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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 24 - Témoignages du 17 septembre 2003


OTTAWA, le mercredi 17 septembre 2003

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 16 h 08 pour étudier l'application de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la Loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies.

Le sénateur Richard H. Kroft (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons accueillir plusieurs témoins, individuellement et en groupe, à commencer par Doreen Johnston, présidente, Réglementation des valeurs mobilières, à l'Association des distributeurs de régime enregistré d'épargne-études du Canada.

Je vous en prie, commencez!

Mme Doreen G. Johnston, présidente, Réglementation des valeurs mobilières, Association des distributeurs de REEE du Canada: Honorables sénateurs, je représente donc l'Association des distributeurs de REEE du Canada qui regroupe quatre organisations dont la principale mission est d'administrer les régimes enregistrés d'épargne-études. Je vous remercie de l'occasion que vous nous donnez de comparaître devant le Comité des banques.

Les organisations que nous représentons administrent la moitié environ des 7,1 milliards de dollars actuellement placés dans des REEE. Les REEE sont devenus des véhicules d'épargne assez recherchés par les particuliers, mais surtout par les parents, et plutôt rentables pour financer les études universitaires des générations montantes. Malheureusement, le retrait des sommes correspondant aux contributions à un REEE — pour tout autre motif que pour payer des dépenses liées à l'enseignement postsecondaire — entraîne la fermeture du REEE; pire encore, le montant correspondant à la Subvention canadienne pour l'épargne-études est alors reversé au gouvernement fédéral. Quand un souscripteur, le plus souvent un parent, déclare faillite, les actifs du REEE sont saisis et le régime est fermé. Sans l'aide financière rendue grâce à des économies placées à long terme dans un REEE, de nombreuses familles canadiennes ne seraient pas en mesure d'offrir le soutien financier dont leurs enfants ont besoin pour suivre des études supérieures. Malheureusement, c'est à cause d'un manque de fonds que les enfants ou les étudiants ne poursuivent généralement pas des études universitaires.

La cotisation maximale autorisée dans un REEE est de 4 000 $ par an et par enfant, pour un maximum de 42 000 $ sur la durée utile de placement. Toutefois, à l'expérience, nous avons constaté que la majorité des souscripteurs — généralement des parents — se situent dans la fourchette des revenus faibles à moyens et placent à ce titre un millier de dollars par an et par enfant. Nous estimons qu'il ne faudrait pas pénaliser les enfants à cause d'une faillite, comme c'est actuellement le cas en vertu de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. En mai 2000, notre association a déposé une proposition dans laquelle nous recommandions qu'une partie ou la totalité des fonds détenus dans les REEE soit protégée contre la saisie en cas de faillite. Nous reformulons essentiellement la même proposition. Nous serons heureux de répondre à vos éventuelles questions.

Le président: Merci. Voilà qui était clair et allait droit au but.

Le sénateur Angus: Bienvenue parmi nous, madame Johnston. Vous venez d'établir un nouveau record sur les plans de la brièveté, de la clarté et à bien d'autres égards aussi.

Mme Johnston: C'est que j'aime la concision.

Le sénateur Angus: Je suppose que vous avez suivi nos travaux sur l'examen des lois qui régissent l'insolvabilité.

Mme Johnston: Oui!

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous en dire un peu plus? Vous dites que votre organisation, c'est-à-dire l'Association des distributeurs de REEE du Canada, administre environ la moitié des 7,1 milliards de dollars placés dans des REEE. Pouvez-vous nous en dire un peu plus sur vos membres et nous parler aussi de l'autre moitié de ces 7,1 milliards de dollars?

Mme Johnston: Les quatre sociétés qui forment l'Association des distributeurs de REEE du Canada sont l'Alliance Education Funds, qui distribue le Fonds des bourses d'études héritage, le Plan fiduciaire canadien de bourses d'études, les Bourses universitaires du Canada et Children's Education Funds Inc. Ces sociétés existent depuis le début des années 60, raison pour laquelle nous sommes en mesure d'affirmer que nous représentons la moitié des 7,1 milliards de dollars administrés en REEE.

Les REEE sont devenus très populaires en 1998, quand le gouvernement fédéral a créé la Subvention canadienne pour l'épargne-études en vertu de laquelle il verse une subvention pouvant atteindre 20 p. 100 de la première tranche de 2 000 $ de cotisations; il a ainsi indiqué très clairement aux parents qu'ils devaient commencer à économiser pour payer les études postsecondaires de leurs enfants. À l'époque, de nombreux autres acteurs se sont lancés dans le domaine des REEE, notamment les banques, les sociétés de fonds communs de placement et quelques compagnies d'assurance.

Le sénateur Angus: Est-ce que ce sont toujours les mêmes institutions que dans le cas des REER, ou s'agit-ils d'acteurs différents?

Mme Johnston: Ce sont effectivement les mêmes. Nos institutions n'offrent pas de REER, ni de produits d'assurance. Nous n'offrons que des REEE, contrairement aux autres acteurs qui proposent bien d'autres produits de services financiers.

Le sénateur Angus: Pourriez-vous nous donner un exemple pratique de ce qui a été négatif et pourriez-vous nous dire comment régler le problème?

Mme Johnston: Certainement. Prenons le cas d'un couple qui décide de placer 50 ou 60 $ par mois dans un REEE, peut-être même 100, pour représenter 600 à 1 200 $ de contribution annuelle. Trois à cinq ans plus tard, il se retrouve aux prises avec des difficultés financières qui le contraignent à la faillite.

Le sénateur Angus: Tous les deux?

Mme Johnston: Non, en général un seul des deux, mais il demeure que le syndic de faillite communiquera avec la société de REEE pour saisir les actifs, pour que ceux-ci soient pris en compte dans la faillite.

Le sénateur Angus: Il n'y a pas d'exemption de saisie pour l'instant?

Mme Johnston: Non.

Le sénateur Angus: Aucune?

Mme Johnston: Aucune. Dès que le REEE est fermé et que la subvention est remboursée au gouvernement, il n'est plus possible d'obtenir de subvention ni de contribuer à un REEE avant 36 mois. Une fois qu'on a déclaré faillite ou qu'on a fermé un REEE, il n'est pas très facile d'en rouvrir un.

Le sénateur Angus: Avez-vous des statistiques comparables sur à ce qui se produit dans d'autres pays? La situation est-elle unique au Canada? Tout cela me semble plutôt draconien.

Mme Johnston: Il n'y a pas de REEE dans les autres pays.

Le sénateur Angus: Ah non?

Mme Johnston: Non! Nous avons pris la sage décision ici de permettre aux familles de mettre à l'abri une partie de leur revenu en économies pour financer les études postsecondaires de leurs enfants. Les Américains ont un régime semblable, mais pas du tout par le même genre de véhicule. Selon les États, on peut payer les frais de scolarité d'avance ou se prévaloir de certains types d'investissement. Si cet argent est utilisé à des fins d'études, on ne paie plus d'impôt sur le revenu.

Le sénateur Oliver: Ces fonds sont-ils à l'abri en cas de faillite?

Mme Johnston: Non!

Le sénateur Angus: Nous ne parlons pas ici de la LACC, mais de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité.

Mme Johnston: Oui.

Le sénateur Angus: Avez-vous des modifications particulières à proposer?

Mme Johnston: Je recommande que nous mettions complètement à l'abri tous les revenus investis dans un REEE, surtout si le souscripteur est parent ou grand-parent de l'enfant.

Le sénateur Angus: Par rapport à qui d'autre?

Mme Johnston: Par rapport à une tante ou un oncle, une sœur, un frère ou un voisin. De nos jours, n'importe qui peut cotiser à un REEE pour un enfant. N'importe qui au Canada peut investir dans un REEE pour n'importe quel enfant résidant au Canada.

Le sénateur Biron: Qu'advient-il alors quand plus d'une personne contribue au fonds, non seulement l'oncle, mais aussi le père et le grand-père? Qu'advient-il si trois personnes contribuent?

Mme Johnston: Il peut y avoir plus d'un REEE par enfant, mais plusieurs personnes ne peuvent contribuent à un même REEE. Il y a forcément un seul propriétaire, qui est la personne nommée dans le contrat. En général, il s'agit du père ou de la mère. Le REEE doit être détenu par une personne d'âge légal. Par exemple, il pourrait être détenu par moi-même, pour mon fils ou ma fille, et ce serait moi qui contribuerais au régime au nom de cet enfant. En cas de faillite, les actifs investis dans ce régime seraient saisis.

Le sénateur Biron: Cependant, une seule personne peut contribuer au fonds.

Mme Johnston: Non. Les deux conjoints peuvent contribuer au même régime.

Le président: Pour enchaîner sur la dernière question à propos de la mécanique du fonds, est-ce que les épargnes accumulées demeurent propriété du cotisant jusqu'au moment où l'étudiant est admissible à des versements?

Mme Johnston: Oui!

Le président: Histoire de bien préciser les choses, dans ce cas, la faillite du bénéficiaire ne change rien.

Mme Johnston: Non, le bénéficiaire, c'est-à-dire l'enfant, ne serait pas en position de déclarer faillite.

Le président: Ainsi, le titre demeure aux mains du donateur. Oublions le problème de la faillite, dans des situations normales, une fois qu'une fiducie ou un fonds est créé, dans quelle mesure est-il possible de le fermer, en partie ou en totalité. Je parle encore une fois d'une situation normale?

Mme Johnston: Le propriétaire ou le souscripteur peut fermer le régime et retirer son argent. Toutefois, comme je le disais, dès que le régime est fermé, la subvention est remboursée au gouvernement et la personne ne peut plus contribuer à un autre REEE.

Le président: J'ai une question à vous poser qui va vous sembler dure, mais c'est un sujet qui me trouble. Nous avons entendu des arguments semblables sur le traitement accordé aux REER et nous en entendrons certainement davantage dans l'avenir. Au départ, les REER étaient destinés aux personnes qui ne contribuaient pas à un régime de retraite d'une entreprise ou au régime de pension du gouvernement, pour leur permettre de bâtir et d'administrer leur propre fonds de retraite, un peu comme tous les autres. On retrouve là un objectif social, le gouvernement souhaitant que les gens se préparent à prendre une retraite dans des conditions normales sans représenter de fardeau pour l'État, si je puis me permettre cette précision.

Pour ce qui est du financement des études, les REEE permettent d'aider un enfant, que ce soit le sien ou celui d'un ami, mais ce n'est qu'un véhicule parmi d'autres. Vous pourriez aussi investir dans un compte en banque, ce qui n'est peut-être pas très intéressant aujourd'hui étant donné les faibles taux d'intérêt, ou dans les obligations annuelles du gouvernement. Les gens peuvent se prévaloir de toutes sortes de véhicules d'épargne pour économiser afin de payer les études des jeunes.

Sur un plan philosophique, je me demande ce que l'on pourrait dire en faveur de tel type de véhicules d'épargne plutôt que de tel autre?

Mme Johnston: Les épargnes sous la forme d'un compte en banque ordinaire ne servent généralement pas aux fins d'études. En plus, elles sont imposables.

Le président: C'est souvent le cas. Bien des gens investissent dans des comptes en banque pour leurs enfants ou petits-enfants, et cet argent sert à cela.

Mme Johnston: S'il s'agit d'une fiducie, les fonds investis doivent spécifiquement servir aux fins établies par le fiduciaire. Les REEE fonctionnent très bien parce qu'ils sont exclusivement destinés à financer des études. Il s'agit bien sûr d'un abri fiscal, ce qui est un avantage, mais c'est surtout la Subvention canadienne pour l'épargne-études qui fait que les REEE sont plus intéressants que d'autres véhicules.

Le président: Je comprends bien, et dans votre position, vous devez expliquer pourquoi ils sont plus intéressants, mais les gens ont d'autres choix pour épargner, parce qu'ils peuvent le faire par le biais d'un compte bancaire, d'actions en bourse ou autres.

Mme Johnston: C'est vrai.

Le président: Sur le plan philosophique, par rapport à ce qui se passe dans une faillite, si un parent a décidé d'épargner en investissant dans un compte bancaire destiné à financer les études futures de son enfant, ou à le faire sous la forme d'une police d'assurance ou autres, pourquoi la politique gouvernementale devrait-elle favoriser tel véhicule plutôt que tel autre?

Mme Johnston: Selon moi, c'est parce que les REEE sont déjà un véhicule financé par l'État, tandis que les autres véhicules d'épargne ne le sont pas.

Le président: Il demeure que le gouvernement fédéral a pour politique d'inciter les gens à épargner en vue de financer les études de leurs enfants. Le gouvernement ne cherche pas ici à protéger telle chose plutôt que telle autre. Cette politique n'a pas été arrêtée en fonction de la faillite.

Mme Johnston: C'est vrai.

Le président: J'ai de la difficulté à faire une distinction, si l'on part du principe que les gens ont le choix. Ils pourraient investir dans un fonds commun de placement. Il y a bien d'autres façons de s'y prendre et je ne vois pas bien encore pourquoi il faudrait favoriser tel choix plutôt que tel autre en vertu de cette loi. J'aimerais que vous réagissiez à cela.

Mme Johnston: Je ne suis pas certaine d'être en mesure de le faire.

Le sénateur Moore: Madame Johnston, je suis conscient que ce programme n'est en place que depuis 1998, mais étant donné les préoccupations que vous avez exprimées aujourd'hui, disposez-vous de statistiques sur le nombre d'enfants n'ayant pas pu bénéficier d'un régime d'épargne-études à cause de la saisie et de la faillite du ou des donateurs? Y en a-t-il beaucoup?

Mme Johnston: Par rapport au nombre de personnes qui ont un REER, le nombre de régimes d'épargne-études fermés à l'occasion d'une saisie pour faillite est relativement faible, peut-être un ou deux pour cent du nombre total. Il demeure que nous nous préoccupons du sort des enfants touchés dans de telles situations.

Nous savons que c'est premièrement à cause d'un manque d'argent que des enfants ne peuvent pas poursuivre d'études postsecondaires. Nous savons aussi qu'il est de plus en plus difficile d'obtenir des prêts étudiants. En outre, nous savons que les enfants qui bénéficient d'un REEE ont 40 p. 100 de plus de chances que les autres de suivre des études postsecondaires. Nous avons des statistiques qui confirment tout cela, et elles sont fondées sur des moyennes nationales.

Ce faisant, nous voulons permettre à plus de gens de conserver leur régime, pas pour les parents, mais pour les enfants qui doivent pouvoir bénéficier du produit du régime.

Le sénateur Angus: D'après ce que j'ai cru comprendre, le gouvernement investit une somme en contrepartie de celle versés par les parents. En cas d'insolvabilité, est-ce que la portion versée par le gouvernement est également saisie?

Mme Johnston: Non, elle lui est remboursée.

Le sénateur Massicotte: Je veux être certain d'avoir bien compris. Ce que vous nous dites essentiellement, c'est que ce fonds destiné à financer des études dans l'avenir est tellement essentiel qu'il ne faudrait pas le considérer au même titre que les autres actifs saisissables par les créanciers lors d'une faillite, car les statistiques montrent qu'il n'y a pas d'autres moyens que ce véhicule qui est donc très important pour contribuer à l'éducation de nos enfants.

Mme Johnston: Oui!

Le sénateur Massicotte: Mais de quelle preuve disposez-vous? Par exemple, vous avez dit que la contribution maximale durant la vie utile du régime est de 40 000 $, mais hier on m'a dit que les frais de scolarité en Ontario pouvaient atteindre 20 000 $, et qu'ils sont nettement inférieurs au Québec. Y a-t-il un rapport étroit entre les revenus placés dans un régime d'épargne-études et la poursuite d'études supérieures? Dans l'affirmative, pouvez-vous nous donner des chiffres?

Au Québec, par exemple, où les frais de scolarité sont inférieurs, le pourcentage des diplômés du secondaire se retrouvant à l'université est-il nettement supérieur à celui des autres provinces? D'après certaines études, c'est davantage le contexte sociologique que le revenu qui détermine si des jeunes vont ou non entreprendre des études supérieures.

Mme Johnston: Le niveau de revenu des parents n'intervient que dans leur capacité de contribuer à un REEE. Ceux qui contribuent à un REEE savent que, pour réussir dans le monde d'aujourd'hui et encore plus dans 20 ans d'ici, leurs enfants devront avoir reçu une instruction postsecondaire.

