M. Jarislowsky: Pour répondre à la seconde question, je vous ai envoyé mon point de vue sur la façon dont les conseils d'administration devraient être constitués. À mon avis, même une grande société ne devrait pas avoir plus de 12 ou 14 administrateurs. Leur nombre devrait être tout juste suffisant pour former les comités. Chaque administrateur doit contribuer réellement au fonctionnement du conseil.

Je crois que le Comité des candidatures devrait examiner le rendement de chaque administrateur en fin d'année. Ceux dont la contribution est insignifiante devraient être révoqués. En se limitant à une douzaine d'administrateurs, on peut faire en sorte que chacun s'intéresse vraiment à la société et aux grandes décisions à prendre. Nous aurions des administrateurs éclairés plutôt que des gens qui lisent le journal que le chef de la direction leur a envoyé pendant qu'ils se rendent à la salle du conseil. J'en ai vu des administrateurs de ce genre, qui restent assis pendant toute la réunion, ne disant rien ou presque rien à part proposer des motions qui avantagent la direction. J'ai déjà vu aussi des cas de ce genre, ayant parfois été membre de 20 conseils d'administration à la fois. Voilà ma réponse à la seconde question.

Pour ce qui est de la première, c'est-à-dire de jouer à la fois le rôle de juge et de jury, il ne faut pas perdre de vue que nous sommes — ou que nos clients sont — les propriétaires de ces sociétés.

Si vous possédiez une société à 100 p. 100, n'essaieriez-vous pas d'avoir un bon conseil d'administration?

Le sénateur Fitzpatrick: C'est probable, si j'étais propriétaire à 100 p. 100, ce qui est le cas pour certaines de mes sociétés. Je forme moi-même un bon conseil d'administration. Je suppose que je gagne ou que je perds selon mon jugement.

Pour revenir à la première question, quand j'ai parlé du nombre de personnes au Canada qui ont les titres de compétences nécessaires et sont disposés à assumer des fonctions d'administrateurs, je dois dire que ce n'est pas un rôle facile dans une grande société. Les responsabilités à assumer et le volume de travail sont énormes. Je me demande donc si vous ne rétrécissez pas le bassin de recrutement des administrateurs qui sont prêts à assumer ces responsabilités. Votre idée est bonne, mais elle pourrait comporter des problèmes.

M. Jarislowsky: Je ne le crois pas. Pas dans la mesure où il s'agirait de questions qu'on peut étudier dans une faculté de commerce et auxquelles on pourrait s'intéresser plus que dans le système actuel. Aujourd'hui, tout se base sur les gens qu'on connaît. J'ai moi-même fait partie de ce système, ayant siégé à de nombreux conseil d'administration de grandes sociétés. Je ne crains donc pas qu'on manque de personnes ayant l'esprit voulu pour assumer des fonctions d'administrateur. Je suis à la recherche de personnes désireuses de servir le public comme vous, au Sénat. C'est un très grand honneur de faire partie du conseil d'administration d'une société bien gérée qui réussit bien. Dans la mesure où nous pouvons amener ces sociétés à avoir une excellente direction et à progresser, je ne crois pas que nous ayons des difficultés à trouver des administrateurs.

Je crois aussi que le fait d'avoir une direction intègre et compétente constitue le seul moyen pour une grande société de soutenir la concurrence dans le monde d'aujourd'hui. Avec une direction de ce genre, le rôle de l'administrateur serait moins lourd qu'il ne l'est aujourd'hui, car le conseil d'administration doit actuellement tout surveiller.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien croyez-vous qu'un administrateur devrait gagner? Nous connaissons votre point de vue sur les cadres. Que pensez-vous des administrateurs?

M. Jarislowsky: J'ai fait partie de conseils d'administration qui comprenaient d'anciens juges, d'anciens militaires, et cetera pour qui 60 000 $ ou 80 000 $ représentaient beaucoup d'argent. Je constatais alors qu'ils léchaient les bottes du chef de la direction, qui était souvent l'un des principaux propriétaires, parce que l'argent représentait beaucoup pour eux. Dans leur cas, 60 000 $ ou 80 000 $, c'était trop. Il ne faut pas trop payer un administrateur. Dans une grande mesure, il faudrait que ce soit un poste honorifique. Bien entendu, il faut s'occuper des dépenses et accorder une rémunération raisonnable, mais sans excès. Je ne crois pas qu'il soit indiqué d'offrir des options aux administrateurs. C'est une mauvaise idée. En fait, le conseil d'administration est le mentor du chef de la direction et des cadres supérieurs de la société. De ce fait, le poste est partiellement honorifique et ne devrait pas être trop payé.

Par contre, le président du conseil d'administration — et je crois fermement que ce poste ne doit pas être occupé par le chef de la direction — devrait avoir une rémunération beaucoup plus élevée et beaucoup plus de responsabilités.

Le président: Je vous remercie, monsieur Jarislowsky. Nous avons été très heureux de vous entendre et avons beaucoup apprécié votre franchise. J'espère que nous pourrons répondre à vos attentes très élevées. Il n'y a pas de doute que nous y travaillerons.

Notre témoin suivant représente les Services de réglementation du marché Inc. Les honorables sénateurs remarqueront le sigle RS qui figure entre parenthèses après le nom de la société.

Monsieur Atkinson, nous vous serions reconnaissants de nous expliquer le sens de ce sigle dans votre déclaration liminaire et de nous dire ce que fait votre entreprise.

