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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 27 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 23 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit aujourd'hui, à 11 h 05 pour examiner, afin d'en faire rapport, la situation actuelle du régime financier canadien et international.

Le sénateur Richard H. Kroft (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Je déclare la séance ouverte. J'aimerais souhaiter la bienvenue à nos témoins, M. David Dodge, gouverneur de la Banque du Canada, et M. Paul Jenkins, premier sous-gouverneur de la Banque du Canada.

C'est l'occasion qui nous est donnée, quelques fois au cours de l'année, de vous rencontrer au moment où vous livrez vos pronostics sur les affaires du pays. J'éprouve toujours des sentiments partagés. Nous sommes en quelque sorte les derniers sur votre liste d'apparitions publiques des derniers jours et je pense que c'est quelque chose qui joue des deux côtés. De notre point de vue, nous avons l'occasion de surveiller, de voir et de trouver ce que vous voulez dire et de voir les ouvertures que vous pouvez nous faire. Je suis sûr que nos témoins ont gardé expressément pour nous des choses qu'ils n'ont révélées à personne d'autre.

C'est un plaisir sincère que de vous accueillir tous les deux ici aujourd'hui. Comme d'habitude, nous allons commencer par une déclaration préliminaire et ensuite, comme vous le savez, les membres du comité vous poseront des questions.

Gouverneur, vous avez la parole.

M. David Dodge, gouverneur, Banque du Canada: Honorables sénateurs, c'est certainement un plaisir que de vous rencontrer deux fois par année pour discuter, avec vous et, par votre intermédiaire, avec les Canadiens, de la politique monétaire de la Banque du Canada.

Je suis heureux parce que, pour la première fois, je suis accompagné de Paul Jenkins dans son nouveau rôle de premier sous-gouverneur de la Banque du Canada. À la banque, nous sommes immensément heureux que le conseil d'administration ait nommé M. Jenkins à ce poste.

Comme vous l'avez indiqué, monsieur le président, vous avez devant vous notre rapport. Il est probablement plus utile que ma déclaration préliminaire soit très brève de manière à laisser le plus de temps possible aux questions.

La dernière fois que je me suis adressé à votre comité, c'était après la publication de la livraison d'avril du rapport.

[Français]

Depuis avril, l'économie canadienne a subi plusieurs chocs inhabituels. À cause de ces chocs et d'autres facteurs, la croissance a été plus lente que prévue quand nous étions ici en avril.

La Banque estime maintenant que la marge de capacité excédentaire au sein de l'économie est plus élevée qu'elle ne s'y attendait en avril, mais, du côté positif, la conjoncture économique mondiale, à court terme, s'est embellie depuis avril, et l'incertitude géopolitique a continué de diminuer.

[Traduction]

Le rythme de progression de l'activité devrait dépasser au cours de cette période celui de la production potentielle, grâce surtout à la solidité de la dépense des ménages et à la hausse des investissements des entreprises.

Le renforcement de la croissance à l'étranger devrait aussi insuffler un élan aux exportations de biens et services canadiens, mais ce dernier sera freiné par l'appréciation de notre monnaie. Le rythme d'expansion devrait se situer en moyenne légèrement au-dessus de 3 p. 100 au second semestre de 2003 et aux alentours de 3,75 p. 100 en 2004. Dans ces conditions, la marge de capacités excédentaires devrait s'être résorbée au début de 2005.

La Banque s'attend à ce que le taux d'accroissement de l'indice de référence se situe à un peu plus de 1,5 p. 100 en moyenne d'ici la fin de 2003, puis descende pour s'établir tout juste au-dessus de 1 p. 100 au début de 2004, à mesure que se dissiperont les effets des hausses passées des primes d'assurance-automobile pour ensuite revenir à 2 p. 100 vers le milieu de 2005 avec la disparition graduelle de la marge de capacités excédentaires.

Mesdames et messieurs, je tiens cependant à souligner que des risques importants pèsent sur ces perspectives économiques. Ceux-ci sont liés au moment et à l'ampleur des ajustements aux déséquilibres économiques mondiaux. Il y a notamment incertitude en ce qui concerne tant l'évolution probable des taux de change des grandes monnaies du monde que l'incidence de cette évolution sur l'économie canadienne. On ne sait pas non plus si l'expansion de l'économie des États-Unis se poursuivra au-delà du premier semestre de 2004.

Permettez-moi aussi de souligner que nous évaluons — et continuerons d'évaluer — les répercussions possibles, sur la demande et l'inflation au Canada, de tous ces ajustements, passés et à venir. Nous continuerons d'évaluer leurs incidences sur la conduite de la politique monétaire.

Le sénateur Angus: Félicitations, monsieur Jenkins. Nous sommes également heureux de vous voir ici dans vos nouvelles fonctions. Monsieur le gouverneur, nous sommes heureux d'apprendre, dans la presse ce matin et au comité hier, que vous avez l'intention de terminer votre mandat. Je crois que tous ici, nous sommes rassurés par cette continuité et par cette stabilité à la banque. Vous pouvez constater que certains changements ont été effectués au sein du présent comité. Je sais que vous connaissez très bien certaines des personnes, et c'est une bonne chose.

M. Dodge: Il y a encore de la stabilité dans votre fauteuil, sénateur.

Le sénateur Angus: Il y a beaucoup de continuité, mais pas de notre côté.

Comme vous le savez à partir de vos comparutions antérieures ici, j'ai toujours été préoccupé par la valeur du dollar canadien par rapport à celle du dollar U.S. et par la nature et l'ampleur de l'écart entre les taux d'intérêt américains et canadiens. Vous allez probablement deviner un petit sourire sur mes lèvres à ces deux chapitres en ce moment.

Monsieur le président, j'aimerais me concentrer dans le premier tour de table sur le dollar canadien. Comme vous le savez tous, il y a tout juste quelques minutes, il était à 76,5 cent — un très forte augmentation par rapport à ce qu'il était. Je crois qu'il y a eu une appréciation d'environ 21 p. 100 du dollar canadien depuis juillet. Je vais séparer ma question en trois parties pour que vous puissiez y répondre.

Premièrement, tout le monde parle de la valeur du dollar canadien, certaines personnes sont heureuses, mais les manchettes du Globe and Mail semblent indiquer que ce n'est pas le cas de Bay Street. On a proposé diverses explications à la hausse rapide du dollar. Vous avez indiqué que, personnellement, vous n'êtes pas préoccupé par la valeur même, mais qu'il est possible que vous soyez peut-être un peu préoccupé par le rythme d'augmentation de cette valeur, mais je ne suis pas certain de votre position.

L'autre question, c'est quelles sont les perspectives. Est-ce que la valeur accrue du dollar canadien est une bonne chose ou une mauvaise chose pour l'économie canadienne? Quelles sont les causes de l'augmentation de sa valeur et quelles sont les perspectives à court terme?

M. Dodge: J'aimerais d'abord parler de l'évolution qui a eu lieu. Cette évolution a vraiment eu lieu depuis avril. Lorsque nous avons comparu devant vous en avril, sa valeur était d'environ 69 cents. Il a connu une appréciation de 10 ou 11 p. 100 depuis ce temps.

Pourquoi a-t-il bougé au cours de cette période? Fondamentalement, nous sommes devant une faiblesse du dollar américain — non pas seulement par rapport à la monnaie canadienne, mais également par rapport à la plupart des grandes monnaies du monde, si on laisse de côté les monnaies asiatiques, à l'exclusion du Japon. Nous avons vu principalement un désir de réduire l'exposition au dollar U.S., et ensuite, de trouver un autre endroit où aller. Si vous aviez à choisir un facteur unique, le principal facteur ce n'est pas que tout le monde aime le Canada, mais plutôt que les gens veulent vraiment sortir des États-Unis, à ces valeurs, qui avaient cours en 2002 et qui continuent d'avoir cours.

