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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 10, Témoignages du 25 mars 2003


OTTAWA, le mardi 25 mars 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui, à 17 h 21, pour examiner, en vue d'en faire rapport, de nouvelles questions concernant son mandat (la mise en oeuvre de Kyoto); et pour examiner le projet de loi S-10, Loi concernant les motomarines dans les eaux navigables.

Le sénateur Lorna Milne (présidente suppléante) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente suppléante: Notre premier témoin d'aujourd'hui est l'honorable vice-présidente, le sénateur Spivak.

L'honorable Mira Spivak, sénateur, auteure du projet de loi: Mon exposé n'est pas court, mais je vais essayer de faire le plus vite possible. Vous pouvez toujours m'interrompre pour me poser des questions, histoire de rompre la monotonie.

Le projet de loi sur les motomarines, l'actuel projet de loi S-10, a été présenté pour la première fois en mai 2001, et portait alors le numéro S-26. Il a été renvoyé au Comité des transports et est ensuite mort au Feuilleton. Le projet de loi S-10 est à peu près identique au premier projet de loi. C'est un projet de loi d'ordre administratif qui vise à corriger une erreur, étant donné que la loi n'autorise pas actuellement les collectivités à restreindre l'utilisation des motomarines, comme le règlement sur les restrictions à la conduite de bateaux leur permet de limiter la vitesse sur les voies navigables ou la pratique du ski nautique.

Le projet de loi S-10 ne serait pas du tout nécessaire si le ministre des Pêches et des Océans modifiait le règlement et demandait aux fonctionnaires d'aider les associations de propriétaires de chalet et les municipalités à s'y retrouver dans la réglementation.

J'ai rencontré l'ancien ministre et le commissaire de la Garde côtière. J'ai aussi entretenu des contacts avec des fonctionnaires du ministère, grâce au travail remarquable de mon adjointe Barbara Robson, mais sans succès.

Ailleurs, le projet de loi a suscité un intérêt particulièrement surprenant. Il y a aujourd'hui 77 organismes au Canada qui veulent que nous adoptions le projet de loi, notamment des municipalités et des regroupements de municipalités. Je dirais à l'intention du sénateur Buchanan que l'union des municipalités de la Nouvelle-Écosse a été une des premières à nous appuyer.

Le sénateur Buchanan: Si elle vous appuie, moi aussi.

Le sénateur Spivak: On compte aussi des organismes qui représentent des gens qui fréquentent nos lacs et nos rivières, comme l'Association canadienne du canotage récréatif et la Canadian Coalition of Provincial Cottage Associations. Comme de raison, on retrouve aussi des organismes environnementaux, comme la Fédération canadienne de la nature, le Sierra Club et la Federation of Ontario Naturalists. La liste complète figure à l'onglet 7 du cahier d'information, que tout le monde a, je présume.

Nous avons également reçu des centaines de messages provenant de plus de 500 particuliers canadiens, pour qui l'adoption du projet de loi est importante. Plus de 3 300 personnes ont signé des pétitions adressées au Sénat, et 2 000 à la Chambre des communes. Les cartables que vous avez sont remplis de lettres et de pétitions, que j'ai déjà, pour la plupart, présentées à l'autre comité.

J'ai ici des lettres qui ont été envoyées tout à fait spontanément depuis juin dernier. J'aimerais lire des passages de l'une d'elles:

Sur le grand lac situé à côté de New Denver, en Colombie-Britannique, quelques motomarines rendent la vie misérable à tout le monde. Comme c'est le cas pour beaucoup d'autres lacs dans la région, les gens s'y rendent pour y trouver paix, tranquillité et beauté. Notre localité a essayé d'interdire les motomarines sur le lac sans y réussir parce qu'il n'existe pas de mesure comme celle que créerait l'adoption du [...] [projet de loi]. Cela perturbe nos vies ainsi que notre industrie touristique qui est importante [...]

Les Canadiens qualifient de «dangereuses», «polluantes» et «bruyantes» les motomarines qui vrombissent sur leurs lacs.

J'aimerais déposer tous les reportages faits par les médias. Il y a environ 125 articles, chroniques, éditoriaux et émissions.

Pourquoi le projet de loi suscite-t-il autant d'intérêt et d'appui? C'est parce qu'il règle un problème qui existe depuis 15 ans. Il le règle comme d'autres problèmes sur les voies navigables ont été réglés, que ce soit ceux causés par le ski nautique, par les plaisanciers qui font de la vitesse ou par les bateaux alimentés au gaz qui répandent des quantités excessives de pétrole et de gaz dans nos lacs.

En vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada, les collectivités locales peuvent réduire les dangers pour la sécurité ou les dommages causés à l'environnement. Elles peuvent faire appliquer le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux à seulement un lac, une section de rivière ou un secteur particulier d'un grand lac. La collectivité peut décider de fixer les limites de vitesse, les heures du jour pendant lesquelles les gens peuvent pratiquer le ski nautique ou, si c'est une question de pollution ou de bruit, d'autoriser seulement les bateaux fonctionnant à l'électricité ou d'interdire tout bateau à moteur.

Il faut consulter à l'échelle locale, obtenir l'approbation des responsables de l'application de la loi et, dans la plupart des cas, obtenir l'accord de la municipalité et de la province. La demande pour faire inscrire le lac à une annexe du règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux est soumise à la Garde côtière canadienne. Elle est publiée dans la Gazette du Canada. La Garde côtière reçoit, pour le compte du ministre, des commentaires et ajoute presque toujours le lac ou la portion de rivière désigné à l'annexe.

C'est un processus démocratique qui fait confiance à ceux qui connaissent les lieux et respecte les décideurs locaux. Il y a littéralement des milliers de restrictions sur la conduite des bateaux dans chaque province.

Si je pouvais et si j'étais ministre, ce qui ne risque pas vraiment d'arriver, je changerais simplement le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux, en ajoutant deux annexes pour limiter l'utilisation des motomarines. Je ne ferais pas comme en Suisse; je ne propose pas, pour l'instant, l'interdiction systématique ou généralisée des motomarines, peu importe ce que j'en pense personnellement. Ce n'est pas ce que propose le projet de loi.

S'il est adopté, le projet de loi offrira aux collectivités la possibilité de choisir et d'exercer un contrôle sur leurs affaires. À certains endroits, des heures d'utilisation limitées peuvent être une solution raisonnable. Ailleurs, le fait de limiter les sauts dans le sillage des bateaux peut résoudre le problème. Pour les petits lacs ou près des plages où les gens se baignent, l'interdiction des motomarines peut être nécessaire.

En toute justice, il n'y a pas de solution unique permettant, d'une part, de laisser les gens continuer d'utiliser les motomarines — même pour s'amuser — et, d'autre part, de protéger ceux qui utilisent les plans d'eau et de préserver l'environnement. Ce qui peut convenir pour les eaux côtières peut ne pas être souhaitable pour un petit lac ou des sections de la rivière Rouge qui se jette dans le lac Winnipeg. Ce qui est acceptable pour le milieu du fleuve Saint- Laurent peut ne pas l'être pour les plages publiques ou pour un quai de Parcs Canada.

Les parlementaires ne peuvent pas modifier les règlements; ils peuvent seulement présenter des projets de loi. Le projet de loi établirait un mécanisme pour les motomarines analogue à celui qui existe dans le cas du règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux, mais il est à espérer qu'il ne soit pas aussi compliqué ou lourd. Les plaisanciers eux-mêmes se plaignent qu'il est très difficile de faire modifier le règlement.

Dans son préambule, le projet de loi reconnaît que l'usage sécuritaire de nos lacs et autres voies navigables revêt une importance nationale, que les problèmes de sécurité et d'environnement liés à l'utilisation des motomarines ont suscité d'importantes préoccupations au sein du public, et que le règlement actuel pris en vertu de la Loi sur la marine marchande du Canada n'est pas suffisant.

