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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 9 - Témoignages du 4 décembre 2002


OTTAWA, le mercredi 4 décembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 15 pour étudier les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques.

Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous sommes réunis aujourd'hui pour étudier les répercussions en matière d'intérêt public de la fusion des grandes banques. Nos témoins aujourd'hui proviennent de la Centrale des caisses de crédit du Canada et de la Credit Union Central of Ontario.

Mme Joanne DeLaurentiis, présidente-directrice générale de la Centrale des caisses de crédit du Canada: Avant d'aborder la question de la fusion des banques et de l'intérêt public, j'aimerais profiter de mon passage au comité pour vous présenter la situation actuelle du secteur coopératif financier.

C'est un secteur varié et complexe. À l'extérieur du Québec, le secteur coopératif financier regroupe environ 646 caisses de crédit et caisses populaires affiliées en activité dans près de 1 900 localités. Ces caisses de crédit ont des actifs combinés d'environ 64 milliards de dollars. Le nombre de nos adhérents continue d'augmenter et nous en recensons actuellement près de 4,6 millions. Les Caisses Desjardins, le réseau coopératif financier québécois, possèdent des actifs de 66 milliards de dollars et regroupent plus de cinq millions de membres. Le secteur des services coopératifs financiers canadien est, dans le monde entier, celui qui compte le plus grand nombre d'adhérents.

Comme vous le savez, les caisses de crédit sont régies principalement par les gouvernements provinciaux. Les principaux intervenants au niveau provincial comprennent les neuf organisations provinciales qui gèrent les liquidités du réseau et les fonctions d'association corporative.

La Centrale des caisses de crédit du Canada est l'association corporative nationale et l'établissement financier central du réseau. Nous relevons de la Loi fédérale sur les associations coopératives de crédit.

Tout comme les banques commerciales, le secteur coopératif financier offre toute une gamme de services financiers à la population canadienne et fournit, par l'intermédiaire d'établissements membres des services de gestion du patrimoine, d'assurance, de fiducie, etc. Toutefois, nous nous distinguons par le fait que les clients d'une caisse de crédit sont également ses membres et ses propriétaires.

Les caisses de crédit appliquent des principes et des valeurs qui consistent à encourager la participation à la gestion et l'engagement dans les localités où elles sont implantées. Puisque les caisses de crédit appartiennent à leurs membres, elles sont naturellement sensibles aux besoins et aux aspirations de leurs adhérents.

Nous avons un certain nombre de commentaires à présenter au sujet des fusions bancaires et de leur incidence sur l'intérêt public.

La centrale est convaincue que les fusions au sein du secteur des services financiers peuvent avoir des conséquences positives pour les consommateurs et les institutions financières. Nous considérons les fusions comme des stratégies commerciales légitimes et nous ne faisons pas de distinction entre les fusions, selon qu'elles concernent des petites ou des grandes institutions.

Dans notre secteur, les fusions sont un phénomène continu et important qui nous permet d'améliorer notre capacité à offrir un service à nos membres. Entre 1990 et 2001, le nombre total de caisses de crédit et de caisses populaires est passé de 2 700 à 1 772 à la suite de telles activités de fusion. La tendance se poursuit.

La récente fusion de Coast Capital Savings Credit Union et de Surrey Metro Savings Credit Union en Colombie- Britannique a donné naissance à la plus grande caisse de crédit du Canada; elle compte 300 000 adhérents et ses actifs s'élèvent à environ 6 milliards de dollars.

Une très importante opération est actuellement en cours qui aura pour résultat de fusionner la Credit Union Central of British Columbia et la Credit Union Central of Ontario. Ces deux centrales ont l'intention de mettre sur pied un établissement financier combiné qui permettra de rendre plus efficaces les opérations des caisses de crédit en Colombie- Britannique et en Ontario. L'établissement baptisé Opco aux fins de la planification, invitera d'autres centrales provinciales à se joindre à lui et certaines pourraient bien le faire.

De nombreux témoins ont exposé au comité les différentes forces qui sont à la base des fusions et des regroupements bancaires. Ces forces agissent également dans le secteur coopératif financier. Les fusions aident les institutions financières à faire face à la diminution des marges et à l'augmentation des coûts d'exploitation et des coûts de la technologie. Les caisses de crédit, tout comme les banques, doivent imaginer des façons de réduire les coûts en ayant recours à une utilisation plus efficiente de leurs ressources et trouver des façons d'étaler ces coûts sur un bassin de consommateurs plus vaste.

La centrale canadienne est convaincue que la fusion des institutions financières est une stratégie commerciale légitime et viable et qu'elle profite autant aux consommateurs qu'aux institutions financières. En conséquence, cette stratégie commerciale devrait être à la portée de tous les intervenants du secteur financier canadien.

Il faudrait examiner les fusions des grandes banques du point de vue de la politique générale de la concurrence telle qu'administrée par le Bureau de la concurrence. Nous sommes convaincus que cette politique permet d'évaluer les conséquences que pourrait avoir sur la concurrence une proposition de fusion entre de grandes banques et de proposer un certain nombre de mesures susceptibles de protéger la concurrence dans certains marchés. Tous les établissements qui souhaitent procéder à une fusion doivent par ailleurs respecter les règles de prudence administrées par le Bureau du surintendant des institutions financières.

Notre troisième point concerne l'équilibre concurrentiel du secteur financier canadien. Au niveau des critères plus vastes de l'intérêt public, la centrale canadienne se préoccupe de l'équilibre concurrentiel.

Nous estimons que les autorités publiques devraient, avant d'autoriser la fusion de grandes banques, vérifier s'il existe d'importantes institutions financières de deuxième rang pour équilibrer la puissance commerciale des grandes banques. L'équilibre commercial permet aux consommateurs de conserver une grande palette de choix dans les services financiers de détail qui leur sont offerts.

À notre avis, le moyen le plus prometteur de préserver cet équilibre concurrentiel consiste pour le gouvernement fédéral à maintenir les mesures visant à renforcer la capacité du secteur coopératif financier à faire concurrence aux grandes banques. Nous estimons qu'il est important de prendre en compte les établissements financiers de second rang qui ont été ou seront créés au Canada.

