Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 6 - Témoignages (Séance de l'après-midi)
OTTAWA, le mardi 26 novembre 2002
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour étudier les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Bonjour, mesdames et messieurs. Nous sommes ici aujourd'hui pour poursuivre notre étude sur les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques. Nous accueillons comme témoin un représentant de la Banque de Hong Kong-Shanghai du Canada, M. Martin Glynn, qui en est le président-directeur général.
Je vous invite à nous présenter votre exposé préliminaire, monsieur Glynn.
M. Martin J. G. Glynn, président et chef de la direction, Banque HSBC du Canada: Merci beaucoup de m'avoir invité à vous adresser la parole. Je participe à ces audiences à la suite d'un appel que nous avons reçu à notre siège social de Vancouver. La banque HSBC Canada a son siège ici, mais nous sommes en tout point une banque nationale, dont l'activité s'étend de St. John's, à Terre-Neuve, jusqu'à l'île de Vancouver. Nous comptons 118 succursales, 160 bureaux et près de 6 000 employés. Partis de rien en 1981, nous avons pris pas mal d'ampleur ici. Vous n'êtes pas sans savoir que nous faisons partie du groupe HSBC, qui est présent dans 81 pays et territoires, et qui est, si j'ose dire, l'un des trois grands protagonistes du monde des services financiers de Londres. Nous avons des actifs de 35 milliards de dollars. Nous souhaitons notamment devenir un acteur très important dans la région de l'ALENA. Nous sommes en train de faire l'acquisition d'une banque mexicaine qui compte près de 1 500 succursales. Nous avons des liens étroits avec la HSBC Bank USA, la dixième banque en importance aux États-Unis, qui est aussi au nombre des grandes banques de l'État de New York. Beaucoup d'entre vous le savent déjà.
Au Canada, parce que nous offrons une gamme complète de services et que nous sommes présents d'un océan à l'autre, nous nous considérons en quelque sorte comme une solution de rechange aux six ou aux cinq grandes banques. Nous le disons en public et en privé, tant à Ottawa que dans les autres régions du pays, nous souhaitons prendre de l'ampleur et devenir une force compétitive encore plus importante sur le marché canadien. Nous considérons que nous pouvons apporter une valeur ajoutée considérable au Canada, et ce pour toutes les composantes du milieu des affaires, qu'il s'agisse du commerce de détail ou encore du marché commercial des PME ou des grandes entreprises.
Permettez-moi de vous donner un exemple de cette valeur ajoutée que nous apportons sur le plan mondial: nous sommes le plus important émetteur de lettres de crédit au Canada, ce qui fait de nous une force considérable dans le financement des échanges commerciaux, qui sont, bien sûr, la clé de la réussite économique du Canada.
Nous sommes également un acteur important, notamment sur le marché du détail, dans ce que j'appellerais le Canada ethnique, c'est-à-dire dans certaines communautés immigrantes, et nous en sommes très fiers. Ce sont des communautés en pleine croissance, qui influent sur la composition démographique de la société canadienne.
En ce qui concerne la question des fusions, nous sommes d'avis qu'il s'agit là d'une option stratégique légitime pour les banques canadiennes. Pour nous, le marché nord-américain est un marché extrêmement important. S'il est un aspect de la politique publique qui nous préoccupe plus que tout autre, du point de vue de notre viabilité commerciale, c'est de savoir comment nous pouvons en arriver à une intégration encore plus poussée et à un meilleur accès aux États- Unis et, finalement, au marché mexicain. Une des raisons impérieuses qui explique l'intérêt de beaucoup de banques canadiennes pour les fusions, c'est leur désir de prendre de l'ampleur afin de devenir un acteur plus important en Amérique du Nord. C'est certainement un désir que nous partageons, car nous souhaitons non seulement être un excellent acteur sur le marché canadien, mais aussi un facilitateur des opérations bancaires transfrontalières.
Je n'ai pas d'observations à faire en ce qui concerne le processus proprement dit. C'est manifestement au Canada et au gouvernement qu'il appartient de le définir. Je dirais simplement qu'il est très important qu'il soit clair et qu'il soit défini en temps opportun.
Quant aux enjeux pour la conduite des affaires publiques, la concurrence est la considération qui doit primer toutes les autres. Je sais qu'il y a d'autres enjeux, notamment l'emploi, mais je suis d'avis que tous les enjeux concernant l'action des pouvoirs publics trouveront une solution dans la mesure où nous aurons une concurrence vigoureuse au Canada.
D'où viendra cette concurrence? Je n'entrerai pas dans les détails — vous avez entendu les représentants des petites banques et du mouvement des coopératives de crédit. Mais, d'après moi, la concurrence pourrait venir du secteur des assurances. Vous ne serez pas surpris de m'entendre répéter que le Canada est le seul pays qui limite le rôle des banques dans la vente de services liés aux assurances. Les multinationales du secteur des assurances et les ING du ce monde citent toutes deux le Canada en exemple. Les compagnies d'assurances canadiennes pourraient très bien jouer un rôle, surtout si des pouvoirs en matière d'assurances sont accordés, ce que nous souhaitons vivement.
Pour ce qui est de l'accueil réservé aux banques étrangères, nous ne demanderions pas mieux que d'être un concurrent actif sur le marché. Certains problèmes limitent la capacité à attirer les banques étrangères et plus particulièrement les banques américaines: je songe ici aux importants problèmes transfrontaliers auxquels se heurte le Canada. Il y a aussi l'imposition des gains en capital qui font problème, entre autres, mais dans la mesure où il y aura des possibilités de croissance, qui seront sans doute une des conséquences des fusions, les institutions financières internationales seront certainement plus nombreuses à vouloir s'installer au Canada.
Il y a des problèmes épineux, comme celui de la réciprocité, auquel les décideurs devront s'attaquer, à savoir que les banques canadiennes acquièrent allégrement des banques américaines, alors que nous sommes restreints dans notre liberté d'action.
Essentiellement, et le point de vue que j'exprime est celui d'une banque étrangère, si l'attache était plus facile, si les possibilités étaient meilleures, plusieurs acteurs étrangers, notamment des États-Unis, s'intéresseraient activement au marché canadien.
Enfin, l'ancien modèle des succursales en brique et en béton massif est en train de changer à cause de la façon dont les consommateurs traitent avec les institutions financières. L'Internet, le téléphone et les autres moyens de communication sont de plus en plus utilisés. J'ai déjà signalé deux aspects des réseaux de guichets automatiques qui me préoccupent. Essentiellement, je crois que la concurrence, notamment sur le marché des PME et celui du détail, viendra des institutions, des détaillants et des autres qui chercheront à se faire concurrence sans avoir à mettre en place une importante infrastructure, qui est manifestement un obstacle à leur entrée sur le marché à l'heure actuelle.
Nous pressons le gouvernement de tenir compte de la fonctionnalité complète, selon laquelle tous les guichets automatiques peuvent accepter les dépôts et permettre des retraits en espèces, de façon rentable, de manière à encourager la concurrence dans les services bancaires, tout comme on l'a encouragé dans le domaine des services de téléphone locaux et interurbains quand on a décrété qu'un certain nombre de lignes téléphoniques devaient être mises à la disposition de tous les utilisateurs éventuels à un prix raisonnable.
À ce propos, je m'inquiète d'ailleurs des suppléments qu'on fait maintenant payer au Canada et qui font que les clients doivent payer très cher pour le privilège de retirer des fonds d'une autre institution financière. Je veux parler ici, non pas des guichets libres mis à la disposition des consommateurs, mais des guichets des succursales bancaires. Nous considérons que ces suppléments nuisent à la concurrence. Si nous attirons ici de nouveaux arrivants qui se heurteront aux coûts excessivement majorés de l'accès aux canaux électroniques, cela deviendra un problème.
Je signale les pouvoirs en matière d'assurances et l'utilisation des guichets automatiques comme étant des problèmes qui touchent plus particulièrement les petites institutions et les nouveaux arrivants et qui devraient être pris en compte par les pouvoirs publics relativement aux fusions.
Merci beaucoup de m'avoir permis de vous présenter cet exposé préliminaire.
Le sénateur Tkachuk: Je vais poursuivre la discussion en vous posant certaines des questions que j'ai posées aux témoins que nous avons déjà entendus. La discussion des fusions nous amène invariablement à parler de la concurrence et du fait qu'elle doit exister. Vous êtes un acteur important dans ma région de l'Ouest canadien. Que peut faire le gouvernement canadien et que peuvent faire les organismes de réglementation pour ouvrir davantage notre marché aux banques étrangères et faciliter la tâche à celles qui veulent exercer leurs activités ici? Faut-il nécessairement leur ouvrir la porte toute grande? Comment pouvons-nous encourager l'accroissement du marché intérieur des banques ou l'arrivée de nouvelles institutions sur notre marché pour atténuer certaines des inquiétudes que les fusions suscitent peut-être chez les Canadiens?
M. Glynn: Tout d'abord, en tant que banque étrangère, nous sommes déçus. Quand nous sommes arrivés ici, c'est parce que la Loi sur les banques avait été modifiée en 1981 pour permettre aux banques étrangères de s'installer au Canada. Quelque 60 ou 70 banques sont arrivées à ce moment-là. Beaucoup ont été déçues. La plupart d'entre elles sont parties, certaines à cause de problèmes dans leur pays d'origine. Elles étaient déçues, je crois. Certaines de leurs stratégies commerciales étaient trop restreintes. Nous avions opté pour une stratégie plus générale. Nous avions décidé d'affronter nos concurrents sur leur terrain, d'avoir pignon sur rue d'un bout à l'autre du pays, et c'est là une décision qui s'est avérée judicieuse.
Si elles peuvent avoir accès à des succursales et être assurées d'un traitement égal, notamment sur le plan fiscal, je crois que cela intéresserait les banques étrangères.
Comme je l'ai dit, s'il y a des fusions, il y aura des succursales excédentaires. Je ne veux toutefois pas que l'on mette trop l'accent sur les succursales, car nous verrons apparaître plusieurs nouveaux canaux de distribution qui seront très efficaces et qui n'exigeront pas d'investissements importants sur le plan de l'infrastructure. Il y a plus de 10 000 institutions aux États-Unis qui s'inspirent du modèle traditionnel, et je ne vois pas pourquoi une variante de ce modèle ne pourrait pas être implantée ici au Canada.
Il y a déjà trop de succursales au Canada, si bien qu'il n'est pas facile de justifier les dépenses pour la construction de nouvelles succursales. Une des questions cruciales qui se posera sur le plan de la concurrence, si fusion il y a, c'est celle de la concentration. Les institutions existantes devraient peut-être vendre certaines de leurs succursales dans les régions où le nombre de succursales est très élevé afin d'attirer de nouveaux arrivants. Le modèle américain consiste à vendre les succursales tout équipées, c'est-à-dire avec la clientèle et l'effectif, qui conserve ainsi la majeure partie de leur part de marché.
L'arrivée de nouvelles institutions de petite taille au Canada est un problème, en ce sens qu'il faut une certaine taille, une masse critique, pour que les clients n'aient pas à s'inquiéter de l'argent qu'ils déposent dans ces institutions. Il est difficile dans le contexte canadien de mettre sur pied des banques de très petite taille. Vraisemblablement, la concurrence viendra surtout des principaux acteurs de l'étranger et du secteur des assurances.
Le sénateur Tkachuk: J'aimerais plus de précision au sujet de votre paragraphe concernant les guichets automatiques, où vous préconisez l'adoption d'un régime semblable à celui que nous avons pour l'utilisation des lignes téléphoniques au Canada. Pourriez-vous nous en dire un peu plus au sujet des difficultés d'ordre pratique auxquelles vous vous heurtez. J'aimerais aussi que vous nous proposiez des mesures que nous pourrions prendre pour nous attaquer directement à ce problème, et que nous pourrions recommander dans le rapport que nous allons présenter au gouvernement du Canada.
M. Glynn: Je le répète, le marché a presque atteint le point de saturation en fait de guichets automatiques. On en trouve un ou même plusieurs dans tous les commerces et toutes les succursales bancaires. Ce ne serait pas un investissement très sage que d'installer de nouveaux guichets à 80 000 ou 100 000 $ pièce. L'infrastructure existe déjà.
L'utilisation des cartes de débit ayant entraînée une réduction des retraits en espèces, les guichets automatiques sont devenus pour les banques un investissement parvenu à maturité. Nous recommandons que ces appareils soient mis à la disposition de tous les acteurs, y compris des chaînes de vente au détail qui voudraient se lancer dans les services bancaires, voire des acteurs étrangers. Nous sommes d'avis que les guichets doivent être mis à la disposition de tous les clients de toutes les institutions financières du pays, à un prix raisonnable qui en permet l'utilisation. Ainsi, les nouveaux arrivants auraient accès à un canal de distribution plus large puisque les gens pourraient se rendre dans n'importe quelle succursale.
Quand je parle de «fonctionnalité complète», il ne s'agit pas simplement de la possibilité de faire des retraits. Les clients ont toujours besoin de pouvoir faire des dépôts.
Nous avons un réseau d'échanges avec la Banque nationale, la Canadian Western Bank et le mouvement des caisses de crédit, qui permet à tous les clients de se servir gratuitement des guichets pour faire des dépôts aussi bien que des retraits. C'est là un canal de distribution qui s'avère un moyen efficace pour les petits acteurs qui ne sont pas présents dans tous les coins du pays de bien servir leurs clients. Nous recommandons que la fonctionnalité complète soit étendue à l'ensemble du Canada et qu'on en fasse une condition des fusions.
Le sénateur Tkachuk: Ainsi, je pourrais me servir du guichet automatique de ma caisse de crédit en Saskatchewan pour déposer de l'argent dans votre banque?
M. Glynn: Je crois que oui. La plupart des caisses de crédit au Canada participent à ce réseau d'échanges. Je ne peux pas être sûr qu'elles en font toutes parties, mais je pourrais me renseigner et vous le faire savoir. Le principe est essentiellement que les membres du réseau permettent aux clients d'utiliser leurs guichets pour avoir accès à d'autres institutions. Ainsi, le client qui fait un dépôt sait que son compte va être crédité le même jour. C'est là un moyen efficace de permettre aux caisses de crédit ou aux banques d'offrir leur service même là où elles n'ont pas de succursale ou de guichet automatique. Il s'agit d'une utilisation à bon escient de l'infrastructure existante.
Dans le cas contraire, surtout si l'on continue à exiger des suppléments, nous nous retrouverons peut-être avec trois banques qui posséderont de 90 à 95 p. 100 des guichets automatiques. Il serait donc très désavantageux de traiter avec une institution autre que ces trois banques parce que le privilège de se servir de leurs guichets coûterait très cher.
C'est un danger auquel nous voulons alerter en particulier le public et les décideurs du Canada. On pourrait aisément imposer comme condition que les services des réseaux de guichets automatiques soient offerts à un prix raisonnable. Cela permettrait l'arrivée de nouveaux concurrents, surtout de concurrents qui ne pourraient pas compter sur un vaste réseau de succursales.