L'article 2 du projet de loi énonce les définitions nécessaires.

L'article 3, dont j'ai expliqué l'objet, confère aux autorités locales un moyen juridique d'imposer des restrictions conformément aux lois fédérales.

L'article 4 explique la marche à suivre, qu'il faut procéder à une consultation publique auprès de la collectivité et des organismes chargés de l'application de la loi et qu'il faut déterminer les raisons de santé, de sécurité ou liées à l'environnement pour lesquelles une restriction ou une interdiction est nécessaire. L'autorité locale doit adopter une résolution et l'envoyer au ministre des Pêches et des Océans avec la preuve qu'une consultation a eu lieu. Le ministre doit publier toute restriction proposée dans la Gazette du Canada et prévoir une période de commentaires de 90 jours. Un mécanisme est prévu pour modifier les résolutions en fonction des commentaires exprimés.

Les exigences concernant la consultation auprès du public sont considérables et dépassent même celles établies par le gouvernement dans d'autres circonstances par le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux. Il en est ainsi parce que les dispositions qui suivent réduisent, sans l'éliminer, le pouvoir du ministre. Plusieurs de ces dispositions stipulent ce que le ministre doit faire. Surtout, il doit publier les restrictions proposées dans la gazette et il doit leur donner force de loi, sous réserve de l'article 6.

L'article 6 confère au ministre le pouvoir limité de refuser d'imposer une restriction ou une interdiction si la navigation était obstruée, gênée ou rendue plus difficile ou dangereuse. C'est notre avocat qui nous a conseillé cette disposition, et il est question ici de la navigation en général, pas celle des motomarines.

L'article 7 indique que des arrêtés ministériels doivent être pris pour ajouter un secteur désigné à une annexe, ou l'en supprimer, à la demande d'une autorité locale.

L'article 8 stipule que le ministre doit tenir un dossier contenant toutes les résolutions et une description de sa décision.

L'article 9 prévoit qu'on ne peut utiliser une motomarine à moins de se conformer aux restrictions, et il fixe une amende maximale en cas d'infraction. Le projet de loi S-10 est différent du projet de loi S-26 à ce sujet, étant donné que, maintenant, l'amende maximale est de 500 $, soit la même que celle à laquelle serait passible le plaisancier qui contreviendrait au règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux dans le cas du ski nautique.

L'article 10 autorise le ministre à adopter des mesures par voie de règlement.

L'article 11 oblige le ministre à présenter un rapport au Parlement, pour que les parlementaires puissent vérifier comment la loi est appliquée par les autorités locales et quelles résolutions ont été refusées par le ministre.

Voilà le projet de loi, qui a été rédigé en tenant compte des mécanismes et des pénalités prévus par le règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux. Il ressemble à celui que la Garde côtière avait elle-même proposé en 1994. La Garde côtière avait publié une nouvelle annexe pour limiter l'utilisation des motomarines dans la partie I de la Gazette du Canada le 4 juin 1994. À l'onglet 1 de votre cahier d'information se trouve la réponse de la Garde côtière aux commentaires qu'elle a reçus et des avis de nombreux sympathisants, qui sont tirés du procès-verbal de la réunion tenue au mois d'août de la même année. Cette même année, les fonctionnaires de la Garde côtière ont reçu des milliers de plaintes de propriétaires riverains, d'autres plaisanciers et de fonctionnaires de Parcs Canada. Ils avaient l'appui des agents de la GRC, qui avaient des chiffres sur les accidents. Ils avaient leurs propres statistiques qui indiquaient que le taux de collisions était plus élevé pour les motomarines que pour toute autre embarcation. Le personnel de Parcs Canada était aussi d'accord. Il voulait que l'utilisation soit restreinte au large du Parc national Pacific Rim. Les fonctionnaires de l'Ontario et du Québec voulaient aussi une nouvelle annexe, comme ceux de la Saskatchewan et de localités de la Colombie-Britannique.

Il y a deux groupes qui s'y opposaient, les fabricants et les syndicats dont les membres construisent des bateaux; ce sont les deux mêmes groupes qui s'opposent aussi au projet de loi S-10. En 1994, en fin de compte, le gouvernement a écouté les deux groupes d'opposants, et la nouvelle annexe n'a pas été approuvée et publiée dans la partie II de la Gazette du Canada. On a plutôt demandé à la Garde côtière de trouver d'autres moyens de régler les problèmes.

Cet autre moyen a été une restriction concernant l'âge. Personne de moins de 16 ans ne peut maintenant conduire une motomarine. On a aussi essayé de corriger le problème en informant les gens et, pendant un certain temps, en organisant des programmes volontaires parrainés par les fabricants. Puis, en septembre dernier, on a obligé tous ceux qui conduisent une motomarine ou une embarcation de 12 pieds équipée d'un petit moteur à être titulaires d'une carte de conducteur de bateau. Pour en obtenir une, il n'est pas nécessaire de montrer que vous pouvez manoeuvrer une embarcation de 100 chevaux-vapeur sur l'eau ou même que vous avez suivi des cours de sécurité nautique. Il vous suffit de subir un simple examen.

Franchement, le milieu nautique est furieux. Il pensait se retrouver avec un programme de sécurité nautique qui aurait du bon sens, mais il en a plutôt un qui comporte de sérieuses lacunes.

Lors d'une réunion du Conseil consultatif maritime canadien qui s'est tenue l'automne dernier, des représentants ont indiqué être inquiets au sujet des cours, des examens et de la base de données. Les fonctionnaires de la Garde côtière ont avoué ne pas savoir combien de cartes avaient été délivrées, mais ils pensent que ce nombre est minime. Je suis certes en faveur des programmes de sensibilisation mais, sans cours ni examen pratique, ces programmes ont leurs limites.

Au lieu d'établir un règlement qui pourrait être adapté aux besoins des collectivités, nous avons imposé un règlement général concernant l'âge et la sensibilisation, qui s'est avéré inefficace. Voilà où nous en sommes aujourd'hui. Il y a 15 ans que les motomarines sont devenus populaires et presque 10 ans que la Garde côtière a proposé une solution, mais les problèmes sont toujours là.

Quels sont ces problèmes? Qu'est-ce qu'une motomarine? On les appelle couramment des jet-skis ou des sea-doos, qui sont les noms des marques de ces véhicules. Elles ressemblent souvent à des motoneiges sur l'eau, sans ski, ni gouvernail ou hélice, ce qui cause des problèmes de sécurité. Jusqu'à tout récemment, la plupart des motomarines étaient actionnées par un moteur à essence à deux temps, mais les fabricants commencent à offrir plusieurs modèles moins polluants et moins bruyants. La première motomarine commercialisée par Kawasaki, en 1974, avait un moteur de 32 chevaux-vapeur. Aujourd'hui, les modèles de course ont des moteurs de 160 chevaux-vapeur et même les plus petits modèles ont des moteurs de 85 chevaux-vapeur.

Les motomarines n'ont pas été très populaires avant la fin des années 80 parce que peu de gens se sentaient capables de manipuler un petit appareil puissant sur l'eau en restant debout, sans tomber. Bombardier a conçu le premier modèle permettant de s'asseoir, et les motomarines sont devenues extrêmement populaires. Aux États-Unis, leur nombre a décuplé pour atteindre 900 000. Au Canada, on évalue qu'il y en a à peu près 80 000. Aujourd'hui les fabricants estiment qu'il y a environ 50 000 motomarines en circulation au Canada.

Il y a plusieurs genres de problèmes qui y sont associés: ils ont trait à la sécurité, à l'environnement et au bruit. L'onglet 3 du cahier d'information vous renseigne sur les problèmes de sécurité, et j'ai inséré trois articles généraux détaillés sur le sujet, un provenant des États-Unis et deux du Canada.

