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BANC - Comité permanent

Banques, commerce et économie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Banques et du commerce

Fascicule 29 - Témoignages


OTTAWA, le jeudi 30 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce se réunit ce jour à 11 heures pour étudier les projets de loi S-21, Loi visant la fusion de l'Association canadienne des conseillers en assurance et en finance et de l'Association canadienne des planificateurs financiers sous la dénomination de l'Association des conseillers en finances du Canada, et C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu, qui lui ont été renvoyés.

Le sénateur Richard H. Kroft (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons revenir sur la question d'hier concernant la fusion d'Advocis.

Vous vous souviendrez qu'il y a eu quelques complications à ce sujet, hier. Pour votre information, je vais vous lire le texte d'un courriel qui constitue une opinion juridique. C'est un courriel de Carol Anne O'Brien, de Cassels Brock and Blackwell, adressée à notre greffier, Robert Denis. Il concerne le nom officiel en français de la CAIFA.

Voici ce qu'il dit:

Nous avons identifié le règlement du Québec contenant les «termes prohibés» au sujet des planificateurs financiers. Vous trouverez en pièces jointes, en format html, des exemplaires en français et en anglais du règlement.

Notre opinion, que nous nous efforçons de faire confirmer par notre avocat du Québec, est la suivante:

Au Québec, le règlement concernant des titres similaires à celui de «planificateur financier» interdit l'utilisation de certains titres par des personnes qui n'y sont pas admissibles de la manière prescrite, en vertu d'une loi concernant la distribution de produits et de services financiers (c. D-9.2, r.4). L'une des expressions interdites est «conseiller financier» De ce fait, le nom français «Association des Conseillers Financiers du Canada» serait interdit. Toutefois, «conseiller en finances» est autorité par cette législation. Donc, le nom qui a été proposé, «Association des conseillers en finances du Canada», ne serait pas interdit par ce règlement.

Nous avons remis ce courriel à notre conseiller juridique qui l'a accepté comme étant correct et acceptable. De ce fait, j'aimerais revenir à l'étude article par article. Êtes-vous d'accord?

Des voix: Oui.

Le président: Le titre est-il reporté?

Des voix: D'accord.

Le président: L'article 1 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: L'article 2 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: L'article 3 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: L'article 4 est-il adopté?

Des voix: Oui.

Le président: L'article 5 est-il adopté?

Le sénateur Massicotte: Puis-je proposer un amendement, monsieur le président?

[Français]

Il est proposé:

Que le projet de loi S-21 soit modifié à l'article 5,

a) à la page 3, par substitution aux lignes 24 et 25, de ce qui suit:

``les meilleures pratiques, en préconisant des normes de pratique et en encourageant'';

b) à la page 4, par substitution, à la ligne 15, de ce qui suit, je cite;

``f) promouvoir et encourager le com-''.

[Traduction]

Le président: L'amendement est-il adopté?

Le sénateur Kelleher: Oui.

Le président: L'article est-il adopté tel que modifié?

Des voix: Oui.

Le président: Les articles 6 à 15 sont-ils adoptés?

Des voix: Oui.

Le président: Le titre est-il adopté?

Des voix: D'accord.

Le président: Le projet de loi est-il adopté tel que modifié?

Des voix: Oui.

Le président: Puis-je faire rapport du projet de loi?

Des voix: Oui.

Le président: Je voudrais maintenant passer au point suivant de l'ordre du jour, le projet de loi C-48, Loi modifiant la Loi de l'impôt sur le revenu au sujet des ressources naturelles.

J'accueille comme témoin M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Vous avez toute notre attention, monsieur Wilfert, après quoi nous entendrons d'autres témoins sur cette question.

M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Je suis heureux de venir témoigner aujourd'hui au sujet du projet de loi C-48, monsieur le président. Je serai bref pour laisser plus de temps aux questions.

Le projet de loi C-48 met en oeuvre les modifications annoncées dans le budget de 2003 au sujet de l'impôt fédéral sur le revenu applicables au secteur canadien des ressources. Comme vous le savez, le secteur des ressources non renouvelables englobe l'exploitation minière ainsi que le pétrole et le gaz naturel. Vous vous souviendrez que le budget de 2003 contenait également d'autres mesures relatives aux ressources qui complètent ce nouveau régime. Plusieurs de ces mesures ont été adoptées dans le cadre du projet de loi C-28, la Loi d'exécution du budget de 2003, qui a reçu la sanction royale en juin.

Par exemple, le projet de loi éliminait l'impôt fédéral sur le capital, portait à 300 000 $ du revenu admissible le taux applicable aux petites entreprises, prorogeait le crédit d'impôt temporaire pour exploration minière jusqu'à la fin de 2004, et prévoyait une année supplémentaire pour permettre aux sociétés émettrices d'effectuer des dépenses se rapportant à ces dispositions. Aujourd'hui, nous discutons d'une nouvelle structure de l'impôt fédéral appliqué au secteur des ressources.

La contribution du secteur des ressource à l'économie canadienne est importante. En 2001, par exemple, ce secteur représentait près de 4 p. 100 du produit intérieur brut, avec plus de 64 milliards de dollars d'exportations et plus de 30 milliards de dollars d'investissements. De plus, 170 000 personnes travaillent dans ce secteur au Canada.

Avant d'aborder le projet de loi C-48, permettez-moi de revoir brièvement les mesures fiscales en vigueur dans le secteur des ressources. Les revenus tirés au Canada de l'extraction et du traitement initial de ressources non renouvelables font l'objet d'une gamme de mesures fiscales particulières à ce secteur. Il s'agit notamment de la déductibilité des dépenses d'exploration et de mise en valeur; de dispositions sur les actions accréditives; du crédit d'impôt temporaire de 15 p. 100 sur l'exploration minière; et de la déduction de 25 p. 100 relative aux ressources, qui constitue une approximation des redevances et des taxes d'exploitation minière versées aux provinces. Le secteur a également reçu d'importants avantages provenant des dispositions générales du budget, comme le crédit d'impôt à l'investissement dans les provinces de l'Atlantique.

La déduction relative aux ressources a été instaurée en 1976, principalement pour protéger l'assiette fiscale fédérale sur le revenu face à l'augmentation alors rapide des redevances provinciales et des taxes sur le revenu minier. Ces redevances et taxes étaient autrefois déductibles aux fins de l'impôt fédéral, ce qui abaissait les recettes fiscales du gouvernement fédéral.

Toutefois, la déduction relative aux ressources était une déduction arbitraire ne reflétant pas nécessairement le coût réel des redevances et des taxes sur le revenu minier. De même, sa complexité avait engendré des frais élevés de conformité pour l'industrie, ainsi que des coûts d'administration substantiels pour le gouvernement.

La conjoncture économique ayant sensiblement changé depuis les années 1970, la déduction relative aux ressources est beaucoup moins nécessaire aujourd'hui. Dans le contexte actuel, des pressions accrues sont exercées sur les producteurs pour qu'ils deviennent plus efficients, et sur une foule de juridictions pour qu'elles perçoivent des redevances à des taux compétitifs.

Lorsque le gouvernement a conçu le nouveau régime fiscal du secteur des ressources, il s'est fixé trois grands objectifs. Premièrement, que le régime fiscal soit internationalement compétitif, notamment en Amérique du Nord. Deuxièmement, qu'il soit transparent pour les firmes et pour les investisseurs. Troisièmement, qu'il favorise une distribution efficiente des investissements tant à l'intérieur du secteur des ressources qu'entre les divers secteurs de l'économie canadienne.

J'ai la conviction, monsieur le président, que les mesures du projet de loi C-48 nous aideront à atteindre ces trois objectifs.

Le nouveau régime fera en sorte que les entreprises du secteur des ressources seront assujetties au même taux d'impôt sur le revenu que les firmes des autres secteurs. Il permettra aussi à ces firmes de déduire leurs coûts réels de production, notamment les redevances provinciales et autres redevances publiques, ainsi que les taxes minières, plutôt que de déduire une somme arbitraire.

Permettez-moi d'expliquer un peu le nouveau régime. La première mesure du projet de loi C-48 réduit le taux général de l'impôt fédéral sur le revenu des sociétés d'exploitation des ressources de 28 p. 100 à 21 p. 100 d'ici à 2007. Ce taux est important car c'est souvent la première information que demandent les investisseurs potentiels. Lorsque le taux a été ramené à 21 p. 100 pour la plupart des grandes entreprises dans le cadre du plan de réduction des impôts du gouvernement fédéral, ce taux inférieur ne s'appliquait pas au secteur des ressources. Le gouvernement a tenu des consultations pendant plusieurs années sur la possibilité d'étendre le taux réduit de 21 p. 100 au secteur des ressources, tout en améliorant le régime fiscal.

Cet objectif sera atteint avec le projet de loi C-48. Un taux faible et uniforme adressera un message positif aux investisseurs du Canada et de l'étranger sur la compétitivité relative du Canada. En même temps, il réduira les dépenses de conformité et d'administration de l'impôt.

Une deuxième mesure figurant dans le projet de loi consiste à éliminer la déduction arbitraire relative aux ressources en la remplaçant par une déduction égale au montant des redevances provinciales et autres redevances publiques et des taxes sur l'exploitation minière réellement payées. Les projets seront donc dorénavant envisagés d'une manière plus comparable. Ce changement favorisera l'efficience en veillant à ce que les décisions d'investissement soient fondées de manière plus uniforme sur les paramètres économiques inhérents à chaque projet. Il engendrera aussi un régime fiscal plus simple en rationalisant l'administration de l'impôt et les dispositions de conformité.

Une troisième mesure instaure un nouveau crédit d'impôt de 10 p. 100 pour l'exploration minière. Ce crédit s'appliquera aux dépenses fondamentales canadiennes d'exploration et aux dépenses de mise en valeur avant la production dans le secteur des diamants, des métaux de base et des métaux précieux, ainsi que des minéraux industriels qui sont transformés en métaux de base ou en métaux précieux.

La première de ces deux mesures entrera en vigueur progressivement sur une période de cinq ans, alors que le nouveau crédit d'impôt entrera en vigueur progressivement sur trois ans. Cet échéancier assurera une transition raisonnable vers un régime fiscal amélioré de manière responsable sur le plan budgétaire.

Ce projet de loi est le fruit de larges consultations auprès de toutes les composantes du secteur des ressources. Globalement, les changements seront bénéfiques à l'industrie minière ainsi qu'à l'industrie du pétrole et du gaz naturel.

Pour une firme donnée, l'incidence nette des mesures proposées dépendra de plusieurs facteurs tels que l'éventail des projets de l'entreprise, sa structure financière, le montant d'impôt sur le capital qu'elle paie et l'ampleur des impôts reportés des années antérieures. La taxe minimum de 10 p. 100 sur l'exploration prévue dans le projet de loi C-48 est également importante à cet égard. Les sociétés minières qui investissent au Canada dans l'exploration ou dans la mise en valeur de nouvelles mines profiteront de ce crédit.

Pour évaluer l'incidence globale des changements proposés au régime fiscal du secteur des ressources, il importe de tenir compte de tous les éléments du projet, notamment du nouveau crédit à l'exploration minière ainsi que de l'élimination de l'impôt sur le capital, que certains analystes n'ont pas pris en considération. Ensemble, ces mesures réduiront sensiblement les taux d'imposition effectifs de l'industrie minière et du secteur du pétrole et du gaz naturel.

Ces changements renverseront le désavantage relatif actuel du Canada face aux États-Unis. Dans le cas de l'industrie minière, l'avantage existant sera renforcé. Dans les deux cas, les changements améliorent considérablement la capacité du secteur canadien des ressources naturelles à attirer des capitaux pour l'exploration et la mise en valeur.

Je tiens à rappeler aux honorables sénateurs que nous discutons aujourd'hui de changements apportés à l'impôt fédéral. Dans la mesure où les provinces se fondent sur l'assiette fiscale fédérale, les recettes provinciales de l'impôt sur le revenu provenant du secteur des ressources fédérales pourraient dans certains cas augmenter suite à ces changements, à condition qu'il n'y ait pas d'ajustements de compensation.

Comme le savent les sénateurs, chaque province devra prendre ses propres décisions à cet égard. Toutefois, la compétitivité internationale des firmes canadiennes sera optimisée si les provinces adoptent un mécanisme permettant de rendre à l'industrie les gains fiscaux qu'elles pourraient tirer des changements apportés au régime fédéral.

