Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 16 - Témoignages du 27 mars 2003
OTTAWA, le jeudi 27 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, à qui a été renvoyé le projet de loi C-3, Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, se réunit aujourd'hui à 11 h 05 pour examiner le projet de loi.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Nous sommes ici aujourd'hui pour examiner le projet de loi C-3, loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du régime de pensions du Canada.
Notre étude sera divisée en deux. Nous commencerons par entendre les témoins du ministère des Finances. M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances est en tête de notre liste de témoins.
Monsieur Wilfert, avez-vous une déclaration liminaire?
M. Bryon Wilfert, député, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Monsieur le président, membres du comité, je suis heureux de m'adresser au comité aujourd'hui pour parler du projet de loi C-3, qui modifie le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada. Mes observations préliminaires seront brèves, ce qui nous laissera du temps pour les questions.
Le projet de loi C-3 est la dernière étape des réformes apportées au Régime de pensions du Canada, le RPC, en 1997 par les gouvernements fédéral et provinciaux, en leur qualité de coresponsables du Régime. Aux termes de ce projet de loi, tous les actifs du RPC encore gérés par le gouvernement à l'heure actuelle seront transférés à une entité indépendante, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada, l'OIRPC.
Les réformes de 1997 ont été la conséquence directe de l'avertissement lancé au début des années 90 par l'actuaire en chef du Canada. Selon lui, si rien n'était fait, les actifs du RPC seraient épuisés d'ici 2015 et les taux de cotisation devraient être portés à plus de 14 p. 100 d'ici 2030 pour garantir les versements de prestations aux bénéficiaires. C'était une situation qu'on ne pouvait envisager.
Comme le savent les honorables sénateurs, le Régime de pensions du Canada a été mis en place en 1966 conjointement par les administrations fédérale et provinciales. Le RPC assure un revenu de retraite à toutes les personnes ayant travaillé au Canada et versé des cotisations. Il peut aussi procurer un soutien financier aux cotisants et à leurs familles en cas d'invalidité ou de décès.
Un régime national à participation obligatoire fondée sur les gains et auquel cotisent presque tous les travailleurs canadiens, le RPC a été conçu non pour remplacer les banques privées et les régimes de retraite d'employeur, mais pour leur servir de complément. Pendant 30 ans, le régime n'a soulevé aucun problème.
Mais après que sa viabilité a été remise en question, les administrations fédérale et provinciales ont procédé à un examen approfondi du RPC au milieu des années 90. En 1997, après avoir mené des consultations publiques poussées dans l'ensemble du Canada, le gouvernement fédéral et les provinces ont adopté une approche équilibrée pour réformer le Régime de pensions du Canada de façon à ce qu'il puisse absorber, moyennant des coûts abordables, la demande des années à venir, lorsque les «baby boomers» prendront leur retraite.
Cette approche équilibrée comprenait l'augmentation des taux de cotisation à 9,9 p. 100 d'ici 2003 au lieu de 2015 comme il avait été prévu au départ. Elle comprenait également la constitution d'un portefeuille d'actifs accru pendant que les baby boomers sont encore sur le marché du travail, et l'investissement de ces actifs sur les marchés sans lien de dépendance avec le gouvernement afin d'obtenir le meilleur rendement possible. Elle prévoyait en outre le ralentissement de la croissance des coûts du RPC au moyen de mesures administratives et de réduction des dépenses. L'un des éléments clés des réformes était la mise en place d'une nouvelle politique d'investissement des actifs du RPC sur les marchés.
L'OIRPC a été mis sur pied pour définir et mettre en œuvre cette politique d'investissement sur les marchés. Créé en 1998, l'Office a amorcé ses activités en 1999; son mandat consiste à investir dans l'intérêt des cotisants au RPC et de ses bénéficiaires, et d'obtenir un rendement maximal sans pour autant s'exposer à des risques indus.
Avant 1999, les fonds qui n'étaient pas immédiatement requis pour le versement des prestations étaient investis dans des obligations provinciales, au taux créditeur du gouvernement fédéral. Cette politique d'investissement donnait un portefeuille de titres non diversifié et faisait en sorte de bonifier les taux d'intérêt pour les provinces.
Aux termes de la nouvelle politique, les fonds du RPC qui ne sont pas immédiatement requis au titre du paiement des prestations et des dépenses sont transférés à l'Office d'investissement et sont investis prudemment dans un portefeuille diversifié de titres boursiers, au mieux des intérêts des cotisants et des bénéficiaires.
L'Office d'investissement du RPC gère des milliards de dollars de fonds de retraite appartenant aux Canadiennes et aux Canadiens en appliquant les normes professionnelles les plus rigoureuses sans lien de dépendance avec les gouvernements. En outre, ses décisions d'investissement sont prises par des gestionnaires hautement qualifiés. L'Office compte sur un conseil d'administration dont les membres possèdent de grandes compétences et beaucoup d'expérience en matière de finances et d'investissement. Ses administrateurs sont choisis selon une procédure rigoureuse à partir d'une liste de candidats établie par un comité de candidatures. Mentionnons également que l'Office doit rendre compte de ses activités aux participants du RPC et aux administrations fédérale et provinciales. Il veille aussi à ce que les Canadiens soient tenus au courant de ses politiques, de ses activités et de ses investissements.
Aux termes du projet de loi C-3, tous les actifs du RPC encore détenus par le gouvernement fédéral seront transférés à l'Office sur une période de trois ans. Ces actifs, évalués à 37 milliards de dollars environ, se composent d'une réserve de caisse et d'un important portefeuille d'obligations essentiellement émises par les provinces. Ces mesures engendreront plusieurs avantages.
D'abord, selon les études menées par l'actuaire en chef du Canada, investir la totalité des actifs du RPC sur les marchés se traduira par des gains de quelque 85 milliards de dollars sur 50 ans.
Ensuite, le regroupement de tous les actifs et leur gestion par un même organisme mettra le RPC sur un pied d'égalité avec d'autres grands régimes de retraite publics et permettra de définir des stratégies optimales d'investissement et de gestion du risque, contribuant à garantir la viabilité du Régime.
Enfin, le transfert graduel du portefeuille d'obligations à l'Office sur une période de trois ans donnera aux marchés financiers, aux programmes d'emprunt provinciaux et à l'Office lui-même le temps de s'adapter.
Je précise que les provinces et les territoires appuient unanimement ce transfert. Grâce à ce projet de loi, l'ensemble des actifs du RPC sera géré par un organisme professionnel indépendant.
Je prie les membres du comité de garder à l'esprit le fait que les fonds investis par l'Office aujourd'hui, et le rendement obtenu, serviront à verser des prestations aux travailleurs canadiens qui commenceront à prendre leur retraite dans 20 ans.
C'est pourquoi l'Office d'investissement doit conserver une totale indépendance par rapport aux administrations publiques lorsqu'il prend ses décisions en matière d'investissement. Cette indépendance est essentielle pour assurer la réussite de ses activités et la confiance du public dans ses politiques d'investissement.
En conclusion, le projet de loi C-3 est la dernière étape du processus entamé en 1997 par les gouvernements fédéral et provinciaux pour que les actifs du RPC soient investis sur les marchés par un organisme professionnel indépendant. Toutes ces mesures assureront la viabilité financière du RPC pour les générations à venir.
Voilà qui conclut mes observations. Comme vous l'avez mentionné, je suis accompagné de fonctionnaires qui se feront un plaisir de répondre à toutes les questions du comité.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez mentionné que l'Office s'oppose aux options d'achat d'actions et préconise que soient versées à ses administrateurs et à ses gestionnaires des actions qui seront conservées par l'Office durant leur mandat.
Est-ce bien la position de l'Office et est-ce ainsi que les votes seront exercés — contre les options d'achat d'actions? Ma question s'adresse au représentant du gouvernement.
M. Larry Weatherley, chef, Financement du gouvernement, Division des marchés financiers, Direction de la politique du secteur financier, ministère des Finances: L'Office fonctionne de façon indépendante. Il est entièrement responsable de sa propre politique d'investissement. Il a récemment publié des directives sur les votes par procuration dans lesquelles on explique comment seront tenus les votes relatifs à certaines questions de gouvernance. La décision appartient à l'Office.
Le président: Puis-je vous suggérer de poser cette question aux membres du conseil d'administration de l'Office, lorsqu'ils comparaîtront?
Le sénateur Tkachuk: Je voudrais savoir si le gouvernement a adopté lui aussi une position à ce sujet.
M. Wilfert: Le conseil d'administration est indépendant. Dans le site Web de l'Office, on trouve un exposé clair de ses fonctions.
Toutefois, pour répondre aux aspects plus techniques de la question du sénateur, je dirai respectueusement que votre prochain groupe de témoins sera probablement en mesure d'y répondre.
Le gouvernement veut en fait s'assurer que les fonds sont prudemment investis et que le risque est réduit au minimum. Le conseil d'administration est composé d'administrateurs très impressionnants. Les candidats à ces postes ont été recommandés par les provinces et nommés par le gouvernement fédéral. Ils ont tous énormément d'expérience et comprennent par conséquent très bien quel est leur mandat. Leur but est de maximiser le rendement sur les investissements tout en évitant les risques indus.
Le sénateur Tkachuk: Mais qu'en est-il des régimes de pensions du gouvernement?
M. Wilfert: Ces modifications nous mettront sur le même pied que les autres grands régimes de pension, entre autres le Régime de pensions des enseignants de l'Ontario et le Régime de retraite des employés municipaux de l'Ontario, l'OMERS. Dans la formule précédente, les bénéficiaires ne recevaient pas beaucoup d'intérêt et nous avons donc accru les options. Il existe également un code de gouvernance qui régit les investissements.
Le sénateur Tkachuk: Dans les régimes de pension du gouvernement, le gouvernement n'a pas pour politique de voter contre une gestion qui s'octroie elle-même des options. C'est bien ce que vous dites? Je ne suis pas sûr de vous avoir compris.
M. Weatherley: Le gouvernement a mis sur pied un autre office d'investissement du régime de pensions du secteur public qui est chargé de gérer les fonds de la caisse de retraite de la fonction publique et d'un et deux autres fonds de pensions. Cet office fonctionne un peu de la même façon que celui du RPC. Il assume l'entière responsabilité de sa politique d'investissement. Je ne suis pas certain qu'il se soit doté de directives en matière de votes par procuration. Je crois bien que oui, et je crois que ces directives sont semblables à celles de l'OIRPC. Les deux offices sont gérés de façon distincte.
Le sénateur Tkachuk: Je le comprends. Si je pose ces questions, c'est que vous dites que le RPC doit rendre des comptes, mais c'est le gouvernement du Canada qui en est l'actionnaire. Je suppose qu'il doit rendre des comptes à son actionnaire.