Le sénateur Kroft: Ce n'était pas plus tard qu'hier, il me semble, que notre comité s'est déplacé d'un bout à l'autre du pays pour entendre des témoignages sur le rapport MacKay. Je me souviens très bien de l'exposé qui nous avait été présenté par votre prédécesseur immédiat et par un universitaire. J'essaie de comparer certains des arguments et d'évaluer les progrès ou les changements survenus depuis. À l'époque, je trouvais rassurant, il va s'en dire, que votre banque semble être une des mieux placées, en raison de votre taille et de votre infrastructure, pour apporter une nouvelle contribution importante sur le plan de la concurrence pour le cas où il aurait des fusions.
Même si ce n'est pas vous qui avez comparu devant nous à l'époque, je me demande si vous auriez des observations générales à nous présenter au sujet de ce qui s'est produit au cours des quatre dernières années depuis que les demandes de fusion ont été rejetées. Auriez-vous des réflexions dont vous voudriez nous faire part quant à ce qui a changé? La situation s'est-elle améliorée ou a-t-elle empiré?
J'ai l'intention de m'attarder en particulier à la question des guichets automatiques, alors nous pouvons laisser de côté cette question pour l'instant. Pensez-vous que votre situation s'est améliorée à la suite des décisions prises par le gouvernement ou est-elle sensiblement la même qu'elle l'était en 1998?
M. Glynn: Pour nous, c'est essentiellement le statu quo. Nous continuons à prendre de l'ampleur, à exercer notre activité et à ouvrir de nouvelles succursales. Nous n'avons pas assez de succursales. Nous en avons un certain nombre à Vancouver, mais plus on avance vers l'est, moins nous en avons. À partir de l'Alberta jusqu'à Terre-Neuve en passant par les Prairies, nous avons un nombre insuffisant de succursales.
Nous en ouvrons chaque année, mais je l'ai expliqué, cela représente tout un défi pour nous sur le plan économique. Nous n'avons pas tiré partie des pouvoirs de la société de portefeuille. Je ne connais pas d'institutions qu'il l'ait fait.
Comme vous le savez sans doute, nous avons une filiale appelée Canadian Direct Insurance, qui est présente sur le marché des assurances ici. Ce serait bien que la banque puisse avoir des liens plus étroits avec cette filiale.
Je dirais que la situation économique a légèrement empiré et que la conjoncture est difficile à l'heure actuelle. Elle était plus avantageuse il y a quatre ans. Nous connaissions alors une période de marché à la hausse prolongée. Les gens étaient plus optimistes. Il est plus difficile maintenant de faire de l'argent.
Il y a eu la révolution Internet dont l'effet est énorme. Le contexte est sans doute moins favorable à l'investissement en infrastructure qu'il l'était il y a quatre ans.
Le sénateur Kroft: Je ne vais pas vous interrompre, mais je veux être sûr de bien comprendre ce que vous avez dit dans votre exposé préliminaire. Les succursales sont toujours un élément important pour vous, comme vous venez de l'expliquer, mais le problème que vous avez c'est que, dans un contexte différent, vous seriez classé parmi les «nouvelles entreprises».
Je crois que vous avez commenté favorablement la possibilité d'acquérir des succursales, là où il y avait des entreprises en pleine activité, n'est-ce pas?
M. Glynn: En effet.
Le sénateur Kroft: Ce matin, le comité a entendu un témoin d'une coopérative et de crédit, qui nous a raconté avoir dit avoir acquis des succursales appartenant à la Banque de Montréal. Est-ce là une question de politique ou cela dépend-il uniquement de négociations entre les deux parties? La vente de succursales en fonction du volume d'affaires fait-elle l'objet de règlements ou de politiques?
M. Glynn: Il n'y a rien qui l'empêche. Mais c'est que nous avons sans doute été ceux qui prônaient le plus activement et le plus fortement l'expansion des succursales. Mais, à ce jour, personne ne nous a encore appelés pour proposer de nous vendre des succursales avec clients et employés. Ce sont les courtiers en immeubles qui nous demandent plutôt si nous sommes intéressés par telle succursale dans un centre commercial qui a perdu ses clients. Rien n'empêche qui que ce soit de vendre des succursales avec clients, mais ce n'est certainement pas ce qu'on nous a proposé.
Le sénateur Kroft: Mais si cette possibilité survenait à la suite de la cession obligatoire de succursales en vertu d'une proposition de fusion, vous avez été très clair là-dessus. Nous savions même avant de vous avoir rencontré aujourd'hui, je crois, que vous étiez intéressé par ce type de proposition.
M. Glynn: Tout à fait.
Le sénateur Kroft: Passons maintenant aux guichets automatiques, puisque cela semblait être d'un grand intérêt pour votre banque la dernière fois que nous avons parlé à ses représentants. Je voudrais bien comprendre les difficultés que présente une approche utilitaire au lieu des obstacles qui existent à l'heure actuelle. S'agit-il simplement d'un enjeu commercial chez les parties intéressées, ou existe-t-il plutôt des questions de réglementation ou de prudence qui s'appliquent?
M. Glynn: Je crois que c'est fondamentalement un enjeu commercial. Autrement dit, si nous pouvons à trois personnes contrôler 95 p. 100 de tous les guichets automatiques, il vaut mieux pour nous empêcher qui que ce soit d'autres d'y avoir accès ou leur imposer des frais d'accès à ce point énormes que la proposition ne sera pas intéressante du point de vue économique. C'est un enjeu commercial. Je crois que les fusions vont déclencher les bonnes conditions, et je crois aussi que les conditions forceront aussi les forces de la concurrence à entrer en jeu.
Si vous étiez en position de force et que vous contrôliez les éléments essentiels de la prestation des services financiers, vous n'y renonceriez pas volontairement. Je ne crois pas qu'Interac ou qu'une des grandes banques cède quoi que ce soit volontairement, à moins qu'il ne soit établi que c'est là une mesure nécessaire pour préserver la concurrence et l'encourager au Canada.
Le sénateur Kroft: Si je vous comprends bien, ce serait un pas dans la bonne direction de la part du gouvernement en vue d'encourager la concurrence, surtout dans un climat de fusions.
M. Glynn: En effet. Ce n'est pas tant une question qui nous intéresse, nous particulièrement, étant donné que nous avons déjà des succursales. Nous avons environ 150 guichets automatiques de même qu'un réseau d'échanges, mais je pense surtout aux nouveaux arrivants qui voudraient exercer une certaine concurrence au Canada dans ce secteur et qui voudraient savoir comment faire dans le cas de transactions bancaires simples. Nous en parlons de façon générale puisque cela ne s'applique pas nécessairement à nous. Nous en profiterions aussi évidemment, puisqu'il serait certainement avantageux pour nous d'avoir accès à des milliers de guichets automatiques en Ontario plutôt qu'à des centaines.
Le sénateur Angus: Monsieur Glynn, le siège social de HSBC Canada se trouve-t-il à Vancouver?
M. Glynn: En effet.
Le sénateur Angus: Avez-vous d'autres sièges sociaux pour vos succursales à Toronto ou à Montréal?
M. Glynn: Pour la région de l'Ouest, c'est-à-dire les Prairies, nos bureaux régionaux se trouvent essentiellement à Calgary, et nous en avons à Toronto. Notre chef de l'exploitation, qui est le numéro deux au Canada, réside à Toronto et il dirige par conséquent notre bureau régional. Nous avons également un bureau régional à Montréal.
Le sénateur Angus: Mais ce ne sont pas des succursales, c'est bien plus, n'est-ce pas?
M. Glynn: En effet.
Le sénateur Angus: La Banque HSBC Canada est-elle une filiale à 100 p. 100 de la Banque... j'ai oublié le nom de la banque mère ou la banque d'origine.
M. Glynn: La Banque HSBC est la société ouverte où l'on peut acheter des actions et le reste; il s'agit en fait de la société de portefeuille basée à Londres. Il y a plusieurs niveaux, mais nous sommes détenus par elle en propriété exclusive.
Le sénateur Angus: Le siège social est-il vraiment à Londres ou ailleurs au Royaume-Uni?
M. Glynn: Il est à Londres.
Le sénateur Angus: Et c'est une banque à participation multiple?
M. Glynn: Oui, très multiple.
Le sénateur Angus: Vous ai-je entendu dire que vous êtes la deuxième société de services financiers en importance dans le monde?
M. Glynn: Je ne sais si j'ai bien dit cela, mais pour ce qui est de la capitalisation du marché boursier, nous sommes en effet au deuxième rang. C'est Citibank qui nous devance, et nous arrivons au deuxième rang. Notre capitalisation du marché boursier se situe à environ 110 milliards de dollars américains, dans cet ordre de grandeur.
Le sénateur Angus: J'essaie simplement de jauger la question. Étant donné que vous êtes la propriété exclusive de ce que nous appelons une entité étrangère, vous n'avez donc pas le même statut juridique au Canada que les cinq grandes banques qui parlent de fusion, n'est-ce pas?
M. Glynn: En effet, nous sommes une banque de l'Annexe II.
Le sénateur Angus: Est-ce que cela fait vraiment une différence? Préféreriez-vous être une banque à charte qui aurait les mêmes droits, privilèges et obligations que les cinq grandes banques du Canada? Quelle différence cela fait-il dans le quotidien de la HSBC?
M. Glynn: Cela ne fait aucune différence; au fond, nous avons les mêmes pouvoirs. La grande différence vient de ce que, à titre de banque de l'Annexe II, nous pouvons être la propriété exclusive d'une autre banque, tandis que les banques de l'Annexe I sont soumises à des limites de propriété, et je crois que c'est 20 p. 100 par propriétaire individuel. Mais il y a quelque chose d'ironique dans le cas des banques de l'Annexe I: même si elles sont soumises à des restrictions en ce qui concerne la propriété individuelle, elles pourraient néanmoins appartenir à 100 p. 100 à des étrangers. Autrement dit, la Banque Royale est cotée en bourse à New York, et en théorie, 100 p. 100 de ses actions pourraient être la propriété d'Américains, puisque la restriction s'applique aux propriétaires individuels.
Le sénateur Angus: Cela étant dit, que vous soyez une banque de l'annexe I ou de l'annexe II, cela ne vous touche pas vraiment. En réalité, vous faites partie d'une banque beaucoup plus grande, d'une certaine façon. J'essaie simplement de faire une comparaison.
Supposons que l'on permette la fusion de plusieurs banques, comme la Banque Royale, la Banque de Montréal et la Banque TD. Cela en ferait une banque qui serait presque de la même grandeur que la vôtre et qui aurait presque la même poigne que vous sur les marchés internationaux, n'est-ce pas?
M. Glynn: En effet. Ce que j'essaie de dire, c'est qu'il ne nous est pas nécessaire de fusionner car nous avons déjà le champ d'application et la masse critique à l'échelle mondiale, nous importons la technologie de l'information, et cetera. Ce sont les autres qui essaient de grossir.
Le sénateur Angus: De devenir comme vous.
M. Glynn: Oui, dans un certain sens: elles essaient de nous ressembler.
Le sénateur Angus: C'est ce que je pensais. Dans ce cas, vous êtes bien placé pour répondre à une question que j'ai posée ce matin à la Banque ING, qui est un peu comme vous. Je sais que leur modèle d'affaires est différent du vôtre, mais cette banque fait partie d'une grande organisation à l'échelle mondiale. Elle a l'endurance et la taille que certaines banques canadiennes estiment nécessaire pour leur permettre d'affronter la concurrence internationale. Est-ce bien cela?
M. Glynn: En effet, ING est une très grande organisation.
Le sénateur Angus: J'ai posé une question ce matin dont la réponse m'a satisfait, mais je voudrais la répéter au cas où j'aurais manqué quelque chose.
À la fin du témoignage d'ING, son représentant a conclu qu'à son avis, les fusions seraient avantageuses pour le Canada, puisqu'il était important pour notre pays de posséder sa propre banque qui soit capable de se mesurer aux autres à l'échelle internationale. Voici donc ma question: Qu'entendez-vous par «se mesurer aux autres à l'échelle internationale»? Que pourriez-vous faire de plus que vous ne pouvez pas déjà faire et qui avantagerait le Canada?
M. Glynn: Avez-vous posé la question au PDG des six grandes banques? C'est à eux d'y répondre mais si j'interprète bien leurs stratégies et pour avoir entendu leurs discours, je comprends qu'ils ont à tout le moins des aspirations à l'échelle nord-américaine. Je suis convaincu que ce serait bénéfique pour le Canada que d'avoir de grandes institutions financières qui soient fortes à l'échelle nord-américaine et qui permettent d'avoir des opérations bancaires uniformes. Voilà pourquoi je dirais que, dans ce contexte, la taille a son importance. Mais je ne peux toutefois pas parler pour les grandes banques canadiennes.
Le sénateur Angus: Si l'on considère la question sous l'angle de la politique des pouvoirs publics, on ne se retrouve au fond qu'avec six grandes banques, véritablement canadiennes. De plus, étant donné ce qui se passe actuellement, ce sera encore moins vrai.
Mais on invoque toujours devant nous, comme on le faisait lors des audiences de 1998, la question de la politique officielle du gouvernement. Le monde a changé, et j'ai l'impression que l'on est beaucoup moins opposé aujourd'hui à des fusions bancaires qu'on ne l'était en 1998. On n'y souscrit peut-être pas sans réserve, mais il semble que l'ambiance générale a évolué. De plus, ce que vous entendez dire et votre témoignage d'aujourd'hui semblent corroborer cette impression.
Est-il vraiment important pour le secteur des services financiers du Canada d'avoir son propre joueur canadien pure laine qui puisse se mesurer aux grands centres financiers de Londres, New York et Tokyo?
M. Glynn: Je n'exprime ici que mon point de vue personnel.
Il me semble qu'il faut essayer. On aurait tort de ne pas permettre à une banque canadienne d'essayer d'entrer dans les ligues majeures grâce aux fusions. Les banques canadiennes ont des aspirations valables.
Le sénateur Angus: Monsieur Glynn, vous avez repris à votre compte ce que tous les PDG nous ont dit jusqu'à maintenant, à savoir que la fusion est une stratégie commerciale légitime pour toute grande banque canadienne, dans la mesure où il est possible de faire sur mesure la proposition qui convienne et qu'elle ne soit pas assortie d'un quelconque élément draconien qui pourrait offenser le Bureau de la concurrence ou faire fi des considérations de prudence. Étant donné que l'on parle ici d'une stratégie commerciale légitime, et que tous semblent s'entendre là-dessus, quels sont les obstacles que vous prévoyez, s'il y en a? Je dois avouer que les sénateurs de côté-ci de la table se trouvent devant un dilemme. Nous nous demandons ce que nous pouvons bien faire ici. La loi permet la fusion, qui est d'ailleurs reconnue comme une stratégie commerciale légitime; une procédure existe et nous avons déjà tenu des audiences là-dessus, qui se sont soldées par le rapport MacKay. Et pourtant, on dépense des quantités d'argent et on déploie beaucoup d'efforts pour répondre à une question qui semble avoir déjà sa réponse.