D'aucuns se demanderont peut-être si les mesures proposées dans ce projet de loi concordent avec l'engagement du Canada de réduire les émissions de gaz à effet de serre, dans le cadre de Kyoto. Elles sont tout à fait conformes.

Ces changements permettront de traiter les investissements de manière plus uniforme, à la fois entre les différents projets d'exploitation des ressources naturelles et entre le secteur des ressources et les autres secteurs de l'économie, notamment celui de l'énergie renouvelable. Ceci garantira que les décisions économiques sont prises en fonction des paramètres économiques fondamentaux. Le secteur du pétrole et du gaz et celui des mines ont un rôle à jouer pour la mise en oeuvre de l'engagement de Kyoto. Ils contribueront de manière importante à l'objectif de réduction de 55 mégatonnes dans le cadre du programme des grands émetteurs industriels.

Les énergies renouvelables sont également un élément clé de la réponse du gouvernement au Protocole de Kyoto. Dans le budget de 2003, par exemple, une somme additionnelle de 2 milliards de dollars sur cinq ans a été prévue pour appuyer les technologies des énergies renouvelables qui contribuent à réduire les émissions de gaz à effet de serre. D'autres mesures fiscales avaient également été annoncées dans ce sens, comme une exemption de la taxe d'accise pour certains carburants de remplacement et l'instauration d'un système d'amortissement fiscal accéléré pour d'autres types d'énergie renouvelable et pour l'équipement énergétique efficient.

De fait, le projet de loi C-48 lui-même améliore le traitement fiscal de certaines dépenses intangibles reliées à des projets d'énergie renouvelable et de conservation de l'énergie. Ainsi, les dépenses reliées à l'énergie renouvelable canadienne et aux projets de conservation sont entièrement déductibles dans l'année où elles sont faites et peuvent être transférées aux investisseurs dans le cadre d'une convention d'émission d'actions accréditives.

Les changements apportés par le projet de loi C-48 permettront à une société d'annoncer ses dépenses aux investisseurs même si elles ne sont effectivement effectuées que l'année suivante. Cela offrira plus de souplesse pour l'étalement des investissements financés par des actions accréditives. Le traitement de ces investissements dans de tels projets sera désormais parallèle à celui des investissements dans des projets de ressources non renouvelables.

En résumé, honorables sénateurs, je vous assure que les mesures du projet de loi C-48 rehausseront la compétitivité du secteur canadien des ressources naturelles, favoriseront la mise en valeur efficiente des ressources naturelles du Canada et simplifieront le traitement fiscal des revenus issus des ressources.

En même temps, ces changements rendront les secteurs canadiens des mines, du pétrole et du gaz naturel plus compétitifs, facteur crucial pour les communautés qui en dépendent. Ils reflètent l'engagement continu du gouvernement d'instaurer un régime d'impôt sur le revenu des sociétés efficient et compétitif, ce qui est important pour rendre notre économie plus forte et plus productive.

Monsieur le président, je suis accompagné aujourd'hui de représentants du ministère des Finances et nous sommes tous à votre disposition pour répondre à vos questions sur le projet de loi C-48.

Le sénateur Kelleher: Je vous remercie de cet exposé. Comme vous avez mentionné l'incidence possible de la législation provinciale sur ce projet de loi, puis-je vous demander dans quelle mesure les provinces l'appuient? En avez- vous discuté avec elles? Quelle semble être leur attitude? Vont-elles en fausser les effets avec leur propre législation?

M. Wilfert: La réponse est oui, elles ont été consultées et elles l'appuient.

Vous pouvez imaginer que des provinces comme la Nouvelle-Écosse et l'Alberta en tireront des avantages particuliers. Ce sont cependant les provinces qui décideront elles-mêmes comment elles réagiront, du point de vue de leur structure fiscale.

Les consultations auprès de l'industrie et des provinces ont révélé un appui important de provinces comme la Saskatchewan, à cause des industries qui y sont importantes. Les provinces décideront comment elles réagiront mais je suppose que la réaction sera positive car elles tiennent aussi à assurer leur compétitivité internationale, surtout sur le marché nord-américain. Je dois dire que les consultations se sont fort bien passées.

Le sénateur Kelleher: Puise-je poser ma question différemment? Certaines des provinces ont-elles réagi négativement?

M. Wilfert: À ma connaissance, non. Elles ont toutes été positives.

Le sénateur Kelleher: Comme vous l'avez dit, le gouvernement espère que le projet de loi aura un effet positif sur l'activité économique. Avez-vous fait des études à cet effet, ou des prévisions? Vous devez avoir certaines raisons qui vous portent à croire que l'effet sera positif. Sur quoi vous basez-vous?

M. Wilfert: Nous nous basons en particulier sur les consultations que nous avons menées auprès de l'industrie, qui ont montré que, si certaines mesures étaient prises, elles amélioreraient le climat économique dans ce secteur.

Comme je l'ai dit, nous avons obtenu des réactions positives. Considérant ce que nous avons entendu lors de ces consultations, je peux dire que ce projet de loi ne peut qu'améliorer la situation de ces secteurs et des communautés qui en dépendent.

Le sénateur Massicotte: Mes questions portent sur le même sujet. Chaque fois que vous instaurez un système où des déductions d'impôt dépendent de l'impôt d'une autre province, vous risquez de voir celle-ci entamer l'avantage fiscal fédéral en modifiant son impôt sur les redevances.

En réponse au sénateur Kelleher, vous avez dit avoir la conviction que les provinces n'augmenteraient pas leur ponction au titre des redevances. Elles pourraient cependant facilement l'augmenter, et augmenter aussi leur taux d'impôt sur le revenu des entreprises, ce qui produirait un gain net de zéro mais une perte pour nous. Vous ne vous attendez pas à cela, si j'ai bien compris.

M. Wilfert: Je ne peux évidemment pas parler au nom des provinces mais, considérant le but de cette législation et le résultat des consultations, je peux vous dire que ce serait antiproductif. Il ne serait pas raisonnable pour les provinces de faire ce que vous évoquez.

Je peux vous dire qu'elles veulent collaborer avec nous, dans l'intérêt de l'industrie. Il ne serait pas cohérent que nous accordions un avantage et qu'elles le reprennent.

Le sénateur Massicotte: Nous ne pouvons que nous réjouir lorsque nous voyons une réduction d'impôt qui est équitable pour toutes les parties concernées. Vous dites que l'un des raisons de ce projet est la compétitivité en Amérique du Nord. Cependant, nous parlons ici d'une industrie mondiale, pas nord-américaine.

Nous parlons de redevances et d'impôt sur le revenu. Connaissez-vous les taux d'imposition aux États-Unis et en Amérique latine? Comment se comparent-ils aux nôtres?

M. Wilfert: Prenons le secteur minier. Aux États-Unis, le Nevada est l'un des grands États miniers. Son taux d'imposition est 35 p. 100. Quand ce projet de loi sera totalement entré en vigueur, le nôtre sera 31 p. 100. En Alaska, le taux est d'environ 41,1 p. 100. Quand ce projet de loi sera totalement entré en vigueur, le taux en Alberta sera 30,1 p. 100. Au Texas, c'est 35 p. 100.

Ces chiffres montrent que nous serons sensiblement en dessous des États-Unis. Cela constituera certainement un signal positif qui a beaucoup encouragé l'industrie.

Le sénateur Massicotte: Il y a aussi la question des redevances. Sommes-nous compétitifs par rapport aux États américains ou aux autres pays à ce chapitre?

M. Wilfert: Comme vous le savez, il y a de nombreux facteurs autres que l'impôt qui peuvent déterminer pourquoi certains pays peuvent attirer des investissements, que ce soit l'Indonésie ou le Chili. Les personnes qui m'accompagnent pourront peut-être vous donner des chiffres comparatifs, je ne les ai pas avec moi.

Quoi qu'il en soit, je peux vous dire que nous serons très bien placés sur le marché nord-américain et par rapport à nos autres grands concurrents du monde.

Le sénateur Tkachuk: Merci beaucoup. Je ne peux que vous féliciter. Chaque fois qu'on entend parler de réduction d'impôt, c'est une bonne nouvelle.

Vous avez parlé de Kyoto en disant que vous vouliez vous assurer que nous respections nos engagements de Kyoto lorsque vous avez conçu ce projet de loi. Quel est l'effet de Kyoto sur les réductions d'impôt?

M. Wilfert: Je ne veux pas mélanger tous les sujets. Le projet de loi concerne des mesures fiscales mais j'ai indiqué aussi que les firmes du secteur des ressources non renouvelables seront assujetties aux mêmes taux d'imposition que les firmes des autres secteurs.

Ces changements concordent plus avec d'autres projets du secteur des ressources. Pour ce qui est de Kyoto, l'industrie devra faire une réduction d'émissions de 55 mégatonnes, en particulier dans le cadre du programme des grands émetteurs de gaz à effet de serre. C'est là un objectif direct et très clair.

Je replace ceci dans le contexte du budget. Comme vous le savez, je suis venu en juin vous dire que nous avions pris cet engagement de 2 milliards de dollars sur cinq ans pour aider l'industrie des carburants de remplacement parce que certaines personnes avaient des préoccupations au sujet du secteur non renouvelable et de la question de l'énergie renouvelable. Dans une approche à deux volets, nous nous assurons que le secteur non renouvelable, notamment du pétrole et du gaz naturel, produira la réduction de 55 mégatonnes, mais nous accordons aussi en même temps de l'aide aux technologies efficientes, dans l'intérêt du secteur des énergies de remplacement.

Le sénateur Tkachuk: Je ne saisis pas bien comment ceci affecte ce projet de loi. Vous parlez d'une réduction de 55 p. 100. Parlez-vous du niveau d'émissions du projet Syncrude, à la raffinerie même, ou de l'utilisation de cette énergie pour des émissions provenant de la chaleur ou de l'utilisation des automobiles? Quel est l'impact à ce sujet et qu'est-ce que cela a à voir avec un quelconque projet d'énergie solaire?

M. Wilfert: C'est une bonne question.

Au fond, la réduction des émissions de 55 mégatonnes concerne l'industrie des sables bitumineux, de manière générale. En ce qui concerne Kyoto, on m'a posé cette question à la Chambre. Je ne voudrais pas m'écarter du sujet même de ce projet de loi mais nous disons à l'industrie des sables bitumineux, par exemple, ce qu'elle devra faire.

D'aucuns prétendent que nous favorisons le secteur non renouvelable. Dans le budget de février 2003, nous avons pris des mesures au sujet de l'éthanol, par l'engagement de 2 milliards de dollars sur cinq ans pour la mise au point de sources d'énergie de remplacement, ou par l'amortissement accéléré de la CCA 43.1. Autrement dit, c'est le double.

Je ne vais pas vous induire en erreur et dire que ce projet de loi est directement relié à Kyoto. Évidemment, certains aspects le sont mais nous faisons cela pour le secteur non renouvelable et pour le secteur des énergies de remplacement.

Le sénateur Hervieux-Payette: D'aucuns disent que l'industrie du pétrole et du gaz naturel se porte fort bien et que c'est probablement l'un des secteurs les plus prospères du pays, ce qui n'est pas le cas de l'industrie minière. Pourquoi avez-vous mis les deux ensemble? Nous savons que l'industrie minière a besoin d'un certain soutien, mais pourquoi accorder le même à une industrie tout à fait prospère, qui n'a besoin d'aucune aide? L'industrie minière aurait probablement pu bénéficier d'un soutien accru. J'essaie de comprendre votre logique car, d'après ce que je vois dans le nord du Québec, l'industrie minière est en grande difficulté. Elle a besoin de beaucoup d'aide mais nous allons ici prêter notre aide aux grandes multinationales du pétrole et du gaz naturel. J'aimerais comprendre.