Comme vous l'avez indiqué, la situation a été très volatile. Nous estimons que cette volatilité se maintiendra. Au- delà de cela, y a-t-il des raisons au niveau national? Le Canada semble être un très bon endroit pour placer son argent ou pour placer sa mise. Nous sommes le seul pays du G7 à présenter un budget équilibré; le pays a maintenant un des plus faibles rapports dette-PIB, alors, l'aspect budgétaire est solide. Nous avons de longs antécédents et des antécédents solides en matière de politique monétaire et, en effet, notre croissance a battu assez solidement celle de la plupart des autres pays du G7 au cours des trois dernières années, alors, pour quelqu'un qui veut éviter le dollar américain, le Canada offre certainement des perspectives très intéressantes.

En ce qui concerne les taux d'intérêt, nous avons un taux clairement plus élevé à très court terme que les États-Unis. Nos écarts à long terme sont assez normaux en termes de différence avec les Américains; ils se situent certainement au milieu d'une plage normale assez étendue. Peut-être sont-ils un rien plus étendus à court terme, mais comparativement à d'autres pays dont les monnaies s'apprécient également, nous sommes à peu près au milieu du groupe. Certains — l'Australie, par exemple — ont des écarts considérablement plus élevés que nous par rapport aux États-Unis. D'autres, comme le Japon, ont clairement des écarts beaucoup plus faibles. Fondamentalement, pour trouver les causes, vous devez regarder au-delà de la frontière.

Cela, c'est l'histoire. Si on regarde vers l'avenir, il y a certains autres facteurs qui semblent également assez favorables à notre pays. Avec une croissance mondiale plus vigoureuse, nous avons vu que le prix des produits fixé en dollars US avait augmenté — en particulier, les métaux communs — et il y a clairement une certaine amélioration du côté des pâtes et papiers et d'autres produits. C'est également favorable, et particulièrement favorable pour le Canada et l'Australie, si vous regardez les plus grandes monnaies qui ont pris de la valeur par rapport à la monnaie américaine.

En ce qui concerne les perspectives, il y a des raisons de croire que le Canada continuera de ressembler à un endroit très attrayant. Il y a une question plus large à répondre en termes du degré de précipitation avec lequel les gens voudront délaisser le dollar US, et cela varie presque d'une journée à l'autre et d'une semaine à l'autre. Une bonne partie de cette question tient aux sentiments et c'est quelque chose d'extraordinairement difficile à prévoir.

Voilà la réponse générale à votre question générale.

Le sénateur Angus: Est-ce que la valeur actuelle de 76 à 80 cents est une bonne ou une mauvaise chose pour les Canadiens? Vous n'avez pas donné votre avis sur cette question. Est-ce une question sur laquelle vous préférez ne pas vous prononcer à cause de la nature délicate de la chose?

M. Dodge: Non. Je n'utiliserai pas les adjectifs «bon» ou «mauvais.» Le taux de change est un prix comme n'importe quel autre prix qui établit l'équilibre entre l'offre et la demande, et que le prix soit élevé ou faible, un prix demeure un prix.

Il est préférable de le voir sous un autre angle: nous avons connu un ajustement assez brutal depuis avril dans un court laps de temps. La question, c'est lorsque la valeur bouge aussi rapidement, comment rapidement l'économie — les entreprises et tous les autres — s'ajuste-t-elle et peut-elle s'ajuster à ces changements de prix?

Par conséquent, il est raisonnable de dire qu'il est toujours plus facile, lorsque la valeur monte ou descend, de procéder aux ajustements nécessaires lorsque le mouvement se fait lentement plutôt que rapidement.

Le sénateur Angus: Vous avez dit — hier, je crois, ou dans le rapport sur la politique monétaire — qu'il y avait des forces mondiales à l'oeuvre sur lesquelles les décideurs de ce pays n'avaient pratiquement pas de prise. J'aimerais connaître peut-être une ou deux de ces forces, particulièrement à la lumière du fait que dans le passé, nous avons discuté ici, et même débattu, de la question de savoir si le Canada était une économie essentiellement primaire et si la valeur de notre dollar était une fonction directe du cours des produits de base. En fait, nous avons vu une augmentation abrupte du cours des métaux communs depuis le printemps, et de la valeur du dollar également. Cela me donne à penser que peut-être, nous sommes encore en grande partie liés au cours des produits de base.

M. Dodge: Laissez-moi parler de la première partie de votre question. Je vais commencer la réponse et je vais ensuite demander à M. Jenkins de prendre la relève.

Premièrement, vous devez examiner l'état de la demande mondiale. Comme je l'ai indiqué dans ma déclaration préliminaire, et au fur à mesure que nous avançons dans le rapport, la demande mondiale semble en fait avoir connu une expansion un peu plus rapide vers la fin de 2003 que ce que nous avions anticipé. Nous avons vu une reprise assez importante de la demande aux États-Unis, au cours du second et, je pense, surtout du troisième trimestre de l'année. Nous avons obtenu une performance très forte de la Chine et de l'Inde. Celle du Japon a été meilleure que prévu — non pas vraiment robuste, mais meilleure que prévu. Dans le cas de l'Europe, la situation est mauvaise, mais elle n'est pas pire que ce qui avait été prévu.

Par conséquent, nous avons une économie mondiale plus forte, et une économie mondiale plus forte est tout simplement bon pour le Canada.

Le sénateur Angus: Que dire du niveau du dollar?

M. Dodge: Le dollar réalisera l'équilibre entre l'offre et la demande. Lorsqu'il y a une forte demande mondiale, il y a une forte demande pour les produits canadiens, d'où une forte demande pour le dollar canadien pour payer ces produits. Voilà le premier point.

Le deuxième point, c'est que nous avons eu un mouvement à la hausse — non seulement en ce qui a trait à la quantité des produits demandés, mais également en ce qui a trait à leur prix — de sorte que les conditions commerciales, pour le pays, se sont en fait un peu améliorées. Cela aussi, c'est nettement bon pour le Canada. Cela aussi est relativement favorable au dollar canadien.

Nous devons regarder l'envers de la médaille. Le troisième point, c'est qu'il y a de plus en plus d'inquiétudes au sujet de la façon dont les États-Unis vont résoudre leur double déséquilibre, le déséquilibre budgétaire et le déséquilibre du compte courant. Il ne fait aucun doute que cela exerce une pression à la baisse sur la devise américaine face à toutes les autres.

Enfin, évidemment, il y a ce que j'ai dit auparavant: notre performance est actuellement très bonne. Nous ne fonctionnons pas aussi loin de notre plein potentiel que le font, par exemple, les États-Unis.

Il y a un certain nombre de ces facteurs et ils interagissent. Il pourrait être utile, mesdames et messieurs, que nous vous donnions les ordres de grandeur empiriques moyens concernant la façon dont ces facteurs fonctionnent.

M. Paul Jenkins, premier sous-gouverneur, Banque du Canada: Le taux de change est évidemment une question clé pour nous tous à l'heure actuelle. Dans notre rapport sur la politique monétaire et dans nos discussions d'hier avec différents groupes, nous avons tenté de fournir une certaine explication des relations par lesquelles le taux de change exerce son effet sur l'économie canadienne. Comme l'a laissé entendre le gouverneur, nous examinons également certains des autres facteurs qui entrent en jeu internationalement.

Juste pour vous donner un certain ordre de grandeur, je vais prendre l'exemple de l'appréciation d'environ 10 p. 100 du dollar canadien depuis avril. Évidemment, les économistes aiment utiliser l'expression «toutes choses étant égales par ailleurs.» Je vais tout de suite utiliser cette expression; alors, toutes choses étant égales par ailleurs, une appréciation de 10 p. 100 du dollar canadien aurait un effet sur l'économie canadienne réparti sur une période d'environ deux ans de l'ordre de 2 ou 3 p. 100. Il s'agit évidemment d'un prix important.