Il est vrai que les frais de scolarité ne sont pas tous les mêmes au Canada et que c'est sans doute au Québec qu'ils sont les plus bas. Sur la côte Est, on enregistre certains des frais les plus élevés. En outre, les frais de scolarité ont augmenté de 130 p. 100 dans les 10 dernières années et l'on peut se demander ce qui va se passer au cours des 20 prochaines.

Le sénateur Massicotte: D'après les informations dont vous disposez, y a-t-il un rapport étroit entre la contribution à un régime enregistré d'épargne-études et la participation à l'enseignement supérieur?

Mme Johnston: Je sais que, par rapport à des enfants qui ne bénéficient pas d'un REEE, ceux pour qui on a contribué à un tel régime sont 40 p. 100 plus nombreux à entreprendre des études postsecondaires.

Le sénateur Massicotte: Pensez-vous que cela a davantage affaire à l'épargne qu'au contexte ou au milieu familial?

Mme Johnston: Cela tient au fait que le revenu disponible est plus élevé. Le manque d'argent est la principale raison pour laquelle des enfants n'entreprennent pas d'études postsecondaires, et cette raison est beaucoup plus importante que toutes les autres combinées.

Le sénateur Moore: La solution que vous proposez, si j'ai bien compris, c'est que les REEE soient à intouchables en cas de faillite. Pourriez-vous nous en dire un peu plus à cet égard? Il y a la contribution du gouvernement qui serait remboursée à l'État en cas de faillite et il y a aussi les revenus de placement des régimes.

Mme Johnston: C'est vrai, les régimes rapportent quelque chose. Mais à la façon dont les REEE sont conçus, les intérêts de placement ne peuvent servir qu'à financer les études postsecondaires. C'est la seule façon d'avoir accès à cet argent. Dans le cas d'un régime autogéré, les intérêts de placement sont versés à une institution postsecondaire sous la forme de dons. Dans le cas d'un REEE de groupe ou collectif, les intérêts demeurent dans le groupe et servent à financer les autres étudiants qui poursuivent des études universitaires. Les revenus de placement de la Subvention canadienne pour l'épargne-études sont traités de la même façon.

Le sénateur Moore: Les revenus de cette subvention sont également remboursés à l'État en cas de faillite?

Mme Johnston: Ils sont traités exactement de la même façon que les autres revenus. Ils sont versés à des institutions postsecondaires sous la forme de dons ou ils demeurent dans la fiducie et sont répartis entre les autres enfants bénéficiaires d'un régime. Il y a deux types de REEE.

Le président: Qu'arrive-t-il dans le cas d'un régime qui est volontairement fermé, pour une raison ou une autre? L'enfant peut dire à ses parents: «Je préfère jouer du banjo et je n'irai pas à l'université» et les parents devront alors fermer le régime. Qu'arrive-t-il alors à ces trois niveaux de revenu? Dans le cas des contributions au capital, le donateur ou le cotisant peut-il retirer tout ce qu'il a investi sans être imposé?

Mme Johnston: Rien ne s'oppose au retrait du capital n'importe quand. Il demeure que le donateur doit répondre à certaines conditions pour pouvoir retirer son argent. Si ces conditions ne sont pas remplies, les revenus d'intérêt sont versés à l'institution postsecondaire ou demeurent dans la caisse. La Loi sur les REEE exige le respect de plusieurs conditions: au moins 10 ans de contribution au régime et bénéficiaire ayant 21 ans révolus, ne faisant pas d'études postsecondaires et étant résident du Canada. Si ces conditions sont réunies, le cotisant peut recevoir tous les revenus du régime diminués de 20 p. 100 de pénalité et de l'impôt sur le revenu.

Le sénateur Moore: Vous avez parlé de caisse. Que voulez-vous dire par là? Qui s'en occupe? Qui décide des institutions postsecondaires vers lesquelles les revenus de la caisse seront canalisés et dans quelle proportion?

Mme Johnston: Dans le cas de programmes autogérés, l'institution postsecondaire bénéficiaire des intérêts est désignée au moment de l'ouverture du dossier de souscription, mais la société qui administre la fiducie peut aussi dire au client où les revenus aboutiront en cas de fermeture du régime.

Il y a aussi les REEE gérés en commun dans le cadre desquels les revenus de placement sont regroupés avec d'autres. Ces caisses sont administrées par chaque distributeur de régime de bourses d'études ou de REEE offrant des programmes communs. Les programmes communs sont mis sur pied pour chaque année universitaire. Les étudiants qui font des études universitaires ou collégiales au cours d'une année donnée perçoivent une part des fonds de la caisse.

Le sénateur Moore: C'est le gestionnaire du régime qui administre la caisse?

Mme Johnston: Oui!

Le président: Vous ne voulez pas faire les choses à moitié ici. Ce n'est pas comme dans les autres cas de REEE où l'on a dit que les contributions dans les deux années précédant la faillite pouvaient être traitées différemment? Vous ne voulez pas faire une distinction de ce genre. Ce que vous voulez, c'est protéger la totalité du fonds, du premier au dernier versement.

Mme Johnston: C'est ce que nous préférerions. Monsieur le président, cela tient au fait que le total des contributions à un REEE est relativement faible par rapport à un REER où l'on peut investir 13 000 $ par an. Dans notre cas, le maximum est à 4 000 $. De plus, rares sont ceux qui contribuent à cette hauteur. Enfin, l'enfant ne va pas utiliser les fonds du REEE, pas plus que le souscripteur.

Le sénateur Massicotte: Au bas de la page 2 et en haut de la page 3 de votre mémoire, vous dites qu'afin d'éviter tout abus, il est recommandé que les REEE et les cotisations particulières qui datent d'un an ou moins au moment de la déclaration de la faillite ne soient pas protégées. Vous confirmez cela?

Mme Johnston: Il y a plusieurs façons de s'y prendre pour rendre les choses acceptables et faire en sorte qu'elles fonctionnent. Le mieux serait de tout abriter, mais nous ne voulons pas qu'il y ait des abus.

Le sénateur Massicotte: Vous dites que les cotisations qui datent d'un an ou moins devraient être exclues. Dans les paragraphes suivants, vous mentionnez le maximum de 40 000 $ pendant la durée maximale du régime. C'est ce que vous recommandez?

Mme Johnston: Oui.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Merci de votre participation, madame Johnston.

Mme Johnston: Merci.

Le président: Nos prochains témoins représentent le Conseil du Crédit du Canada.

Je vous en prie, allez-y.

M. Pran Bahl, président, Conseil du Crédit du Canada: Honorables sénateurs, nous sommes honorés d'avoir été invités à vous parler de deux questions très importantes, les prêts étudiants et l'orientation en matière de crédit dans les procédures de faillite.

Je vais commencer par vous donner un bref aperçu de ce qu'est le Conseil du Crédit du Canada, histoire de confirmer ce qui nous habilite à faire cette présentation. Le Conseil de Crédit du Canada, le CCC, est une association nationale qui représente 33 organismes de conseil de crédit sans but lucratif. Nos membres offrent toute une gamme de services allant des programmes d'éducation préventive aux programmes de remboursement de la dette. Nos conseillers en crédit voient chaque année des dizaines de milliers de particuliers dont beaucoup sont directement touchés par les politiques portant sur les questions dont nous traitons ici.

Comme vous le savez, le CCC s'est donné pour mission d'offrir des services d'orientation à l'égard du crédit à tous les Canadiens qui ont des problèmes d'argent. Pour vous donner une petite idée, sachez que l'année dernière nous avons ainsi conseillé près de 100 000 clients d'un océan à l'autre.

Chacun de nos membres est un organisme de bienfaisance sans but lucratif administré par un conseil d'administration composé de membres bénévoles et géré par un personnel professionnel. Seule exception à cette règle: le Provincial Mediation Board de la Saskatchewan qui est un organisme gouvernemental.

Les organismes que nous représentons ont pour objectif d'aider les clients à trouver les solutions appropriées afin de régler leurs difficultés financières grâce à des mécanismes de conseil, d'encadrement et d'orientation. Nous les aidons notamment à préparer des budgets et à gérer leur argent, nous leur enseignons comment utiliser judicieusement le crédit à la consommation et nous les aidons à établir des programmes de remboursement de la dette en fonction de leur capacité de payer; nous sommes aussi une courroie de transmission dans l'acheminement des paiements aux créanciers de nos clients.

Tous les organismes qui composent notre réseau font la promotion d'un comportement de consommateur avisé, au niveau des particuliers et de la collectivité, par le truchement de programmes de prestation de conseils et d'information publique. Avec ce mémoire, nous voulons présenter le point de vue du CCC en ce qui a trait aux questions touchant aux prêts étudiants et à l'effet de la prestation de conseils dans le cadre de procédures de faillite.

Je vais maintenant laisser à M. Ouellette le soin de vous livrer notre exposé et de vous en dire plus long sur ces questions. Après sa présentation, nous serons heureux de répondre à vos questions.

M. Pierre Ouellette, directeur général, Conseil du Crédit du Canada: Monsieur le président, honorables sénateurs, nous sommes heureux de pouvoir vous faire un exposé sur la question des prêts étudiants et sur celle des procédures de faillite, de même que sur la question des conseils donnés dans le cadre d'une procédure de faillite. J'espère maintenant pouvoir établir un nouveau record de brièveté.

S'agissant de la question des prêts étudiants, comme les membres du comité le savent, avant de pouvoir être libéré d'une dette étudiante, il faut pour l'instant attendre 10 ans. Nous estimons que cette période est beaucoup trop longue. Ce genre de moratoire impose souvent des difficultés financières indues sur les consommateurs. Nous souhaitons ardemment que vous recommandiez de réduire cette période. Nous sommes d'accord avec la recommandation du Groupe de travail sur l'insolvabilité des personnes pour la ramener à cinq ans. Nous vous suggérons très fortement de ne pas transformer cette nouvelle période en seuil, seuil à partir duquel on négocierait ensuite une période variant entre cinq et dix ans. Nous craignons que DRHC n'insiste sur sa position actuelle dans laquelle on verrait tout de même un nouveau compromis face à la situation que vivent les gens concernés.

Je vous tiens à faire remarquer que plus de 20 p. 100 des cas dont nous sommes saisis concernent des particuliers qui ont contracté des prêts étudiants. Ce chiffre pourrait même être supérieur si nous avions les outils pour parvenir à aider ces gens-là à régler leurs problèmes. Il n'est pas rare que nous ne puissions rien faire à cause de la façon dont fonctionne la procédure de recouvrement, mais aussi à cause du moratoire qui nous force à dire aux gens qu'il n'y a pas de solution à court terme pour eux.

Nous pensons que la deuxième recommandation du groupe de travail, celle portant sur l'instauration éventuelle d'un mécanisme d'examen des difficultés financières administré par les tribunaux, nous conférerait un peu plus de souplesse. Nous estimons qu'il faudrait sensibiliser davantage cette partie de la population et faire en sorte que le processus donne l'impression d'être davantage sommaire pour que les gens croient qu'il existe un véritable choix et qu'ils n'ont pas forcément à recourir à des conseils professionnels.

S'agissant de la deuxième question, celle des conseils, nous estimons qu'il s'agit-là d'un élément très important et utile des procédures de faillite. Les organisations que nous représentons en Ontario offrent des services d'orientation à l'égard du crédit aux familles de la province depuis plus de 30 ans et, dans certains cas, depuis aussi loin que la Crise de 1929, c'est-à-dire il y a très longtemps.

Nous avons vu les résultats positifs que donne la prestation de conseils dans certaines situations, notamment en cas de difficultés financières où nous aidons les intéressés à restructurer leur vie, à faire face à leurs créanciers, à rembourser leur dette et à poursuivre leur existence.

Nous aidons les gens à retrouver confiance en eux et ceux et celles qui ont terminé avec succès nos programmes sont redevenus des consommateurs qui participent utilement à la vie économique du pays. Nous estimons que les programmes de conseil nous permettent de parvenir à cet objectif.

Nous pensons qu'il convient d'affiner les mécanismes de conseil dans le cas des audiences de faillite. Il faudrait mieux définir ce que doit comporter chaque session, en fixant par exemple des normes beaucoup plus strictes en matière d'expérience des conseillers au-delà du cours sur la LFI et des 100 heures d'expérience exigées en matière de prestation de conseils. On trouve déjà ce genre d'expérience dans les collectivités, parce que les services d'orientation à l'égard du crédit offrent déjà ce genre d'assistance aux syndics et aux faillis et ce, à des niveaux de plus en plus élevés.

Nous croyons qu'il conviendrait d'offrir une formation permanente dans le domaine de la prestation de conseils et que les conseillers aient plus d'expérience afin d'être en mesure de fournir des avis experts et des orientations susceptibles d'aider leur client à reprendre leur vie.

Voilà ce que j'avais à dire, monsieur le président. Je suis prêt à répondre à vos questions.

Le sénateur Angus: Faites-vous tous les deux partie du même organisme, c'est-à-dire le Conseil du Crédit du Canada?

M. Ouellette: Oui. J'en suis le directeur général.

Le sénateur Angus: J'ai de la difficulté à comprendre comment fonctionne le Conseil. Comment est-il financé?

M. Ouellette: Nous sommes une association qui représente plusieurs organismes indépendants. Ces organismes travaillent au sein des collectivités. Ils sont financés de différentes façons. En Ontario, par exemple, ainsi que dans bien d'autres provinces, ils sont financés par les contributions des clients, par Centraide aussi. Nous fonctionnons en outre selon un accord conclu avec certains créanciers de personnes qui participent à un programme de remboursement de la dette, accord selon lequel un pourcentage de l'argent versé au créancier est retenu à titre de contribution au fonctionnement de l'organisation.

Le sénateur Angus: S'agit-il d'un organisme du gouvernement fédéral?

M. Ouellette: Non, c'est un organisme indépendant.

Le sénateur Angus: Le CCC est l'organisation mère à laquelle souscrivent les organismes locaux. Si je comprends bien, les conseils interviennent une fois que les gens ont eu des difficultés, puisque vous les aider à se rebâtir une vie sur une base individuelle. J'ai l'impression que c'est une entreprise très louable. Mais que se passe-t-il avant la faillite? Intervenez-vous d'une façon ou d'une autre?

M. Ouellette: Nous intervenons par le biais de plusieurs programmes d'éducation. Nous distribuons du matériel pédagogique aux écoles. Nous faisons des exposés dans les écoles. Nous fournissons également des conseils personnalisés.

Près de la moitié des clients de nos organismes ne vont pas au-delà du simple conseil. La procédure d'orientation à l'égard du crédit peut s'étaler sur plusieurs semaines ou plusieurs mois, mais les personnes qui se trouvent dans ce cas ne participent pas à un programme de remboursement de la dette. Elles tiennent compte de nos conseils, se serrent la ceinture et adoptent certaines orientations en matière de finances personnelles.

M. Bahl: Je tiens à ajouter que nous offrons aussi des conseils par téléphone. L'année dernière, par exemple, nous avons reçu 72 000 appels téléphoniques à ce chapitre. En fin de compte, la plupart de ces interlocuteurs n'ont adhéré à aucun de nos programmes, ils cherchaient simplement des réponses à leurs questions et nos conseillers ont pu les orienter. Nous offrons des programmes préventifs dispensés par nos spécialistes de l'information qui font le tour de différentes organisations. Une fois, par exemple, nous avons été invités par General Motors à prendre la parole devant ses employés. Ce sont là des programmes axés sur la prévention.

Le sénateur Angus: Les organismes locaux sont-ils essentiellement composés de bénévoles? Est-ce un service à la communauté?

M. Ouellette: Nos conseils sont composés de bénévoles, de représentants de tous les secteurs de la communauté. Notre personnel, lui, est professionnel. Nous comptons sur des conseillers qualifiés qui ont plusieurs années d'expérience, sur des directeurs généraux et sur un personnel de soutien.

Le sénateur Angus: J'ai cru comprendre qu'une des formes les plus insidieuses de difficultés financières dans lesquelles les gens se retrouvent est causée par le jeu et par le nombre croissant de casinos. La dépendance du jeu a conduit plusieurs familles à la ruine. Est-ce que vous intervenez sur ce plan également?

M. Ouellette: Nous sommes très actifs dans ce domaine. D'après nos chiffres, il ne s'agit pas d'un problème explosif, mais nous sommes au courant qu'il existe et nous collaborons étroitement avec les centres de traitement des problèmes liés au jeu dans chaque province. D'ailleurs, le Conseil du Crédit du Canada et les centres de traitement offrent actuellement une série de séances de formation à l'échelle régionale dans le cadre desquels les conseillers des deux institutions vont travailler côte à côte afin de mettre le plus tôt possible le doigt sur les problèmes. Nous allons préparer un questionnaire qui devrait nous permettre de repérer les problèmes de jeu au début de la procédure afin de recommander une aide éventuelle.