Le comité a joué un rôle important dans l'adoption de la récente loi sur la réforme financière du gouvernement fédéral. Comme vous le savez, le projet de loi C-8 facilite la création de nouvelles banques et cet effort est la plus récente tentative du gouvernement fédéral de susciter une plus grande concurrence dans le secteur bancaire.

Les modifications apportées à la Loi sur les banques proposent également des initiatives visant à multiplier les établissements bancaires pour répondre aux besoins des consommateurs canadiens. Jusqu'à présent, ces initiatives visant à encourager le renforcement du secteur des établissements bancaires de deuxième rang ont connu un succès limité. Les banques étrangères qui se sont constituées en société depuis 1980 ont peu contribué à augmenter la concurrence sur le marché des services financiers de détail. De récentes modifications ont permis aux filiales de banques étrangères de réduire leurs activités au Canada en devenant des succursales et certaines ont procédé ainsi.

De même, les banques autonomes canadiennes de création récente n'ont pas eu une incidence significative sur le marché de détail. Certaines autres banques canadiennes sont des filiales d'institutions financières non bancaires existantes, y compris deux caisses de crédit. Cela montre bien que les importants établissements financiers de deuxième rang ne proviennent pas du secteur bancaire. Certains détails semblent indiquer que cela devrait changer prochainement.

La centrale canadienne est convaincue que le secteur coopératif financier a tout le potentiel nécessaire pour devenir l'indispensable secteur financier de deuxième rang envisagé par la politique gouvernementale. Ce secteur est le seul à offrir une option importante face aux grandes banques ou aux mégabanques résultant d'une fusion. Nous avons le plus grand nombre de membres, une présence confirmée dans le commerce de détail, des actifs considérables et toute une gamme de produits et services.

Nous félicitons le gouvernement fédéral pour sa volonté de doter le système coopératif financier d'outils nouveaux pour faire concurrence aux banques commerciales. Cependant, nous pensons que le gouvernement devrait accroître son engagement auprès du secteur coopératif financier et poursuivre ses récents efforts afin de renforcer notre capacité à affronter la concurrence. Il y a plusieurs mesures que le gouvernement fédéral peut prendre pour atteindre cet objectif.

Le gouvernement devrait agir rapidement afin de mettre en œuvre les changements autorisés par le projet de loi C-8 en adoptant le reste des règlements relevant de la Loi sur les associations coopératives de crédit.

Deuxièmement, le gouvernement devrait continuer à consulter les représentants du secteur coopératif financier afin de poursuivre l'élaboration de la législation fédérale concernant les services bancaires coopératifs.

Troisièmement, nous encourageons le gouvernement à adopter des règlements autorisant des initiatives comme la fusion de la Credit Union Central of British Columbia et de la Credit Union Central of Ontario. Cette initiative augmentera notre capacité à concurrencer les grandes banques.

La centrale canadienne estime que de telles mesures sont urgentes. La fusion de grandes banques aurait sur la concurrence des répercussions qui se font déjà sentir dans le marché des services financiers. Sans même qu'elles aient besoin de fusionner, les grandes banques prennent beaucoup d'ampleur et le réseau des caisses de crédit se voit contraint dès maintenant de procéder à des rationalisations et à des économies d'échelle.

En outre, les modifications les plus mineures apportées à la législation et au règlement entraînent des délais d'application considérables. Par exemple, les règlements découlant des modifications apportées par le projet de loi C-8 en sont encore à l'étape de la rédaction.

La centrale canadienne appuie les fusions, y compris les fusions de grandes banques, reconnaissant qu'il s'agit là d'une stratégie commerciale légitime qui peut être avantageuse pour les consommateurs et les institutions financières. Toutes les fusions devraient respecter la politique canadienne sur la concurrence et les critères de prudence définis par le BSIF. Enfin, le gouvernement fédéral devrait agir rapidement en vue d'encourager un équilibre concurrentiel dans le secteur financier canadien en renforçant la capacité du secteur coopératif à faire concurrence aux grandes banques. Cela permettrait de donner à la population canadienne un accès continu aux services financiers de détail et de préserver les choix disponibles en la matière.

M. Jonathan Guss, président-directeur général, Credit Union Central of Ontario, Centrale des caisses de crédit du Canada: La Centrale des caisses de crédit du Canada fait partie d'un réseau de caisses de crédit canadien comprenant trois catégories. Mme DeLaurentiis représente la centrale nationale que nous qualifions de troisième catégorie. Je représente la centrale de l'Ontario qui appartient à 210 caisses de crédit en Ontario. Nous considérons que la caisse de crédit occupe le premier rang; les centrales provinciales représentent le deuxième rang et la centrale nationale le troisième rang. Il est important de garder en tête ces trois catégories lorsque vous écouterez mes commentaires.

On vous a parlé de la nécessité de disposer d'un secteur financier de deuxième catégorie plus fort et plus concurrentiel. Nous voulons vous persuader par nos exposés que les caisses de crédit sont les candidates idéales pour offrir ce service de second rang. Chaque caisse de crédit est essentiellement une banque communautaire gérée dans et par la communauté.

Notre système élabore un certain nombre d'initiatives qui contribueront à renforcer la capacité des diverses caisses de crédit à soutenir la concurrence des grandes institutions financières que sont les banques.

Je vais m'intéresser plus spécialement à une initiative que ma collègue de la centrale canadienne a présentée dans son exposé, en l'occurrence la fusion prochaine des fonctions financières de la Credit Union Central of Ontario et de la Credit Union Central of British Columbia. Cette fusion créera une société en vertu de la Loi sur les associations coopératives de crédit. Dans la pratique, cette nouvelle société porte le nom d'Opco.

La Credit Union of Ontario appartient à un secteur de troisième rang qui a été constitué à partir du niveau local par des caisses de crédit qui ont décidé de s'associer afin de créer des centrales provinciales. À leur tour, les centrales provinciales ont constitué la centrale nationale.

Nous estimons que nous pouvons rendre le système plus fort et plus cohésif. Nous pensons que le moment est venu de ramener notre système à deux catégories.