Y a-t-il quelque chose qui m'échappe? Vous êtes un spécialiste dans votre domaine. Qui a-t-il de nébuleux, autre que la volonté politique du gouvernement actuel d'approuver ou de refuser la fusion?
M. Glynn: Je ne suis pas vraiment en mesure de répondre à cela. Je ne sais pas ce qui est nébuleux. Le ministre des Finances a dit que la partie de la discussion sur la fusion portant sur la politique gouvernementale devait être claire. Toutefois, je ne sais que vous dire au sujet de la démarche suivie pour expliquer pourquoi elle est à ce point pénible. Comme cela ne nous touche pas directement, je n'y ai pas prêté beaucoup d'attention. Nous tentons, à notre façon, de développer une banque au Canada qui soit la meilleure qui soit. Nous n'avons pas accordé beaucoup d'attention à la question car nous n'y prenons pas part. Nous discutons simplement entre nous de la façon dont il est possible de combler le vide, si tant est qu'il y a des vides concurrentiels. Je répète qu'il m'est impossible de répondre à la question telle que vous l'avez formulée.
Le sénateur Angus: Vous y avez répondu, en disant ne pas comprendre ce qui est nébuleux, car nous ne comprenons pas nous non plus.
Mais le sénateur Kroft vous a interrogé sur les filiales, et comme vous aurez peut-être déjà répondu à ma prochaine question, veuillez m'interrompre, le cas échéant. Les journaux laissent entendre que votre organisation a fait savoir qu'advenant certaines fusions et la nécessité de céder des filiales, vous seriez prêts à les acheter. Vous avez reconnu qu'il y avait probablement trop de filiales actuellement, donc à votre avis, ce ne serait peut-être pas une bonne idée d'en ouvrir d'autres.
Ai-je bien compris que vous seriez volontiers acquéreurs si l'occasion s'en présentait?
M. Glynn: Oui. Je dirais qu'effectivement notre expansion est attribuable aux acquisitions et à la croissance — une croissance organique. Nous tenons à poursuivre notre croissance. Nous avons indiqué dès le départ que nous aimerions être présents à la table ou du moins être invités à discuter des options qui nous permettraient d'accroître notre part du marché. Il n'y a pas que les succursales; il pourrait s'agir des cartes ou des investissements, des conseillers, et cetera. Lorsque nous disons que nous voulons poursuivre notre croissance, nous songeons à la gamme des services, et, à ce jour, nous avons reçu un assez bon appui au Canada. Nous voulons continuer à bâtir et à croître.
Le sénateur Angus: Hier, nous avons parlé, je crois, de l'actif des banques à charte qui dépasse 5 milliards de dollars. S'agit-il d'éléments d'actif ou de leur capital de base?
Le président: Il s'agit de leurs capitaux propres.
Le sénateur Angus: Où vous situez-vous? Tout d'abord, quel est votre actif?
M. Glynn: Au Canada, nos capitaux propres se chiffrent à environ 2 milliards de dollars.
Le sénateur Angus: Vous occupez donc le septième rang?
M. Glynn: Oui, nous sommes la septième banque en importance. Il y a les cinq grandes banques puis la Banque Nationale du Canada, qui est sixième, et nous arrivons au septième rang. Puis, assez loin derrière, il y a, je crois, la Banque Laurentienne. Voilà donc où nous nous situons au Canada.
Le sénateur Setlakwe: Bonjour, monsieur Glynn. Ma question porte sur le même sujet que celle posée par les sénateurs Kroft et Angus. Vous dites que vous voulez combler un vide et poursuivre votre expansion vers l'est. Vous savez sans doute que l'une des questions que se pose ce comité, et les Canadiens en général, consiste à savoir dans quelle mesure les fusions auront des répercussions sur les services bancaires de détail. J'aimerais enchaîner sur la question du sénateur Kroft et vous demander jusqu'où vous irez pour ouvrir des succursales à l'extérieur des centres métropolitains?
M. Glynn: Tout d'abord, je tiens à préciser que les services bancaires de détail constituent une part importante de nos activités. En fait, c'est probablement notre principale activité. La plupart de nos 169 locaux bancaires mettent l'accent sur les services de détail.
Nous sommes à l'aise et heureux d'oeuvrer dans tous les centres du Canada. Nous sommes présents dans les petites et les grandes collectivités. De ce point de vue, je crois que notre engagement dans le marché canadien est assez étendu. Nous avons des locaux à Campbell River, à Penticton, à Chicoutimi, à Fredericton, à Timmins, et cetera. Nous sommes un peu partout. La prestation de nos services en dépend.
Le sénateur Setlakwe: Question supplémentaire. De nombreuses banques étrangères ont essayé de s'établir au Canada. Pourquoi avez-vous connu un tel succès alors que tant d'autres ont été obligés de se retirer?
M. Glynn: Nous avons décidé que nous voulions être une banque ordinaire. Nous avons décidé que nous allions accepter des dépôts et accorder des prêts, ce qui est une idée un peu démodée. Nous n'avons pas construit un modèle fondé sur les fonds de gros. Nous avons cherché à faire affaire avec des commerces et des acheteurs au détail. C'est la base que nous nous sommes donné pour commencer, puis nous avons ajouté des services. Je crois que c'est une bonne stratégie, quoiqu'un peu démodée.
Nous avons accepté des dépôts de détail et nous avons offert une gamme complète de services à cette clientèle. Puis, nous avons fait la même chose pour le secteur commercial. En outre, lorsque les gens voulaient se retirer du marché, nous en avons profité pour acquérir un certain nombre d'établissements. Nos activités sont axées sur la segmentation de la clientèle et nous tâchons d'offrir une gamme étendue de services afin d'offrir à nos clients de détail et à nos clients commerciaux ce qu'il y a de mieux pour eux.
Cette stratégie est différente de celle adoptée par la plupart des banques étrangères qui sont très spécialisées ou qui offrent des services bancaires uniquement aux entreprises. Il ne faut pas avoir une vue trop étroite des services financiers. La stratégie qui nous a réussi consiste à répondre très bien aux besoins du client en lui offrant toute une gamme de services.
Le sénateur Meighen: Le sénateur Angus s'est concentré dans une certaine mesure sur les avantages d'une fusion entre les banques à charte canadiennes et sur leur capacité de jouer dans les ligues majeures avec vous et d'autres banques de la même importance. Pour ma part, j'aimerais brièvement envisager la question sous l'angle interne.
Si la situation actuelle des banques à charte persiste et qu'il n'y ait pas de fusions, comment voyez-vous le paysage bancaire dans cinq ou sept ans? Sera-t-il plus favorable aux déposants et emprunteurs canadiens, ou serait-il moins avantageux?
M. Glynn: C'est une question intéressante. Ma réponse sera double.
Premièrement, je crois que leur part de marché se développera dans des secteurs non traditionnels. En d'autres mots, les succursales seront de plus en plus obligées de justifier leur existence. Les activités bancaires des clients continueront à évoluer. Ceux qui élaborent les politiques gouvernementales auront peut-être une impression négative lorsque les clients qui ont l'habitude d'utiliser l'Internet ou les cartes de débit se demandent pourquoi les succursales existent. Cela se produira naturellement, surtout si on impose le statu quo.
Je dirais également que l'intégration du marché économique nord-américain, où les marchés canadien et américain sont indissociables, en quelque sorte, est un objectif gouvernemental. Je pense que cette situation évoluera. Si les banques canadiennes n'ont pas l'occasion de réussir sur le marché américain et de devenir des chefs de file du commerce transfrontalier, d'autres le feront à leur place.
Nous avons déjà dit que nous pensons être en très bonne position au sein de l'ALENA, aux États-Unis et au Canada. Certaines banques américaines pourraient très bien songer à une expansion vers le Nord, surtout lorsqu'elles auront réglé leurs problèmes éventuels. Vous devriez songer à attirer des banques au Canada, peut-être en leur imposant des règles différentes de celles auxquelles ont fait face les banques qui se sont installées ici il y a 20 ans.
Les Américains reconnaîtront que l'intégration économique nord-américaine est essentielle. Si les banques canadiennes n'agissent pas, je pense que les banques américaines le feront probablement.
Le sénateur Meighen: Ainsi, d'après le scénario qui se dégage, si elles n'ont pas le droit de fusionner, les banques canadiennes ne pourront pas jouer un rôle important sur la scène internationale. Le revers de la médaille c'est que le rôle que jouent les banques américaines et autres banques étrangères installées au Canada s'accroîtra considérablement. Du point de vue de la politique gouvernementale, ce n'est pas un scénario très reluisant.
Si ce que je viens de dire est exact, et je vous fais peut-être dire des choses que vous n'avez pas dites, il me semble que le seul moyen d'éviter ce scénario est d'autoriser les fusions. D'après votre témoignage, si les banques canadiennes fusionnent, elles seront en mesure de jouer un rôle important à l'étranger.
En outre, la fusion ferait de la place sur le marché intérieur pour d'autres concurrents légitimes. Des succursales seraient vendues. Des secteurs d'activité seraient également vendus, comme cela a été le cas lors de la fusion TD- Canada Trust. Cela provoquerait un remue-ménage du marché intérieur dont profiterait le déposant canadien.
Ai-je raison, à votre avis?
M. Glynn: Sur ce dernier point, oui. Les banques canadiennes sont très compétitives. Dans une certaine mesure, les fusions créent un vide qui attirera la concurrence. C'est probablement une bonne chose. En ce sens, je suis d'accord.
Cependant, il est vrai que vous me faites un peu dire ce que je n'ai pas dit. Les banques canadiennes ont bien soutenu la concurrence à l'étranger. À l'heure actuelle, elles concentrent leurs efforts surtout en Amérique du Nord et elles ont entrepris un certain nombre d'activités aux États-Unis; je ne voudrais donc pas laisser entendre qu'elles seraient incapables de réussir dans leur cadre actuel.
Par contre, elles pourraient probablement faire mieux car la taille est importante pour qui veut faire des acquisitions aux États-Unis et participer au marché américain. Toutefois, je ne voudrais pas laisser entendre que leurs méthodes actuelles les empêchent de réussir.
Le sénateur Meighen: Pour leur part, elles nous ont clairement dit qu'elles réussiraient si elles étaient plus grandes.
L'une des principales craintes qu'entendent formuler les décideurs gouvernementaux concerne l'avenir assez peu reluisant que certains prédisent pour les clients des régions rurales. Vous avez mentionné le fait que les Canadiens utilisent la banque à domicile, les guichets automatiques, les téléphones et l'Internet. Est-ce la voie de l'avenir pour les gens qui habitent à l'extérieur des grands centres ou des centres d'une certaine taille? Vous nous avez dit que vous avez des locaux à Penticton et à Fredericton. Ce sont des villes tout de même assez grandes.
D'après vous, que réserve l'avenir aux gens qui habitent dans des municipalités rurales ou dans des collectivités de moins de 5 000 habitants? Seront-ils obligés d'avoir recours à la banque à domicile? Si les banques fusionnent, si leurs réseaux de succursales sont mis en vente, trouverons-ils acheteur, est-ce qu'un établissement bancaire les achètera, croyant que l'interface avec le client ne peut pas se limiter à des appareils électroniques et que les contacts personnels sont encore importants?
M. Glynn: Dans notre banque, nous utilisons l'expression «réponse humaine compensatoire». Nous croyons fermement aux relations interpersonnelles et aux contacts avec les gens. Si vous allez dans nos locaux, vous verrez de nombreuses personnes et beaucoup d'endroits traditionnels propices aux interactions. En fait, lorsque des gens viennent dans nos succursales, ils veulent un contact plus satisfaisant que dans le passé, lorsqu'ils s'attendaient seulement à ce que les succursales s'occupent de leurs transactions. Nous croyons fermement aux personnes.
Dans les très petites collectivités, il se peut que ces «personnes» soient incarnées par des vendeurs itinérants. Les employés ne travailleraient pas nécessairement dans une succursale; les clients effectueront peut-être leurs dépôts ou d'autres transactions au bureau de poste. Il y aurait peut-être des employés qui iraient sur place à l'occasion mais qui n'habiteraient pas nécessairement à plein temps dans la collectivité.
Cela élimine le coût des locations, du chauffage, et cetera. Il y a déjà des vendeurs itinérants d'hypothèques et d'investissements. Il existe, au Canada, un marché actif de courtage de dépôt pour desservir les petites collectivités. Il y aura de nombreux contacts personnels, mais qui prendront des formes différentes de celles auxquelles nous sommes habitués.
Le sénateur Meighen: Monsieur Glynn, pourquoi cela ne s'est-il pas développé plus rapidement?
Je connais bien une ville de moins de 1 500 habitants dans le Canada atlantique. Il y a une banque à charte installée dans un immeuble immense et imposant sur la rue principale. C'est tout. Je me demande pourquoi un autre établissement financier ne pourrait pas faire comme les bibliobus et se rendre dans cette ville de temps à autre pour fournir des services bancaires que, je le parierais, la plupart des gens de cette ville souhaitent. Ils ne cherchent pas à créer des consortiums financiers très compliqués. Les gens veulent déposer leur chèque de paie, retirer de l'argent de leur compte et peut-être négocier un petit prêt pour agrandir leur maison. Ce ne sont pas des transactions terriblement compliquées. Pourquoi de tels services ne pourraient-ils pas être fournis soit par une petite succursale qui compterait un ou deux employés installés dans un coin de l'épicerie locale ou, comme vous l'avez dit, par une banque itinérante qui se déplacerait d'une collectivité à l'autre?
Ces deux solutions existent déjà, mais le concept n'est pas très populaire. Pourquoi pas?
M. Glynn: Il existe des contraintes économiques. L'urbanisation du Canada s'accroît et certaines petites collectivités subsistent de peine et de misère.
Il y a là un potentiel de croissance. Ces régions ont probablement été mal desservies et on peut envisager de nombreuses solutions ingénieuses. On peut, comme je le disais, installer un guichet automatique dans un coin de l'épicerie. Nous avons, dans l'île Pender, l'une des îles Gulf, située entre l'île de Vancouver et Vancouver, un petit comptoir dans le bureau d'un agent d'immeuble où les gens peuvent effectuer des retraits et obtenir des prêts.
On peut trouver de nombreuses solutions novatrices dans les petites collectivités. L'île Pender compte environ 1 500 habitants.
J'encouragerais le recours à ces activités bancaires non traditionnelles.
Le sénateur Kroft: Je voudrais vous poser une question très précise. Je m'intéresse beaucoup à la manière dont les banques se font concurrence sur le marché. Vous avez dit que vous êtes la septième banque au Canada en raison de vos capitaux propres. Dans votre exposé, vous avez dit, je crois, que votre banque est le principal émetteur de lettres de crédit au Canada. Je trouve fascinant que vous puissiez faire cela. Je ne suis pas sûr si cela veut dire que vous acceptez ou confirmez les lettres de crédit que vous recevez ou si vous émettez en fait des lettres de crédit au nom d'entreprises canadiennes dans la plupart des cas. Je suis très impressionné et je serais curieux de savoir comment vous y êtes arrivés.