En même temps, nous savons également qu'au fur et à mesure que les marchés mondiaux — y compris le marché américain — prennent de l'expansion, ce que nous appelons les «effets de volume» sont également très importants. En fait, nos recherches indiquent qu'une expansion de 1 p. 100 de l'économie américaine se traduit par une augmentation de la production au Canada de l'ordre de 0,7 ou 0,8 p. 100, et sur une très courte période de temps. Par conséquent, lorsque nous pensons aux répercussions d'un dollar canadien plus élevé, nous devons également examiner cette question dans le contexte de toutes ces autres choses qui se passent. Si les marchés mondiaux sont en expansion, comme l'a indiqué le gouverneur — non pas seulement l'économie américaine, mais également celle de l'Asie, qui est un important marché du point de vue du cours des produits de base —, nous devons également en tenir compte dans notre analyse.

En effet, en termes de cours des produits de base — le panier que nous produisons au Canada —, le prix moyen en dollars US a augmenté de quelque chose comme 15 p. 100 au cours de la dernière année. En fait, le cours des métaux communs, comme l'a signalé le sénateur, a augmenté encore davantage.

Sur une période d'environ un an, une augmentation de 15 p. 100 du cours des produits de base aurait un impact d'environ 1,5 p. 100 sur le PIB canadien. Il y a les répercussions du dollar, mais il y a également d'autres facteurs qui sont en jeu. Ce que nous avons cherché à faire, en partie, dans ce rapport sur la politique monétaire, c'est d'accorder une certaine attention à tous ces facteurs, de les analyser en fonction de leur effet net sur l'économie canadienne, particulièrement en termes de production et d'inflation, et ensuite, de déterminer leur incidence sur la conduite de la politique monétaire canadienne. Ce sont là les questions que nous avons examinées et auxquelles nous avons tenté de répondre dans le rapport lui-même.

[Français]

Le sénateur Massicotte; Quand on lit le rapport de politique monétaire et qu'on remarque vos projections ou perspectives d'inflation de 1 p. 100 pour cette année et pour l'année prochaine, l'inflation n'est pas un point critique à ce moment-ci. On ne retient que l'inflation lorsqu'on mesure le TCIS de la politique monétaire. Je vous dis ouvertement que le niveau du dollar n'est pas une priorité. C'est une conséquence de l'inflation très secondaire.

Le TCIS, découle de l'inflation prévue à 1 p. 100, et cela a une conséquence que si les autres éléments restent les mêmes, on peut s'attendre à une diminution du taux d'intérêt au Canada, n'est-ce pas?

M. Dodge: Comme toujours, il y a toujours des facteurs spéciaux. Par exemple, il y aura au début de l'année prochaine une période d'inflation très basse pour la liste de référence, parce que les hausses des primes d'assurance- automobile instaurées au début de 2003 vont disparaître de l'index. Il y a donc des facteurs spéciaux, Cela veut dire que notre indice de référence sera, pour une période de temps, plus bas que normal, on peut dire. Toutefois, nous estimons que vers le milieu de l'année 2005 on retournera à 2 p. 100. Cela veut dire dans à peu près 18 à 24 mois, ce qui est notre but. Naturellement, comme vous le savez bien, il peut y avoir d'autres effets pendant ces périodes, mais c'est là la meilleure projection qu'on peut faire à ce moment-ci.

[Traduction]

Le sénateur Massicotte: Gouverneur, lorsque vous avez comparu devant le Comité des finances de la Chambre des communes hier, des questions ont été soulevées au sujet d'événements qui ont eu lieu durant la période où vous étiez sous-ministre de la Santé et sur le fait qu'on se demande si ces événements pourraient laisser planer un doute sur votre crédibilité en tant que gouverneur de la Banque du Canada en ce qui a trait à la politique monétaire. Je sais que le président de ce comité a jugé ces questions irrecevables. Vous n'avez pas à répondre ici, mais si vous aviez des observations à faire, nous serions probablement heureux de les entendre.

M. Dodge: Je n'ai certainement pas l'intention de fuir ces questions, sénateur. Comme vous le savez, il y a certaines limites à ce que je peux dire à l'heure actuelle, parce que des accusations de conduite criminelle ont été portées et que l'affaire est maintenant devant les tribunaux. Je dois faire très attention de ne pas nuire au bon déroulement du processus judiciaire. Je peux dire que personne plus que moi n'a été plus troublé, et demeure plus troublé et préoccupé par le fait que ces événements sont survenus et que des accusations graves de fraude et d'abus de confiance ont été portées contre des fonctionnaires, dont certains relevaient de mon autorité.

Il est important de dire que ces événements ne devraient en rien diminuer la confiance des Canadiens dans la capacité de la fonction publique de s'acquitter équitablement et honnêtement des tâches qui lui sont confiées. En fait, il est absolument impossible de mettre en place un système qui garantit à 100 p. 100 qu'il n'y aura jamais de fraude ou d'abus de confiance. Mon expérience dans la fonction publique m'indique très certainement que 99,9 p. 100 de ces fonctionnaires travaillent très fort pour faire le meilleur travail possible et le faire de manière honnête, au nom de la population du Canada.

La question est la suivante: comment une telle fraude a-t-elle pu survenir? Même avec les meilleurs systèmes, il y a toujours une possibilité de frauder. Ce qui est important, c'est que ce genre de situation soit détecté par une vérification. C'est le but de la vérification et dans ce cas, la fraude a été détectée. Dès qu'il y a eu des allégations de conduite criminelle, j'ai transmis — de manière absolument appropriée, je crois — la question à la police qui a fait enquête. Que je sache, l'enquête est toujours en cours et des accusations graves ont été portées.

La question suivante qui se pose est: ceci dit, y avait-il au sein du ministère un manquement clair au niveau de la gestion ordinaire? Non lié à une activité criminelle s'entend, ce qui est très différent. Aucun ministère n'est parfait. Aucun organisme n'est parfait dans sa gestion. Au fur et à mesure que ces questions ont été portées à mon attention ou au fur et à mesure que je les ai découvertes, j'ai pris des mesures pour y faire face. Nous étions en train d'examiner un certain nombre de questions dans l'ancienne Direction générale des services médicaux à l'automne 2000 lorsque cet incident particulier a fait surface.

Effectivement, nous avions décidé au printemps de changer l'orientation de la direction générale. Nous avions informé M. Cochrane qu'il aurait à se trouver un nouvel emploi — non pas parce que nous soupçonnions la fraude, parce qu'à l'époque, nous n'avions pas la moindre idée qu'il y avait de la fraude —, mais simplement parce que nous voulions changer la façon dont la direction générale fonctionnait et offrait des services aux Canadiens. En effet, à ce moment-là, nous procédions à des changements dans l'ensemble du ministère.

C'est tout ce que je peux dire à l'heure actuelle. Je pense avoir fait mon travail; ce qui ne veut pas dire que toutes les pratiques de gestion sont parfaites. Elles ne le sont pas, mais elles ne l'étaient pas avant mon arrivée et nous étions en train de les améliorer. C'est une question importante, parce que les Canadiens ont besoin d'avoir confiance dans leurs fonctionnaires et ils ont besoin d'avoir confiance en moi. Franchement, tout ce que je peux faire, c'est conclure en disant que je pense que vous pouvez continuer de me faire confiance et que vous pouvez certainement continuer de faire confiance dans la façon dont mes collègues et moi gérons cette grande institution.

Le président: Merci. Je suis heureux de la question et de la réponse. J'aimerais limiter les échanges sur ce sujet à cette question et à cette réponse parce que nous sommes ici pour traiter des questions liées à la banque. Je demanderais également à mes collègues de revenir à des sujets qui concernent le gouverneur dans son rôle de gouverneur.

