Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce
Fascicule 21 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 28 mai 2003
Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui à 16 h 10 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international et la dimension canadienne de la faillite d'Enron.
Le sénateur E. Leo Kolber (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Honorables sénateurs, nous accueillons deux témoins aujourd'hui. Le premier comparaîtra par vidéoconférence. Monsieur Finlay, je vous souhaite la bienvenue. Je sais qu'il veut faire un exposé préliminaire.
Monsieur Finlay, veuillez commencer, s'il vous plaît.
M. J. Richard Finlay, président, Centre for Corporate and Public Governance: Honorables sénateurs, je suis ravi d'accepter votre invitation à discuter d'une question qui revêt une importance vitale pour les investisseurs et le bien-être économique des Canadiens.
Chaque fois qu'un scandale échappe une société, on entend le sempiternel refrain qui dit que les administrateurs doivent administrer. L'idée que les conseils d'administration ont un rôle capital à jouer à la fois pour assurer le rendement de la société et pour préserver la confiance du public et le capitalisme resurgit avec une régularité étonnante et a été invoquée de nouveau suite aux affaires Enron, WorldCom, Tyco et tant d'autres.
À mon avis, ces désastres sont la conséquence prévisible d'une culture organisationnelle caractérisée par la rémunération excessive du PDG qui engendre des conseils d'administration myopes et complaisants dominés par d'anciens et d'actuels PDG trop souvent plus soucieux de ne pas froisser les gestionnaires que de représenter vigoureusement les intérêts des actionnaires et d'un éthos parmi trop d'observateurs, y compris les vérificateurs, les preneurs fermes, les analystes et les conseillers qui cherchent à plaire à la gestion dans le but de faire avancer leurs propres intérêts professionnels.
Ces commentaires me sont inspirés par 30 ans d'expérience dans le secteur privé marqués par une longue fréquentation des conseils d'administration. Nous devons reconnaître que de nombreuses personnes s'interrogent sur la légitimité morale, voire la compétence de notre système de gouvernance d'entreprise et des conseils d'administration.
Ma foi dans le capitalisme m'oblige à parler sans détour des changements qui, d'après moi, s'imposent afin de préserver les avantages de ce système pour les générations futures.
Comme je le disais dans la lettre que j'ai adressée au comité il y a plus d'un an lorsque vous avez annoncé votre intention d'examiner la dimension canadienne du désastre d'Enron, aucune institution du monde des affaires moderne ne s'acquitte aussi constamment mal de ses fonctions que le conseil d'administration.
Cela ne veut pas dire qu'il n'existe pas de conseils appliqués et d'administrateurs consciencieux, mais le spectacle du conseil d'administration d'Enron comparaissant devant un comité du Congrès américain télévisé en direct pour plaider leur ignorance des dangers qui ont provoqué l'écroulement de l'entreprise était une reprise d'une scène qui s'est répétée trop souvent au cours du dernier siècle à l'occasion d'autres désastres semblables. Ce spectacle du directeur désaffecté tient l'affiche depuis trop longtemps; il est temps que ça cesse.
Des conseils d'administration dysfonctionnels ont laissé leurs empreintes sur des désastres au Canada également. À l'instar de leurs homologues américains, les conseils canadiens sont encore dominés par d'anciens et d'actuels PDG qui ont souvent la même attitude et qui ont intérêt à maintenir le système de rémunération actuel. Le rendement des conseils et des administrateurs n'est que rarement évalué. Il y a trop peu de femmes au sein des conseils d'administration canadiens. En outre, il y a ici un obstacle structurel qui empêche de surveiller efficacement et d'améliorer la gouvernance des entreprises, obstacle qui n'existe pas aux États-Unis, à savoir un régime de réglementation des valeurs mobilières dépassé et lourd puisqu'il y a 13 instances qui régissent ce secteur.
En 1994, j'ai comparu devant ce comité et j'ai recommandé l'adoption d'un certain nombre de réformes de la gouvernance des sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale. En 1994, il s'agissait d'un objectif souhaitable. Aujourd'hui, elles sont devenues une condition urgente pour assurer la compétitivité du Canada et pour protéger les investisseurs.
Les scandales de ces derniers mois ont amené les échelons supérieurs des gouvernements et d'autres institutions à s'interroger comme jamais auparavant sur les responsabilités du conseil d'administration et sur les principes de la gouvernance moderne des entreprises. Quelles conclusions devons-nous tirer de cette expérience?
Premièrement, trop souvent, les PDG dominent le conseil d'une manière malsaine. La culture de complaisance du conseil d'administration a mené de nombreuses entreprises à adopter un mode de gouvernance par le PDG et pour le PDG. C'est particulièrement vrai lorsque le PDG est à la fois le chef de la direction et le dirigeant du conseil auquel il est censé rendre compte. Lorsque cela se produit il ne peut y avoir de véritable surveillance. Les entreprises jouissent d'une énorme pouvoir et d'une grande confiance. C'est pourquoi il ne doit y avoir aucun doute sur le fait qu'elles se régissent en faisant preuve d'un niveau de responsabilité de même mesure. À l'occasion, il faut, pour maintenir la confiance du public, apporter des rajustements structuraux au moyen de la politique publique et de la loi. Voici l'une de ces occasions.
Deuxièmement, la rémunération excessive du PDG devient une force très corrosive au sein du conseil d'administration qui incite les cadres supérieurs à privilégier leur propre intérêt immédiat souvent au détriment des intérêts à long terme de l'entreprise.
La rémunération des PDG a atteint des niveaux sans précédent. Jamais auparavant dans l'histoire y a-t-il eu un tel transfert massif de richesse des actionnaires aux PDG.
Le Centre for Corporate and Public Governance a révélé dans Business Week dans quelle mesure de nombreux conseils d'administration sont rendus obsédés par la question de la rémunération du PDG. Dans un nombre inquiétant de cas, les comités de la rémunération du conseil se réunissent deux et trois fois plus souvent que leurs comités de vérification.
Ce que les PDG retirent de cet état de chose est évident, mais il n'est pas du tout certain que ce soit dans l'intérêt des investisseurs. Même lorsque la valeur des actions perd des billions de dollars sur le marché, le traitement médian des PDG ne cesse d'augmenter.
À mon avis, les primes qui s'ajoutent aux primes pour un poste déjà incroyablement bien rémunéré, les petites fortunes qu'on verse aux PDG pour un mauvais rendement, la rançon de roi qu'on leur verse lorsqu'ils sont congédiés ou les incitatifs qu'on leur offre pour les inciter à rester, ne sont rien d'autre qu'une forme de socialisme d'entreprise. C'est trahir tout ce que représente le capitalisme responsable et c'est tourner en dérision l'éthique du travail. C'est un très mauvais signal pour tous les autres intervenants sur le marché qui commencent à penser qu'ils sont bien fous de bien faire leur travail pour une rémunération de base.
Le caractère excessif de ces régimes de rémunération constitue en quelque sorte un risque moral pour le conseil d'administration. Les vastes sommes que les PDG peuvent exiger les mettent souvent à l'abri des conséquences de leurs actions. Lorsque les hommes n'ont pas à rendre compte de leur folie, ils ont tendance à négliger un peu plus les impératifs de la prudence morale.
Honorables sénateurs, vous vous demandez peut-être ce que les corps législatifs peuvent faire à l'égard des rémunérations excessives. Que pouvez-vous faire? La rémunération excessive des PDG a de vastes répercussions sur la confiance du public à l'égard de l'économie. À titre de législateurs, vous devez vous inquiéter lorsque quelque chose mine la confiance du public, qui est si essentielle à notre bien-être économique. À tout le moins, il serait bon que ce comité exprime vigoureusement ses préoccupations.
La troisième leçon que nous pouvons tirer des événements récents est la mesure dans laquelle un grand nombre de personnes dépendent du succès de l'entreprise moderne et de l'intégrité de ses dirigeants. Dans les années 80, j'ai rédigé un long article paru dans le Business Quarterly dans lequel j'ai utilisé pour la première fois l'expression «capitalisme participatif». Il n'y a rien qui puisse illustrer de manière plus poignante l'investissement moral, émotionnel et financier du public dans le succès et l'intégrité de ces entreprises que la vue des employés trahis d'Enron pleurant pendant leurs témoignages devant le Congrès américain l'an dernier.
Une bonne gouvernance, l'exactitude des rapports financiers, l'intégrité professionnelle des vérificateurs et des analystes ainsi qu'une culture qui incite les administrateurs à administrer pour de vrai sont dans l'intérêt de tous les Canadiens.
Lord Macaulay disait: «Réformer, afin de préserver». En conclusion, un changement s'impose. Et je pense que ce changement doit se faire par voie législative.
Je n'aime pas les lois inutiles ni les bureaucraties gonflées. Toutefois, comme le disait James Madison: «Si les hommes étaient des anges nous n'aurions pas besoin de gouvernement.» Hélas, nous sommes tous humains.
La conduite des entreprises dans la société est trop importante pour être laissée aux scrupules des administrateurs et des PDG. Les principes privés complètent la règle de droit; ils ne la remplacent pas. C'est ainsi au base-ball, sur nos autoroutes et dans la société en général et c'est ainsi qu'il faut que ce soit dorénavant dans les conseils d'administration.
À tout le moins, j'exhorte le gouvernement fédéral à adopter une loi qui exigerait que toutes les sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale et dont les actions sont émises dans le public se conforment aux dispositions suivantes. Premièrement, il faut que le conseil d'administration soit composé d'une forte majorité d'administrateurs indépendants de l'extérieur. La définition du terme «indépendant» doit être rigoureuse. Les nouvelles règles adoptées récemment par la Bourse de New York constituent un bon point de départ.
Deuxièmement, le conseil doit être présidé par un administrateur indépendant et la loi devrait interdire le cumul des postes de PDG et de président du conseil. Je crois que les PDG sont plus responsables et ont un meilleur sens de la perspective lorsqu'ils voient à l'autre bout de la table un président du conseil indépendant qui est une personne forte et respectée et pas seulement son propre reflet.