M. Tom Atkinson, président et chef de la direction, Services de réglementation du marché Inc. («RS»): Je voudrais remercier les honorables sénateurs de l'occasion qu'ils me donnent de prendre la parole devant le comité aujourd'hui.

Après avoir tenu plusieurs séances sur la situation engendrée par la faillite d'Enron, vous savez sans doute que de nombreux problèmes concrets continuent à se manifester et que les solutions crédibles ralliant ne serait-ce qu'un faible consensus sont plutôt rares.

Je souhaite vous présenter ce que je crois être un modèle national de réglementation qui fonctionne et qui devrait contribuer sensiblement au rétablissement de la confiance des investisseurs, objectif qui explique en fait notre présence ici cet après-midi.

Les audiences que vous tenez constituent une mesure responsable de la part des législateurs canadiens. Nous avons besoin d'examiner ce qui s'est produit et de suivre les réactions des responsables américains de la réglementation. En même temps, nous devons rester vigilants chez nous pour prévenir des catastrophes semblables et pour être en mesure d'agir avant qu'il ne soit trop tard.

La réaction américaine, qui a pris la forme de la Loi Sarbanes-Oxley, a amené certains à demander aux responsables canadiens de la réglementation de réagir de la même façon. À ceux qui ont étudié le rapport sur Sarbanes-Oxley, je n'ai pas besoin de préciser que cette loi est axée sur la dissuasion. La dissuasion prend plusieurs formes: exécution de la loi, principes directeurs et sensibilisation. Même si beaucoup d'intéressés demandent des peines plus sévères et une réglementation plus stricte, je soutiens que l'exécution de la loi après coup est en fait la forme de dissuasion la moins efficace. Je propose que nous concentrions davantage nos efforts sur la prévention et sur la solution des problèmes avant qu'ils ne se développent assez pour nuire aux investisseurs, plutôt que de nous embusquer pour essayer d'attraper ceux qui violent délibérément nos règles.

Le président: Monsieur Atkinson, voulez-vous dire que nous n'avons besoin d'aucune mesure d'exécution de la loi?

M. Atkinson: Ne vous méprenez pas sur le sens de mes paroles. Je crois que les responsables de la réglementation doivent constamment brandir leur bâton et être toujours disposés à s'en servir. Toutefois, l'orientation à prendre devrait être centrée à la fois sur la prévention et sur les mesures d'exécution de la loi.

Le président: Mais cela s'applique à toutes les infractions.

M. Atkinson: Oui, cela s'applique à toutes les infractions.

Le président: Je ne suis pas en désaccord avec vous. Je veux simplement être sûr de comprendre ce que vous dites.

M. Atkinson: Des travaux sont déjà en cours au Canada pour évaluer nos pratiques réglementaires par rapport à celles des États-Unis et d'autres pays et vérifier qu'elles concordent. On peut constater, par exemple, que les amendes imposées pour les infractions relatives aux opérations boursières sont égales ou supérieures à celles des États-Unis.

Le crime le plus grave commis par Enron réside dans le coup qui a été porté à la confiance des investisseurs. Si ceux- ci croient que les dés sont pipés, ils iront placer leur argent ailleurs. Nos marchés de capitaux ne peuvent pas fonctionner si les investisseurs n'ont pas confiance.

Un manque de confiance des investisseurs entraîne tout d'abord une baisse générale du rendement du marché et finit par infliger des dommages permanents à notre économie. Le maintien de l'intégrité des marchés pour susciter la confiance des investisseurs est la raison d'être de la réglementation.

Pour revenir à votre première question, monsieur le président, je représente la société Services de réglementation du marché Inc., couramment désignée par le sigle RS, qui constitue l'organe national indépendant de réglementation des opérations sur actions du Canada. Nous réglementons la Bourse de Toronto et la Bourse de croissance TSX.

Permettez-moi de vous présenter très brièvement notre approche de la réglementation. Je crois qu'elle représente un rayon de lumière dans les jours sombres que nous avons récemment connus.

Premièrement, RS est le seul organe de réglementation qui protège les investisseurs en temps réel. Cela signifie que nous surveillons chaque opération sur actions pour nous assurer qu'elle est conforme aux règles nationales unifiées de négociation des valeurs mobilières appliquées partout dans le pays. C'est un travail très important.

Au Canada, nous avons tous les jours, en moyenne, une centaine de milliers d'opérations portant sur environ 175 millions d'actions. Si une règle est violée, nous enquêtons et, si nécessaire, nous sommes habilités à annuler la transaction. Oui, monsieur le président, nous pouvons vraiment annuler une opération boursière pendant qu'elle se fait.

Comme j'aime à le dire, nous pouvons immédiatement redresser un tort sans faire appel aux avocats et aux tribunaux. C'est ce que j'appelle la prévention. Si nous avions adopté une approche axée sur l'exécution de la loi, de telles affaires prendraient des années à se régler. Entre-temps, les investisseurs auraient perdu leur mise et des frais énormes auraient été engagés. Grâce à notre méthode préventive, l'investisseur est protégé au départ et le préjudice causé au marché est considérablement atténué parce que nous y remédions immédiatement.