Sénateur Tkachuk: Je suis certain que le sénateur Massicotte voulait s'assurer que je ne pose pas cette question. Il voulait l'évacuer.

Je regardais le rapport sur la politique monétaire. La banque passe beaucoup de temps à parler des exportations et énormément de temps à parler d'inflation. Est-ce que la banque a réalisé une étude sur les effets positifs d'un dollar à la hausse? Du moins, pour les Canadiens de l'Ouest — mais je pense que c'est vrai également pour le secteur agricole partout au Canada —, le coût de l'équipement, comme les tracteurs et les moissonneuses-batteuses, diminuera de manière importante. Il s'agit la plupart du temps de produits importés. Les camions d'une demi-tonne et l'équipement de fabrication, destiné à améliorer la productivité, proviennent pour la plupart de l'étranger.

Il y a très peu d'information sur ces effets et je me demandais si vous pouviez les commenter et me dire s'il y a du travail qui se fait à cet égard?

M. Dodge: Il s'agit d'une excellente question et d'une bonne observation. La réponse, c'est oui, il s'en fait. Nous avons fait pas mal de travail pour essayer de voir comment cela fonctionne secteur par secteur.

Premièrement, nous allons parler du point le plus simple. Comme le prix de la machinerie et de l'équipement est en grande partie fixé en devises étrangères — mais pas exclusivement en dollars U.S. —, l'appréciation du dollar canadien signifie que le prix en dollars canadiens de cette machinerie et de cet équipement diminue par rapport au prix de la main-d'oeuvre au Canada, dont le prix est fixé en dollars canadiens. Ainsi, le marché normal offre un incitatif pour procéder à des investissements plus grands dans la machinerie et l'équipement parce qu'il est relativement moins coûteux de produire en utilisant plus de machinerie et d'équipement que c'était le cas lorsque le prix de cette machinerie et de cet équipement était élevé.

Cela constitue un avantage très important dans le temps; cela devrait entraîner une croissance du taux de productivité au fur et à mesure que cet investissement se fait. C'est la partie de la réponse qui sort tout droit du cours d'économie 101.

Maintenant, je vais parler de la partie plus compliquée. Les effets sont très différents selon les différents secteurs de l'économie. Les effets dépendent, premièrement, de l'intensité de capital du secteur lui-même. Deuxièmement, les effets dépendent du nombre d'intrants intermédiaires qui sont nécessaires pour produire le bien ou le service final ici au Canada — c'est-à-dire, le nombre d'intrants intermédiaires qui sont importés par rapport à ceux qui sont produits nationalement.

Enfin, évidemment, l'effet dépend de l'établissement du prix de la production de ce secteur, si le prix de cette production est normalement établi, disons, en dollars U.S., ou s'il y a une marge de manoeuvre.

M. Jenkins: Il y a une note technique dans notre rapport. Je n'ai pas l'intention de vous expliquer tout cela maintenant, mais il s'agit effectivement d'une tentative pour essayer de mesurer les répercussions sur différentes industries de l'évolution du taux de change. Plusieurs facteurs interviennent. Un de ces facteurs, c'est la mesure dans laquelle les industries utilisent les importations dans leur processus de production. Celles qui ont un degré d'importation important dans leur processus de production sont moins touchées que les secteurs qui ont très peu de contenu importé. Nous avons examiné ce facteur en fonction de différentes industries et de différentes régions.

Si on considère votre question sur le plan macro-économique, il vaudrait peut-être la peine de réfléchir sur les conditions au Canada aujourd'hui comparativement à celles qui prévalaient au milieu des années 90. À cette époque, l'économie canadienne a traversé une période d'ajustement très difficile. Il y avait les effets de la crise asiatique sur le cours mondial des produits de base; il y avait aussi l'ajustement budgétaire. L'évolution du taux de change pendant cette période a offert une certaine compensation aux producteurs de biens; le cours des produits de base a connu une chute de l'ordre de 20 p. 100 à 25 p. 100.

L'évolution du taux de change a également facilité un ajustement de l'économie canadienne en permettant à un plus grand nombre de producteurs canadiens de se brancher sur ce qui était, à ce moment-là, une très forte économie américaine. C'est ce que nous appelons le rôle «d'amortisseur» du taux de change au niveau macro-économique. Cette évolution du taux de change a joué un rôle extrêmement important en soutenant l'économie globalement.

Aujourd'hui, les circonstances sont différentes. Nous avons une économie nationale très robuste. Nous avons une économie mondiale qui, nous le pensons, semble vouloir prendre du mieux, mais elle a été un peu molle. De plus, vous avez cet ajustement mondial dont nous avons parlé et qui suppose que certaines choses devront survenir dans le but de réduire le déficit courant des États-Unis. Idéalement, on aimerait que cette correction se fasse par le biais d'une forte croissance mondiale, mais une partie de la correction, et c'est ce qui se passe déjà, se fera par le biais d'ajustements du taux de change.

Nous voyons maintenant un ensemble de circonstances dans lesquelles le taux de change est en train de s'ajuster en partie pour nous aider à préserver l'équilibre global dans l'économie canadienne. Derrière cela, en un sens, on trouve une très forte économie nationale. Il est également important de garder à l'esprit ici la perspective macro-économique.

Le sénateur Tkachuk: J'espère que le dollar canadien se maintiendra ou même qu'il augmentera encore de quelques cents. Si c'est le cas, il me semble que les importations seront moins coûteuses.

M. Jenkins: Parlez-vous de la machinerie et de l'équipement?

Le sénateur Tkachuk: Je parle de choses comme les appareils de télévision, toutes les choses que les consommateurs achètent. Qu'arrive-t-il de cet argent? Est-ce la même chose que dans le cas d'un allégement fiscal? Est-ce que les gens vont dépenser plus et, par conséquent, faire en sorte que l'économie soit plus forte grâce à une augmentation des dépenses de consommation? Est-ce que les gens vont épargner cet argent ou vont-ils tout simplement acheter plus de biens?

M. Dodge: Premièrement, nous sommes en train de vivre une appréciation de 20 p. 100. En soi, c'est quelque chose d'assez inhabituel. On ne peut se montrer catégorique à ce sujet. Le point fondamental que vous faites ressortir ici est très important. Le revenu réel des Canadiens a augmenté parce que nos conditions commerciales se sont en fait améliorées pendant cette période.

Dans l'ensemble, les Canadiens seront effectivement avantagés. Une certaine proportion de cette augmentation sera dépensée parce que le prix des biens, par rapport au prix des services, ne sera pas aussi élevé. Il y a probablement une légère tendance favorable à l'achat de biens. Une partie de l'augmentation sera canalisée dans l'épargne. Mais comme je l'ai dit, nous ne pouvons dire précisément comment se répartira cet argent entre l'achat de biens, l'achat de services et l'épargne.

Pour en revenir à votre première question, cependant, il ne fait aucun doute qu'il y a cet aspect positif pour l'investissement dans la machinerie et l'équipement.

Le sénateur Moore: Vous avez dit dans votre déclaration préliminaire que le rythme d'expansion devrait se situer en moyenne légèrement au-dessus de 3 p. 100 au second semestre de 2003. Nous avons eu la crise de SRAS. Nous pensions avoir réglé cette affaire, mais elle est revenue nous hanter. Nous avons eu la crise de la vache folle et, en août, nous avons eu ces feux effroyables en Colombie-Britannique. N'eut été de ces facteurs, quelle aurait été, à votre avis, la croissance au cours du premier et du second semestre?