J'aimerais lire des extraits du premier article qui explique en termes simples l'un des principaux problèmes de sécurité. Au quatrième paragraphe, on indique à propos des États-Unis:

En 1998, le National Transportation Safety Board a critiqué la conception technique générale de toutes les motomarines: «les motomarines ne possèdent aucun mécanisme de freinage. Elles se laissent glisser jusqu'à ce qu'elles s'arrêtent et, tout en glissant, elles ne peuvent effectuer de virages».

Comme l'auteur l'indique:

[...] quand les gaz sont fermés, une motomarine roulant à toute vitesse est comme une voiture sur la glace: elle ne peut s'immobiliser. Le véhicule ne peut changer de direction et le conducteur n'a aucun contrôle.

Certains accidents horribles se sont produits, comme quand une mère a amené son jeune fils faire un tour à bord d'une motomarine et qu'en revenant au quai elle n'a pas pu contrôler le véhicule et que sa petite fille en est morte.

Les fabricants commencent à s'occuper du problème avec certains nouveaux modèles. Cependant, les nouvelles caractéristiques des modèles 2003 ne règlent pas les problèmes des appareils plus dangereux achetés il y a un ou cinq ans. La U.S. Consumer Product Safety Division, le journal de l'American Medical Association et le Transportation Safety Board des États-Unis essaient de mesurer et de corriger le problème du levier de commande depuis 1995. Plus récemment, comme le troisième article le montre, les tribunaux imposent leurs propres solutions.

J'espère que l'expert en collisions de Calgary cité dans le deuxième article pourra venir témoigner devant notre comité.

Les statistiques de la Garde côtière américaine indiquent la tendance pour ce qui est des accidents, des blessures et des décès causés par les motomarines. Malheureusement, ces chiffres s'arrêtent à 1997, mais le rapport entre les blessures et les accidents est significatif. Il y a une personne blessée à tous les 2,3 accidents et presque 24 personnes blessées pour chaque décès.

Mon bureau a examiné les statistiques de la Garde côtière américaine pour l'an 2000. Nous constatons que les accidents impliquant des motomarines ont entraîné plus de 1 500 blessures et 68 décès. D'après les chiffres de la Garde côtière américaine, les motomarines sont en cause dans 42 p. 100 des 5 400 collisions entre embarcations, même si elles représentent moins de 10 p. 100 de toutes les embarcations enregistrées. Elles ont été impliquées dans presque 30 p. 100 de tous les accidents.

Étant donné que la Garde côtière canadienne ne tient pas de statistiques, les meilleures données pour le Canada proviennent du programme de Santé Canada qui réunit des informations sur les services d'urgence. Les données provenant du Système canadien hospitalier d'information et de recherche en prévention des traumatismes indiquent que l'utilisation de motomarines entraîne un nombre disproportionné de blessures au Canada. Si elles étaient conçues et utilisées comme d'autres bateaux à moteur, les motomarines devraient représenter entre 3 à 5 p. 100 des blessures traitées dans les salles d'urgence. En fait, elles en représentent plus de 20 p. 100.

Le U.S. National Transportation Safety Board a examiné les taux de décès et de blessures et les caractéristiques des accidents. En juin 1998, il a écrit aux fabricants pour leur demander d'évaluer la conception de leurs embarcations en vue d'apporter des modifications qui amélioreront la maîtrise de l'embarcation et réduiront les blessures. Il leur a demandé de s'intéresser à des aspects comme la direction en décélération, le freinage et un guidon matelassé, ainsi que du matériel destiné à l'utilisateur, comme les dispositifs de flottaison et les casques. Certains modèles offrent certaines de ces caractéristiques, mais la vaste majorité des 50 000 motomarines actuellement utilisées ne les possèdent pas, et les conducteurs ne sont pas obligés de porter de casque.

Enfin, dans cette section, on retrouve de l'information sur les très nombreux rappels de motomarines en raison de problèmes de fabrication ou de conception qui pouvaient entraîner des incendies ou des explosions. La vérification d'autres rappels nous a permis de constater que plus de 500 000 véhicules, sur une période de 10 ans, avaient été rappelés pour des défauts importants liés à la sécurité. Cela représente entre la moitié et le tiers de toutes les motomarines fabriquées.

Il est louable que les fabricants corrigent les défauts. Il est inquiétant qu'un si faible pourcentage de véhicules soit réparé. En effet, 38 p. 100 des 126 000 motomarines que Bombardier a rappelées parce que le col de remplissage du réservoir de carburant était défectueux sur des modèles fabriqués pendant trois ans l'ont été. Il est aussi inquiétant que la Garde côtière n'ait jamais prévenu les Canadiens de ces rappels.

L'onglet 4 du cahier d'information traite des problèmes liés à l'environnement et on y trouve deux excellents documents produits par la Direction de la recherche parlementaire de la Bibliothèque du Parlement. Vous allez aussi trouver une description des problèmes de pollution faite par Environnement Canada. On a calculé qu'un moteur à deux temps de 70 chevaux-vapeur produisait en une heure seulement la même quantité de polluants hydrocarbonés qu'une nouvelle automobile parcourant 8 000 kilomètres. Beaucoup de motomarines ont des moteurs plus puissants et circulent des heures et des heures sur de petits lacs. Jusqu'à tout récemment, la plupart des motomarines étaient équipées de moteurs à deux temps. Nous avons constaté que la Californie interdit tous les moteurs à deux temps partout, pas seulement dans le cas des motomarines.

D'après Environnement Canada, la plupart des moteurs hors-bord expulsent dans l'eau 40 p. 100 de leur carburant sans le brûler, et une partie est de l'huile brute. Pour une promenade normale de deux heures, entre trois et quatre gallons de carburant sont ainsi expulsés dans l'eau. La U.S. Environmental Protection Agency évalue qu'une motomarine moyenne répand 50 à 60 gallons par année de carburant non brûlé.

Environnement Canada indique que les gaz d'échappement contiennent des hydrocarbures, des oxydes d'azote, du monoxyde de carbone, du dioxyde de carbone, de l'huile et de la graisse, des additifs et ce qu'on appelle les BTEX, c'est-à-dire des quantités infimes d'hydrocarbures aromatiques carcinogènes ou mutagènes qui se forment pendant le processus de combustion — c'est le Saddam Hussein des bateaux. Pas étonnant que les riverains soient préoccupés par la qualité de l'eau potable et l'utilisation des motomarines.

Les moteurs à deux temps salissants sont aussi polluants parce qu'ils n'ont pas changé depuis les années 40. Leurs orifices d'échappement dans les cylindres restent ouverts pendant une courte période de temps alors qu'une charge de carburant et d'air entrent dans la chambre de combustion. Dans les moteurs à quatre temps, la soupape d'échappement se ferme avant que le mélange de carburant n'entre dans le cylindre, et l'huile lubrifiante est contenue dans un réservoir isolé semblable à celui des automobiles.

Dans les dernières années, les fabricants ont redessiné le moteur à deux temps. On a mis au point pour ces moteurs un système d'injection directe. Ce système utilise des pompes à haute pression qui envoient des jets de carburant directement dans la chambre à combustion du moteur, une fois que l'orifice d'échappement est fermé. Les fabricants prétendent qu'ils satisfont à l'objectif de réduction de 75 p. 100 des hydrocarbures. Une récente étude du U.S. National Research Council indique que les moteurs à quatre temps et les moteurs à deux temps à injection directe répandent cinq à dix fois moins de carburant que le moteur à deux temps ordinaire. La technologie peut régler une bonne partie du problème.