Il est important de préciser que si l'Opco doit naître de la fusion de deux centrales, elle est le fruit d'une initiative menée par et pour les caisses de crédit. Le 23 novembre, nous avons organisé des assemblées générales spéciales dans les deux provinces et nos membres ont voté à 98 p. 100 en Ontario et 99 p. 100 en Colombie-Britannique en faveur de la fusion. Ils recherchent clairement un système plus fort et plus cohésif qui est à leur avis nécessaire pour faire face à la concurrence dans un marché en constante évolution.

Il est facile de comprendre la motivation qui nous anime. Notre industrie est en pleine transformation et fait face à des marges réduites, une vive concurrence, des services proposant une seule gamme de produits, de nouveaux concurrents, de nouveaux produits, de nouvelles technologies et des coûts plus élevés. Les défis qui se présentent aux caisses de crédit sont plus nombreux que jamais.

En tant que fournisseurs centraux de services, les centrales de l'Ontario et de la Colombie-Britannique sont dans l'obligation de porter assistance à leurs membres. Nous devons mettre au point de nouvelles façons d'offrir des produits de manière plus efficace afin de leur donner une plus grande valeur.

L'élaboration de l'Opco est une initiative de restructuration ambitieuse et nationale fondée sur la nécessité de remodeler notre réseau afin de le préparer pour l'avenir. Le groupe d'étude MacKay a donné son appui au renforcement des caisses de crédit et caisses populaires existantes. Le groupe d'étude a reconnu que certaines institutions de deuxième catégorie étaient bien placées pour faire concurrence aux banques à charte.

Le projet de loi C-8 fait également allusion à une deuxième catégorie d'institutions financières qui ont leur place dans l'économie canadienne et offrent ainsi une plate-forme à l'Opco. Le projet de loi C-8 permet aux caisses locales de crédit de créer et de posséder leur propre entité nationale plutôt que de devoir passer par l'entremise des centrales provinciales.

Les caisses de crédit demeureront étroitement liées aux collectivités qui les ont vues naître, mais l'Opco les dotera d'une capacité indirecte à établir des liens à l'extérieur des frontières provinciales traditionnelles. Avec le temps, une catégorie de notre réseau sera vouée à disparaître, mais, comme je l'ai mentionné, d'autres changements à la loi et aux règlements sont nécessaires pour nous permettre d'atteindre notre objectif.

Dès sa création, l'Opco sera un établissement bancaire central de 5 milliards de dollars disposant d'un capital de 300 millions de dollars. Elle desservira plus de 250 caisses de crédit dans deux provinces disposant d'actifs d'une valeur de 35 milliards de dollars. À leur tour, elles offriront des services financiers à plus de 3 millions de Canadiens et Canadiennes. L'Opco servira d'intermédiaire pour plus de 60 p. 100 des transactions des caisses de crédit du Canada.

En plus de leur offrir plus de poids financier, l'Opco veillera à ce que les caisses de crédit continuent à jouer un rôle vital et accru au niveau local. L'Opco sera un moteur de développement communautaire et économique.

Chaque dépôt dans une caisse de crédit est réinvesti dans la collectivité. Nous gardons nos portes ouvertes alors que nos concurrents se réorganisent, ferment des succursales et s'orientent vers le marché mondial.

Sur le plan stratégique, la raison d'être des fusions est de positionner la nouvelle organisation afin de réduire les coûts des caisses de crédit et de leur permettre de commercialiser plus rapidement de nouveaux produits. Ce faisant, les caisses de crédit sont mieux en mesure de profiter des débouchés. La fusion nous permettra également d'améliorer nos cotes de solvabilité et d'exercer une présence active et forte sur les marchés financiers.

Notre vision à long terme dépasse les frontières de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, et l'Opco sera en mesure de desservir n'importe quel autre réseau provincial de caisses de crédit du pays qui serait désireux, avec sa centrale, de rejoindre nos rangs. Nous prévoyons de déstratifier et de rationaliser notre réseau. Notre vision nationale commune propose deux catégories plutôt qu'une.

Qu'attendons-nous du gouvernement fédéral? Le projet de loi C-8 permet la création de l'Opco, mais nous avons besoin d'autres mesures législatives et dispositions réglementaires pour pouvoir réaliser la fusion. Il est indispensable que le gouvernement fédéral adopte ces dispositions en temps opportun pour permettre à l'Opco de devenir opérationnelle. De nouvelles dispositions législatives sont nécessaires et nous devons obtenir l'approbation des gouvernements de l'Ontario et de la Colombie-Britannique.

Nos deux centrales ont négocié une entente. Nos actionnaires ont voté massivement en faveur de la fusion et les fonctionnaires fédéraux se sont montrés positifs et constructifs, nous aidant à définir les règles qui nous permettront de mettre la dernière touche à la fusion.

Pour devenir réalité, l'Opco n'attend plus que les modifications aux lois fédérales et provinciales. Nous espérons que le gouvernement fédéral agira rapidement et que vous apporterez votre contribution en l'encourageant à faire diligence.

Le sénateur Kelleher: Nous sommes toujours très heureux d'entendre votre témoignage parce que nous avons l'impression que votre secteur est capable de faire concurrence aux banques de l'annexe A.

Madame DeLaurentiis, à la dernière page de votre exposé, page 4, avant-dernier paragraphe, on peut lire ceci:

Toutes les fusions devraient respecter la politique canadienne sur la concurrence et les critères de prudence définis par le BSIF.

Il y a cependant une troisième condition, celle de respecter l'intérêt public. On nous a demandé de définir la notion d'intérêt public. Puisque le gouvernement fédéral nous a chargés de cette tâche, j'en fais de même avec vous. Que signifie pour vous «l'intérêt public?»

Je vous invite tous les trois à répondre à cette question.

Mme DeLaurentiis: C'est une question importante. Pour y répondre, nous devons nous placer dans l'optique de nos membres. Ils nous disent que l'accès, la commodité, la gamme de produits et les prix compétitifs sont extrêmement importants pour eux. Il y a toutes sortes de choses qui entrent dans la notion d'intérêt public. Cependant, dans notre perspective, si nous sommes venus témoigner aujourd'hui, c'est pour vous dire que nous pouvons contribuer à répondre à ces besoins. Nous sommes capables de répondre à l'intérêt public.