M. Dodge: Il y a une autre note technique à ce sujet dans le rapport. Je vais demander à M. Jenkins de vous en parler.

M. Jenkins: Je vais me reporter à la note technique 1 à la page 12 de la version française du rapport.

Dans cette note, nous avons tenté de cerner les effets de certains de ces facteurs temporaires auxquels vous avez fait allusion, sénateur — le SRAS, la maladie de la vache folle et, plus récemment, la panne générale d'électricité en Ontario. Ce n'était pas les seules choses qui ont eu lieu durant ces trimestres. Il y avait d'autres facteurs en jeu. Par exemple, au cours du second trimestre, il y a eu une très grande réduction du rythme d'accumulation des stocks qui faisait partie de ce scénario très faible de croissance nul que nous avons connu. Toutefois, lorsqu'on regarde ces facteurs, notre personnel a constaté, sur la base de ces quelques éléments en jeu — bien qu'ils soient tous importants —, que le taux de croissance annuelle au cours du second trimestre a été inférieur d'environ 0,7 p. 100 à ce qu'il aurait été en l'absence de ces facteurs.

Le reste du graphique démontre qu'étant donné que ces effets sont largement transitoires — ils ne se sont pas tous encore résorbés —, lorsqu'ils se dissiperont, la croissance sera en fait un peu plus grande. Au fur et à mesure que nous avançons dans le quatrième trimestre, nous voyons en grande partie une inversion de l'effet de ces facteurs temporaires qui apportent une contribution à la croissance de l'ordre d'environ 0,75 p. 100.

Nous pensons que les effets sur le niveau d'activité se seront dissipés à la fin de l'année. Nous pouvons voir clairement qu'il s'agissait d'effets à court terme au fur et à mesure que nous avons franchi chacun des trimestres. Il y a eu un certain redressement au cours du quatrième trimestre du fait que ces effets se sont estompés.

Le sénateur Moore: Lorsque vous avez examiné le quatrième trimestre, avez-vous pris en considération les feux de forêt en Colombie-Britannique et l'ouragan Juan? Est-ce que ces événements font partie du calcul?

M. Jenkins: Oui. Notre personnel a tenu compte, sur la foi des meilleures estimations possibles, des conséquences de tous ces éléments. Nous envisageons vous donner un chiffre précis au cours du quatrième trimestre de cette année et c'est quelque chose d'implicite dans notre rapport sur la politique monétaire. Pour le taux de croissance du quatrième trimestre, nous envisageons quelque chose qui se rapproche de 4 p. 100 sur une base annuelle. C'est la manière typique de présenter les taux. En l'absence de ces facteurs, la croissance aurait été plus proche de 3 ou de 3,25 p. 100.

Le sénateur Moore: Dans la deuxième page de votre déclaration, vous dites qu'il y a des risques importants qui pèsent sur ces perspectives économiques, liés au moment et à l'ampleur des ajustements aux déséquilibres économiques mondiaux.

Nous avons eu une discussion assez poussée sur les taux monétaires. Quels autres déséquilibres économiques vous causent du souci du point de vue de la prévision?

M. Dodge: J'en ai mentionné deux en réponse à une question précédente. Premièrement, il y a le déséquilibre budgétaire aux États-Unis, sur plus de 50 ans, qui devra être corrigé d'une façon ou d'une autre. Deuxièmement, il y a le déficit courant des États-Unis, qui s'élève actuellement à environ 5 p. 100 du PIB, pour le pays le plus riche et le plus important de la planète; ce déficit ne peut continuer indéfiniment et un certain degré de correction sera nécessaire. Ce sont des facteurs qui nous touchent beaucoup.

Il faut espérer que les États-Unis trouveront des façons de réduire leurs dépenses et d'accroître leurs recettes pour faire face à cette situation budgétaire au cours du temps. De plus, il est à espérer que la demande étrangère pour les produits américains soit forte, de manière qu'au fur et à mesure qu'ils pressent leur économie pendant qu'ils s'occupent de la question du déficit, une partie de ce dernier sera absorbé en termes de demandes étrangères, à l'extérieur de l'Amérique du Nord. C'est précisément ce que le Canada a vécu après 1993.

Voilà pour le côté rose des choses. La véritable incertitude, c'est que si cela ne se matérialise pas, si l'économie mondiale ne croît pas aussi vite que prévu, si les comptes courants américains demeurent déficitaires et que tout cela doive être équilibré par un ajustement à la baisse du dollar US, plutôt que par la force de l'économie à l'étranger et de la demande pour les produits américains, alors, les choses pourraient devenir assez tumultueuses.

Nous ne savons pas exactement comment les choses vont tourner. Pour l'instant, cela passe par un alignement de la monnaie américaine par rapport à presque tout le monde sauf l'Asie, à l'exclusion du Japon. C'est l'Asie, à l'exclusion du Japon, qui intervient pour une fraction même encore plus importante des importations globales américaines, premièrement, mais également pour une fraction croissante du déficit commercial américain.

Le sénateur Moore: En ce qui concerne les pays d'Extrême-Orient, à l'exclusion du Japon, nous avons lu récemment des commentaires indiquant que la devise chinoise était gardée à un faible niveau artificiellement. S'agit-il d'un autre des éléments que vous prenez en considération lorsque vous parlez de ces déséquilibres?

M. Dodge: Je ne veux pas rattacher cela d'une manière aussi spécifique à la Chine, mais je regarde l'ensemble de l'Asie, à l'exclusion du Japon.

Le sénateur Moore: Ce n'est pas ce que je suggère. S'agit-il d'un autre des principaux facteurs?

M. Dodge: Il y aura une correction à faire. Comme je l'ai dit, elle passera par une demande très forte dans ces pays. Nous espérons qu'ils adopteront des politiques qui permettront à cette très forte demande de se manifester, premièrement, et deuxièmement, de se répartir partout dans le monde.

Le sénateur Prud'homme: Je me reporte à la page 16 de votre rapport sur la politique monétaire. Si ma question est sans rapport, je n'ai aucune objection à ce que vous la reportiez à un autre débat. Vous dites que «la situation financière et la rentabilité des banques au Canada se sont raffermies, ce qui est de bon augure pour les conditions futures du crédit.»

J'étais présent lorsque nous avons parlé des fusions bancaires. Je m'y opposais, mais le rapport a été envoyé au Sénat. Je n'ai pas fait de scène en disant que je m'opposais à la possibilité lorsque nous avons étudié le projet de loi. J'ai dit à ce moment-là que j'étais d'accord avec le banquier, M. Clark, qui avait dit que si nous avions des règles plus claires, une fusion pourrait avoir lieu — non pas sous le présent gouvernement, mais sous le prochain. Cela signifie que je me rapproche de ma prédiction lorsque j'ai dit l'an dernier qu'il y aurait des élections en avril.

Écririez-vous la même chose s'il devait y avoir une fusion? Cela pourrait-il changer notre jugement collectif et, c'est bien écrit là, la façon dont la rentabilité des banques au Canada s'est accrue et les bonnes prévisions des futures conditions de crédit?

Les conditions de crédit offertes dans les petites localités m'inspirent des craintes. Je vais tenter de parler au nom des contribuables à revenu modeste qui vivent dans des petites localités. Certains peuvent avoir des points de vue différents. Est-ce que cela peut avoir un effet sur toutes vos bonnes prévisions?

M. Dodge: Il est très difficile d'y répondre. Je ne vais pas essayer de vous donner une réponse définitive.

Quand, au Canada ou ailleurs, le système bancaire est solide et rentable, il est en mesure de prêter de l'argent, à des conditions plutôt favorables, à des entreprises afin de les aider à se développer. En général, un tel système bancaire constitue un élément très positif pour la croissance. Le système bancaire au Japon est en difficulté. L'économie japonaise ne se développe pas parce qu'il n'y a pas eu de crédit adéquat disponible, particulièrement pour les petites entreprises.