M. Glynn: Eh bien, voilà la preuve encore une fois qu'un compétiteur et une banque internationale peuvent ajouter de la valeur dans ce marché. Nous sommes présents dans 81 pays et cela permet à nos clients de profiter de services commerciaux que les compétiteurs locaux, les banques locales n'ont pas été en mesure de leur offrir.
Nous avons ciblé ce groupe. Je pense avoir déjà indiqué que le commerce est essentiel. Après un départ debout??? nous avons atteint ce niveau où nous pouvons ajouter de la valeur au marché canadien. Dans bien des milieux, les cinq grandes banques se ressemblent. Leurs stratégies sont semblables; elles se ressemblent; leurs services sont analogues. La concurrence offre quelque chose de différent et je pense que nous devons l'encourager. Les gens qui ont des compétences uniques peuvent participer à ce marché. Si l'un de nos atouts est de pouvoir ouvrir les portes du monde aux Canadiens et faciliter leurs échanges commerciaux, je pense que c'est formidable. J'espère que d'autres suivront notre exemple et s'installeront au Canada. Le Canada gagnera alors sur les deux fronts.
Le sénateur Kroft: Je pense, moi aussi, que c'est formidable.
Le président: Merci du temps que vous nous avez accordé. J'ai été ravi de vous revoir. Bonne chance dans toutes vos entreprises.
Nos prochains témoins représentent la Banque nationale du Canada. Bonjour, messieurs. Avez-vous un exposé préliminaire?
[Français]
M. Réal Raymond, président et chef de la direction, Banque nationale du Canada: Monsieur le président, je tiens à vous remercier de l'occasion donnée à la Banque nationale du Canada d'exprimer ses vues sur les fusions bancaires, et en particulier sur la démarche visant à les approuver.
Premièrement, nous considérons les fusions comme une pratique commerciale légitime; elle n'est pas sans risques, comme l'a démontré maintes et maintes fois l'histoire.
Une partie de la méfiance envers les fusions, principalement pour les banques, vient de la fausse conception qu'il s'agit d'un gain assuré. Or, seul un pouvoir excessif de marché ou un affaiblissement notable de la concurrence, peut engendrer un gain rapide et sans risques. C'est la raison pour laquelle notre mémoire porte principalement sur les conditions au maintien de la concurrence, tout en permettant aux banques d'exprimer leurs ambitions.
Nous convenons tous que les marchés ont évolué et continueront d'évoluer de manière accélérée. D'une part, les banques subissent l'assaut d'une horde de concurrents toujours plus nombreux et davantage aguerris. D'autre part, les technologies de l'information ont ouvert de nouveaux canaux permettant aux individus et aux entreprises d'effectuer à distance des transactions de paiement, d'investissement, d'emprunt avec une gamme étendue de fournisseurs.
Malgré tous ces développements, nous soumettons qu'une présence physique est à la base de l'établissement de la relation primaire entre le banquier et son client. Qui détient le compte primaire d'un individu ou d'une PME bénéficie presque toujours d'une bonne part des autres produits d'investissement et de crédit.
Or, la proximité et l'accessibilité sont des facteurs déterminants du choix de cette institution primaire. La concurrence, pour obtenir cette relation privilégiée, se joue au niveau régional. C'est à la succursale que s'expriment les efforts les plus significatifs pour présenter un service de qualité qui vise à attirer et retenir les clients. C'est cette concurrence régionale qu'il faut préserver à tout prix dans le processus de fusion.
Nous croyons que le maintien d'une forte concurrence à l'échelle régionale, par la présence physique d'un nombre suffisant d'institutions fortement commises à la livraison de services de qualité, résout une bonne partie des préoccupations d'intérêts publics. Une saine concurrence régionale est le meilleur garant d'un accès facile à des sources variées de services financiers de qualité, à un prix compétitif pour les particuliers et les PME.
De quelles garanties de services avons-nous besoin si les consommateurs ont plusieurs autres options pour obtenir ces services?
Le maintien d'une concurrence régionale est le principal défi posé par les fusions. C'est la raison pour laquelle les fusions seront vraisemblablement accompagnées de «dessaisissement» de points physiques de services aux particuliers et aux PME.
Nous croyons que les «dessaisissements» peuvent s'effectuer en utilisant une approche proactive, avec une ferme volonté de maintenir un haut niveau de concurrence, en attirant possiblement de nouveaux joueurs afin de fournir un contrepoids crédible à une banque qui aurait autrement atteint un pouvoir excessif de marché.
Pour illustrer ma pensée, je prendrai l'exemple d'une fusion américaine: la Fleet Bank et la Boston Bank. Le «dessaisissement» s'est fait en faveur de Sovereing Bank Corp. de Pennsylvanie qui en a profité pour pénétrer de nouveaux marchés. Des corridors de concentration excessifs ont été dessinés. Toutes les succursales, d'une seule des deux banques faisant l'objet de la fusion, ont fait l'objet d'un «dessaisissement», soit un bloc de 90 succursales de Boston Bank dans le Rhode Island et le Connecticut, ainsi qu'un bloc de 196 succursales de Fleet Bank dans le Massachussetts et le New Hampshire. Des mécanismes stricts de non sollicitation ont été mis en place. Bref, Sovereign a pu pénétrer de manière significative un nouveau marché en acquérant une vraie franchise. Elle est devenue un concurrent crédible au géant régional qu'est Fleet.
C'est cette approche qu'il faut privilégier, d'où notre proposition d'appliquer l'approche américaine. C'est-à-dire que dans un territoire donné, un «dessaisissement» devrait prévoir la présence d'un regroupement de succursales ou de bureaux de prêts aux PME d'une seule des deux banques et non pas un amalgame de points de services, souvent les moins rentables ou les moins importants de l'une ou l'autre des deux banques.
Le territoire ainsi couvert devrait être assez vaste, soit une province ou dans les provinces les plus populeuses, une continuité géographique comptant une population de deux à trois millions d'habitants devant correspondre à une réalité socio-économique. Cette approche susciterait un grand intérêt pour les banques régionales comme la nôtre, désireuses d'étendre leur présence dans d'autres marchés. Elle réduirait de manière significative les préoccupations d'intérêt public. L'acquéreur conserverait l'essentiel, sinon tous les points de service et les employés, y compris l'infrastructure régionale de gestion, et pourquoi pas les centre régionaux de services centralisés. L'accessibilité aux services serait assurée pour les particuliers et les PME.
Pour ces grandes régions, c'est comme si la fusion n'avait jamais eu lieu. La Banque nationale a les ressources et la volonté de jouer un rôle de «facilitateur» dans l'éventualité d'une fusion entre grandes banques au Canada. Notre capitalisation est excellente et pour une transaction de grande ampleur, la législation C-8 déjà en place nous assure d'ouvrir notre capital à un partenaire jusqu'à 65 p. 100.
Enfin, notre stratégie est clairement axée sur une croissance au Canada. Au cours des 25 dernières années, l'une des préoccupations constantes, en matière de politiques publiques régissant les marchés financiers, a été de favoriser l'éclosion de nouvelles sources de concurrence aux grandes banques canadiennes. À cette fin, des encouragements et des accommodements législatifs ou réglementaires ont été apportés pour les sociétés de fiducie, les assureurs et les banques étrangères.
On ne peut pas dire que ces initiatives furent teintées d'un énorme succès. La raison principale, à mon avis, tient de l'énorme difficulté de bâtir, de novo, un réseau de points physiques de service. L'accès à un tel réseau étant la seule manière d'établir des relations diversifiées et durables avec les particuliers et les PME.
L'achat des réseaux existants dans le cadre de fusion entre deux grandes banques pourrait réussir où tout le reste a donné des résultats plus ou moins éloquents.
Nous avons besoin d'un cadre clair et non équivoque, pour approuver les fusions éventuelles et qui laisserait le moins de place possible à l'arbitraire.
Nous avons aussi besoin de mécanismes qui favoriseraient l'entrée ou l'arrivée de nouveaux concurrents dans les situations où les fusions causeraient trop de risques au plan concurrentiel.
[Traduction]
Le sénateur Tkachuk: On dirait qu'à part les cinq grandes banques, il y a un dialogue entre les autres banques, car chacun semble aborder une question différente de celle dont nous ont entretenus les autres témoins. C'est très rafraîchissant.
Le dessaisissement m'inquiète car je suis originaire des Prairies. J'ai été intrigué de vous entendre dire que si la Banque Royale et la Banque de Montréal fusionnent, alors toutes les succursales de la Banque Royale ou toutes les succursales de la Banque de Montréal seraient mises en vente.
Le témoin que nous avons entendu juste avant vous, le représentant de la HSBC, nous a dit que sa banque était disposée à acheter de nouvelles succursales. Toutefois, ils ont appris qu'une succursale avait fermé lorsque le propriétaire a appelé pour leur demander s'ils étaient intéressés à louer une ancienne succursale; il ne restait plus que les locaux. Or, on nous a dit que la coopérative de crédit avait pu acheter plusieurs succursales de la Banque de Montréal.
Je suppose que les banques préfèrent vendre leurs succursales à un établissement comme une coopérative de crédit qui ne leur fait pas concurrence. Toutefois, une coopérative de crédit peut également exercer un monopole. Tout le monde parle des coopératives d'épargne et de crédit et ce sont de bonnes entreprises. Toutefois, en Saskatchewan, il serait bon que ceux qui ne souhaitent pas faire affaire avec une coopérative de crédit aient le choix de s'adresser à une succursale.
Quel mécanisme le gouvernement pourrait-il utiliser pour faire en sorte que les dessaisissements soient équitables et que tous les intéressés aient la chance de faire une offre et pour assurer que le marché soit compétitif? Comment pourrions-nous formuler cette recommandation? Comme cela se passe-t-il en pratique pour un acheteur éventuel?
M. Raymond: Je suis d'accord avec vous. À cause des structures en place, les recours dans le cas de fusions éventuelles où les parties doivent se dessaisir de certains éléments d'actif, sont disponibles à la fin du processus et non pas au début. Je vous suggère donc de faire intervenir ces recours au début du processus et non pas à la fin.
Cela ne veut pas dire que cela doit être négocié, car il faut qu'il y ait de la concurrence pour que la banque qui se dessaisit de ces éléments d'actifs en obtienne un juste prix. Il est important que la banque qui vend indique clairement ce qui est à vendre. Est-ce pour les acheteurs ou pour l'acquéreur? Est-ce que la succursale peut devenir un véritable compétiteur à long terme qui sera en mesure de garder les clients ou est-ce seulement, pour la banque qui vend, le moyen de se débarrasser d'un problème au niveau local en attendant de pouvoir récupérer tous les clients deux ans plus tard.
C'est à ce niveau que la situation devrait être la même qu'aux États-Unis. Il y a là-bas des milliers de banques, mais les règles sont claires. Dès le début du processus, on définit la concentration et l'on dit quels éléments des entreprises fusionnées seront mis en vente. De là on procède, dans certains cas, à des mises aux enchères et, dans d'autres cas, à la négociation de transactions.
Par conséquent, si nous intervenions dans les discussions dès le départ, si nous savions exactement ce qui est à vendre, on aurait évidemment plus d'acheteurs éventuels. Cela accélérerait aussi le processus. Il y aurait moins d'incertitude pour les clients. Les acheteurs en puissance sauraient d'emblée qu'un choix leur est offert. Au lieu de se faire dire: «Eh bien, si ces deux banques fusionnent, je n'ai plus de choix», ils sauraient dès le départ, avant même que commencent les audiences et autres formalités, qu'ils peuvent entrer dans la concurrence.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous dites «dès le début du processus», est-ce parce que les banques qui ont décidé de fusionner savent quelle part du marché elles peuvent avoir ou parce qu'elles savent à l'avance quelle part du marché elles auront, ou est-ce parce que le régulateur dira: «Si vous fusionnez, vous deux, il vous faudra liquider ceci ou cela», ou est-ce une combinaison des deux?
M. Raymond: C'est une combinaison des deux. Localement, si deux banques fusionnent, vous savez parfaitement ce qui sera liquidé afin d'éviter une trop grande concentration du marché. Ces règles sont bien connues, donc cela ne fait pas problème.
Cependant, la question est de savoir ce qui sera vendu. Si votre part du marché d'Edmonton atteint par exemple 38 p. 100, l'acheteur en puissance n'a pas la moindre idée des éléments que les deux banques vont liquider. Elles ne vont pas se départir de leur meilleure succursale. Cependant, s'il y a un processus en place soit avec le Bureau de la concurrence ou le surintendant des institutions financières, et si les banques veulent mener le processus plus loin en définissant les éléments qu'elles devront liquider, le processus sera beaucoup plus clair et beaucoup plus simple. À ce moment-là, les coopératives de crédit et les banques comme la nôtre seront en mesure d'évaluer les risques et de décider si elles veulent conclure une transaction en particulier.
Le sénateur Tkachuk: Prenons par exemple la ville d'Edmonton. Supposons que deux banques décident de fusionner et qu'elles auront ainsi 55 p. 100 du marché. Imaginons que le Bureau de la concurrence déclare que 55 p. 100, c'est beaucoup trop, et qu'elles doivent réduire leur part du marché à 30 p. 100, au minimum. Imaginez qu'un processus s'enclenche où l'on dit aux banques qu'elles ne peuvent pas choisir. Pour atteindre le seuil voulu, une banque devra se défaire de toutes ses succursales, ou alors c'est l'autre banque qui devra se départir de toutes ses succursales. Est-ce à cela que vous voulez en venir?
M. Raymond: Absolument. Pas seulement les succursales, mais les centres commerciaux qui desservent les clients commerciaux. Ce serait le même processus.
Le sénateur Meighen: Donc si je comprends bien, c'est la seule solution; tout ou rien?
[Français]
N'y a-t-il pas une troisième voie où la négociation pour l'achat des succursales se ferait à l'intérieur du Bureau de la concurrence? Si on juge que c'est équitable pour les parties en jeu, une partie se débarrasse de X nombre de succursales et l'autre partie fait de même. Tout cela est entendu. Il en résulte un mélange de profits excellents ou moindres. À ce stade, tout devient public.
Quel serait le rôle du pouvoir politique après que le Bureau de la concurrence et le Bureau du surintendant auraient tranché ces questions. Les questions importantes sont réglées. Il ne reste rien à faire sauf dire oui ou non.
M. Raymond: Je suis d'accord avec la dernière partie de votre commentaire.
Le sénateur Meighen: Et quant à la première?
M. Raymond: C'est une question de compétition et d'habileté à conserver la clientèle. Plus vous avez différents systèmes informatiques, de personnel qui vient de deux organisations, plus c'est difficile pour un compétiteur de bien amalgamer et d'offrir une compétition qui va offrir une pérennité au client. Plus c'est simple, plus vous avez accès à un bureau régional, à du personnel de la même organisation, plus cela est facile pour les clients. Les clients sont habitués de voir ces gens. Cela est plus facile d'avoir une partie de l'entité plutôt qu'un mélange des deux.
Prenons l'exemple d'Edmonton. S'il y avait 12 succursales à vendre, si on prend l'exemple de la Banque Royale ou de la Banque de Montréal ou d'autres succursales de la Banque Royale...