M. Guss: Mme DeLaurentiis a visé juste lorsqu'elle a évoqué le service à la clientèle. Nos membres sont aussi nos clients. Toutes les études de marché démontrent que nos clients nous choisissent pour des raisons de commodité. La raison essentielle du choix est la commodité. Cependant, la définition de la commodité varie selon les différents segments de marché. En effet, si nous faisons de l'excellent travail sur le marché de détail intérieur, nous ne jouons pas un rôle aussi important sur le marché des grandes sociétés. Nous sommes excellents dans le marché des PME, mais les grosses entreprises canadiennes visent le marché mondial. Les aspirations mondiales des banques ne sont pas mauvaises en soi et on peut très bien concevoir que les banques ont besoin d'une certaine taille pour se lancer sur un tel marché.

Nous savons que notre force réside dans le marché de détail intérieur et le marché de la petite entreprise. Par conséquent, selon moi, servir l'intérêt public consiste à répondre aux besoins de ces différents segments du marché. Nous devons redéfinir la commodité.

M. David Phillips, vice-président, avocat-conseil et secrétaire de la Centrale des caisses de crédit du Canada: L'équilibre concurrentiel est un des facteurs dont l'équation de l'intérêt public doit tenir compte. Nous avons tenté de suggérer des façons de prendre en compte l'équilibre concurrentiel lors des importants changements qui se produiront au moment de la fusion de la CUCBC et de la Credit Union Central of Ontario.

Le sénateur Kelleher: Monsieur Guss, vous avez signalé que le gouvernement a certaines mesures à prendre pour vous permettre d'aller de l'avant.

Au moment de l'adoption du projet de loi, plusieurs d'entre nous fondaient tous leurs espoirs sur les caisses de crédit. Or, nous sommes un peu déçus de constater qu'il vous a fallu autant de temps pour en arriver où vous êtes aujourd'hui.

Si je vous ai bien compris, vous affirmez que vous n'avez pas été aussi rapides que vous auriez aimé l'être, et vous avez l'impression que le gouvernement n'a pas été assez diligent pour adopter les dispositions législatives et réglementaires dont vous avez besoin. Vous ai-je bien compris?

M. Guss: C'est exact. Je dois reconnaître que le gouvernement fédéral, le comité du Sénat et le comité de la Chambre ont eu une attitude très sympathique à notre égard lors du débat qui a mené à l'adoption du projet de loi C-8. Cependant, c'est au moment de conclure notre entente en vertu de la loi que nous avons découvert tout ce dont nous avions besoin. Nous avons découvert que nous avions besoin de certains éléments que nous n'avions pas prévus. Il ne faut pas oublier que nous évoluons dans un système démocratique complexe. Or, on avance lentement sur le chemin de la démocratie. Cependant, lorsque nous prenons une décision, nous avons l'engagement de nos adhérents et de nos établissements membres.

Au moment de la conception du projet de loi C-8, nous envisagions la fusion de toutes les centrales en même temps. Il s'est avéré tout simplement trop compliqué, politiquement parlant, de combiner d'un seul bloc toutes les activités de huit ou neuf centrales du pays. Nous procédons actuellement par étapes progressives. Je devrais m'excuser d'avoir tardé à réclamer ce dont nous avions besoin. Le gouvernement s'est avéré excellent à prévoir nos besoins dans le cadre de l'élaboration du projet de loi C-8. Cependant, sans nous, vous n'auriez pas pu prévoir les changements dont nous avons besoin actuellement. Ce sont essentiellement des détails techniques pour nous permettre de passer à l'étape suivante.

Je n'accuse personne et surtout pas le ministère des Finances qui a collaboré avec nous de manière positive et constructive pour mettre au point les changements que nous souhaitons maintenant obtenir.

Le sénateur Kelleher: J'ai une question supplémentaire. Le gouvernement fédéral est-il au courant de vos problèmes et préoccupations?

M. Guss: Oui.

Le sénateur Kelleher: Pensez-vous que tout cela sera réglé prochainement?

M. Guss: Nous devons encourager les services législatifs du gouvernement à agir rapidement en notre faveur. Autrement dit, nous avons défini maintenant ce dont nous avons besoin. Comme je l'ai dit, nous avons défini nos besoins et nous avons collaboré de manière constructive avec les Finances pour mettre nos besoins au point. À présent, il faut que le Parlement agisse rapidement. Nous avons choisi le 30 juin comme date de clôture. Il nous a fallu un certain temps pour atteindre ce stade. Nous avons dialogué pendant longtemps avec les Finances et maintenant, nous souhaitons que les services législatifs nous préparent rapidement les dispositifs dont nous avons besoin. Nous espérons que nous aurons suffisamment de temps d'ici le mois de juin.

Le sénateur Kelleher: Où les membres de notre comité peuvent-ils s'informer exactement sur ce dont vous avez besoin?

M. Guss: M. Phillips se fera un plaisir de vous en parler maintenant à moins que vous préféreriez que l'on vous adresse un sommaire des cinq ou six dispositions législatives dont nous avons besoin.

Le sénateur Kelleher: Ce serait peut-être une bonne idée de nous faire parvenir ces propositions de modifications législatives.

M. Guss: Nous le ferons avec plaisir.

Le sénateur Kroft: Si la transaction prévue pour le 30 juin se concrétise, quand pouvons-nous nous attendre à la fusion de la centrale nationale des caisses de crédit?