Vous avez demandé si un plus petit nombre de banques à charte au Canada entraîne des différences aux plans de la rentabilité et des conditions de crédit. Il serait extrêmement difficile d'y répondre. À première vue, on pourrait dire qu'il n'y aura pas beaucoup de différence car les services bancaires de détail au Canada — comme aux États-Unis et au Royaume-Uni — sont aujourd'hui relativement rentables, quelle que soit la structure. Les États-Unis disposent de plusieurs institutions, le Royaume-Uni en compte moins, notre pays en a encore moins. Les taux de rentabilité des services bancaires au détail ne sont pas très différents.

Le sénateur Prud'homme: Voilà qui me donnera à réfléchir. Je suis très conservateur, ce qui risque de vous plaire. J'aime notre système bancaire tel qu'il est et je suis très sceptique quant à l'avenir. Vos incertitudes renforcent mes opinions et me rassurent.

Le président: Je voudrais passer à la question du logement. Le marché des logements neufs et celui des logements existants ont été florissants et ont un effet considérable et direct sur l'économie au plan des retombées économiques de ces constructions et aussi grâce à des taux d'intérêt peu élevés et à la libération de capitaux consommables au moyen de refinancement ou de nouveau financement à des taux réduits.

Pouvez-vous nous donner une idée générale de l'importance que cela a eue par rapport à l'économie, dans la période que nous venons de traverser, et est-ce que cela va durer? Je me le demande. Est-ce limité dans le temps? Viendra-t-il un moment où ceux qui veulent changer de façon importante leur mode de logement, en achetant une première maison ou en rénovant leur maison actuelle, se rendront compte que la situation commence à se dégrader? Même si les taux d'intérêt peuvent rester peu élevés, est-ce que l'économie perdra ce coup de fouet que lui a donné le marché du logement?

M. Dodge: C'est une très bonne question et, comme vous pouvez l'imaginer, nous y avons consacré beaucoup de temps car le secteur du logement est très important.

Je commencerai par une remarque très générale. La structure du marché du logement canadien est probablement l'une des plus dynamiques — sinon la plus dynamique — au monde. Nous n'avons pas de facteurs qui ont tendance à créer des bulles. Nous avons appris notre leçon après 1989. Les propriétaires et acheteurs de maisons ainsi que les prêteurs adoptent une approche plutôt prudente pour éviter le genre de problèmes rencontrés en 1989-1990, dont ils se souviennent très bien. En cela, nous nous distinguons des Australiens, des Britanniques ou même de quelques Américains. Certaines informations semblent indiquer que le marché américain connaît quelques remous.

Ce secteur ne continuera pas à croître. Nous avons entre 225 et 230 mises en chantiers, ce qui est bien au-dessus des besoins à long terme quotidiens. Par conséquent, il n'y aura pas de croissance et maintenir le secteur à des niveaux élevés relèverait de l'exploit. Ce serait remarquable car un plus grand nombre de Canadiens vivraient dans leur propre maison et cela réduirait la pression sur les loyers. Donc, nous devrions voir une stabilité des prix et des logements meilleurs et plus nombreux pour les familles.

Je ne crois pas que l'on doive s'attendre à une continuation de la croissance dans le secteur. Cependant, le maintenir au niveau actuel relèverait de l'exploit. Il devra diminuer un peu au fil du temps. Par ailleurs, c'est un secteur dans lequel les tensions sur les prix et les coûts sont certainement présentes.

Le troisième point que je voulais soulever est: puisque les Canadiens se sont très endettés pour acheter ces maisons ces dernières années et que la proportion du revenu familial, constituée par la dette hypothécaire et la dette à la consommation, a augmenté, les gens se demandent souvent si cela peut durer. On ne peut nier le fait que la proportion ait augmenté. Cependant, les frais de service mensuels ont diminué sensiblement depuis que nous sommes entrés dans une période où les taux d'intérêt sont peu élevés. Donc, il n'y a pas de pression ni sur les consommateurs ni sur les propriétaires de maisons. C'est un très bon signe.

La question que nous avons posée est celle-ci: supposons que le prix des maisons chute, y aura-t-il des difficultés? Je pense que la réponse est non. Nous sommes loin d'avoir un problème tel que celui que nous avons rencontré en 1989- 1990. De plus, la proportion des hypothèques en pourcentage de la valeur des maisons n'est pas vraiment très élevée pour le moment. De ce côté, nous ne voyons pas trop de risques.

Au sujet d'une éventuelle augmentation des taux d'intérêt, même si les taux devaient augmenter de deux ou trois points pour une hypothèque normale de cinq ans, les taux de service de la dette resteraient certainement au-dessous de leur moyenne historique, quoiqu'ils commencent à remonter vers leur moyenne historique.

C'étaient les principaux points. Monsieur Jenkins, en aurais-je oublié quelques-uns?

M. Jenkins: Non, gouverneur, je crois que vous les avez tous mentionnés.

Les chiffres indiquent certainement que le marché du logement, dans son ensemble, est sain au sens qu'il n'y a aucune des pressions spéculatives que nous avons connues à la fin des années 80 et au début des années 90. Il est vrai que le bilan du secteur du logement montre que les taux d'endettement ont augmenté quelque peu. Cependant, en examinant les taux de service de la dette et la valeur nette du secteur du logement, le bilan de ce secteur est plutôt positif. Assurément, les opinions que nous venons de vous présenter, le gouverneur et moi, sont le résultat des conversations sur les situations présente et future que nous avons eues avec des représentants de l'industrie.

Le président: Si le propriétaire d'une maison tire parti des taux d'intérêt peu élevés et fait un refinancement — à n'importe quelle phase de son hypothèque — et en retire de l'argent, savez-vous ce qu'il en fait? Est-ce que l'argent est dépensé pour la maison? Est-ce qu'il sert, de manière générale, à améliorer la maison, à acheter une nouvelle maison ou d'autres produits de consommation?

M. Dodge: Il est important de faire la distinction entre les marchés canadien et américain. Généralement, le marché du logement américain est financé à des hypothèques de 25 ou de 30 ans avec non seulement une période d'amortissement de 25 ou de 30 ans, mais aussi une échéance de 25 ou de 30 ans. Donc, en cas de chute des taux, le propriétaire peut continuer à faire les mêmes paiements mensuels, refinancer beaucoup plus sur la valeur de la maison et en retirer un paquet d'argent.

Ce type de situation ne se voit généralement pas au Canada parce que les Canadiens prennent des hypothèques de cinq ans. Certaines hypothèques dépassent cinq ans mais, en général, cinq ans est la plus longue durée. Beaucoup de gens ont des hypothèques d'une année. Le taux d'intérêt varie.

Quand les taux d'intérêt sont peu élevés, les gens ont tendance à penser qu'ils peuvent acheter une maison un peu plus dispendieuse. De plus, les Canadiens sont plutôt prudents en ce qui concerne leurs finances et essaieront de s'acquitter au plus vite de leur hypothèque, ce qui est un avantage important car les Canadiens ne peuvent pas déduire le taux d'intérêt alors que les Américains peuvent. L'acquittement de l'hypothèque est vraiment très important au Canada.

Donc, comme M. Jenkins me le rappelle, il y a tous les autres effets.

[Français]

Le sénateur Biron: Une façon de faire en sorte que le dollar canadien soit plus élevé est d'avoir un taux d'intérêt comparatif à celui des Américains, qui est beaucoup plus élevé. Par exemple, dans les années 1990, on avait plus de trois points de différence avec le taux américain.

Évidemment, au cours des dix dernières années, le taux d'intérêt canadien, comparativement au taux d'intérêt américain, est devenu à un certain moment plus bas que celui des Américains, ce qui a fait que le dollar canadien était moins en demande et le dollar a diminué.

Aujourd'hui, le dollar canadien se ré-évalue par rapport au dollar américain, en grande partie parce que l'économie canadienne va beaucoup mieux. Le dollar canadien est plus élevé à cause d'un facteur; il est augmenté artificiellement ce qui créé une demande plus forte, et il en résulte un taux d'intérêt beaucoup plus élevé.