Agir ainsi n'est peut-être pas très prestigieux, car il est beaucoup plus rare qu'on jette quelqu'un en prison. Je soutiens cependant que notre approche est plus efficace. C'est un peu comme si l'on postait des agents de police munis de pistolets radar aux coins de rue pour inciter les automobilistes à observer la limite de vitesse. Cette approche a également un aspect disciplinaire. L'auteur de la transaction et l'entreprise reçoivent un avertissement dans les cas les moins graves. En cas de récidive ou d'infraction grave, les responsables risquent une amende pouvant atteindre un million de dollars ou peuvent se voir interdire complètement toute opération boursière. Notre approche se distingue par le fait que nous nous soucions de l'investisseur en premier.

Deuxièmement, nous nous servons des données recueillies pour détecter des schémas de manipulation du marché, qu'il s'agisse de manipulation des prix en fin de séance («high closing») ou d'opérations d'initiés. Ensuite, nous faisons enquête et intentons des poursuites. Nous ne pouvons pas garantir à 100 p. 100 l'intégrité du marché et des transactions 100 p. 100 du temps. Toutefois, nous avons des systèmes de surveillance extraordinairement avancés qui jouent un puissant rôle dissuasif.

Troisièmement, nous nous assurons, à l'échelle nationale, de la publication des renseignements importants par toutes les sociétés publiques du Canada. Nous passons au crible tous les communiqués et, si nécessaire, nous suspendons la négociation de l'action pour obliger la société à préciser l'information ou pour permettre au marché d'absorber les renseignements sans réactions brutales. Comme pour toutes nos activités, notre objectif est de faire en sorte que tout le monde obtienne en même temps des renseignements utiles et clairs permettant de prendre des décisions éclairées. Nous sommes déterminés à assurer un flux constant et équitable de renseignements véridiques des sociétés cotées en bourse.

Enfin, et c'est peut-être le point le plus intéressant pour vous, sénateurs, RS constitue déjà un organe de réglementation national. Au Canada, l'une des réactions les plus marquées aux scandales d'Enron, de WorldCom et d'autres entreprises américaines a consisté à demander la création d'un organe de réglementation national unique pour remplacer les 13 commissions actuelles des valeurs mobilières. J'ai assisté à une partie de la discussion que vous avez eue tout à l'heure. Toutefois, le débat aboutit constamment à l'impasse à cause des questions de compétence.

Je suis venu vous parler du mode de réglementation adopté par RS pour tenir compte des fonctions plutôt que des champs de compétence. La société RS a été créée pour s'occuper des fonctions de réglementation auparavant exercées par les bourses elles-mêmes. Avant RS, chaque bourse avait son service de réglementation et son propre ensemble de règles. Le système était lourd et peu coordonné et comportait un double emploi systématique.

RS a été créée pour remédier à ces lacunes et permettre d'appliquer des règles communes aux transactions boursières partout dans le pays. Nous avons mis de côté les problèmes de compétence car tout le monde voulait des règles plus claires assurant des opérations plus efficaces sur les valeurs mobilières.

À cause de cette approche, tous les intéressés ont accepté de participer. Nous sommes l'organe reconnu de réglementation des opérations sur actions en Colombie-Britannique, en Alberta, au Manitoba, en Ontario et au Québec. Toutes les autres provinces ainsi que les territoires semblent suivre l'orientation de ces provinces en matière de réglementation des valeurs mobilières.

Il y a lieu de souligner que nous sommes reconnus au Québec. RS est le seul organe autoréglementé de l'industrie qui soit reconnu dans cette province. Comme vous le savez, j'en suis sûr, le Québec aborde la réglementation des valeurs mobilières différemment des autres provinces. Il s'intéresse davantage, sur un plan régional, au maintien et à la circulation des capitaux et, de bien des façons, à une approche plus activiste de la réglementation. Le modèle RS, axé sur la fonction d'abord ainsi que sur la flexibilité régionale, a énormément contribué au succès de nos relations de travail avec le Québec. Notre fonction est neutre sur le plan des champs de compétence.

Permettez-moi de revenir à la raison pour laquelle nous sommes ici aujourd'hui, pour parler de la protection des investisseurs et de l'intégrité de nos marchés. En ce moment, face aux scandales Martha Stewart et Enron, il est très facile de préconiser l'adoption de règles plus nombreuses, de peines plus strictes et de mesures plus étendues d'exécution de la loi. Nous avons la possibilité et la responsabilité d'agir maintenant pour éviter d'importer ces problèmes sur nos marchés. Toutefois, nous devons veiller à ce que les règles renforcent nos marchés plutôt que de les étouffer.

En analysant le problème et en évitant de nous chamailler pour savoir qui aura la responsabilité de mettre en œuvre la solution, nous pouvons mieux déterminer ce qu'il y a lieu de faire pour protéger les investisseurs face aux nombreux défis auxquels nous sommes confrontés. Mon objectif ultime est de me concentrer sur les résultats et non sur les champs de compétence pour résoudre les problèmes. La Loi Sarbanes-Oxley des États-Unis représente une approche réactive de la réglementation.

Je voudrais vous donner un exemple d'effort proactif que nous faisons actuellement. RS et les Autorités canadiennes en valeurs mobilières procèdent en ce moment à un examen des opérations d'initiés. Nous avons la coopération de toutes les provinces. Je tiens à souligner que, dans ce cas, nous ne réagissons pas à une crise. Nous examinons nos outils et tactiques d'une manière proactive pour déterminer si nous faisons bien tout ce qu'il est possible de faire dans ce domaine. Nous avons décidé d'examiner le tableau d'ensemble, d'analyser les règles actuelles, d'échanger nos expériences, de faire la promotion des pratiques exemplaires et d'établir de nouvelles voies de communication pour l'échange d'information afin d'affronter le problème de structure que nous avons actuellement.