Troisièmement, en ce qui concerne la surveillance financière des sociétés, je ne connais rien de mieux ni de plus complet que la Loi de Sarbanes-Oxley de 2002. Je pense qu'il faudrait rien de moins qu'une loi semblable au Canada pour régir la fonction des comités de vérification, la surveillance des vérificateurs et la vérification des résultats financiers par le PDG. En outre, les infractions à la loi devraient être passibles de peines très sévères.
Quatrièmement, conformément aux recommandations de la Commission royale d'enquête sur les groupements de sociétés créée dans les années 70, il faudrait restreindre le nombre de postes d'administrateurs qu'une même personne peut occuper en même temps. Pour ma part, je fixerais une limite de trois postes.
Cinquièmement, il est temps de fermer une fois pour toutes les portes du club intime des conseils d'administration. Contrairement au droit, à la comptabilité et au courtage en valeurs mobilières, il n'y a pas d'organisation professionnelle qui supervise les administrateurs. La loi devrait créer un organisme d'auto-réglementation pour les administrateurs des sociétés ouvertes. L'objectif de cet organisme serait de rédiger et d'appliquer un code de conduite professionnelle à l'intention des administrateurs. Tous les administrateurs de sociétés ouvertes devraient être obligés de se conformer au code sous peine de sanctions sévères, y compris l'interdiction de détenir un poste d'administrateur.
Sixièmement, les événements des dernières années ont montré très clairement que des employés intègres et vigilants peuvent par leurs efforts empêcher ou à tout le moins limiter les méfaits. Toutefois, les employés qui dénoncent les pratiques répréhensibles au sein de leur entreprise doivent être protégés. À cet égard, j'exhorte le comité à rédiger une loi de protection des dénonciateurs afin que ces employés soient à l'abri des représailles.
Septièmement, le Canada a besoin d'un organisme national de réglementation des valeurs mobilières. Nous sommes le seul pays du G8 à ne pas avoir un organisme fédéral comparable à la Securities and Exchange Commission des États- Unis. Certains ont proposé que nous créions une vaste commission mixte au niveau provincial qui exclurait encore le gouvernement fédéral. C'est comme demander à un comité de transformer une mule en cheval de course. Une solution typiquement canadienne ne fonctionnera pas. Nous en avons déjà une qui ne fonctionne pas. Il faut trop de temps pour adopter des règles communes. Parmi les organismes de réglementation eux-mêmes, il y a trop de visions contradictoires de ce que doit être l'avenir des marchés financiers au Canada. Il faut rien de moins qu'un organisme national pleinement responsable de ses activités.
Permettez-moi de terminer sur cette pensée: pour que le Canada soit compétitif dans un monde qui est devenu très méfiant à l'égard de ceux qui dirigent et régissent les entreprises, il doit s'engager à devenir le pays industrialisé le plus accueillant pour les investisseurs. Pour cela, il faudra adopter des normes de gouvernance de l'entreprise et des mesures d'application sans égales et qui serviraient de modèle aux autres. Nous indiquerions ainsi que nous revenons à un concept de base qui est la marque de la gouvernance des entreprises.
Le défunt juge William O. Douglas de la Cour suprême des États-Unis a résumé la question ainsi: «Nous supposons que les administrateurs sont des fiduciaires en vertu de l'éthique des affaires et de la loi; et que les pouvoirs qu'ils exercent sont des pouvoirs fiduciaires.»
Honorables sénateurs, si nous voulons être fidèles aux principes du capitalisme responsable dont nous dépendons tous, notre conscience privée ainsi que notre devoir public doivent nous inciter à apporter les changements nécessaires pour préserver cet acquis important.
Je vous remercie de m'avoir donné l'occasion de contribuer modestement à cet objectif; je serai heureux de répondre à vos questions.
Le sénateur Kroft: Nous arrivons à la fin de nos audiences sur cette question. J'aimerais connaître votre réaction à plusieurs commentaires que nous avons entendus.
Très souvent, nous entendons une litanie de rémunérations excessives ou de délits de la part des administrateurs. La plupart des exemples sont américains. De fait, même si vous mentionnez quelques exemples canadiens dans votre article, la plupart de vos exemples sont naturellement américains. Pensez-vous que le problème au Canada est essentiellement de la même nature que le problème aux États-Unis? Y a-t-il des différences dans l'ordre de gravité ou d'autres différences dont nous devrions être au courant alors que nous achevons notre étude? Nous ne voulons pas imposer des solutions s'il n'y a pas de problème ou si le problème n'est pas si grave.
M. Finlay: Monsieur le sénateur, je peux vous dire que je passe beaucoup de temps à travailler avec des entreprises et des institutions et des deux côtés de la frontière. Je n'ai aucune raison de croire que les conseils d'administration canadiens exercent une meilleure gouvernance ou font preuve d'un plus grand zèle que leurs homologues américains. Nous devons prendre au sérieux les leçons de l'expérience américaine et renforcer les secteurs qui doivent l'être afin d'éviter que se produise ici le genre d'abus qui se sont produits aux États-Unis, étant donné surtout qu'il y a ici au Canada de sérieuses lacunes sur le plan de la gouvernance des entreprises. C'est l'une des raisons pour lesquelles ce comité a tenu des audiences en 1994 et en 1996 et c'est pourquoi la Bourse de Toronto a réalisé plusieurs études sur l'avenir de la gouvernance de l'entreprise. Il y a un problème et il est grand temps de le régler.
Le sénateur Kroft: J'aimerais maintenant parler de la rémunération à laquelle s'intéressent beaucoup ce comité ainsi que les témoins qui ont comparu devant nous. On semble en général reconnaître que trop souvent la rémunération des cadres supérieurs est excessive.
Pouvez-vous nous suggérer des lignes directrices ou une façon d'aborder cette question sur le plan conceptuel? Certains disent que la rémunération du PDG devrait être un multiple du salaire de l'employé moyen de l'entreprise. D'autres essaient de faire un lien avec les résultats financiers de l'entreprise. Pouvez-vous nous suggérer un moyen, un principe pour déterminer quelle serait une juste rémunération? Quelle est votre solution à ce problème?
M. Finlay: Je pense que si les conseils étaient indépendants et s'ils étaient présidés par des administrateurs indépendants qui prendraient leur tâche vraiment au sérieux, si on limitait le nombre de postes d'administrateurs qu'une personne peut détenir, s'il y avait moins d'anciens PDG et de PDG en poste aux conseils d'administration, toute la culture serait différente.
Nous devons faire disparaître cette culture où les administrateurs ont intérêt à appuyer un régime de rémunération dont ils profiteront eux-mêmes à titre de PDG.
Les comités de rémunération de nombreuses entreprises se réunissent deux, trois, quatre fois plus souvent que leurs comités de vérification, ce qui indique une véritable obsession malsaine.
Le sénateur Kroft: N'est-ce pas tout simplement qu'ils prennent leur travail au sérieux?
M. Finlay: Ils prennent leur travail très au sérieux. C'est l'une des principales préoccupations et une obsession de trop de conseils d'administration. Il faut que les conseils d'administration reviennent à la raison et à la réalité en matière de rémunération.
Je ne voudrais pas suggérer un chiffre, mais je pense que les multiples dépassent les bornes depuis une dizaine d'années. Si vous faites une extrapolation, vous verrez que cela aboutit à une situation absolument intenable qui provoquera, sinon parmi les investisseurs, du moins parmi des employés, une réaction incroyable, un vif ressentiment que l'on a certainement constaté chez les employés d'Enron et d'autres entreprises qui ont fait faillite. On l'a clairement ressenti chez les employés de Nortel.
Je pense qu'il appartient au conseil d'administration d'apporter les changements structurels nécessaires pour s'acquitter de ses responsabilités, pour avoir le pouvoir de le faire et pour être responsable de ce qu'il fait et, franchement, pour encourager d'autres personnes à devenir administrateurs.
Le sénateur Kroft: En ce qui concerne les administrateurs, vous avez mentionné que la Commission Bryce qui a été chargée d'examiner les groupements de sociétés dans les années 70 avait recommandé de limiter le nombre de postes d'administrateurs que peut cumuler une personne. Vous avez dit que trois postes d'administrateurs devraient être la limite. Au Canada, les conseils d'administration des grandes entreprises croient que pour être impressionnante, la société doit compter parmi ses administrateurs plusieurs PDG d'autres grandes entreprises. Les sociétés sont, en quelque sorte, engagées dans une course pour recruter des célébrités du monde des affaires. Nous les voyons se réunir pour défendre une cause commune lorsqu'ils parlent de la gouvernance de l'entreprise, mais ils semblent se préoccuper très peu de la rémunération lorsqu'ils agissent ensemble.
Ce que vous nous avez dit, nous l'avions déjà entendu. Le PDG d'un conseil a plutôt tendance à souligner les faiblesses plutôt que les bonnes décisions du conseil.
Comment peut-on briser ce cycle? Il y a peut-être des gens qui sont aussi sages ou plus sages que les PDG, mais que peut-on y faire?
M. Finlay: Je pense que ce serait utile à deux égards.
Premièrement, il faudrait qu'il y ait une limite. Il faudrait restreindre le nombre de postes d'administrateur de grandes entreprises qu'une même personne peut détenir. À propos, vous aviez raison de dire que la Commission Bryce n'a pas fixé de limite. Elle a recommandé un petit nombre mais sans proposer de limite. Je propose une limite de trois postes. Il est temps de défendre cette idée qui a été proposée il y a près de 30 ans. Il est temps de préciser cette idée afin qu'il puisse y avoir un débat. Il serait important d'imposer cette limite.
Deuxièmement, il faut qu'un comité comme le vôtre dise qu'il faut élargir le bassin d'administrateurs. Une façon de le faire est d'encourager les entreprises à nommer plus de femmes qualifiées au conseil d'administration. Dans bien des cas, les femmes représentent moins de 10 p. 100 du conseil d'administration.
La Bourse de Toronto, qui devrait être un chef de file dans ce domaine, n'a qu'une femme, son PDG, sur un conseil d'administration qui compte 14 membres. C'est donner le mauvais exemple.