Il n'y a pas de doute que les résultats de la politique monétaire gardée par le Canada depuis quelques années fait que, aujourd'hui, le dollar canadien se ré-évalue à cause de facteurs plus positifs. Est-ce que ce serait là l'analyse que vous feriez, en partie?

M. Dodge: D'abord, il faut dire que beaucoup de facteurs exercent de l'influence sur le taux de change. Il est vrai que les taux relatifs sont importants, mais il y a beaucoup d'autres facteurs aussi extrêmement importants. On peut voir des périodes où il y avait un écart assez élevé entre le Canada et les États-Unis pendant lesquelles le dollar canadien était faible ou à la baisse. Il y a eu des périodes de minces écarts pendant lesquelles le dollar canadien était assez fort. C'est donc un facteur, mais seulement un facteur, qui influence le taux de change.

On peut dire que pendant le printemps il y avait partout une recherche de rendement, et pendant cette période les flux de capitaux étaient sensibles à des écarts, entre les taux américains et les taux canadiens, australiens, européens et britanniques, alors que pendant l'été, ce n'était pas si évident.

C'est intéressant à observer, et c'est seulement une observation. Ce n'est pas nécessairement de cause à effet, mais pendant l'été on a connu une période pendant laquelle les écarts étaient un peu plus grands que maintenant; il y avait un flux du Canada de capitaux et d'investissements dans les obligations canadiennes.

C'est complexe et les facteurs qui sont importants varient de temps en temps. C'est très difficile à dire.

M. Jenkins: Dans un certain sens, les taux de change sont les variables les plus indigènes dans une économie. En d'autres mots, comme le gouverneur l'a mentionné, il y a plusieurs facteurs qui déterminent les mouvements des taux de change. C'est un prix relatif, et donc les facteurs dans l'économie américaine jouent un rôle; les facteurs mondiaux jouent un rôle, et les facteurs chez nous jouent un rôle aussi. Certainement, il est très important d'analyser tous les facteurs. L'écart entre les taux d'intérêt représente un élément.

En ce moment, en deux ans, l'écart de rendement est 100,35 points, mais en 30 ans l'écart est moins de 20 points. C'est une situation complexe comme le gouverneur l'a mentionné. Il y a des facteurs domestiques et externes qui influencent aussi les mouvements des taux de change.

[Traduction]

Le sénateur Angus: Les renseignements que vous nous présentez — verbalement et dans le rapport — semblent être extrêmement positifs. J'ai compris, en faisant ma préparation pour aujourd'hui, que vous considérez les facteurs économiques fondamentaux comme étant très bons pour le moment. J'ai fait une petite liste pour m'assurer de ne pas commettre d'erreur.

L'inflation est faible et se situe dans les limites de votre politique. Je crois que vous avez dit que les taux d'intérêt sont relativement peu élevés malgré l'écart avec ceux de nos amis américains. Le dollar est fort. La croissance économique est bonne. Vous prévoyez un taux de 3,25 p. 100. Le chômage est peu élevé et le climat est favorable aux investissements au Canada. Notre pays jouit d'une stabilité politique et d'une bonne masse monétaire. Les marchés financiers et boursiers sont forts.

Pourtant, dans votre déclaration préliminaire vous avez lancé un avertissement sérieux. Ce matin, le Globe and Mail a publié en gros titre un cri plaintif et, dans les salles des conseils d'administration des entreprises de notre pays, il paraît que les vendeurs de biens, payés en dollars américains, doivent les convertir en dollars canadiens afin d'en informer leurs actionnaires en pleurs.

Versent-ils des larmes de crocodile? Avons-nous de bonnes nouvelles pour ceux qui se plaignent? Pouvez-vous nous dire jusqu'à quel point cet avertissement vous inquiète?

M. Dodge: Je suis heureux que l'on revienne sur ce point. Notre banque doit étudier soigneusement cette question car le fait de s'adapter à un mouvement aussi rapide du taux de change, et ce depuis le mois d'avril, pose de vrais problèmes sur le terrain — qui ne sont pas impossibles à résoudre — néanmoins difficiles. Pour certaines entreprises, particulièrement celles qui achètent la plus grande partie de leurs intrants (main-d'oeuvre, matériaux ou équipements) en dollars canadiens et vendent une part importante de leur production en dollars américains, cette période risque d'être relativement difficile.

Nous vous avons donné les ordres de grandeur approximatifs d'accélération de la croissance mondiale en vue de créer la demande qui contrebalancera une hausse du dollar canadien par rapport au dollar américain. Il est vrai que nous sommes inquiets et nous avons lancé un avertissement car la hausse enregistrée ces derniers temps peut, en fait, ne pas signaler une plus forte demande au niveau mondial. Nous devons suivre cela de près.

Donc, le seul facteur — la hausse du taux de change — qui pourrait modérer la demande extérieure n'est pas contrebalancé par la croissance dans la demande. C'est la raison pour laquelle nous le soulignons que bien qu'aux deuxième et troisième trimestres de cette année, les États-Unis ont eu de meilleurs résultats que ceux que nous prévoyions en avril dernier quand nous nous attendions à un taux de croissance d'environ 4 p. 100 aux États-Unis dès le quatrième trimestre de cette année et pendant les quatre ou cinq prochains trimestres. Nous ne prédisons rien de plus. Cependant, lors de la rédaction de notre rapport en avril dernier, le dollar valait 69 cents U.S. alors que la moyenne durant la préparation de ce rapport était un dollar valant 72 cents. Nous devons vraiment trouver un équilibre.

Cela signifie, sénateurs — et c'est très important — qu'étant donné une demande extérieure plus faible, car elle ne vise pas les biens et services canadiens, et une demande globale à l'étranger qui ne croît pas assez rapidement pour contrebalancer les effets des taux de change sur notre économie, il nous faudra trouver un moyen d'accroître la demande nationale, que ce soit au niveau de la demande en logement ou plus particulièrement la demande d'investissements.

Personne ne doit quitter cette salle en croyant, étant donné ces changements — même s'ils semblent être là pour longtemps ou si nous entrevoyons une baisse de la demande mondiale — que nous n'allons pas essayer d'accroître la demande nationale. Aujourd'hui, je ne suis pas en mesure de vous dire que nous réussirons. Aucun d'entre nous ne le peut. Nous devons attendre l'évolution de la situation et de mieux comprendre ce qui s'est passé au Canada ces deux ou trois derniers trimestres. Les statistiques sont faussées par les facteurs dont nous a parlé M. Jenkins.

On ne sait jamais à quoi s'attendre lorsque l'on va de l'avant. Cependant, le passé comporte aussi des incertitudes. Nous ne devons pas faire une fixation sur ces chiffres parce que Statistique Canada, qui emploie les meilleurs statisticiens au monde, se heurte à des difficultés du fait de ces changements et des brusques fluctuations des taux de change. Il est donc difficile de déterminer les vrais échanges de biens et services traversant la frontière dans les deux sens.

Je tiens à dire clairement que personne ne doit présumer que nous n'aurons pas à changer la politique monétaire pour accroître la demande nationale, il est évident que la demande extérieure, après les effets des taux de change, ne croîtra pas aussi vite que nous l'avons prévue.

Le sénateur Angus: Quelle serait la nature d'un tel changement?

M. Dodge: Normalement, pour augmenter la demande nationale nous ferions ce que nous avons déjà fait — c'est-à- dire réduire les taux d'intérêt.

Le sénateur Massicotte: Je voudrais faire un commentaire à l'intention du sénateur Angus. À l'écoute de l'énumération, par mon honorable collègue, de tous les aspects positifs de la vie économique de notre pays, j'étais heureux de ses éloges à l'égard de notre gouvernement et de ses réalisations.