Le sénateur Meighen: Les bonnes et les mauvaises?
M. Raymond: Oui mais pas seulement les mauvaises, les deux. Cela ne donne pas une compétition intéressante. Ce processus permet d'améliorer la qualité de la compétition.
Le sénateur Setlakwe: Je vous félicite d'avoir maintenu deux succursales à Thetford Mines. Cela démontre que vous avez beaucoup de jugement. Non seulement tenez-vous à rester à proximité avec beaucoup de flexibilité dans les régions au Québec, mais vous voulez aussi faire de l'expansion à l'extérieur. Vous n'avez pas peur non plus de l'arrivée de concurrents internationaux sur le marché québécois ou canadien.
Ceci répond en bonne partie à une préoccupation majeure que nous avons malgré les affirmations de certains membres de l'autre côté; certains prétendent qu'on ne sait pas pourquoi au juste on est ici.
Le sénateur Hervieux-Payette: Eux le savent, moi aussi.
Le sénateur Setlakwe: L'importance capitale de maintenir des services dans les régions est un facteur qui préoccupe beaucoup de monde.
Quand on pense à des fusions comme on en a fait en 1998, on a peut-être changé d'attitude depuis parce qu'on est conforté par certaines des réponses que toutes les banques nous donnent, mais la préoccupation demeure fondamentale.
Vous avez accès à un marché qui, à mon avis, est à la recherche de financement additionnel. Au Québec, des institutions financières relèvent directement ou indirectement du gouvernement provincial. La préoccupation constante des hommes d'affaires que je rencontre est de savoir comment les nouvelles entreprises et les individus qui veulent obtenir un financement prioritaire vont avoir accès à un financement des banques à charte? C'est une préoccupation que vous devez connaître parce qu'on l'entend à tous les jours.
J'aimerais que vous élaboriez sur la notion de manque de compétitivité advenant une fusion des banques, surtout pour les PME et les individus.
M. Raymond: J'écoutais les commentaires de M. Glynn selon lesquels il y a des joueurs qui arrivent dans le marché canadien. C'est vrai. HSBC en est un bon exemple. Ces gens ont réussi grâce à leur expertise et ils ont réussi à pénétrer le marché en achetant des banques existantes ou des succursales de banques existantes. Cela a été leur façon d'entrer et de réussir, contrairement à d'autres qui sont partis de zéro. C'est très difficile à faire.
Pour ce qui est de l'accessibilité aux services, — et vous parlez des PME en particulier — la préoccupation que j'ai avec les joueurs de l'étranger, c'est qu'ils jouent dans des niches. MBNA vend des cartes de crédit à une couche de la population qui les intéresse; le reste ne les intéresse pas. GE fait du «leasing» et du financement à un type de clientèle, ce qui est tout à fait légitime, mais cela ne répond pas nécessairement aux besoins d'une PME située en région. Seules les banques canadiennes établies qui offrent une panoplie de services vont répondre à cette demande. C'est pourquoi on joue ce rôle de façon efficace au Québec, dans les PME, si je me fie aux parts de marché qu'on a. Donc, c'est un rôle qu'on connaît bien et qu'on est capable de jouer dans d'autres marchés puisqu'on connaît déjà bien cela et qu'on a une expertise dans ce marché.
Ce qui est important de se souvenir, ce n'est pas qu'il y a des joueurs de l'extérieur, mais plutôt ce qu'ils veulent faire sur le marché canadien. Si c'est seulement réaliser une affaire qui sera la meilleure, cela ne règle pas le problème de la compétition.
Le sénateur Setlakwe: Cela répond partiellement à ma question. La préoccupation est profonde. Si les banques délaissent des succursales en région, vous allez rester surtout au Québec. On a l'avantage d'avoir également les caisses populaires. Dans l'Ouest, ils ont les «credit unions», mais mon collègue le sénateur Tkachuk a souligné que les «credit unions» de l'Ouest ont acheté des succursales de la Banque de Montréal. Cependant, il n'y a pas plus de compétition pour autant. Il y en a moins!
M. Raymond: On a fait la même chose au Québec en achetant 17 succursales de la Banque de Montréal en régions.
Le sénateur Setlakwe: Il y en a une qui est vide à Thetford Mines.
M. Raymond: C'est parce qu'on en avait déjà deux.
Le sénateur Angus: Merci beaucoup de votre visite à notre comité. Tout d'abord, je me souviens au Québec d'une banque qui s'appelait la Banque provinciale du Canada. Avez-vous fusionné avec la Banque provinciale?
M. Raymond: La Banque nationale vient de la fusion de la Banque canadienne nationale et de la Banque provinciale.
Le sénateur Angus: Cela s'est produit quand?
M. Raymond: En 1979.
Le sénateur Angus: Cette fusion s'est bien déroulée?
M. Raymond: Oui. Cela prend du temps, mais cela s'est bien déroulé.
[Traduction]
M. Raymond: Ce n'est pas facile à faire, vous savez.
Le sénateur Angus: Non, non.
M. Raymond: Cependant, nous sommes là, et nous prenons plus de place.
[Français]
Le sénateur Angus: Aujourd'hui, c'est une banque avec des actionnaires. C'est une «widely held»? Combien d'actionnaires avez-vous?
M. Raymond: Notre banque correspond aux grandes banques canadiennes, donc une banque à charte, réglementée par le gouvernement fédéral, dont environ 25 p. 100 de nos activités sont à l'extérieur du Québec. On s'en va vers le 30 p. 100 suite à des acquisitions récentes. Nous avons environ 540 succursales, 800 guichets automatiques. En fait, je devrais dire 1 300 guichets automatiques parce que tout comme M. Glynn, on s'est joint au réseau Exchange, à l'extérieur du Québec pour offrir des services à nos clients, ce qui donne accès à 1 300 guichets automatiques.
Le sénateur Angus: Vos actions sont cotées en bourse. Vous avez combien d'actionnaires?
M. Raymond: Il y a 185 millions d'actions en circulation. Il n'y a aucun actionnaire de contrôle, tout comme pour les autres banques canadiennes. Aucun actionnaire n'excède aujourd'hui 10 p. 100 de l'actionnariat.
Le sénateur Angus: À combien se situe votre capitalisation boursière actuelle?
M. Raymond: À près de 6 milliards de dollars.
Le sénateur Angus: Sur le plan de l'avoir des actionnaires, vous êtes le sixième?
M. Raymond: Oui, le sixième.
Le sénateur Angus: Combien avez-vous?
M. Raymond: Nous faisons partie de la deuxième catégorie, donc des banques qui ont une valeur au livre en dessous de 5 milliards de dollars. En fait, on est à 3,8 milliards au livre, donc ce qui permet, selon la législation existante, d'avoir éventuellement un partenaire qui pourrait prendre jusqu'à 65 p. 100 des actions de la banque. Dans le cas d'une fusion, cela peut être une option additionnelle si la transaction est tellement grande qu'on a besoin d'un partenaire pour nous appuyer. C'est déjà prévu par la loi.
Le sénateur Angus: Avez-vous des actionnaires à l'étranger?
M. Raymond: Oui.
Le sénateur Angus: Combien?
M. Raymond: Cela varie. Entre 15 à 25 p. 100 de notre actionnariat est détenu par des fonds ou des actionnaires étrangers.
Le sénateur Angus: C'est beaucoup.
M. Raymond: Historiquement, c'est probablement une des banques la plus largement détenue pas des étrangers. C'est facile à comprendre parce que c'est un modèle d'affaires que je définis comme une banque super régionale. C'est très bien connu aux États-Unis. C'est un modèle que les banquiers américains comprennent très bien, soit une banque qui a des parts de marchés dans un marché défini qu'il connaît bien. Cela a beaucoup de succès aux États-Unis. Lorsqu'ils évaluent la Banque nationale du Canada, souvent, ils achètent nos actions.
Le sénateur Angus: Vous dites que vous n'avez aucun actionnaire au-delà de 10 p. 100. En avez-vous à près de 9 p. 100?
M. Raymond: C'est possible qu'à l'occasion, on en ait en bas de 10 p. 100, sinon ils auraient à déclarer leur actionnariat.
Le sénateur Angus: La Caisse de dépôt est-elle actionnaire chez vous?
M. Raymond: Je ne pourrais pas vous dire si c'est un actionnaire, mais la Caisse de dépôt détient probablement des actions d'à peu près toutes les banques au Canada pour jouer son rôle de gestionnaire de fonds. Elle a sans doute des actions de la banque. Il n'y a aucun phénomène de contrôle et personne de la Caisse de dépôt ne siège à notre conseil d'administration.
Le sénateur Angus: Je comprends, mais la Caisse de dépôt est peut-être près de 9 p. 100?
M. Raymond: Cela peut aller jusque là à certains moments. Aujourd'hui, je ne peux pas vous répondre.
Le sénateur Angus: Vous avez une idée?
M. Raymond: Aujourd'hui, je n'ai pas vérifié cela. Ils ont le droit d'acheter et de vendre. S'ils ont vendu hier, je ne le sais pas.
Le sénateur Angus: Je crois que la Fidelity, le fonds des Américains, est actionnaire chez vous?
M. Raymond: Il y a de gros fonds, dont la Fidelity qui est certainement un actionnaire sur une base régulière chez nous.
Le sénateur Angus: Un actionnaire important?
M. Raymond: Oui.
Le sénateur Angus: Lorsque vous dites que vous avez à peu près 25 p. 100 des actionnaires de l'étranger, est-ce qu'ils sont surtout aux États-Unis?
M. Raymond: Principalement, mais ce n'est pas seulement un actionnaire, ce sont plusieurs fonds américains qui investissent au Canada et qui achètent des actions de la banque.
Le sénateur Angus: Êtes-vous d'accord avec ce qu'a dit M. Glynn, qui a comparu juste avant vous?
M. Raymond: Je suis d'accord. Je pense que la Banque HSBC Canada représente une possibilité, advenant des fusions bancaires, de faire partie de la solution, d'être parmi les acquéreurs d'actifs qui feraient en sorte d'assurer la pérennité de la compétition au Canada, tout comme la Banque nationale.
Le sénateur Angus: Vous n'êtes pas en désaccord avec rien de ce qu'il a dit tout à l'heure?
M. Raymond: Non.
Le sénateur Angus: Vous n'aimez pas la réglementation abusive ni la réglementation tout court. Il y a quelques semaines, vous avez prononcé un discours que j'ai bien aimé, où vous disiez que vous préféreriez que ce soit le secteur privé, soit les marchés commerciaux, qui règle les fusions et autres situations dont on parle. Ai-je bien compris votre discours?
[Traduction]
M. Raymond: Moins la politique interviendra dans les fusions futures dans notre pays, mieux ça vaudra pour tous les intéressés: les employés, les actionnaires, tout le monde. Je rêve peut-être en couleur, mais je vois que la plupart des pays développés ont en place des mécanismes qui sont bien conçus et bien définis, et dans la plupart des cas, on évite le jeu politique.
Le rôle du gouvernement consiste bien sûr à voter des lois qui assurent aux institutions financières un milieu sain et favorable.
Le sénateur Angus: Avec un minimum d'intervention de l'État.
M. Raymond: Cependant, étant donné que nous sommes un représentant fiduciaire, nous ne gérons pas notre propre argent, nous avons besoin de régulateurs attentifs qui nous suivront pas à pas, et je suis tout à fait en faveur de cela.
Le sénateur Angus: Dans les cas où c'est nécessaire.
M. Raymond: Oui, c'est exact.
Si des fusions se font dans notre pays, et si l'on décide d'alourdir le fardeau législatif des acteurs en place, je ne crois pas que ce soit productif, qu'il s'agisse des actionnaires ou des clients. C'est ce que je crois.
Le sénateur Angus: Bien. À ce sujet, vous dites dans votre mémoire que tout nouveau règlement ou contrôle que l'on impose pèsera plus lourd sur les institutions comme la Banque nationale que sur les grandes banques. Pouvez-vous nous expliquer cela, s'il vous plaît.
M. Raymond: C'est simplement qu'il faut avoir des gens pour s'occuper de cela, et cela alourdit nos coûts. Au Canada, il y a 11 commissions des valeurs mobilières et le Bureau du surintendant des institutions financières. Il y a aussi la SADC. C'est bien, mais nous devons faire affaire avec ces messieurs. Il y a aussi les lois provinciales qui interviennent. Cela fait déjà beaucoup.
Ajoutez à cela le fardeau qui consiste à répondre à toutes les demandes, les sondages, les rencontres, tout cela alourdit le coût de faire affaire. Des règlements inutiles ne font que rendre plus cher le coût de faire affaire dans notre pays, et si vous êtes une petite entreprise, la structure que vous avez pour absorber ces coûts supplémentaires est bien sûr moindre.
Le sénateur Angus: C'est donc à cet égard que le fardeau est plus lourd pour vous, du fait que votre banque est plus petite. En clair, c'est la paperasserie.
M. Raymond: C'est cela.
Le sénateur Angus: C'est l'infrastructure dont vous avez besoin.
M. Raymond: Absolument.
Le sénateur Kroft: J'aimerais parler du processus et de la structuration des transactions. J'ai trouvé fascinante votre description de ce qui constituerait la structure idéale pour les transactions.
Je vais vous expliquer ce qui est devenu évident pour la plupart d'entre nous dans la situation actuelle. M. Clark, de la TD-Canada Trust, nous l'a expliqué hier avec la plus grande clarté. Dans la situation actuelle, si deux banques souhaitent fusionner ou non, que les gens le veulent ou non, les grandes banques se sentent obligées en quelque sorte d'entrer dans le jeu, presque à leur corps défendant, avec la crainte que si elles ne fusionnent pas, d'autres banques fusionneront. Il faut être prêt tout de suite à transiger, parce que si une fusion se produit, la concurrence change aussitôt, et si la concurrence joue moins, vous pourriez vous faire jouer un tour et vous retrouver face à des règles différentes. Il a réussi, en tout cas en ce qui me concerne, à bien expliquer sa position. D'une manière ou d'une autre, la plupart des PDG qui étaient avec nous hier nous ont expliqué les choses de cette façon.
Pour structurer les choses d'une manière constructive, M. Clark a fait une proposition que je vous soumets. Vous avez peut-être pris connaissance de ses propos d'hier ou non, ou vous les avez peut-être entendus à une autre occasion. Il disait que, pour égaliser les chances, nous devrions éliminer ce qu'il a qualifié de système du premier arrivé premier servi, de telle sorte que dès qu'on proposerait une fusion, on permettrait aux autres banques qui songeaient à conclure une transaction de rendre publiques leurs propositions de fusion. Les décideurs, et j'imagine que cela englobe les considérations de prudence, de concurrence ainsi que politiques, seraient saisis de toutes ces transactions potentielles et pourraient porter un jugement parfaitement éclairé qui serait équitable pour tous.