Depuis bon nombre d'années, il est évident qu'il faut qu'il y ait plus de femmes, mais cela ne peut pas se faire, et je ne suggère pas qu'on essaie non plus par voie de réglementation ou de loi, mais peut-être par la persuasion morale. Une déclaration de ce comité à cet effet aiderait à tout le moins à rappeler aux comités de sélection des conseils d'administration qu'ils doivent chercher ailleurs. En outre, peut-être que les actionnaires deviendront plus vigilants sur cette question lors des assemblées annuelles et peut-être qu'ils s'exprimeront sur ce point.
Le président: À l'heure actuelle, nous sommes en train de préparer un rapport; il ne nous reste plus que quelques heures de travail.
Comment interprétez-vous la vaste divergence d'opinions qui semble exister parmi les décideurs au Canada? Par exemple, M. Brown de la Commission des valeurs mobilières de l'Ontario nous a dit qu'il fallait absolument suivre l'exemple Sarbanes-Oxley. Mme Stymiest de la Bourse de Toronto dit qu'il ne faut surtout pas de loi. M. D'Aquino, qui a amené son groupe à Washington, a comparu et nous a dit: «Faites-nous confiance, nous nous en occuperons nous-mêmes», malgré le fait qu'ils aient échoué lamentablement. C'est l'impression qu'il avait. M. Stephen Jarislowsky du groupe d'investisseurs institutionnels dit qu'ils peuvent se débrouiller.
Nous allons faire ce qui leur semble juste, mais comment interprétez-vous cette divergence d'opinions?
M. Finlay: Elles ont probablement tous un certain mérite. Cela ne vous aide pas, mais il y a certainement place pour les principes. Il faut absolument que les investisseurs institutionnels soient plus vigilants.
Je pense que la leçon américaine est claire, honorables sénateurs. Sarbanes-Oxley est une loi très importante qui comble de graves lacunes dans la loi et dans les peines qui peuvent être imposées. Elle a certainement retenu l'attention des conseils d'administration plus que toute autre chose depuis l'adoption de la première loi.
Cette loi a eu un autre effet qui pourrait vous intéresser. Une entreprise américaine appelée HealthSouth a été accusée récemment de fraude; l'affaire a été réglée assez rapidement lorsqu'elle a plaidé coupable. La Loi Sarbanes- Oxley — ses dispositions et les peines qu'elle prévoit — est l'un des facteurs de ce dénouement rapide. Elle encourage les gens à se manifester et à admettre leur méfait. Cela n'aurait pas été possible avec une approche uniquement fondée sur des principes. Il a fallu une loi.
Comme il y a eu tellement d'exemples de conseils d'administration dysfonctionnels au fil des années, il est temps d'avoir une loi qui dise: «Voici la norme minimale qui devrait s'appliquer à certains éléments essentiels relativement à la responsabilité des conseils d'administration».
Cela ne veut absolument pas dire que les gens ne peuvent pas prendre l'initiative de s'améliorer en appliquant certains principes. À l'heure actuelle, il y a un certain nombre de conseils d'administration aux États-Unis qui s'efforcent d'aller au-delà de Sarbanes-Oxley. Si on n'avait pas relevé la barre, ils n'auraient pas visé si haut. Voilà l'effet de cette loi. Si maintenant la loi indiquait ce qui est important pour protéger la société, cela contribuerait grandement à l'évolution de la gouvernance de l'entreprise et du capitalisme.
Le président: Lorsque nous sommes allés à New York, nous avons rencontré le directeur de l'exploitation de la Bourse de New York qui nous a dit que la Loi Sarbanes-Oxley n'aurait pas empêché la faillite d'Enron. Cela me rend un peu nerveux. Et vous, quel effet cela vous fait?
M. Finlay: Il y a un certain nombre de personnes qui disent que le véritable scandale est qu'il n'y ait pas encore de loi pour empêcher que cela se reproduise. L'affaire Enron n'est pas encore terminée puisqu'il y a des affaires pénales en instance. Il se pourrait que les tribunaux décident que des actes illégaux ont été commis. Du point de vue de l'éthique, la réputation d'une entreprise est importante. Les omissions du conseil d'administration resteront à tout jamais un exemple classique d'un conseil d'administration qui n'a pas fait son travail. Cela aura un impact considérable. Je pense que personne n'est près de l'oublier.
Le sénateur Moore: Monsieur Finlay, j'aimerais obtenir vos commentaires et d'autres explications au sujet de votre article paru dans le Globe and Mail du 26 février 2003 que vous avez distribué aux membres du comité. Dans cet article, vous dites, et je cite:
Le fait que cette instance de réglementation [...]
Et ici vous faites allusion à la Bourse de Toronto.
[...] aux yeux des autres semble difficilement un modèle de gouvernance d'entreprise permet peut-être d'expliquer pourquoi la Bourse de Toronto s'oppose à des réformes musclées.
Je suppose que cela fait allusion aux commentaires du président selon lesquels elle ne veut pas de loi.
La Bourse de Toronto n'a pas réussi à faire respecter les modestes règles du conseil d'administration qui existent depuis 1995, même si des sondages confirment que des dizaines de grandes sociétés cotées à la Bourse de Toronto ne se conformaient pas à l'exigence minimale selon laquelle elles doivent indiquer chaque année si elles ont suivi les lignes directrices.
Pourriez-vous nous parler un peu de cet aspect? Quelles sont les lignes directrices qui ne sont pas observées? Quels sont les types de rapports qui ne sont pas présentés? Comment la Bourse de Toronto n'assure-t-elle pas l'application des lignes directrices concernant la présentation de ces rapports?
M. Finlay: C'est une bonne question, sénateur. Je vous remercie de la soulever. Elle fait ressortir le problème de l'insuffisance de la divulgation volontaire. En 1995, la Bourse de Toronto avait adopté un code de normes améliorées de gouvernance d'entreprise; par l'intermédiaire du Centre for Corporate and Public Governance, j'ai formulé un certain nombre de recommandations qu'elle a acceptées. C'était un bon code. Toutefois, une société n'était tenue de divulguer que si elle s'était conformée au code, et dans la négative, de divulguer les aspects auxquels elle ne s'était pas conformée. Une société n'était pas en fait obligée de suivre les normes énoncées dans les lignes directrices de gouvernance d'entreprise.
Même si cela semble dénoter une certaine souplesse, le problème demeure qu'un grand nombre de sociétés ne prennent même pas la peine de divulguer si elles ne se sont pas conformées au code. Elles sont soit muettes à ce sujet, soit font des déclarations plutôt trompeuses à propos de leurs activités comme j'ai pu le constater dans de nombreuses circulaires d'information que j'ai lues au fil des ans.
À ma connaissance, et j'ai déjà fait cette déclaration à plusieurs reprises, la Bourse de Toronto n'a jamais imposé de sanctions à l'une des centaines de sociétés qui ne suivent pas le règlement voulant qu'elles divulguent si elles suivent ou non ces lignes directrices. Apparemment cette règle n'est pas prise au sérieux, ce qui transmet un message inquiétant aux entreprises canadiennes et au secteur de l'investissement selon lequel l'instance de réglementation dans les faits n'accorde pas suffisamment d'importance aux lignes directrices pour en assurer l'application. Elle n'assure même pas l'application de l'exigence modeste relative à la divulgation.
Le sénateur Moore: Cela ne vient-il pas confirmer, comme il a été proposé, que notre comité recommande que l'on opte pour une loi?
M. Finlay: Je crois que oui.
Le sénateur Moore: Au début, vous avez dit qu'il faudrait un peu de tout. Je ne crois pas que ce soit une réponse vraiment utile. Je crois que le président voulait des indications un peu plus précises que «Oh, nous pouvons avoir un peu de ceci, un peu de cela».
M. Finlay: Je considère qu'à la base il doit exister une loi.
Le sénateur Moore: Vraiment?
M. Finlay: Oui, absolument. Je considère que rien ne peut remplacer le souci particulier de faire mieux, ou les principes qu'ils proposent. Nous devons toujours encourager ce genre d'initiative. Dans les conseils d'administration où j'ai siégé, il y a toujours eu un certain nombre d'hommes et de femmes animés de grands principes. Cependant, nous devons établir une nouvelle base. J'ai examiné cette question sur de nombreuses années, et je crois que la seule façon d'y parvenir, c'est par le biais d'une loi.
Le sénateur Kelleher: J'aimerais vous poser une question, monsieur Finlay, concernant le Conseil des normes comptables. J'ai l'impression, et je ne suis pas sûr qu'elle soit fondée, que le Conseil ne sera pas aussi indépendant que le sera son équivalent américain; est-ce exact?
M. Finlay: Dans la mesure où la version américaine est créée en vertu d'une loi, dont la surveillance sera assurée par la Securities and Exchange Commission qui, je crois comprendre, exerce à l'heure actuelle une surveillance assez rigoureuse, je serais d'accord avec vous, monsieur.
Le sénateur Kelleher: Si c'est bien le cas, il me semble alors que nous ayons opté au Canada pour l'autorégulation par l'organisation même. À notre époque, et compte tenu de ce que les Américains ont fait, cela sera-t-il suffisant?
M. Finlay: Je crois que cela n'est plus suffisant compte tenu de l'ampleur de la crise à laquelle nous avons dû faire face, la crise la plus grave depuis la grande dépression, pour ce qui est de la confiance du public dans les marchés, le capitalisme et la direction des affaires.
Sénateur, il est difficile pour une personne comme moi qui observe la situation, l'étudie et qui fréquente les milieux d'affaires depuis 30 ans, d'exagérer les répercussions de cette crise. Elle a représenté un moment décisif et s'est avérée un véritable cri d'alarme. Le fait qu'autant de comités du Sénat et du Congrès américain tiennent des audiences à ce sujet, en plus du fait que le président, qui est un assez ardent partisan de la libre entreprise, a signé la Loi Sarbanes- Oxley, signifie que quelque chose a changé. Croyez-moi — et je crois que vous le savez — les deux partis aux États- Unis ne se seraient pas entendus sur une initiative comme la Loi Sarbanes-Oxley s'ils ne considéraient pas qu'il s'agissait d'une mesure très importante, essentielle pour préserver la confiance dans les marchés qui, au bout du compte, est tout ce sur quoi nous pouvons compter. Une fois que cette confiance est minée, il est très difficile de la rétablir.