À titre de propriétaire de la société de la Couronne, comment le gouvernement exerce-t-il son droit afin de faire connaître son point de vue au conseil d'administration? Il n'a de compte à rendre à personne. Quelle est la relation entre le conseil et l'actionnaire? Existe-t-il une collaboration? Comment s'organise-t-il? Comment le ministre peut-il s'assurer que les actionnaires sont bien protégés?
M. Wilfert: La reddition de comptes est assurée au moyen de rapports annuels au Parlement. Il y a également des consultations avec les actionnaires durant une période de trois ans, je crois, des consultations de tous les actionnaires.
M. Weatherley: Les actionnaires dont on parle ici, ce sont les participants au Régime de pensions du Canada.
Le sénateur Tkachuk: Mais ils n'ont pas le droit de voter, n'est-ce pas?
M. Weatherley: L'Office d'investissement du RPC prépare des rapports annuels et les présente au Parlement par le truchement du ministre des Finances. Les gouvernements assument conjointement l'intendance du régime. Comme l'a dit M. Wilfert, il existe des mécanismes pour cela. On exige que l'Office d'investissement tienne des réunions tous les deux ans avec les provinces participantes. Au cours de ces réunions, les participants sont invités à commenter la politique d'investissement de l'Office. L'Office présente aussi je crois, des exposés.
L'Office affiche toutes ses politiques et ses résultats financiers sur son site Web de façon à ce que la population puisse y avoir un aussi grand accès que possible. Les gens peuvent également faire parvenir leurs questions par écrit à l'Office d'investissement.
Le sénateur Tkachuk: J'essaie de voir comment l'Office assume ses responsabilités de fiduciaire envers le principal actionnaire, qui est le gouvernement du Canada. L'Office tient des réunions avec les participants au régime, mais ils n'ont aucun pouvoir sur le régime de pensions. Les participants ne peuvent pas retirer leur argent quand ils le souhaitent. Ce n'est pas vraiment leur régime de pensions. C'est le régime de pensions du gouvernement; l'argent y entre et en sort. Consulter les participants, cela ne veut vraiment rien dire. Quelle est la relation avec le propriétaire du RPC, c'est-à-dire le gouvernement du Canada et le ministre? Je sais que vous publiez un rapport, mais comment êtes- vous interrogé sur ce rapport? Comment cela se passe-t-il chaque année?
M. Wilfert: En fait, le comité permanent de la Chambre des communes, par exemple, peut inviter le président du conseil d'administration en tout temps, s'il y a des problèmes ou si le comité souhaite lui poser des questions. Je vous signale que compte tenu du rôle joué par Deloitte Touche, pour les vérifications internes, et par le vérificateur général, si ces rapports soulèvent quelques questions que ce soient, ce sont les parlementaires qui, en fin de compte, pourront poser les questions. Si les rapports qui sont déposés de façon publique et transparente soulèvent des questions, c'est aux députés qu'il incombera d'agir.
Le sénateur Tkachuk: Deloitte Touche fait votre vérification. Quel est le rôle du vérificateur général du Canada?
M. Wilfert: Il examine les états financiers vérifiés de l'Office d'investissement.
Le sénateur Tkachuk: Pourquoi le Bureau du vérificateur général ne fait-il par la vérification?
M. Weatherley: Lorsque l'Office d'investissement a été créé, on a décidé que ce serait un organisme indépendant. Cela fait partie de ce caractère indépendant.
Pour revenir à votre question, le vérificateur général vérifie les états financiers du Régime de pensions du Canada. Lorsqu'on a mis sur pied l'Office d'investissement du RPC, le vérificateur général a signé une entente selon laquelle son bureau pourrait se procurer les renseignements nécessaires auprès de l'Office d'investissement pour ses vérifications du Régime de pensions du Canada.
Le sénateur Tkachuk: Expliquez-moi cela. Les vérifications faites par Deloitte Touche portent-elles sur l'investissement ou sur les gestionnaires qui dirigent l'Office, paient les salaires, etc.? Qui s'occupe de cela, et comment le vérificateur général fait-il partie de ce tableau exactement?
M. Wilfert: Deloitte Touche s'occupe des vérifications internes de l'Office d'investissement. Le rôle du vérificateur général consiste à examiner les états financiers vérifiés de l'Office. Le vérificateur général peut poser toute question pertinente qu'il estime nécessaire pour s'acquitter de ses fonctions.
Je dois également souligner, monsieur le président, que le ministre des Finances et celui de DRHC préparent tous les deux un rapport annuel au sujet du RPC. Ce rapport comprend les états financiers vérifiés et le rapport du vérificateur général. Il est déposé au Parlement. Il est également communiqué aux ministres des Finances des provinces.
Par conséquent, relativement à la transparence en ce qui concerne les députés et la population, c'est au moment où ce rapport est déposé que peuvent être élucidées toutes les questions.
Le sénateur Tkachuk: Qui choisit le vérificateur?
M. Wilfert: Le vérificateur interne?
Le sénateur Tkachuk: Celui qui fait la vérification du RPC. Est-il choisi par l'Office ou par le comité de vérification?
M. Weatherley: Il est choisi par le comité de vérification de l'Office.
Le sénateur Tkachuk: Ce comité fait-il une recommandation ou choisit-il simplement le vérificateur? On pourrait croire que le principal actionnaire serait informé de la façon dont cela se fait?
M. Wilfert: C'est une question très technique.
Le sénateur Tkachuk: Ce n'est pas vraiment si technique. Le choix est fait soit par le comité de vérification, soit par l'Office, ou encore l'Office fait ce choix sur la recommandation du comité de vérification.
M. Doug Wyatt, avocat général, Services juridiques généraux, ministère des Finances: C'est l'Office qui choisit le vérificateur.
M. Wilfert: Et l'Office signe ensuite les résultats de la vérification.
Le président: Je suis content que vous ayez posé la question, mais cela déborde un peu le cadre du projet de loi. Vous devriez peut-être poser ces questions aux représentants de l'Office, lorsque nous les entendrons.
Le sénateur Tkachuk: Ils représentent le principal actionnaire et ils devraient être en mesure de répondre à certaines questions. Ils représentent le gouvernement du Canada.
Le président: Si j'ai bien compris, le seul but de ce projet de loi est de transférer ces fonds à l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada.
M. Wilfert: C'est exact. Le but du projet de loi est simplement de transférer ces fonds. Nous connaissons le fonctionnement interne de l'Office et nous veillons à pouvoir répondre aux questions sur ce sujet. Toutefois, lorsqu'il s'agit de questions plus techniques, nous demandons généralement, à l'autre endroit, aux membres de l'Office de venir répondre à ces questions. Ils sont en effet bien mieux en mesure de répondre aux questions relatives au fonctionnement interne. Ces questions débordent du cadre du projet de loi et de mes fonctions.
Le sénateur Kroft: J'aimerais avoir une précision sur un élément fondamental. Je comprends la façon de procéder et les gains d'efficacité inhérents. Je comprends le principe de la gestion.
Dans votre mémoire, vous dites que l'actuaire en chef du Canada a déclaré que si l'on investit la totalité des actifs sur les marchés ou pourra réaliser des bénéfices d'environ 85 milliards de dollars sur 50 ans pour le Régime de pensions du Canada.
M. Wilfert: C'est exact.
Le sénateur Kroft: J'aimerais savoir à quoi ce rendement accru est attribuable. On peut supposer qu'il viendra en partie de la plus grande efficacité des opérations, n'est-ce pas?
M. Wilfert: Oui.
Le sénateur Kroft: Cela viendra aussi en partie d'une modification quant à l'admissibilité des investissements?
M. Wilfert: C'est exact, sénateur.
Le sénateur Kroft: Pourriez-vous me donner une idée du résultat de cela? Je suis toujours un peu sceptique au sujet de prévisions sur une période de plus de 50 ans. C'est pourtant ce que font les actuaires, et je n'y trouve rien à redire.
Pourriez-vous utiliser des termes bien précis de façon à ce que je comprenne exactement de quoi il s'agit? Je ne sais pas si on peut préciser quels seront les résultats des gains d'efficience ou d'une gestion plus ciblée ou plus professionnelle — si je puis m'exprimer ainsi —, mais j'aimerais avoir une idée de ce qui se trouvera dans le portefeuille, des investissements qui seront admissibles et j'aimerais savoir si le portefeuille sera plus équilibré. Donnez- moi une idée de ce qui constituera le portefeuille, dans ce nouveau régime.
M. Wilfert: Je vais faire une brève observation. M. Ménard connaît très bien la ventilation, mais je vous signale que les taux augmentent très rapidement. Ils n'augmentent pas autant qu'ils l'auraient pu, à cause de la situation à laquelle nous avons été confrontés.
Dans le cas des obligations les taux étaient fixés en fonction des taux d'emprunt du gouvernement fédéral, c'est-à- dire des taux assez faibles. Toutefois, le rendement du régime a été, d'une façon générale, plus élevé que celui d'autres régimes, entre autres le OMERS ou le Régime de pensions des enseignants de l'Ontario, malgré le récent achat d'une certaine franchise de sports.
Le régime se porte très bien. D'après ce que j'ai lu, ce serait dû à la qualité des gestionnaires. Ce serait dû également en partie à une augmentation du rapport coût-efficacité et à des économies internes. Le changement y contribuera aussi, mais M. Ménard pourra peut-être vous fournir des chiffres.
M. Claude Ménard, actuaire en chef, Bureau du surintendant des institutions financières, ministère des Finances: L'augmentation des actifs est attribuable au compte courant de solde de fonctionnement de 5 milliards de dollars. Ce compte courant rapporte le taux d'intérêt des bonds du Trésor, qui y est de 2 p. 100 ou 2,5 p. 100. Ces 5 milliards de dollars représentent de 8 à 9 p. 100 de la totalité des actifs du RPC. Ce montant est beaucoup plus élevé que ce qu'on trouve dans d'autres régimes de pension au Canada. Le fait de transférer ce solde de fonctionnement dans un portefeuille diversifié d'obligations et d'actions permettra d'accroître le rendement. Cette augmentation résulte donc principalement du niveau plus élevé des actifs.
Le sénateur Kroft: Ces capitaux seront-ils mieux déployés?
M. Ménard: Oui.
Le sénateur Kroft: Pourriez-vous préciser comment le reste des fonds est actuellement investi hors caisse?
M. Ménard: Notre postulat se fonde sur une période de 75 ans. Les actifs qui sont et qui seront investis par l'Office d'investissement du RPC comprennent à 50 p. 100 d'obligations, 25 p. 100 de capitaux propres canadiens et 25 p. 100 de capitaux propres étrangers.