Cette étude vient tout juste de commencer, mais je suis persuadé qu'elle aboutira à des recommandations qui permettront de résoudre le problème sans s'arrêter aux conflits de compétence. Tout le monde convient que nous voulons faire notre travail du mieux que nous pouvons.

Quand j'examine les différents points de vue dans le débat portant sur un organe national de réglementation, je suis frappé par le fait que tous les intéressés partagent quelques principes très fondamentaux. Le premier, c'est que la multiplication des règles n'est pas nécessairement la solution. Nous reconnaissons tous que nous avons besoin de règles plus claires et plus cohérentes qui s'appliquent à l'échelle nationale.

Je vais aller plus loin en ajoutant que la prévention doit faire partie de la stratégie. Nous devons mieux sensibiliser ceux qui ont des activités sur les marchés aux règles qui s'appliquent et à l'esprit sur lequel ces règles se fondent. Écartons-nous des règles détaillées et complexes et adoptons plutôt des principes directeurs. C'est ce que RS fait dans ses rapports avec le monde de la bourse. Notre théorie, c'est qu'il est toujours préférable d'arrêter un problème avant qu'il ne prenne trop d'ampleur.

Ensuite, le fait de suivre tout simplement l'exemple américain ne constitue pas la meilleure solution pour le Canada. Nous avons besoin d'un plan qui englobe l'esprit de la Loi Sarbanes-Oxley, mais dans une perspective canadienne. Nous ne devrons pas perdre de vue que le scandale Enron s'est produit sous le régime des règles américaines et non des règles canadiennes. Nous devons «penser canadien» et, en conséquence, réagir selon un mode canadien.

Enfin, le processus d'ensemble est particulièrement embrouillé. Personnellement, je ne vois pas comment on peut substituer un organisme de réglementation national à la structure actuelle des commissions provinciales sans sombrer dans un long conflit fédéral-provincial. En faisant passer la fonction avant les questions de compétence, les responsables canadiens de la réglementation des valeurs mobilières doivent envisager d'autres moyens d'action, peut- être plus efficaces et plus rentables, pouvant réduire les frais d'obtention de capitaux et être avantageux pour les investisseurs. Cette approche s'attaque aux problèmes communs et tient compte des questions régionales délicates.

En pensant à la réaction canadienne à l'affaire Enron et à la Loi Sarbanes-Oxley, je suggère fortement d'adopter une approche qui soit compatible avec nos marchés et tienne compte de la fonction de réglementation. Au sujet d'un organe national de réglementation, je ne pense pas que nous ayons besoin d'une nouvelle structure centrale d'envergure. Abordons plutôt le problème sur le plan des avantages et des résultats. Cherchons les moyens d'atteindre les objectifs communs, qui sont de réduire les frais d'obtention de capitaux au Canada, d'attirer des investissements, de renforcer la protection des investisseurs et, du même coup, de rétablir la confiance dans nos marchés.

Disons donc au Québec et aux provinces de l'Ouest que, oui, nous réduirons les frais d'obtention de capitaux chez eux, que nous assurerons une plus grande protection à leurs investisseurs et, partant, que nous attirerons plus de capitaux.

Honorables sénateurs, je crois que c'est le meilleur moyen de réunir tout le monde autour de la table. Je vous remercie de votre attention.

Le sénateur Kelleher: Comme vous l'avez probablement constaté en d'autres occasions, je suis confus. J'ai de la difficulté à faire une distinction entre ce que vous essayez de faire et ce que font les commissions provinciales des valeurs mobilières.

M. Atkinson: Oui.

Le sénateur Kelleher: Cela me trouble.

M. Atkinson: Je crois pouvoir éclaircir les choses pour vous.

Le Canada a, comme les États-Unis, une structure organisationnelle auto-réglementée. Les Américains ont la NASDR. La Bourse de New York est considérée comme un organisme auto-réglementé. Ces organismes collaborent étroitement avec les marchés et avec les communautés boursières. Nous sommes en fait les experts de la communauté boursière. Notre compétence s'étend aux courtiers en valeurs et à leur employés. Ce sont eux que nous surveillons et que nous soumettons à notre discipline. Les commissions des valeurs mobilières, pour leur part, surveillent tous ceux qui négocient des valeurs dans le pays. Voilà où réside la différence.

Je vais vous donner un exemple. Si un membre du public passe par à une maison de courtage pour conclure une transaction illicite, peut-être avec la connivence du courtier, les commissions intenteraient des poursuites contre la personne en cause. De notre côté, nous poursuivrions la maison de courtage.

Le président: Qui découvrirait la transaction illicite?

M. Atkinson: Nous serions les premiers à la déceler.

Le président: Comment?

M. Atkinson: Comme je l'ai dit, nous avons des systèmes de surveillance qui permettent de suivre chaque transaction faite à l'une des deux bourses. Nous disposons d'un système de surveillance très perfectionné qui fait régulièrement l'objet d'essais comparatifs à l'échelle internationale. Nous avons des bureaux à Toronto et à Vancouver. Le bureau de Vancouver surveille les transactions de la bourse secondaire, tandis que celui de Toronto surveille la bourse principale.

Le sénateur Tkachuk: À qui appartient votre société?