Tous ceux qui ont été témoins de cette situation ont été scandalisés et tenaient à éviter qu'une telle chose se reproduise à l'avenir. Nous avons au Canada la possibilité d'en tirer des leçons et de prendre des mesures. Je ne dis pas que nous devrions recopier exactement la Loi Sarbanes-Oxley; je crois que nous pouvons nous en inspirer pour élaborer une loi améliorée. Cependant, le cadre existe et nous avons aussi appris qu'il nous faut établir de nouvelles normes et adopter une loi qui nous permettra de prévoir des mécanismes rigoureux d'application de la loi. Nous n'y parviendrons certainement pas si nous n'avons pas au Canada une commission nationale de valeurs mobilières capable de protéger les investisseurs comme le fait aux États-Unis la Commission américaine de la bourse et des valeurs mobilières.
Le sénateur Kelleher: Je n'ai pas de comptes à régler avec l'Association des comptables agréés, mais il me semble que nous devrions envisager sérieusement une loi semblable à celle adoptée par les Américains. Êtes-vous d'accord avec moi à ce sujet?
M. Finlay: C'est une proposition que j'appuie assurément, honorable sénateur. Je serais partisan d'une telle initiative. C'est une mesure très importante. Elle concerne le rôle des instances de surveillance. De l'avis de nombreuses personnes, les vérificateurs de même que les analystes ont commis un grave abus de confiance. Comme je l'ai déjà dit, nous devons prendre des mesures pour nous assurer qu'il n'y ait jamais au Canada d'abus de confiance de cette envergure. L'adoption d'une loi est le moyen d'y parvenir.
Le sénateur Baker: J'ai simplement une question. Si je vous comprends bien, vous recommandez une réglementation et un contrôle plus serrés. Vous proposez une surveillance externe et indépendante des conseils d'administration. Pour reprendre vos paroles, vous avez parlé de l'incompétence des commissions de valeurs mobilières. Vous recommandez la création d'une instance de réglementation nationale des valeurs mobilières.
Vous considérez que nous pourrions améliorer la situation au Canada si nous avions une instance indépendante et externe qui examine ce qui se passe. Pendant que vous parliez, je songeais aux sociétés ordinaires qui existent au Canada, une société d'assurances ou une société de fiducie et de prêts, qui a son propre vérificateur, puis doit avoir, en vertu d'un règlement, un vérificateur indépendant qui présente tous les six mois ou tous les ans un rapport à l'instance de réglementation, au surintendant de la commission d'assurances ou de valeurs mobilières. Vous avez donc un rapport d'un vérificateur indépendant sans réserve, et ce vérificateur a vérifié le vérificateur de la société. Puis vous avez le vérificateur de l'instance de réglementation, un autre examen indépendant du vérificateur qui vérifie le vérificateur indépendant qui a vérifié le vérificateur.
Vous recommandez maintenant la création d'une instance supplémentaire et indépendante de surveillance. Qu'en pensez-vous? Certains présenteraient en fait l'argument contraire à celui que vous avancez ici aujourd'hui en ce qui concerne la réglementation et peut-être la réglementation à outrance du marché.
M. Finlay: Sénateur, je ne suis certainement pas partisan de la réglementation à outrance. S'il était possible de l'éviter, je serais le premier à le recommander. Ce qu'il m'intéresse de faire et ce qui, à mon avis, doit être fait c'est d'adopter une perspective différente et à long terme du travail fait par le conseil d'administration. Cette perspective devrait mettre moins l'accent sur le PDG et davantage sur l'actionnaire; moins d'accent sur les résultats à long terme et plus d'accent sur les intérêts supérieurs à long terme de la société. La séparation des postes de PDG et de président de conseil d'administration, par exemple, permettrait dans une grande mesure d'atteindre cet objectif. Si vous aviez une majorité importante — et j'insiste sur le terme «importante» — d'administrateurs indépendants et que vous resserriez la définition d'administrateurs indépendants, ce sont des mesures qui favoriseraient nettement l'atteinte de cet objectif.
La situation que vous décrivez, soit les vérificateurs qui vérifient les vérificateurs, s'est produite aux États-Unis. Cela s'est produit dans le cas de Enron, Tyco, WorldCom et toutes les sociétés du même genre. Vous pouvez comprendre les problèmes qu'elles ont connus. C'est ce qui se passait. C'est le processus qui s'est déroulé à Livent, Bre-X, Confederation Life et National Bank, et chez tant d'autres sociétés qui ont fait faillite ou qui se sont heurtés à de graves problèmes.
Nous sommes passés par ce processus. Il demeure un aspect très important des freins et contrepoids en vigueur, mais je considère qu'il ne remplace pas le type de réformes qui ont été adoptées aux États-Unis et qui, à mon avis, doivent être adoptées ici au Canada.
Le sénateur Baker: Si vous pouviez établir un ordre de priorité, le plus important serait-il d'avoir une instance nationale de valeurs mobilières, suivie ensuite des autres mesures proposées? Est-ce votre avis? Vous n'avez pas indiqué la mesure la plus importante à vos yeux. Vous avez parlé d'abord d'administrateurs externes indépendants et d'administrateurs indépendants.
Êtes-vous en train de nous dire que vous recommanderiez avant tout une autorité nationale de réglementation?
M. Finlay: Oui, sénateur. Il ne fait aucun doute que j'accorderais la priorité, si cela était possible, à la création d'une autorité nationale de réglementation des valeurs mobilières au Canada. Comme tout le monde le sait, nous sommes les seuls à utiliser ce modèle que nous avons. Il ne fonctionne pas, il exige beaucoup trop de temps et est coûteux.
Permettez-moi de vous donner un exemple. La Commission ontarienne des valeurs mobilières a récemment annoncé qu'elle proposera, en juin, à l'observation du public, certains changements aux comités de vérification. Il s'agit de bonnes propositions qui reflètent jusqu'à un certain point les dispositions de la Loi Sarbanes-Oxley. Il y aura ensuite des mois de débat public. Si on opte pour l'établissement d'une règle nationale, qui s'appliquera à l'ensemble des provinces et des territoires, il faudrait un an ou un an et demi pour établir une règle définitive. Au Canada, il s'agit d'un très long processus.
Le capital se déplace à la vitesse de la lumière. Notre système de réglementation des valeurs mobilières n'est pas adapté à l'ère moderne. Il faut que nous le modifiions.
Cependant, des changements que je proposais dans la gouvernance d'entreprises pourraient probablement être apportés à l'aide des lois fédérales telles qu'elles existent à l'heure actuelle. En raison de la compétence que vous exercez sur les sociétés constituées en vertu d'une loi fédérale, la Loi canadienne sur les sociétés par actions, l'établissement de chartes pour les entreprises de télécommunications et les banques, par exemple, vous pourriez probablement imposer ce type de changements, indépendamment des mesures qu'il faudrait prendre pour établir une commission nationale des valeurs mobilières. Vous pourriez probablement prendre ce genre de mesures maintenant.
Le sénateur Baker: Selon un examen indépendant et externe dans le cadre de la première exigence que vous proposez en matière de réglementation à l'échelle provinciale, c'est-à-dire, la commission des valeurs mobilières, il faut qu'il existe un code de conduite. Si on ne constate aucun sujet de préoccupation au premier stade, alors on pourrait croire que l'on relèverait un sujet de préoccupation lors de la deuxième vérification ou certainement lors de la troisième vérification. Comment cela permettrait-il de régler le problème fondamental auquel vous tâchez de remédier directement ou indirectement?
M. Finlay: Dans le cadre du processus de vérification, pendant très longtemps les cabinets de vérificateurs et de comptables de fait, les vérificateurs externes, étaient engagés par la direction et devaient faire rapport à la direction. Le message que transmet la Loi américaine Sarbanes-Oxley c'est que les comités de vérification des conseils d'administration en assument en grande partie la responsabilité, ce qu'ils ont commencé à faire ici.
Il est très important, par exemple, d'assurer le roulement des vérificateurs et de limiter les autres types de travail que peuvent accomplir les cabinets de vérificateurs et leurs partenaires comptables. Nous devons examiner sérieusement ces dispositions, comme l'ont fait les Américains. Il est clair que le processus de vérification comporte de nombreuses étapes — et je suis loin d'être un expert en la matière. Cependant, même ces mesures prises aux États-Unis ont donné lieu à de graves lacunes et à des catastrophes. Nous avons connu certains problèmes au Canada également lorsqu'il a fallu procéder à des retraitements après que la direction ait trompé les vérificateurs.
Il faut imposer une situation où les comités de vérification assurent le plein contrôle et il faut que cela soit fait par des administrateurs indépendants. Il faut, à mon avis, leur donner un mandat et les munir d'une liste des choses qu'ils doivent vérifier. Au bout du compte — et c'est un aspect dont ne traite pas la Loi Sarbanes-Oxley, qui n'est pas prévu dans le cadre de l'authentification — j'exigerais que les administrateurs même du Comité de vérification approuvent les résultats authentifiés et pas simplement le PDG et le directeur financier. Au bout du compte, c'est au conseil d'administration d'en assumer la responsabilité. Le PDG travaille pour le conseil, mais pour ce qui est d'authentifier les résultats, c'est le conseil d'administration qui devrait avoir le dernier mot. C'est une amélioration que nous pourrions apporter par rapport à la Loi Sarbanes-Oxley.
Le sénateur Meighen: Pour enchaîner sur ce qu'a dit le sénateur Baker, nous sommes tous en fin de compte préoccupés par le risque de réglementation à outrance. Si on examine le fiasco Enron, une fois qu'on élimine tout le verbiage, on constate qu'il s'agissait d'un comportement criminel et ignoble. Un grand nombre de ces individus étaient des escrocs.