Aux termes de ce projet de loi qui prévoit le transfert du solde de fonctionnement de 5 milliards de dollars du fonds de fonctionnement de l'Office, on suppose que le taux de rendement de tous les actifs du RPC est d'environ 4,25 p. 100 supérieur au taux d'inflation. Par conséquent, si le taux d'inflation est de 2 p. 100, cela donne donc un taux de 6,25 p. 100. Au lieu que le solde de fonctionnement ait un rendement de 2,5 p. 100, on pourra obtenir un rendement de 6,25 p. 100 dans un portefeuille diversifié. C'est le principal effet.
Le sénateur Kroft: Vous dites que vous arrivez à ce chiffre en utilisant un taux réel de 4,5 p. 100?
M. Ménard: C'est exact.
Le président: C'est une estimation, n'est-ce pas?
M. Ménard: Oui. Tout ce qui se trouve dans ce rapport actuariel est une estimation.
Le président: Cette estimation pourrait être entièrement fausse, n'est-ce pas?
M. Ménard: Si vous regardez les chiffres obtenus sur une longue période, vous constatez que tous les portefeuilles diversifiés ont rapporté davantage que les bonds du Trésor.
Le président: Très bien.
M. Wilfert: Pour situer la chose, je vais vous donner les chiffres que j'ai maintenant. Je vais vous donner deux exemples différents de rendement annuel de régimes de pension du secteur public déterminés. Pour l'année se terminant le 31 décembre 2001, OMERS était à moins 3,4 p. 100; les enseignants de l'Ontario avaient perdu 2,3 p. 100; la Caisse des dépôts en avait perdu 5; et le RPC avait gagné au 31 décembre 2001, 6,2 p. 100.
Le dernier rapport annuel de l'OIRPC donne un rendement global pour l'année se terminant le 31 mars 2002 de 5,7 p. 100. Malheureusement, il est impossible de comparer directement le RPC avec les autres grands régimes du secteur public pour l'instant, puisque ceux-ci sont fondés sur l'année civile. Toutefois, cela donne une idée des activités de l'OIRPC.
Le président: Je sais. Toutefois, si l'on remonte à neuf ou dix ans en arrière, lorsque les marchés performaient, est-ce que le résultat n'aurait pas été l'inverse?
M. Wilfert: Oui, en effet. Voilà pourquoi les projections s'étalent sur une longue période.
Le président: Je ne le conteste pas. Je dis que l'on peut choisir la période qui donnera les résultats que l'on veut. Dites-vous que maintenant, vous tentez d'investir davantage dans les avoirs des actionnaires?
M. Wilfert: Tout à fait.
Le président: Nous verrons ce que cela donnera.
M. Wilfert: Nous espérons, évidemment, et l'actuaire en chef a indiqué que vu les hauts et les bas que l'on connaît souvent, on fera les prévisions — et je partage tout à fait votre opinion — sur plus de 50 ans, mais en se fondant sur certaines tendances réelles.
Le sénateur Kroft: Ça revient au même. Vu la durée que vous prévoyez, vous dites — et je pense que vous avez raison — que vous êtes prêt à accepter une plus grande volatilité à court et à moyen termes dans ce genre d'investissement afin de gagner un taux de rendement supérieur fondé sur la performance historique.
M. Ménard: Nous avons tenu compte des taux de rendement des 60 dernières années au Canada. Nous prenons le même ensemble d'actifs que ce que nous utilisons dans notre rapport: 50 p. 100 en obligations, 25 p. 100 en actions canadiennes et 25 p. 100 en actions étrangères. Le taux de rendement réel en sus de l'inflation se chiffre à 5 p. 100 — malgré le fait que dans les années 80, le taux d'inflation était plutôt élevé. C'est beaucoup plus élevé que notre hypothèse de 4,25 p. 100.
Toutefois, nous voyons également qu'il y a volatilité dans ce marché. En fait, si vous jugez ce portefeuille en fonction des 60 dernières années, vous verrez que une année sur trois, en termes réels, le taux de rendement était négatif. Il y a donc volatilité, mais il y a aussi l'attente de taux de rendement élevés.
[Français]
Le sénateur Bolduc: En ce qui a trait au contenu étranger, si je ne m'abuse, il y a actuellement une limite de 30 p. 100. Une absence de limite favoriserait-il les investissements à l'étranger?
M. Ménard: Le rapport actuariel déposé à la Chambre des Communes contenait un portefeuille que l'on qualifiait de prudent sur une très longue période. Il s'agissait de 50 p. 100 en titres à revenu fixe et 50 p. 100 en titres à revenu variable. Ce pourcentage comptait 25 p. 100 en actions canadiennes et 25 p. 100 en actions étrangères. Les hypothèses au dessus de l'inflation, donc en termes réels, pour les taux de rendement sur chacune de ces classes d'actifs sont de 3,8 p. 100 pour les obligations — composés d'obligations fédérales, provinciales, municipales, corporatives d'action canadiennes à 4,5 p.100, et d'actions étrangères à 5 p. 100.
Selon une hypothèse plus élevée sur le portefeuille étranger, on va donc avoir un rendement plus élevé.
Le sénateur Bolduc: Vous avez formulé ces hypothèses en quelle année?
M. Ménard: On a formulé ces hypothèses il y a deux ans.
Le sénateur Bolduc: Compte tenu de la situation boursière depuis deux ans, avez-vous le sentiment que vos hypothèses demeurent valables?
M. Ménard: Oui, nous estimons que nos hypothèses demeurent valables. Le rapport actuariel a été révisé, à l'époque, par trois actuaires indépendants, dont deux ex-présidents de l'Institut canadienne des actuaires. Particulièrement en ce qui a trait aux taux de rendement, ceux-ci ont examiné chacune des hypothèses sur le plan démographique: fertilité, immigration, mortalité, taux de participation sur le marché du travail, inflation, augmentation des salaires. La question des taux de rendement a été celle sur laquelle j'ai été le plus attaqué. On m'a dit que j'étais trop prudent. Évidemment, plus on projette sur une longue période, plus il est difficile de le faire avec précision.
Le sénateur Bolduc: Nous sommes tous conscients de la volatilité qui règne depuis 10 ans. Nous l'avons vue de 1994 à 2000, et tout à coup, depuis 2000 une nouvelle baisse s'amorce. C'est la raison pour laquelle je m'inquiète. Vous n'avez donc pas l'intention de demander au ministre des Finances de modifier la limite sur le contenu étranger?
M. Ménard: Là, ce n'est pas mon rôle. Toutefois, nous verront au cours des 10 ou 15 prochaines années une population plus âgée. Plusieurs études révèlent qu'avec une population plus âgée il faudra prévoir un portefeuille d'actions moins agressif. Ainsi, en plaçant la moitié du portefeuille en obligations, il est entendu que 30 p. 100 de contenu étranger est un critère moins important.
Le sénateur Bolduc: Pourquoi dites-vous cela? Si l'économie canadienne se situe à 2,5 p. 100 de l'économie mondiale, vous trouvez raisonnable de placer 25 p. 100 d'actions au Canada?
M. Ménard: Oui.
Le sénateur Bolduc: Cela vous paraît raisonnable? Vous trouvez que c'est là un placement sûr?
M. Ménard: Vingt-cinq pour cent du portefeuille dans les actions canadiennes est une proportion raisonnable. Il est vrai que les actions canadiennes à l'échelle mondiale représente environ 2,5 p.100, tel que vous l'avez indiqué.
[Traduction]
Le président: Je me demande si c'est un problème de calcul. Je partage votre avis, mais la règle, si je comprends bien, c'est que vous ne pouvez investir plus de 30 p. 100 dans des actions étrangères. Toutefois, si vous avez déjà 50 p. 100 d'investi, cela n'a plus d'importance. Ça ne s'appliquerait pas ici, si c'est là votre hypothèse de base.
M. Wilfert: La règle du contenu étranger, monsieur le président, ne change pas, vous avez parfaitement raison.
Le président: J'estime que c'est une question tout à fait valable, mais pas uniquement dans le cas de ce régime, mais dans toutes les situations. Évidemment, ça sort un peu du sujet aujourd'hui.
M. Wilfert: En effet, bien que jusqu'à présent, le gouvernement en a tenu compte par le passé.
Le président: C'était je suppose, pour aider les entreprises canadiennes. Je ne suis pas de cet avis, mais ça c'est une question tout à fait différente.
Le sénateur Moore: J'aimerais remercier M. Wilfert et nos autres témoins de leur présence ici ce matin.
À la page 3 de votre exposé, vous mentionnez qu'une approche équilibrée comprend le ralentissement de la croissance des coûts du RPC au moyen de mesures administratives et de dépenses. Qu'entendez-vous par la «croissance des coûts»?
M. Wilfert: La croissance des coûts découle du vieillissement de la population et de l'augmentation de la demande. Lorsque l'on a lancé le régime, nous avions calculé que pour chaque personne qui touchait une pension, cinq personnes travaillaient. Maintenant, trois personnes touchent la pension pour chaque travailleur.
Le sénateur Moore: Je comprends.
M. Wilfert: Voilà pourquoi le gouvernement est intervenu.
Le sénateur Moore: On parle ici de mesures administratives et de dépenses pour ralentir la croissance des coûts.
M. Wilfert: Parlez-vous des coûts internes?
Le sénateur Moore: Oui.
M. Weatherley: Je pense qu'il s'agit de changements administratifs en vue de réduire le coût de prestation des services. Je ne sais pas si quelqu'un de DRHC est au courant.
M. Del Carrothers, directeur général, Aînés et Programmes de la sécurité de la vieillesse et du Régime de pensions du Canada, Développement des ressources humaines du Canada: Je ne sais pas de quoi il s'agit, mais j'essaie de trouver la réponse.
Le sénateur Moore: Je comprends le vieillissement de la population mais je me demandais s'il y avait autre chose du point de vue des coûts administratifs. S'agit-il d'une somme considérable?
M. Wilfert: Si DRHC peut trouver de quoi il s'agit, nous vous transmettrons l'information.
Le sénateur Moore: Très bien. Merci.
Le président: Merci, monsieur.
Le président: Nous accueillons maintenant de l'Office d'investissement du RPC, Mme Gail Cook-Bennett, M. John MacNaughton et M. Ian Dale.
Mme Gail Cook-Bennett, présidente de l'Office d'investissement du RPC: Nous sommes enchantés d'avoir l'occasion de participer à vos discussions dans le cadre de l'examen du projet de loi C-3. Nous sommes heureux de faciliter le processus de transfert de l'ensemble de l'actif du RPC à l'Office. Nous avons mis en place des structures de gouvernance et d'exploitation nécessaires à cette fin.
Ce matin, je vais vous parler du modèle de gouvernance de l'Office. Ensuite je serais heureuse de répondre à certaines des questions que le sénateur a déjà soulevées. M. MacNaughton se fera ensuite un plaisir de parler de la stratégie de placement, du rendement et de la politique de gouvernance des entreprises de l'extérieur.