M. Atkinson: Elle appartient, à parts égales, à la Bourse de Toronto et à l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières. Toutefois, on ne peut pas vraiment parler de «propriété». Lorsque nous étions en train de mettre la société sur pied, les gens s'inquiétaient de notre manque d'indépendance par rapport aux marchés et aux courtiers. Aussi, des administrateurs indépendants ont été nommés pour diriger la société.

Le président: Comme le sénateur Kelleher, je suis un peu confus. Êtes-vous en train de nous dire que vous avez quelque part une banque de données qui vous permettrait, par exemple, de savoir si j'ai des intérêts dans la société Kelleher et de m'empêcher, à certains moments, d'acheter ou de vendre des actions?

M. Atkinson: Non.

Le président: Me dites-vous qu'un voyant rouge s'allume chez vous si le sénateur Kelleher vend une action de la société Kelleher?

M. Atkinson: Non. Permettez-moi de vous expliquer.

Le président: Comment découvrez-vous les transactions irrégulières?

M. Atkinson: Notre système de surveillance suit les volumes et le mouvement des prix. Il contient des algorithmes qui déclenchent une alarme si les fluctuations de prix et de volume s'écartent des tendances chronologiques. En même temps, nous avons des agents de vérification de la conformité qui surveillent le marché. Quand une société publie un communiqué, nous l'examinons de très près.

Nous sommes à l'affût des mouvements inhabituels qui se produiraient avant ou après l'annonce de nouvelles importantes. Nous avons des gens qui suivent non seulement les nouvelles diffusées...

Le président: N'est-il pas vrai que beaucoup de gens peuvent échapper à ce genre de surveillance?

M. Atkinson: Non, parce qu'au lieu de surveiller les gens, nous suivons le mouvement des prix et des volumes des actions elles-mêmes.

Je vais m'expliquer. Quand une alerte est déclenchée, nous avons ce que nous appelons une «équipe de triage» qui commence à examiner qui a acheté et vendu l'action. Nous essayons ensuite d'établir un lien entre la personne et la société qui a publié le communiqué. Est-ce clair?

Le président: Oui. Supposons cependant que le sénateur Kelleher, dans la société duquel je suis administrateur, me téléphone et me dise: «J'ai des nouvelles phénoménales qui deviendront publiques demain». Je m'empresse donc d'acheter 1000 actions. Ensuite, les bonnes nouvelles en question sont annoncées et le prix de l'action monte. Comment sauriez-vous que j'ai fait quelque chose?

M. Atkinson: Nous avons un certain nombre de moyens d'établir un lien entre vous et l'émetteur. Je ne peux pas vous donner les détails de toutes les méthodes que nous utilisons. Vous avez raison, nous avons une banque de données.

L'une de nos tâches est de passer au crible tous les fonctionnaires et les administrateurs des sociétés publiques cotées à la Bourse de Toronto ou à la Bourse de croissance TSX. Tous ces gens figurent donc dans notre base de données. Chaque fois qu'un administrateur change, nous en sommes informés et nous apportons les modifications nécessaires à la base.

Nous avons également des contacts auprès des différents services de police et des commissions provinciales des valeurs mobilières. Nous partageons nos informations. Nous avons également des gens qui suivent ce qui se passe dans les maisons de courtage. Si vous ouvrez un compte chez un courtier, vous devez dire si vous êtes administrateur d'une société publique. Nous essayons d'établir des liens entre tout cela. Ce n'est pas un travail facile.

Le président: Vous me faites penser au SCRS.

M. Atkinson: Eh bien, c'est un processus très compliqué. Il est semblable à ceux de NASDAQ et de la Bourse de New York. Nous faisons en fait des essais comparatifs avec ces systèmes. Les systèmes américains sont plus automatisés que les nôtres à cause des volumes beaucoup plus élevés, mais les processus sont identiques.

Le sénateur Kelleher: Maintenant que vous avez expliqué ce que vous faites, je voudrais vous parler d'une inquiétude que j'ai.

À un moment donné, j'étais solliciteur général. L'un des plus grands problèmes de ce poste, c'est le conflit constant qu'il y a entre le SCRS et la GRC. Les agents du SCRS ne sont pas des policiers. Ils ne sont pas armés. Les plus grandes difficultés se produisent quand une affaire devient «criminelle». Le SCRS est alors censé transmettre le dossier à la GRC. Devinez ce qui se passe. Habituellement, il ne le fait pas.

M. Atkinson: Oui.

Le sénateur Kelleher: Il y a toujours des conflits de compétence lorsque l'un doit transmettre un dossier à l'autre ou lui céder quelque chose. J'ai l'impression, en vous écoutant, que la même chose se produit dans ce cas parce qu'il y a, à un certain stade, passage d'un champ de compétence à un autre.

Je me demande si vous avez des règles ou des politiques qui vous permettent d'éviter les conflits que nous avons par exemple entre nos deux organismes de sécurité.

M. Atkinson: Oui. Je crois que vous avez raison. Quand il y a plus d'un organisme de réglementation, ce problème peut se poser.

En Ontario, nous avons le SERC (Securities Enforcement Review Committee), où siègent le directeur de l'application de la loi de ma société, le directeur de l'application de la loi de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario, tous les chefs de police de la région métropolitaine de Toronto et un représentant de la GRC. Nous avons des discussions régulières avec le SCRS. Nous échangeons des renseignements et partageons des ressources. Ce n'est pas l'une de ces collaborations théoriques qui ne riment à rien en pratique. En fait, c'est un organisme très efficace.