M. Wilfert: Monsieur le président, nous allons aider les sociétés de prospection pétrolière autant multinationales que canadiennes. Personne ne devrait penser que nous aidons des non-Canadiens. Nous aidons tout le secteur. Évidemment, comme il s'agit de dispositions fiscales, elles touchent toutes les sociétés du secteur. Nous allons corriger quelque chose qui faisait problème, comme je l'ai dit dans ma déclaration liminaire, et que nous nous étions engagés à faire. Nous avons voulu consulter les deux secteurs. Nous aurions pu les traiter différemment mais nous avons pensé qu'il était important de traiter les deux ensemble, étant donné la nature des conséquences sur les deux secteurs. Ce que vous dites au sujet du pétrole et du gaz naturel est tout à fait pertinent. Nous tenons à ce que le secteur de la prospection pétrolière reste très dynamique au Canada. Pour ce faire, et comme la conjoncture économique a changé, au cours des années, nous voulons nous assurer que le Canada reste un lieu idéal pour investir, et pour faire de la prospection, dans l'intérêt de tous les Canadiens. Voilà l'explication.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'ai une deuxième brève question à poser. Nous avons reçu des lettres de Premières nations qui exploitent du pétrole et du gaz naturel sur leurs réserves et qui touchent des redevances. Elles disent que cette mesure va leur coûter 1 milliard de dollars au cours des 10 prochaines années. Je pensais que les Premières nations faisaient partie de vos priorités, c'est-à-dire que le gouvernement voulait les aider et assurer leur autonomie économique. Or, il s'agit là d'une industrie qui peut les aider à atteindre cet objectif. Pourquoi adoptons-nous maintenant une mesure qui ne leur convient pas? Je comprends pourquoi vous voulez que les sociétés canadiennes et les multinationales soient traitées de la même manière. Je n'ai jamais vu de lois au Canada qui ne s'appliquent pas à tous les partenaires, sauf que 80 p. 100 de notre industrie du pétrole et du gaz naturel appartient à des étrangers — en tout cas, à des multinationales.

Nous avons Pétro-Canada et quelques autres mais, depuis quelques années, nous en avons perdu beaucoup à des investisseurs étrangers. Dites-moi donc pourquoi aucune mesure n'a été prise pour compenser certaines des pertes qu'elles pourraient subir, à moins que ce qu'elles disent ne soit pas exact. Ça me semble assez bien documenté et elles disent que leur rapport vient de KPMG. Je suppose que KPMG sait comment calculer des redevances.

M. Wilfert: Tout d'abord, monsieur le président, cette question n'a jamais été soulevée dans l'autre Chambre. Je n'ai jamais vu de correspondance à ce sujet.

Le sénateur Prud'homme: Elles ne font généralement pas...

M. Wilfert: Nous soulevons beaucoup de bonnes questions et je les ai pratiquement toutes entendues. Je vais vous donner mon point de vue. Les redevances versées par les sociétés aux Premières nations et aux autres propriétaires privés de ressources ont toujours été et continueront d'être déductibles de l'impôt fédéral sur le revenu. Ce projet de loi ne change rien au traitement fiscal des redevances des Premières nations. Je tiens à le souligner. En vertu du régime actuel, les sociétés qui versent des redevances à d'autres parties que la Couronne, par exemple aux détenteurs privés de droits et aux Premières nations, peuvent déduire à la fois des redevances et les déductions reliées aux ressources. Toutes choses étant égales par ailleurs, monsieur le président, ces sociétés ont peut-être un avantage fiscal par rapport à d'autres qui versent des redevances à la Couronne, lesquelles ne sont actuellement pas déductibles. La proposition fiscale concernant les ressources placera tous les projets sur un pied d'égalité, comme je l'ai déjà dit, et les sociétés bénéficieront maintenant d'une déduction fondée sur les redevances réellement payées, qu'elles aient été payées à la Couronne, aux Premières nations ou à des propriétaires privés.

Toute l'industrie du pétrole et du gaz naturel appuie cette proposition. Je n'ai vu aucune correspondance mais c'est tout ce que je peux vous répondre à ce sujet.

Le sénateur Hervieux-Payette: La lettre dont je parle avait été envoyée à John Manley, le 17 juin, avec des copies à M. Nault, M. Martin, Mme Copps et les chefs des Premières nations. Nous en avons reçu un exemplaire. Les Premières nations bénéficient d'un traitement spécial qu'elles vont perdre avec ces nouvelles propositions. Je vous demande pourquoi nous voudrions modifier une mesure qui leur est très bénéfique, étant donné qu'il y a fort peu de secteurs dans lesquels les Autochtones possèdent vraiment un avantage économique.

M. Wilfert: Je répète pour que ce soit clair: il n'y a aucun changement au traitement fiscal des redevances que touchent les Premières nations.

Le sénateur Angus: Monsieur le président, je crois comprendre que nous accueillerons des représentants des Premières nations dans quelques minutes. Le témoin pourrait peut-être rester et répondre aux questions du sénateur Hervieux-Payette et à celles que je voudrais poser à ce moment-là. J'ai lu leur documentation et ils considèrent que leur point de vue n'a pas été pris en considération comme ils l'espéraient dans l'autre Chambre.

Le président: Nous allons faire le nécessaire.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'attendrai leur témoignage.

Le président: J'espère que M. Wilfert pourra revenir.

M. Wilfert: Mon temps est relativement limité, monsieur le président, et il me sera difficile de répondre car cette question n'a jamais été soulevée dans l'autre Chambre. Vous allez entendre d'autres témoins, ce qui est fort bien, mais je ne voudrais pas répondre à une question sans bien en saisir la nature, ce qui n'est pas le cas pour le moment. Je ne pourrais malheureusement vous fournir que des réactions superficielles, dans le meilleur des cas.

Le président: Dans le cours normal des choses, je vous recommanderais de suivre votre horaire, de façon à ce que nous puissions entendre les autres témoins et que vos collaborateurs reviennent ensuite répondre. Je tiens simplement à souligner que vous avez le droit de réfuter et que nous sommes nous aussi soumis à des limites de temps, si nous pouvons en croire les journaux. Nous devons nous adapter aux réalités. Cela dit, je vous remercie de votre témoignage.

M. Wilfert: Il y a ici des représentants du ministère des Finances. Je peux rester quelques instants mais les fonctionnaires pourront probablement répondre de manière détaillée à toutes les questions qui seront posées.

Le président: Si je comprends bien, vos collaborateurs vont rester et pourront répondre directement aux questions?

M. Wilfert: C'est cela.

Le sénateur Angus: Nous prendrons note de ces questions. Dans l'autre Chambre, ce sont des incapables.

Le président: J'invite maintenant les représentants du Indian Resource Council of Canada à venir témoigner devant le comité. Nous accueillons M. Roy Fox, le chef Ernest Wesley, M. Larry Kaida, M. Doug Rae et Mme Marilyn Buffalo. Monsieur Fox, vous avez la parole.

M. Roy Fox, président-directeur général, Indian Resource Council of Canada: Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous avoir invités à venir témoigner devant vous. Comme vous l'avez dit, monsieur le président, nous sommes accompagnés de notre président, le chef Ernest Wesley, de la Nation Nakoda. Nous avons aussi avec nous notre bonne amie Marilyn Buffalo, représentant le chef Victor Buffalo, de la Nation crie Samson, notre avocat sur ces questions, M. Rae et, bien sûr, mon assistant, M. Kaida. Il y a également dans la salle Roberta Jamieson, chef des Six Nations et membre du conseil d'administration du Indian Resource Council. Elle est ici aujourd'hui pour appuyer nos témoignages, tout comme le conseiller David General, des Six Nations.

J'aimerais demander à notre président de faire quelques déclarations liminaires.

Le chef Ernest Wesley, Première nation Stoney, Alberta, président du conseil d'administration, Indian Resource Council of Canada:

[M. Wesley s'exprime dans sa langue autochtone.]

Le sénateur Angus: Le chef Wesley est-il en train de lire ce mémoire?

M. Fox: Non, je crois comprendre que le chef fait sa déclaration liminaire habituelle. Je ne peux pas dire qu'il s'agit de ce mémoire.

Le président: Nous sommes ici pour recueillir des informations et il y a évidemment certaines limites à notre compréhension des langues autochtones mais, cela dit, nous sommes prêts à suivre votre procédure.

M. Wesley: Je vais maintenant passer à ma deuxième langue. Je vous remercie de m'avoir invité à témoigner aujourd'hui. Je suis chef de la Première nation Wesley, de la nation Nakoda. Les terres traditionnelles de mon peuple comprennent les pentes de l'est et les montagnes Rocheuses des provinces actuelles de l'Alberta et de la Colombie- Britannique.

Nos terres des réserves, qui sont conservées pour nous en fiducie par le gouvernement du Canada, se trouvent au sud, à l'ouest et au nord de Calgary. Vous comprendrez que ce n'est pas nous qui avons choisi ces terres des réserves et que nous avons été pendant des années tristes et furieux que les missionnaires et le gouvernement du Canada nous aient forcés à nous établir sur des terres n'ayant aucun potentiel agricole. Ce n'est pas par hasard que les colonisateurs nous ont appelés les «Stoney».

Ces dernières années, cependant, nous avons réalisé que le Créateur nous avait en fait bénis puisqu'il avait situé des dépôts de gaz naturel sous nos terres des réserves. Ces terres produisent aujourd'hui des quantités importantes de gaz naturel. Des sociétés comme Shell Canada Limited, Imperial Oil Resources Limited et Pétro-Canada Inc. extraient du gaz naturel et en tirent beaucoup de richesse, pour elles-mêmes et pour notre peuple. Grâce aux taxes que paient ces sociétés sur les revenus qu'elles tirent de cette production de gaz, elles produisent beaucoup de richesse pour les Albertains et pour nos amis nouveaux venus, les Canadiens.

Grâce à cette richesse du gaz naturel, mon peuple a appris quels bénéfices il peut tirer de l'économie de marché. Nous sommes arrivés à comprendre la valeur de l'argent et des richesses matérielles qu'il offre. Nous avons appris ce que veut dire participer réellement à l'économie canadienne. Nous utilisons cet argent pour stimuler le développement économique sur nos terres.

Considérant ce que nous avons appris et les progrès que nous réalisons, nous sommes déçus de la nouvelle orientation que vient de prendre le gouvernement du Canada avec le projet de loi C-48. Nous ne pensons pas qu'il soit légitime pour le gouvernement du Canada de se lancer maintenant dans une voie qui vise à reprendre une partie de cette richesse que le Créateur nous a donnée à nous, les Nakoda.

Il nous semble que le gouvernement du Canada, qui voulait que nous soyons économiquement autonomes, tente d'élever des obstacles sur notre voie et de nous reprendre une partie de cette richesse que nous découvrons pour la première fois dans notre vie au moment même où nous commençons à faire de vrais progrès et à obtenir une vraie richesse.

Le président du Indian Resource Council, mon ancien collègue, chef et maintenant président, M. Roy Fox, vous parlera des détails de notre argumentation à ce sujet. Je dois dire que ni M. Fox ni moi-même n'aurions dû être obligés de comparaître devant vous aujourd'hui. En effet, ce que nous allons vous dire aujourd'hui aurait déjà dû vous être dit par les représentants de Sa Majesté.

Les questions que nous allons soulever auraient dû être soulevées à la Chambre des communes et, sinon, elles auraient dû être portées à l'attention du Parlement par l'honorable M. Nault, ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien.

C'est en effet M. Nault qui assume la responsabilité première des obligations de Sa Majesté à l'égard des Premières nations du Canada. C'est dans ce rôle que M. Nault aurait dû solliciter les changements que M. Fox et moi-même allons demander aujourd'hui.

Lorsque la déduction relative aux ressources a été créée, dans les années 1970, le prédécesseur de M. Nault à l'époque avait évoqué les intérêts des Premières nations. C'est M. Nault qui devrait aujourd'hui prendre la parole pour défendre les intérêts des Premières nations dans le contexte des propositions du projet de loi C-48 sur la déduction relative aux ressources.

Après de nombreuses années, les Premières nations arrivent finalement à utiliser leurs ressources pétrolières et gazières dans leur intérêt économique. Nous sommes finalement des acteurs importants de l'industrie du pétrole et du gaz naturel. Hélas, M. Nault et le gouvernement du Canada semblent maintenant vouloir bloquer notre progrès, ce qui est très regrettable.

Je vous remercie de votre attention, honorables sénateurs, et je vais maintenant laisser M. Fox s'exprimer.

Le président: Pour ma propre information, avez-vous témoigné devant le comité de la Chambre des communes qui était saisi de ce projet de loi?

M. Fox: Nous avions demandé à participer au processus de la Chambre des communes, monsieur le président, mais nous n'avons pas été autorisés à nous adresser à ce comité permanent lorsqu'il interrogeait des témoins.

Le président: Merci beaucoup.

Le sénateur Angus: On les a bloqués.