Dans la réalité, les consommateurs ont acheté des dizaines de milliers de ces moteurs à deux temps salissants, et ils ne vont pas les remplacer du jour au lendemain. L'an dernier, au Canada, le principal fabricant a mis sur le marché seulement une motomarine ayant un moteur à quatre temps et trois modèles avec un moteur à injection directe. Les sept autres modèles ont des moteurs à deux temps. Cette année, c'est l'inverse. On trouve sur le marché quatre modèles avec un moteur à quatre temps, cinq ayant un moteur à injection directe et seulement un avec un moteur à deux temps conventionnel, mais celui avec le moteur à deux temps coûte deux fois moins cher que le modèle haut de gamme doté d'un moteur à quatre temps.

En 1996, l'EPA des États-Unis a adopté une réglementation visant à obliger les fabricants à réduire graduellement les émissions rejetées par les motomarines, les bateaux hydropropulsés et les moteurs hors-bord. Ainsi, l'Agence les somme de réduire leurs émissions d'hydrocarbures de 75 p. 100, mais elle leur laisse amplement de temps et de souplesse pour y arriver. Elle prévoit également que cette mesure n'aura pas réellement d'effet mondial sensible avant 2030, lorsque tous les vieux moteurs auront été remplacés.

Dans notre pays, nous n'avons pas de règlement semblable. Nous avons un protocole d'entente avec les fabricants, ce qui semble bien, mais comme toujours ce sont les détails qui posent problème. Nos fabricants ne se sont pas engagés à réduire le taux d'émissions des moteurs vendus au Canada de 75 p. 100. À la place, ils ont promis que les moteurs mis en vente au Canada porteraient un certificat de conformité au règlement de l'EPA ainsi qu'une étiquette durable.

La grande subtilité, c'est que le programme de l'EPA autorise les entreprises à appliquer une moyenne d'émissions. Ainsi, les sociétés peuvent continuer de produire des moteurs à deux temps polluants, tant que ceux-ci sont éclipsés par une quantité supérieure de moteurs plus gros et plus propres. La formule tient compte des ventes aux États-Unis. Seuls les moteurs destinés à l'exportation sont exempts de l'application de cette règle.

Le programme volontaire canadien ne fait aucune mention du recours des sociétés à des moyennes ni ne se fonde sur les ventes réelles. Les fabricants ont accepté de ne vendre que des moteurs certifiés conformes aux règles de l'EPA à partir de 2001. Peu importe si les moteurs conformes sont des moteurs à deux temps très polluants. Les fabricants ont affirmé qu'il ne serait pas possible de procéder par moyenne d'émissions au Canada. Le raisonnement est le suivant: dans le marché des moteurs hors-bord, par exemple, les Canadiens ont tendance à acheter des moteurs environ deux fois plus petits que ceux achetés aux États-Unis. Or il est beaucoup plus facile de fabriquer un gros moteur propre et d'obtenir des crédits compensatoires pour ce faire que de fabriquer un petit moteur puissant, léger et propre.

Bien entendu, notre gouvernement ne voulait pas nuire aux fabricants en leur imposant des règlements qu'ils ne pouvaient pas respecter. Il a donc adopté un programme volontaire qui fait abstraction des émissions rejetées par les moteurs vendus aux Canadiens. Ainsi, il y a une brèche immense dans le programme canadien. Le Sierra Club et la Federation of Ontario Cottagers' Association nous ont avertis il y a trois ans que les consommateurs pourraient être trompés par l'étiquette de l'EPA et croire à tort qu'ils achètent un produit écologique. Ils nous ont également avertis que le Canada pourrait être l'endroit idéal pour écouler les moteurs polluants produits aux États-Unis. Des preuves l'attestent.

En 1998, lorsque les règles de l'EPA sont entrées en vigueur aux États-Unis, les importations de motomarines au Canada ont augmenté remarquablement et elles continuent de croître. En 2000, les ventes s'élevaient à 14 millions de dollars. Ces statistiques ne nous disent pas si les embarcations importées sont munies d'un moteur à deux temps classique ou d'un moteur plus propre. J'espère que l'association des fabricants, lorsqu'elle comparaîtra devant nous, va nous fournir des données nous indiquant exactement combien de moteurs des différents types ont été vendus au cours des sept dernières années.

L'entente conclue avec nos fabricants ne tient pas compte du règlement pris en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement. Le gouvernement a dit au printemps 2000 que le Canada s'inspirerait des normes de l'EPA pour élaborer son règlement. En fait, le gouvernement s'y est engagé aux termes de l'entente entre le Canada et les États-Unis, mais la date butoir du règlement nous porte à 2005.

Devant l'inaction du gouvernement fédéral, bon nombre de provinces et de municipalités passent à l'action. Au Nouveau-Brunswick, afin de protéger 30 bassins hydrographiques, tous les moteurs à deux temps sont frappés d'interdiction, de même que tous les bateaux munis de moteurs de plus de dix chevaux, ce qui comprend l'ensemble des motomarines.

Le Québec envisage d'interdire tous les moteurs à essence sur les lacs de moins d'un kilomètre carré et sur ceux de moins de quatre kilomètres carrés si leurs eaux servent à l'alimentation en eau potable. L'Ontario a décidé unilatéralement d'interdire les embarcations dans les parcs provinciaux et même Parcs Canada refuse d'admettre des motomarines dans les parcs.

Du côté des municipalités, certaines ont tranquillement laissé les interdictions s'imposer. Une municipalité, toutefois, le district de Saanich sur l'Île de Vancouver, n'est pas restée si tranquille et a menacé d'intenter des poursuites, mais ces menaces sont apparemment restées vaines.

Cependant, il y a une réalité constitutionnelle importante: la navigation et toute restriction s'y appliquant est une sphère de compétence exclusive au gouvernement fédéral. Celui-ci n'exerce son pouvoir sur aucune des côtes, ni n'offre de solution de rechange aux collectivités pour protéger leur environnement. Le Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux pourrait être une solution. Le projet de loi C-10 serait une solution adaptée à la répartition constitutionnelle de pouvoirs. Ainsi, ne serait-ce que pour offrir aux provinces et aux municipalités la solution qu'elles sont lasses d'attendre, nous devrions adopter ce projet de loi.

Je ne vais pas m'étendre sur les autres effets environnementaux, soit les effets néfastes sur la faune. La partie du cahier d'information produite par l'American Canoe Association aborde cette question. Le directeur du North American Loon Fund croit que les motomarines sont la plus grande menace à la survie des populations de huards en nidification.

Au cinquième onglet, vous allez trouver le résumé d'un article excellent sur le bruit. Il a été écrit par un autre témoin que nous proposons d'entendre. Vous verrez ce qu'un fabricant a fait pour réduire les émissions de bruit de ses moteurs. Un tableau montre que la motomarine la plus silencieuse émet des décibels d'une intensité variant entre le niveau sonore d'un aspirateur et celui du trafic routier.

L'une des partisanes du projet de loi a écrit qu'elle vivait près du canal Rideau, où le bruit des motomarines était comparable à celui des voitures sur l'autoroute 401. De façon intuitive, elle visait plutôt juste.

En juin dernier, la Garde côtière a proposé un nouveau règlement afin que toutes les petites embarcations soient munies d'un silencieux. Cependant, les fonctionnaires ont affirmé que ce règlement ne s'appliquerait pas aux motomarines ni aux embarcations dont les tuyaux d'échappement se trouvent sous l'eau. Cela ne tient pas compte du fait que lorsque la motomarine saute dans des sillages, elle s'élève au-dessus de l'eau et émet un sifflement distinct.

D'autres pays se sont penchés sur les mêmes problèmes. Aux États-Unis, les restrictions applicables à la navigation de plaisance relèvent des États et non du gouvernement fédéral. Les Suisses ont interdit carrément les motomarines. Cependant, l'exemple des États-Unis est celui qui se compare le mieux au nôtre, parce que nous avons certains cours d'eau en commun et que nos statistiques sont similaires.