Je voudrais m'exprimer sur le sentiment de l'industrie et répondre aux questions du sénateur Biron. Au Canada, l'impression générale est que le problème du dollar — je sais, vous y avez répondu, mais je vais être plus spécifique — est strictement lié à l'industrie. Je suis sûr que l'idée selon laquelle la baisse des taux d'intérêt résoudra le problème du dollar vous chagrine.

Pouvez-vous nous dire ce qui se passera dans votre scénario si vous utilisez l'argument «toutes choses étant égales par ailleurs» de M. Jenkins? Quels seront les effets d'une diminution de 1 p. 100 des taux d'intérêt sur le dollar canadien? Dans le Globe and Mail d'aujourd'hui, il est écrit que la forte hausse du dollar canadien provient de l'impression qu'ont les autres pays que nos taux d'intérêt sont élevés et qu'ils seront toujours plus élevés que ceux des Américains. Qu'en pensez-vous?

M. Dodge: Je ne peux pas vous donner de chiffres. Il y a d'autres élasticités dont nous connaissons en moyenne les mécanismes, mais pas nécessairement la marge. Toutefois, ce dont vous parlez fonctionne toujours au différentiel. Je ne peux pas vous dire. Cela dépend de notre position. Des mesures devraient être prises pour décourager l'immobilisation de dollars canadiens. Il faut donc des pressions à la baisse du taux de change.

Par ailleurs, si vous en faites l'analyse et si vous vous écriez «Oh! ils ont baissé les taux, la croissance économique va s'accélérer au Canada, c'est donc un bon pays pour investir et, en fait, nous devrions peut-être investir plus et les capitaux iront dans l'autre sens.» M. Jenkins possède une plus grande expérience dans ce domaine, il m'est certainement impossible de vous donner une réponse définitive à ce sujet.

Notre politique sur les taux d'intérêt ne cible pas le taux de change. Elle vise à nous assurer que, sur une période de 18 à 24 mois, nous essaierons de replacer l'économie à son niveau de pleine production. C'est notre objectif. Le taux d'inflation est un bon indicateur pour cela. En pleine production, nous ciblons 2 p. 100. Cependant, nous n'effectuons pas les mouvements des taux pour des raisons de taux de change. Cela rejoint ma réponse au sénateur Angus: il s'agit vraiment d'essayer de savoir ce que deviendra la demande globale pour les produits canadiens par rapport à notre capacité de production. Cela est important. On oublie souvent que c'est un point fondamental.

Le sénateur Tkachuk: Je voudrais poser le même type de questions, mais de manière différente.

Vous écrivez, au second paragraphe de votre rapport monétaire: «Un bas taux d'inflation favorise un fonctionnement plus efficace de l'économie, ce qui aide à améliorer la croissance de l'activité au fil du temps et à atténuer les variations cycliques de la production et de l'emploi.» L'objectif de la Banque du Canada est de maîtriser l'inflation et de la contenir à un taux raisonnable de 2 p. 100 ou quelle que soit la cible fixée par la Banque.

Cependant, le dollar empêche ce scénario quand il fluctue aussi brusquement que ces derniers temps. Il ne s'agit pas seulement d'un ralentissement de la hausse du dollar, quand l'économie de notre pays progresse, le dollar se raffermit. Nos taux d'intérêt peuvent augmenter suite à de fortes pressions inflationnistes et une économie forte, entraînant ainsi une hausse du dollar.

Cela semble un procédé de fortune. Est-ce que les banques peuvent faire quelque chose? Y ont-elles même un rôle à jouer? Dans le passé, vous avez dit que vous n'aviez rien à faire avec le dollar à 65 cents et que la solution de nos problèmes économiques n'entrait pas dans le cadre de la politique monétaire du gouvernement et de Paul Martin. Avez-vous un moyen quelconque de stabiliser l'augmentation ou la fluctuation du dollar?

M. Dodge: Vous avez posé plusieurs questions, sénateur. Je laisserai à M. Jenkins le soin de répondre aux plus difficiles.

Commençons par votre toute première déclaration, sénateur. Vous dites que notre objectif est la maîtrise de l'inflation. Notre objectif est de maximiser la production et l'emploi au fil du temps. La meilleure contribution de la politique monétaire pour atteindre cet objectif, qui est notre véritable objectif — le bien-être des Canadiens — serait de contenir une inflation peu élevée, stable et prévisible par le secteur bancaire. Voilà comment nous y arriverons. Le vrai objectif est d'avoir une croissance constante maximum et une économie sans fluctuation.

Voilà ce que nous visons. Pour y parvenir, il faudra que nous acceptions ce qui se passera avec le taux de change car c'est en quelque sorte un élément de contrepartie.

Le problème, c'est qu'il y a des éléments concrets qui influent sur le taux de change. M. Jenkins en parlera. Il y a aussi le fameux «esprit animal» de Keynes. Assurément, nous n'y pouvons rien sinon créer un climat favorable et stable pour la croissance économique et l'emploi au Canada.

Peut-être que M. Jenkins pourra répondre à certaines des questions très difficiles qui viennent d'être posées par le sénateur.

M. Jenkins: Ma première remarque, sénateur, est qu'il y a récemment eu beaucoup de volatilité dans certains marchés financiers. Vous pouvez consulter le graphique deux de notre rapport quand vous aurez le temps. Il met plus l'accent sur les marchés mondiaux des instruments à taux fixe et sur les marchés des obligations, qui ont été assez instables récemment, que sur le marché d'échange ou sur la récente volatilité du taux de change du dollar canadien.

Une part de cette volatilité mondiale enregistrée dans les marchés financiers reflète quelques-unes des incertitudes rencontrées ces deux ou trois dernières années, y compris celles se rapportant au développement géopolitique, aux scandales des affaires et à l'éventualité d'une déflation mondiale. S'il y a quelque chose que les marchés financiers détestent par-dessus tout, c'est bien l'incertitude. Divers marchés ont été volatils, y compris les nôtres. Nous l'avons déjà dit, cela pose quelques problèmes.

Ceci dit, à notre avis les grands mouvements du dollar canadien au fil du temps suivent les facteurs fondamentaux qui influent sur les taux de change dont nous avons parlé — des questions se rapportant aux positions relatives d'une économie par rapport à une autre, au cycle des prix des marchandises et aux différences des taux d'inflation. Divers facteurs déterminent les mouvements fondamentaux des taux de change. Dans l'ensemble, le dollar canadien a toujours joué le rôle qui est le sien dans la politique monétaire de notre pays.

Une part de ce rôle approprié est renforcée par l'importance d'une politique monétaire ancrée à la maîtrise de l'inflation, car cela aide les participants au marché, mais plus généralement les agents économiques, à établir des prévisions sur l'apport de la politique monétaire à l'économie de notre pays.

Une recherche, menée sur plusieurs années, indique que le dollar canadien a été beaucoup moins volatil que pratiquement toutes les autres devises importantes. Je serais heureux de vous montrer les résultats de cette recherche si cela vous intéresse.

Que peut-on faire? Ainsi que je l'ai mentionné, nous accordons une grande priorité aux anticipations bien ancrées car elles conditionnent les marchés et le comportement. Nous sommes aussi, de manière plus générale, intéressés par le développement et des améliorations des marchés financiers. Ici, nous touchons aux questions des marchés qui permettent aux entreprises de se mettre à l'abri, par exemple, d'aller de l'avant et de voir vos marchés financiers continuer de croître et disposer des outils qui permettent aux gens de gérer leurs affaires.

Le président: Merci, messieurs. Une fois de plus, nous avons eu une séance utile et intéressante. Au nom de tous les Canadiens, je vous remercie pour votre temps et votre travail. Nous espérons qu'il y aura une autre occasion de se revoir.

La séance est levée.


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