M. Bahl: Ce n'est pas forcément un gros problème, mais c'est un problème nouveau.

Le sénateur Angus: C'est ce qu'on nous a dit, effectivement.

Vous êtes en faveur d'une très nette réduction de la période imposée avant la libération d'un prêt étudiant qui est actuellement de 10 ans. Pensiez-vous à une durée en particulier?

M. Ouellette: Nous serions prêts à accepter cinq ans, comme limite supérieure. Dans la mesure du possible, nous aimerions même que cette période soit plus courte, simplement parce que nous voulons que les intéressés redeviennent le plus tôt possible des citoyens productifs. Quand une personne est visée par un moratoire de 10 ans à cause duquel elle ne peut être libérée de ses dettes, elle est complètement paralysée pendant tout ce temps-là. Elle se retrouve en quelque sorte dans des limbes économiques. Quand on rajoute à cela la période de libération d'une faillite pendant laquelle il est très difficile d'établir un crédit — soit six ans de plus — certaines personnes peuvent attendre 16 ans voire davantage avant de redevenir des citoyens normaux et actifs sur le plan économique. Nous pensons que c'est beaucoup trop long.

Le sénateur Angus: Dans vos remarques liminaires vous avez justement fait remarquer que nous sommes au courant de ce problème parce que nous avons entendu d'autres témoins, notamment des étudiants et d'anciens étudiants. Il s'agit d'un véritable problème, mais je pense qu'il faut aussi le placer dans la perspective du prêteur pour équilibrer les choses, n'est-ce pas?

M. Ouellette: Tout à fait. Cependant, nous ne considérons pas qu'il s'agit d'un prêt commercial ordinaire. Il s'agit d'un outil valable qui ouvre l'accès à l'université et qui, en tant que tel, doit être traité différemment. Nous pensons que le juste équilibre se situe dans la période de cinq ans.

[Français]

Le sénateur Hervieux-Payette: Je reviens à la question de prévention. Les compagnies de cartes de crédit émettent fréquemment des cartes aux étudiants sans, au préalable, effectuer une étude de crédit. Les cartes sont offertes de façon gratuite et même un peu frivole. Le problème de faillite chez les jeunes n'est-il pas relié, à votre avis, à cette pratique où l'on émet des cartes de crédit à des gens peu solvables? Les gens se retrouvent à la limite de leur crédit; puis, incapable de rencontrer leur dette, doivent tomber en faillite. Le système tel qu'il existe ne trace-t-il pas un peu le chemin vers la faillite?

Ne serait-il pas sage de remettre en question dans quelle mesure il est possible de justifier l'émission de centaines de milliers de cartes de crédit à des gens qui ne peuvent se le permettre?

M. Ouellette: Le ministère des ressources humaines Canada a initié certains programmes visant à faire face à ce problème, plus particulièrement en ce qui a trait aux prêts étudiants. Car il existe un autre problème. Plusieurs cartes de crédits sont, en effet, facilement accessibles au niveau de l'école. Ainsi, les étudiants, à la fin de leurs études, doivent consolider non seulement leurs prêts étudiants, mais également leurs dettes de cartes de crédit.

Dans notre domaine, le plus gros problème est la dette relative aux cartes de crédit non seulement dans le contexte étudiant mais en général.

Le sénateur Hervieux-Payette: Pour les autres consommateurs?

M. Ouellette: En effet.

Le sénateur Hervieux-Payette: L'accessibilité à des cartes de crédit sans étude de crédit ni réserve est, ni plus ni moins, une incitation à s'endetter au point de ne plus être capable de rencontrer ses dettes?

M. Ouellette: C'est juste. Voilà pourquoi nous cherchons à créer des programmes d'éducation sur la question. Nous sollicitons d'ailleurs les compagnies de cartes de crédit pour financer de tels programmes.

À titre d'exemple, la compagnie Mastercard, la semaine dernière, a versé à l'Université Western la somme de 50 000 $ pour subventionner le travail d'un spécialiste qui se consacre à l'étude des cas de crédit chez les étudiants. Ce n'est pas une somme énorme, mais c'est un pas dans la bonne direction.

Le sénateur Hervieux-Payette: Vous avez répondu à ma question. Le problème, à mon avis, doit se régler à la source et non lorsqu'il est trop tard.

[Traduction]

Le sénateur Moore: Monsieur Bahl, dans vos remarques liminaires, vous avez dit que le Conseil du Crédit du Canada avait assisté 100 000 Canadiens l'année dernière. Vous avez aussi mentionné 72 000 appels téléphoniques. Est- ce que les 100 000 Canadiens auxquels vous faisiez allusion englobent les 72 000 servis par téléphone ou est-ce que ce dernier chiffre s'ajoute au premier?

M. Bahl: Il s'ajoute au 100 000.

Le sénateur Moore: Donc, vous avez accueilli 100 000 personnes dans vos bureaux.

M. Bahl: Oui!

Le sénateur Moore: Monsieur Ouellette, vous avez parlé de vos programmes d'éducation dans les écoles ou de programmes préventifs. Est-ce que vous-même et les bénévoles administrez ce genre de programme de votre propre chef ou est-ce que vous collaborez avec les conseils scolaires ou les ministères provinciaux de l'Éducation pour encourager la formation à l'utilisation du crédit?

M. Ouellette: Nous avons constaté une tendance encourageante à cet égard, car ce genre de formation est offert dans les programmes scolaires du pays depuis plus de cinq ans. Par exemple, en Colombie-Britannique, les écoles offrent, dès les petites classes, des programmes axés sur la défense du consommateur, sur la compréhension du crédit à la consommation et autres. Cela peut paraître absurde à certains, mais il y a des programmes de ce genre qui sont offerts dès la maternelle et nous poussons dans ce sens.

Le plus souvent, nous fournissons notre propre matériel pédagogique aux établissements et aux conseils scolaires et nous recommandons que ce matériel pédagogique soit intégré aux programmes provinciaux afin que nos enseignants puissent facilement accéder à ce que nous proposons et puissent l'utiliser en classe. Par exemple, nous sommes en train de produire une vidéo à l'intention des élèves du secondaire du premier et du second cycles. On y présente essentiellement des gens qui parlent de crédit, notamment de la facilité d'obtenir des cartes de crédit et de la réaction qu'il convient d'adopter à cet égard. Nous avons collaboré avec des groupes comme l'Association ontarienne des enseignantes et enseignants de langues modernes pour veiller à ce que tout soit offert dans les deux langues et à ce que les documents tombent dans certaines petites cases du programme d'enseignement, et c'est ce que nous transmettons aux enseignants. Nous travaillons très fort dans ce domaine. Nos groupes sont composés de bénévoles et nous ne disposons que de ressources limitées sur ce plan.

Le président: Pour en revenir aux prêts étudiants, on peut très facilement se laisser aller, compte tenu de tout ce qu'on nous dit, à conclure que la période de 10 ans est trop exigeante, qu'elle est extrême, et que nous pourrions certainement la ramener à cinq ans ou autres. Cependant, il ne faut pas oublier la cause de cette situation au départ. On nous a parlé d'une certaine situation répréhensible parce que ces prêts ont perdu leur sens il s'agissait de constats faits aux États-Unis et au Canada et peut-être même ailleurs. On a jeté le discrédit sur ces prêts parce que des étudiants, tout de suite après avoir obtenu leur diplôme ou un peu plus tard, ont déclaré faillite afin de ne pas avoir à les rembourser. Ce faisant, ils ont porté atteinte au sens et à l'efficacité du programme.

La nature humaine a-t-elle changé? Je constate que vous avez parlé de cinq ans, mais pas de deux ans ni d'une suppression totale de la période. Cela signifie-t-il que, dans le cadre des conseils que vous dispensez et compte tenu de votre connaissance de la nature humaine, vous estimez que nous risquerions de retomber dans les pièges de jadis si nous supprimions toutes les règles spéciales appliquées aux prêts étudiants?

M. Ouellette: Je ne sais pas dans quelle mesure cette pratique a été répandue dans le passé, mais je partirai du principe qu'elle a existé parce que mes contacts à DRHC m'ont dit que tel a été le cas. Nous voyons des gens qui sont en situation de crise, qui se présentent à nos bureaux à un moment de leur vie où ils ont besoin d'aide. Or, nous disposons rarement des instruments nécessaires pour les aider. En recommandant une période de cinq ans, nous prenons acte des problèmes passés, nous reconnaissons que la possibilité existe, que des gens puissent abuser du système très tôt ou trop tôt dans leur vie active et qu'il y a peu de chances qu'ils cherchent à fuir leurs responsabilités vis-à-vis des prêts étudiants après cinq années de vie active, surtout étant donné le profil de ceux qui ont fait cela dans le passé. Il faudrait appliquer une période de cinq ans qui serait étroitement associée à des recours judiciaires en cas de difficultés extrêmes. Si nous pouvions mener de front ces deux mécanismes, nous serions en mesure de composer avec toutes les situations de façon positive et efficace.

Le président: Notre curiosité est satisfaite. Merci beaucoup. Nous avons apprécié votre visite.

[Français]

M. Ouellette: Je tiens particulièrement à remercier M. Robert de son aide pour notre présentation.

[Traduction]

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Merci beaucoup.

La séance se poursuit à huis clos.

Nous reprenons la séance publique.

Le président: Nous allons maintenant accueillir M. Mel Fruitman.

Je vous en prie, commencez.

M. Mel Fruitman, président-directeur général, Association canadienne des consommateurs: Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à comparaître devant vous aujourd'hui dans le cadre de l'examen que fait le Comité de l'administration et du fonctionnement de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité et de la LACC.

L'Association des consommateurs du Canada, créée il y a 56 ans, est un organisme indépendant sans but lucratif qui représente les intérêts des consommateurs canadiens auprès des gouvernements et des différents secteurs de la société. Nous menons nos activités grâce à des bénévoles et, en ce moment, nous disposons seulement de personnel à temps partiel. J'occupe le poste de président bénévole.

Les lois que vous examinez actuellement sont extrêmement complexes et vous avez déjà entendu un certain nombre d'organisations qui ont exprimé des avis détaillés sur plusieurs éléments. D'autres ont abordé des questions qui concernent les consommateurs. Les observations que je ferai aujourd'hui seront assez brèves et porteront principalement sur un élément de la loi actuelle qui met le consommateur dans une position très désavantageuse et l'expose à des risques.

Il s'agit de ce que certains appellent les «privilèges des consommateurs.» Ce terme renvoie à des cas où des personnes ont fait affaire avec des vendeurs de biens et de services, laissé un dépôt en paiement de biens devant lui être livrés plus tard ou qu'il utilisera ultérieurement, ou même laissé des articles à faire réparer, et qui subissent des pertes financières à cause de la faillite du commerçant.

On présume habituellement que lors d'une transaction commerciale, qu'il s'agisse d'un prêt ou d'un crédit pour l'achat de biens et de services, les parties sont à même d'évaluer le risque encouru ou d'obtenir l'aide nécessaire, et de prendre une décision éclairée.

Il est bien connu que dans une transaction entre un consommateur et une entreprise, les parties ne sont pas en position égale. Même lorsqu'il observe la règle fondamentale du caveat emptor (que l'acheteur prenne garde), le client est ni plus ni moins à la merci du commerçant. Cet état de fait est au cœur d'une grande partie de la législation sur la protection du consommateur. Celle-ci comporte cependant d'énormes lacunes lorsqu'il s'agit de situations où le client se trouve malgré lui aux prises avec un commerce en faillite.

Lorsque, par exemple, une personne se procure un billet pour voir une pièce qui jouera dans un mois, elle s'attend à pouvoir assister à la pièce puisqu'elle a payé son billet. Elle n'a pas raison de croire qu'il pourrait en être autrement. Le vendeur, l'entreprise ou l'agent a encaissé le montant et lui a remis son billet. On ne s'attend pas à ce qu'elle vérifie la solvabilité du commerçant.

Toutefois, dans l'affaire Livent survenue il y a plusieurs années, un grand nombre de consommateurs ont été trempés. Ils avaient en toute confiance acheté des billets à l'avance auprès de Livent ou de son agent, TicketMaster, pour des représentations publiques au programme.

Peu après avoir demandé la protection de la LACC en 1998, Livent a annoncé l'annulation de toutes les représentations futures au Ford Centre de North York, y compris celles prévues pour le reste de l'année 1998 et pour l'année 1999 pour lesquelles la firme avait déjà vendu des billets. Livent a par ailleurs fait savoir qu'elle ne rembourserait pas les personnes qui avaient acheté à l'avance des billets pour les spectacles au programme mais qu'ils avaient annulés. Plutôt que de garder en fiducie les montants de la prévente des billets, Livent les a utilisés au fur et à mesure de leur réception pour ses activités générales dans toute l'Amérique du Nord.

La plupart des acheteurs ont cru qu'ils auraient droit à un remboursement. Le tribunal a cependant rendu, dans cette affaire, une décision que je ne peux que qualifier d'extrêmement étrange du point de vue d'un défenseur des droits des consommateurs (et non d'un avocat). Il a en effet décrété que la vente préalable de billets pour un spectacle futur consiste essentiellement à octroyer un permis d'occuper une place et non en un contrat de fourniture de services futurs sous forme de spectacles. Le billet n'est qu'un permis pour entrer à l'endroit où le spectacle doit avoir lieu et occuper un siège durant la représentation en rapport avec le billet. Autrement dit, celui-ci vous permet d'occuper une place, mais n'assure nullement qu'une représentation aura lieu, ni même que la salle sera éclairée.

Je conviens que dans ce domaine, il y a un chevauchement entre les lois fédérales et provinciales de protection du consommateur. Toutefois, si la législation fédérale avait prévu des dispositions pour protéger ces avoirs qui, à notre avis, appartiennent toujours au consommateur, une telle situation ne se serait sans doute pas produite.

La faillite des Lignes aériennes Canada 3000, survenue plus récemment, a donné lieu à une situation semblable. Des consommateurs qui en toute confiance avaient acheté des billets à l'avance — c'était d'ailleurs le seul choix dont ils disposaient — et un grand nombre d'entre eux s'est retrouvé avec un bout de papier sans valeur. Certains qui avaient payé par carte de crédit ont été remboursés par la compagnie émettrice de la carte, qui n'était d'ailleurs pas tenue par la loi de le faire. Ceux qui s'étaient procuré leur billet auprès d'une agence de voyage ont été couverts par le fonds de compensation de l'industrie. Ceux qui avaient fait affaire directement avec la compagnie aérienne, ce qu'on nous encourage de plus en plus à faire, n'ont cependant rien obtenu.

Ce ne sont là que deux exemples de cas où les consommateurs n'avaient guère d'autre choix que de payer à l'avance et qui, sans qu'ils y soient pour rien, ont perdu les sommes versées parce que la loi ne comporte pas les dispositions voulues pour les protéger adéquatement. La même chose peut se produire lorsqu'un client verse un acompte sur une marchandise qui n'est pas encore disponible et doit être livrée ultérieurement, ou sur une marchandise que le marchand réserve pour le client, ou dans tout autre cas où le vendeur reçoit une partie ou la totalité du paiement du client, mais que les marchandises ou les services en question ne sont pas fournis, livrés ou utilisés.

Il arrive aussi, quoique moins fréquemment, qu'une personne laisse un article à faire réparer et que l'entreprise déclare faillite. Je parle d'expérience car il y a quelques années, ma conjointe a déposé un anneau chez un bijoutier pour le faire réparer. Avant que la réparation soit effectuée, le bijoutier a déclaré faillite et il a semblé qu'elle ne pourrait peut-être pas récupérer son anneau et que nous n'aurions pas de recours. Heureusement, grâce à sa ténacité et aux formulaires d'évaluation et à la description de l'assurance dont elle s'était munie, ma conjointe a réussi à convaincre le syndic de retrouver son anneau et de lui rendre.

Malheureusement, notre association ne dispose pas des ressources voulues pour effectuer des recherches sur le nombre de faillite ou le nombre de dossiers déposés en vertu de la LACC qui touchent des consommateurs jouant le rôle de créanciers, ni sur leurs conséquences financières de ces faillites. Toutefois, celle de Canada 3000 et la très difficile situation actuelle d'Air Canada montrent que les conséquences peuvent être très graves. Les consommateurs seront d'ailleurs sans doute exposés à des risques accrus car ils se servent de plus en plus d'Internet pour commander des marchandises qu'ils paient bien avant de les avoir reçues.