Le modèle de gouvernance de l'Office cherche à concilier deux objectifs. Premièrement, les professionnels du placement doivent pouvoir prendre leurs décisions en toute indépendance du gouvernement, du moment qu'elles sont conformes à la loi et aux règlements. Deuxièmement, l'Office doit être pleinement responsable devant le Parlement, les provinces et la population du Canada, et leur rendre des comptes.
Permettez-moi de vous rappeler brièvement les caractéristiques sous-jacentes de notre modèle de gouvernance. Notre loi directrice exige que le conseil d'administration compte «un nombre suffisant de personnes ayant une compétence financière reconnue ou une expérience de travail propre à aider l'Office à accomplir sa mission». Autrement dit, il faut que le conseil ait les connaissances voulues.
Les administrateurs sont nommés selon un processus différent de celui qui est habituellement suivi par les sociétés d'État. Dans notre cas, un comité nommé par les ministres des Finances fédéral et provinciaux et présidé par une personne du secteur privé, présente une liste de candidats. Le ministre fédéral choisit des candidats dans cette liste, en consultant les provinces.
Le conseil résultant de ce processus est constitué de professionnels ayant des titres de compétences en comptabilité, en actuariat, en économie ou en placement. Collectivement, ces personnes ont de l'expérience dans les secteurs privé et public. Elles ont une opinion informée sur la gouvernance dans ces deux secteurs. Et elles ne sont pas seulement indépendantes mais aussi indépendantes d'esprit.
La loi confère au conseil des pouvoirs qui renforcent la séparation entre les gouvernements et les professionnels du placement. Le conseil est notamment chargé de nommer le président et chef de la direction ainsi que d'approuver les principes qui guident les décisions discrétionnaires de la direction. Le conseil nomme les vérificateurs interne et externe, qui relèvent directement du comité de vérification du conseil. Il examine et approuve en outre le choix de la direction en ce qui concerne les gestionnaires externes de placement.
Malgré ces pouvoirs, le gouvernement est en mesure de contrôler ce que l'on fait de l'argent du RPC. Le ministre des Finances fédéral doit autoriser un examen spécial des livres, registres, systèmes et pratiques de l'Office tous les six ans. Cet examen aura lieu avant la fin de l'année prochaine, en consultation avec les provinces. Le ministre des Finances fédéral a aussi le pouvoir discrétionnaire de charger un cabinet de vérification d'effectuer une vérification spéciale.
J'aimerais maintenant aborder le deuxième objectif de la gouvernance, notre obligation de rendre des comptes au niveau politique et public. Nous rendons des comptes au Parlement par l'intermédiaire du ministre des Finances fédéral, aux ministres des Finances fédéral et provinciaux, par le biais d'états financiers trimestriels et annuels et au public, au moyen de rapports trimestriels et annuels et d'assemblées publiques. Jusqu'à présent, nous avons tenu deux séries d'assemblées publiques, d'un océan à l'autre.
Ce sont là les exigences de la loi. Le conseil d'administration a choisi d'aller encore plus loin. Voici ce que prévoit la politique d'information approuvée par le conseil:
Les Canadiens ont le droit de savoir pourquoi, comment et où nous investissons les fonds du Régime de pensions du Canada, qui prend les décisions de placement, quels sont les placements que nous détenons en leur nom et quel est le rendement.
Nous publions énormément d'information dans le site Web de l'Office, notamment la stratégie de placement, les résultats trimestriels et les éléments actuels de l'actif géré. Aucune caisse de retraite du Canada ne communique autant de renseignements, aussi souvent.
En résumé, les gouvernements fédéral et provinciaux se sont montrés innovateurs en créant un modèle de gouvernance solide, que nous avons renforcé. D'après la recherche sur l'opinion publique, il reçoit l'appui de nos groupes clés d'intéressés.
M. MacNaughton va maintenant vous parler de la stratégie de placement, du rendement et de la gouvernance d'entreprise dans l'optique des placements.
M. John A. MacNaughton, président et PDG, Office d'investissement du RPC: Honorables sénateurs, je vais aborder les sujets que ma collègue vient de mentionner.
Premièrement, parlons des facteurs qui sont à la base de notre stratégie de placement. Nous nous attendons à recevoir annuellement entre 6 et 8 milliards de dollars de rentrées de fonds pendant de nombreuses années. Aucun autre investisseur au Canada ne se trouve dans une telle situation.
Nous avons au moins 18 ans devant nous avant d'avoir à verser un revenu au Régime de pensions du Canada. Cela signifie que nous pouvons investir d'une manière tout à fait différente des autres caisses, qui doivent produire un revenu de placement courant pour payer les prestations actuelles.
À nos débuts, en octobre 1998, le Régime de pensions du Canada avait un portefeuille d'obligations très important. C'est encore le cas. Nous investissons donc les rentrées de fonds dans des actions afin de diversifier l'actif. De plus, l'histoire nous apprend que les actions rapportent davantage, à long terme, que les obligations, en contrepartie du surcroît de risque assumé. Il est logique en soi d'investir dans des actions bien que, pour gagner cette prime de risque, il faille essuyer à court terme beaucoup de volatilité sur le marché.
Nous diversifions nos placements au-delà des obligations d'État et des actions de sociétés ouvertes. En juin 2001, nous avons commencé à faire des placements en actions de sociétés fermées, y compris des placements de capital- risque. En janvier dernier, nous avons acquis des participations dans des centres commerciaux et nous avons affecté des fonds à des sociétés de placement immobilier. Par la suite, l'Office sera propriétaire d'immeubles de bureaux, de propriétés industrielles et commerciales et d'immeubles résidentiels à logements multiples.
Nous envisageons actuellement des placements dans de l'infrastructure. Ces placements s'inscrivent bien dans le mandat d'investisseur à long terme de l'Office. Ils nécessitent des capitaux importants et beaucoup de patience et devraient rapporter le niveau de rendement qu'il nous faut. Ils constituent en outre une bonne couverture contre l'inflation et il faut noter que les prestations du Régime sont indexées.
Nous examinons aussi des placements dans les ressources naturelles et les obligations à rendement réel. Ces dernières sont intéressantes elles aussi en cas de retraites indexées car elles garantissent un taux de rendement au-dessus de l'inflation.
Selon les hypothèses de l'actuaire en chef, le taux de rendement de l'actif investi devrait être de 4,25 p. 100 à long terme pour financer la politique de capitalisation approuvée par les gouvernements fédéral et provinciaux.
Le rendement des obligations d'État est loin d'atteindre ce taux cible. Celui des actions sera en moyenne supérieur à 4,25 p. 100. Le rendement de l'immobilier et de l'infrastructure se situe entre celui des obligations et celui des actions.
Tout cela signifie que la sécurité future du Régime de pensions du Canada repose de plus en plus sur une diversification de son actif. Au 31 décembre dernier, les obligations, soit 32 milliards de dollars, représentaient 58 p. 100 de l'actif du RPC; les actions, soit 18 milliards de dollars, constituaient 32 p. 100 du total et la réserve liquide, soit 5 milliards de dollars, 9 p. 100. Nous déciderons de la politique appropriée de composition de l'actif à long terme cette année, après en avoir discuté davantage avec notre conseil d'administration.
Quelle a été la croissance de l'actif du RPC depuis la création de l'Office? La valeur de l'ensemble de l'actif s'est accrue de 10 milliards de dollars pour atteindre près de 55 milliards, en raison à la fois de l'accroissement des cotisations et du revenu de placement. Son rendement moyen global a été en moyenne de 3,8 p. 100 depuis 2000. Naturellement, le rendement a été volatil, puisqu'il a varié d'un maximum de 7 p. 100 en 2001 à un minimum de 0,8 p. 100 pour l'exercice en cours.
Le président: Avez-vous bien dit que vous obtiendrez de nouveaux crédits de 6 à 8 milliards de dollars chaque année?
M. MacNaughton: Oui, c'est exact.
Le président: En tenez-vous compte dans les chiffres que vous venez de donner?
M. MacNaughton: Ce sont les chiffres au 31 décembre.
Le président: Le rendement n'inclut pas ces nouveaux crédits, n'est-ce pas?
M. MacNaughton: Non, il s'agit de rendements historiques et non pas de rendements attendus.
Le sénateur Tkachuk: Cela représente un rendement de 3,8 p. 100 sur les liquidités qui peuvent être investies, est-ce bien cela?
M. MacNaughton: Il s'agit du rendement historique de tout l'actif du Régime de pensions du Canada, l'actif que nous gérons nous-mêmes et l'actif que gère encore le ministère des Finances, à Ottawa. Il s'agit du rendement de l'actif consolidé du RPC.
Le président: Veuillez continuer.
M. MacNaughton: Ces résultats d'ensemble se comparent très favorablement à ceux des autres caisses de retraite du secteur public qui, à l'instar de l'Office, ont subi pendant trois années consécutives un recul des marchés boursiers, compensé par les gains des titres à revenu fixe.
Alors que la valeur de nos actions a diminué d'environ 3 milliards de dollars au cours des quatre dernières années, nous avons pu accroître notre portefeuille d'actions à des prix que nous jugeons avantageux. La valeur des obligations, en revanche, s'est accrue pendant la période de baisse des taux d'intérêt. Au cours des années à venir, nous pourrions assister au phénomène inverse. Cela devrait, nous l'espérons, être compensé par une hausse de la valeur des actions — bien que celle-ci sera sans aucune doute modeste par rapport à celle des années 90.
Avant de conclure, permettez-moi d'ajouter quelques remarques rapides sur nos directives de vote par procuration et de gouvernance d'entreprise. Par l'intermédiaire de l'Office, le Régime de pensions du Canada est le propriétaire véritable d'actions d'environ 2 000 sociétés cotées en bourse, principalement au Canada et aux États-Unis et, dans une moindre mesure, dans d'autres pays.
Les droits de vote dont ces actions sont assorties ont une valeur économique potentielle s'ils sont exercés de manière à encourager les entreprises à améliorer leur rendement.
Nous ne cherchons pas, bien sûr, à gérer les sociétés dont l'Office détient des actions. Ce que nous voulons, c'est affirmer les droits de propriété de l'Office à titre d'actionnaire en incitant la direction à servir ses intérêts. Après tout, c'est la direction qui est au service des actionnaires, et non l'inverse.
Par conséquent, nous appuyons les résolutions qui habilitent le conseil d'administration à agir au nom des actionnaires et qui réaffirment l'obligation qu'a la direction de rendre des comptes. Nous sommes également en faveur des programmes de rémunération au rendement qui obligent les cadres à risquer leur capital — tout comme les actionnaires — en détenant un montant minimal en actions tant qu'ils demeurent dans l'entreprise. Il est à notre avis préférable pour cela d'octroyer des actions à la valeur du marché que des options d'achat d'actions, qui ne présentent aucun risque pour la direction.