Vous avez indiqué l'importance d'avoir des administrateurs et des vérificateurs plus indépendants. Je suis d'accord avec vous à ce sujet. Vous avez également dit que la direction avait trompé le conseil d'administration.
Qu'il s'agisse d'un groupe de gens liés ou non, en supposant qu'ils possèdent le même degré d'intégrité, si la direction les trompe, il s'agit d'un acte criminel pour lequel la direction devrait être passible d'emprisonnement.
Pourriez-vous commenter ce qui me semble être une impression répandue de la part du public, à savoir qu'un grand nombre de criminels en col blanc s'en tirent à trop bon compte? Si nous sévissions davantage aujourd'hui, nous pourrions ainsi d'une certaine façon contribuer à prévenir que l'on trompe délibérément les administrateurs et les vérificateurs indépendants, liés ou non liés.
M. Finlay: Poursuivons avec l'exemple d'Enron. Le conseil d'administration a créé un comité interne chargé de faire enquête sur la situation, le Comité Powers. Le Comité Powers a déterminé, sous la direction de Dean Powers, qui est devenu membre du conseil à l'époque, que le conseil même n'avait pas fait son travail. Il n'avait pas posé les questions appropriées. Il n'a pas donné suite aux engagements qui avaient été pris. Il avait un code de déontologie mais y a dérogé à au moins deux reprises et peut-être plus.
Lorsqu'on examine le procès-verbal des réunions, le temps qu'il a mis à réagir et les questions qui ont été soulevées, on a l'impression que ce conseil d'administration n'était pas à la hauteur. Le président du Comité de vérification de ce conseil d'administration exerçait ce poste depuis 15 ans, ce qui représente une très longue période. Comme vous le savez bien, il faut que le conseil d'administration s'occupe d'assurer le roulement des présidents et des membres de comités.
Le conseil d'administration en question aurait pu faire bien des choses. Il aurait pu poser des questions judicieuses, donner suite aux engagements pris et passer plus de temps sur les enjeux majeurs et moins de temps sur la rémunération. Le conseil d'administration de Enron se réunissait beaucoup plus souvent en tant que comité de rémunération qu'en tant que comité de vérification.
À bien des égards, ce conseil d'administration a failli à la tâche. Le conseil même et ses administrateurs en assument la pleine responsabilité. Ils peuvent fort bien prétendre que la direction les a trompés, et c'est peut-être le cas, et en bout de ligne il y aura peut-être des condamnations au criminel, mais je maintiens que ce conseil d'administration n'était pas un conseil modèle. Il aurait pu en faire plus, mais il en a décidé autrement. Il doit assumer une certaine responsabilité pour le sort de cette société.
Le sénateur Meighen: Je suis d'accord avec vous. Je ne suis pas sûr que vous nous ayez indiqué l'importance d'imposer des sanctions plus sévères aux entreprises coupables de fraude. Peut-être que cela n'aura aucune incidence, je l'ignore, mais votre opinion m'intéresse.
M. Finlay: Les États-Unis ont prévu des sanctions importantes. Comme je l'ai indiqué, cela a eu pour conséquence d'entraîner le règlement de la cause. Les responsables ont avoué leur méfait à cause de la Loi Sarbanes-Oxley et des sanctions qui y étaient prévues.
Au Canada, dans notre système d'administration provinciale des valeurs mobilières, d'après ce que je crois comprendre, on limite les sanctions et la durée d'emprisonnement qui peuvent être imposées en cas d'actes illicites. C'est l'une des raisons pour lesquelles je considère que les valeurs mobilières doivent relever de la compétence fédérale au Canada.
En fin de compte, il existe une tendance récurrente d'administrateurs qui, en période de crise, expliquent qu'ils n'avaient pas été mis au courant de la situation. Il faut aller au-delà de ces questions. Par exemple, l'un des administrateurs d'Atlantic Acceptance dans les années 60 au moment où cette entreprise a fait faillite, plutôt que de tâcher d'éviter toute responsabilité comme le font tant d'administrateurs et de rejeter le blâme sur les autres, a prononcé un discours très important devant le Canadian Club, discours dont j'ai d'ailleurs recommandé la lecture à tous les administrateurs, dans lequel il reconnaissait que le conseil d'administration aurait dû poser plus de questions qu'il ne l'avait fait, ce qu'il avait omis de faire. Il a dit: «À l'avenir, tirez une leçon de nos erreurs. Cassez les pieds à la direction si vous le devez. Décortiquez leurs propos. Intéressez-vous aux détails parce que c'est votre travail comme administrateurs et que si vous ne le faites pas, vous risquez de vous retrouver avec une catastrophe sur les bras comme cela a été le cas pour moi».
J'admire ce qu'il a fait. En fait, j'en avais parlé lorsque j'ai comparu devant votre comité en 1994. Je crois qu'un plus grand nombre d'administrateurs devraient s'en inspirer.
Nous devons finir par reconnaître qu'il faut parfois recourir à des lois pour fixer l'attention sur la route et ailleurs. Si nous avions une autoroute dont l'utilisation n'était régie que par des principes et que l'on s'en remettait à la conscience de chacun pour décider de la façon de conduire, est-ce que vous voudriez emprunter cette autoroute avec votre femme, vos enfants, votre famille et toutes vos possessions, ou préféreriez-vous conduire sur une route qui comporte des limites de vitesse et où vous voyez de temps à autre un policier que vous savez prêt à assurer l'application de la loi? C'est le stade où en sont arrivés les actionnaires en ce qui concerne la gouvernance d'entreprise et la nécessité d'établir des lois pour améliorer l'ordre et l'intégrité sur le marché.
Le sénateur Kroft: Vous avez beaucoup parlé de la nécessité de changer la composition des comités et d'assurer le roulement des administrateurs au sein des différents comités pour apporter du sang neuf, de façon à mettre constamment en balance les idées nouvelles avec l'expérience.
Avez-vous envisagé d'adopter le même principe pour les membres du conseil d'administration, ce qui supposerait de limiter le mandat des membres du conseil d'administration en fonction du principe selon lequel plus on passe de temps au sein d'un conseil d'administration et plus on se familiarise avec ce conseil, quel que soit le degré d'indépendance du rapport juridique, plus cela a tendance à compromettre l'indépendance? Avez-vous une opinion à ce sujet?
M. Finlay: Cela vous étonnera peut-être, sénateur, mais je crois beaucoup à la mémoire institutionnelle. Je crois que s'il existe un processus permettant d'évaluer de façon sérieuse le rendement des administrateurs, non pas au moyen de l'examen d'études secondaires qui existe aujourd'hui, et lorsque l'évaluation du rendement en fait partie, les administrateurs qui ne font pas le poids prendront une retraite anticipée. Je dois avouer que les meilleurs administrateurs que je connais ont plus de 70 ans et prennent leur emploi très au sérieux. Ce sont des hommes — et j'aimerais qu'il y ait plus de femmes dans les conseils d'administration dont je pourrais dire la même chose — qui ont des principes et qui veulent faire un bon travail pour leurs actionnaires. Ils ne sont pas là pour l'argent et ils prennent leur travail très au sérieux. Il ne faudrait prendre aucune mesure qui empêche les conseils d'administration de profiter de l'expérience de ce genre de personnes.
Si vous avez des mécanismes de protection comme le roulement des présidents et des membres des comités, et si vous avez un système efficace d'évaluation et d'examen du rendement du conseil d'administration, vous pourrez continuer à profiter de l'expérience d'administrateurs de longue date qui sont là pour faire du bon travail.
Le président: M. Gibson, du régime de pension des enseignants de l'Ontario, a comparu devant le comité. C'est un vice-président responsable d'actions d'une valeur de 13 milliards de dollars. Il est connu pour s'être débarrassé des actions d'Enron alors qu'elles étaient presque à leur plus haut, et nous lui avons demandé pourquoi il avait agi ainsi. Il nous a dit qu'un après-midi trois d'entre eux ont décidé de lire toutes les notes en bas de page de la circulaire d'information Enron et ils se sont rendu compte que quelque chose clochait. Ils ne savaient pas quoi, mais ils savaient que quelque chose clochait.
Ce sont les vérificateurs qui avaient écrit ces notes en bas de page. Ils devaient sûrement savoir que quelque chose n'allait pas. Je suis tout à fait d'accord avec le sénateur Meighen et le sénateur Kelleher lorsqu'ils disent que notre principal objectif est d'emprisonner un plus grand nombre des cadres coupables de fraude. Je pense que nous devrions poursuivre cet objectif. Le fait est que le Canada a pour principe de ne pratiquement jamais emprisonner des gens pour fraude fiscale entre autres, et je crois que c'est une grave erreur.
Je vous remercie d'avoir été des nôtres, monsieur. Vos commentaires ont été des plus instructifs.
M. Finlay: Merci beaucoup.
Le président: Notre deuxième et dernier témoin est M. Paul G. Cherry, du Conseil des normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés.
Bienvenue, monsieur. Si vous voulez bien nous lire votre déclaration préliminaire.
M. Paul G. Cherry, FCA, président, Conseil des normes comptables de l'Institut canadien des comptables agréés: Monsieur le président, honorables sénateurs, c'est avec plaisir que je comparais à nouveau devant vous. Peu de questions ont soulevé autant de controverse que le mode de comptabilité des options d'achat d'actions accordées à des employés. On m'a laissé entendre qu'il s'agit d'une question qui vous intéresse.
J'aimerais aborder brièvement trois aspects. Tout d'abord, je vous ferai rapport des mesures prises par le Conseil canadien des normes comptables, le Conseil américain des normes financières et comptables et le Conseil des normes comptables internationales. Deuxièmement, je vous expliquerai pourquoi nous considérons que les investisseurs dans les marchés financiers seront mieux servis. Troisièmement, je vous parlerai de notre orientation.
J'ai aussi apporté avec moi un document dont on vous a peut-être remis des exemplaires. Je m'excuse de vous l'avoir fourni au dernier moment. Nous tâchions de rassembler certaines données. De plus, il existe une version couleur de l'annexe F. Mes yeux fatigués ont plus de facilité à saisir le principal message dans la version couleur.