Le sénateur Tkachuk: Pour préciser, vous avez adressé une lettre au président, pour demander à comparaître, et on vous a répondu que vous ne pouviez pas témoigner?

M. Fox: On nous a dit que c'était trop tard. Nous avions pourtant pris contact avec ces bureaux bien avant — après la deuxième lecture.

Le sénateur Angus: Donc, d'après vous, il n'était pas trop tard?

M. Fox: Non, la deuxième lecture s'est produite un peu après le 17 juin, date à laquelle nous avons envoyé notre lettre au ministre des Finances.

Le sénateur Prud'homme: Pourriez-vous brièvement nous donner la chronologie? Pourriez-vous nous dire la date à laquelle le projet de loi a été déposé, la date à laquelle on a annoncé qu'il y aurait des témoins, la date à laquelle vous avez dit que vous voudriez témoigner, puis la date à laquelle on vous a dit qu'il était trop tard? Ensuite, quand nous vous interrogerons, nous saurons exactement s'il y a eu une injustice à votre égard.

M. Fox: Nous pouvons vous donner tous les détails de ce processus, sénateur. Mon adjoint les a avec lui si vous voulez les connaître.

Le président: Cela nous sera utile. Veuillez poursuivre, monsieur Fox.

M. Fox: Merci, monsieur le président, membres du comité permanent et sénateurs.

Notre organisation, le Indian Resource Council, représente plus de 120 Premières nations du Canada qui produisent ou peuvent produire du pétrole et du gaz naturel sur leurs terres des réserves. Nos Premières nations possèdent les droits de surface et les droits miniers reliés à ces terres. Ces terres sont gérées par Pétrole et gaz des Indiens du Canada, PGIC, un organisme de service spécial du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien.

Le mandat de PGIC est d'exercer les obligations fiduciaires et légales de la Couronne touchant la gestion des ressources pétrolières et gazières des terres des Premières nations. Notre principale tâche est de favoriser l'exploitation accrue du pétrole et du gaz naturel sur les terres indiennes et d'établir des partenariats avec les entreprises de façon à engendrer le maximum de bienfaits pour les Premières nations et à assurer notre participation à ce secteur important de l'énergie.

Le secteur de l'énergie est un important moteur de croissance et de prospérité, surtout dans l'Ouest canadien, et nous pensons que les Premières nations méritent leur juste part de cette prospérité.

J'aimerais vous donner une idée de l'ampleur des richesses pétrolières et gazières des Premières nations. Depuis cinq ans, la production pétrolière se situe en moyenne à 505 900 mètres cubes par an, soit un peu moins de 3,2 millions de barils. Les ventes de gaz ont atteint en moyenne 2 260 millions de mètres cubes par an, soit un peu plus que 80 milliards de pieds cubes. Les recettes obtenues — c'est-à-dire les redevances, les bonus et les loyers — ont atteint en moyenne 163,8 millions de dollars par an au cours des cinq dernières années.

Les Premières nations se servent de cet argent pour financer un large éventail d'initiatives allant de projets d'investissement à des projets de développement économique, des initiatives d'emploi et de formation professionnelle, ainsi que la création de logements sur les réserves, la réalisation de projets d'adduction d'eau et d'égout, la mise sur pied de services d'éducation et des programmes socioéconomiques.

À l'heure actuelle, plus de 190 sociétés pétrolières exploitent des intérêts sur des terres des Premières nations. Il y a aujourd'hui plus de 160 terres de réserves autochtones associées à des baux actifs, la plupart concernant la production de pétrole et de gaz.

Les terres des Premières nations sont actuellement moins prospectées et moins mises en valeur que les terres voisines des provinces ou les terres franches. Cela provient en grande mesure d'un manque apparent d'information et de certitude au sujet de l'exploitation des terres des réserves. Toutefois, notre organisation collabore étroitement avec Pétrole et gaz des Indiens du Canada, et avec l'industrie, pour sensibiliser les parties concernées et faire la promotion des terres indiennes. Cela s'est déjà traduit par une augmentation de la production de pétrole et de gaz, comme le montrent les statistiques que je viens de donner. La déductibilité des redevances et la déduction actuelle relative aux ressources ont fourni à l'industrie une incitation supplémentaire pour exploiter les terres indiennes.

Si l'on compare la situation avec le reste du Canada, l'industrie a versé en 2001 145,6 milliards de dollars aux gouvernements sous forme de redevances, de loyer et d'impôt sur le revenu. Durant cette période, la production a atteint 2,2 millions de barils de pétrole brut par jour, et 17,4 milliards de pieds cubes de gaz par jour.

Bien que le secteur du pétrole et du gaz des Premières nations soit pour nous une source très importante de développement économique, il reste minuscule par rapport au reste du secteur énergétique. Voilà pourquoi nous souhaitons conserver tous les avantages dont nous bénéficions actuellement, qui n'ont en fait aucune incidence notable sur le reste du Canada ou sur l'industrie.

Permettez-moi d'aborder maintenant une partie du projet de loi C-48 qui nous préoccupe sérieusement. Bien qu'il semble y avoir eu de larges consultations auprès de l'industrie des ressources naturelles, notamment de l'Association canadienne des producteurs pétroliers, au sujet des amendements proposés, il n'y a eu aucune consultation des parties qui seront le plus directement touchées, les Premières nations. Le Indian Resource Council of Canada a écrit au ministre des Finances le 17 juin 2003 pour exprimer nos préoccupations au sujet du projet de loi C-48, notamment de ses dispositions concernant la déduction relative aux ressources, et pour demander un report du projet de loi afin que les Premières nations puissent être pleinement consultées. Bien que notre lettre n'ait fait l'objet d'aucune réponse, nous croyons comprendre qu'elle a été distribuée aux membres des comités concernés de la Chambre des communes et du Sénat.

Lors de l'assemblée générale annuelle de l'IRC, qui s'est tenue à Calgary le 8 octobre, une résolution unanime a été approuvée pour donner à un comité de chefs l'instruction d'entreprendre des discussions avec le Canada afin de retarder l'adoption du projet de loi C-48 jusqu'à ce que les Premières nations aient été consultées. Voilà pourquoi nous comparaissons aujourd'hui devant votre comité. Nous avons joint des copies de la lettre et de la résolution à notre mémoire.

Je ne connais pas bien tous les détails techniques relatifs aux amendements proposés à la Loi de l'impôt sur le revenu qui sont envisagés dans le projet de loi C-48. De manière générale, nous appuyons toute initiative que peut prendre le Canada pour réformer son régime fiscal afin de le rendre juste et compétitif comme l'envisage le projet de loi C-48. Toutefois, notre intérêt est de veiller à ce que ces changements ne soient pas préjudiciables aux Premières nations.

À nos yeux, le projet d'élimination de la déduction relative aux ressources sera préjudiciable au secteur pétrolier et gazier des Premières nations.

Historiquement, les sociétés exploitant les terres indiennes ont pu déduire de leur revenu la déduction de 25 p. 100 relative aux ressources, ainsi que les redevances versées aux Premières nations. Les redevances versées au titre des terres des provinces n'étaient pas déductibles du revenu. Cela veut dire que l'industrie a pu obtenir un rendement après impôt plus élevé sur les terres indiennes que sur les terres provinciales, et elle s'est servie de ce rendement après impôt plus élevé pour compenser les coûts supplémentaires de l'exploitation pétrolière sur les terres indiennes. Cette exploitation coûte plus cher qu'ailleurs parce qu'il faut négocier des avantages économiques et sociaux avec les Premières nations, collaborer avec les Premières nations à des projets de formation professionnelle et d'emploi, et contribuer au développement économique et social des collectivités. Autrement dit, l'allocation relative aux ressources et la déductibilité des redevances ont offert à l'industrie un incitatif additionnel pour qu'elle vienne exploiter le pétrole des terres indiennes.

Nous croyons comprendre et apprécions que le nouveau régime fiscal proposé réduira le fardeau fiscal de la plupart des sociétés pétrolières et gazières qui travaillent sur les terres provinciales et leur donnera un rendement net plus élevé. Toutefois, pour les Premières nations, l'élimination de la déduction relative aux ressources éliminera un incitatif qu'avaient les entreprises pour venir prospecter sur les terres des réserves indiennes et les mettre en valeur, et servira à réaffecter ce qui avait été auparavant décrit comme une juste part des recettes issues des ressources en prenant une partie des recettes de redevances des Premières nations pour la remettre aux grandes entreprises du Canada.

Comme je l'ai dit, la déduction relative aux ressources et la déductibilité des redevances ont jusqu'à présent aidé les Premières nations à obtenir des redevances accrues et une juste part de la rente économique globale disponible. Sans le bienfait de la déduction relative aux ressources, ou d'une mesure la remplaçant, les Premières nations ne seront plus à égalité avec les autres dans la mesure où leurs terres deviendront moins compétitives que les terres provinciales.

Que proposons-nous? Il est impossible de prédire exactement l'effet que l'amendement proposé aura sur les Premières nations. Par contre, il est clair que l'industrie voudra renégocier les redevances afin de rester compétitive avec les régimes provinciaux. Cela signifie à l'évidence que les revenus des Premières nations diminueront, surtout de celles qui en ont le plus besoin, et que les revenus de l'industrie augmenteront. En conséquence, nous demandons que l'on retarde le projet de loi C-48 jusqu'à ce que nous ayons eu la possibilité d'en étudier les conséquences et d'être consultés. Au minimum, si l'on veut adopter le projet de loi immédiatement, nous demandons que les Premières nations soient exemptées de son application et que la déduction relative aux ressources soit maintenue sous sa forme actuelle sur les terres des Premières nations.

Sinon, il faudrait envisager un incitatif fiscal similaire pour la prospection sur les terres indiennes, de façon à préserver l'incitatif qui existait auparavant. Je tiens à souligner la nécessité d'assurer des incitatifs fiscaux et autres pour continuer d'attirer des industries sur les terres des Premières nations.

Finalement, nous pensons qu'il est inadmissible que le Canada envisage d'adopter un tel projet de loi qui nuira aux Premières nations qui ont le plus besoin d'aide. Nous demandons seulement la possibilité d'obtenir le meilleur rendement possible de nos ressources naturelles, en attirant l'industrie, de façon à assurer notre développement économique. Les incitatifs dont nous bénéficions actuellement, comme la déduction relative aux ressources, sont l'un de ces outils.

Le président: Je sais qu'il y a d'autres membres de votre délégation à la table mais ceci met-il fin à votre exposé? Êtes- vous prêts à passer aux questions ou y a-t-il autre chose?

M. Fox: Nous sommes prêts à répondre à vos questions mais je demanderais d'abord à Mme Buffalo de faire quelques remarques.

Mme Marilyn Buffalo, conseillère principale en politiques, nation crie Samson: Au nom de la nation crie Samson, je vous remercie de bien vouloir nous accueillir à la dernière heure. J'aurais espéré que les Premières nations puissent participer à ce processus dès le début, ce qui ne nous aurait pas obligés à comparaître devant vous aujourd'hui. Cela dit, je pense qu'on a essayé de faire passer le projet de loi C-48 en catimini. Nous avions tenté d'alerter les comités et le processus interne de la Chambre mais on ne nous a pas entendus.

Si je comprends bien, vous êtes actuellement saisis de trois projets de loi: C-7, qui est toujours actif, C-6, sur les revendications particulières, C-19 et C-48. Nous avons eu une procédure accélérée, sénateurs. Les Premières nations sont poussées aux limites de leurs capacités contre cette machine géante qu'est le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien et qui, au fait, est notre fiduciaire. C'est ce ministère qui doit normalement défendre nos intérêts. Le travail de M. Nault consiste à défendre les intérêts, les terres et les ressources des Premières nations.

Je pourrais aussi recommander au Sénat de se pencher sur le projet C-48. Pourquoi tant de précipitation? Beaucoup d'autres projets de loi méritent mûre réflexion. Personne n'a l'intention d'aller nulle part. Le Parti libéral est en période de transition mais nous, les Premières nations, nous n'allons partir nulle part parce que c'est ici que nous vivons.

Le sénateur Prud'homme: Les ressources seront toujours ici.

Mme Buffalo: Il n'y a pas de précipitation à avoir. Je pense que cette question devrait être renvoyée devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles pour y faire l'objet d'une étude plus attentive car elle se trouve actuellement devant les tribunaux. Il y a actuellement la cause R. c. Victor Buffalo qui se trouve devant les tribunaux de Calgary et qui porte sur un problème de pétrole et de gaz naturel.