J'ai trouvé cette idée intéressante, et chose certaine, je la trouve très équitable. Cela nous donnerait un vrai marché qui fonctionne parce que tout le monde serait sur un pied d'égalité. Cela dit, je lui ai demandé s'il ne trouvait pas cela trop interventionniste parce que l'on dicterait alors les termes de toutes les transactions. J'étais curieux. Il me reste des doutes sur la manière dont ces processus fonctionneraient dans la pratique. Je veux seulement savoir ce que vous pensez de ces idées.
M. Raymond: C'est un concept intéressant. Je ne vois toutefois pas comment cela fonctionnerait en pratique. Comme je n'ai pas entendu l'exposé de M. Clark, voyons si j'ai bien compris. Vous dites que si une fusion est proposée, vous la laissez sur la table en attendant de voir si d'autres groupes ont un point de vue différent à exprimer ou une structure différente à proposer, pour la même fusion. Ai-je bien compris?
Le sénateur Kroft: Oui, ils peuvent aussi présenter leurs idées, là-dessus, quelles qu'elles soient.
M. Raymond: C'est un concept intéressant, qui pourrait fonctionner, si les règles sont connues, d'avance. Les contre- offres devraient être présentées dans des délais très précis, disons 30 ou 45 jours. Il faudrait évidemment qu'on traite de l'intérêt public et de la concurrence locale. C'est comme pour les offres publiques, quand toutes nos sociétés essaient d'en gober une autre. Et cela revient à ce que je disais, à savoir que le marché fonctionnera dans l'intérêt des actionnaires et des clients.
C'est à mon avis une bonne idée. Il faut toutefois exercer un contrôle en matière de délais et du nombre d'intervenants possible, sans aucun doute.
Le sénateur Kroft: Pour ce qui est du nombre d'intervenants, dans les discussions sur les fusions, on se concentre sur les cinq grandes banques, surtout depuis 24 heures.
Vous avez parlé plus tôt de votre capacité de jouer un rôle différent, un rôle de facilitateur pour réunir les parties. Dans le cadre d'une formule de ce genre, est-ce que vous, comme d'autres, pourriez davantage jouer un rôle, selon le degré de perfection du marché en ce qui concerne le partage de l'information?
M. Raymond: La grande différence, pour nous, c'est qu'on négocierait avec des parties qui nous plaisent. C'est pourquoi cette idée nous séduit. Ce serait bien plus facile parce qu'on pourrait discuter avec une autre partie de ce qu'on veut faire. On réduirait alors les incertitudes inquiétantes associées à la proposition.
Par exemple, si je dis à Ed Clark: «Voyons ensemble si nous ne pourrions pas faire mieux, au sujet de telle ou telle transaction». Alors, chacune des parties sait très bien ce qu'elle peut faire. Elles peuvent fixer un prix et présenter une offre. Ainsi, toute l'incertitude entourant la transaction serait atténuée, du moins pour la Banque nationale et la Banque TD. C'est positif. En pareil cas, je dirais que la Banque nationale pourrait jouer un rôle très positif avec ce processus.
Le sénateur Kroft: Dans le cadre de ce processus, pensez-vous que l'intérêt public serait aussi mieux servi et protégé?
M. Raymond: Probablement, oui. S'il y a deux ou trois propositions, il serait facile pour, par exemple, votre comité, le BSIF ou le Bureau de la concurrence de déterminer quelle proposition est la plus sensée du point de vue de l'intérêt public. Je réponds donc: oui.
Le sénateur Kelleher: Le gouvernement, par l'intermédiaire de M. Manley, nous a principalement demandé de nous pencher sur ce qu'était «l'intérêt public». Lors de sa comparution hier, M. Clark a laissé entendre que nous étions trop réglementés et qu'on n'avait surtout pas besoin de nouveaux règlements. On en a parlé un peu. Il se demandait s'il était nécessaire pour nous de se pencher sur cette question. J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Faut-il clarifier le concept d'intérêt public?
M. Raymond: Je crois moi aussi que nous n'avons pas besoin de lois ou de règles supplémentaires. Il y en a déjà beaucoup.
Ce qui est moins clair, c'est l'aspect subjectif de l'intérêt public. Je vous avoue que je ne sais pas vraiment ce que cela signifie. Si je ne sais pas ce qu'est «l'intérêt public», comment puis-je présenter une proposition de fusion, sans savoir exactement la durée du processus ni si j'ai bien tenu compte de l'intérêt public? Je ne sais pas très bien ce qu'on veut dire par là.
Je peux présumer qu'il doit y avoir suffisamment de concurrence pour servir les clients canadiens. Pour ma part, ça s'arrête là. Si vous réglez cette question en décidant de cette définition — et je parle d'une définition et non de règles supplémentaires — en la précisant davantage, aucune loi supplémentaire n'est nécessaire pour le reste, puisque l'intérêt public serait pris en compte.
Qu'est-ce que l'intérêt public? C'est, pour le public, d'être bien servi et de pouvoir choisir. Mais il reste que ce n'est pas tout à fait clair. Il y a déjà une certaine subjectivité. J'ai lu le concept d'intérêt public. Au bout du compte, le ministre des Finances, après que toutes ces étapes auront été franchies, pourra tout de même imposer son veto sur toute transaction. Cela ne fait qu'ajouter à l'incertitude ressentie par les intervenants, soit les banquiers, leurs clients et leurs employés.
Pouvez-vous imaginer la pression, les angoisses et les coûts associés à un processus qui durerait un an? Si on peut préciser la définition pour que tous comprennent le processus, les délais, la concurrence, et que tous comprennent bien dès le début ce dont les banques qui fusionnent devront disposer, on peut agir très rapidement.
Même ceux qui devront se réunir pour se dessaisir des éléments d'actif connaîtront les règles en négociant avec le BSIF ou le Bureau de la concurrence, ou avec les deux, plutôt que d'attendre jusqu'à la troisième étape du processus, juste avant la décision du ministre des Finances, pour décider des mesures correctives qui devront être prises pour que la fusion ait lieu. Si on peut préciser cela, c'est tout ce que nous demandons.
Le président: Chers collègues, je me pose une question. Je crains que nous ayons limité nos questions sur l'intérêt public ou sur l'intérêt du Canada presque seulement à ce qui est bon pour le public qui doit avoir accès aux succursales bancaires. Cette question s'insère sûrement dans un contexte plus vaste et j'espère que nous y arriverons, à un moment donné.
[Français]
Le sénateur Hervieux-Payette: En fait, sans me faire l'avocat du diable, qu'est-ce qui suscite l'opposition des citoyens en général? La dernière fois, c'était la même chose. Les gens ne comprennent peut-être pas l'intérêt du Canada à aller de l'avant. Est-ce à nous de le dire ou est-ce aux banques d'informer les gens que c'est dans l'intérêt du Canada. Il me semble qu'il appartient à ceux qui veulent vendre le projet de le faire.
Par contre, mon collègue et moi recevons souvent des plaintes des petites entreprise qui disent que c'est difficile pour eux. Je vais vous mettre dans l'eau chaude. La même banque a prêté de l'argent à Canary Wharf et le projet n'a pas bien fonctionné. Vous et plusieurs autres banques canadiennes avez perdu plusieurs millions de dollars. Par contre les petites entreprises soutiennent que lorsqu'elles veulent emprunter 50 000 $, vous leur imposez toutes sortes de règles. Il est plus difficile d'obtenir un grand prêt qu'un petit prêt. Vous nous dites que cela coûte aussi cher pour accorder un petit prêt qu'un grand prêt. De là, l'intérêt de consentir des grands prêts. J'aimerais que les informations sur les prêts à taux variable, par exemple, soient données au public. Si vous représentez un plus grand risque, le taux sera à 15 p. 100.
Il me semble qu'il y a des services qui ne sont pas offerts ou les gens ont l'impression qu'ils ne le sont pas. Les banques étrangères ne les ont pas offerts et les banques canadiennes ne les offrent pas. C'est un irritant. Les gens disent qu'ils ne sont pas pour rendre les banques plus grosses pour qu'elles donnent des services à l'extérieur du pays pendant que nous, nous n'aurons même pas des services fondamentaux de base.
Quelles mesures prennent les banquiers pour exprimer à la population que leurs propres besoins sont étudiés sérieusement? Est-ce que vous donnez cette information seulement à vos propres clients? J'ai l'impression qu'il y a une pénurie d'information sur les services dont on peut s'attendre d'une banque qui est de servir les PME et les clients individuels avec lesquels vous faites de bons profits.
M. Raymond: L'industrie a-t-elle fait du bon travail pour expliquer la nécessité des fusions au Canada? Probablement que non. On pourrait travailler mieux encore et on doit engager tous les participants à mieux expliquer notre rôle et les avantages des fusions.
Un des avantages est une intégration en Amérique du Nord. Ce n'est pas qu'on ait le choix ou non, il y en a une qui a pris place et qui est en cours. Cette intégration veut dire qu'il y a une consolidation dans plusieurs secteurs industriels, les pâtes et papiers, les produits forestiers, le pétrole et le gaz. Je pourrais en nommer plusieurs dont la taille relative des entreprises est en croissance importante. Le problème des banques canadiennes est de suivre la croissance de ces entreprises.
Deuxièmement, souvent on entend dire que les PME ont de la difficulté à avoir accès à du financement. C'est curieux, mon collègue Houde est responsable de recevoir les plaintes des individus et des grandes entreprises. J'ai fait partie du Conseil d'administration de l'ombudsman des banques canadiennes. Si vous saviez le peu de plaintes réelles qu'on reçoit des entreprises qui se plaignent de ne pas avoir été servies correctement, c'est très limité.
Le sénateur Prud'homme: Elles ont peut-être peur de se plaindre.
M. Raymond: Je ne vois pas pourquoi elles auraient peur. Il faut se rappeler qu'une banque n'est pas un investisseur, c'est un prêteur. Malheureusement, souvent dans les structures financières de très petites entreprises, on ne distingue pas nécessairement ce qu'est un investissement en capital et un prêt. Ce n'est pas notre rôle d'investir dans les entreprises. D'où la confusion qui, malgré toutes nos explications, demeurera. Les bonnes idées ne sont pas suffisantes. Il faut un plan d'affaires qui se tient et un peu de capital pour appuyer le tout.
Une banque a de son côté droit du bilan, des dépôts de particuliers qui veulent être payés lorsque l'échéance arrive. Ce ne sont pas des investisseurs qui sont prêts à prendre des risques de capital. Ils mettent de l'argent en sécurité. Il faut jouer notre rôle de fiduciaire. Ce n'est pas seulement une question de prix. Le prix/risque doit jouer, c'est notre rôle de faire en sorte qu'on couvre nos risques en facturant le bon prix, mais à un certain niveau, ce n'est pas une question de prix, mais plutôt de savoir si c'est une question d'équité ou un prêt. Il y a beaucoup de confusion dans la petite entreprise à cause de cela et cela fait partie de l'explication de mieux aider les petites entreprise à définir leur plan d'affaires, à se trouver du capital. Cela dit, la Banque nationale, comme plusieurs autres, joue son rôle dans l'investissement aussi. Elle participe aux fonds régionaux au Québec, entre autres, et dans toutes les grandes régions, pour que, s'il y a des plans d'affaire intéressants, les PE puissent avoir recours à ces fonds pour obtenir du capital. Ce qu'ils recherchent, ce n'est pas nécessairement du financement bancaire. Une fois le capital assuré sur une base raisonnable, il y a suffisamment de compétition pour couvrir le financement bancaire.
Le sénateur Hervieux-Payette: Prenons l'exemple d'un citoyen moyen qui voit sa facture de frais de service augmenter. Jusqu'à ce jour, le service était gratuit ou à moindre coût. Ce sont des contrats d'adhésion un peu frustrants, parce que le client reçoit peut-être plusieurs services de cette banque et il est captif. Où il change tout parce qu'il n'est pas content des derniers frais de service et il n'a pas le choix. Je parle pour les gens qui ont de petites sommes d'argent et qui font des transactions. Je parle des ATM qui de plus en plus deviendront dispendieuses. Au début, ce n'était pas très cher, mais maintenant, on facture plusieurs services. Souvent des gens retirent de petites sommes d'argent et pour 100 $, ils paieront un pourcentage extrêmement élevé.
Ce sont des irritants et les gens se disent que les banques font suffisamment d'argent sur leur dos, que si, en plus, elles veulent aller sur les marchés étrangers, ils pensent que les banques prennent leur l'argent pour aller ailleurs. Vous devez réfuter cette mythologie.
J'ai fait une petite conférence à Toronto sur les lignes directrices du Bureau de surintendant, qui d'ailleurs, n'était pas content de mes propos. Ces lignes directrices sont déjà trop lourdes et on devrait les réexaminer. Elles imposent une façon de gérer comme dans le cas des contrats donnés à l'extérieur. Tout est réglementé et fait d'avance.
Le client moyen ne sait pas que vous avez à couvrir tous ces frais reliés à des demandes que nous vous faisons. Il est important que vous donniez cette information et que les personnes, dans le cas des frais de service, n'aient pas l'impression d'être captives de votre système.
M. Raymond: La nouvelle législation mise en place a toute une mécanique pour couvrir l'aspect des augmentations de frais pour les services et oblige les institutions financières à offrir davantage de service définis à un coût minimal de base.
Deuxièmement, on ne peut pas augmenter sans aviser les gens à l'avance. Le client a l'option de modifier, sans frais, si ce qu'on lui propose ne fait pas son affaire. La tarification peut changer sans frais et utiliser d'autres types de services.
Toutefois, je retiens votre commentaire voulant qu'on devrait améliorer nos façons de communiquer et cela nous aiderait sans doute à vendre nos idées. On est là pour servir les particuliers et les PME. Il faut comprendre qu'il y a une intégration en cours en Amérique du Nord. Si vous voulez un système financier canadien qui continue à appuyer les entreprises de façon efficace, il faut se donner des règles de jeux claires qui nous aideront à jouer ce rôle.
Cela dit, le rôle du surintendant est important. Nous sommes fiduciaires des fonds qui nous sont confiées. Un régulateur qui joue son rôle, c'est important. Aux États-Unis, le Federal Reserve System joue ce rôle. On doit en avoir une au Canada. C'est la «surréglementation» qui ne serait pas productive et non pas la réglementation.
Le sénateur Hervieux-Payette: Nous devons faire notre part. Comme c'est un objectif — vous pouvez l'expliquer aux citoyens — vous pouvez faciliter notre tâche pour faire des recommandations. Vous disposez de moyens beaucoup plus grands que nous pour faire connaître cela au public.
Ce matin, le responsable de ING disait qu'il avait 600 000 clients. On trouvait cela assez impressionnant. Ils ont réussi à cause d'une publicité extrêmement simple et des frais de service forts intéressants pour les clients. Tout le monde a compris cela. Ils ont pénétré le marché d'une façon relativement rapide. Quand le message va aux consommateurs, il est dans l'intérêt du Canada et des Canadiens d'appuyer nos compagnies. Par exemple, Bombardier se développe dans le monde entier. Vous pouvez participer au consortium qui aidera à les financer. C'est important que cette information vienne de vous.