Nous voulons surtout que les conseils d'administration et les équipes de direction envisagent les intérêts de l'entreprise et ceux des actionnaires dans une perspective à long terme. L'Office est un investisseur à long terme, conformément aux besoins du Régime de pensions du Canada à longue échéance. Comme nous avons affecté des milliards de dollars à des placements en actions, nous ne pouvons — ni ne voulons — abandonner des sociétés en vendant les actions de l'Office chaque fois que nous avons le sentiment que ces sociétés n'agissent pas vraiment dans son intérêt.
L'office soutiendra les conseils et les équipes de direction pendant les périodes difficiles, du moment que leur vision et leur stratégie sont claires et convaincantes et qu'elles restent axées sur l'accroissement de la valeur à long terme pour les actionnaires.
Nous nous opposons aux résolutions qui risquent de réduire la valeur à long terme pour les actionnaires, même si elles peuvent être payantes à court terme. C'est la croissance des bénéfices qui détermine, en fin de compte, le rendement des capitaux propres. La priorité de la direction doit être de favoriser une rentabilité durable à long terme.
De nombreux Canadiens pensent que les actionnaires ne doivent pas se contenter d'appuyer les initiatives lucratives pour améliorer le cours des actions. Nous sommes d'accord. Le personnel, les clients, les fournisseurs, les gouvernements et la société en général sont directement concernés par la bonne conduite des entreprises, qui peut influer favorablement sur leur valeur future.
Par conséquent, nous sommes en faveur des résolutions raisonnables d'actionnaires qui demandent aux sociétés de présenter des informations complètes sur les questions concernant la responsabilité sociale, le comportement éthique, le développement durable et la présence sociale de l'entreprise. Les entreprises ont amplement l'occasion de faire preuve de leadership en matière d'information afin de susciter et de maintenir la confiance des investisseurs et du public dans le système du marché libre.
Nous aurions encore beaucoup à vous dire sur ce sujet comme sur d'autres. J'espère que vous aurez trouvé ces remarques utiles. Nous serons heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Tkachuk: Quand vous avez dit que l'actif est passé de 10 à 55 milliards de dollars et que vous avez parlé d'un taux de rendement de 3,8 p. 100, vous avez dit qu'il s'agissait du rendement global sur l'argent dans la société et l'argent à l'extérieur de la société.
Pouvez-vous nous faire la ventilation des rendements au RPC et à l'extérieur du RPC?
M. MacNaughton: Nous publions ces chiffres sur notre site Web tous les trois mois. Je ne me rappelle pas les détails précis, mais le portefeuille d'actions a perdu de l'argent pendant cette période et le portefeuille à revenu fixe a connu des gains parce que les taux d'intérêt ont baissé pendant toute la période. De toute évidence, le portefeuille des obligations a eu un bon rendement.
La dernière décennie a été l'une des plus avantageuses pour les investissements à revenu fixe. Cela a donc été une bonne période pour accumuler un portefeuille d'actions, mais une mauvaise période pour les portefeuilles importants.
Le sénateur Tkachuk: Je pense que vous avez dit que le taux de rendement de 3,8 p. 100 était un taux global sur l'argent que vous gériez et l'argent que gère le ministère des Finances. Ai-je mal compris? Quelle est la proportion? Quel a été le taux de rendement pour le ministère des Finances et celui du RPC?
M. MacNaughton: J'ai mentionné le portefeuille d'actions, qui représente l'actif que nous avons accumulé dans notre portefeuille d'actions. Ce portefeuille a subi une perte de 3 millions de dollars. Le portefeuille des obligations a enregistré un gain qui a compensé cette perte et a donc eu une contribution positive. Je ne me rappelle pas les chiffres précis, mais ils figurent sur notre site Web.
Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé du capital spéculatif. Quel pourcentage de votre portefeuille consacrez-vous au capital spéculatif?
M. MacNaughton: À l'heure actuelle, nous prévoyons jusqu'à 10 p. 100 pour ce que nous appelons les actions privées et, là-dessus, nous pouvons envisager peut-être 3 p. 100 de capital spéculatif. Je dirais donc que cela représente un maximum de 3 p. 100 du portefeuille total.
Le sénateur Tkachuk: Qui prend les décisions? Est-ce l'ensemble du conseil du RPC ou est-ce des sociétés d'investissement en capital spéculatif de tout le pays?
M. MacNaughton: Notre équipe s'efforce avec succès d'obtenir des compétences de base pour identifier les meilleurs gestionnaires d'actions du secteur privé partout dans le monde et pour conclure des ententes de sociétés en commandite avec ces entreprises.
Jusqu'ici, nous nous sommes engagés envers peut-être 35 caisses et 30 gestionnaires que nous considérons comme les meilleurs de leur catégorie au Canada, aux États-Unis et en Europe de l'Ouest.
Ces 35 caisses ont probablement 10 investissements chacune, soit 10 à 12 investissements par caisse. Notre portefeuille est très diversifié et nous avons négocié des rapports favorables avec chacun de ces 35 gestionnaires.
Le sénateur Tkachuk: Cela importe peu pour ceux qui reçoivent une pension parce que, même si vous avez un excellent taux de rendement, leur pension n'augmente pas. Leur pension reste toujours au même niveau. Ce pourrait être catastrophique, mais ce n'est pas leur régime de pension, c'est celui du gouvernement.
Nous avons un problème avec le RPC en raison du taux de natalité décroissant. Les résultats actuariels des années 60 étaient incorrects à cet égard. Par conséquent, cela coûtera plus cher que nous le pensions. Nous avons ajouté quelques avantages supplémentaires et abaissé l'âge de 68 à 65 ans, ensuite nous avons décidé de faire payer 5 et 5, presque 10 p. 100.
C'est là une décision stratégique extrêmement importante. Par exemple, est-ce qu'une personne âgée de 25 ans, qui a son diplôme d'étude collégiale et qui commence à travailler à un salaire d'environ 28 p. 100 à 34 000 $ par an ne ferait pas mieux de participer au Régime de pensions à raison de 9,9 p. 100 au bout de 30 ou de 35 ans?
M. MacNaughton: J'aimerais aborder quelques questions. Tout d'abord, comment financer un régime de pensions d'État nation est une question avec laquelle tous les pays au monde sont aux prises — les pays ayant une population vieillissante. Si on maintient un régime par répartition, il faut augmenter le taux de cotisation à mesure que la main- d'œuvre diminue par rapport à la population. Il n'y a pas d'autre solution au régime par répartition. Cela se produirait année après année, décennie après décennie, à mesure que le pourcentage de la population active diminue.
La question est donc la suivante: ces fonds devraient-ils être en partie préfinancés? Le Canada est l'un des chefs de file lorsqu'il conclut que le régime de pensions de l'État nation doit être en partie préfinancé, et qu'à mesure que la main-d'œuvre diminue, les travailleurs devraient mettre de côté un montant supplémentaire pour financer leur propre retraite plutôt que de compter sur un taux de cotisation qui augmenterait progressivement pour les générations subséquentes.
Lors des consultations publiques qui ont été faites dans les années 90, il a justement été question de ce principe et de ces calculs. On en est arrivé à la conclusion qu'il fallait augmenter le taux de cotisation avant que tous les baby boomers n'arrivent à l'âge de la retraite, et investir les actifs sur les marchés financiers pour obtenir un rendement plus élevé. Par conséquent, ce sont ces deux questions ensemble que nous abordons ici.
Pour répondre à votre dernière question, je crois que pour la grande majorité des Canadiens, il est plus avantageux de participer à ce régime que de ne pas y participer. Il y a peut-être des gens qui savant épargner et gérer leurs propres investissements, mais je ne crois pas que cela représente la grande majorité des travailleurs canadiens.
Le sénateur Tkachuk: Cela coûterait peut-être moins cher?
Nouvel intervenant: En somme, ce ne sera pas moins cher. Ce sera plus cher. Cela est certain.
Le président: L'un des problèmes avec l'auto-assurance, c'est qu'on a besoin de beaucoup de discipline. C'est comme l'assurance-vie. Il est sans doute préférable de le faire soi-même.
Le sénateur Tkachuk: On est obligé de le faire, de sorte qu'on pourrait être obligé d'investir dans son propre régime de pensions. On est obligé de le faire car cela se fait par déduction sur le chèque de paie. On n'a pas le choix. Il s'agit de savoir comment c'est investi. Cela peut être investi dans mon propre régime de pensions ou dans le Régime de pensions du Canada.
Le président: Votre propre régime de pensions doit être géré, cependant. Je ne veux pas vous contredire. Je dis tout simplement qu'il faut être très discipliné pour faire cela.
Le sénateur Tkachuk: À l'heure actuelle, l'État déduit ce moment de votre salaire. S'il vous obligeait à le faire, vous pourriez l'investir dans votre propre régime de pensions.
Le président: Qui gère votre régime de pensions?
Le sénateur Tkachuk: Certaines personnes gèrent leur propre régime; d'autres ont un régime de pensions. Nous contribuons au RPC que l'on ait un régime de pensions ou non. Tout le monde y contribue, sauf les travailleurs autonomes. À la fin de l'année, ils peuvent faire un chèque pour 10 p. 100 et l'investir dans leur propre régime de pensions.
Le sénateur Fitzpatrick: J'ai trouvé intéressantes vos observations au sujet de la gouvernance d'entreprise. C'est une question qui intéresse notre comité, puisqu'il s'est penché sur la question à la suite de l'affaire Enron.
Je sais que vous avez fait allusion à la façon dont vous aborderez la question, mais je me reporte à un article qui a paru dans le Toronto Star, et je cite: «Étant donné qu'il a déjà investi sur les marchés boursiers, l'Office d'investissement du Régime de pensions du Canada a des intérêts dans presque toutes les sociétés cotées en Bourse au Canada.» On nomme ensuite certaines des sociétés dans lesquelles vous avez investi.
Je sais que vous avez dit que vous alliez examiner les pratiques de gouvernance d'entreprise de l'Office. Je pense que vous avez dit que l'on s'attend à ce que les lignes directrices influencent dont les nouveaux fonds seront investis et qu'avec le temps, le portefeuille reflétera vos points de vue.
Je me demandais s'il ne s'agit pas là d'un problème difficile à gérer. Bien que je sois d'accord avec vos recommandations sur la gouvernance d'entreprise, je me demande si cela ne nuira pas à votre capacité d'avoir la souplesse voulue pour faire de bons investissements, des investissements rentables.
Pourriez-vous donner à notre comité votre point de vue sur la façon dont vous pourrez gérer ce problème, combien de temps cela pourrait prendre, et si vous pensez que cela influera sur votre capacité d'obtenir les rendements que vous espérez obtenir?