En examinant les règlements américains, on se rend compte que 51 États prescrivent un âge minimal pour la conduite d'une motomarine. L'âge minimal de 16 ans établi au Canada se compare favorablement aux limites d'âge établies ailleurs. Quarante-quatre États imposent des restrictions sur les sauts dans les sillages, tandis que 38 États prescrivent des interdictions diverses et 12 fixent des limites de vitesse. Nous n'imposons aucune limite semblable applicable aux motomarines.

Aux États-Unis, la Personal Watercraft Industry Association a élaboré une loi modèle. Beaucoup d'États ont adopté les mesures recommandées par les fabricants américains. D'autres sont allés plus loin. L'État de New York a opté pour une formule se rapprochant de notre projet de loi. Aux États-Unis, on parle d'indépendance législative.

J'ai commencé à travailler à ce dossier il y a cinq ans. J'ai entrepris mes démarches après qu'un jeune homme a été tué sur mon lac dans un accident de motomarine. Lorsque l'appui est manifeste et que les gens le disent à voix haute, c'est souvent qu'il y a eu des morts tragiques. Les gens de la Colombie-Britannique, de l'Ontario et du lac Magog au Québec savent tous très bien ce que signifie de telles tragédies.

J'ai commencé à travailler à ce projet de loi il y a environ cinq ans, mais le mois dernier, certains membres de l'industrie de la navigation de plaisance qui s'opposent à ce projet de loi ont commencé à préparer une solution de rechange au projet de loi, qui n'en diffère pas beaucoup, pour être honnête. Ils veulent eux aussi que le ministre exerce les pouvoirs que lui confère le Règlement sur les restrictions à la conduite des bateaux. Ils veulent qu'il établisse des règles plus conviviales. Plutôt que d'étudier les motomarines elles-mêmes, ils souhaitent se pencher sur le comportement des conducteurs de ces embarcations et d'autres embarcations auxquelles devraient s'appliquer des restrictions dans l'avenir pour des raisons de sécurité, pour protéger l'environnement et pour que tous puissent profiter des plans d'eau. Peut-être nos témoins nous diront-ils comment ce concept évolue.

Je serais très heureuse que le ministre prenne des mesures qui rendraient ce projet de loi redondant.

Le projet de loi S-10 en est un d'ordre administratif. Il porte sur les graves problèmes attribuables aux motomarines et confirme le fait que la navigation de plaisance relève du gouvernement fédéral selon la constitution et que c'est lui qui doit régler ces problèmes de façon rationnelle. Il atteste également qu'il n'a jamais été une solution de se fermer les yeux devant des problèmes et que ce ne le sera jamais.

Je pense que le plus important consiste à exercer un contrôle local, à permettre aux collectivités locales d'imposer les restrictions qu'elles jugent appropriées et justifiées sur leurs lacs. Ainsi, il est important qu'elles puissent imposer des restrictions quant aux sauts dans les sillages ou aux heures d'utilisation, créer de zones réservées aux nageurs ou à la nidification des huards, prescrire des limites particulièrement sévères sur les petits lacs et dans les bassins servant à l'alimentation en eau potable ou interdire les motomarines dans certains cas, mais pas nécessairement les interdire complètement.

Voilà ce à quoi servira l'adoption de ce projet de loi.

Le sénateur Cochrane: Au début de votre exposé vous avez mentionné qu'il y avait une chose que le ministre pourrait faire. Pouvez-vous nous donner plus de détails?

Le sénateur Spivak: Il pourrait créer une annexe sur les motomarines. C'est ce qu'on lui demande de faire par ce projet de loi. S'il le faisait, comme d'autres personnes le proposent, il serait bien plus simple de demander des restrictions à la navigation de plaisance. Quiconque veut imposer une restriction aux bateaux doit franchir environ 20 étapes, et en tout temps des bureaucrates peuvent s'y opposer, un point c'est tout.

Par exemple, sur un petit lac tout près du mien, les gens envisageaient d'imposer des restrictions aux motomarines, mais la GRC les en a découragés.

Si le ministre ajoutait une annexe, les gens pourraient enclencher l'exercice des pouvoirs préexistants plus facilement et demander une restriction.

Le sénateur Cochrane: Y a-t-il une disposition permettant au gouvernement fédéral de conférer des pouvoirs aux provinces ou aux municipalités?

Le sénateur Spivak: Non.

Le sénateur Cochrane: Ne faudrait-il pas leur en attribuer?

Le sénateur Spivak: C'est impossible. Il est vrai que les municipalités et les provinces exercent un contrôle. Cependant, toutes les voies navigables sont de compétence fédérale. Par exemple, sur la rivière Rouge à Winnipeg, quelqu'un a tenté d'obtenir l'autorisation de mettre des motomarines en location, mais le conseil de ville s'y est opposé, parce que tous les résidents vivant aux abords de la voie navigable s'y opposaient. Il n'a donc pas donné son autorisation. Cependant, ce n'était pas vraiment du ressort de la ville. C'est du ressort du gouvernement fédéral. Jusqu'à maintenant, personne ne l'a contesté. Aucun des fabricants ne veut intenter des poursuites contre les municipalités qui imposent des restrictions. Cependant, toutes les affaires qui ont été portées devant les tribunaux à d'autres égards montrent que même si elles ont une bonne raison de le faire, les municipalités ne peuvent imposer de restrictions. Je crois qu'il y a eu une poursuite concernant le bruit. C'est une sphère de compétence fédérale.

Le sénateur Cochrane: Je comprends bien que les voies navigables sont de compétence fédérale.

Quel âge une personne doit-elle avoir pour pouvoir conduire une motomarine au Canada?

Le sénateur Spivak: Aucune personne de moins de 16 ans ne peut en conduire une.

Le sénateur Cochrane: Faut-il un permis?

Le sénateur Spivak: Je le crois. Comme je l'ai expliqué, on doit subir un examen, puis on reçoit une carte de navigation de plaisance.

Le sénateur Cochrane: Savons-nous combien de blessures ou de morts sont attribuables chaque année aux motomarines?

Le sénateur Spivak: Seuls les hôpitaux peuvent nous renseigner, parce que la Garde côtière ne compile pas de statistiques à cet égard. Les hôpitaux, toutefois, conservent des renseignements sur les blessures observées dans les urgences.

Le sénateur Cochrane: En avons-nous?

Le sénateur Spivak: Oui, l'information se trouve dans votre cahier d'information. Bien que notre garde côtière ne tienne aucune statistique sur le sujet, nous pouvons observer les données de la Garde côtière américaine. Les chiffres sont épouvantables, et il faut y ajouter le nombre de rappels. Je n'en croyais pas mes yeux, c'est ahurissant.

Le sénateur Cochrane: Pouvez-vous nous parler des menaces à Vancouver? Avez-vous dit que des menaces vaines ont été brandies?

Le sénateur Spivak: À Saanich, certaines personnes ont menacé la municipalité de poursuites pour avoir interdit toutes les motomarines. En fin de compte, ces menaces ne se sont pas concrétisées. Aucune poursuite n'a été intentée.

Il est toutefois intéressant de souligner que même si les motomarines ont été interdites à Saanich, les motomarinistes se promènent sur un lac voisin et personne n'a déposé de plainte. Les habitants de Saanich ont installé des affiches «Motomarines interdites», et elles ont été respectées. Si la collectivité locale tient bon, je pense que les gens finissent par se plier à ses désirs.

Le sénateur Christensen: Vous dites qu'il existe déjà un mécanisme de restriction auquel les gens peuvent recourir?

Le sénateur Spivak: Il existe un mécanisme permettant d'interdire tous les bateaux.

Le sénateur Christensen: C'est tout ou rien?