Les provinces pourraient, bien sûr, adopter leurs lois de protection des consommateurs. Les documents déposés au cours de l'affaire Livent nous font toutefois nous interroger sérieusement sur l'utilité d'une telle modification, étant donné les chevauchements de compétences.

En bref, des consommateurs ne devraient pas perdre des avoirs lors de la faillite d'une entreprise avec laquelle ils ont fait affaire ou du dépôt du dossier de celle-ci en vertu de la LACC. Toute somme avancée à une entreprise, ou toutes marchandises appartenant à un consommateur mais que l'entreprise a en main devrait être retournée car elles étaient, de fait, détenues en fiducie. Ces avoirs devraient être gérés séparément, c'est-à-dire ne pas être mêlés aux avoirs de l'entreprise. Il vaudrait mieux adopter cette solution que d'accorder un statut particulier aux créanciers à la consommation.

Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions.

Le sénateur Oliver: D'après vous, faudrait-il faire une différence entre les PME ordinaires, c'est-à-dire les entreprises familiales, et les consommateurs ou les sociétés. Dans les états financiers des grandes sociétés, il y a toujours une rubrique intitulée «Charges payées d'avance.» Une société peut avoir à régler ses primes d'assurance en début d'année. En cas de problème, elle perd ce montant. Il y a bien d'autres situations où les PME effectuent des règlements d'avance pour certaines marchandises, pour des biens meubles et autres. Pourquoi devrions-nous envisager des dispositions particulières pour les consommateurs? Qu'y a-t-il de si unique dans leur cas?

M. Fruitman: La différence, c'est qu'il ne s'agit pas de transactions entre entreprises. Les transactions de cet ordre, qu'elles soient importantes ou pas, sont, on peut le présumer, réalisées en pleine connaissance des risques inhérents et les organisations qui les effectuent sont en mesure de prendre les mesures appropriées pour essayer de se protéger.

Le sénateur Oliver: Cependant, les billets qui permettent d'aller voir un spectacle, comme une partie de hockey ou un film, comportent une mention en cas d'annulation pour imprévu, pour cas de force majeure. Quelle assurance offrez- vous?

M. Fruitman: Cela, c'est l'autre côté de la barrière, c'est celui des consommateurs. Il peut y avoir des cas de force majeure. À moins que l'annulation soit due à la faillite de l'organisation, ces billets sont généralement honorés ou remboursés. Il n'y a pas de différence, selon moi, que le consommateur traite avec une grande ou une petite entreprise. Le consommateur qui effectue une transaction commerciale comme s'il était lui-même une entreprise n'a aucune protection à moins de savoir d'avance que le commerce avec lequel il fait affaire est en grande difficulté auquel cas, il ferait mieux de s'abstenir de lui verser de l'argent pour un service ou un produit qu'il ne recevra pas tout de suite. Sinon, le consommateur ne sait pas ce qui se passe. Si j'achetais un appareil ménager de Home and Rural, par exemple, le consommateur que je suis n'aurait aucune raison de se douter qu'il risque de perdre son dépôt de 500 $ sur un réfrigérateur de 2 000 $ devant m'être livré dans six semaines, parce que la société risque de faire faillite.

Le sénateur Oliver: Dans notre société, on couvre les imprévus avec des polices d'assurance. Pourquoi n'imposerait- on pas la même chose dans la Loi sur la faillite? Vous nous parlez en fait de privilège des consommateurs. Ainsi, pourquoi ne pas offrir un régime d'assurance pour couvrir ce genre d'imprévu?

M. Fruitman: Et il appartiendrait à chaque consommateur de se protéger?

Le sénateur Oliver: Oui!

M. Fruitman: Je le répète, comment pourrait-on offrir une garantie contre tous les genres de transactions effectuées par un consommateur? C'est quasiment impossible. Certes, la police d'assurance permet de transférer l'évaluation du risque, c'est-à-dire l'élément risque, sur le consommateur plutôt que de le laisser au niveau de l'entreprise. Je ne vois pas pourquoi on devrait imposer aux consommateurs de contracter une assurance afin de se protéger contre des transactions viciées qu'ils auraient entreprises de bonne foi.

Le sénateur Prud'homme: Bravo!

Le sénateur Angus: Vous nous avez décrit plusieurs situations, comme celle concernant la bague de votre femme. J'ai des amis, à Toronto, qui ont vendu leur maison mais parce que la nouvelle n'était pas prête avant un certain temps, ils ont entreposé tous leurs meubles, tous leurs biens. Quand le moment est venu de récupérer tout cela, ils se sont rendu compte que la société d'entreposage avait fait faillite et qu'ils ne pouvaient rien retirer. Ce fut un vrai cauchemar. Cela me rappelle la situation que vous avez décrite. Que recommandez-vous pour protéger ces gens-là?

M. Fruitman: Il y a plusieurs façons de s'y prendre. D'abord, on pourrait simplifier la Loi sur la faillite et la LACC pour couvrir de tels cas de figure. Il n'y a vraiment aucune raison pour laquelle les biens confiés à une société soient considérés comme des actifs de cette société. Ces biens ne lui appartiennent pas, ils appartiennent au consommateur.

Le sénateur Angus: Comme la bague.

M. Fruitman: C'est la même chose. On ne devrait même pas se poser la question et ce genre de marchandise devrait être rendue au véritable propriétaire.

Le sénateur Angus: Est-ce qu'on se pose la question?

M. Fruitman: Il semble que certains se la posent.

Le sénateur Angus: Je ne suis pas au courant. Je ne me rappelle pas le contenu des cours sur la faillite que j'ai pris avec M. Goldstein ici, il y a plusieurs années, mais j'ai l'impression que la Loi sur la faillite renferme une disposition dans ce sens. Je conviens cependant avec vous qu'il peut être nécessaire de payer un avocat pour reprendre possession de ses biens.

M. Fruitman: Pourquoi un consommateur devrait-il avoir à faire beaucoup plus que de simplement produire un reçu ou une autre preuve attestant qu'il est propriétaire pour récupérer ses biens?

Le sénateur Angus: Je compatis avec vous, mais il y a une cinquantaine d'années, le législateur s'est penché sur ce genre de situations. En général, quand une société ou un dépositaire fait faillite, il s'ensuit un véritable chaos. Tout le monde s'active, les portes sont verrouillées et le courant est coupé. Vous vous imaginez aller dans un entrepôt et dire: «Voilà ici mon bureau et là mon sofa» en même temps que bien d'autres clients qui, comme vous, courraient dans tous les sens? À ce que je sache, la loi renferme déjà des dispositions sur ce plan. Ainsi, que voudriez-vous que nous fassions, en plus de ce qui existe déjà? Voilà la vraie question.

M. Fruitman: Toutes les situations ne sont pas les mêmes. Dans la mesure où tout cela est déjà prévu dans la loi, il faudrait simplifier les choses au maximum afin que le consommateur puisse récupérer ses biens. Et puis, il y a aussi toute la question des dépôts pour une marchandise que je récupérerai plus tard, comme le réfrigérateur dont je vous ai parlé, les billets d'un événement sportif, les billets d'avion — et Dieu sait si ce problème est d'actualité avec Air Canada et Canada 3000. Une solution a été proposée, mais je reconnais qu'elle est très compliquée: il s'agirait de verser le prix de ce genre de billet dans une fiducie. Malheureusement, il peut être difficile de faire la part entre tel et tel montant.

Comme ce monsieur l'a recommandé, une autre solution pourrait consister à offrir des polices d'assurance, mais j'estime que c'est la société, l'organisation commerciale, qui devrait prendre ce genre de police et pas le consommateur ou du moins l'argent ne serait pas nécessairement traité à part.

Il faudrait imposer un système comptable où un certain montant serait versé dans une fiducie. Il faudrait disposer d'un mécanisme tel que les fonds en question n'appartiendraient pas à la société et ne pourraient donc être réclamés en priorité par les créanciers garantis. Ces fonds devraient être rendus aux gens qui n'ont pas d'autres recours.

Le sénateur Angus: Je ne pense pas que qui que ce soit puisse s'opposer au point de vue que vous venez d'exprimer. Si je vous ai bien compris, vous dites qu'il faudrait réduire la paperasserie ou la bureaucratie. Je suis d'accord avec vous, mais j'aimerais que votre consultant nous dise comment s'y prendre pour offrir le genre de correctif que vous recherchez. J'ai personnellement l'impression que la loi, telle qu'elle se présente actuellement, renferme déjà suffisamment de dispositions pour être utile à cet égard. J'aimerais entendre ce qu'il a à nous dire à ce sujet.

M. Fruitman: Comme je le disais, je ne suis pas avocat et nous n'avons que peu de ressources pour vraiment traiter de cette question. Toutefois, dans le cas de Livent, dont j'ai parlé — tout comme dans celui de Canada 3000 d'ailleurs —, je crois savoir que les personnes qui n'avaient pas de protection ailleurs, comme celle offerte par les compagnies de carte de crédit, ont essentiellement tout perdu.

Le sénateur Angus: Très bien. Comme on dit, c'est «ben de valeur!». C'est un cas de caveat emptor où l'acheteur doit prendre garde et les signes avertisseurs ne manquent pas pour le consommateur prudent. Parlez-moi davantage du bijoutier où votre femme est allée acheter sa bague. Était-ce un petit bijoutier, un boutiquier éphémère, ou s'agissait-il de Birks?

M. Fruitman: Il s'agissait d'une boutique qu'elle fréquentait depuis plusieurs années. Quant à ce que vous avez dit au début, je ne suis pas tout à fait d'accord avec vous, je ne peux accepter que c'est «ben de valeur.»

Le sénateur Angus: Peu importe le degré de raffinement d'une société, il n'est pas envisageable de compenser grassement tous ceux qui font un mauvais investissement.

M. Fruitman: Encore une fois, il faut faire une distinction. On peut présumer que le particulier qui fait un placement a réfléchi au risque qu'il prenait. Le rendement de l'investissement est toujours inconnu et il est associé à un certain risque. En revanche, celui ou celle qui fait un dépôt dans un magasin pour une marchandise particulière ne devrait pas, a priori, se trouver dans une situation de risque.

Le sénateur Oliver: Y a-t-il un risque dans le cas de la personne qui achète un billet de théâtre?

M. Fruitman: Même dans le cas d'un billet de théâtre dont la valeur est nominale, vous ne devriez pas vous trouver en situation de risque. Techniquement, ce pourrait être le cas, en droit, mais du point de vue du consommateur, du point de vue du particulier qui achète le billet pour assister à un événement au Centre national des arts le mois prochain, il ne devrait pas exister de risque.

Le sénateur Angus: Le particulier ne prendrait pas de risque, parce que le gouvernement est derrière. Il demeure que si le consommateur achète un billet pour une pièce de théâtre produite par une compagnie au budget limité, tout peut arriver. Dans ce cas, ce serait un don de bienfaisance.

Le sénateur Tkachuk: Je compatirais beaucoup avec le consommateur qui perdrait de l'argent dans ce cas. Cependant, cela revient à un choix de consommation et à la responsabilité des choix exercés. Par exemple, la personne qui veut aller assister à une partie de hockey de Maple Leaf achète généralement son billet assez longtemps d'avance, parce que les places se vendent comme des petits pains chauds, contrairement à un match des Predators de Nashville que l'on peut décider d'aller voir le soir même. Dans ce cas, le consommateur prend un risque et il sait qu'il prend un risque, parce qu'il n'a aucune certitude que l'événement va effectivement avoir lieu, par exemple en cas de faillite de l'une des deux équipes.

Il en va de même pour les billets d'avion. À une époque, Air Canada et Canadian permettaient aux voyageurs d'annuler leur billet à la dernière minute, si bien qu'ils ne courraient aucun risque. Puis, les compagnies à rabais sont arrivées sur le marché et elles ont commencé à offrir des billets garantis à un bon prix, par exemple de Saskatoon à Regina ou Winnipeg, à condition que le passager paie d'avance. Les consommateurs ont donc eu un choix par rapport à la formule plus coûteuse mais en fonction de laquelle ils pouvaient annuler leur vol au dernier moment. Cette option existe toujours et il n'est pas nécessaire d'acheter un billet d'avance, on peut attendre à la dernière minute pour le faire.

Dès que l'on paie d'avance, on se trouve à prendre un risque. Le consommateur qui achète sur Internet parce que c'est moins cher et qui doit donc faire venir le produit plutôt que de se rendre à La Baie et de le mettre dans son coffre d'automobile quelques minutes plus tard, prend le risque de verser de l'argent à quelqu'un dans l'espoir de recevoir le produit plus tard. La loi ne peut certainement pas courir tous ces risques. Nous ne pouvons pas éliminer tous les risques, n'est-ce pas?

M. Fruitman: Je ne suis pas d'accord avec vous, monsieur. On n'espère pas que le produit va être livré, on s'attend à ce qu'il le soit. C'est là la grande différence. Encore une fois, il n'y a aucune raison valable de croire que le produit ne sera pas livré.

Rien dans le passé n'amène le spectateur à imaginer que la prochaine partie des Maple Leaf n'aura pas lieu et qu'il va courir un risque en achetant son billet. Les choses sont cependant plus complexes dans le cas des billets d'avion, parce qu'il n'est pas vraiment possible de se rendre directement au comptoir, d'acheter un billet et d'embarquer dans la foulée. La plupart du temps, on est plus ou moins obligé d'acheter le billet d'avance.

Quand vous parlez d'un choix offert au consommateur, il est vrai qu'il est toujours possible d'acheter un billet de première classe à 2 000 $ pour aller de Toronto à Ottawa plutôt qu'un billet payé d'avance mais qui coûte 300 ou 400 $. Il est connu, cependant, que les compagnies aériennes en particulier utilisent ces fonds pour leur exploitation courante. Pour fonctionner, elles ont besoin de liquidité immédiatement et ce sont elles qui mettent ces fonds en danger.

Le sénateur Massicotte: J'essaie de faire la distinction entre les deux. Je pense que la bague et les effets personnels entreposés doivent être considérés à part, parce qu'ils n'appartiennent pas aux créanciers, mais aux consommateurs. Vous avez parlé de dépôts.

Comme point de départ à votre argumentation, vous avez établi que ce n'était pas une relation équitable. Vous avez dit que, même s'il n'y a pas de relation commerciale, vous estimez que le consommateur devrait bénéficier d'une protection plus importante étant donné que la notion de précaution par l'acheteur ne peut s'appliquer ici, celui-ci n'étant pas véritablement informé. J'aimerais bien que vous nous fournissiez des données ou des résultats de sondages montrant que tel est le cas. Quand mon épouse va faire un dépôt, par exemple pour acheter une robe, nous nous demandons toujours si elle obtiendra bien sa robe au bout du compte. Autrement dit, elle est très consciente qu'elle court un risque mais vous disposez peut-être d'études prouvant que ce n'est pas l'impression des autres consommateurs.

Dans votre argument, vous proposez donc que n'importe quel consommateur traitant avec un commerce, que ce soit pour acheter un billet de théâtre ou autre, devrait être protégé. Il ne s'agirait pas uniquement des billets de théâtre ni des dépôts effectués sur une marchandise, mais de toutes les transactions intervenant entre un particulier et une entreprise qui, pour reprendre votre argument, devraient être protégées. Je me trompe?

M. Fruitman: Nous pourrions toujours trouver des exceptions à la règle mais c'est essentiellement ce que je recherche. Les consommateurs estiment qu'ils ne devraient pas avoir à courir de risque. La notion d'évaluation de risque ne doit pas intervenir ici, celle-ci étant réservée à d'autres types de transaction.

Dans le cas de votre femme, par exemple, qui fait un dépôt pour acheter une robe, elle devrait normalement s'attendre à ce que cette robe soit mise de côté jusqu'à ce qu'elle vienne la chercher. Il ne devrait y avoir aucun risque sur ce plan.

Le sénateur Massicotte: Vous avez dit «devrait normalement s'attendre» et la simple utilisation de l'adverbe «normalement» donne à penser qu'il peut arriver que la transaction n'ait finalement pas lieu.