M. MacNaughton: Je dirais que le mouvement de gouvernance d'entreprise est très robuste au Canada à l'heure actuelle — en partie pour les raisons que vous avez mentionnées et grâce au travail que fait votre comité. À cet égard, à l'heure actuelle, nous ne sommes qu'un parmi les nombreux actionnaires institutionnels qui sont motivés. Nous avons publié nos lignes directrices relatives au vote par procuration qui informent sur la façon dont nous allons voter. Dans certains cas, nous sommes conformes à d'autres, tandis que dans d'autres cas, je dirais que nous allons un petit peu plus loin.
Nos votes par procuration sont traités par un service d'agence de vote par procuration qui a une capacité mondiale. À mesure que les divers votes par procuration sont reçus, ce service les examine par rapport à nos lignes directrices et fait des recommandations sur la façon dont nous devrions voter. Nous pouvons modifier ces suggestions si nous ne sommes pas d'accord.
Il s'agit là d'un processus gérable. Je crois qu'avec d'autres actionnaires institutionnels, surtout les fonds de pensions, mais aussi, dans certains cas, les fonds mutuels, nous commençons à influencer de façon positive les conseils d'administration et les équipes de gestion sur toute une gamme de sujets. Nous constatons déjà des changements importants à cet égard, en réaction à ce mouvement, et, aussi, je dirais, des changements à la Loi sur les sociétés par action apportés il y a environ un an, qui ont permis aux actionnaires de communiquer entre eux. Aussi bizarre que cela puisse paraître, les actionnaires ne pouvaient pas se parler sur des questions de gouvernance liées aux sociétés dans lesquelles ils avaient investi avant que de tels changements ne soient apportés à la Loi sur les sociétés par actions.
Le sénateur Fitzpatrick: Où en êtes-vous sur la question de l'option d'achat d'actions?
M. MacNaughton: Nous avons décidé de voter contre les régimes d'option d'achat d'actions par principe, car nous ne croyons pas qu'ils soient aussi efficaces qu'on l'avait espéré pour ce qui est d'aligner les intérêts des employés et des administrateurs avec ceux des actionnaires. Je dirais que nous avons reçu certaines observations qui soutiennent notre position. Nous avons reçu des observations négatives. Cependant, nous maintenons notre position; nous croyons que c'est la bonne.
Nous avons remarqué, même récemment, que certaines grandes sociétés annonçaient qu'elles allaient abandonner leur programme d'option d'achat d'actions, surtout pour les raisons que nous avons données. Elles ont conclu que cela ne n'en pas la peine et qu'elles n'en ont pas besoin pour des raisons de concurrence, même si elles ont cru pendant un certain temps le contraire.
Le président: Ce n'est pas l'endroit, mais un jour j'aimerais que nous ayons un débat avec vous sur cette question.
Le sénateur Hervieux-Payette: Au Québec, nous avons notre propre organisation qui se trouve dans un beau «palais» au Québec. Quelle est la taille de votre organisation? Vous avez mentionné les 35 différentes caisses que vous utilisez. Quelle est la structure pour ce qui est de gérer ces actifs? Avez-vous des tas d'employés qui se trouvent dans un bel immeuble, ou est-ce que vous avez une stratégie pour garder vos coûts administratifs à un niveau acceptable?
M. MacNaughton: Nous avons 35 employés et 12 000 pieds carrés de locaux pour bureaux. Nous agrandirons notre équipe dans les années à venir. Nous visons à être une équipe de gestion professionnelle qui s'attaque aux grandes questions, trouve les bonnes réponses et met en place ces stratégies grâce à des compétences externes que l'on trouve sur le marché concurrentiel au Canada et dans le monde.
Le sénateur Hervieux-Payette: Comment cela se compare-t-il avec le Régime de pensions des enseignants et la Caisse des dépôts?
M. MacNaughton: Naturellement, notre masse salariale est beaucoup plus petite. Je n'ai pas le chiffre exact, mais je sais que la Caisse comptait près de 1 000 employés lorsqu'elle était à son apogée, et que pour les enseignants, du côté de l'investissement, il y en avait environ 200. Nous allons nous développer et migrer des fonctions à l'interne si nous en arrivons à la conclusion que nous avons atteint un point où nous pouvons le faire de façon plus économique à l'interne ou que nous pouvons avoir un meilleur rendement.
Ce sont-là des décisions que nous devons prendre constamment. À l'heure actuelle, nous croyons qu'il est plus important de se concentrer sur les questions critiques que de mettre en place le mécanisme de mise en œuvre.
Mme Cook-Bennett: Il y a un certain nombre de modèles et d'approches différents dans les divers régimes de pensions — aucun n'est bon ou mauvais. Ils ont été façonnés pour répondre à leur propre situation. Je ne crois pas nécessairement que l'un donnera de bons résultats tandis que l'autre pas. Il est essentiel que chaque modèle soit géré individuellement.
Le sénateur Hervieux-Payette: Le coût, le pourcentage de la caisse, est important.
Mme Cook-Bennett: Certains diraient que dans certains cas, si la caisse de pension investit dans une certaine catégorie d'actifs, il est moins coûteux de le faire à l'interne avec son propre personnel, ce qui grossit le personnel — plutôt que de le faire à l'externe. C'est une décision que chaque caisse prend.
Le sénateur Hervieux-Payette: Vous songez, dites-vous, à investir dans l'infrastructure. Est-ce que cela veut dire l'infrastructure provinciale, municipale, fédérale, un port, un aéroport, une route, un pont, etc.? Nous avons de bons projets au Québec.
M. MacNaughton: Nous envisagerions tous ces aspects.
[Français]
Le sénateur Prud'homme: À la lumière du texte et par la compétence de vos réponses, je me réjouis de vous voir responsable. Ma question s'adresse à M. MacNaughton, une simple précision au sujet de l'avant-dernier paragraphe.
[Traduction]
Par conséquent, nous appuyons les résolutions [...] qui portent sur le comportement social et éthique [...]
[Français]
Cela signifie que vous pourriez tenir compte de représentations de la part d'individus qui vous diraient, par exemple: je ne veux pas que vous investissiez dans Talisman? Est-ce en ce sens que je dois comprendre le but de ce paragraphe? Il est regrettable, bien sûr, qu'on ait mêlé politique et Talisman. Il aurait été préférable qu'on laisse de côté Talisman.
[Traduction]
J'aurais préféré que personne ne touche à Talisman et que nous laissions les affaires suivre leur cours. Est-ce ce que vous dites dans ce paragraphe?
Mme Cook-Bennett: Il y a un certain nombre d'aspects. Nous avons utilisé l'exemple de Talisman. Ce pourrait être le tabac ou n'importe quel autre exemple.
L'Office d'investissement du RPC a une approche à trois volets. Essentiellement, nous votons en faveur de résolutions qui permettent à l'actionnaire de savoir exactement ce qui se passe. C'est une réponse «douce» à votre question.
Nous sommes également d'avis que, lorsqu'il s'agit de prendre réellement des décisions d'investissement actif, les sociétés qui agissent dans l'intérêt de l'environnement et de l'interaction humaine et de ce genre de choses ont tendance à être, à long terme, les sociétés qui sont les plus rentables.
Cela dit, la loi qui nous régit exige que nous prenions des décisions uniquement dans l'intérêt des bénéficiaires et des cotisants au Régime. Nous devons maximiser les rendements. En effet, selon la loi, nous ne pouvons faire quoi que ce soit avec le portefeuille qui ne vise pas à atteindre ces deux objectifs. Je vous donne là une réponse nuancée.
Le sénateur Prud'homme: Une réponse très nuancée. Je m'attendais tout simplement à un oui ou à un non. Et l'exemple de Talisman?
Mme Cook-Bennett: À l'heure actuelle, nous devons tenir compte d'un indice. Nous avons investi dans Talisman et, aux termes de la loi, nous n'avions pas la permission d'éliminer Talisman pour la seule raison que cette société était au Soudan, etc.
Le sénateur Moore: Je m'intéresse aux possibilités qui s'offrent à vous d'investir dans l'infrastructure.
L'an dernier, notre Comité des finances nationales a fait une étude. Nous avons appris que dans nos établissements postsecondaires, on avait accumulé une maintenance «en service» de trois milliards de dollars. Ces établissements ont besoin de réparations. Envisagez-vous d'investir dans une nouvelle infrastructure, ou pourriez-vous considérer des universités qui font une demande de financement pour de tels projets?
M. MacNaughton: Diverses sociétés et divers gouvernements à différents niveaux décident parfois de vendre des actifs que l'on peut appeler infrastructure, selon une définition générale. Nous ne prenons pas de décision quant à ce qui serait offert. Cette décision est prise par les propriétaires des actifs qui existent ou qu'ils veulent qui existent.
Le sénateur Moore: Est-ce strictement des intérêts financiers, ou pourriez-vous conclure une entente de prêts?
M. MacNaughton: Je dirais que notre principal intérêt serait la part du capital-actions de la transaction. Nous serions par ailleurs intéressés à des obligations indexées sur l'inflation qui se rattachent à certains projets. Un revenu nominal fixe ne nous intéresse pas particulièrement.
Le sénateur Moore: Si votre idée est de faire un investissement qui comporte le moins de risques possibles — et je ne peux penser à un meilleur risque que les établissements d'enseignement — pourquoi ne considéreriez-vous pas cette possibilité?
M. MacNaughton: Je dis que nous considérerions cette possibilité.
Le sénateur Moore: Vous voudriez être propriétaire de l'immeuble, par exemple, ou d'une résidence sur le campus.
M. MacNaughton: Nous voudrions posséder un intérêt dans le flux de revenu lié au projet, et aussi avoir un rendement qui est indexé à l'inflation. Voilà vraiment ce qui nous motiverait.
Le sénateur Moore: Est-ce que vous dites non, pour ce qui est de prêter à une université?
M. MacNaughton: Sauf pendant les périodes où les taux d'intérêt sont à la baisse, un revenu fixe nominal ne constitue pas particulièrement un bon actif pour un fonds de pension.
Le sénateur Moore: Ils paieraient sans doute plus de 3,8 p. 100.
M. MacNaughton: À long, les investissements à revenu fixe ne donnent pas un rendement qui excède le rendement requis du Régime de pensions du Canada. Par le passé, ils ne l'ont pas dépassé; et nous nous attendons à ce qu'il ne le dépasse pas à l'avenir.
Le sénateur Kroft: Puisque vous avez décidé de vous faire le défenseur de certains dossiers, puis-je vous faire deux suggestions? Premièrement, vous pourriez tenter d'encourager ceux avec qui vous êtes associés, dans la gestion d'autres caisses importantes, à être actifs et dynamiques dans les placements en actions de sociétés fermées.