Le sénateur Spivak: Voilà le problème. Il y a toutes sortes d'annexes au Canada. Certaines dictent qu'aucune embarcation ne peut s'approcher de tant de mètres de la rive, et cela touche probablement les motomarines. Cependant, rien n'autorise les collectivités à prendre des mesures qui s'appliqueraient aux motomarines seulement et non à toutes les embarcations. Même lorsqu'elles essaient de le faire, on le leur déconseille.

Le sénateur Christensen: Y a-t-il des dispositions permettant aux municipalités d'interdire toutes les embarcations ou des embarcations particulières sur les plans d'eau qui ne sont pas des voies navigables, sur un lac fermé sans ruisseau ni chenal, par exemple?

Le sénateur Spivak: Je crois que ces dispositions s'appliquent à tous les lacs. Ils sont tous considérés comme des voies navigables.

Le règlement sur la navigation de plaisance se trouve dans le cahier d'information. Il faut suivre de nombreuses étapes.

Le sénateur Christensen: Tous ces groupes qui diffusent des avis d'interdiction le font-ils sans se fonder sur une loi ni même un règlement municipal?

Le sénateur Spivak: Oui, c'est le cas des municipalités qui interdisent les motomarines. Elles sont lasses. Elles ne veulent plus de ces embarcations sur leurs voies navigables. Je ne sais pas si elles les interdisent. Dans certains, elles imposent seulement des limites de vitesse. Si ce projet de loi n'est pas adopté et que le ministre ne modifie pas l'annexe, c'est ce qu'elles vont continuer de faire.

Beaucoup de gens sont conscients du problème, et j'aimerais croire que c'est en partie grâce à la présentation des mesures proposées. Cependant, les gens savent également très bien ce qu'ils veulent et ce qu'ils ne veulent pas sur leurs lacs. Ils devraient être en mesure d'imposer des restrictions sans trop d'histoires et avec l'accord de leur collectivité.

Il faut adopter une résolution. Le ministre pourrait définir ce qu'on entend par collectivité locale. Le débat à savoir s'il faut restreindre le ski nautique ou autre chose dure depuis des années.

Le sénateur Christensen: Sur le plan environnemental, vous dites qu'il n'y a aucune obligation de remplacer les moteurs à deux temps par des moteurs à quatre temps au Canada.

Le sénateur Spivak: Il y a un protocole d'entente entre le fabricant et le gouvernement. Celui-ci est volontaire, mais le ministre va adopter un règlement sur les émissions en vertu de la Loi canadienne sur la protection de l'environnement, sauf que nous ne savons pas exactement quand il le fera. L'air pur est sa priorité absolue en ce moment, les choses devraient donc progresser.

Le sénateur Christensen: S'agit-il d'un grave problème environnemental ou d'une nuisance?

Le sénateur Spivak: Il y a actuellement 50 000 moteurs à deux temps qui polluent l'environnement. Il faudra beaucoup de temps avant qu'ils ne soient tous hors de l'eau.

Le sénateur Christensen: Perturbent-ils la faune?

Le sénateur Spivak: Oui, ils sont des effets terribles sur la reproduction des oiseaux et des poissons.

La présidente suppléante: Vous avez dit que le ministre avait le pouvoir de définir ce qu'on entendait par municipalité ou par région. Comme les municipalités sont des créations des provinces au Canada, je doute qu'un ministre fédéral puisse les définir.

Le sénateur Spivak: Je me suis mal exprimée. Le ministre va déterminer en quoi consiste la collectivité locale. Il ne dira pas qu'une certaine zone ne correspond pas à une municipalité.

La présidente suppléante: Il va donc déterminer que telle zone correspond à une municipalité et je ne crois pas qu'il ait le droit de le faire.

Le sénateur Spivak: Vous avez peut-être raison.

Mme Barbara Robson, adjointe du sénateur Spivak: Dans ce projet de loi, le terme utilisé est «autorité locale», et dans la plupart des cas il a été établi que l'autorité locale correspondait à une municipalité. Cependant, dans certains cas, il pourrait s'agir d'un regroupement de chalets, que le ministre aurait le droit de désigner comme une autorité locale.

La présidente suppléante: M. Nyboer, témoin prévu pour la première partie de notre séance de ce soir, est arrivé. Je vais quitter le fauteuil et le rendre au sénateur Spivak.

Le sénateur Mira Spivak (vice-présidente) prend le fauteuil.

La vice-présidente: Monsieur Nyboer, de l'Université Simon Fraser, est un écolo-économiste et un des auteurs de The Cost of Climate Policy. Notre étude porte sur de nouvelles questions concernant la mise en oeuvre du Protocole de Kyoto.

M. John Nyboer, économiste écologiste, Université Simon Fraser, à titre personnel: Je me sens privilégié d'avoir été invité à prendre la parole au sujet de questions découlant de la ratification du Protocole de Kyoto et de la réaction de nos entreprises. En effet, le protocole coïncide tout à fait avec ce que j'ai toujours pensé, soit que l'intendance de la planète — le soin que nous prenons de l'environnement et la priorité que nous lui accordons — est d'une importance cruciale pour le bien-être durable de l'humanité et de tous les êtres vivants que Dieu a placés sous notre responsabilité sur cette terre. Jeune, je le croyais déjà. Je l'ai enseigné à mes étudiants de niveau secondaire, j'en chante les louanges dans mes conférences et je le proclame sur la scène internationale quand je suis invité comme conférencier à l'étranger. C'est donc avec plaisir que je me présente devant le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles pour en vanter les vertus.

Plutôt que de répéter ce que je vous ai déjà fourni par écrit, j'aimerais vous parler de ce que je conçois comme étant une composante essentielle à la réalisation de la durabilité et, dans le cas qui nous préoccupe, de l'objectif ultime du Protocole de Kyoto, soit l'élimination de la menace dont sont porteurs les changements climatiques.

Bien que je fasse allusion à mon bref mémoire, cette composante dont je vous parle reflète selon moi l'idée que se fait d'elle-même notre société en matière d'environnement et comment cette idée doit, par nécessité, changer.

Je souhaite vous parler de ce qu'il faut faire pour provoquer un pareil changement d'attitude. Entre autres, il faut avoir pour noble objectif d'imposer à chaque Canadien l'obligation d'assumer dans sa vie personnelle une part de responsabilité à l'égard des éventuels changements climatiques — «le défi de réduction d'une tonne». Bien que je ne veuille pas laisser entendre que ce défi est la quintessence des programmes, il représenterait une approche particulièrement efficace pour faire face à un changement à mon avis inéluctable.

J'aimerais aborder ce thème en passant en revue avec vous comment nous nous sommes retrouvés dans cette situation, puis suggérer des moyens de s'en sortir et, enfin, ce qu'il faut faire pour que cela se produise. Ce dernier point est traité plus en détail dans mon mémoire.

Comment en sommes-nous arrivés là? L'explication est plutôt simple. Nous ne tenons jamais vraiment compte de tous les éventuels résultats de nos divers actes. Nous ne voyons que les bons résultats. Cela n'a jamais posé de problème dans le passé parce que la capacité de notre environnement à absorber les mauvais résultats de nos actes a toujours excédé notre capacité à les produire. Toutefois, la population s'accroît, de même que la demande, ce qui multiplie l'effet cumulatif des mauvais résultats. Il est donc possible que ceux-ci en viennent à peser plus lourd que les bons résultats.

Le problème est essentiellement d'ordre philosophique, pour ne pas dire religieux. Que vous croyez en la réincarnation qui vous permet d'atteindre le nirvana, une croyance commune aux religions orientales, qu'on vous juge en fonction des biens que vous possédez, que vous soyez un économiste de l'Occident auquel ces externalités du système économique laissent croire qu'il n'y a que deux grands joueurs — les producteurs et les consommateurs —, que vous oubliez la terre, qui fournit les ressources et qui est le réceptacle des biens jetés au rebut, ou que vous croyez que le capitalisme, la libre entreprise et le fondamentalisme à l'américaine sont inextricablement liés, vous en venez à la même conclusion problématique, soit que nous finissons par abuser de notre environnement et par lui enlever son caractère durable.