Mme DeLaurentiis: Nous avons fait il y a plusieurs années une tentative pour créer une entité nationale. C'est ce que nous avons appelé le «big bang», mais c'était tout simplement trop lourd pour nous à ce moment-là. Parallèlement à la fusion entre les centrales de la Colombie-Britannique et de l'Ontario, il y a plusieurs autres initiatives intéressantes en cours. Dans les Prairies, il y a un projet de création d'une entreprise de technologie de l'information. À l'échelle nationale, nous travaillons à regrouper toutes les composantes de formation et d'éducation pour en faire une organisation nationale d'apprentissage. Nous allons aussi prendre les services de distribution de plusieurs de nos affiliés qui s'occupent d'assurance et de gestion du patrimoine, et les fusionner. Ces activités devraient être menées à terme en 2003. Notre but final est de créer une organisation nationale à deux paliers. Il faudra un peu plus de temps pour y parvenir, mais c'est vers cela que nous nous dirigeons.

Le sénateur Kroft: Je comprends que c'est un processus graduel et que vous devriez prendre de la vitesse à mesure que vous aurez franchi les obstacles qui se dressent devant vous. Je crois beaucoup à l'adage selon lequel il est plus dangereux d'avoir des connaissances imparfaites que pas de connaissances du tout. Je viens du Manitoba, où j'ai pu constater l'efficacité du mouvement des caisses de crédit; je pense donc comprendre assez bien comment elles fonctionnent.

Devrions-nous essayer de voir dans cette nouvelle coopérative de crédit une banque comme les autres? À quel point serions-nous loin de la vérité si nous la considérions simplement comme une nouvelle petite banque nationale?

M. Guss: Nous sommes en train de regrouper les centrales. C'est le deuxième palier, et nous espérons qu'elles seront combinées un de ces jours avec la centrale canadienne. Les caisses de crédit vont demeurer enracinées dans leur communauté; il ne faut surtout pas l'oublier. Leur principale force, ce sont leurs liens avec la communauté. Nous ne nous dirigeons pas vers une grosse coopérative de crédit dont les caisses de crédit seraient des succursales.

Le sénateur Kroft: Que fait la centrale nationale?

M. Guss: C'est en quelque sorte l'arrière-boutique des caisses. Nous faisons la compensation des chèques, nous leur fournissons des liquidités en tant que banque centrale et nous nous occupons de leurs connexions à Interac et à tous les réseaux électroniques nationaux et internationaux. Nous avons des intérêts majoritaires dans deux compagnies d'assurances et dans de nombreuses sociétés de gestion du patrimoine, dont Ethical Funds Inc. Mme DeLaurentiis est présidente du groupe La Prudentielle, qui comprend Ethical Funds Inc.

Le sénateur Kroft: Je voudrais en revenir au crédit. Pouvez-vous nous expliquer le processus suivi pour établir le crédit?

M. Guss: Vous voulez parler du crédit que nous consentons aux caisses de crédit qui sont membres de notre centrale?

Le sénateur Kroft: Oui.

M. Guss: Premièrement, chaque caisse dispose d'une marge de crédit de sa centrale. Nous nous assurons qu'elles ont chacune les liquidités nécessaires pour répondre aux besoins de leurs membres.

Il y a également un mécanisme en place par l'intermédiaire de la Banque du Canada. La Centrale des caisses de crédit du Canada est ce qu'on appelle un adhérent-correspondant de groupe à l'ACP, l'Association canadienne des paiements, ce qui signifie que nous avons une marge de crédit de la banque.

Le sénateur Kroft: C'est à ce titre que vous fournissez des liquidités?

M. Guss: Oui.

Le sénateur Kroft: Vous servez donc d'intermédiaire entre la Banque du Canada et les caisses. Pouvez-vous aussi vous procurer des capitaux?

M. Guss: Nous sommes autorisés à le faire. Nous pouvons prendre des dépôts de nos membres et les faire fructifier.

Grâce au mécanisme de la Banque du Canada, nous nous occupons des règlements avec les autres institutions financières. Il n'y a pas beaucoup d'institutions qui peuvent venir ici et dire qu'elles ont une marge de crédit de la Banque du Canada.

Nous assurons les règlements pour toutes les caisses de crédit qui sont membres de notre réseau grâce à notre compte à la Banque du Canada, dont la valeur s'élève à plusieurs centaines de millions de dollars. Voilà comment nous fournissons des liquidités à nos caisses sur une base quotidienne.

Le sénateur Kroft: Une centrale des caisses de crédit ne pourrait pas émettre d'effets destinés directement au grand public?

M. Guss: Nous avons une cote pour les obligations. La centrale ontarienne a une cote pour les effets de commerce, et nous pouvons en émettre, mais nous n'avons jamais eu à le faire.

La centrale de Colombie-Britannique a une cote moyenne de R1, ce qui est de même niveau que la plupart des provinces. Elle a un programme actif d'émission d'effets de commerce afin de recueillir des fonds pour ses caisses de crédit à des taux intéressants.

L'Opco s'attend à pouvoir bénéficier de la même cote, ce qui signifie que nous pourrons mettre à la disposition des caisses des fonds qui leur coûteront moins cher et qu'elles pourront à leur tour prêter à leurs membres, que ce soient de petites entreprises ou des particuliers.

Le sénateur Kroft: Quelle est la croissance prévue? Il n'y a pas de limites ou de plafonds évidents qui pourraient restreindre votre capacité de fournir des liquidités aux membres de votre réseau. Vous avez une cote de crédit. Vous pouvez émettre des effets de commerce. Vous avez des liens avec la Banque du Canada et, bien sûr, vous avez des dépôts qui proviennent des membres.

M. Guss: C'est exact.

Le sénateur Oliver: Vous avez parlé longuement de l'équilibre concurrentiel. Le Bureau de la concurrence va s'occuper de cet aspect-là, tandis que le BSIF se chargera des autres questions comme la solidité et la sécurité.

Ce que nous aimerions, c'est que vous nous donniez votre définition de l'«intérêt public» et des éléments dont il faudrait tenir compte à cet égard.

Si deux de nos grandes banques devaient fusionner, seriez-vous en mesure d'assimiler certaines de leurs succursales dans les provinces Atlantiques et en Ontario? Auriez-vous les capitaux nécessaires? Et l'intérêt voulu? Votre plan national vise-t-il en partie à aider à créer une deuxième catégorie d'institutions pour faire concurrence aux banques?

Mme DeLaurentiis: Oui. Au cours des dernières années, nous avons assimilé 72 succursales bancaires.