Les enquêtes sur les valeurs mobilières coûtent très cher, prennent beaucoup de temps et sont complexes. Nous avons vraiment besoin de nous entraider pour bien faire notre travail. Nous en avons pris conscience avec le temps. Je répète donc que cet organisme fait un travail très efficace.

Tout cela se fait sur le plan intérieur. À l'échelle internationale, notre association est membre de l'Intermarket Surveillance Group, association formée des 26 grandes bourses de valeurs du monde. Nous avons également conclu des accords d'échange d'information. Nous coopérons à l'échelle internationale. Cela se produit tout le temps. Nous recevons des demandes de l'ISG, peut-être une dizaine par jour, auxquelles nous répondons. C'est une organisation très utile. Nous nous adressons souvent à elle en disant par exemple: «Nous avons tel problème. En avez-vous eu des semblables? Comment avez-vous fait pour les résoudre?» En ce moment, le niveau de coopération est très élevé. Je n'ai pas été témoin d'importants conflits «territoriaux» depuis que je suis là.

Comme je l'ai dit, lorsque nous travaillons à notre projet sur les opérations d'initié, je remarque que les gens veulent vraiment résoudre les problèmes. Ils veulent que le travail avance. C'est vraiment un point fort de notre industrie.

Le président: J'ai une question simple à poser. Qu'est-ce que cela a à voir avec la régie des sociétés? Je suis encore confus. Y a-t-il quelque chose que vous, vos collègues ou vos homologues auriez pu faire pour prévenir le scandale Enron?

M. Atkinson: Nous sommes responsables de la gouvernance du marché. Voilà pourquoi nous sommes ici. On se rend compte, en examinant la situation, que la réglementation des marchés et des sociétés publiques est répartie entre un certain nombre d'organismes. Pour ce qui est de la façon dont les administrateurs devraient agir, par exemple, il faudrait leur imposer de diffuser de l'information chaque fois qu'il y a un changement important dans leurs opérations. Voilà ce que nous réglementons. Les commissions vont un peu plus loin en réglementant cela sur une base continue.

Le président: Ce que les administrateurs doivent faire est prévu dans la loi. Cela est déjà fait. Vous les attrapez s'ils ne le font pas.

M. Atkinson: C'est exact.

Le sénateur Fitzpatrick: Je demeure un peu confus. Est-ce que la Bourse de Toronto surveille le prix et le volume des valeurs vendues?

M. Atkinson: Elle le faisait auparavant, mais c'est nous qui le faisons maintenant.

Le sénateur Fitzpatrick: Avez-vous dit que vous poursuivez les professionnels, les entreprises qui font les transactions, les maisons de courtage, tandis que la Bourse de Toronto ou la CVMO, selon le cas, poursuit les responsables des sociétés, les initiés et les administrateurs?

M. Atkinson: Oui, la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario poursuivrait les administrateurs et les cadres, à moins qu'ils ne se soient adressés à un courtier.

Le sénateur Fitzpatrick: Qui est-ce qui vous paie?

M. Atkinson: Les courtiers paient. Nous sommes un organisme auto-réglementé. C'est un peu comme le Barreau. Les courtiers versent des cotisations aux commissions des valeurs mobilières et en versent également à nous, pour la réglementation.

Le sénateur Fitzpatrick: Est-ce que les cotisations se basent sur le volume?

M. Atkinson: Oui, elles sont basées sur le volume. Il y a un droit initial, puis un droit par transaction. Plus un courtier a de transactions, plus il doit payer, parce que cela nous coûte plus cher pour le réglementer.

Le sénateur Fitzpatrick: Si j'ai bien compris, vous assurez la surveillance du marché à contrat pour la Bourse de Toronto.

M. Atkinson: Pour la Bourse de Toronto et pour la Bourse de croissance TSX.

Le sénateur Fitzpatrick: Avez-vous trouvé le moyen de suivre les transactions faites à l'étranger?

M. Atkinson: C'est l'un des aspects que nous examinons dans le cadre de l'étude sur les opérations d'initiés. Nous avons eu des discussions. La communauté internationale ne s'est pas vraiment arrêtée à ce problème. Les organismes en cause ne s'entendent pas tous sur ce qu'un courtier, par exemple, doit savoir au sujet d'un client qui fait des transactions à l'étranger. Comme je l'ai dit, nous avons inclus ce point dans l'étude sur les opérations d'initiés, afin de déterminer s'il convient pour un courtier de s'occuper de transactions sur un compte étranger quand il ne connaît pas le client.

Le sénateur Fitzpatrick: J'ai posé la même question à un autre témoin sans obtenir de réponse, je crois. Que faites- vous du système des prête-noms et des établissements de dépôt? Vous ne savez pas qui est l'auteur d'une transaction. On traite par l'intermédiaire d'une banque et du système canadien de dépôt, qui peut être en liaison avec une banque européenne, elle-même reliée à une autre banque. Comment faites-vous pour débrouiller cet écheveau?

M. Atkinson: C'est très difficile. Quand nous menons une enquête, nous interrogeons nos contacts internationaux par l'entremise de la GRC ou du SCRS, mais si nous voulons aller plus loin, nous avons un groupe d'enquêteurs privés à contrat auxquels nous pouvons recourir en tout temps et qui ont eux-mêmes des contacts un peu partout et connaissent ainsi la communauté des affaires et les magouilleurs de différents pays. Si nous avons absolument besoin de renseignements, nous recourons à nos contacts dans la police ou à nos enquêteurs privés pour faire des recherches et obtenir des renseignements sur les vrais auteurs de certaines activités.