M. Fruitman: Je ne recommande pas d'accorder une protection spéciale aux consommateurs. Ce que je dis, c'est qu'il s'agit de fonds déposés dans le cadre d'une transaction de type différent, par rapport au paiement effectué d'avance dans le cadre d'une transaction entre entreprises. Ainsi, il ne faudrait pas considérer ces fonds comme des actifs ou comme appartenant à la société. L'argent demeure propriété du consommateur. Nous sommes dans un type de relation commerciale différente.

Le sénateur Massicotte: Vous rendez-vous compte à quel point votre proposition est vaste? Vous englobez toutes les relations entre consommateurs, particuliers et sociétés. Vous partez du principe que la relation est injuste pour le consommateur. Comme celui-ci ne dispose pas du même niveau de connaissance et n'apprécie pas le risque de la même façon, vous dites qu'il faut protéger les dépôts effectués ou toute forme d'argent devant être reçu. C'est très vaste.

M. Fruitman: Effectivement, mais d'un autre côté on peut se retrouver dans une situation semblable à celle de Livent. Si ce genre de problème se reproduisait fréquemment, les consommateurs qui, dans leur état actuel de naïveté, effectuent ce genre d'achat librement, en viendront rapidement à se convaincre que de telles transactions sont risquées. Cela pourrait changer la façon dont nous achetons nos billets et d'autres produits de vente au détail. Allons-nous réclamer autre chose? Dès qu'on tient compte de l'autre point de vue, les modus operandi du monde commercial ne tiennent plus.

Le sénateur Massicotte: Que se passe-t-il dans le cas d'un projet de condominiums? Les constructeurs de condominiums peuvent vendre d'avance 60 ou 70 p. 100 des unités de logement et ils prennent des dépôts sur chaque unité. Que se passe-t-il si, pour une raison ou une autre, le promoteur ne peut terminer les travaux? Est-ce que les dépôts sont protégés?

M. Fruitman: Je crois qu'ils sont protégés en vertu de lois provinciales. Il s'est récemment produit un cas, en Ontario, portant sur une convention d'achat qui renfermait une clause stipulant que si le promoteur ne terminait pas le projet dans une période donnée, le dépôt serait remboursé. Dans ce cas, le promoteur a délibérément retardé la fin des travaux parce que les prix augmentaient.

Le sénateur Massicotte: L'argent déposé est sensé être placé en fiducie. Je me trompe?

M. Fruitman: L'affaire s'est compliquée.

Le sénateur Massicotte: Recommandez-vous de reprendre cette formule pour les autres relations commerciales avec des consommateurs, autrement dit que l'argent soit versé dans une fiducie? Cela revient à dire qu'il ne s'agirait pas de l'argent de la société.

M. Fruitman: C'est effectivement ce que je recommande. Je ne dis pas forcément que c'est le mécanisme qu'il faut appliquer. Tout dépendra de ce qui est logique en fonction de telle ou telle organisation. Je ne veux pas imposer de fardeau sur les établissements commerciaux qui traitent avec des consommateurs.

Le sénateur Prud'homme: Je voudrais vous dire très brièvement que je suis impressionné par le travail de l'Association des consommateurs du Canada dont je suis un inconditionnel. Pour oublier un peu les questions de robes et de bagues, je dois vous dire que j'ai été très impressionné par le ton général des réponses que vous avez données aux questions très astucieuses de mes collègues. Je suis nouveau à ce comité. Ce n'est pas un domaine dans lequel je suis très compétent et je me contenterai de dire que, si je devais prendre la part de quelqu'un, ce serait celle des consommateurs, parce que je sais comment les choses fonctionnent de l'autre côté. J'ai été élu il y a 30 ans et l'Association des consommateurs du Canada n'a jamais manqué d'argent dans ma circonscription, parce que je suis au courant de l'immense travail qu'elle a effectué pour protéger les consommateurs, malgré le peu d'argent dont elle dispose. Certains commerces baignent dans l'argent et peuvent se payer tous les avocats qu'ils veulent. Je ne veux pas critiquer ma profession, mais j'estime qu'il devrait y avoir un équilibre.

Aujourd'hui, on nous incite à acheter d'avance pour bénéficier d'un prix réduit au point que les gens s'attendent à obtenir beaucoup avec peu d'argent. Pour certains autour de cette table, cela n'est peut-être pas très important, mais ce l'est pour moi. Les sénateurs Angus, Oliver et Kroft sont des spécialistes de la question et je suis certain qu'ils auront bien compris le message. Vous n'obtiendrez pas forcément ce à quoi vous vous attendiez à l'occasion de cet examen. Selon moi, vous avez soulevé suffisamment de doutes pour que nous fouillions davantage ce sujet qui est nouveau pour moi. Il est essentiel de miser sur la protection des consommateurs. Les commerçants ont les moyens de payer pour se défendre, mais les consommateurs doivent passer en premier. Je tiens à vous remercier, monsieur Fruitman.

M. Fruitman: Permettez-moi de revenir sur deux ou trois choses que vous avez soulevées. Vous avez dit que vous êtes relativement nouveau à ce comité et que vous n'êtes donc peut-être pas aussi au courant de ces questions-là que les autres membres. Eh bien, permettez-moi de vous dire que vous venez d'exprimer un point de vue que l'on retrouve souvent chez les consommateurs. Il arrive qu'on ne sache pas ce que l'on fait ou qu'on ne s'en rende pas compte. Toutes les personnes assises dans cette salle sont bien renseignées, elles possèdent un minimum de connaissances sur la façon dont fonctionne cette loi. Nous ne sommes certainement pas dans la situation du consommateur moyen qui ne sait pas ce qui risque de lui arriver à l'occasion d'une transaction.

Autre chose. Si nous pouvions obtenir plus de fonds, nous pourrions effectuer davantage de recherches.

Le sénateur Prud'homme: Je vais vous dire une chose: je ne «recommande» rien et je ne formule pas de «conseils» non plus. J'estime que ces mots ont parfois une connotation arrogante. En revanche, je vous suggère de vous adresser à un nouveau champion des associations de consommateurs, qui siège parmi nous depuis hier, je veux parler du sénateur Plamondon qui a été nommée hier pour représenter le Québec à titre indépendant.

M. Fruitman: Oui, j'en ai entendu parler.

Le sénateur Prud'homme: Mes collègues ne l'ont pas encore vue en action et il est possible qu'elle me remplace un jour comme «indépendante de service», parce que certaines règles interdisent la présence de deux indépendants à un même comité. Je vous recommande de la contacter et de lui faire part de votre point de vue. Elle est déjà à l'écoute. Elle viendra éventuellement nous rendre visite, parce que n'importe quel sénateur peut prendre place dans cette salle, mais elle n'aura pas le droit de voter tant qu'elle ne sera pas membre du comité. Le sénateur Plamondon écoutera ce que vous avez à lui dire.

M. Fruitman: Ce pourrait être intéressant. Je connais le sénateur Plamondon et c'est vrai qu'elle est une tigresse pour les consommateurs.

Le président: Je vais faire une remarque, histoire de compliquer un peu les choses. J'ai l'impression que vous faites un lien automatique entre les mots «particulier» et «consommateur» pour décrire la personne qui traite avec une société. Cependant, les relations entre entreprises soulèvent bien des problèmes aussi. Il y a des milliers de PME, constituées ou non en société, qui par choix ou par nécessité traitent avec de grandes entreprises en qualité de fournisseurs ou de clients. Je vous exhorte à ne pas supposer a priori, uniquement parce qu'elles ont toutes les apparences d'une entreprise, que ces PME connaissent parfaitement les sociétés avec lesquelles elles traitent. On peut trouver les mêmes problèmes au niveau des PME.

Je sais, étant donné votre travail, que vous traitez surtout avec les consommateurs qui sont des particuliers ou des familles, mais la question ne se limite pas à eux et il existe des relations beaucoup plus complexes.

M. Fruitman: Je suis au courant, parce que j'ai moi-même été petit entrepreneur et je suis conscient des déséquilibres qui existent dans le genre de transactions commerciales que vous avez décrites. Encore une fois, je fais la distinction et même si l'on est en présence d'une petite entreprise d'un côté et d'une grosse de l'autre, d'une entreprise enregistrée et indépendante face à une énorme société, il demeure qu'il s'agit toujours de transactions entre entreprises. Je continue à faire cette distinction. Un petit entrepreneur ne connaîtra pas forcément tout, mais il doit au moins être conscient qu'il effectue une transaction commerciale. S'il a un doute quelconque, il peut toujours s'adresser à des conseillers. C'est, malheureusement, le prix qu'il faut payer pour être en affaires. Je fais la différence entre ceux et celles qui sont de simples consommateurs, d'une part, et ceux qui effectuent des transactions entre entreprises, d'autre part. Je reconnais que ce problème existe aussi à ce niveau.

Le président: D'un autre côté, les consommateurs peuvent décider d'acheter ou de ne pas acheter un article, mais une petite entreprise n'aura pas forcément le choix dans l'achat des matières premières dont elle a besoin. Il y a des problèmes aux deux niveaux. En revanche, je comprends la façon dont vous définissez les enjeux selon les points de vue que vous défendez.

Merci de vous être rendus à notre invitation.

Notre prochaine table ronde sera constituée de représentants du Congrès du travail du Canada, des Métallurgistes unis d'Amérique et des Travailleurs canadiens de l'automobile.

Vous pouvez commencer.

M. Bob Baldwin, directeur, Politique sociale et économique, Congrès du travail du Canada: Honorables sénateurs, merci de votre invitation. Le Congrès du travail du Canada est une fédération qui représente 65 syndicats et quelque 2,5 millions de membres, de tous les secteurs de l'économie et de partout au Canada. Nous vous avons fait remettre notre mémoire et j'espère que vous avez eu l'occasion de l'examiner. Il renferme plusieurs recommandations. Si ces recommandations étaient mises en œuvre, nous améliorerions considérablement la situation des employés syndiqués dans des cas de faillites d'entreprises. Toutes ces recommandations partent du principe que les employés d'entreprises en faillite sont particulièrement vulnérables dans ce genre de situation, parce que leur salaire et leur fonds de retraite sont menacés.

Je vais céder la parole à M. Yussuff.

M. Hassan Yussuff, secrétaire-trésorier, Congrès du travail du Canada: Honorables sénateurs, merci de cette occasion que vous nous donnez de prendre la parole. Nous espérons que nos mémoires sauront alimenter vos débats sur la nécessité d'apporter des changements à la Loi sur la faillite.

Nous vous avons fait remettre plusieurs recommandations. Il existe d'excellentes raisons pour lesquelles il convient d'accorder plus de poids aux demandes émanant des employés d'une entreprise en faillite. Actuellement, quand il y a faillite d'entreprise, les travailleurs n'ont pas le même poids que les autres créanciers ni même que les cadres supérieurs. Contrairement aux autres créanciers, les travailleurs ne sont pas en mesure de négocier les conditions en vertu desquelles ils pourraient être créanciers de l'employeur. Contrairement aux créanciers, ils ne sont pas en mesure d'évaluer les risques qu'ils vont devoir assumer. Contrairement aux créanciers, ils ne peuvent garantir les obligations de l'employeur par le truchement d'une créance garantie. Contrairement aux cadres supérieurs de l'entreprise en faillite, ils n'ont pas droit à des indemnités de départ, on ne leur donne pas de parachute doré grâce à l'argent mis de côté dans des comptes en fiducie dès lors protégés en cas de faillite.

Dans notre mémoire, nous formulons plusieurs recommandations en vue de réformer la législation: donner aux syndicats et aux employés un préavis des requêtes initiales déposées sous le régime de la LACC ou de la LFI; codifier la reconnaissance des syndicats et des employés en tant que parties intéressées dans les procédures en vertu de la LACC et de la LFI; 3) donne aux syndicats le droit à la communication de renseignements financiers et d'autres renseignements pertinents; exiger que les compagnies paient les frais juridiques engagés par un syndicat ou par les employés non syndiqués.

Pour permettre la mise en œuvre de ces revendications dans le cadre de procédures d'insolvabilité, nous avons ajouté certaines recommandations destinées à protéger les salaires qui, sinon, seraient perdus pour les employés à cause de la faillite: élargir la définition du terme «salaire» pour y inclure les indemnités de départ et de cessation d'emploi; donner au salaire une priorité plus élevée que celle qui est accordée aux réclamations des créanciers garantis; augmenter le montant des salaires ayant priorité à une somme d'au moins 20 000 $; exiger qu'une valeur soit attribuée aux concessions consenties par les syndicats et que cette valeur soit considérée comme créance non garantie; créer un régime de protection des salaires relevant de la compétence du gouvernement fédéral pour payer la différence entre la valeur totale des salaires dus et le montant qui peut être versé sur l'actif de la compagnie.

S'agissant de la dernière proposition, il convient de rappeler qu'un document de consultation émis par Industrie Canada au début de votre examen comporte un bref rappel historique concernant les tentatives déployées en vue de créer un fonds pour salariés. Il est décevant de constater que ce fonds n'a pas encore été créé mais ce genre de raté montre bien que les salariés sont effectivement très vulnérables en cas de faillite.

Comme une partie de la caisse de retraite risque de disparaître à l'occasion d'une faillite, nous avons formulé aussi des recommandations visant, pour l'une, à donner aux réclamations pour arrérages de cotisations aux fonds de pension et aux manques à gagner une priorité plus grande que celle accordée aux réclamations des créanciers garantis et, pour la deuxième, de créer un régime fédéral d'assurance pour la pension afin de protéger pleinement les droits des travailleurs à une pension. Nous vous invitons à considérer la dernière proposition comme faisant partie d'un ensemble de changements qui permettraient d'améliorer la protection des droits à une pension.

Enfin, nous avons recommandé que la LFI et la LACC soient modifiées en sorte de bien préciser que les procédures entreprises en vertu de ces lois ne créent pas d'exemption par rapport aux autres lois sur le travail ou autres textes réglementaires.

Encore une fois, merci de nous avoir donné la possibilité de vous faire part de notre position.

M. Lawrence McBrearty, directeur national, Métallurgistes unis d'Amérique: Malheureusement, notre syndicat connaît trop bien les effets de la loi canadienne sur les entreprises en périodes de crise économique, la LACC et la LFI. Dans l'ensemble, notre expérience a été défavorable. Par exemple, ces dernières années, nous avons beaucoup eu affaire à la LACC, deux fois avec Algoma Steel et une fois avec Consumer Glass et Ontario Fixtures. Nous sommes actuellement aux prises avec deux autres cas: Slater, qui concerne aussi les TCA, et un autre qui remonte à pas plus tard qu'hier, soit celui d'Ivaco qui a des usines au Québec et en Ontario et qui est également présente aux États-Unis. Pour ceux et celles qui lisent les journaux, et je suis certain que c'est le cas ne serait-ce que pour prendre connaissance des cours de la bourse, je suppose que Stelco n'est qu'un point d'interrogation.

Malheureusement, pour les mêmes raisons que celles mentionnées par mon confrère, notre expérience jusqu'ici n'a pas été extraordinaire. Je me propose de traiter séparément de la LACC et de la LFI, mais j'estime que les enjeux soulevés par ces deux mesures sont étroitement liés pour les travailleurs, leurs collectivités et leurs familles.

Dans le cas de la LACC, je dois vous dire que les métallurgistes appuient pleinement l'objectif de la politique gouvernementale qui sous-tend la mesure législative et nous appuyons donc le but visé par les concepteurs de la loi. En outre, il est inutile de préciser que, dans les cas de situations financières difficiles des entreprises, les travailleurs, dont le gagne-pain dépend de l'existence de leur employeur, ont directement intérêt à ce que celui-ci réussisse. Il s'ensuit que toute modification à la LACC et à la LFI qui consoliderait la position des travailleurs et de leurs représentants dans le processus appliqué par ces lois sera immanquablement un progrès sur le plan de la politique gouvernementale défendue dans la LACC.

En ce qui concerne plus précisément la LACC, nos principales préoccupations ont trait à l'information relative au processus, à l'accès à ce processus et aux obligations des employeurs qui fonctionnent sous la protection de la LACC. Les employés et les syndicats qui les représentent sont directement touchés par le processus imposé par la LACC et par les résultats qu'ils donnent. En conséquence, les sociétés qui s'adressent aux tribunaux pour se mettre sous la protection de la LACC devraient être obligées d'en aviser les représentants des employés au moment où elles formulent leur première demande.