Le Conseil canadien des normes comptables a émis une norme comptable en 2001. Cette norme énonce les exigences actuelles en matière de rapport financier régissant les entreprises canadiennes. Elle permet aux entreprises de divulguer les répercussions des options d'achat d'actions des employés dans une note de bas de page, au lieu de les inscrire dans l'état des résultats.
La méthode comptable la plus fréquemment utilisée pour les options d'achat d'actions accordées à des employés est la méthode de la valeur intrinsèque. Aucune dépense de rémunération n'est généralement rapportée selon la méthode de la valeur intrinsèque, à condition que le prix de l'exercice soit au moins équivalent au prix du marché lorsque l'option est accordée, ce qui est pratiquement toujours le cas. Il en résulte que les sociétés rapportent rarement les dépenses concernant les options d'achat d'actions accordées à des employés dans l'état des résultats.
Les normes comptables visent à produire des renseignements qui sont neutres, objectifs et qui traduisent fidèlement la réalité économique. La méthode de la valeur intrinsèque ne permet pas de satisfaire à ces critères. Elle produit un résultat qui est tout à fait erroné. Les investisseurs ne sont pas bien servis par une méthode qui surévalue systématiquement les profits nets, ce que fait précisément la méthode de la valeur intrinsèque.
Par conséquent, en 2002, le Conseil canadien des normes comptables a diffusé des propositions qui réviseraient la norme comptable afin que toute rémunération fondée sur les options soit mesurée selon sa valeur juste et inscrite en tant que dépense. Il s'agit déjà d'une exigence pour toutes les options d'achat d'actions accordées à des employés à l'exception des options ordinaires.
Le Conseil canadien des normes comptables est en train d'évaluer les 27 lettres de commentaires que nous avons reçues suite aux propositions. Le Conseil a confirmé son intention d'exiger en premier lieu que le coût de toutes les options d'achat d'actions accordées à des employés soit inscrit à titre de dépense dans l'état des résultats; et deuxièmement, d'exiger qu'elles soient évaluées à leur juste valeur.
Le Conseil des normes comptables internationales et le Conseil américain des normes financières adoptent les deux mêmes principes fondamentaux.
Il est généralement admis que les options d'achat d'actions accordées des employés ont une valeur et que celles-ci peuvent être considérables. Les lettres de commentaires n'ont pas proposé de nouveaux arguments significatifs ni jeté des éclairages importants qui persuaderaient les conseils de changer leur conclusion, à savoir que la juste valeur des options d'achat d'actions devrait être inscrite comme dépense dans l'état des résultats.
Notre position est en train de gagner un soutien considérable et grandissant, que d'aucuns qualifieraient de lame de fond. Il est particulièrement gratifiant de noter le soutien ferme des instances de réglementation, des promoteurs de la gouvernance des entreprises, des analystes financiers ainsi que des investisseurs institutionnels.
Nombre de sociétés publiques aux États-Unis et au Canada, y compris de grandes institutions financières et autres entreprises importantes, inscrivent désormais la juste valeur des options d'achat d'actions comme dépense ou ont déclaré qu'elles avaient l'intention de le faire.
La question qui a suscité le plus de réaction et de préoccupation, c'est la fiabilité des modèles d'évaluation du prix des options. Le Conseil des normes comptables a consulté divers experts chevronnés en matière d'évaluation du prix des options. Ces experts nous ont indiqué qu'il existe aujourd'hui la technologie nécessaire pour établir le prix des options d'achat d'actions accordées aux employés de manière fiable et sans que cela n'exige des coûts ou des efforts excessifs. L'évaluation du prix des options est déjà une partie cruciale de nos marchés des capitaux. Les documents d'information proposent notamment des comparaisons intéressantes des résultats en utilisant des modèles améliorés d'évaluation du prix des options qui ont été conçus spécifiquement pour tenir compte des caractéristiques spéciales des options d'achat d'actions accordées aux employés.
Le Conseil des normes comptables entend convoquer une réunion des parties intéressées pour discuter des problèmes et des préoccupations à ce chapitre et trouver des solutions appropriées pour l'évaluation du prix des options d'achat d'actions, notamment pour les entreprises à capital limité, les sociétés faiblement cotées à la Bourse et les sociétés privées.
Les conseils canadien, américain et international sont à différentes étapes de leurs procédures régulières respectives, n'empêche que nous avons tous confirmé notre intention de demeurer attachés aux deux principes fondamentaux que j'ai mentionnés tout à l'heure. En effet, les trois conseils travaillent à l'élaboration d'une norme mondiale unique.
La semaine dernière, on a atteint un point tournant lorsque le Conseil international a voté en faveur de l'élimination des principales différences entre sa proposition et les méthodes déjà utilisées au Canada et aux États-Unis pour mesurer la juste valeur des options d'achat d'actions accordées aux employés et l'inscrire comme dépense.
Le Conseil des normes comptables du Canada croit qu'il sera possible d'avoir une nouvelle norme en place en 2004.
Je me ferai un plaisir de répondre à toute question ou observation concernant le document d'information.
Le président: Quelques explications avant de commencer les questions: Si j'ai bien compris, pour évaluer une option, vous utilisez soit le modèle Black-Scholes ou quelque chose du genre qui suppose que l'action prendra de la valeur. En d'autres mots, la perte de valeur d'une option entraîne-t-elle une dépense?
M. Cherry: On suppose que l'appréciation de l'action a une valeur. Cela dit, on n'essaie pas de deviner ce que sera la valeur de l'action appréciée. C'est plutôt un exercice d'évaluation de la possibilité de fluctuation des prix, et c'est de là que découle la valeur de l'option.
Le président: Avec la méthode Black-Scholes, est-ce qu'on ne se trompe pas très souvent?
M. Cherry: Je ne pense pas que l'on puisse se tromper plus que lorsque l'on a rien, ce qui est un peu le système actuel. En fait, la méthode Black-Scholes est utilisée à grande échelle depuis plus de 25 ans. Il est vrai qu'elle estime la juste valeur et, comme dans n'importe quelle estimation, il y a toujours le risque que les chiffres réels soient différents.
Le président: Les auteurs ont même remporté le prix Nobel pour cela, si je ne m'abuse.
M. Cherry: Oui, il y a déjà un certain temps. L'un des deux, et je ne me rappelle plus lequel de Black ou de Scholes, a participé à l'une de nos plus récentes discussions.
J'aimerais préciser qu'aucun des trois conseils ne préconise un modèle ou une technique de modélisation en particulier. En fait, nous exhortons les gens à faire preuve de créativité pour parvenir aux meilleurs modèles possibles.
À la lumière de nombreuses années d'expérience, nous savons qu'au moins six paramètres peuvent influencer la valeur d'une option. On ne peut pas faire fi de ces six paramètres. Cela dit, il y a une exception à cette règle, et c'est le cas des entreprises privées. À l'heure actuelle, nous permettons à celles-ci d'ignorer la volatilité de l'option, c'est-à-dire de sous-estimer la valeur de l'option, car le principal facteur déterminant de la valeur d'une option, c'est la volatilité. Il va de soi que quelque chose qui est volatil peut monter ou baisser, mais le marché mise essentiellement sur l'appréciation de l'option en dépit du risque de dépréciation.
Le président: Pourriez-vous donner un exemple au comité? Supposons que l'entreprise Paul Cherry vend ses actions à cinq dollars et que vous vous gardiez un million d'options à titre de PDG. Comment est-ce que vous traitez la question, et pourquoi serait-ce une dépense?
M. Cherry: Il y a deux questions. Pour ce qui est de la manière de traiter la chose, afin d'arriver à la valeur de l'option, on doit savoir plusieurs choses. Vous en avez évoqué une, soit le prix de l'exercice de cinq dollars.
Le président: C'est le prix de vente de l'action aujourd'hui.
M. Cherry: C'est très commun. Suivant la méthode intrinsèque, on supposerait qu'il n'y a pas de valeur à inscrire, car si le prix d'exercice est le même que le prix auquel se transige l'action, la méthode intrinsèque présume que la valeur est nulle.
Des économistes et des intermédiaires financiers ne s'arrêteraient pas là. Ils vous diraient qu'on doit avoir plusieurs éléments d'information. On doit savoir par exemple quelle est la durée de l'option. Une option échelonnée sur une période de trois ans n'a souvent pas la même valeur qu'une option échelonnée sur cinq. Ce n'est pas une relation en ligne directe. Par conséquent, il faut tenir compte de l'échéance.
Ensuite, on doit tenir compte de la valeur temporelle de l'argent, c'est dire qu'il faut compter le taux d'intérêt sans risque, ce qui est relativement direct.
Si l'action donne droit à des dividendes dans l'intervalle, on doit tenir compte de ce facteur. Là encore, c'est assez simple à faire. Or bon nombre d'actions ne paient simplement pas de dividendes. Cela, en revanche, n'est relativement pas controversé.
Le dernier élément, c'est la volatilité. Par volatilité, on entend les fluctuations du prix du marché. On peut arriver à ce prix de diverses façons. C'est une estimation. On ne doit pas se fonder uniquement sur les tendances historiques.
Voilà donc les facteurs qui, à notre avis, doivent être pris en compte pour déterminer ce que pourrait éventuellement être le prix du marché d'une option d'achat accordée à quelqu'un, que ce soit un employé ou un autre.
Le président: En d'autres mots, si vous achetiez l'option.
M. Cherry: Oui, et sur ces options, il y en a qui se transigent sur le marché. Il est clair que la volatilité est le facteur le plus difficile à estimer.
Le deuxième paramètre qui a une incidence considérable sur la valeur d'une option, c'est sa durée de vie. De nombreuses personnes ont indiqué que si vous examiniez le marché, vous constateriez qu'il est très difficile d'acheter des options à long terme. Certains se sont demandés pourquoi. Du point de vue de la gouvernance d'une société, on donnerait des options d'achat à long terme aux employés qui, à leur tour, les écouleraient sur le marché.
Le président: Pourriez-vous nous expliquer les mécanismes? Vous accordez une option d'achat pour un million d'actions. L'employé a un prix de cinq dollars. L'action atteint huit dollars, et il décide de vendre. Que se passe-t-il après?