Le sénateur Fitzpatrick: Depuis combien de temps faites-vous cela?

M. Atkinson: Environ sept ans.

Le sénateur Fitzpatrick: Combien en avez-vous attrapé?

M. Atkinson: Nous avons peut-être une trentaine de cas par an. Depuis que nous sommes amalgamés, ce nombre a évidemment augmenté. Il y a beaucoup d'activité. Nous avons un personnel limité parce que notre organisation est surtout axée sur les technologies de l'information. Nous avons quand même environ 80 personnes dans le pays.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous venez de parler de votre réseau de contacts. Nous avons une unité qui s'occupe du blanchiment d'argent. Fait-elle partie de votre réseau?

M. Atkinson: Il n'y a pas une personne particulière. Tout est relié au service de police. Nous pouvons recourir à ces gens quand nous avons besoin d'eux. Nous appartenons à un certain nombre de groupes qui échangent des renseignements, comme Revenu Canada. Il y a quelques groupes d'échange d'information qui contribuent à la prévention du crime. Nous nous appuyons sur ces contacts.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a quelques années, nous avons eu un incident à Montréal. Des bombes avaient été placées chez BioChem Pharma à un moment où certaines personnes qui jouaient à la bourse pouvait profiter d'une baisse des actions de cette société. On l'a découvert parce que l'un des coupables a finalement parlé. Aujourd'hui, ces gens sont en prison et la société a renforcé son dispositif de sécurité. Il est maintenant plus difficile d'y entrer que d'accéder à la colline parlementaire.

Est-ce que votre système pourrait détecter ce genre de manipulation du marché? Les gens peuvent faire des choses, et ce n'est pas toujours avec des bombes.

M. Atkinson: Nous sommes avertis chaque fois qu'un événement inhabituel se produit, par exemple lorsqu'une action présente des fluctuations inhabituelles. Après le 11 septembre, nous avons vérifié en rétrospective si quelqu'un semblait savoir d'avance que cette tragédie aurait lieu et aurait donc fait des opérations sur des actions immobilières ou des valeurs connexes que des événements de ce genre peuvent influencer. Nous ne surveillons pas seulement les communiqués de presse. Nous contrôlons tout. La vraie force de notre organisation réside dans ses contacts nationaux et internationaux. Nous faisons beaucoup pour protéger les investisseurs en nous appuyant sur ces sources information.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si j'ai bien compris votre exposé, vous avez dit qu'il n'était pas absolument nécessaire d'établir un organisme national de réglementation. Cela semble presque impossible que vous ayez reçu le mandat, comme l'ombudsman national nommé par les banques pour surveiller le marché, de suivre les opérations des bourses de valeurs mobilières, y compris Vancouver et Calgary, et différentes autres opérations. Votre organisation, qui n'a pas un caractère gouvernemental, peut pousser la surveillance très loin, tout en travaillant plus ou moins à contrat.

M. Atkinson: Ce n'est pas tout à fait cela que je voulais dire. Je ne demande pas que notre organisation soit désignée comme organisme national de réglementation. Ce que je voulais dire, c'est que lorsque que nous sommes allés en Colombie-Britannique et en Alberta, par exemple, les responsables n'étaient pas très heureux de nous laisser les réglementer. Ils se demandaient si des gens de Toronto pouvaient en savoir assez sur les provinces de l'Ouest pour les réglementer. Je leur ai répondu que nous allions engager quelqu'un chez ceux et que nous établirions une opération indépendante qui connaîtrait les intervenants locaux. C'est essentiellement un organigramme avec des lignes en pointillé. S'il y a des difficultés dans l'Ouest, les commissions téléphonent à mon vice-président à Vancouver. Cette approche a très bien fonctionné.

Elle a très bien marché au Québec aussi, qui y a trouvé son intérêt. C'est au Québec que se trouve NASDAQ Canada qui, s'il se transformait en bourse de valeurs mobilières, devrait également être réglementé.

Par conséquent, ce que je voulais dire dans mon exposé, c'est qu'au lieu de créer un organisme national de réglementation, ce qui nous ramènerait à notre point de départ, pourquoi ne pas proposer aux responsables du Québec et de l'Alberta de trouver un moyen beaucoup moins coûteux d'attirer du capital chez eux? Il faudrait tout coordonner partout dans le pays. Nous devons utiliser, à chaque endroit, des gens de la place qui comprennent le marché des instruments dérivés, surtout au Québec. C'est le moyen d'attirer ces autres provinces.

Je ne dis pas que c'est une mauvaise idée d'avoir un organisme national de réglementation. Toutefois, je ne crois pas que nous devrions commencer par là. Déterminons d'abord ce que le Québec, l'Alberta et la Colombie-Britannique veulent, puis commençons par là. Je pense que nous pouvons les persuader de venir à la table en nous concentrant sur ce qui les intéresse.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez dit dans votre exposé que votre reconnaissance par le Québec est très importante, puis vous avez parlé de relations de travail. J'avais cru comprendre que vous aviez une présence au Québec. J'essaie de voir où en sont exactement les choses.