Par exemple, j'ai dû me rendre devant un tribunal mardi matin à 10 h dans le cas d'Ivaco. On m'a informé à 21 h 15 la veille que la société irait en cour le lendemain matin pour se placer sous la protection de la LACC. Il m'a fallu, tout seul, dénicher un avocat spécialiste dans le domaine et préparer notre argumentation. Nous n'avons reçu les documents de la compagnie que vers 23 h le lundi et nous devions être en cour le lendemain matin. Tous les autres intervenants avaient été informés deux ou trois jours avant.

Le droit d'un syndicat de participer au processus n'est valable que si le syndicat peut être représenté par des conseillers spécialisés durant tout le déroulement du processus. Or, les coûts de leurs services sont souvent prohibitifs pour nombre de syndicats et de travailleurs. Notre syndicat est souvent la seule partie au processus dont les services des conseillers et des avocats ne sont pas financés par le fonds de la société qui s'est mise sous la protection de la cour. C'est injuste. Dans les cas où un agent négociateur accrédité est engagé, les dispositions pour le paiement des conseillers et des avocats devraient être identiques à celles qui ont été convenues pour toutes les autres parties.

À notre avis, les tribunaux ne devraient pas avoir le droit, sous prétexte qu'il s'agit de la procédure convenue dans la LACC, de s'ingérer dans le fonctionnement des ententes convenues librement par le truchement de la négociation collective et ainsi d'entraver les droits de nombreux travailleurs. Comme le comité le sait, les syndicats ont démontré, en période de crise véritable, qu'ils sont capables de faire preuve de sens des responsabilités et d'agir dans l'intérêt supérieur de leurs membres en acceptant d'apporter à la convention les modifications nécessaires pour permettre à l'employeur de survivre. Ce type de coopération devrait être privilégié plutôt qu'une méthode qui supprime les droits des travailleurs d'un trait de plume et fait fi de la préséance de la négociation collective.

En outre, il est essentiel que les obligations de l'employeur soient mieux définies eu égard aux pensions. À l'heure actuelle, il n'existe pas de règle fixe pour le traitement des obligations en matière de pension. Dans la législation sur les pensions, il est clair que le fonds doit continuer de croître pendant que la société est sous la protection de la LACC, mais les tribunaux n'ont pas toujours exigé que les sociétés continuent à contribuer au régime de pension de leurs employés. Les ordonnances rendues en vertu de la LACC exigent que les salaires continuent à être versés aux employés; il n'y a pas de raison pour que la LACC ne prévoie pas explicitement la protection des fonds de pension qui sont, après tout, des salaires différés.

Comme nous le verrons tout à l'heure, nous croyons que la LFI devrait être modifiée de façon à donner priorité absolue (immédiatement après les taxes fédérales et provinciales) aux dettes non provisionnées relatives au régime de pension. Cela atténuerait le problème des contributions au régime de pension au cours de la restructuration et faciliterait le processus.

Pour ce qui est de la LFI, nous croyons qu'un certain nombre de changements doivent être apportés. Actuellement, seuls les salaires non payés sont reconnus comme des obligations prioritaires. En outre, dans la plupart des ressorts au Canada, les fermetures pour cause de faillite donnent lieu à une réclamation de paies de vacances non payées, qui peuvent être obtenues des administrateurs de la société. Nous croyons que la portée et la nature de la protection offerte aux travailleurs dans les cas de faillite sont totalement inadéquates.

De façon générale, deux types de solution ont été proposés sur la question des réclamations formulées par les travailleurs non payés, dans les cas de faillite, soit la priorité absolue et le fonds de protection des salariés. Nous croyons que la Loi canadienne sur la faillite devrait prévoir ces deux types de disposition. Plus précisément, la loi devrait accorder la priorité aux réclamations de salaires, paies de vacances, indemnités de départ et de fin d'emploi et toute somme qui n'a pas été versée dans le fonds de pension. Parallèlement, la loi devrait établir un fonds de protection des salariés qui garantirait le versement rapide des salaires, paies de vacances et indemnités de départ et de fin d'emploi, en attendant le règlement final des questions relatives à la faillite et à l'insolvabilité.

À notre avis, l'établissement des priorités de la façon décrite ci-dessous et l'adoption d'un fonds de protection des salaires permettraient d'atteindre quatre objectifs importants. Premièrement, cela éliminerait les incroyables délais de règlement qui caractérisent le processus appliqué en cas de faillite. Les travailleurs ne sont pas comme les autres créanciers. Pour la plupart des créanciers, le temps est simplement de l'argent. Pour les travailleurs, le temps peut faire la différence entre se trouver un nouvel emploi ou se retrouver dépendant de l'assistance sociale.

Deuxièmement, en ce qui a trait plus précisément aux indemnités de départ et de fin d'emploi, cela éliminerait un travers propre à beaucoup de règlements, dans l'état actuel des choses. On constate souvent, dans le cas de faillite et de procédures propres à la LACC, que les règlements de départ pour les cadres supérieurs ont été protégés par les tribunaux grâce à la création de fiducies ou simplement par l'établissement des priorités, tandis que les simples travailleurs n'ont plus rien. Le fait d'accorder la priorité aux indemnités de départ assurerait un meilleur équilibre.

Troisièmement, cela protégerait le trésor public. Le responsable du fonds de protection obtiendrait un droit de subrogation pour recouvrer, au cours de la procédure de faillite, une partie ou la totalité de la somme des paiements qu'il aurait versés aux travailleurs touchés en indemnités de départ et de fin d'emploi, en paies de vacances et en salaires.

Quatrièmement, cela pourrait aider à propager l'idée d'un fonds de garantie de prestations de retraite hors de l'Ontario. Une disposition sur la faillite donnant priorité absolue aux dettes non provisionnées relatives au régime de pension pourrait permettre au responsable du fonds de recouvrer une partie ou la totalité des sommes déjà engagées par subrogation des droits des membres.

Nous n'acceptons pas l'idée que la priorité absolue et la protection des salaires des travailleurs soient considérées comme des substituts réciproques. Nous croyons que nous n'obtiendrons des résultats convenables pour les travailleurs, les contribuables et le grand public que si deux solutions s'appliquent concurremment.

Dans l'ensemble, ces suggestions visant à renforcer la position des travailleurs dans les cas de faillite et d'insolvabilité permettraient d'atteindre deux objectifs importants. Advenant la faillite complète, il y aurait, pour les travailleurs, une mesure de justice qui respecterait leurs droits et tiendrait compte des conséquences financières que cela aurait pour eux. Par ailleurs, en renforçant les droits des travailleurs dans la LFI, ces modifications feraient augmenter le pouvoir de négociation des travailleurs dans le processus prévu par la LACC. Ainsi, les sociétés en mauvaise situation financière auraient plus de chances de connaître une réorganisation fructueuse.

Dans notre économie ouverte et concurrentielle, il est inévitable que des sociétés soient parfois en mauvaise posture financière. Les résultats de ces périodes de crise sont toujours difficiles pour toutes les parties intéressées. Les modifications législatives ne peuvent rien changer à cela. Cependant, elles peuvent changer deux choses. Elles peuvent modifier la balance des pouvoirs et favoriser la restructuration d'une société de manière à donner plus de poids aux intérêts qui vont dans le sens de l'intérêt public et à donner plus de chances à cette société de se transformer en entreprise viable. Elles peuvent aussi redistribuer les répercussions douloureuses entre toutes les parties intéressées de manière que ceux qui sont les moins capables de les absorber soient protégés dans toute la mesure du possible.

Je terminerai en vous donnant un exemple de la façon dont nous considérons la question des fonds de pension que les employeurs n'ont pas provisionnés au fil des ans et qui accusent maintenant, dans le cas des trois entreprises qui viennent de fermer leurs portes, des trous de 6 millions, de 7 millions et de 100 millions de dollars au point que d'anciens retraités, des gens qui ont pris leur retraite il y a plusieurs années, voient leur chèque de retraite réduit de 20, 40, 50 voire dans certains cas 60 p. 100. C'est une honte et j'espère que nous allons avoir une discussion franche à ce sujet.

M. Lewis Gottheil, avocat, TCA-Canada: Merci de nous avoir donné l'occasion de prendre la parole devant votre comité. Comme vous le savez peut-être, les Travailleurs et travailleuses canadien(ne)s de l'automobile représentent le plus important syndicat du secteur privé au Canada puisqu'il compte plus de 255 000 membres qui vivent et travaillent dans toutes les provinces et dans tous les territoires. Malheureusement, notre syndicat, lui aussi, a eu à subir les effets de plusieurs faillites au fil des ans sous le régime de la LACC ou de la Loi sur la faillite et l'insolvabilité. Ainsi, il y a 18 mois environ, nous avons pu constater ce que donnait l'application de la LACC dans le cas de la faillite d'un fournisseur de pièces automobiles en Ontario, la Compagnie A.G. Simpson. Comme on vous l'a dit il y a un instant, nous sommes actuellement aux prises avec une procédure en vertu de la LACC concernant une aciérie à Welland, en Ontario, la Slater Steel. Les membres du comité le savent, notre syndicat et plusieurs autres ont pris part aux procédures découlant de l'application de la LACC dans le cas d'Air Canada.

Ces procédures, surtout avec Air Canada, ont fait ressortir plusieurs travers de la LACC et je me propose de profiter de cette occasion pour vous en parler.

Nous formulons essentiellement trois recommandations. La première concerne l'information des parties. Je tiens à rappeler ce qui vous a été dit tout à l'heure au sujet de l'importance qu'il y a d'aviser les agents négociateurs, les syndicats et les travailleurs en cas de projet de recours à la LACC devant les tribunaux ou d'engagement des procédures. À l'expérience, malheureusement, nous avons constaté que notre syndicat a eu vent des procédures entreprises en vertu de la LACC à la lecture d'un article d'un journal local, grâce à la radio ou, à l'occasion, par un appel de courtoisie de l'employeur, le plus souvent après coup. Je tiens à dire qu'il faut mettre un terme à ce genre de procédé.

Il faut absolument que les ordonnances rendues en vertu de la LACC ou les ordonnances de faillite suggèrent que l'agent négociateur agréé et le représentant exclusif des travailleurs ainsi que les employés reçoivent un préavis raisonnable du dépôt de la demande de protection de la Loi sur la faillite ainsi que tous les documents y afférents. Aujourd'hui, la LACC n'impose à l'employeur qui fait une demande aucune obligation légale de fournir un tel préavis. Pourtant, il serait logique de le faire. Outre qu'une telle façon de procéder serait conforme à notre sens de l'équité et aux principes de la justice naturelle, il serait logique d'informer d'avance l'agent négociateur et les travailleurs. Ces deux parties représentent de nombreuses personnes et sont un élément important du processus. Un juge chargé d'examiner une demande de protection de la LACC ou une demande de faillite ne peut que bénéficier du point de vue d'acteurs importants au processus. J'irai jusqu'à dire que cela faciliterait son travail à l'étape de la formulation d'une ordonnance et qu'ainsi le juge pourrait émettre une ordonnance tenant compte de la situation dans le milieu de travail. Ne serait-ce que pour cette raison, outre le fait qu'un tel préavis irait dans le sens de notre conception de l'équité et de la transparence, il faciliterait la tâche des tribunaux qui rendraient aussi de meilleures décisions.

Ensuite, je me propose de vous parler de ce qu'un juge ne devrait pas préciser dans son ordonnance, après avoir accepté d'entendre la demande. Je veux ici parler d'un aspect qu'il conviendrait de préciser à l'occasion de la révision de la LACC ou de l'introduction d'amendements. Ce genre d'ordonnance ne devrait pas accorder de suspension des procédures devant un tribunal administratif, ou de sursis, dans le cas des droits des employés, c'est-à-dire des droits de la personne, des normes du travail, des procédures d'arbitrage des griefs ainsi que des procédures touchant à la santé et à la sécurité.

Selon nous, l'actuel alinéa 11(3)b) de la LACC interdit de surseoir aux procédures non judiciaires. Nous avons expliqué les raisons de notre position dans notre mémoire. Cependant, certains tribunaux et certaines commentateurs ont estimé qu'en vertu de cette disposition, il était possible de surseoir à toute action, poursuite ou autres procédures contre la compagnie touchant au droit du travail.

Nous ne sommes pas d'accord. Nous croyons que cette disposition de la loi ne vise pas cet objectif, parce que la mesure en question n'est pas destinée à priver les employés de leur droit d'obtenir réparation, dans des délais raisonnables, pour les violations continues de leur droit au travail, du moins tant que leur employeur continue d'exploiter la compagnie.

J'estime qu'il est important de revenir aux principes d'origine et de comprendre l'objet de la LACC qui est de maintenir le statu quo, surtout parmi les créanciers et entre créanciers, d'éviter que des créanciers puissent manœuvrer pour s'assurer une position avantageuse afin de bénéficier d'un avantage inéquitable au détriment des autres créanciers. Cette loi est destinée à maintenir le statu quo et à donner du temps et de l'espace de manœuvre aux différentes parties, afin qu'elles s'organisent.

Nous estimons que la LACC n'a pas pour objet de placer la société insolvable en meilleure posture qu'elle ne l'était avant l'application de la loi en l'immunisant contre de véritables poursuites pour infraction au droit du travail. C'est ce qui se passe quand la décision rendue dans le cadre d'une poursuite pour infraction au droit du travail ne mine pas la situation financière de la société.

Nous recommandons, s'il y a un quelconque doute à ce sujet, d'apporter des modifications à la LACC afin de préciser l'intention de l'article 11 et de dire qu'il n'est pas question de surseoir pour tout ce qui concerne les droits du travail avant que le tribunal administratif ait rendu une ordonnance à l'effet contraire et que cela s'applique à toute action. En un certain sens, cela a rapport avec la dernière recommandation de notre mémoire. On pourrait intituler ce passage de mon exposé: «Ne touchez pas aux conventions collectives.»

Nous estimons que la LACC révisée ne devrait comporter aucune disposition permettant à un tribunal ou à une société insolvable de modifier une convention collective ou de la contourner d'une façon ou d'une autre à moins que le syndicat, qui est partie à la convention collective, ne consente à un tel changement. Nous nous appuyons sur une proposition essentielle voulant que le Code canadien du travail et les lois provinciales semblables régissent les droits à la négociation collective et la façon dont ces droits sont acquis, quand et comment ils sont exercés et comment et quand ils s'éteignent.

Il a été décidé que les cours supérieures n'avaient pas compétence dans ce domaine. Ce sont les commissions de relations du travail qui ont compétence, pas les cours supérieures. Le Parlement a toujours reconnu que les cours supérieures, malgré le respect qui leur est dû, n'ont ni la compétence ni l'expérience voulues pour être appelées à rendre une décision concernant les droits à la négociation collective.

Si la préservation du statu quo d'une société insolvable est l'un des principaux objectifs de la LACC, les conditions d'emploi au moment de l'ordonnance émise en vertu de la loi devraient aussi être maintenues. Ces conditions représentent le statu quo en fonction duquel les travailleurs fonctionnaient avant que l'ordonnance ne soit émise. Si les travailleurs continuent d'offrir des services à la société qui bénéficie d'une ordonnance, pendant la période de restructuration par exemple, ces services devraient être offerts selon les mêmes conditions qui s'appliquaient avant que l'ordonnance ne soit émise tout comme c'est par exemple le cas des services d'électricité, de gaz ou de communication qui doivent être offerts exactement dans les mêmes conditions que celles régnant le jour d'émission de l'ordonnance.

Cela veut bien sûr dire que toute forme de rémunération, notamment les contributions à la retraite, doivent être reversées aux employés ou leur profiter selon les conditions établies dans leur convention collective et dans la loi applicable.

D'après les retranscriptions des témoignages devant ce comité, il ressort que certains commentateurs estiment — cela peut ne pas être énoncé, du moins pas dans la loi — que la cour a automatiquement compétence pour suspendre certaines parties ou certains passages d'une convention collective et ils pensent que c'est très ben compte tenu du projet de réforme de la loi. Nous ne sommes pas d'accord.

Le concept de compétence automatique de nos cours supérieures ne prévoit pas qu'elles puissent exercer cette compétence en contravention flagrante des lois du Parlement, par exemple du Code canadien du travail. Il ne faut pas permettre que ce concept de compétence automatique prenne le pas sur les dispositions expresses des autres lois adoptées par le Parlement ou par une assemblée législative provinciale.

Nous sommes venus affirmer haut et fort que la LACC ne permet pas de tronquer ni de modifier les conventions collectives mais, en cas de doute ou si nous avons tort — mais nous ne pensons pas que tel soit le cas — nous croyons qu'il faudrait, dans le cadre des changements qu'on envisage d'apporter au projet de loi, préciser qu'un juge n'a pas compétence pour modifier unilatéralement une convention collective, pas plus qu'un employeur insolvable.