Le président: Est-ce une question directement reliée à ce projet de loi?

Mme Buffalo: Oui.

Le sénateur Prud'homme: Si j'étais vous, je la laisserais là.

Le sénateur Mahovlich: Laissez-la devant ce comité.

Le sénateur Angus: Oui, c'est un excellent comité.

Mme Buffalo: Il n'y a pas d'urgence à adopter ce projet de loi, sénateur Prud'homme.

Le sénateur Prud'homme: C'est pourquoi je vous dis de laisser l'affaire suivre son cours.

Mme Buffalo: Il n'y a aucune urgence. Cette question doit être étudiée. Nous n'avons pas été consultés. Nous n'avons pas eu le temps de préparer des mémoires exhaustifs pour votre comité et pour la Chambre. Comment ce projet a pu arriver où il en est maintenant sans que nous nous en rendions compte me dépasse.

Le sénateur Tkachuk: C'est vous, monsieur Fox, qui avez envoyé une lettre à l'honorable John Manley le 17 juin. Pourriez-vous déposer la réponse de M. Manley?

M. Fox: Nous n'avons pas obtenu de réponse de M. Manley.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous obtenu une réponse de M. Martin?

M. Fox: Non.

Le sénateur Tkachuk: Avez-vous obtenu une réponse de M. Nault?

M. Fox: Non, sénateur.

Le sénateur Prud'homme: Si j'étais avocat, je dirais merci beaucoup.

Le sénateur Tkachuk: Comme je ne le suis pas, je vais continuer.

Le sénateur Prud'homme: C'est une bonne question.

Le sénateur Tkachuk: Je suis d'accord avec vous quand vous dites qu'il n'y a pas d'urgence pour ce projet de loi ni pour aucun des autres, mais le gouvernement n'est pas toujours d'accord.

Je trouve étonnant que vous n'ayez obtenu aucune réponse à votre lettre durant l'été. Depuis lors, avez-vous pu discuter avec un membre quelconque du cabinet du ministre ou du cabinet du ministre des Finances afin de savoir pourquoi on n'avait pas répondu à votre lettre? Avez-vous téléphoné, un mois après ou plus tard, pour savoir pourquoi on ne vous avait pas répondu?

M. Fox: Suite à la lettre, nous avons téléphoné et envoyé des courriels. Nous avons eu des réponses par courriel mais aucune qui porte précisément sur cette lettre.

Nous demandions de pouvoir nous adresser au comité permanent de la Chambre des communes, après la deuxième lecture, mais nous n'avons pas réussi à nous faire accepter. Nous avons ensuite pris contact avec le Sénat, où nous avons reçu un accueil beaucoup plus positif.

Le sénateur Tkachuk: Je suis sûr que je comprends. Les redevances seront déductibles sur les terres de la Couronne, avec ce nouveau projet de loi. Tout le monde sera sur un pied d'égalité et les coûts supplémentaires ne proviennent donc pas des changements au régime fiscal. Les coûts supplémentaires que les sociétés assument en traitant avec les bandes indiennes proviennent de la négociation d'avantages économique et sociaux pour la formation professionnelle et l'emploi.

Pouvez-vous me donner une idée du genre d'accord que vous pourriez négocier? Cela pourrait représenter combien d'argent?

M. Fox: Comme les chefs politiques et les entités corporatives des Premières nations ont participé aux pourparlers avec les sociétés pétrolières, les représentants de ces Premières nations ont pu négocier des éléments autres que strictement financiers.

Par exemple, certaines sociétés pétrolières offrent des bourses, ce qui aide nos jeunes. Il est difficile de chiffrer ça.

Ce qui nous inquiète le plus, c'est que la disparition de cet avantage n'incitera plus beaucoup de sociétés pétrolières à entreprendre des activités de prospection et de production sur les terres des réserves.

L'industrie juge qu'il est relativement risqué d'entreprendre des activités de prospection et de production sur les terres des réserves et ce changement aurait donc en grande mesure pour effet de chasser les nouveaux investissements possibles. Dans la plupart des cas, c'est simplement une question de perception, sénateur, car les faits réels sont différents.

Nous pensons que les sociétés font une très bonne affaire quand elles investissent de l'argent sur les terres des réserves pour y mener des activités de prospection et de production. Toutefois, si elles n'ont plus cet incitatif supplémentaire, il sera difficile de les attirer.

Le sénateur Tkachuk: Je crois comprendre que ce projet de loi assure la déductibilité des redevances des terres de la Couronne, ce qui fait que ce sera la même chose que sur les terres indiennes. Le problème ne vient donc pas du changement de régime fiscal, puisque tout est égalisé. Le problème vient du fait que Pétro-Canada, pour prendre un exemple, s'engage à fournir à la bande indienne d'autres sommes qui étaient équivalentes à la déductibilité sur les terres de l'État. Je suppose que cela représente des sommes non négligeables.

Comment arrivez-vous à ça? Avez-vous un pourcentage? J'ai l'impression que c'est une sorte de taxe supplémentaire qui va dans les réserves pour des objectifs sociaux. Est-ce que Pétrole et gaz des Indiens du Canada est une société appartenant aux Indiens ou est-ce un service des Affaires indiennes?

M. Fox: C'est un organisme de service spécial de la Couronne. Il relève du ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien. C'est l'organisme qui gère toutes les ressources gazières et pétrolières des terres des réserves au nom de la Couronne.

Le sénateur Tkachuk: Quand vous négociez une entente avec Pétro-Canada pour la production de pétrole ou de gaz sur des terres de réserves, faites-vous payer quelque chose pour ces avantages sociaux? Faites-vous payer des droits forfaitaires, comme une redevance, ou négociez-vous une entente en espèces selon laquelle une certaine somme devra être dépensée chaque année pour le développement économique, le logement ou autre chose?

M. Fox: Nous avons cet incitatif additionnel et, dans la plupart des cas, nous pouvons négocier des redevances plus élevées au nom des Premières nations. Cela nous permet d'obtenir plus de ressources, que nous pouvons consacrer à nos programmes sociaux et économiques, au logement, etc. Nous pouvons négocier des redevances plus élevées pour cela.

Le sénateur Tkachuk: Vous pouvez négocier des redevances plus élevées parce qu'elles ne pouvaient pas déduire les redevances sur les terres de la Couronne?

M. Fox: Oui, sur les terres provinciales.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons maintenant un terrain de jeu égal. Je suis généralement de votre côté, monsieur Fox, mais cette fois, j'ai le sentiment que vous aimeriez leur faire payer plus d'argent. Cela vous pose donc un problème. Vous faites payer à Pétro-Canada des redevances plus élevées que les autres.

M. Fox: La plupart des compagnies pétrolières doivent payer, d'une manière ou d'une autre. Si elles peuvent payer des redevances plus élevées aux Premières nations avec lesquelles elles négocient, elles ont une bien meilleure chance d'acquérir ces baux qu'elles souhaitent obtenir sur les terres des réserves indiennes. À cet égard, c'est mieux pour elles aussi.

Quand les compagnies pétrolières font face à un rendement décroissant des puits de pétrole ou de gaz, elles retournent voir les dirigeants politiques des bandes et demandent un allégement des redevances. Si elles peuvent convaincre ces autorités politiques des Premières nations de leur accorder un allégement au titre des redevances, c'est très bien.

Lorsqu'elles font leurs demandes, elles fournissent des données concrètes sur la baisse de production des puits. Elles peuvent alors discuter d'allégement des redevances ou de fermeture de certains puits. C'est donnant, donnant.

Dans certains cas, nous obtenons des redevances plus élevées et, dans d'autres, des redevances plus faibles. Nous avons 90 régimes de redevances différents. Il ne s'agit pas d'un paiement de redevances standard qui s'applique dans tous les cas. Étant donné leur indépendance, les Premières nations peuvent parfois négocier de meilleures redevances avec les sociétés pétrolières. C'est un outil que nous utilisons.

Le président: Je n'ai pas voulu vous interrompre mais nous avons d'autres témoins concernant d'autres textes de loi et la journée sera très chargée. Je voulais vous laisser le plus de temps possible pour participer à la discussion.

Le sénateur Massicotte: Il est clair que nous voulons tous essayer de trouver une solution car nous sommes sensibles au problème

Votre témoignage nous montre clairement que le projet de loi aura des conséquences négatives sur vos revenus. Toutefois, cela provient du fait que, dans le régime actuel, lorsque des gens produisent du pétrole sur vos terres, ils obtiennent ce qu'on pourrait appeler une déduction artificielle, appelée redevance, la vieille redevance de 25 p. 100 qui, sur les terres privées, pourrait être égale à la redevance payée à la province. Comme le gouvernement veut être plus efficient et réduire l'impôt de tout le monde, il réduit cette déduction de 25 p 100. Il se trouve que cela a des conséquences négatives pour vous car l'entreprise avec qui vous passez un contrat bénéficiera d'une déduction fiscale moins élevée, ce qui augmentera évidemment ses coûts relatifs.

M. Fox: Oui.

Le sénateur Massicotte: Vous conviendrez cependant que l'objectif du projet de loi est positif: réduire l'impôt. On essaie d'accroître l'efficience globale de notre économie et, lorsqu'on avive la concurrence, on obtient généralement des gains d'efficience. Dans ce cas, la loi va vous rendre moins compétitifs parce qu'on aura un peu modifié votre régime fiscal.

M. Fox: Oui.

Le sénateur Massicotte: Si l'on estime que le but visé par le projet de loi est valide, n'y a-t-il pas une solution simple au problème? Avec l'élimination de la déduction artificielle dont vous avez bénéficié, vos revenus vont baisser. C'est du moins ma conclusion. Est-ce une bonne interprétation du problème?

M. Fox: Oui, mais il faut considérer aussi que les Canadiens, les Nord-Américains et l'industrie, de manière générale, ont parfois une impression négative des Premières nations, de leurs terres et de leurs activités commerciales.

J'ai participé à d'autres activités commerciales, par exemple en vendant des choses sur le marché libre. Hélas, les concurrents ont un avantage quand ils disent que les produits d'une Première nation ou d'un Autochtone sont inférieurs aux leurs. Nous avons tous vécu cela en terre indienne. C'est un exemple de règles inégales. Certes, on peut avoir l'impression qu'on égalise les règles du jeu mais je crois qu'il faut tenir compte des autres aspects de l'activité commerciale au Canada et en Amérique du Nord.

Il faut garder à l'esprit qu'on a toujours l'impression, dans le secteur du pétrole et du gaz naturel, qu'il est risqué et instable d'investir de l'argent sur les terres des réserves. Nous avons donc besoin d'un certain incitatif.

Le sénateur Hervieux-Payette: J'aimerais poser une question à Mme Buffalo. Il n'y a peut-être pas d'urgence dans votre cas mais cela ne semble pas être le cas pour le reste de l'industrie du pétrole, du gaz et des mines, et je ne vois pas pourquoi nous ne pourrions pas adopter le projet de loi C-48 en prêtant une attention particulière à votre problème.

Si je comprends bien, vous demandez que l'on préserve le statu quo en ce qui vous concerne, auquel cas le reste du projet de loi C-48 ne vous serait pas particulièrement dommageable. Si le reste est adopté, on pourrait ne rien changer à votre propre situation. Ai-je raison de penser que vous seriez satisfaits que l'on préserve le statu quo dans votre cas, c'est-à-dire la situation de 1970?

M. Fox: Oui, et je me dois d'ajouter que nous avons d'assez bonnes relations avec l'industrie du pétrole et du gaz. Nous cherchons ensemble des solutions à certains problèmes. Nous avons lancé des projets d'emploi et de formation professionnelle, au cours des années, et nous avons signé des protocoles d'entente qui nous permettent de bien travailler ensemble.

Nous félicitons certainement le gouvernement du Canada de vouloir rehausser la compétitivité de la prospection pétrolière au Canada. Toutefois, nous lui demandons aussi de tenir compte de l'incidence que cela pourrait avoir sur les Premières nations. Hélas, dans le cas présent, cette incidence sera négative. Nous ne voulons pas priver l'industrie de ce qui semble être un effort sincère de nos dirigeants politiques Canadiens mais il ne faut pas perdre de vue la situation des Autochtones dans ce contexte. Or, dans toute l'élaboration de ce projet de loi C-48, nous n'avons pas été consultés.