Le sénateur Oliver: Est-ce qu'il y avait des succursales de la Banque de Montréal?

Mme DeLaurentiis: De la Banque de Montréal et de la Banque de Nouvelle-Écosse. Il y a certainement un intérêt. Évidemment, il faudrait établir que c'est rentable. Nous devrions être convaincus que les conditions seraient justes pour les succursales qui seraient à vendre. Nous voudrions nous assurer, par exemple, qu'il n'y aurait pas d'exode des meilleurs clients.

Mais, l'intérêt est là. Il y a déjà des précédents, et les capitaux sont là.

Le sénateur Oliver: Un des autres éléments dont il faut tenir compte, en ce qui concerne l'intérêt public, c'est ce qui arrivera aux employés qui pourraient être déplacés pendant la transition. Seriez-vous prêts à garder certains de ces employés?

Mme DeLaurentiis: C'est une des choses qu'il faudrait définir dans le cadre de l'étude de rentabilité. Ces dernières années, il y a eu un certain nombre de fusions entre caisses de crédit, et le nombre d'employés n'a pas diminué; il a augmenté. Et c'est la même chose pour le nombre de succursales.

Nous nous rendons compte que, à mesure que nous prenons de l'expansion, nous attirons de nouveaux clients. C'est une roue qui tourne. Nous n'avons pas constaté de diminution générale. Il faudra se demander s'il y a une correspondance culturelle entre la caisse de crédit et la banque. Mais il semble que les fusions aient tendance à faire augmenter le nombre de succursales et le nombre d'employés.

Le sénateur Oliver: Un des autres éléments qu'on nous a suggéré d'examiner en cas de fusion entre deux grandes banques, pour déterminer si ce serait dans l'intérêt public, c'est l'existence de capitaux disponibles pour les petites entreprises. Vous avez un actif total de 64 milliards de dollars. Si vous deviez assimiler des succursales dans les provinces Atlantiques, seriez-vous en mesure de mettre plus de fonds de roulement à la disposition des petites entreprises?

La Banque de Nouvelle-Écosse et la Banque Royale sont en train de quitter graduellement les provinces Atlantiques, et les petites entreprises ont plus de mal à obtenir des capitaux. Seriez-vous prêts à remplacer ces banques et à offrir ces capitaux s'il y avait une fusion?

Mme DeLaurentiis: Quand on regarde les données de Statistique Canada, on s'aperçoit que le réseau des caisses, ce qui inclut les caisses Desjardins, autorise 38 p. 100 des prêts inférieurs à 50 000 $ et 26 p. 100 des prêts de moins de 250 000 $.

Le sénateur Oliver: Au Canada?

Mme DeLaurentiis: Au Canada. Proportionnellement, le réseau des caisses a plus de poids que les autres institutions financières. L'amélioration de la position des caisses dans le domaine des prêts commerciaux est une priorité pour la centrale canadienne.

Nous savons que nous allons devoir améliorer les compétences des employés des caisses de crédit. Traditionnellement, ces caisses se sont surtout concentrées sur le marché des consommateurs. Mais nous avons décidé d'augmenter le nombre de cours offerts sur les prêts commerciaux pour améliorer les compétences à ce sujet. Nous examinons actuellement certaines questions liées à la législation et à la réglementation. Par exemple, nous voulons déterminer s'il serait important d'harmoniser les règles relatives aux prêts commerciaux.

La fusion entre la Colombie-Britannique et l'Ontario est importante parce qu'elle permettra aux caisses de ces deux provinces de mettre leurs capitaux en commun et d'établir des syndications. Quand nous parlons de syndications, ce n'est pas du même ordre de grandeur que dans le cas des banques. C'est quelque chose de beaucoup plus restreint.

Nous voulons déterminer s'il y a des restrictions réglementaires. On nous dit que oui, et nous voulons savoir en quoi elles consistent et nous concentrer là-dessus. Nous voulons examiner toutes ces questions pour que nos caisses soient en mesure de prêter aux petites et moyennes entreprises.

Le sénateur Oliver: Votre position sur ces trois points est plutôt encourageante.

Le sénateur Setlakwe: Vous présumez que les fusions bancaires vont obliger les banques régionales et locales à réduire leurs activités et que vous allez prendre la place qu'elles auront laissée vacante, c'est bien cela?

Mme DeLaurentiis: Oui, dans la mesure où ce serait rentable.

Le sénateur Setlakwe: Vous pensez pouvoir combler ce vide?

Mme DeLaurentiis: Nous pensons que oui.

Le sénateur Setlakwe: Vous n'envisagez pas que d'autres institutions, par exemple des banques étrangères, pourraient essayer elles aussi de combler ce vide?

Mme DeLaurentiis: Les statistiques montrent que les banques étrangères ne s'intéressent pas aux régions rurales, ni aux entreprises locales. Nous croyons qu'elles ne changeront pas de politique.

Le sénateur Setlakwe: Monsieur Guss, vous avez dit que vous vouliez servir les petites et moyennes entreprises, jusqu'à un certain point, et qu'il y aurait une limite au montant des prêts que vous seriez disposés à accorder. Mais que se passe-t-il quand une petite ou moyenne entreprise devient trop grosse pour vous?

M. Guss: Nous avons des programmes de syndication. Nous pensons que la création de l'entité qui résultera de la fusion aidera les caisses de crédit à servir ce marché plus efficacement. À l'heure actuelle, les caisses peuvent avoir par exemple une limite de prêts de 1 ou 2 millions de dollars. Elles prêtent aux entreprises qui commencent à grandir et à connaître du succès, dans des endroits comme Sault Ste. Marie ou Thunder Bay, par exemple.

Ce qu'il faut souligner, c'est qu'à l'heure actuelle, en Ontario, la centrale a mis en place un programme de syndication avec ses caisses de crédit. Quand une caisse a besoin de fonds supplémentaires pour un prêt plus important, nous intervenons et nous faisons appel à d'autres caisses pour former un consortium, dont la valeur peut atteindre 4 millions, par exemple, ou 6 millions. Si nous avions un capital de base de 300 millions plutôt que de 100 millions, ce qui sera le cas avec l'Opco, nous pourrions consentir ce genre de prêts plus facilement ou plus souvent.