Voilà les trois points sur lesquels je désirais insister.

Le président: Eh bien, honorables sénateurs, nous venons d'être inondés de matière à réflexion.

Le sénateur Tkachuk: Dans l'un des mémoires, il est dit que les dispositions relatives à la faillite aux États-Unis sont différentes en ce qui a trait à l'avis donné aux parties. C'était, je crois, en ce qui concerne les conventions collectives. Quelqu'un pourrait-il réagir à ce sujet et nous dire où se situe la différence, ce qui est bon et ce qui est mauvais dans la façon de faire des Américains afin que nous ne reproduisions pas leurs erreurs?

M. McBrearty: Il n'y a sans doute rien de bon dans les faillites.

Le sénateur Tkachuk: Je sais.

M. McBrearty: Aux États-Unis, notre syndicat vient juste de vivre 32 cas de faillite où les sociétés ont voulu se placer sous la protection du chapitre 21 — c'est ainsi que cela s'appelle aux États-Unis — au cours des 27 derniers mois. Tout cela s'est passé dans l'industrie de l'acier qui est en pleine restructuration et dans certaines industries qui s'y rattachent.

Par exemple, pas plus tard qu'hier, je suis allé en cour avec nos avocats. Dans la demande formulée en vertu de la LACC par la société en cause, celle-ci réclamait le droit, dans sa présentation, de mettre un terme à nos conventions collectives. Elle demandait le droit de réduire les effectifs sans préavis de mise à pied, sans versement de la paie de vacances, sans indemnité de séparation et ainsi de suite, et elle voulait que la loi provinciale instaurant les normes de travail ne s'applique pas. Je suis tout à fait d'accord avec mon confrère, si un juge appelé à rendre une décision en vertu de la LACC est investi de ce genre de pouvoir, tout le monde voudra se placer sous la LACC pour s'affranchir des conventions collectives et des obligations qui en découlent.

Dans ce cas, la société veut échapper à la procédure d'arbitrage des griefs en se plaçant sous la protection de la LACC. Aux États-Unis, dès que ce droit est retiré, les travailleurs peuvent se mettre en grève. Eh bien, je suis certain que si nous voulions faire la même chose ici, nous nous retrouverions dans une toute autre situation.

Il n'y a pas une très grande différence entre le Canada et les États-Unis. Chez nos voisins, je sais, par exemple, que notre syndicat est informé tandis que les autres compagnies, au Canada, ne nous avisent pas. Dans le cas de la Slater Steel — et je suis certain que mon confrère se trouve dans la même situation parce que nos deux syndicats ont des membres dans cette société — on nous a appelés par téléphone après que la société a demandé à se placer sous la protection de la Loi sur la faillite au Canada et aux États-Unis. Que peut-on faire? Quand on est finalement prévenus, les jeux sont faits et la société est déjà en cour. Nous n'avons pas pu y aller pour protéger ce que nous aurions protégé. C'est donc quelque chose de très important pour nous.

Il y a des choses qui se font aux États-Unis. Les Américains ont une certaine culture et ils font les choses d'une certaine façon, culture qui n'est pas la même au Canada. Les choses sont quelque peu différentes ici. Aux États-Unis, les sociétés se placent sous la protection du chapitre 11 et, peu de temps après, elles invoquent le chapitre 7 qui correspond à la liquidation. Je ne pense pas que les Américains fassent quoi que ce soit que nous pourrions retenir pour modèle ici.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez dit que les travailleurs ont le droit de grève.

M. McBrearty: Oui, je crois qu'ils conservent le droit de faire grève.

Le sénateur Tkachuk: Eh bien, s'ils conservent le droit de faire grève, ils peuvent donc imposer le maintien de leur convention collective.

M. McBrearty: Si vous dépouillez la convention collective du droit de faire grief et de recourir à l'arbitrage, autant dire que vous n'avez plus de convention, parce que si l'employeur enfreint un article, vous n'avez plus aucun recours.

Le sénateur Tkachuk: Exact.

M. McBrearty: C'est la même chose avec les lois. Vous voulez faire appliquer telle ou telle mesure, mais vous n'avez aucun tribunal vers qui vous tourner et vous n'avez même plus de texte législatif sur lequel vous appuyer. Ce faisant, vous ne pouvez rien défendre. C'est la même chose dans le cas de la procédure de grief.

M. Yussuff: À la page 8 du mémoire du CTC, nous parlons plus particulièrement du système américain en vertu du code sur la faillite. Je vais inviter mon conseiller à vous répondre brièvement et nous pourrons ensuite peut-être revenir sur chaque point.

Le président: Je ne m'en prends ici à personne en particulier, mais nous n'avons pas beaucoup de temps. Je veux entendre ce que vous avez à dire, mais soyez le plus bref possible afin de nous donner l'occasion de poursuivre les échanges. Je vous remercie.

M. Murray Gold, associé, Koskie Minsky, Congrès du travail du Canada: L'expérience américaine illustre bien pourquoi il ne faut pas que les cours aient compétences pour suspendre les conventions collectives. C'est en effet une mauvaise idée, et pour trois grandes raisons. D'abord, les cours n'ont aucune connaissance technique en négociations collectives ni en relations de travail. Elles ne connaissent rien des relations de travail en général et elles en savent encore moins des relations de travail au niveau de l'entreprise. Si on les laisse se mêler d'une convention collective comportant 50 ou 75 articles, convention qui représente un équilibre délicat sur le plan des relations de travail dans l'entreprise, il y a de fortes chances pour que les choses aillent de travers.

Deuxièmement, dans ce genre de procédures, l'employeur dit: «À moins qu'on coupe ceci ou cela et qu'on fasse ceci ou cela, nous allons faire faillite. Nous allons déposer le bilan et ce sera de votre faute.» L'employeur lance ça au syndicat ou au juge. Si c'est au syndicat, celui-ci est appelé à réfléchir très sérieusement et très longuement. Les enjeux sont très importants. Il demeure que les syndicats veulent tout de même protéger ce pourquoi ils se sont battus pendant longtemps. Eux peuvent faire un choix et prendre une décision. En revanche, sans cette connaissance de l'histoire des négociations, c'est-à-dire sans savoir ce qui entre véritablement en jeu et sans vraiment comprendre tout ce qui a été écrit et tout ce qui s'est dit avec l'entreprise, un juge n'est pas en mesure de rendre une décision.

Troisièmement, c'est une mauvaise idée parce qu'aux États-Unis les juges ne s'entendent pas sur le moment ni sur la façon d'intervenir dans les conventions collectives. Ils adoptent des approches et des normes différentes et l'on baigne en pleine incertitude. À cause de cela, les procédures sont longues, elles font l'objet d'appels et il faut tout recommencer. Ce n'est pas un bon système. Je crois que l'expérience américaine nous donne trois bonnes raisons d'affirmer que c'est une mauvaise idée de donner aux tribunaux et aux juges le pouvoir de revenir sur les conventions collectives.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous parlez d'incertitude, ce mot pourrait-il être synonyme de souplesse?

M. Gold: Les tribunaux ne sont pas d'accord entre eux quant à la norme qu'il convient d'appliquer. Quand on va devant un tribunal, on ne sait pas d'avance ce que le juge va faire et on ne sait pas non plus ce qu'il va advenir au niveau de la cour d'appel parce que les deux paliers ne sont pas d'accord.

Le sénateur Massicotte: Je veux vous poser deux questions pour confirmer que j'ai bien compris. Vos exposés étaient bons et détaillés, mais complexes aussi.

Dans la dernière présentation, on nous a dit qu'il ne faudrait jamais permettre qu'une convention soit modifiée — autrement dit, qu'il faut maintenir le statu quo. Toutefois, je suppose que dans le rapport du Congrès du travail du Canada, vous citez l'exemple américain pour dire — et je vais l'exprimer dans mes propres mots — que l'employeur et le syndicat sont appelés à essayer de négocier une entente. S'il n'y a pas accord, les parties s'en remettent alors à un juge qui impose sa solution. J'aimerais savoir ce que vous recommandez au juste. Recommandez-vous la dernière formule? Est-ce possible?

M. Gottheil: Je laisserai le soin aux gens du CTC de commenter leur mémoire, mais sachez que ce n'est pas notre recommandation.

Le sénateur Massicotte: D'après ce que je vois, il s'agit de celle du Congrès du travail du Canada.

M. Gottheil: Non, moi je parle au nom des TCA.

On peut toujours faire des modifications à la convention collective, mais il faut que ce soit dans le cadre de la négociation collective et par accord mutuel. Les parties s'assoient et, après de longues nuits et de longues journées de négociation, elles en arrivent à une solution.

L'expérience d'Air Canada en est la preuve. Dans ce cas, les parties se sont assises et ont négocié les changements qui ont été apportés par la suite. La négociation collective fonctionne. J'adhère à ce qu'a dit mon confrère. Il a tout à fait raison. La négociation collective peut fonctionner. Même quand la route est cahoteuse, nous estimons aussi qu'il ne faut pas donner à un juge le pouvoir de modifier la convention collective.

Le sénateur Massicotte: Vous êtes tous d'accord sur ce point. Cela étant, j'ai sûrement mal lu le document. Le processus est destiné à éviter la faillite et le statu quo n'est donc pas possible. Le statu quo, c'est l'insolvabilité. Tout le monde doit céder du terrain et chercher une solution pour le bien-être de tous les intervenants, notamment le vôtre.

Comment y parvenir? On ne peut pas asseoir tout le monde à la table des négociations. Il faut permettre le recours à une tierce partie si tout le monde peut s'en porter mieux. C'est cela l'objet de la LACC. Mais comment y parvenir?

M. McBrearty: Ce que nous disons. Quand nous nous retrouvons devant un tribunal dans le cadre de l'application de la LACC, nous sommes en présence de banquiers, de fournisseurs et de bien d'autres. Nous estimons être couverts par des conventions collectives et qu'en vertu de la LACC, le juge ne devrait pas être investi du pouvoir voulu pour modifier son ordonnance — et nous croyons d'ailleurs qu'il ne l'est pas.

Le sénateur Massicotte: Je le comprends.

M. McBrearty: Nous voulons sortir de là avec nos conventions collectives. Dans l'affaire d'hier, le juge a émis une ordonnance prévoyant que tout serait examiné dans le cadre de la restructuration, même la convention collective qui devrait être renégociée. Normalement, nous renégocions les conventions avec l'employeur dans le cadre de la procédure, mais il ne faut pas nous l'imposer au point qu'au sortir d'un tribunal nous ne devons pas nous retrouver avec une convention collective automatiquement modifiée.

Le sénateur Massicotte: Rafraîchissez-moi la mémoire. Pourquoi cette partie prenante devrait-elle avoir un droit différent de celui de la banque ou du propriétaire de l'immeuble, par exemple? Dans votre mémoire, vous soutenez qu'il n'y a pas d'égalité dans la négociation et que vous n'êtes pas en mesure de vous protéger adéquatement, ce qui vous amène à demander à être considéré comme créancier garanti. Cela résume-t-il assez justement votre position?

M. Yussuff: Il serait également juste de suggérer que le syndicat et les travailleurs qu'il représente ne sont pas intéressés à ce qu'une entreprise fasse faillite. Nous risquons beaucoup. Nous voulons assurer la viabilité de l'employeur. Il serait illogique que nous nous rendions devant un tribunal pour jouer aux dés. On devrait nous dire: «Nous nous trouvons dans une situation difficile, mieux vaut, dans les circonstances, voir comment nous allons pouvoirs nous en sortir au mieux.» Nous ne voulons absolument pas, dans le cadre d'une procédure de faillite, que nos emplois disparaissent, que notre caisse de retraite soit insolvable et nous ne voulons pas nous demander d'où nous viendra notre prochain chèque de paie. Il est essentiel de soupeser les intérêts des travailleurs d'un côté, dans le cadre de ce processus, et ceux des autres créanciers.

Le sénateur Massicotte: J'ai vu certains chiffres et j'ai constaté que les sommes perçues par les banques sont beaucoup plus élevées que ce que peut donner une faillite. Il en va de l'intérêt de tout le monde de restructurer les sociétés. Dans le cas que vous avez cité, il ne faudrait rien toucher, ni même s'adresser à une tierce partie susceptible d'imposer un règlement différent de vos conventions collectives.

M. Gold: Comme vous le savez, la LACC stipule que les tribunaux ne peuvent modifier les conditions énoncées dans un contrat quel qu'il soit. La question qui se pose ici est la suivante: un tribunal peut-il stipuler les conditions afférentes à une convention collective? Certains diront qu'il n'est pas possible de fixer les conditions d'un bail, pas plus que celles associées à la prestation de services par un fournisseur ou celles rattachées à un bail mais que les tribunaux peuvent effectivement fixer les conditions dans lesquelles les travailleuses et travailleurs canadiens offrent leurs services. Il est absolument anormal, dans le contexte de la LACC, d'isoler un type de contrat constitué par les conventions collectives pour donner la possibilité à un juge qui ne connaît pas grand-chose aux relations de travail ni aux tenants et aboutissants financiers d'une entreprise, le pouvoir de réécrire la convention. C'est tout à fait anormal. Si l'on permettait cela, les travailleurs deviendraient des citoyens de seconde classe par rapport aux autres participants à la restructuration de l'entreprise insolvable. Tous les participants peuvent dire «je suis prêt à négocier et à offrir mes services à un prix inférieur parce que l'entreprise est en détresse» ou encore «je ne suis pas prêt à négocier mon prix et je me retire.»

Le sénateur Massicotte: Je crois comprendre ce que vous voulez dire.

Vous avez parlé d'assurance, mais aussi d'accorder une priorité absolue aux salaires et aux indemnités de départ n'ayant pas été réglés ainsi qu'à d'autres éléments de la rémunération. Vous avez dit qu'une assurance est déjà offerte en Ontario et aux États-Unis. Y a-t-il d'autres pays où l'on accorde une priorité absolue aux éléments de rémunération sans que la loi en vigueur renferme des dispositions relatives à l'assurance?

M. Baldwin: J'ai effectué un peu de recherches cet après-midi pour trouver des exemples de pays offrant une assurance destinée à protéger les salaires. Le document que j'ai consulté contenait la réponse à votre question, malheureusement je suis passé par-dessus, parce que je pensais à autre chose. Je serai heureux de vous communiquer cette information plus tard. Je sais que l'OIT s'intéresse de près à cela dans le cadre de son programme de suivi de sa convention relative au versement des salaires dans les cas d'insolvabilité. Je serai heureux de vous transmettre cette information par l'intermédiaire de votre greffier.

Le sénateur Massicotte: Ce sera apprécié.

Le président: Communiquez-nous cette information en même temps que certains coûts associés au régime.

M. Baldwin: Si cela existe, je serai heureux de communiquer au greffier toute l'information que je pourrai obtenir de l'OIT. Je sais que cette organisation s'est intéressée à cela.

M. Gold: Le CTC aussi s'est intéressé à cette question de près. Dans de nombreux pays, les autorités ont veillé à garantir le financement des pensions pour éviter des problèmes à cet égard. Ainsi, en Hollande, les entreprises sont tenues de produire des rapports mensuels. Au Canada, les évaluations actuarielles des régimes de pension sont exigées aux trois ans. De gros déficits peuvent se produire en trois ans. Dans d'autres pays, il est nécessaire de produire des rapports plus fréquemment pour que les problèmes soient repérés plus tôt, qu'ils n'atteignent pas la même ampleur et que les trous éventuels puissent être comblés plus vite. Ainsi, les souscripteurs à ces régimes ne deviennent pas autant de créanciers qu'ici au Canada où la situation peut vraiment se dégrader en trois ans.

Le sénateur Moore: Monsieur McBrearty, vous nous avez dit que vous étiez en cour, hier. Le juge a déclaré qu'il fallait rouvrir votre convention collective. C'est bien ce que j'ai compris de ce que vous nous avez dit? Cela s'est-il passé au Canada ou aux États-Unis?

M. McBrearty: J'étais à Toronto, dans la cause d'Ivaco. La compagnie a obtenu une ordonnance pour se placer sous la protection de la LACC.