M. Cherry: Le calcul est fait au moment où l'option est accordée. Cela n'a pas d'importance.
Le président: Soit, mais j'aimerais savoir quel est le résultat final d'abord.
M. Cherry: Pour reprendre votre exemple, supposons qu'un modèle d'évaluation du prix des options établit la valeur d'une option aux environs de trois dollars l'action. Le comptable vous dirait que trois dollars seraient inscrits comme dépense sur la période où l'employé gagne l'option.
Le président: Êtes-vous en train de dire que vous misez sur le fait que l'action atteindra les huit dollars?
M. Cherry: Pas forcément, parce qu'il y a aussi la possibilité qu'elle s'apprécie davantage. Il y a aussi le risque qu'elle baisse. C'est un calcul statistique.
Le président: À quel moment est-ce que vous fermez les livres?
M. Cherry: Dès le début.
Le président: Donc, vous ne changez jamais rien?
M. Cherry: On ne change rien.
Le président: Même si la valeur de l'action quintuple?
M. Cherry: Non, il n'y a pas de rajustement ultérieur. Le seul rajustement qui serait fait, ce serait si l'on renonçait à l'option. Là, la valeur serait nulle.
Le sénateur Moore: Qu'est-ce qui arrive si la valeur baisse?
M. Cherry: Pas de rajustement là non plus. La logique, et je crois que cela se tient, veut que l'option ait une valeur au moment où elle est émise, c'est exactement comme si on achetait une option ou un bon de souscription ou si on lançait un appel au marché. Parfois, le marché s'avère très lucratif, et d'autres fois, ce n'est pas le cas. La possibilité de réaliser des gains substantiels a une valeur, et les faits le prouvent, parce qu'il y a un vif intérêt pour la préservation de ces arrangements. Une autre approche privilégiée par d'autres serait d'attendre jusqu'à l'exercice de l'option et de voir ce qui arrivera.
Si on prend comme exemple l'approche utilisée par Nortel il y a quelques années et qu'on attend l'exercice de l'option quand l'action se transigera à 110 ou à 120 $, cela vous donnera peut-être une idée des gains réalisés par le détenteur de l'option. Pratiquement tous les analystes financiers que je connais vous diraient que c'est une exagération excessive de ce que quelqu'un aurait payé pour cette option. Si l'action se transigeait à 3 $, on n'aurait jamais réalisé plus de 100 $ sur l'option.
Or, voici le dilemme: est-ce qu'on attend jusqu'à ce qu'on sache, avec certitude, quel est le résultat, quitte à se tromper sur la valeur réelle de l'option? Ou au contraire, est-ce qu'on utilise une meilleure approche, en tout cas c'est notre avis, et on procède comme on le ferait normalement en faisant la meilleure estimation possible? Voici ce que nous cherchons à savoir: les méthodes utilisées et l'expérience sont-elles suffisantes pour que les gens déploient des efforts raisonnables ou est-ce qu'on est pratiquement certain que les calculs seront faux? Cela n'est pas le problème. Si l'on adopte cette approche, on ne comparerait pas une série d'états financiers, car cela ne renseignerait pas sur les pensions, les impôts sur le revenu ou la dépréciation. L'estimation sous-tend la plupart des rapports financiers aujourd'hui.
Le sénateur Kroft: Je suis un petit peu nerveux, parce que je commence à comprendre quelque peu et je ne voudrais pas être le seul dans cette situation.
J'essaie de me frayer un chemin à travers toute cette information, et j'ai écouté vos propos que j'ai trouvé très utiles. Si l'on juxtapose l'octroi d'une option à l'achat réel d'une option, si l'intention est l'achat de l'option comme vous l'avez laissé entendre, cela regrouperait tous les facteurs que l'on retrouverait sur le marché, c'est-à-dire les facteurs économiques, émotifs et prévisionnels qui amèneraient quelqu'un à dire «Je pense que cette action vaut quelque chose», ou encore «Je pense que cette option vaut quelque chose».
Bon nombre de ces modèles sont une façon de créer un marché imaginaire. Il n'y a pas de marché véritable. Comme vous l'avez dit, la valeur est conceptuelle. Le fait qu'elle s'avère ou qu'elle se révèle fausse n'est pas plus pertinent que si j'ai raison ou tort en achetant aujourd'hui une action à la bourse en espérant qu'elle prenne de la valeur. Quand nous faisons une estimation de la dépréciation, dans l'optique de l'évaluation, plutôt que de ne rien faire, nous faisons de notre mieux avec les moyens à notre disposition. Par exemple, si le modèle Black-Scholes produit une valeur moyenne de 33,4 p. 100 pour un ensemble d'actions pendant une période déterminée, mais qu'il se révèle que la valeur est de 22 ou 42 p. 100, cela n'a pas vraiment d'importance. On aura fait de son mieux pour estimer les effets du marché pour la valeur de l'option.
La quête d'un modèle parfait n'est pas vraiment votre préoccupation, n'est-ce pas?
Le président: C'est la partie que je ne comprends pas. Si je fais construire un immeuble et que l'entrepreneur que j'ai engagé me dit que cela me coûtera 8 millions de dollars, j'inscris cette somme dans mes livres et je constate plus tard qu'il y a un dépassement énorme, suis-je censé l'ignorer?
Le sénateur Meighen: Pour le prochain immeuble que vous ferez construire, vous sous-utiliserez considérablement les fonds.
Le sénateur Kroft: Monsieur le président, pour reprendre votre exemple, au lieu de faire construire un immeuble, supposons que vous achetez une option sur du blé ou que vous achetez carrément l'action, votre analyste et votre conseiller vous disent que l'action pourrait vous rapporter tant d'argent dans deux ans, mais cela peut s'avérer ou pas. Le marché est très différent de la construction d'un immeuble; c'est une bête à part.
Le président: Je comprends. Cependant, votre entreprise, soit elle a des dépenses, soit elle n'en a pas, et les dépenses doivent être exactes.
Le sénateur Kroft: Non, elle n'en a pas. Dans quelle mesure l'effet de l'amortissement est-il exact? On pourrait dire qu'une pièce d'équipement durera 20 ans. C'est la notion qui sous-tend tout le concept de l'amortissement.
Le président: Oui, mais la Loi de l'impôt vous dit exactement combien vous pouvez amortir.
Le sénateur Kroft: Vous pourriez utiliser cet équipement pendant 60 ans.
Le président: Peut-être.
Le sénateur Kroft: Vous introduisez l'élément fiscal. Or l'impôt n'a rien à voir avec cela. Je vous parle du montant que vous inscrivez comme dépense. Selon la théorie de l'amortissement, que, à la fin de la période d'amortissement, l'article a une valeur nulle. C'est cela la théorie de l'amortissement. Les fiscalistes ont compliqué les choses, car ils ont inclus l'aspect fiscal. L'idée de départ de l'amortissement était que l'on pouvait mettre de côté suffisamment d'argent pour que, une fois que l'article n'a plus de valeur, on puisse en acheter un autre.
M. Cherry: Monsieur le président, j'aimerais enchaîner sur votre exemple pour voir si, dans mon esprit, cela se rapprocherait de ce que je crois être l'analogie.
Si vous vous lancez dans un projet de construction d'envergure et que vous savez d'expérience qu'il y a un risque considérable de dépassement des coûts, et il arrive à l'occasion qu'on sous-utilise les fonds prévus, au lieu d'avoir un contrat à prix fixe, vous pourriez peut-être négocier avec l'entrepreneur un arrangement de partage du risque, à vous de choisir le ratio, 70:30, 60:40 ou peu importe, mais vous vous entendez sur la valeur du risque partagé aujourd'hui.
Le président: À la fin, on obtient un chiffre précis.
M. Cherry: Je ne me suis peut-être pas exprimé clairement.
Le président: Dans votre exemple, le chiffre n'est pas précis.
M. Cherry: Peut-être pourrais-je préciser mon propos. Si le budget de votre projet était de 100 millions de dollars et que vous vouliez un arrangement à prix fixe — c'est-à-dire que quelqu'un d'autre assumerait le risque de variation —, qu'est-ce que vous négocierez aujourd'hui en termes de partage du risque? Vous diriez: «Essayons de convenir d'un prix». Amener quelqu'un à assumer le risque de dépassement des coûts et à faire des bénéfices en cas de sous-utilisation des fonds prévus, c'est quelque chose qui serait déterminé par le marché. Vous n'auriez pas de difficulté à vous entendre sur un prix. C'est comme une assurance.
Le président: Une fois la transaction conclue, le chiffre est précis.
M. Cherry: Au bout du compte, de votre point de vue, une fois que vous aurez acheté l'arrangement de partage du risque, c'est comme si vous aviez payé une prime de risque. C'est l'analogie qui s'apparente le plus à l'option d'action, puisque la fluctuation de la valeur peut se traduire par un gain ou par une perte. Le prix peut être établi par le marché. Il est vrai que ces options d'action en particulier ne se transigent pas nécessairement sur le marché, mais nombre de ces entreprises émettent aussi des options d'action.
Les experts en rémunération m'ont informé que les entreprises prennent souvent en considération diverses combinaisons d'options en capital et d'autres formes d'avantages sociaux, et les gens leur demandent d'évaluer différentes combinaisons. Les gens me disent que c'est ce qui se fait, et ce n'est pas considéré comme étant déraisonnable. Cela me porte à croire que ces choses ont une valeur qui peut être déterminée, mais l'un des facteurs importants dans cette décision est le suivant: est-ce qu'on établit le prix de l'option au moment où l'arrangement est conclu ou est-ce qu'on choisit une date ultérieure? Cette question a été chaudement débattue au fil des ans et le consensus actuel est que — en tout cas c'est l'avis des trois conseils qui s'y sont penchés le plus récemment — le prix devrait être établi en amont.
Le président: Lorsque John Roth a vendu pour une centaine de millions de dollars d'actions de Nortel ou quand il a exercé ses options, quel mécanisme est entré en jeu ce jour-là?