Dans mes voyages à l'étranger, j'ai été étonné de voir à quel point on est d'accord pour qualifier cette question comme étant essentiellement religieuse. Il semble donc que nous sommes actuellement confrontés à un dilemme à la fois moral et éthique. Les gestes que nous posons actuellement ont un effet sur les générations futures d'êtres humains et de tous les autres êtres vivants et il faut, en dépit de notre passé, faire face à l'obligation de pratiquer une intendance fondée sur des principes. En somme, pour respecter le thème religieux, il faut que nous nous convertissions.

Il faut que nous concevions notre place sur la planète et dans l'univers sous un angle nouveau et peut-être plus propre. Le mouvement est déjà amorcé. Permettez-moi de vous citer diverses vues sur la question qui vous éclaireront et vous aideront à comprendre de quoi je parle.

Lynn White a écrit, en 1967, dans une publication intitulée Science, un article portant sur les origines historiques de notre crise écologique. Selon lui, ce qu'on fait de notre écologie dépend de la conception qu'on a de nous-mêmes par rapport aux choses qui nous entourent. C'est là un point important parce qu'on peut l'interpréter de nombreuses façons. En voici une interprétation.

En 1991, Dave Foreman a écrit, dans Wild Earth, une revue écologiste extrémiste, ce qui suit:

[...] L'extinction de l'homo sapien se traduirait par la survie de millions, si ce n'est de milliards d'espèces vivant sur la terre. L'élimination graduelle de la race humaine résoudra tous les problèmes sur terre, d'ordre à la fois social et environnemental.

Je crois qu'il a raison, mais je ne suis pas sûr que j'adopterais une position aussi radicale.

À l'autre bout du spectre, Ari Fleischer, secrétaire de presse de la Maison-Blanche, a le 8 mai 2001 énoncé la position de George W. Bush concernant la nécessité pour les Américains de modifier leur style de vie de manière à réduire leur consommation d'énergie. Voici ce qu'il a dit:

C'est tout à fait exclu. Le président est convaincu que c'est là le mode de vie américain, que ceux qui arrêtent les politiques devraient chercher à le protéger. Le mode de vie américain est sacré.

En 1970, Francis Schaeffer, philosophe aux mêmes origines culturelles judéo-chrétiennes, a écrit dans un traité intitulé «Pollution and the Death of Man»:

C'est la conception biblique de la nature qui lui donne de la valeur comme telle [...] Toutes choses sont également créées par Dieu [...] Toutes choses, y compris l'homme, ont les mêmes origines.

Cela nous amène à un autre point de vue. Voici une citation de Wendell Barry, dans son ouvrage de 1990 intitulé Out of Your Car and Off Your Horse. Selon lui, le véritable travail qui consiste à sauver la planète se compose d'une multitude de petites tâches humbles et sans prétention qui, dans la mesure où il est question de faire quelque chose qu'on aime, qui soit plaisant et enrichissant, seront trop nombreuses pour être dénombrées, trop nombreuses pour faire l'objet de rapports, trop nombreuses pour être publiquement remarquées ou récompensées et trop petites pour enrichir qui que ce soit ou lui apporter la célébrité.

Wendell Barry fournit le thème du défi de réduction d'une tonne. Le Canada a ratifié le Protocole de Kyoto — il est un des 104 pays à l'avoir fait. Si tous y donnent suite, il se peut que nous abaissions nos émissions collectives à des niveaux de 5 p. 100 inférieurs environ à ceux de 1990. Par le temps que débutera la période d'engagement, soit la période allant de 2008 à 2012, cette baisse n'aura que des répercussions mineures sur ce que nous appelons le réchauffement de la planète. En d'autres termes, si nous regardons au-delà de Kyoto, nous constatons que les objectifs visés devront être beaucoup plus grands.

Ma première conclusion est donc qu'en ratifiant le protocole, nous nous engageons sur un sentier qui conduit vers une façon de penser différente pour ce qui est des gestes que nous posons en tant que consommateurs et pour ce qui est la façon dont nous utilisons les ressources, même si ce premier pas n'a peut-être pas de répercussion notable sur le problème perçu.

L'enjeu est mondial. Il ne suffit pas de nettoyer notre propre cour. Chacun doit le faire. Certaines cours sont plutôt propres. Si l'enjeu est mondial, ceux d'entre nous qui en ont les moyens et dont la cour est propre ne devraient pas hésiter à aider ceux dont la cour est moins propre et qui n'ont pas les moyens de la nettoyer. Si nous examinons de près nos cours propres, mais matériellement encombrées, il faut peut-être s'arrêter à l'état des cours dont nous obtenons ces biens matériels. Nous avons peut-être une certaine responsabilité d'intendance à cet égard.

Ce que j'essaie de faire valoir, c'est qu'il existe de bonnes occasions d'adopter des mécanismes communs de mise en oeuvre et de développement propre qu'il faudrait examiner en tant que mécènes responsables sur le plan de l'intendance des ressources mondiales.

Par exemple, étant donné que la plupart des gaz à effet de serre sont produits par la consommation de combustibles fossiles, il coûte beaucoup moins cher et est beaucoup plus utile d'accroître l'efficacité énergétique du tiers monde que d'augmenter la nôtre seulement légèrement.

Étant donné que nous estimons que le problème est grave — je ne crois pas que ce soit toujours vrai, car les vues diffèrent beaucoup à ce sujet —, il est peu probable que des mesures facultatives soient suffisantes, à moins que nous ne vivions cette conversion. Bien que je sois un chaud partisan des initiatives volontaires et qu'il faille selon moi les accroître, il est peu probable qu'à elles seules, de pareilles initiatives nous permettraient d'atteindre la cible que nous nous sommes fixée dans le Protocole de Kyoto. En laissant entendre que la réalisation de pareils objectifs ne coûte pas cher et peut se faire de façon volontaire, nous ignorons les coûts réels qui ne sont peut-être pas d'ordre pécuniaire, par exemple le choix entre le transport en commun et l'automobile, les risques d'investir dans de nouvelles technologies et les préférences des consommateurs.

Si ces mesures étaient si bon marché, les consommateurs aux portefeuilles plus dodus consommeraient peut-être encore plus de biens énergivores, par exemple de l'éclairage décoratif pour les terrasses ou des appareils de chauffage pour le patio. Il faut que les signaux incitatifs envoyés aux producteurs et aux consommateurs soient immédiats et importants — autrement, rien de tout cela ne se produit.

Voilà donc le difficile objectif du décideur. Il faut offrir les bons stimulants afin de provoquer un changement d'attitude et des choix sans que la personne visée ait l'impression que la décision ne lui appartient pas.

Nous avons à notre disposition plusieurs options stratégiques, y compris le volontariat, des règlements de type spéculation et vérification, des instruments économiques comme les subventions et les crédits d'impôt, un déplacement du fardeau fiscal, un système de plafond et d'échange de permis applicable à l'ensemble du secteur économique et une réglementation sectorielle axée sur le marché. Ce sont là des outils précieux. Ils sont typiquement soumis à une évaluation en fonction de certains critères établis, y compris la facilité administrative, l'efficacité, l'efficience économique et l'acceptabilité politique.