Le sénateur Hervieux-Payette: Quand le secrétaire parlementaire est venu témoigner, il n'était même pas conscient du problème, bien que des lettres aient été envoyées au ministère des Finances et au ministère des Affaires indiennes. Le reste du projet de loi est probablement acceptable mais, sur cette question, nous devrions obtenir une réponse du ministère.

Le président: Le ministère est ici et il est prêt à répondre.

Le sénateur Hervieux-Payette: Dites-nous donc pourquoi il n'y a pas eu de consultation des Premières nations.

Le président: C'est ce que j'essaie de faire. Nous avons demandé aux représentants du ministère de rester pour pouvoir répondre aux questions. Le secrétaire parlementaire a dit qu'ils pouvaient le faire. J'aimerais donc leur donner la possibilité de contribuer au débat et c'est pourquoi je voudrais mettre un terme à cette partie de notre étude.

Je vous remercie beaucoup de votre contribution. Je vais maintenant demander s'il y a ici un représentant du ministère ou du cabinet du ministre qui serait en mesure de nous éclairer.

Je peux dire aussi que nous avons deux autres groupes de témoins au sujet de ce projet de loi et que nous pourrions leur donner la parole tout de suite si les représentants du ministère veulent un peu plus de temps pour préparer leurs réponses. Le secrétaire parlementaire, notre principal témoin, a dû partir et nous ne pouvons bénéficier de son conseil. Les gens du ministère me disent qu'ils peuvent répondre à toutes les questions factuelles.

Mme Louise Levonian, directrice, Division de l'impôt des entreprises, ministère des Finances: Je m'appelle Louise Levonian et je travaille au ministère des Finances.

Le président: Comme vous êtes dans la salle depuis le début de cette séance, vous avez entendu tout ce qui s'est dit. Pouvez-vous nous éclairer?

M. James Greene, chef, Section de l'impôt en matière de ressources et d'environnement, ministère des Finances: Je m'appelle James Greene et je suis au ministère des Finances.

M. Gérard Lalonde, directeur adjoint, Division de la législation fiscale, Direction générale des politiques fiscales, ministère des Finances: Je m'appelle Gérard Lalonde et je suis au ministère des Finances.

Mme Levonian: Je dois dire que les sénateurs ont astucieusement choisi le terrain de jeu égal, ce dont je suis heureuse, et je vais donc pas en parler directement à moins qu'il n'y ait d'autres questions.

Pour ce qui est des consultations, un petit rappel historique pourrait être utile. En 2000, le gouvernement a ramené de 28 p. 100 à 21 p. 100 le taux d'imposition général des entreprises. À cette époque, il s'était engagé à mener des consultations pour que le secteur des ressources puisse bénéficier de ce taux réduit. Les consultations ont eu lieu et, dans le budget de 2003, le gouvernement a annoncé qu'il allait de l'avant avec ce projet. Immédiatement après, le 3 mars, le ministère des Finances a diffusé un document de consultation sur son site Web. Quiconque voulait faire connaître son avis pouvait donc le faire. Nous avons beaucoup consulté l'industrie et les entreprises susceptibles d'exploiter des projets sur les terres des Premières nations. Cette question n'a jamais été soulevée avant la lettre que nous avons reçue. À ce moment-là, le projet de loi était en route. Je dois donc dire que nous avions prévu suffisamment de temps pour les consultations. Le ministère des Finances est toujours favorable aux consultations. Toute personne qui souhaite discuter d'un problème quelconque peut le faire. Nous sommes très accessibles et nous avons rencontré beaucoup, beaucoup d'entreprises et d'associations.

Le président: Donc, vous pensez avoir été transparents. Cela concerne-t-il la lettre des témoins qui vous ont précédés?

Mme Levonian: C'est cela.

Le sénateur Angus: C'était la lettre de juin au ministre Manley.

Le président: Elle est arrivée trop tard pour avoir un impact sur le processus qui était en route?

Mme Levonian: C'est cela. Je voudrais faire une autre remarque. Le ministère a toujours des consultations sur ses initiatives. J'espère que nous avons toujours la réputation d'être très accessibles. Nous serions évidemment très heureux de discuter également de ces questions.

En ce qui concerne le projet de loi, certaines des mesures proposées prendront effet en 2003 — cette année. Nous avons reçu de nombreux messages d'entreprises disant qu'il est important pour elles que le projet de loi soit adopté cette année.

Le sénateur Prud'homme: Évidemment!

Mme Levonian: C'est important pour leur comptabilité, entre autres choses. C'est ce qu'elles nous ont dit.

Je suis prête à répondre à d'autres questions.

Le sénateur Massicotte: Je comprends ce que vous dites au sujet des dates et des consultations mais je préférerais avoir votre avis sur le contenu même de la lettre. Autrement dit, vous devez bien convenir que l'élimination de la déduction artificielle prévue pour tout projet réalisé sur les terres indiennes rend ces derniers moins intéressants, sur le plan fiscal. Ce facteur a-t-il été pris en considération? Si oui, pourquoi n'avez-vous pas prévu une exception pour les terres indiennes?

Mme Levonian: Il y a plusieurs facteurs. L'élimination de la déduction relative aux ressources s'applique à tout le monde, bien sûr, ce qui assujettit tout le monde aux mêmes règles. La situation ne s'applique pas seulement aux terres des Premières nations mais aussi à toute redevance n'allant pas à la Couronne. Si un individu ou un propriétaire privé de ressources touche des redevances, le changement s'appliquera à lui. Il s'appliquera aussi, dans une certaine mesure, aux cas où les redevances sont extrêmement faibles. Si les redevances sont faibles, il n'y a pas de déduction au titre des redevances et on abolit quand même la déduction relative aux ressources. Cela ne s'applique pas à un cas particulier, c'est une mesure générale.

M. Lalonde: Je voudrais revenir sur les remarques du secrétaire parlementaire, c'est-à-dire que la déduction relative aux ressources n'a pas toujours été positive pour l'industrie et pour les services de l'impôt, l'ADRC, étant donné qu'il s'agissait d'une disposition complexe qui a engendré un grand nombre de litiges. De plus, le projet de loi a aussi été proposé parce que le problème que la déduction relative aux ressources était destinée à résoudre, à l'origine, est quasiment disparu. Ce nouveau projet de loi nous replace donc en grande mesure dans la situation qui prévalait au début des années 1970. Dans le cadre de cette réforme, on a pu offrir une réduction d'impôt générale à tout le secteur minier et à l'industrie du pétrole et du gaz naturel, pour les placer à égalité avec les autres industries du Canada et les faire bénéficier des réductions d'impôt qui avaient été annoncées dans le budget de 2003.

Mme Levonian: Vous aurez constaté aussi que la déduction dont nous parlons profite en fait aux entreprises et non pas directement aux Premières nations. Ce sont donc les sociétés qui sont touchées. Nous ne pouvons faire aucun commentaire sur les négociations que les Premières nations peuvent mener avec les entreprises au sujet des redevances qu'elles exigent. Il s'agit là de contrats privés entre les entreprises et les Premières nations.

Le sénateur Massicotte: J'ai une autre question à poser. Les sociétés qui travaillent sur des terres privées sont-elles aussi autorisées à déduire la déduction relative aux ressources et les redevances versées à des particuliers?

Mme Levonian: Oui.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a quelque chose qui me trouble au sujet des consultations. Le ministre des Affaires indiennes et du Nord canadien joue le rôle de fiduciaire pour tout ce qui concerne les Indiens et je me demande si vous l'avez consulté ou s'il vous a donné son accord. Je comprends qu'il ne fait peut-être pas partie du comité pertinent du Cabinet mais peut-être plutôt du Comité des affaires sociales ou économiques. Je ne sais pas où il se situe au sein du gouvernement. A-t-il mené des consultations de son côté? Mme Buffalo nous a parlé du projet de loi C-6, du projet de loi C-7 et de plusieurs autres projets de loi en cours, et il me paraît un peu bizarre que le projet de loi C-48 n'ait pas fait partie du processus de consultation. Le ministre a sillonné le pays pendant longtemps. Savez-vous si notre gouvernement a consulté les gens?

Je sais bien que tenir des consultations peut être compliqué mais ce projet de loi aura un effet direct sur les Premières nations, vous devez bien l'admettre. Qu'avez-vous fait pour en tenir compte?

Mme Levonian: Je peux simplement dire que le problème a été porté à l'attention du ministre des Finances.

Le sénateur Hervieux-Payette: Je comprends.

Mme Levonian: Je dois ajouter qu'il y a eu de larges consultations dans tout le pays. Il y a eu l'annonce en 2000, puis le budget de 2003 puis un document de consultation. La question est publique depuis un certain temps.

Le sénateur Hervieux-Payette: Il y a aussi eu une course à la direction dans la communauté autochtone cette année. Il y a donc aussi des changements au sein de la communauté.

Le sénateur Mahovlich: Ce pays a M. Nault et le MAINC parce que les Premières nations et tous les Autochtones ne sont pas sur un pied d'égalité. Quand nous traitons avec eux et quand nous prenons des décisions qui les touchent, nous nous devons de les consulter. Chaque bande est différente et toutes les négociations sont différentes. Ce sera difficile.

Quoi qu'il en soit, sur cette question particulière, quelqu'un aurait dû réaliser qu'il y avait là un milliard de dollars que les Premières nations perdraient d'ici cinq ans pour leurs activités sociales ou autres. On aurait dû prêter attention à ça.

Le sénateur Prud'homme: Je vois qu'il n'y a pas de réponse mais, par le geste, elle semble dire: Et alors? Tant pis, ou je regrette?

Mme Levonian: Il n'y a pas de réponse parce que je ne vois pas bien quelle était la question.

Le sénateur Mahovlich: Ma question était que vous pensez qu'il y a un terrain de jeu égal mais je dis que ce ne sera jamais le cas pour les Premières nations.

Voilà pourquoi nous négocions avec elles, pour les faire avancer.

Mme Levonian: Le seul domaine dont je peux parler est celui de la fiscalité. Je suis sûre que le ministère des Affaires indiennes et du Nord canadien gère de nombreux programmes mais nous parlons ici d'un changement fiscal d'application générale. En ce qui concerne les autres éléments, je pense qu'il y a eu de larges consultations et je vois mal ce que je peux dire de plus. Nous nous sommes vraiment mis à l'écoute de tous ceux qui voulaient nous parler de problèmes reliés à cette mesure.

Le président: Au sujet de cette communication, j'aimerais préciser une question d'ordre factuel. Vous dites que le processus était ouvert mais j'aimerais savoir quand l'annonce a vraiment été faite que la déduction relative aux ressources serait éliminée?

Mme Levonian: C'était dans le budget de 2003, c'est-à-dire en février, je pense.

Le président: Je croyais vous avoir entendu dire que c'était en 2000.

Mme Levonian: Nous avons indiqué en 2000 que nous allions tenir des consultations sur la manière d'étendre le taux d'imposition réduit au secteur des ressources.

Le président: Il s'agissait là d'un énoncé d'intention général mais l'annonce précise que la déduction serait éliminée n'a pas été faite avant 2003.

Le sénateur Prud'homme: En 2000, vous avez annoncé qu'il y aurait un processus de consultation. C'était il y a trois ans.

Pour ce processus de consultation, aviez-vous une liste des gens que vous alliez consulter? Si tel est le cas, y avait-il parmi eux des représentants des Premières nations?

Mme Levonian: La manière dont se tiennent les consultations est que nous annonçons que nous allons consulter la population. Il y a tant de parties concernées que notre responsabilité est de veiller à ce que toutes les informations soient divulguées, de façon à ce que les gens sachent que nous tenons des consultations, mais je pense qu'il appartient aux parties concernées de nous faire part de leurs problèmes.

Le président: Honorables sénateurs, je suis à votre disposition mais je dois faire une pause pour faire le point sur la situation d'aujourd'hui. Des témoins ont des questions à poser et nous avons peut-être des informations à réunir. Nous avons deux groupes de témoins sur cette question et il est déjà 12 h 45.

Si vous êtes d'accord, je suggère que nous nous limitions à l'examen du projet de loi C-48, sans même tenter d'aborder le projet de loi C-249 — parce que nous ne pourrions pas examiner sérieusement toutes les questions en jeu. Nous allons manifestement nous trouver dans une situation telle que nous demanderons à la dernière minute aux gens d'aborder des questions compliquées. Je suggère cette procédure de façon à ce que toutes les personnes présentes sachent à quoi s'en tenir.