Le TSX peut sûrement acheter des actions au Québec. Qu'en est-il des bourses spécialisées du Québec, à part NASDAQ? Font-elles partie de vos opérations?

M. Atkinson: À l'heure actuelle, NASDAQ Canada ne fonctionne pas vraiment comme une bourse au Québec. Autrement, nous aurions tenté une démarche pour en assumer la réglementation. Je crois que le gouvernement du Québec nous permettrait de le faire.

Quand nous sommes allés au Québec, nous avons dit: «Notre activité est avantageuse pour vous. Si une bourse s'établissait au Québec, nous pourrions en assumer la réglementation. Vous avez besoin d'un organe de réglementation qui coopère avec tous les autres».

Le sénateur Hervieux-Payette: Nous n'en sommes pas encore là.

M. Atkinson: Non, mais nous sommes la seule organisation auto-réglementée que reconnaisse le Québec. Il y a d'autres organisations, comme l'Association canadienne des courtiers de fonds mutuels et l'Association canadienne des courtiers en valeurs mobilières, qui existent depuis longtemps. L'Association des courtiers en valeurs mobilières a été fondée il y a 65 ans, mais elle n'est pas reconnue au Québec.

Quand nous sommes allés au Québec, nous avons demandé aux responsables ce que nous pouvions faire pour améliorer le marché québécois. Nous n'avons pas commencé par prétendre qu'à Toronto, nous savions comment tout améliorer.

Le sénateur Tkachuk: J'ai plusieurs petites questions à poser. Le sénateur Fitzpatrick a posé une question sur la conformité et sur le nombre d'enquêtes. Vous avez parlé d'une trentaine. S'agissait-il de 30 dossiers ou de 30 poursuites?

M. Atkinson: Je voulais dire 30 poursuites ou règlements par an.

Le sénateur Tkachuk: Sur ces 30, combien sont déclarés non coupables?

M. Atkinson: J'ai cru que vous parliez de poursuites «réussies». C'est cela que je voulais dire.

C'est un peu comme un entonnoir géant. Notre système de surveillance nous transmet des milliers d'alertes chaque jour. Ces alertes vont à l'équipe de triage dont je vous ai parlé. L'équipe analyse les données et examine les renseignements sur les clients, parce que les actions peuvent évoluer d'une façon étrange pour de nombreuses raisons autres que la manipulation.

Si l'équipe de triage est convaincue de l'existence d'un problème, elle transmet l'affaire à notre Division des enquêtes et de l'exécution de la loi, qui poursuit les investigations. Cette division peut intenter des poursuites si elle le juge nécessaire.

Le sénateur Tkachuk: Je m'inquiète toujours de la protection des renseignements personnels quand il s'agit du gouvernement. Vous avez suscité mon intérêt quand vous avez mentionné Revenu Canada. Quel genre d'aide Revenu Canada peut vous donner?

M. Atkinson: Il y a un certain nombre d'organismes qui échangent des renseignements, comme Environnement Canada et Santé Canada.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous accès aux dossiers des gens?

M. Atkinson: Je suis sûr qu'il y a des limites à ce qui peut être échangé.

Le sénateur Tkachuk: Il y a des limites.

M. Atkinson: Je ne suis pas sûr des secteurs précis dans lesquels il y a échange d'information. Je n'assiste pas à ces réunions, mais il est important que ces organismes n'agissent pas tout à fait séparément les uns des autres.

D'autres parties peuvent avoir des préoccupations concernant l'exécution de la loi dans leur propre secteur. Elles peuvent s'inspirer de ce que nous faisons pour combattre la fraude.

Il y a toutes sortes de renseignements que je peux échanger. Toutefois, je n'ai jamais pensé à l'échange de dossiers de malades ou de choses de même nature.

Le sénateur Tkachuk: Pourriez-vous nous écrire pour nous préciser le genre de renseignements qui est échangé avec des organismes gouvernementaux? Pourquoi Revenu Canada aurait des rapports quelconques avec vous? Vous vous assurez que les courtiers sont honnêtes et qu'ils observent les règles de la commission des valeurs mobilières et respectent les dispositions du Code criminel du Canada.

De quelle façon des renseignements venant de Revenu Canada peuvent-ils vous aider? Revenu Canada est tenu par la loi de ne divulguer aucun renseignement, quel qu'il soit.

M. Atkinson: Nous avons poursuivi quelqu'un qui avait réalisé des bénéfices illicites. Nous avons transmis le renseignement à Revenu Canada. C'est ce genre de choses.

Le sénateur Tkachuk: Nous vous serions reconnaissants de nous écrire une lettre pour expliquer vos relations avec Santé Canada et Revenu Canada. Vous pouvez l'adresser au greffier.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je croyais que c'était à sens unique. Si vous découvrez quelque chose d'illicite, vous le transmettez à Revenu Canada. Par contre, vous n'attendez pas des renseignements de Revenu Canada. Ça ne fonctionne pas dans l'autre sens.

Le sénateur Tkachuk: Je m'inquiète toujours de la possibilité de ce qu'on appelle un échange de bons procédés.

Le sénateur Hervieux-Payette: Si vous menez une vie exemplaire, vous n'avez à vous inquiéter de rien.

Le sénateur Tkachuk: Cela n'a rien à voir, sénateur. Ce n'est pas leur affaire.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je suis bien d'accord.

Le président: Je vous remercie d'être venu nous voir, monsieur Atkinson.

La séance est levée.


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