M. Raymond: J'en prends bonne note.
Le sénateur Prud'homme: Le sénateur Hervieux-Payette a touché un point important. Je suis membre du Comité des banques et du commerce depuis peu, alors j'arrive avec un esprit curieux. J'ai dit à tous les présidents de banque que je n'avais jamais rencontré:
[Traduction]
Ils n'expliquent pas bien du tout aux Canadiens ce qu'est notre système bancaire.
[Français]
J'ai été député 30 ans et je suis au Sénat depuis 10 ans, cela fait donc 40 ans de vie publique. Il est impossible que chaque fois qu'ils sortent des données faisant état des profits des banques, cela devienne une campagne de démagogie à laquelle personne ne répond.
Il y a 232 000 employés qui travaillent dans les banques. Quelle contribution leur demande-t-on pour leur bien-être? Je n'en vois pas beaucoup, pour être franc. C'est peut-être parce que les relations ne sont pas harmonieuses entre le patronat et les employés, mais j'en doute. C'est peut-être parce que cela manque de vitalité de ce côté. Vous voyez que je veux rester positif.
J'aimerais que vous commentiez sur ce qui suit. Pour toutes les raisons invoquées par vous et par tous les autres présidents des banques — telles que l'incertitude et autres — si ce comité annonçait comme recommandation que pour les deux prochaines années ou jusqu'au 1er janvier 2005, on oublie toute la question des fusions, quelle serait votre réaction?
Je répète donc ma question. Quelle réaction auriez-vous si notre rapport arrivait à cette conclusion première de l'abandon des questions de fusion et si, deuxièmement, notre recommandation visait à bien fixer les règles du jeu en disant qu'il n'y aurait pas de favoritisme?
M. Raymond: Qu'il n'y ait pas de favoritisme et que les règles soient claires, c'est ce que je suis venu présenter. Je suis donc d'accord avec votre commentaire. Pour ce qui est d'avoir une date fixe dans le temps, il y a déjà un processus en cours et une législation en cours. D'après moi, cela ne devrait pas être lié à un gouvernement ou à une réélection ou à une élection. En principe, les règles qui sont dans la loi ou dans la législation ne font pas état du fait que cela ne peut pas arriver un an avant une réélection ou six mois après une réélection. Je n'ai donc pas de position là-dessus. Il est certain que si le gouvernement décidait qu'il n'y avait pas de possibilité de fusion, cela rendrait les choses plus claires, à tout le moins. Mais ce serait un peu incongru de la part d'un gouvernement d'agir comme cela, à mon avis.
Le sénateur Prud'homme: Vous savez, le gouvernement n'a pas cessé de vous surprendre.
M. Raymond: Sans aucun doute.
[Traduction]
Le président: Messieurs, merci d'être venus.
Mesdames et messieurs, le témoin suivant est Mme Sue Lott, du Centre pour la défense de l'intérêt public.
Mme Sue Lott, conseillère juridique, Centre pour la défense de l'intérêt public: Merci pour cette occasion de participer aux travaux du comité sur les principaux éléments à considérer dans la détermination de l'intérêt public. Je tiens particulièrement à remercier le greffier, M. Denis Robert, d'avoir accepté ma participation à vos délibérations, à la dernière minute.
Il est important que le comité entende des voix diverses au sujet de l'interprétation du terme «intérêt public» et pas seulement la voix du secteur bancaire, mais aussi celle du consommateur ou du client.
Permettez-moi d'abord d'expliquer qui nous sommes. Le Centre pour la défense de l'intérêt public, est un organisme sans but lucratif. Nous offrons des services juridiques et de recherche aux Canadiens et aux organismes qui les représentent. Notre travail porte principalement sur d'importants services publics, notamment dans le secteur des télécommunications, de la radiodiffusion, de l'énergie, des services financiers et des transports publics.
Nous représentons également des coalitions de consommateurs vulnérables ou à faible revenu devant les organismes de réglementation comme la Coalition de l'énergie de l'Ontario et le CRTC, pour le volet des télécommunications. Par ailleurs, nous faisons des études sur les questions de consommation qui touchent les marchés, grâce à des programmes de contribution destinés aux organismes sans but lucratif et bénévoles et aux associations de consommateurs, programmes qui sont administrés par le Bureau de la consommation et les affaires commerciales, qui relèvent d'Industrie Canada. Cela inclut les services financiers.
Le Groupe de travail MacKay a recommandé, entre autres, que l'on accorde ce genre de subventions pour la réalisation d'études sur les services financiers offerts aux consommateurs. Nous venons de publier le compte rendu d'un sondage que nous avons effectué auprès de personnes qui ont recours aux services financiers non conventionnels, notamment aux centres d'encaissement de chèques et aux établissements qui consentent des prêts de courte durée remboursés au moment où le client touche son chèque de paie.
Nous nous occupons de cette question depuis longtemps. Nous avons présenté des mémoires au groupe de travail MacKay, avant que je ne me joigne à notre organisme, ainsi qu'au Comité permanent des finances de la Chambre des communes, relativement au projet de loi C-8. Nous entretenons également des rapports suivis avec le ministère de la Consommation et des Affaires commerciales, de même qu'avec l'Agence de la consommation en matière financière du Canada.
J'aborderai brièvement les questions soulevées par les ministres Manley et Bevilacqua dans la lettre qu'ils ont adressée à votre comité et à l'autre comité. J'aimerais également commenter les lignes directrices sur lesquelles vous vous fondez pour évaluer l'intérêt public en ce qui concerne les fusions bancaires.
Dans la lettre en question, ces deux ministres mentionnent, entre autres, l'accès aux services financiers et le choix. Le prix des services n'est pas mentionné dans cette lettre, mais il figure bel et bien dans les lignes directrices du Bureau de la concurrence relatives aux fusions; il en est fait mention à la page 2 de ces lignes directrices. La question du prix des services figure également dans les lignes directrices du ministère des Finances concernant l'examen de fusions. Elle figure dans la déclaration sur l'incidence sur l'intérêt public qui doit être rédigée. Cela correspond à la deuxième puce.
Premièrement, en ce qui concerne l'accès au service...
Le président: Excusez-moi de vous interrompre. Si vous mentionnez la lettre des ministres, ne devriez-vous pas commenter les quatre éléments soulevés dans cette lettre?
Mme Lott: Je vais aborder l'accès, le choix et le prix des services.
Le président: N'aborderez-vous pas le sujet de l'avantage économique futur pour le Canada?
Mme Lott: C'est possible, mais je n'avais pas prévu le faire.
Le président: Je ne veux pas vous dire quoi dire, mais si vous faites mention de la lettre...
Mme Lott: J'aborderai les éléments de la lettre qui intéressent les consommateurs.
Le président: Autrement dit, la partie de la lettre qui vous intéresse.
Mme Lott: Je parlerai de ce qui importe pour les consommateurs, à mon avis. L'intérêt public comporte de nombreux aspects.
Le président: D'accord. Comme vous avez fait mention de cette lettre, je vous inviterais à la commenter dans sa totalité.
Mme Lott: Vous avez entendu le point de vue des représentants de ce secteur, qui ont sans doute traité de bon nombre de ces autres questions. C'est pourquoi je vais surtout m'attacher aux questions qui intéressent les consommateurs.
La première est l'accès aux services. Elle englobe la possibilité d'avoir accès aux services bancaires de base d'une part, et à des succursales bancaires, d'autre part. Ce sont là deux aspects de l'accessibilité des services. Cette question revêt une importance particulière pour les consommateurs handicapés et pour ceux qui ont de faibles revenus ou qui vivent en milieu rural. Le rapport MacKay a qualifié de problème sérieux les difficultés qu'éprouvent les Canadiens à faible revenu à obtenir des services bancaires de base.
Pour contrer ce problème, il faut qu'il existe des comptes bancaires standard à faible coût. Il s'agit simplement de donner au consommateur la possibilité d'encaisser un chèque du gouvernement fédéral. Il peut également s'agir des modalités d'obtention d'une marge de crédit, d'une autorisation de découvert et de prêts à court terme. Nous savons que le gouvernement fédéral entend réglementer certains de ces domaines, pour favoriser l'accès aux services bancaires de base, et nous nous en réjouissons. Pour réaliser notre étude du secteur des services financiers non conventionnels, nous avons interrogé des clients des comptoirs comme Money Marts, et des établissements de prêts à court terme où l'on peut encaisser un chèque. Ce sondage a révélé que les banques ne répondent pas aux besoins financiers à court terme des consommateurs. Cela explique que les consommateurs se tournent vers ces solutions de rechange qui leur coûtent cher, puisque ces établissements perçoivent des frais élevés pour encaisser les chèques ou encore qu'ils contractent des emprunts qu'ils doivent rembourser dès qu'ils touchent leur paye.
La question que nous posons est la suivante: comment les fusions bancaires répondront-elles aux problèmes d'accès? Comment le dessaisissement des services de base et d'autres entités comme les institutions de propriété étrangère et les institutions n'acceptant pas de dépôt protégera-t-il les consommateurs vulnérables et garantira-t-il, voire améliorera-t- il l'accès aux services?
Sur la question de l'accès aux succursales, nous avons vu des succursales fermer leurs portes pour être remplacées par des guichets automatiques bancaires. Nous savons que le groupe de travail MacKay a fait état de ce problème dans son rapport. Nous craignons que ce phénomène ne fasse qu'éloigner davantage les clients de leur banque et qu'affaiblir la relation directe. Nous posons donc la question: Comment les fusions, avec la rationalisation des services qui suivra inévitablement, amélioreront-elles l'accès à une succursale? Comment les fusions freineront-elles la détérioration de la relation qu'entretiennent les banques avec leurs clients? Comment les fusions garantiront-elles que les régions à faible volume, en particulier les milieux ruraux et les régions éloignées, continueront à jouir d'un accès aux services bancaires?
Ce qui nous inquiète dans les directives du ministère des Finances régissant le processus d'étude des fusions bancaires, c'est que, au point numéro 3, sous la rubrique «Évaluation de l'incidence sur l'intérêt public», on laisse entendre que les fermetures de succursales sont inévitables, et dès lors, cela devient une question de choix du moment opportun et d'évaluation de l'impact socio-économique.
Nous nous intéressons ensuite à la question du choix. Nous sommes d'accord avec les lignes directrices pour l'application de la «loi au fusionnement des banques» du Bureau de la concurrence. On y fixe les objectifs principaux. À la page 2 des lignes directrices, on peut lire, notamment:
... de préserver et de favoriser la concurrence dans l'économie canadienne, afin de fournir aux consommateurs un large éventail de produits de grande qualité à des prix concurrentiels.
Nous nous demandons: comment les fusions favoriseront-elles la concurrence et le choix? Nous sommes inquiets que les directives du ministère des Finances portent davantage sur les mesures d'atténuation telles que le dessaisissement. Il en est d'ailleurs fait mention à la puce numéro 7 des directives. Sa signification véritable nous inquiète. Lundi, j'écoutais le témoignage de fonctionnaires du ministère des Finances. Pour répondre à une question qui leur avait été posée à propos de la définition du «dessaisissement», ils ont cité un exemple. Ils ont dit que cela désignait les «nouveaux concurrents», comme les banques étrangères. Si ma mémoire est bonne, ils ont cité l'exemple de l'acquisition, par la Toronto-Dominion, de Canada Trust et le dessaisissement auprès de Citibank.
Cela soulève la question de la perte du contrôle canadien sur les services financiers. À ce chapitre, le groupe de travail MacKay a conclu que le maintien du contrôle canadien sur les services financiers devrait être un objectif de politique gouvernementale. Si une telle politique doit changer, il faut pour cela un débat ouvert et public avec la participation des Canadiens. L'une des études EKOS qui a servi de référence au groupe de travail MacKay a établi que 80 p. 100 des Canadiens jugeaient important que les banques nationales demeurent sous contrôle canadien.
Et enfin, j'aimerais parler de la question des prix. Les fusions entraîneront une réduction du nombre de banques, ce qui nous rendra plus tributaires que jamais des services des banques électroniques. C'est déjà fait. Aujourd'hui, nous avons les guichets automatiques des banques reconnues et les guichets automatiques génériques ou sans nom. C'est le Tribunal de la concurrence qui avait décidé, en 1996, d'ouvrir le marché des guichets automatiques bancaires aux institutions n'acceptant pas de dépôts.
Cette décision a multiplié le nombre des concurrents. Il y a eu foisonnement des guichets automatiques bancaires disponibles aux consommateurs, ce qui est manifestement commode; toutefois, comme l'un des sénateurs l'a dit un peu plus tôt, cela n'a pas fait baisser les coûts. Les guichets automatiques bancaires sans nom exigent en fait des frais plus élevés.
Il y a un autre supplément qui vient s'ajouter aux frais d'Interac et aux frais de service que vous payez déjà à votre banque, selon la nature du compte et de la transaction.
Ce qui nous inquiète le plus dans cette situation c'est que, à mesure que les banques s'intègrent à ce marché des guichets automatiques sans nom par l'entremise de leurs filiales, il y aura moins de concurrence parce que les banques remplaceront probablement leurs propres guichets automatiques avec ceux de leurs filiales. J'ai remarqué que M. Godsoe, lors de son témoignage lundi, avait décrit les frais de guichet automatique bancaire comme un irritant mineur. Je dirais que, pour bon nombre de Canadiens, ces frais et suppléments caractérisent leur expérience quotidienne des transactions bancaires.
Enfin, je voulais parler brièvement des directives du ministère des Finances et des lignes directrices du Bureau de la concurrence. Nous saluons l'existence de ces lignes directrices et croyons qu'elles doivent être renforcées et non diluées. Toutefois, nous sommes d'avis que des précisions s'imposent en ce qui concerne la protection de l'accès aux services, des choix qui s'offrent aux consommateurs et des prix. Les lignes directrices sont utiles parce qu'elles mettent en lumière d'importantes considérations d'intérêt public qui ont une incidence sur les consommateurs, telles que les coûts et les avantages pour le consommateur, l'impact sur les succursales, les disponibilités du financement, le prix, la qualité et la disponibilité des services.
Nous nous inquiétons des retombées potentielles des fermetures de succursales. Ce qui nous préoccupe, c'est la mention qui est faite des solutions de rechange en matière de prestations de services, sans préciser fermement que ces services doivent être offerts sans augmentation du coût pour le consommateur. Les consommateurs devraient avoir accès à des services à prix raisonnable. On y parle également de dessaisissement sans offrir de garantie comme quoi le secteur canadien des services financiers continuera d'être sous contrôle canadien.
En conclusion, d'après les témoignages des représentants des banques que j'ai entendus ici, la raison principale qui a motivé cette initiative est la volonté des institutions bancaires de s'accroître et de s'étendre à l'extérieur des frontières du Canada, mais les banques continuent d'offrir des services au détail à des millions de particuliers au Canada. Nous craignons que les fusions puissent entraîner une augmentation du nombre d'institutions financières non bancaires de propriété étrangère ainsi qu'une prestation de services de guichet automatique à des coûts plus élevés, le tout n'étant plus sous contrôle canadien, ce qui résultera en une moindre protection pour les consommateurs. À notre avis, cela ne serait pas dans l'intérêt public.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez de contrôle, parlez-vous de propriété ou de contrôle?