Le sénateur Tkachuk: Nous avons maintenant un mois — pas de problème — peut-être six semaines. Nous pouvons tout ralentir. Rentrons chez nous.

Le président: Nous sommes toujours saisis de ce projet de loi. Quelqu'un a-t-il d'autres questions à poser aux représentants du ministère? Sinon, nous allons passer aux témoins suivants.

Les témoins suivants sont Mme Catherine Coumans, de la Coalition du budget vert, et Mme Elizabeth May, directrice exécutive du Sierra Club du Canada.

Mme Elizabeth May, directrice exécutive, Sierra Club du Canada: Le Sierra Club du Canada et Mining Watch Canada, à ma droite, sont des groupes qui font partie d'une coalition de 17 organisations environnementales canadiennes qui collaborent au sein de la Coalition du budget vert.

C'est la première fois que je comparais devant le Comité sénatorial permanent des banques et du commerce, et je peux vous dire que ce n'est pas un habitat naturel pour une écologiste.

Le sénateur Angus: Je suis ici.

Le sénateur Kelleher: Moi aussi.

Mme May: Je ne voulais certainement pas adresser de critiques aux membres du comité.

La Coalition du budget vert est un regroupement d'organisations convaincues que les mesures fiscales et les décisions budgétaires du gouvernement peuvent avoir une incidence profonde sur l'environnement. L'un des principaux diplomates et hauts fonctionnaires du Canada, Jim McNeil, qui est aussi un Canadien de distinction, a été sous-ministre au sein du gouvernement canadien et, en Europe, chef de la Division environnementale de l'OCDE, avant de devenir secrétaire général de la commission Brundtland. Il a dit un jour que la déclaration environnementale la plus importante que puisse faire le gouvernement, et de loin, est son budget.

C'est dans ce contexte que nous comparaissons devant votre comité au sujet d'une mesure qui n'est, c'est ce que le secrétaire parlementaire voudrait nous faire croire, qu'un instrument économique n'ayant rien à voir avec l'environnement.

J'ai trouvé particulièrement intéressante la discussion à laquelle je viens d'assister. J'ai une formation en droit et, même si je n'exerce pas le droit actuellement, je connais bien la jurisprudence concernant les obligations constitutionnelles du gouvernement fédéral en matière de consultation des Premières nations. Je tiens donc à souligner que l'adoption de ce projet de loi me semblerait poser un sérieux problème si la question qui vient d'être soulevée devant vous ne trouve pas de solution. En effet, cette question pourrait faire l'objet d'actions en justice plus tard.

Je sais pertinemment que le fait de diffuser des documents publics sur des sites Web ou de faire des annonces dans des discours budgétaires n'a rien à voir avec une consultation adéquate des Premières nations, au sens où la loi l'exige. La nature des consultations avec les gouvernements autochtones a déjà fait l'objet d'arrêts de la Cour suprême du Canada dans R. c. Sparrow et R. c. Marshall, arrêts qui établissent que l'on doit solliciter activement et positivement des opinions. Il ne s'agit donc pas d'une procédure passive et je pense que quelqu'un a oublié quelque chose de très important dans l'exécution de l'obligation fiduciaire du gouvernement fédéral à l'égard des Premières nations.

Je dois dire que ce n'est certainement pas une question qui m'était venue à l'esprit en examinant ce projet de loi. Je ne prétends pas être experte en la matière mais j'ai la ferme conviction que vous ne devriez pas poursuivre le processus sans obtenir un avis juridique sur la nature même du devoir qui incombait aux ministres dans ce processus. Je pense qu'il n'y a en fait aucune raison d'aller de l'avant avec ce projet de loi et c'est ce que je voudrais vous expliquer maintenant.

Avant cela, je tiens à féliciter votre comité. Je n'ai pas trouvé cela chaotique. J'ai trouvé cela très stimulant. Vous avez fait des recherches sérieuses et vous avez fait revenir devant vous des représentants du gouvernement. Je crois que je n'ai jamais vu cela avant et ça m'impressionne beaucoup.

L'objectif du projet de loi C-48 est de réduire les taxes qui frappent l'industrie du pétrole et du gaz naturel. C'est peut-être un objectif louable mais il se trouve qu'il va directement à l'encontre de l'engagement du gouvernement du Canada à l'égard du Protocole de Kyoto et de la réduction des émissions de gaz à effet de serre.

L'industrie du pétrole et du gaz est actuellement très prospère. Les 260 millions de dollars que le gouvernement perdra chaque année par le truchement de ce projet de loi pourraient être utilisés de manière beaucoup plus positive pour stimuler la conservation et l'efficience énergétiques.

Le 21 octobre, huit députés du gouvernement et 39 députés de l'opposition ont voté contre ce projet de loi en troisième lecture. Je peux vous rappeler immédiatement l'image des incendies de la Colombie-Britannique, des inondations de cet été ou de la tempête de glace. Nous subissons des pertes croissantes à cause de catastrophes naturelles qui concordent totalement avec ce que les scientifiques estiment être un changement climatique profond à l'échelle mondiale.

Étant donné l'importance de l'engagement du Canada à l'égard du Protocole de Kyoto et les dégâts économiques croissants causés par les changements climatiques, j'espère sincèrement que ce vote des députés du gouvernement et de l'Opposition vous a donné un message sur l'importance d'assurer la cohérence des politiques fédérales touchant les objectifs de Kyoto et les objectifs économiques. Hélas, ce projet de loi va à l'encontre de cette cohérence.

Le projet de loi C-48 ramènera de 28 p. 100 à 21 p. 100 le taux d'imposition du secteur du pétrole et du gaz naturel. La question qui se pose est celle-ci: ce secteur est-il en difficulté? A-t-il besoin d'aide? Pourquoi offrir un tel allégement fiscal à une industrie qui affiche continuellement d'énormes profits et qui va probablement continuer d'en afficher pendant des décennies? C'est là une question importante du point de vue des politiques publiques.

Le temps qui reste pour exploiter cette ressource, qui est évidemment limitée et non renouvelable, n'est pas très long. Pour avoir le droit d'exploiter cette ressource gratuite, l'industrie paie des taxes. Le taux actuel de 28 p. 100 a été justifié au cours des années comme étant une forme de paiement que fait cette industrie au public canadien. Cela permet aux gouvernements d'agir pour le bien public, dans des secteurs tels que les pensions de retraite, l'éducation, la santé ou tous les autres services qui permettent au pays de fonctionner.

Voilà une autre raison pour laquelle votre comité devrait rejeter le projet de loi C-48. À partir de maintenant, je devrais indiquer que je vais plus ou moins citer l'un des députés du gouvernement qui s'est exprimé contre le projet de loi à la Chambre des communes et qui préside le Comité permanent sur l'environnement, Charles Caccia, qui a déclaré que sa position peut être résumée en un seul mot: Kyoto. Il est important d'expliquer brièvement Kyoto car, comme l'a dit M. Caccia, c'est devenu un mot passe-partout dont on oublie parfois le sens profond.

Le Canada ayant ratifié cet accord en décembre dernier, par un vote au Sénat et à la Chambre des communes, a pris officiellement l'engagement de réduire les émissions de gaz à effet de serre. Il s'agit là des gaz que nous produisons quand nous brûlons des combustibles fossiles issus du pétrole, du gaz et du charbon. Tous les combustibles fossiles produisent des gaz à effet de serre quand on les brûle. Le Canada s'est engagé à ramener les gaz à effet de serre à 6 p. 100 de moins que leur niveau de 1990, objectif qu'il a promis d'atteindre durant la première période budgétaire, soit 2008 à 2012. Notre date limite est donc simplement 2012.

Bien que cela puisse sembler être une réduction minime, c'est tout le contraire car, à cause de la croissance économique et de la diminution de l'efficience énergétique, nous avons laissé les émissions augmenter depuis 1990. Autrement dit, pour atteindre les objectifs de Kyoto, nous aurons besoin de réductions de l'ordre de 23 à 25 p. 100, ce qui est énorme.

Et je précise que ce n'est là qu'une première étape. La communauté scientifique internationale, par le truchement du Comité intergouvernemental sur le changement climatique, a dit que nous aurons besoin de réductions de l'ordre de 60 p. 100 en dessous des niveaux de 1990, à l'échelle mondiale, si nous voulons éviter les conséquences catastrophiques des changements climatiques à long terme dans les prochaines décennies. Tous ces scientifiques et décideurs publics qui travaillent dans ce domaine comprennent bien que Kyoto n'est qu'une première étape.

Comme il sera difficile de franchir cette première étape, les sénateurs devraient adopter des projets de loi qui contribuent au succès des objectifs de Kyoto. Au lieu de cela, le projet de loi C-48, sous sa forme actuelle, rendra la tâche encore plus difficile au gouvernement du Canada.

J'aimerais citer une autre intervention d'un autre député, lors de la troisième lecture, celle de Clifford Lincoln, député de Lac St-Louis et l'un des Canadiens les plus distingués que j'ai eu le privilège de rencontrer. Ex-ministre de l'Environnement du Québec, il connaît ces questions mieux que pratiquement tout le monde. Durant le débat, il a cité le rapport du commissaire à l'environnement et au développement durable, notamment en ce qui concerne les dépenses directes du gouvernement concernant les sources d'énergie non renouvelables — et ceci exclut l'énergie nucléaire — en disant qu'elles ont atteint environ 202 millions de dollars par an. Sur cinq ans, cela fera un milliard de dollars consacré à des sources d'énergie non renouvelable, non nucléaire.

Entre 1998 et 2002, les dépenses fiscales dont ont bénéficié les sables bitumineux ont atteint environ 597 millions de dollars. Le crédit d'impôt à l'investissement dans le secteur du pétrole et du gaz a atteint 128 millions de dollars. Sur cinq ans, cela représente 640 millions de dollars. En conséquence, au cours des cinq dernières années, si l'on inclut l'élément nucléaire, environ 2,9 milliards de dollars de subventions ont été fournis au pétrole et au gaz naturel ainsi qu'à l'énergie nucléaire.

En 2000, le commissaire à l'environnement et au développement durable a publié un rapport sur le secteur de l'énergie. Au paragraphe 3.86 de la conclusion de son rapport, il disait ceci:

Pour traiter la question des changements climatiques, on peut avoir recours à deux moyens importants, soit utiliser l'énergie avec plus d'efficience et établir une combinaison plus durable de sources d'énergie, ce qui signifie un plus grand recours aux sources renouvelables. Le gouvernement fédéral a déclaré, dans sa Stratégie sur les énergies renouvelables de 1996, qu'il voulait augmenter les investissements dans les énergies renouvelables. Il affirme aussi, depuis de nombreuses années, souhaiter que les Canadiens utilisent l'énergie de manière plus efficiente, et l'Office de l'efficacité énergétique fait actuellement la promotion de cet objectif.

L'Office de l'efficacité énergétique fait partie du ministère des Ressources naturelles. Le même rapport contenait la phrase suivante: «Le régime fiscal n'accorde pas de traitement préférentiel à certains investissements qui ont pour objet d'améliorer l'efficacité énergétique.»

Comme le disait M. Lincoln, «Les dés sont pipés en faveur d'un traitement fiscal préférentiel pour le secteur des énergies non renouvelables, le secteur des combustibles fossiles, alors que le secteur des énergies renouvelables ne profite d'aucun traitement de faveur sur le plan fiscal.»

On trouve dans ce même rapport une description des diverses formes d'aide fédérale au secteur de l'énergie non renouvelable. Depuis 1970, le gouvernement fédéral a radié la somme effarante de 2,8 milliards de dollars de prêts et d'investissements consacrés à des projets d'énergie non renouvelable. Je répète: 2,8 milliards de dollars.

Lors du débat consacré au projet de loi C-48 à la Chambre des communes, à l'étape du rapport, le secrétaire parlementaire du ministre des Finances n'a fait aucune référence à Kyoto ni à la manière dont le projet de loi influerait sur l'engagement du Canada. Ce silence au sujet de Kyoto est extrêmement troublant. Nous méritons au minimum que l'on nous explique comment cette réduction de la fiscalité frappant le secteur du pétrole et du gaz naturel est possible considérant l'engagement du gouvernement à l'égard de Kyoto et l'engagement du Canada de réduire ses émissions de gaz à effet de serre.