M. Cherry: Je ne fais que spéculer, mais je présume qu'il a exercé ces options et qu'il les a vendues sur le marché.
Le président: Est-ce qu'il détenait ces actions?
M. Cherry: Désolé, mais je ne le sais pas.
Le sénateur Kroft: C'est un courtier qui a pris en main toute l'affaire. C'est lui qui a pris les options et qu'il a remis l'argent, qui a exercé les options, qui a vendu les actions et qui a conclu la transaction.
Le président: Pourquoi la société a-t-elle eu à en assumer les coûts?
M. Cherry: L'exercice d'une option ne coûte rien à la société. Le transfert de richesse des états financiers qu'il essayait de refléter, c'est la valeur qui découle du fait que l'on donne à M. Roth ou à quelqu'un d'autre la possibilité de réaliser des gains sans s'exposer au risque de perte qui y est associé.
La principale différence entre le fait de détenir carrément l'action et le fait d'avoir une option c'est que, dans le cas d'une option, on n'est pas du tout exposé à un risque de perte. On assume un coût de renonciation, mais c'est tout. On n'assume pas les risques.
Le président: Tout cela m'a l'air fictif.
Le sénateur Kroft: Sauf votre respect, je crois que vous ne voyez pas tout le tableau en ce sens que les actions qui ont été vendues ce jour-là font désormais partie des actions en circulation. La valeur capitalisée de tous les autres actionnaires a été diluée. C'est ce qui explique les frais pour les autres actionnaires.
M. Cherry: Je vous signalerais que cette discussion s'inscrit tout à fait dans le contexte des options d'achat d'actions accordées aux employés. De telles options sont communément utilisées dans bien d'autres situations, notamment l'achat d'une entreprise. Il n'est pas rare que l'on donne au fournisseur une combinaison d'argent comptant, d'actions, de bons de souscription et ainsi de suite.
Nous avons fait l'évaluation et la comptabilité de tout cela. Il n'y a pas de controverse. Cela dit, la controverse semble émaner du fait qu'il y a un lien avec un employé plutôt qu'avec quelqu'un d'autre. L'anomalie, c'est le défaut de comptabiliser les options d'achat d'actions d'un employé. Sinon, tous les autres cas sont pris en compte dans le modèle de comptabilité.
Notre conseil aime à croire qu'il s'agit là de comptabilité neutre, c'est-à-dire le fait de divulguer toutes ces transactions aux actionnaires de manière constante.
Le président: Est-il vrai que si bon nombre d'entreprises, tant au Canada qu'aux États-Unis, commençaient à agir de la sorte, cela réduirait considérablement leurs bénéfices?
M. Cherry: Tout dépend du secteur. Dans certains cas, la réponse est non. J'ai joint des informations au document que je vous ai remis. L'annexe E renferme des données provenant des États-Unis qui ont été compilées par Solomon Smith Barney. La firme a examiné la période entre 1998 et 2000. Par exemple, dans le secteur énergétique, la perte serait de 3,1 p. 100 du revenu net. Les deux secteurs à la tête de la liste sont la technologie de l'information et les services publics. S'agissant du premier, c'est-à-dire la technologie de l'information, la perte a été d'un peu plus de 12 p. 100. Cela ne me surprend guère, car tous les médias en parlent. En revanche, les services publics avec 21,8 p. 100, cela m'a surpris. C'est le résultat de la déréglementation dans certains secteurs aux États-Unis.
Le sénateur Kroft: Si les courtiers comptaient comme services publics...
M. Cherry: La question aurait été bonne. Ils ont dû faire partie de cette catégorie un moment donné. Je n'ai pas vraiment analysé la question à fond pour voir s'il y a une autre explication.
À la page 20, vous trouverez des données canadiennes, notamment sur le secteur de la technologie. Cela vous donnera un ordre de grandeur. Dans certaines entreprises, la situation peut être assez difficile.
Le sénateur Biron: Supposons qu'une option a un terme de trois ans. Sur un million d'actions, chaque action pourrait être assortie de 3 $ de frais. Cela équivaudrait à 3 millions de dollars. À terme, on saurait que la valeur des actions serait réduite de 3 millions de dollars. Cela dit, ce n'est que trois ans plus tard que les actionnaires ont appris que leurs actions avaient été réduites de 3 millions de dollars.
M. Cherry: Il y a un effet sur les actionnaires existants. En fait, je suis heureux que vous ayez soulevé la question.
Les options d'achat d'actions ont deux effets importants. Le premier, celui dont j'ai parlé le plus, c'est l'acquisition des services de l'employé. Dans mon exemple, les trois millions de dollars, c'est ce que nous proposons comme mesure raisonnable de l'acquisition des services de l'employé. Cette somme serait inscrite comme dépense sur la période d'acquisition de droits. La période d'acquisition de droits s'échelonne généralement sur trois ou quatre ans, quatre ou cinq ans, ou quelque chose de ce genre. Par conséquent, on aurait des dépenses d'environ un million de dollars par année.
Le deuxième effet, c'est celui de la dilution des actions existantes dans l'éventualité où l'option est exercée. Cette information est prise en compte dans le bénéfice par action après effet de dilution. Cet aspect reste très important, et c'est pourquoi on continue de le mesurer et d'en faire rapport.
En fait, cette information est communiquée à partir du jour où les options ont été émises, l'idée étant de prévenir l'actionnaire. Si les actionnaires attendent jusqu'à ce que l'option soit exercée, c'est déjà trop tard pour eux.
Le sénateur Biron: C'est le cas maintenant.
M. Cherry: Les bénéfices par action après effet de dilution sont communiqués. Cela dit, à l'heure actuelle, l'acquisition des services des employés n'est pas reconnue comme faisant partie des frais généraux.
Le président: Vous dites que la dilution est déclarée.
M. Cherry: Oui, à l'heure actuelle, la dilution est déclarée.
Le président: C'est ce que je pensais. Il y a des années de cela, j'avais des options sur Cadillac Fairview. Chaque année, ou à peu près, je devais acheter ou vendre le tiers de ces options.
Le sénateur Kroft: Vous les avez acquises.
Le président: J'avais le droit de les acheter. Je suppose que c'est ce qui arrive maintenant.
M. Cherry: Ces arrangements comportent de nombreuses variations. Dans pratiquement tous les cas, on doit se porter acquéreur d'une partie des options avant de pouvoir les exercer.
C'est ce qui fait la différence avec une option qui est transigée à la bourse. Les modèles de valorisation des options ont été conçus dans cette optique. Une option qu'on ne peut exercer pendant trois ans n'a pas la même valeur qu'une option identique que l'on peut exercer à n'importe quel moment.
Certains régimes exigent que, une fois acquise, l'option doit être exercée durant une période de temps limitée. D'autres, par contre, sont plus ou moins ouverts dans la mesure où l'on peut attendre d'être parti à la retraite ou d'arriver à la fin de son contrat pour exercer l'option.
Le président: Quand Roth a vendu ses actions, la société a émis, le jour même ou la veille, des actions d'une valeur égale à celles qu'il avait vendues. Comme le sénateur Kroft l'a dit, c'est un courtier qui a conclu la transaction et c'est lui qui a remboursé le prix de levée.
M. Cherry: Vraisemblablement, oui.
Le président: Je m'y perds totalement.
Je suppose qu'un étudiant a fait une thèse de doctorat là-dessus.
M. Cherry: J'ai justement joint au document que je vous ai remis une courte liste des plus récents écrits à ce sujet. Il y en a énormément. Toutefois, nous avons choisi quelques exemples se rapportant au contexte nord-américain. Je me ferai un plaisir de vous fournir d'autres exemples si vous le jugez utile.
Le président: J'ai été homme d'affaires pendant environ 45 ans. Certaines méthodes comme les TRI, que les gens acceptent, me rendent nerveux. Il est clair que vous m'apprenez bien des choses. Cela m'oblige à repenser certaines choses.
Le sénateur Meighen: Brièvement, si vous deviez rédiger notre rapport, quelle serait votre principale recommandation?
Le président: Voilà la meilleure question.
M. Cherry: Sur ce sujet?
Le sénateur Meighen: Oui.
M. Cherry: Les options d'achats d'actions accordées aux salariés devraient être traitées de la même manière que n'importe quelles autres transactions, et une estimation quelconque de leur juste valeur doit être mieux que de considérer qu'elles n'ont aucune valeur. Si nous approuvons cette proposition générale, compte tenu de l'énorme talent que possèdent les protagonistes, nous nous rapprocherions de l'objectif. Les gens ont longtemps résisté à la nécessité de mesurer et de reconnaître les choses, mais cela est désormais dépassé. En effet, bien des gens se proposent désormais de nous aider à avoir les bons chiffres.
Je crois qu'obligés, nous parviendrons rapidement à des directives plus claires. C'est la raison d'être même de cette table ronde. La mission qu'il faut garder à l'esprit maintenant, c'est de donner les meilleures directives aux gens. Nous avons des avis excellents sur la manière dont les options d'achat d'actions accordées aux salariés diffèrent. Il y a deux ou trois caractéristiques qui sont importantes et qui ont une incidence sur l'évaluation des options. Nous pourrions explorer ce genre de choses.
Le président: Quand la table ronde aura-t-elle lieu?
M. Cherry: L'été prochain. Nous essayons de confirmer la date.
Le président: Combien de temps durera-t-elle, une journée?
M. Cherry: J'imagine qu'il y en aura toute une série. Chose certaine, nous voulons entendre tout un éventail de perspectives et pas seulement celles des gourous techniques. Nous voulons entendre les intermédiaires financiers. Les représentants des entreprises y seront invités, mais nous voulons que le groupe soit assez petit pour que nous puissions avoir un échange de vues utile.
Le président: Même si notre rapport aura été rédigé, il serait bon qu'on y envoie quelqu'un comme observateur.
M. Cherry: Nous nous ferons un plaisir d'y voir.
Le président: Cette question reviendra sur le tapis.
M. Cherry: Dès que les dates auront été confirmées, nous vous les ferons connaître.
Le président: Merci, monsieur Cherry, vous nous avez rendu de grands services.
La séance est levée.