Les documents déposés par l'avocat de la compagnie étaient on ne peut plus clairs puisqu'on pouvait y lire qu'elle se savait obligée, en vertu de la loi — comme mon confrère l'a dit plus tôt — de payer les salaires si les gens continuaient de travailler, mais elle demandait aussi qu'on lui donne le pouvoir de suspendre la convention collective. Dans ce même document, la compagnie demande de pouvoir fermer ses portes, de vendre ses actifs ou de dégraisser ses effectifs. En cas de dégraissage, la compagnie ne serait pas tenue de donner un préavis en vertu de la convention collective qui aurait été suspendue et elle ne serait pas non plus obligée de se plier aux lois régissant les normes du travail — dans ce cas celles de l'Ontario et du Québec — ni de verser les indemnités de départ et les paies de vacances. Toutes ces demandes sont formulées dans le document de la compagnie.

Pour en revenir à la question du préavis, il faut dire que si je n'avais pas été informé très tard le soir, je n'aurai pas su avant la veille au matin que la compagnie voulait se placer sous la protection de la LACC. L'avocat de la compagnie n'aurait jamais défendu le syndicat. Je suis certain que ni la Banque nationale, ni la Banque de Nouvelle-Écosse, ni la TD, ni aucun des créanciers n'aurait défendu le syndicat. La compagnie serait sortie de cette audience et, à 16 h cet après-midi là, nous nous serions retrouvés sans convention collective. Nous n'aurions pas su ce qu'il allait advenir de nous. Nous serions sans doute sur un piquet de grève aujourd'hui, parce qu'il ne nous serait rien resté.

Comme mon confrère l'a dit, dans la plupart des cas, nous n'apprenons la faillite des entreprises dont nous représentons les travailleurs qu'à la lecture des journaux. Nous ne sommes pas invités à venir défendre notre position ni à faire part d'observations.

Dans le cas présent, nous n'avons pas pu faire d'observation. Le document définitif n'est pas encore rédigé. Le juge nous a simplement dit, en ce qui concerne le syndicat, que rien ne changerait que nous pourrions faire grief mais pas nous prévaloir de l'arbitrage sans nous représenter devant lui pour qu'il nous en donne l'autorisation.

Ce matin, les représentants de la compagnie nous ont dit qu'ils n'étaient même pas certains de pouvoir payer les indemnités de départ, s'il fallait en venir à cela. Il y a aussi des retraites qui sont non provisionnées. C'est une véritable pagaille quand on se retrouve dans ce genre de situation.

Le sénateur Moore: Comment se fait-il que des pensions soient non provisionnées?

M. McBrearty: C'est simplement parce que la compagnie arrête de cotiser.

Le sénateur Moore: J'ai entendu parler de chiffres assez impressionnants. Comment cela se passe-t-il dans votre cas?

M. Yussuff: Comme vient juste de le dire mon voisin, les employeurs sont tenus de respecter certaines exigences légales et de se conformer à un délai fixé par les lois qui les régissent, provinciales ou fédérales. Il y a toujours un décalage dans le temps. Les employeurs disposent de trois années pour financer complètement les retraites et pour faire faire une évaluation actuarielle.

À la fin de cette période, la Commission canadienne des retraites peut toujours nous informer d'un défaut de financement et dire qu'il faut recommencer à investir dans la caisse de retraite. Dans notre cas, les exigences n'ont absolument pas été respectées. Certes, quand une entreprise est insolvable, il est trop tard pour réinvestir dans la caisse de retraite. Nous devenons donc un créancier comme tous les autres, qui essaie de composer avec le problème.

Le sénateur Moore: Faites-vous rapport une fois tous les trois ans?

M. Baldwin: Pour aller droit au but en réponse à votre question, je dirais que nous prenons conscience des défauts de financement des caisses de retraite de trois façons. D'abord, en constatant un écart par rapport à la position actuarielle estimée à l'époque de l'évaluation. Comme M. Yussuff vous l'a dit, le fait de n'exiger la production de tels rapports que tous les trois ans peut poser problème, comme ce fut le cas avec Air Canada, surtout quand on sait que ces rapports ne deviennent généralement publics qu'un an si ce n'est plus après la date d'évaluation.

Il y a deux autres indices de sous-financement des caisses de retraite qu'il convient de souligner, parce qu'ils n'ont rien à avoir avec les cas d'insolvabilité. Il y a deuxièmement, le fait que le régime de retraite doit répondre à des engagements contractés avant l'instauration d'une nouvelle prestation. Il s'agit en fait de la principale cause de sous- financement des caisses. Autrement dit, l'employeur peut décréter, à un moment donné: «nous vous avions promis 25 $ par mois et par année de service, nous vous promettons maintenant 30 $ par mois par année de service et cette nouvelle prestation s'appliquera à toutes les années accumulées avant l'entrée en vigueur de cette nouvelle disposition.» Soudainement, la caisse est fortement sollicitée parce qu'elle doit, on le comprend bien, verser de l'argent qui n'avait pas été épargné à ces fins dans le passé.

Il y a un troisième indice de sous-financement, qui rejoint la remarque de M. Gold. Quand une entreprise a des difficultés financières, elle cherche d'abord à mieux gérer ses liquidités. Elle suspend ses contributions à la caisse de retraite peut-être bien avant de devoir se placer sous la protection de la Loi sur la faillite, parce que personne ne surveille de près ce qu'elle est sensée faire sur ce plan.

Le sénateur Moore: Est-ce que dans la période de trois ans séparant deux rapports, pouvez-vous être au courant de ce qui se passe?

M. Baldwin: Vous pouvez toujours débusquer une information dans un rapport d'information annuel, mais il y a un souscripteur sur un million qui sait comment les lire.

Le président: Vous avez parlé d'iniquité et d'inégalité face à l'information. Vous n'êtes pas informé d'avance du dépôt d'une demande de protection sous la LACC. Pouvez-vous me dire qui est informé d'avance?

M. McBrearty: Mon confrère saura sans doute mieux vous répondre que moi sur ce plan. À ce que je sache, les créanciers sont informés, les banques aussi et sans doute les fournisseurs. Il est certain qu'ils sont informés avant nous. La compagnie est obligée d'informer la Bourse le jour où elle se présente devant la cour.

Le président: Corrigez-moi sur deux choses si j'ai tort. Tout d'abord, je n'ai pas l'impression que tous ces gens-là sont informés d'avance. Les organismes fournisseurs et ADRC ne sont pas informés.

M. McBrearty: Je suis certain qu'ADRC n'est pas informée et qu'elle se retrouve sans doute dans la même situation que nous.

Le président: La banque, en revanche, peut être informée parce qu'elle a un lien étroit et suivi avec la compagnie.

M. McBrearty: Dans ce cas, on nous traite comme le gouvernement et on ne nous appelle pas.

Le président: Les employés non syndiqués non plus, ne sont pas informés. Il y a beaucoup de gens qui ne sont pas informés d'avance. J'essaie de rééquilibrer un peu les choses pour mémoire, parce que nous risquons de donner l'impression que le mouvement syndical, c'est-à-dire les syndicats, est le seul qui n'est pas informé. C'est ce que j'entends ici, mais je soupçonne que vous n'êtes qu'un parmi bien d'autres qui devrait être informé des affaires de la compagnie à cette étape de ces difficultés financières. Et cela, c'est difficile.

J'aimerais que vous me disiez qui est informé et qui la compagnie doit informer. Mon impression de tout cela semble être bien différente de celle que vous laissez.

M. Gottheil: La loi n'exige pas que l'on prévienne qui que ce soit d'avance. En ce sens, le juge est investi de la compétence voulue pour émettre une ordonnance ex-parte sans qu'il soit nécessaire de prévenir les parties, s'il estime qu'il est approprié d'agir ainsi.

Le président: Est-ce le seul moment où il est question de préavis, c'est-à-dire quand l'affaire est devant le juge?

M. Gottheil: Il est question ici de la demande initiale, de la première comparution devant le juge. Dans l'état actuel de la loi, il n'est pas nécessaire de prévenir qui que ce soit et le juge peut émettre une ordonnance sans que les parties aient été prévues d'avance, s'il estime que c'est approprié.

Le président: À l'expérience, diriez-vous que les juges peuvent émettre une ordonnance ex-parte exigeant que les créanciers garantis soient informés, ainsi que les employés non syndiqués, mais pas les syndicats? Le juge peut-il rendre une décision sélective?

M. Gottheil: J'ai personnellement constaté que les principaux créanciers garantis sont souvent au courant, mais je crains de ne pouvoir étayer cette conclusion sur des données scientifiques. Cependant, à titre purement anecdotique, je pense que les grands créanciers garantis sont souvent au courant et qu'ils envoient souvent des avocats pour les représenter. Cependant, rien n'oblige une société à informer ses principaux créanciers garantis, ni qui que ce soit d'ailleurs, de son intention de se rendre en cour.

Le président: Vous ne sous-entendez cependant pas que les entreprises informent ou n'informent pas certaines parties avec l'aval de la cour. Encore une fois, je m'efforce d'équilibrer un peu le débat ici. Nous venons d'entendre un récit très parlant parce qu'on nous a dit: «j'ai été le dernier à l'apprendre et j'ai dû me précipiter en cour, tandis que tous les autres étaient déjà au courant.» J'aimerais savoir d'où vient tout cela.

M. McBrearty: Nous n'avons pas été informés dans le cas de Slater Steel. C'est la compagnie qui nous a appelés après coup et après que l'ordonnance du juge a été émise, après aussi que nous avons pris connaissance de la nouvelle dans les journaux. J'étais en train de lire les journaux le matin même où le pdg de la compagnie m'a appelé, mais tout cela s'était fait la veille. Je ne sais pas combien de créanciers étaient représentés en cour. Nous, nous n'y étions pas.

Il est arrivé à quelques autres reprises que les principaux créanciers, comme les banques principales, celles qui financent la compagnie à coup de millions de dollars pour lui permettre de se restructurer, c'est-à-dire à l'occasion GE Canada ou d'autres, soient présents. Hier, les deux principales banques étaient représentées, il y avait aussi un gros fournisseur et deux ou trois autres créanciers. Nous avons pu nous y rendre parce que nous avions été prévenus par un appel téléphonique la veille au soir. Si je n'avais pas reçu cet appel, nous n'y serions pas allés.

Encore une fois, dans un cas de ce genre, c'est le gagne-pain des travailleurs qui est en jeu, qu'ils soient syndiqués ou pas. Nous estimons que la loi devrait préciser que, si l'on nous considère comme un intervenant, nous devrions être informés comme tous les autres intervenants. Il nous est absolument impossible de nous défendre ou de faire des observations devant un juge si nous ne savons pas qu'une audience a lieu.

Je dois cependant préciser que nous avons soulevé ce problème aux tables de négociation et je crois que cela va devenir un enjeu. Le mouvement ouvrier va en faire une raison de grève au Canada. Nous ne pouvons permettre que cela continue.

Je vais vous répéter ce que les employeurs nous ont dit aux tables de négociation. Ils maintiennent qu'ils ne peuvent pas nous tenir au courant parce qu'ils n'y sont pas autorisés par leur conseil d'administration et que les conseils d'administration leur disent de ne rien laisser transpirer à cause des règlements boursiers. Si tout le monde savait que telle ou telle compagnie va se placer sous la protection de la Loi sur la faillie le lendemain matin, on peut tout de suite imaginer ce qui se produirait en bourse. La situation est déjà assez difficile comme elle est. Il faut donc que la loi prévoie que nous soyons informés quand une compagnie entend se rendre en cour, quand nous ne sommes pas déjà au courant.

Le président: Eh bien nous arrivons au bout du temps qui nous est alloué. Je vais maintenant vous poser une question d'ordre général. La plupart des échanges que nous avons eus ici concernent les grands syndicats et, par voie de conséquence, les grandes entreprises et aussi, dans la plupart des cas, l'application de la LACC.

Tant dans les cercles professionnels qu'autour de cette table, il est généralement question de dégager les différences entre la situation aux États-Unis et la situation au Canada avec notre loi sur les arrangements avec les créanciers des compagnies qui se veut un cadre très général conférant un maximum de souplesse aux juges et aux tribunaux, moyennant un minimum de règles, afin qu'ils puissent rendre des décisions appropriées et de permettre de parvenir à un des modalités susceptibles de permettre la poursuite des opérations de la compagnie concernée. Aux États-Unis, les règles sont plus précises, avec le chapitre 11, et elles s'appliquent à des situations beaucoup mieux définies.

Que pensez-vous de l'idée voulant que nous nous dotions d'une mesure législative énonçant plus précisément certains aspects? Seriez-vous en principe d'accord avec cette idée? Réagissez-vous davantage à la notion de souplesse que procure la LACC ou plutôt à la façon dont elle a été appliquée jusqu'ici?

M. Yussuff: Je dirais que, dans l'ensemble, notre expérience n'a pas été très bonne et que nous pourrions produire suffisamment de documentations étayant nos dires pour remplir cette pièce. Compte tenu de la responsabilité dont est investi le comité d'examiner cette loi et du fait que celle-ci date, je crois qu'il conviendrait d'y apporter des changements. Les règles actuelles ne permettent pas de régler les problèmes auxquels nous nous heurtons régulièrement.

Dans notre situation, nous estimons important que le comité réfléchisse sur les recommandations que nous avons formulées. Elles sont très spécifiques. Je ne pense pas que leur application rendrait le système plus lourd, mais elle le rendrait sûrement plus équitable.

Le président: Je n'ai pas de difficulté à comprendre les recommandations que vous avez formulées. J'essaie, simplement, de dégager un principe général. Aux États-Unis, le chapitre 11 est beaucoup plus détaillé et il se trouve que vous semblez apprécier ce qui concerne les conventions collectives.

M. Yussuff: Je dirais que, dans l'état actuel des choses, les juges ont une très grande discrétion, ce que nous n'apprécions pas et, d'après ce que nous avons constaté, il conviendrait de ne pas laisser les choses en l'état, mais de les modifier. Nous estimons qu'il faudrait changer les choses.

M. McBrearty: Permettez-moi d'ajouter que le chapitre 11 en vigueur aux États-Unis peut être compliqué parfois. Il nous faudrait un système davantage transparent que les travailleurs puissent comprendre. N'oublions pas que ceux qui sont pris dans les faillites et qui en souffrent le plus, sont les travailleurs, leurs familles et les collectivités où ils vivent.

Je n'ai rien contre les banques ni les institutions financières, mais elles arrivent toujours à récupérer leur argent, d'une façon ou d'une autre. En revanche, les travailleurs et leurs familles, et les collectivités où ils résident, ne peuvent rien obtenir. Comment imaginer, dans un système davantage transparent, que l'on puisse expliquer aux Canadiennes et aux Canadiens, aux travailleuses et aux travailleurs, ainsi qu'aux collectivités où ils résident, que les entreprises avec lesquelles ils ont fait affaire pendant 30, 40 ou 50 ans, décident soudainement de se placer sous la protection de la Loi sur la faillite ou de déclarer faillite sans rien dire à personne et en précipitant ainsi ces travailleurs sur le pavé dès le lendemain, eux qui vont se demander ce qui a bien se produire.

La plupart des cas de protection de la Loi sur la faillite — et je ne pense pas que qui que ce soit contredise ce que je vais dire — sont attribués aux coûts de la main-d'œuvre.

Or, tout n'est pas dû aux coûts de la main-d'œuvre. On peut regretter que des entreprises viennent nous dire aujourd'hui: «il y a six mois, nous avons accordé quelque chose au syndicat et à ses membres que nous ne pouvons plus payer maintenant.» Cet argument ne peut pas nous convaincre, ni nous ni la population. Ce n'est cependant pas le cas des réalités économiques. La santé du dollar canadien affecte notre économie et nos politiciens pourraient prendre des décisions qui nous aideraient.

N'oublions pas une chose: quand un employeur se place sous la protection de la Loi sur la faillite, les banquiers et les créanciers ne sont plus ses amis. Les créanciers et les banques sont là pour venir récupérer leur argent. Si l'employeur veut s'allier avec le syndicat pour négocier la restructuration, pour améliorer l'efficacité dans les ateliers, pour recalculer le ratio travailleur-superviseur, pour déterminer la proportion des bénéfices pouvant être injectés dans la caisse de retraite afin d'assurer un bon revenu à des personnes qui ont travaillé 30 ou 40 ans dans une entreprise, nous sommes sans doute les meilleurs partenaires à ce stade. N'oubliez cependant pas que nous pouvons être son pire ennemi, si tel est son souhait.

Le président: Voilà une remarque très bien sentie sur laquelle terminer.

M. McBrearty: Je n'irai pas plus loin. Je n'aurais pas dû aller en cour hier.

Le président: Merci beaucoup.

La séance est levée.


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