Si l'Opco s'étend dans tout le pays, elle sera certainement capable elle aussi d'occuper ce genre de créneau ou de répondre à ce besoin en Nouvelle-Écosse. La centrale de Saskatchewan, par exemple, fait actuellement de l'excellent travail sur le marché de la Saskatchewan, tant auprès des petites entreprises que des compagnies relativement grosses. Si nous regroupons notre capital de base, les caisses vont pouvoir augmenter le montant ou le nombre des prêts qu'elles consentent.

Nous croyons que notre fusion nous donnera à coup sûr le capital nécessaire pour des syndications plus solides, ce qui nous permettra de relever les défis et de répondre aux demandes dont vous venez de parler.

Le sénateur Setlakwe: Je présume que vous n'avez pas l'intention de vous implanter au Québec et de faire concurrence aux caisses populaires. Serez-vous en mesure d'offrir des prêts équivalents à ceux que les caisses offrent au Québec?

Mme DeLaurentiis: Au Québec, les caisses occupent de 35 à 40 p. 100 du marché des prêts commerciaux. Nous sommes bien loin de cela.

Le sénateur Setlakwe: Je veux parler des limites des prêts individuels.

Mme DeLaurentiis: Je ne suis pas sûre de pouvoir vous répondre, mais je vais vous trouver la réponse.

Le sénateur Meighen: Les banques disent qu'un des avantages des fusions, c'est qu'elles nettoient le terrain pour permettre aux gens comme vous d'intervenir, d'acquérir les succursales et d'offrir le service local qui est tellement en demande.

Que se passera-t-il si les ministres n'approuvent pas les fusions bancaires et que la situation ne change pas? Est-ce que la meilleure façon de vous implanter sur de nouveaux marchés consiste à prendre possession de succursales bancaires?

M. Guss: Nous avons pris énormément d'expansion au fil des années. En Ontario — la province qui représente probablement notre marché le plus faible —, nous avons connu une croissance de 9 p. 100 au cours des cinq dernières années. Or, pendant cette période, nous n'avons acheté que deux succursales bancaires. Nous avons pu prendre de l'expansion sans faire l'acquisition de succursales bancaires.

Mme DeLaurentiis: ... et la centrale canadienne organisent chaque printemps une session de planification pour toutes les caisses de crédit. Une des quatre initiatives majeures qui sont prévues, c'est une percée dans le domaine des prêts aux petites et moyennes entreprises. Nous sommes prêts à nous lancer sur ce marché.

Quand nous cherchons des occasions d'affaires, surtout en dehors des grands centres, nous constatons qu'il y a un excellent potentiel. Nous pouvons avoir des normes de souscription très élevées et faire tous les prêts que nous devons faire pour remplir notre portefeuille. Les banques ne sont tout simplement pas aussi concurrentielles à l'extérieur des grandes villes, soit parce qu'elles n'y tiennent pas, soit parce qu'elles n'ont pas les gens qu'il faut.

En dehors de Toronto et de Vancouver, la croissance de notre marché va être exceptionnelle, que les banques fusionnent et se retirent de certaines localités ou qu'elles y restent. Nous allons fonctionner efficacement et continuer à prendre de l'expansion même s'il n'y a pas de fusions bancaires.

Le sénateur Meighen: C'est encourageant à entendre. Votre statistique de 9 p. 100 par année représente un bon taux de croissance.

De façon générale, pouvez-vous consentir des prêts aux entreprises et aux particuliers? Pouvez-vous vendre de l'assurance? Pouvez-vous faire du crédit-bail automobile?

Mme DeLaurentiis: Nous pouvons faire tout ce que les banques font, et même plus dans certains cas. Par exemple, plusieurs caisses disent que le crédit-bail automobile est un créneau important pour elles.

En ce qui a trait à la vente d'assurance au détail, les caisses de Colombie-Britannique sont les seules à pouvoir posséder des agences d'assurance et vendre des produits d'assurance, mais elles doivent le faire dans des endroits séparés, à l'extérieur des succursales.

Les caisses de crédit aimeraient bien pouvoir vendre de l'assurance au détail dans leurs succursales parce que cela leur permettrait d'élargir leur gamme de produits.

Dans le reste du Canada, les caisses de crédit ne sont pas autorisées à détenir des intérêts majoritaires dans des agences d'assurance; elles ne se sont pas lancées sur ce marché. Ce n'est pas le bon modèle pour elles.

Les caisses peuvent toutefois offrir essentiellement la même gamme de produits que les banques.

Le sénateur Meighen: Sans se faire accuser de vente croisée, assurément.

Mme DeLaurentiis: Il y a des réseaux et de la vente croisée. Ce que nous ne faisons pas, c'est de la vente liée. Mais la vente croisée est une bonne chose, non?

Le sénateur Meighen: Vous n'avez pas de problème de vente liée? Il n'y a personne qui dit, par exemple: «Je vais vous accorder un prêt si vous achetez de l'assurance»?

Mme DeLaurentiis: Non. Creditor Life est notre produit le plus populaire, qui existe depuis un certain temps. En raison des renseignements à fournir et des exigences à respecter, pour toutes les institutions financières, le client, le particulier et le membre doivent signer. Il n'y a pas d'option négative. Nous n'avons jamais entendu de plaintes à ce sujet-là.

Le sénateur Meighen: Pour finir, madame DeLaurentiis, vous dites à la page 3 que le gouvernement fédéral devrait:

2. Continuer à consulter les représentants du secteur financier coopératif afin de poursuivre l'élaboration de la législation fédérale sur les services bancaires coopératifs;

Est-ce que cette législation viserait à compléter les lois provinciales ou à les remplacer?