Notre comité a appris, au cours d'une longue période, qu'il y avait une lacune réelle au niveau de l'infrastructure canadienne d'entreprise et de la structure du développement des entreprises par rapport aux États-Unis. Par exemple, les grandes caisses de pension placent peu dans les actions de sociétés fermées. Tout leadership dont vous pourriez faire preuve dans ce domaine serait le bienvenu.
Ensuite, vous parlez d'un système qui serait partiellement prépayé. C'est là toute une discussion sur la politique à mener, et il suffit d'aller de l'autre côté de la frontière — ou au Chili ou à toutes sortes d'endroits — pour voir comment ils s'attaquent à la question de l'investissement chez eux. Je présume que vous avez intérêt à vous assurer que les niveaux d'admissibilité pour d'autres composantes — particulièrement les REER — sont maintenues à un niveau concurrentiel. Je reconnais qu'il y a là un élément politique et un autre élément. Cependant, vous faites partie d'un tout, et les REER sont un autre élément de ce tout qui permet aux Canadiens d'épargner pour la retraite.
J'espère que, pendant que vous vous occupez d'un élément, vous allez continuer de bien vouloir défendre tous les autres aspects qui complètent le tableau.
M. MacNaughton: Merci. Nous le ferons.
Le sénateur Bolduc: Vous avez des rentrées d'argent provenant des cotisations à raison de 9,9 p. 100. Le marché boursier connaît un effondrement depuis trois ans. Les gens disent que ce sera terminé dans quelques mois, mais à mon avis, cela prendra plus de temps car la baisse a été énorme partout dans le monde. Êtes-vous à l'aise avec ce 9,9 p. 100? Je sais que ce n'est pas votre responsabilité — c'est la responsabilité du ministère — mais je pose la question car je sais que vous êtes un expert au niveau du rendement des fonds.
M. MacNaughton: Nous examinons cette question en nous demandant quel portefeuille nous pourrions construire qui nous donnerait un rendement suffisamment pour soutenir le taux de cotisation de 9,9 p. 100. En nous fondant sur les rendements attendus, nous examinons deux périodes: la première est les 10 prochaines années, et l'autre les 75 prochaines années. Nous sommes d'avis qu'à long terme, les rendements attendus devraient être suffisants pour maintenir cette cotisation.
Le sénateur Bolduc: À long terme?
M. MacNaughton: Oui.
Le président: Le sénateur Tkachuk aimerait formuler une demande. Puis, nous passerons à l'étude article par article et enchaînerons avec la téléconférence.
Le sénateur Tkachuk: J'ai une question à poser mais je préfère qu'on n'y réponde pas maintenant car nous n'avons pas assez de temps.
La responsabilité sociale se rattachant aux investissements m'a toujours intrigué. Pourriez-vous nous envoyer une lettre nous expliquant comment ces décisions sont prises? Pourriez-vous nous donner, avec des détails les paramètres qui sont utilisés? Les paramètres de responsabilité sociale seraient-ils aussi rigoureux dans le cas des municipalités? Êtes-vous prêt à acheter des obligations émises par des municipalités qui n'ont ni usines de traitement des eaux usées ni systèmes de traitement de pneus adéquats, entre autres? Ces questions nous intéressent particulièrement.
Le sénateur Bolduc: Allez-vous avancer des arguments nationalistes comme le fait la Caisse des dépôts au Québec?
Le président: Merci d'être venu et d'avoir contribué au débat. Honorables sénateurs, pouvons-nous maintenant procéder à l'étude article par article du projet de loi C-3?
Des voix: D'accord.
Le président: Y a-t-il des honorables sénateurs qui désirent proposer des amendements au projet de loi C-3, à savoir la Loi modifiant le Régime de pensions du Canada et la Loi sur l'Office d'investissements du Régime de pensions du Canada?
Des voix: Non.
Le président: Le titre est-il reporté?
Des voix: D'accord.
Le président: Les articles 1 à 20 sont adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi?
Des voix: D'accord.
Le président: Rapport sera fait du projet de loi.
Nous allons passer à nos prochains témoins. Monsieur Higgs, vous pouvez commencer votre exposé sur l'effondrement d'Enron.
M. Derek Higgs, auteur du rapport intitulé: «Review of the role and effectiveness of non-executive directors»: Je le ferai volontiers mais je ne me considère pas comme un spécialiste des questions canadiennes ou américaines. Je suppose que vous m'avez demandé de comparaître aujourd'hui parce qu'il y a à peu près un an j'ai demandé au gouvernement de Grande-Bretagne d'effectuer une étude brève et indépendante du rôle et de l'efficacité des administrateurs non décideurs siégeant aux différents conseils d'administration en Grande-Bretagne.
Le président: Oui, nous avons cette étude entre les mains.
M. Higgs: Je me suis entretenu avec des chercheurs et j'ai étudié les développements aux États-Unis surtout, ainsi que, dans une moindre mesure, ailleurs en Europe et à l'extérieur de l'Europe. Je ne voudrais pas que vous me preniez, à tort, pour un expert en politique américaine.
Le président: Monsieur Higgs, vous pouvez laisser de côté le contexte canadien et insister sur les aspects importants, à votre avis, de la discussion.
M. Higgs: Si vous le permettez, je me propose de comparer, du point de vue de la Grande-Bretagne, l'approche par la Grande-Bretagne envers la gouvernance d'entreprise et l'approche américaine, telle que je la conçois, qui est concrétisée dans la Loi Sarbanes-Oxley. Est-ce que ça vous serait utile?
Le président: Ce serait idéal.
M. Higgs: Je qualifierais l'approche en matière de gouvernance d'entreprise adoptée aux États-Unis de «loi rigide» par opposition à la «loi souple» qu'on retrouve en Grande-Bretagne et, de plus en plus en Europe en général. En d'autres termes, les Américains ont adopté une approche législative pour ce qui est de la réglementation de la gouvernance d'entreprise alors que la Grande-Bretagne, ainsi que l'Europe ont préféré une approche fondée sur les principes. Cette dernière repose sur le concept des pratiques acceptables ou exemplaires et sur le choix qu'ont les sociétés de s'y conformer ou d'expliquer leur manque de conformité. Ce sont les actionnaires, et non les législateurs, qui décident si cette divergence est acceptable.
La Loi Sarbanes-Oxley n'a pas d'équivalent en Grande-Bretagne. Il existe chez nous un document qui s'intitule «Combined Code on Corporate Governance», mais qui n'a pas force de loi même si les sociétés courent le risque, très faible, de ne plus être cotées en Bourse. C'est un jeu qui se joue entre les conseils d'administration et les actionnaires, les dirigeants et les propriétaires, et les intervenants principaux et les agents. En règle générale, le document n'a pas force de loi.
Au Royaume-Uni, le code complet doit compter une douzaine de pages. Il traite de la même chose que la Loi Sarbanes-Oxley. Il porte sur la composition des comités de vérification, de sélection et de rémunération. Il porte sur la composition type des conseils d'administration et sur la distinction fondamentale entre les rôles des actionnaires et ceux du principal administrateur.
C'est un guide de pratiques exemplaires et des moyens utilisés par les sociétés pour faire de rapport sur la conformité de leurs pratiques. Si la société s'en écarte, cet écart est expliqué. Si les actionnaires n'ont rien à redire de la dérogation, ça ne va pas plus loin.
L'approche est fondamentalement différente. Il y en a au Royaume-Uni, je suppose qu'il y en a aussi ailleurs, qui pensent que si l'on fixe une série de règles rigoureuses fondées en droit, les gens vont alors chercher un moyen de contourner les règles. Si l'on met en place une série de principes et un cadre souple où soit on se conforme soit on s'explique, on encourage alors un comportement responsable et on favorise le bon jugement et des discussions éclairées.
Bien sûr, tout n'est pas toujours parfaitement tranché et parfaitement défini dans tous ses détails. Pourtant, de façon générale, dans notre pays, on considère comme très satisfaisant et positif ce concept de code combiné de même que l'effet qu'il a sur la gouvernance des entreprises.
L'examen que j'ai été encouragé à faire a mis de l'avant des changements à ce modèle de pratiques exemplaires. Comme cela s'est déjà produit dans l'évolution de la gouvernance des entreprises, des conseils d'administration ont manifesté une certaine résistance. Je suppose que comme auparavant, on doit s'attendre à une certaine résistance quand on relève les exigences de probité des conseils d'administration.
Le Financial Reporting Council, le FRC, au Royaume-Uni, qui a pour l'instant la responsabilité de superviser le code et les normes de comptabilité ainsi que des branches des professions comptables et de vérification, examine la recommandation faite dans mon examen. La période de consultation se terminera le 14 avril 2003. Ensuite, le Conseil examinera ce qu'il aura entendu. Il devrait produire un code combiné révisé d'ici deux à trois mois. Ce code entrera en vigueur au début de l'été. Il reste à voir quelles seront les périodes comptables visées.
Après les problèmes qu'ont connus des entreprises, notamment aux États-Unis il y a un an environ, on a senti qu'une approche législative pourrait s'avérer nécessaire au Royaume-Uni parce que la responsabilité et la gouvernance des entreprises inspiraient moins confiance à la population. L'adoption de la Loi Sarbanes-Oxley, pour la plupart des gens au Royaume-Uni, a renforcé la valeur du cadre flexible par rapport au cadre législatif.
Ai-je assez bien choisi mes mots, je me le demande?
Le président: Oui.
Si l'approche des principes fonctionne aussi bien que vous semblez le penser, comment se fait-il que nous ayons connu tous ces problèmes?
M. Higgs: Nous avons eu des problèmes au Royaume-Uni.
Le président: Comment se fait-il que nous ayons eu ces problèmes?
M. Higgs: Comment se fait-il que nous ayons eu ces problèmes? Je crains de ne pouvoir répondre.
Le président: Comment se fait-il que les États-Unis aient eu ces problèmes?
M. Higgs: Je rappellerai comme il a déjà été dit que les esprits futés ont tendance à voir dans les règles quelque chose à contourner plutôt que l'obligation de s'y conformer.
Le président: Dans cet esprit, si on s'en tient à cela, pourquoi se donner la peine d'avoir un Code criminel? Je ne dis pas que vous n'avez pas raison. J'ignore la réponse.
M. Higgs: Il y a une différence entre le droit civil et le droit pénal. Je vois difficilement de mon côté de l'Atlantique comment l'article 907 de la Loi Sarbanes-Oxley entraînerait une révision du code pénal fédéral américain. Cela ne nous semble pas facilement réconciliable avec la question encore plus importante de la «boussole morale des conseils d'administratio», une tournure qui est venue d'outre-Atlantique. C'est tout à fait critique pour ce qui est du comportement des entreprises.
Le président: Vous dites en somme que vous ne pouvez pas légiférer en matière de comportement?