Mme Lott: Je parle de la définition que propose le groupe de travail MacKay dans son rapport.
Le sénateur Tkachuk: Aurait-il eu tort?
Mme Lott: Pour le groupe de travail, le critère est un secteur composé principalement de sociétés elles-mêmes sous contrôle principalement canadien.
Le sénateur Tkachuk: Vous dites, sous contrôle canadien. Mais lorsque vous parlez de concurrence, est-ce que vous envisagez trois, quatre, cinq, six ou sept joueurs importants dans un marché donné? Qu'entendez-vous exactement? Nous essayons de nous faire une idée précise. Peut-être que le seuil devrait être 20 p. 100, ce qui signifie que personne ne peut détenir plus de 20 p. 100? Le seuil devrait être fixé à 25 ou à 30 p. 100? Nous n'en sommes pas sûrs.
Mme Lott: Comme critère du contrôle canadien?
Le sénateur Tkachuk: Nous avons déjà des moyens nous permettant de contrôler nos banques à charte. Nous en maintenons le contrôle, même si nous ne sommes pas nécessairement propriétaires de toutes.
Mme Lott: D'accord.
Le sénateur Tkachuk: Ce sont des sociétés ouvertes. Leurs actions sont transigées à la Bourse de New York. Des étrangers pourraient, s'ils le souhaitaient, détenir toutes les actions de ces sociétés. Elles ne sont pas entièrement de propriété étrangère, mais elles pourraient l'être. Nous ne pouvons empêcher cela à moins d'adopter une loi l'interdisant, ce qui serait du protectionnisme. Cela nous pose problème.
Je vous poser une question plus importante encore. À titre de défenseur des intérêts du consommateur, qu'est-ce que vous considérez comme une concurrence juste et raisonnable?
Mme Lott: Je ne peux m'intéresser qu'à ce qui résulte de cette concurrence. Si elle donne lieu à une grande qualité et à des bas prix, à des choix raisonnables et à des coûts raisonnables pour les Canadiens, voilà notre définition de la concurrence.
Le sénateur Tkachuk: Cela existe-t-il aujourd'hui?
Mme Lott: Dans certains domaines. Il y en a qui se retirent du secteur des services financiers et qui se tournent vers les solutions plus coûteuses comme les guichets automatiques sans nom ou les centres d'encaissement de chèques.
Le sénateur Tkachuk: Combien en coûte-t-il pour faire encaisser un chèque? Moi je n'en ai pas la moindre idée.
Mme Lott: Il y a des frais standard. Certaines institutions exigent un pourcentage; d'autres, des frais fixes.
Le sénateur Tkachuk: De combien? Si quelqu'un veut faire encaisser son chèque du RPC ou de la Sécurité de la vieillesse, un chèque de 350 $, combien devrait-il payer?
Mme Lott: 5 $ ou 10 $
Si quelqu'un emprunte jusqu'à sa prochaine paye, il s'agit d'un prêt à court terme de 7 à 14 jours, on peut toucher un certain pourcentage de son chèque de paye. Mettons que quelqu'un obtient un prêt de 100 $; à plusieurs endroits, cela lui coûtera 15 $.
Le sénateur Tkachuk: Pour deux semaines.
Mme Lott: Pour un prêt de deux semaines, effectivement. Les taux d'intérêt annuels sont très élevés.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné les guichets automatiques «white-label».
Le sénateur Meighen: Que veut dire «white-label»?
Mme Lott: On les appelle aussi des guichets automatiques génériques ou sans nom.
Le sénateur Tkachuk: Ils viennent s'ajouter aux guichets automatiques des banques. Tous les guichets automatiques de la Banque Royale, de la CIBC et de la machine verte existent toujours.
Il y a un marché pour les guichets automatiques sans nom qui n'appartiennent pas aux banques dans les bars et d'autres endroits semblables où les gens ont besoin d'argent tout de suite. Les machines appartenant aux banques sont protégées. Beaucoup de gens s'en occupent. Ils peuvent offrir ce service à un prix modeste. Par contre, les machines génériques se trouvent à des endroits peu sécuritaires et difficiles à desservir. Les frais sont un peu plus élevés, mais pas beaucoup, n'est-ce pas?
Mme Lott: Les banques se lancent maintenant dans le commerce générique. Il y a un plus grand nombre de guichets automatiques au pays que de guichets qui appartiennent aux banques. On se livre concurrence pour acquérir ce marché parce qu'il y a eu une prolifération. On les retrouve près des pompes d'essence et chez beaucoup de dépanneurs.
Ils coûtent cher parce qu'un troisième niveau de frais, une surcharge, vient s'ajouter aux frais d'Interac. Selon les exigences de l'Association Interac, les GAB privés doivent avertir les clients de cette troisième surcharge. Aussi, étant donné qu'on a un nombre limité de transactions gratuites par mois, si quelqu'un a dépassé son nombre de transactions gratuites, on pourrait imposer d'autres frais à cette transaction faite aux GAB privés.
Une autre source de confusion, c'est que certaines grandes banques imposent des frais de services additionnels. Certaines banques les appliquent seulement aux GAB privés situés à l'extérieur, mais également à leurs succursales.
Le consommateur ne comprend pas pourquoi ces frais sont imposés et pourquoi on les impose à certains endroits plutôt que d'autres.
Le sénateur Kroft: Je voudrais revenir à la question des fusions, si possible.
En écoutant ce débat, j'ai l'impression que les fusions entraîneront une montée des frais imposés par les GBA privés. Je ne vois pas très bien le rapport.
Vous avez dit qu'il y a un problème fondamental dans le contrôle des institutions financières canadiennes. L'essentiel de cet argument, proposé plus ou moins ouvertement par la plupart des intervenants, c'est que les fusions et le renforcement des organisations et de leur capacité d'accumuler un plus grand capital de base pour mieux fonctionner au niveau international, est effectivement une manière de garder le contrôle de nos institutions financières plutôt que de le laisser s'affaiblir et devenir vulnérable aux prises de contrôle ou à d'autres formes de concurrence. Quel poids accordez-vous à cet argument, car il me semble que vous dites que les fusions sont plutôt une menace qu'une opportunité.
Mme Lott: Je comprends votre remarque. J'y réfléchirai. Pourtant, je suis inquiète parce que les directives évoquent la possibilité de dessaississement de certains services bancaires, et je me demande avec inquiétude qui les reprendra pas la suite.
Le sénateur Kroft: Bien sûr, il est important de savoir qui les reprendra. Pourtant, le raisonnement qui m'a persuadé et que d'autres ont formulé depuis deux jours, c'est que le dessaisissement offre effectivement une occasion de faire face à une réduction excessive de la concurrence. Les coopératives de crédit pourraient reprendre en main ces fonctions, car elles ont acheté des succursales de la Banque de Montréal, ou bien encore de nouveaux joueurs tels que par exemple le HSBC, qui déclarent être prêts à acheter. Il pourrait s'agir de toutes sortes d'entreprises commerciales qui veulent offrir des services bancaires. Il pourrait aussi s'agir de compagnies d'assurances qui participent maintenant au système de paiement avec tous les changements récents que cela comporte.
J'essaie donc de remettre en question l'idée que la consolidation dans l'industrie ou l'acquisition par un nombre accru des propriétaires est en quelque sorte dangereuse ou menaçante. Je présume que toute institution ayant le droit de faire des opérations bancaires ou d'acquérir des succursales existantes serait tenue de respecter les critères de prudence et d'intérêt public, et cetera.
J'essaie de voir la question dans une optique positive, au lieu de l'envisager sous un jour si menaçant. Est-ce que j'ai fait du progrès?
Mme Lott: Je pense que oui, un peu. Ce qui est important pour nous, encore une fois, est de garantir que cela n'entraînera pas de changement ni sur le plan de la qualité des services ni sur le plan du prix des services pour les consommateurs. On veut s'assurer que la concurrence entraînera des avantages véritables. Je le répète, nous sommes préoccupés parce que la décision du tribunal prise en 1996 qui a augmenté la prolifération des guichets automatiques bancaires n'a pas entraîné les avantages souhaités. Il nous semble que, dans le secteur des services financiers, la concurrence n'arrive pas à faire baisser les prix.
Je ne demande qu'à être persuadée par ce que vous dites, parce que c'est cela que nous recherchons.
En plus, il faut s'assurer que des mesures de protection des consommateurs soient en place et qu'il y ait des organismes auxquels les consommateurs peuvent s'adresser. Il faut s'assurer que ces organismes soient assujettis à des mécanismes de réglementation. Par exemple, je ne suis pas sûre de savoir s'il existe des codes volontaires auxquels l'industrie devrait adhérer pour ce qui est des transactions effectuées par carte de débit. Si des institutions n'acceptant pas de dépôts entrent en jeu, il sera important de s'assurer que ces codes volontaires s'appliquent également à elles, et que quelqu'un veille à ce que cela soit fait.
Le sénateur Kroft: On espère que ce serait le cas.
Le sénateur Meighen: Madame Lott, j'aimerais parler davantage de la question du niveau de prix suite à la prolifération des guichets automatiques bancaires. Il y a deux genres de prolifération. N'y a-t-il pas plus de guichets automatiques bancaires réguliers, mis à part...
Mme Lott: Qu'entendez-vous par régulier?
Le sénateur Meighen: J'allais vous expliquer. Non générique, sans nom.
Mme Lott: Des guichets automatiques bancaires dont les banques sont propriétaires et qu'elles exploitent?
Le sénateur Meighen: Oui. Y en a-t-il plus aujourd'hui qu'il y a quatre ans?
Mme Lott: Probablement. La recherche que j'ai faite ne me permet pas de vous donner des chiffres exacts, mais dans certains cas de tels guichets automatiques bancaires sont remplacés par des guichets automatiques bancaires génériques.
Dans l'Ottawa Citizen d'hier, Susan Riley relatait que lorsqu'elle est allée à son guichet automatique habituel dans un centre commercial, elle a constaté qu'il avait été remplacé par un guichet automatique générique. Ce n'est là qu'un détail anecdotique. Toutefois, il me semble que...
Le sénateur Meighen: Je veux m'assurer que je vous ai bien comprise.
Êtes-vous contre l'idée que l'avantage de pouvoir retirer de l'argent à minuit dans un bar ne devrait pas coûter plus cher que de le retirer à la banque, par exemple? Pensez-vous que cela soit contraire à une bonne politique gouvernementale?
Mme Lott: Vous me demandez si je suis d'accord avec vous sur ce point?
Le sénateur Meighen: Pensez-vous que je ne devrais pas payer plus cher?
Mme Lott: Il faut qu'il y ait des frais de service. Il y a des coûts liés au maintien et à la fabrication de ces machines. Cependant, je n'en suis pas totalement persuadée, parce que, comme je le disais tantôt, certaines grandes banques ont introduit des frais supplémentaires, des frais pour la commodité, dans des succursales bancaires et d'autres non. Donc, je ne comprends pas très bien l'argument financier qui fait en sorte que certaines banques adoptent cette façon de faire et d'autres pas.
Le sénateur Meighen: Ne s'agit-il pas de concurrence? Si je ne veux pas payer de frais, pour reprendre votre exemple, je peux aller à une autre banque, une qui n'en impose pas.
Mme Lott: Si vous pouvez trouver une autre banque qui ne le fait pas.
Le sénateur Meighen: Vous y avez peut-être fait allusion indirectement, mais je ne l'ai pas entendu. Malgré la loi qui a été adoptée, est-ce que les consommateurs à faible revenu ont plus de difficulté ou moins de difficulté à ouvrir un compte bancaire dans une banque à charte?
Mme Lott: Eh bien, selon le groupe de travail MacKay c'était déjà un problème en 1998. Comme je l'ai dit, le gouvernement fédéral présente maintenant des règlements pour régler ce problème. Nous croyons qu'il s'agit d'une bonne initiative. Il examinera quelle sorte d'identification est nécessaire et ce qui serait trop onéreux.
Le sénateur Meighen: Si ces règlements sont adoptés, eh bien peu importe le revenu d'une personne, l'accès de cette personne à un compte bancaire d'une institution financière reconnue serait bien établi, et non pas problématique; et si j'étais une personne à faible revenu, je n'aurais pas besoin d'avoir recours aux guichets génériques.
Mme Lott: Pour utiliser ces guichets, vous devez pouvoir accéder à votre compte bancaire. Donc, cela présume que vous avez...
Le sénateur Meighen: Un compte bancaire.
Mme Lott: Oui. C'est exact.
Le sénateur Tkachuk: On n'a pas encore conçu de machine qui vous permet tout simplement de retirer de l'argent.
Le sénateur Meighen: Si c'est le cas, j'ai du mal à m'apitoyer. Donc, si j'ai un compte dans une banque régulière, j'ai du mal à comprendre pourquoi je ne devrais pas être obligé de payer plus dans un bar ou un hippodrome pour retirer de l'argent que dans une institution financière établie. Il suffit que j'aille chercher mon argent avant d'aller au bar.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je crois que vos préoccupations ressemblent un peu aux miennes lorsque l'on parle des consommateurs ordinaires.
Mme Lott: Vous faites allusion à des lignes directrices, pourriez-vous préciser quel aspect des lignes directrices vous aimeriez voir renforcer? Nos positions semblent être diamétralement opposées. Quant à moi, lorsqu'il s'agit de protéger les personnes âgées et les prestataires d'assistance sociale, je suis d'accord avec vous — et j'étais très en faveur des mesures représentant un minimum d'argent.
Cependant, quant aux mesures que vous voulez voir renforcées, pourriez-vous au moins, sinon ce soir, nous envoyer des recommandations plus précises? Je serai prête à appuyer votre groupe, s'il y a des pratiques qui posent un problème pour les personnes à faible revenu. Nous ne pouvons pas appuyer le renforcement des lignes directrices lorsque nous savons qu'il s'agit d'un document de 1 000 pages.
Mme Lott: En réalité, je faisais référence précisément aux lignes directrices du ministère des Finances portant sur les fusions.
Le sénateur Hervieux-Payette: Même là, laquelle porte plus précisément sur les personnes à faible revenu? Vous n'êtes pas nécessairement là pour protéger les grandes sociétés.
Si nous voulons créer des emplois et donner de l'expansion à notre économie, et si nous avons besoin de l'aide des grandes banques, il nous faut des institutions financières qui seront en mesure de satisfaire à la demande du marché. Je n'invente rien. Votre prédécesseur, M. Raymond, a fait référence aux sociétés qui deviennent de plus en plus grandes et au fait qu'elles ont besoin d'institutions financières pour les aider à continuer de grandir.
Il est important que vous soyez plus précise et ne pas vous contenter de dire: «Renforcer toutes les lignes directrices du ministère des Finances qui portent sur les fusions». Il doit y avoir certains points précis qui touchent particulièrement les personnes à faible revenu.
Mme Lott: Je vais préparer un mémoire écrit, et je vais être plus précise.
Le sénateur Hervieux-Payette: Je serai disposée à vous appuyer, pourvu que je sache exactement ce que j'appuie.
Le président: Merci beaucoup, madame Lott.
La séance est levée.