J'affirme très respectueusement que ce projet de loi devrait mourir au Sénat. Il devrait mourir parce qu'il va à l'encontre de l'objectif établi par le gouvernement du Canada et à l'encontre de sa politique, qui a été adoptée par le gouvernement au complet et par le Sénat dans le cadre du vote de décembre auquel je faisais allusion un peu plus tôt.

Le projet de loi C-48 est le produit d'un seul ministère, le ministère des Finances. Il ne représente pas la politique du gouvernement du Canada dans son ensemble et, comme il va à l'encontre de cette politique, il devrait être rejeté, ne serait-ce que pour cette seule raison.

Comme vous pouvez le voir, le gouvernement du Canada a bien agi en ratifiant le Protocole de Kyoto — c'était une bonne mesure et ce fut une bonne décision. En outre, en 2000, le gouvernement du Canada avait investi sur plusieurs années plus de 3 milliards de dollars pour la mise en oeuvre de ses engagements en matière de changements climatiques. En contrepartie, nous voyons ici un projet de loi qui vise à réduire les impôts du secteur du pétrole et du gaz. Cette proposition n'a aucun sens car elle stimulera et accélérera les émissions de gaz à effet de serre que nous nous efforçons de réduire pour atteindre nos objectifs de Kyoto. Le Sénat ne devrait donc pas approuver le projet de loi C-48 car il est contraire à l'intérêt public et à la politique du gouvernement.

Lors de son intervention en troisième lecture, Charles Caccia, ex-ministre fédéral de l'Environnement, actuellement président du Comité permanent de la Chambre des communes sur l'environnement et le développement durable, et député de Davenport, a parlé de consultations qu'il a eues récemment avec l'Agence internationale de l'énergie, à Paris — agence qui se consacre à l'étude de l'énergie, de sa production et de sa disponibilité à l'échelle mondiale.

Selon l'Agence internationale de l'énergie, nous aurons atteint dans une cinquantaine d'années le point d'épuisement du pétrole et du gaz — à quelques années près, dépendant des progrès technologiques et des possibilités d'utilisation plus efficiente de cette ressource grâce à la technologie. Voilà pourquoi nous avons aujourd'hui des programmes d'efficience énergétique, et nous continuerons à faire des recherches à ce sujet dans les années à venir — pour que cette ressource dure non pas une ou deux générations mais, peut-être, trois.

M. Caccia a conclu de ses rencontres que nous devrions ralentir l'exploitation du pétrole et du gaz naturel au lieu de l'accélérer. Cette ressource sera plus précieuse pour les Canadiens lorsqu'elle deviendra plus rare ailleurs et nous devrions faire tout sauf l'extraire du sol et la vendre aux États-Unis le plus vite possible.

Le projet C-48 est donc un non-sens. Il ne concorde pas avec les objectifs à long terme que le gouvernement s'est fixés.

Je note entre parenthèses que l'un des problèmes que connaît le gouvernement du Canada dans le secteur de l'énergie est que, même s'il s'est engagé à l'égard de Kyoto, nous n'avons encore aucune stratégie ni aucun plan en ce qui concerne l'énergie. Je sais que ces notions font peur parce qu'elles nous rappellent la triste histoire du Plan énergétique national, mais il faut convenir que ce serait certainement une bonne idée d'adopter une stratégie nationale de l'énergie.

En conclusion, il est dans l'intérêt du Canada d'exploiter avec prudence ses ressources naturelles de façon à les faire durer le plus longtemps possible. À l'heure actuelle, les profits des sociétés pétrolières sont très élevés, nous pouvons le constater chaque jour en lisant les journaux. Si tel est le cas, pourquoi réduire leurs impôts? Pourquoi donner au secteur du pétrole et du gaz un cadeau de Noël de 260 millions de dollars par an? Pourquoi renoncer à des recettes dont le montant a été fixé exactement à cette somme par le ministère des Finances?

Si vous me le permettez, je voudrais ajouter quelques commentaires sur les questions bancaires, car tout ce que je viens de dire concernait l'environnement. En examinant le projet de loi et en examinant...

Le président: Puis-je vous interrompre? Le comité devra lever la séance dans 10 minutes exactement et plusieurs sénateurs ont des questions à vous poser.

Mme May: Je laisse donc de côté ce que je voulais dire sur l'application inégale de ce projet de loi aux divers secteurs industriels. Je ne pense pas que cela corresponde à l'objectif énoncé par le gouvernement d'égaliser le terrain de jeu. Le terrain de jeu reste déséquilibré à de nombreux égards qui ne sont pas environnementaux mais purement commerciaux. Je n'insiste pas là-dessus.

Le président: Nous vous serions très reconnaissants de nous envoyer votre mémoire à ce sujet.

Mme May: Je vous en remercie. Ma collègue de Mining Watch Canada aimerait dire quelques mots. Voulez-vous passer aux questions tout de suite ou lui donner la parole?

Le président: Il ne nous reste que 10 minutes. Nous n'avons pas l'autorisation de siéger après 13 h 30.

Mme May: Veuillez m'excuser, j'avais mal compris. J'arrête tout de suite.

Le président: J'ai déjà plusieurs sénateurs qui veulent poser des questions et nous allons commencer tout de suite.

Le sénateur Tkachuk: Vous parlez de la somme à laquelle le gouvernement renoncera en réduisant les impôts de l'industrie du pétrole et du gaz. Si l'on constatait, au bout de quelques années, que les revenus ont augmenté, cesseriez- vous de vous opposer à l'abaissement des impôts?

Mme May: Du gouvernement fédéral?

Le sénateur Tkachuk: Vous dites que l'on va renoncer à des revenus. Pour ma part, je crois que le gouvernement fédéral va en fait engranger plus de revenus en abaissant les impôts, étant donné que c'est pratiquement toujours l'effet économique d'une réduction d'impôt.

Mme May: Je crois en une réforme fiscale écologique. Je crois que nous devrions imposer des choses que nous ne voulons pas et réduire l'impôt concernant les choses que nous voulons. Nous devrions répartir nos impôts de cette manière, à mon avis. Nous pouvons utiliser l'impôt pour mettre en oeuvre nos politiques.

Je ne crois pas que cet allégement fiscal — ce cadeau — destiné au secteur du pétrole et du gaz augmentera à long terme l'assiette fiscale du gouvernement du Canada. Je ne partage pas la prémisse de votre question. Quand on prépare un budget, on peut trouver le moyen d'instaurer un climat fiscal neutre du point de vue des recettes, de façon à réaffecter les taxes dans le but d'encourager sérieusement les choses que nous jugeons souhaitables, y compris l'augmentation des profits des entreprises et des revenus personnels, tout en imposant les choses que nous ne voulons pas, comme la pollution et la dégradation de l'environnement.

Le sénateur Tkachuk: Vous avez parlé du Protocole de Kyoto et nous avons demandé au ministre ce que le projet de loi a à voir avec cela. Je sais que votre argument est que l'augmentation des impôts entraîne une augmentation de la consommation d'énergie mais le gouvernement semble à l'évidence avoir la conviction que nous pourrons atteindre nos engagements de Kyoto. Je dois dire que je ne sais même pas ce qu'ils sont ni comment on les atteindra. Je n'ai pas vu de plan à ce sujet et je ne sais donc rien à cet égard, et je ne sais pas comment vous pourriez le savoir non plus. Le ministre prétend que le Canada pourra atteindre ses engagements de Kyoto.

Qu'est-ce qui vous fait dire que nous n'y arriverons pas?

Mme May: Il existe un plan que le gouvernement a publié l'an dernier, avant la ratification du Protocole. Depuis lors, le gouvernement a engagé des dépenses importantes mais, très honnêtement, je ne saurais vous dire à l'heure actuelle si cela nous permettra d'atteindre nos objectifs. Quoi qu'il en soit, des décisions comme celle-ci vont à l'encontre des objectifs. Le gouvernement a accepté des concessions importantes en faveur de ce qu'on appelle les «grands émetteurs industriels». Nous sommes actuellement en période de transition et je ne sais pas quelles seront les intentions du prochain premier ministre sur la manière d'atteindre ces objectifs, secteur par secteur. Pour l'heure, je pense que ces intentions ne sont pas claires. Cela dit, on a certainement pris une mauvaise décision dans le cas des grands émetteurs industriels en leur permettant de réduire leurs émissions en fonction de l'intensité des émissions, ce qui veut dire que, globalement, leurs émissions pourraient augmenter même s'ils atteignaient les objectifs de réduction de leurs émissions par unité de production.

Le sénateur Tkachuk: Je suis cohérent dans mes positions puisque je m'oppose au Protocole de Kyoto.

Le sénateur Massicotte: Je voudrais m'assurer que je comprends bien vos arguments. Vous dites que, dans la mesure où l'on rend l'industrie plus compétitive en réduisant ses impôts, cela produira un surcroît d'activité économique. J'ignore si vous le savez mais on nous dit que les taux d'imposition que l'on veut appliquer à l'industrie sont comparables à ceux des autres secteurs industriels. Je suppose que votre argument est que le fait de les rendre tous plus compétitifs leur permettra à tous de se développer encore plus et, par conséquent, de causer plus de problèmes environnementaux. Si tel est le cas, votre position doit donc être que nous devrions rendre leur taux d'imposition moins compétitif que ceux des autres secteurs industriels, de façon à les dissuader d'accroître leurs activités, ce qui aurait cependant un effet négatif sur notre économie puisqu'ils représentent 8 p. 100 de notre PIB. Votre argument est que cette ressource ne peut devenir que plus précieuse à long terme et que la perte d'avantages économiques à court terme sera compensée à long terme par le fait que cette ressource limitée deviendra plus précieuse à l'avenir.

Ai-je bien compris votre argument?

Mme May: Pas exactement parce que ce n'est pas ce que nous recommandons. Le secteur du pétrole et du gaz et déjà très prospère, avec le taux actuel de 28 p. 100. On n'a pas besoin de réduire son taux d'imposition. Si vous voulez égaliser le terrain de jeu, c'est un peu tard car, pendant plusieurs décennies, le gouvernement fédéral a manifestement subventionné les secteurs des énergies non renouvelables et augmenté la pollution, au détriment de secteurs qui produisent de l'énergie propre et fiable. Il n'est donc pas conforme aux engagements du Protocole de Kyoto de continuer à subventionner et, même, à augmenter les subventions du secteur du pétrole et du gaz alors que notre but devrait être de le rendre plus efficient. Sur le plan de la compétitivité, le secteur privé est très novateur et il s'arrangera pour faire des profits. Par contre, si on envoie un signal favorable à la continuation du gaspillage, cela ne contribuera pas du tout à l'efficience, quels que soient les allégements fiscaux que l'on puisse offrir. On aura perdu une chance de consacrer cet argent à autre chose.

Je conteste aussi l'idée que cela égalise le terrain de jeu. J'en donne comme preuve un article publié dans le magazine de l'Institut des comptables agréés, qui a analysé cette mesure et a conclu que, du point de vue de l'impôt fédéral, il y aura des gagnants dans la période de mise en vigueur, comme les compagnies qui ont des taux de redevances plus élevés, par exemple les producteurs de pétrole et de gaz de l'Ouest canadien. En revanche, il y aura aussi des perdants dans des provinces comme la Saskatchewan, le Manitoba, le Québec et les Maritimes, où l'élimination de la déduction relative aux ressources se traduira par une augmentation du taux d'imposition réel des entreprises touchées. Si votre argument est que nous devons veiller à ce que ce secteur des ressources soit compétitif et bénéficie du meilleur taux d'imposition possible, ce n'est pas avec ce projet de loi qu'on y arrivera.

Le sénateur Massicotte: Vous dites que le taux d'imposition de ce secteur est inférieur à celui des autres secteurs économiques?

Mme May: Oui. D'après tout ce que j'ai lu, l'effet de ce projet de loi est que les grands vainqueurs seront les sociétés pétrolières et gazières. Dans tout le secteur minier, il y aura beaucoup de perdants et peu de gagnants. Cela ne va absolument pas mettre tous les secteurs sur un pied d'égalité.

Le président: Je sais que nous avons un autre témoin mais l'horloge indique que l'heure est venue de mettre fin à la séance. Le Règlement nous interdit de siéger plus longtemps.

Au nom du comité, je remercie tous les témoins d'aujourd'hui.

La séance est levée.


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