M. Higgs: On peut encourager un comportement responsable. On décrit dans une certaine mesure les conditions qui favorisent un comportement souhaitable et comment on peut l'encourager dans cet examen.
Toutefois, la chose serait impossible; on ne peut pas légiférer en la matière ni dicter un comportement. On ne peut que l'encourager ou le favoriser. On peut essayer de trouver dans les conseils d'administration les conditions qui favorisent la confiance mutuelle, l'ouverture et un débat constructif favorable à l'amélioration du rendement économique, je l'espère.
Le sénateur Tkachuk: Les scandales qui ont éclaté aux États-Unis chez Enron ont-ils miné la confiance des investisseurs en Europe, notamment en Angleterre? Nous avons nous aussi eu quelques scandales ici, mais vu notre taille plus modeste, l'effet n'a pas été le même.
M. Higgs: Certainement, oui. On m'a demandé d'effectuer cet examen en raison notamment des problèmes relativement importants qui sont survenus dans le monde des affaires aux États-Unis. À dire vrai, le moment était d'autant mieux choisi qu'il y avait quatre ou cinq ans que ce code combiné n'avait pas été réexaminé. Il s'agissait de voir si les pratiques devaient être modifiées et mises à jour.
Toutefois, c'était effectivement après l'affaire Enron, et au Royaume-Uni, le public avait dans une certaine mesure perdu confiance dans les dirigeants des entreprises. Il n'y avait pas tellement de fraudes ni de fausse représentation du rendement des entreprises, mais il y a eu quelques erreurs de stratégie.
Les conseils d'administration sont responsables de la stratégie des entreprises. C'est à juste titre qu'on s'est demandé si l'amélioration de la gouvernance dans le conseil d'administration et une contribution accrue au développement stratégique de la part des administrateurs ne faisant pas partie de la direction auraient pu empêcher certaines erreurs de jugement et de stratégie qui à n'en pas douter ont entraîné d'importantes pertes pour les actionnaires.
Le sénateur Tkachuk: Je conclus de ce que vous avez dit que la confiance des investisseurs a été ébranlée, mais pas autant qu'en Amérique du Nord. Votre rapport et les mesures prises par le gouvernement et les entreprises mêmes ont- ils permis de résoudre le problème? Pensez-vous qu'on pourra redonner confiance aux investisseurs?
M. Higgs: Comme je ne fais pas partie du gouvernement, je ne peux pas parler en son nom. Je travaille dans le secteur privé indépendant et je décris donc ce qui me semble être l'approche du gouvernement au Royaume-Uni.
À l'automne 2001, quand certains problèmes ont commencé à surgir aux États-Unis, le gouvernement a entrepris un examen des structures, des pratiques et des normes de comptabilité et de vérification. Il a aussi commandé, à une entreprise du secteur privé, un examen de différents aspects de l'investissement institutionnel et de la gouvernance des fonds de pension, par exemple, au Royaume-Uni. Cet examen traitait aussi du comportement des membres du conseil d'administration et, plus particulièrement, des administrateurs ne faisant pas partie de la direction.
Cet examen traite largement des facteurs qui font que les entreprises se conduisent correctement. Parallèlement à mon examen, on a publié une étude portant précisément sur la conduite et les structures des comités de vérification.
Le code combiné doit être intégré à un code révisé. Quoi qu'il en soit, le gouvernement a bel et bien examiné — directement et indirectement — un bon nombre des aspects de l'organisation des entreprises qui semblaient déficients, dans le cas certainement des États-Unis.
Les mêmes questions sur la rotation du personnel de vérification, l'indépendance des vérificateurs et le rôle et la fonction du comité de vérification ont été examinées dans le contexte britannique avec tout autant d'attention qu'ont les a examinées dans le contexte américain. Rétablira-t-on ainsi la confiance des investisseurs et du public? On peut l'espérer, jusqu'à un certain point, mais il faudra plus de temps pour en juger.
Le sénateur Kroft: Monsieur Higgs, j'ai aimé votre introduction où vous nous expliquez la différence entre la règle impérative et la règle non impérative et ce qui sous-tendait votre réflexion. Dans toutes ces questions, nous parlons au fond de la confiance des investisseurs. J'aimerais savoir si les mesures prises aux États-Unis — qu'il s'agisse de la Loi Sarbanes-Oxley, des mesures prises par le marché boursier ou la commission des valeurs mobilières — ont rassuré l'investisseur britannique même si vous ne proposez pas de faire de même au Royaume-Uni. La façon dont on a réagi aux États-Unis a-t-elle eu un effet salutaire sur la confiance des investisseurs au Royaume-Uni?
M. Higgs: Le plus grand effet, malheureusement, s'est fait sentir sur les entreprises britanniques inscrites à la bourse américaine, l'approche impériale de la Loi Sarbanes-Oxley en ayant effrayé plus d'un au Royaume-Uni. Il en est résulté, comme vous l'avez vu, de nombreuses représentations de la part du Royaume-Uni et d'Europe pour qu'on ne soit pas contraint à se conformer exactement au modèle américain simplement en raison d'une inscription additionnelle.
Cela a frappé les esprits, ce qui est bon. Si cela a découragé les gens de saisir les avantages qu'offrent les grands marchés de capitaux — les marchés américains en particulier —, je ne pense pas que cela soit le moindrement utile. Chercher à imposer des normes américaines à des entreprises britanniques, françaises ou allemandes pour qu'elles fassent les choses autrement et comme on l'entend aux États-Unis équivaut à une avancée impérialiste, qui n'est pas toujours bien accueillie par ceux qui sont ainsi visés.
Le sénateur Kroft: Nous sommes un petit pays aux côtés des États-Unis et ce genre de considération ne nous laisse pas indifférents. En même temps, nous pouvons voir les choses autrement en ce qui concerne les intérêts supérieurs de nos investisseurs et de nos marchés des capitaux.
J'aimerais parler de deux ou trois questions précises concernant votre rapport, après avoir examiné une question plus générale. Ces questions ont trait au conseil d'administration.
Dans notre système, bien que les rôles des présidents-directeurs généraux, des administrateurs et des présidents du conseil diffèrent, pouvez-vous me dire si la présidence du conseil est un poste de direction?
M. Higgs: Normalement, non. Le président préside. Il ou elle n'est pas un cadre au sens courant du terme et n'est pas non plus un administrateur ne faisant pas partie de la direction, vu l'importance du poste par rapport à celui de chef de la direction. Il ou elle appartient à une catégorie particulière du conseil appelée «la présidence». Dans mon examen, vous avez constaté qu'il y est mentionné qu'à mon avis il n'est pas utile de décrire le président comme un cadre ou un non-cadre à moins qu'en l'occurrence les rôles de président du conseil et de chef de la direction soient combinés, auquel cas le président du conseil est clairement un président-directeur général.
Toutefois, dans le cours normal des choses, compte tenu de la séparation des rôles, la logique dans ce pays veut qu'on ait et un président du conseil et un président-directeur général. Encore là, l'examen établit que, bien qu'il soit souhaitable que le président du conseil soit indépendant par définition au moment de la nomination, il n'est ni pertinent ni approprié de tenir compte de questions d'indépendance une fois la nomination effectuée. Le président du conseil est dans une catégorie à part, les autres membres du conseil d'administration étant des administrateurs ne faisant pas partie de la direction ou des directeurs exécutifs.
Le sénateur Kroft: Vous l'avez expliqué clairement. On ne voyait pas clairement si l'indépendance disparaissait du fait de la nomination à la présidence du conseil.
M. Higgs: La réponse est oui. Toutefois, cela n'en fait pas des non-indépendants; cela en fait des présidents.
Le sénateur Kroft: J'aimerais que vous nous parliez des limites des mandats des postes d'administrateur. Pourriez- vous nous en parler de façon spécifique et théorique? Vous suggérez de façon générale que leur mandat soit limité.
M. Higgs: Il faudrait peut-être corriger un peu la façon dont c'est écrit. En principe, il n'y a pas de durée fixe si les actionnaires sont satisfaits et que le conseil d'administration accepte qu'un titulaire demeure en poste. Cependant, on est incité, pour renouveler les conseils d'administration et en gérer la représentativité, à suggérer des mandats de deux ou trois ans, qui sont ordinairement suffisants pour tout administrateur ne faisant pas partie de la direction. On recourt à une réélection annuelle si tel administrateur demeure en place plus de neuf ans, et la présomption d'indépendance disparaît au-delà d'une période de dix ans. Cela n'équivaut pas à limiter leur mandat; ils peuvent rester pendant 20 ans et même davantage. On changerait simplement le processus de réélection et le concept d'indépendance. On est fortement encouragé à continuer de renouveler le conseil d'administration afin qu'il ne devienne pas un groupe statique. Cependant, personne n'est obligé de partir après une période donnée. Évidemment, en ce qui a trait au président, il est dit bien précisément qu'il n'y a pas de directives quant à la durée du mandat du président, et l'on reconnaît de ce fait l'importance de la continuité et le fait que le président préside.
Or, des journalistes et des commentateurs ont déduit de ce texte — ce qui montre à l'évidence qu'il n'est pas assez clair — qu'il y a une limite à ce mandat. Ce n'est ni ce qu'on visait ni ce qui est dit. Je crois que c'est un des problèmes de rédaction que permettrait de régler un examen plus poussé de ce document.
Le sénateur Kroft: Ce serait conforme à votre volonté de ne pas opter pour une approche trop stricte dans ce domaine. Je vous écoute et je trouve intéressant, quoique bien sûr cela ne s'applique pas dans tous les cas, qu'on évoque le fait que des mandats prolongés risquent de compromettre l'indépendance.
M. Higgs: Quelque part là-dedans je crois qu'on parle de naturalisation.
Le sénateur Kroft: Très bien. Compte tenu de la pratique britannique, est-ce déplacé de laisser entendre aux conseils d'administration à Londres que peut-être ils s'incrustent un peu trop?
M. Higgs: Ces gens qui manifestement s'incrustent pensent effectivement qu'il est déplacé de ne serait-ce que l'évoquer. Leur attitude prouve donc sans doute que c'est bien le cas.
Le sénateur Kroft: Merci.
Le président: Merci beaucoup d'avoir comparu, monsieur. Votre témoignage a été très éclairant et des plus utile. Nous vous souhaitons bonne chance dans toutes vos entreprises.
M. Higgs: Merci. J'espère vous avoir été utile, et je vous ai en tout cas exposé mes vues personnelles sur cette question, même si je ne vous ai pas appris grand-chose que vous ne connaissiez pas déjà au sujet de la Loi Sarbanes- Oxley.
Le président: Je crains que nous soyons beaucoup plus rivés à cela que vous ne l'êtes.
M. Higgs: C'est vrai que vous en êtes plus près.
La séance est levée.