Mme DeLaurentiis: Ce serait un complément. Les caisses de crédit sont assujetties dans une large mesure à la réglementation provinciale. Je ne pense pas que le gouvernement fédéral ait envie de se lancer dans une bataille pour redéfinir qui réglemente ces institutions. Ce serait vraiment un complément. Et ce ne serait même pas pour toutes les caisses. Nous ne voyons pas les coopératives de crédit comme des institutions vers lesquelles gravitent les caisses de crédit. Il y en a peut-être une douzaine qui sont vraiment intéressées à s'étendre dans l'ensemble du pays pour différentes raisons d'affaires. Nous pensons que ce serait une option intéressante.

Le sénateur Meighen: Qui va réglementer la nouvelle entité quand les centrales de la Colombie-Britannique et de l'Ontario auront été regroupées?

M. Guss: Les centrales provinciales sont constituées en vertu des lois provinciales, mais il y en a cinq qui sont assujetties à la réglementation fédérale, ce qui fait qu'elles ont déjà des liens avec le BSIF. La nouvelle organisation sera constituée et réglementée sous le régime fédéral. Ce sera un pur-sang plutôt qu'une institution hybride.

Les provinces vont vouloir avoir leur mot à dire sur nos opérations parce que nous allons fournir des liquidités, comme nous vous l'avons déjà expliqué. Il sera important que nous échangions de l'information avec les agences de réglementation provinciales.

Le sénateur Tkachuk: Cette institution sera-t-elle considérée comme une banque après la fusion de vos deux centrales? Est-ce que le BSIF vous considérera comme une banque?

M. Guss: En théorie, il va nous considérer comme une banque, mais ce n'est pas tout à fait le cas. Nous avons notre propre loi, la Loi sur les associations coopératives de crédit. Nous allons devenir la première coopérative de crédit constituée sous le régime de cette loi, qui ressemble à la Loi sur les banques.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui va se passer si la Saskatchewan veut se joindre à vous?

M. Guss: Nous croyons que les changements que nous réclamons maintenant vont ouvrir la porte à d'autres. Je ne veux pas faire de promesses, mais il me semble que nous avons énoncé méthodiquement, pour les Finances et le BSIF, les changements dont nous avons besoin. Nous pensons les avoir tous énumérés. On ne sait jamais ce que les autres provinces pourraient réclamer quand elles seront prêtes à se joindre à nous. Il est possible que nous ayons d'autres demandes à l'avenir.

Le sénateur Tkachuk: Je sais que les caisses de crédit appartiennent à leurs membres. Que se passe-t-il quand vous achetez par exemple cinq succursales qui ne comptent pas de membres? À qui appartiennent ces succursales en attendant? Comment cela fonctionne-t-il? Est-ce que c'est la centrale des caisses de crédit qui achète les succursales? Je sais que vous vous présentez comme un mouvement populaire.

M. Guss: C'est une question pertinente puisque notre réseau est très décentralisé. Nous avons réparti les pouvoirs décisionnels.

Le sénateur Tkachuk: Vous devez essayer de stimuler vos membres.

M. Guss: Les membres sont intéressés, et les choses se sont passées différemment selon les provinces. Dans quelques provinces, la centrale a acheté les succursales dans le cadre d'une transaction à court terme et les a ensuite revendues aux caisses de crédit concernées.

En Ontario, lorsqu'une de nos caisses a voulu acheter quelques succursales, nous avons travaillé avec elle. Elle a toutefois fait l'achat directement parce qu'il y avait seulement deux succursales. Tout dépend de la taille et de la province, ainsi que des lois provinciales.

Dans les Prairies et en Colombie-Britannique, où se sont faites les transactions les plus importantes, et aussi en Alberta, c'est la centrale qui a fait l'acquisition des succursales, qui les a gardées quelque temps et qui les a ensuite remises aux caisses de crédit.

Le sénateur Tkachuk: Qu'est-ce qui se passera quand vous arriverez dans une ville desservie par une ou deux banques, dont une sera fusionnée? Qui achètera la succursale? Est-ce que vous vous entendrez avec la population locale?

M. Guss: La population locale doit participer à la décision. Dans le cas d'une transaction à court terme, la centrale n'achètera probablement pas de succursale locale à moins qu'une caisse de crédit des environs dise qu'elle peut en assurer la gestion, garder ses employés et l'exploiter comme une succursale. La centrale ne possède et n'exploite jamais directement une institution financière ou une succursale de détail.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je serais curieuse de savoir comment vous avez fait accepter votre projet de fusion. Quelle a été la réaction de vos membres? Comment avez-vous été autorisés à effectuer certaines transactions?

Pouvez-vous nous expliquer ce qui s'est passé et comment la décision a été prise?

M. Guss: Vous voulez savoir comment nous avons vendu l'idée? Personnellement, je connais toutes les petites villes de l'Ontario comme le fond de ma poche, et c'est la même chose pour mon collègue de Colombie-Britannique. Mes collègues de toutes les provinces voyagent beaucoup; ils font la tournée des caisses de crédit, partout où il y en a, et travaillent avec les gens de ces caisses. C'est une transaction très complexe. Nous sommes dans un secteur très exigeant.

Notre système de prise de décision est démocratique. Nous devons parler à nos membres parce que ce sont ces gens- là qui siègent au conseil d'administration des caisses.

Vous dites que notre système bouge lentement, mais il est démocratique, et nous avons travaillé très fort pour nous bâtir des appuis. Il nous a fallu deux ans pour recueillir ces appuis. Je suis très fier de tout le travail que nous avons fait.

Mme DeLaurentiis: Le travail préparatoire consistait en bonne partie à faire accepter une vision d'efficience accrue, de coopération, de capacité d'expansion et d'implantation sur un marché plus vaste. Fondamentalement, les caisses de crédit étaient prêtes, individuellement, à relever ce défi et à reconnaître que, pour en arriver là, elles devaient faire le nécessaire au niveau national pour regrouper leurs opérations.

L'autre point important dont il faut se rappeler, c'est qu'avec la fusion entre la Colombie-Britannique et l'Ontario, nous aurons une entité qui détiendra 60 p. 100 de la part du marché. C'est une énorme réalisation.

Le président: Merci d'être venus. Nous vous souhaitons de réussir et nous espérons que le gouvernement agira vite. S'il ne le fait pas, revenez nous voir et nous essaierons de vous aider.

La séance se poursuit à huis clos.


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