Étant donné notre école de pensée concernant la compulsion à agir, j'ai fourni dans mon mémoire un tableau sur le degré de coercition. Dans notre ouvrage, nous élaborons un programme stratégique détaillé correspondant, en gros, aux réductions et aux estimations des coûts dont fait état notre analyse de l'objectif national en matière de réduction. Cette stratégie inclut une réaction enthousiaste, mais sobre, au volontariat, certains règlements de type stipulation et vérification dans le domaine de la construction résidentielle par exemple, la subvention des techniques, des immeubles et de l'infrastructure d'appui au moyen particulièrement de crédits d'impôt, une réglementation sectorielle axée sur le marché pour encourager les changements fondamentaux et un système modeste de plafond et d'échange de permis applicable à l'ensemble du secteur économique qui fonctionne initialement comme une taxe.

Qu'en est-il du défi de réduction d'une tonne? Il s'agit de toute évidence d'une politique du genre volontaire, sans coercition, et sans vérification de la conformité. Elle n'est pas équitable, en ce sens que ses répercussions varient beaucoup à l'échelle du pays, étant donné la position sociale et l'emplacement géographique des gens. Elle exigera un appui conséquent, en termes à la fois de programmes de soutien et de politiques, de même que ce que je qualifierais de comportement «façonné». Par là, j'entends qu'il faudra que la politique suscite l'enthousiasme et qu'elle fournisse l'occasion d'exprimer et de récompenser cet enthousiasme dans la réalisation de l'objectif.

Son plus grand avantage est peut-être qu'elle impose à chacun d'entre nous une responsabilité morale et éthique d'agir. Ce sont là les forces sur lesquelles devrait miser le programme. Cela ne signifie pas que ceux qui ne suivent pas le programme sont immoraux ou manquent d'éthique. Toutefois, ceux qui l'appliquent ont un plus grand sens de moralité et d'éthique.

Il faut offrir l'occasion d'exercer le choix d'agir et l'encourager. Des programmes de soutien jouent vraiment un rôle important. On peut utiliser quelque chose que détestent les gens comme outil pour les encourager. Par exemple, en exonérant de la TPS les automobiles, les serres ou les énergies vertes, on provoquerait un changement d'attitude, parce que les gens n'aiment pas la TPS, à condition que cette mesure soit conjuguée à l'idée que ce choix n'est pas qu'avantageux sur le plan économique.

Des programmes d'étiquetage et une participation active des autres secteurs seraient utiles. Il faudrait que l'industrie fasse connaître ses efforts, pour que le public n'ait pas l'impression qu'il est le seul à faire sa part. En relevant les attentes à l'égard de la qualité de la construction d'immeubles commerciaux et résidentiels, en mettant en place des programmes de solutions maisons, en obtenant l'appui de célébrités pour des véhicules efficaces entre autres, on rendrait cette conversion beaucoup plus facile.

La ratification de l'objectif établi dans le Protocole de Kyoto n'est que le premier pas sur le chemin, long mais faisable, qui mène à un changement favorable dans le nouveau thème de la durabilité de la société. Le défi de réduction d'une tonne jouera un rôle indispensable dans ce changement.

Le sénateur Buchanan: «Le mode de vie américain est sacré». Voilà qui est intéressant. Le mode de vie canadien ne pourrait-il l'être lui aussi? Bien que certains n'aiment pas l'admettre, nous vivons comme les Américains.

J'ai souvent entendu dire que les Américains sont amoureux de leurs automobiles. Les Canadiens ont aussi un sentiment d'attache assez particulier à l'égard des leurs. Je soupçonne, même sans avoir vu les données statistiques, que les Canadiens conduisent autant d'automobiles, par tête, que les Américains. Nous conduisons de grosses cylindrées. J'en vois partout.

J'ignore en réalité ce que vous entendez exactement par «Que Dieu bénisse l'Amérique et le mode de vie américain». Cela s'applique-t-il aussi au Canada?

M. Nyboer: Je citais Ari Fleischer. Bien qu'il y ait de nombreuses similarités, il existe aussi quelques différences.

J'ai cité quelques données statistiques issues d'un sondage. D'après celles-ci, il semble que les Canadiens ont tendance à être plus sensibles à ces choses que les Américains. Je n'en connais pas trop la raison. Je ne fais pas confiance aux sondages, car je ne les trouve pas très fiables.

Le sénateur Buchanan: Les seuls auxquels je fais confiance sont ceux que j'ai moi-même effectués durant les huit élections provinciales où j'ai été élu.

M. Nyboer: Nous ressemblons beaucoup aux Américains, en ce sens que nous avons la même tendance à acquérir des biens matériels. Cette conversion dont je parlais est le désir de voir, parmi les critères importants de choix, l'efficacité énergétique, qui deviendrait une composante fondamentale de l'achat. Quand vous faites le tour des concessionnaires pour acheter une automobile, le vendeur n'a pas à s'informer du rendement énergétique du véhicule parce que personne ne lui pose la question. Or, il faudrait que ce soit la première question à laquelle il réponde, car tout le monde devrait la poser. Il faudrait faire la même chose au sujet du rendement énergétique d'une habitation.

Le défi de réduction d'une tonne pose un énorme dilemme. Nous pouvons l'aborder comme nous l'avons fait pour la fumée secondaire. Quand j'étais jeune, nul ne pensait à la fumée secondaire. Tout à coup, elle a eu un effet important sur plusieurs choses, y compris sur la loi. Le même phénomène pourrait se produire si nous faisions ressortir que ceux qui ne tiennent pas compte de ces facteurs ne sont pas branchés.

Le sénateur Buchanan: Je suis d'accord avec vous. Nous avons entendu il y a quelques semaines un témoin très sensé au sujet de l'efficacité énergétique des maisons. J'ai suivi ses conseils. J'ai composé le 1-800-O-Canada pour savoir comment je pouvais rendre ma maison plus efficace et économiser de l'argent. Voilà un argument qui a beaucoup de poids, le fait d'économiser.

Les gens réagiront beaucoup plus rapidement s'ils apprennent qu'en ayant des maisons plus efficaces, c'est-à-dire qu'en diminuant les courants d'air et en étant plus conscients des pertes de chaleur, ils économiseront de l'argent. C'est ce que j'ai fait.

Vous avez mentionné le transport public. Dans notre région, l'achalandage des transports publics diminue, plutôt que d'augmenter. Le réseau de transport de la région métropolitaine d'Halifax perd de l'argent parce que les consommateurs prennent leur voiture plus que jamais. Ils ne prennent pas le bus. Ils sont toujours amoureux de leur automobile. Pour une raison quelconque, l'efficacité énergétique de leur maison leur semble logique, parce qu'ils économisent de l'argent et brûlent moins de combustible fossile ou de mazout. Leur réaction face à l'automobile n'est pas la même. Pourquoi?

M. Nyboer: Voilà une bonne question. De nombreuses personnes ont cherché la réponse. Une grande partie de cette réponse se trouve dans ce que nous appelons les externalités. On tire certains avantages de l'intimité que nous procure l'automobile: on peut y fumer, boire son café, écouter de la musique et on s'évite d'avoir à s'asseoir à côté de quelqu'un qui sent mauvais. Ce sont là des facteurs qui encouragent les gens à prendre leur automobile, même s'ils perdent du temps en le faisant.

Lorsque j'emprunte le transport en commun pour me rendre de la maison à l'Université Simon Fraser, je peux lire, et c'est une activité que je trouve très agréable. C'est le seul temps dont je dispose pour lire le journal. Par contre, lorsque je suis assis dans ma voiture, je ne peux le faire.

Le sénateur Buchanan: Vous acceptez de faire cela, mais la plupart des gens ne le feront pas.

M. Nyboer: Je porte un T-shirt EnerGuide. On peut y lire que j'ai une efficacité de 74 p. 100. Je défis quiconque dans cette pièce de faire mieux. Le point que je veux faire ressortir, c'est que si on en fait quelque chose d'encourageant, nous pouvons amener les gens à adopter le transport en commun.

Remplacer mes fenêtres à simple vitrage par des fenêtres à double vitrage dans ma résidence de Vancouver m'a coûté assez cher. J'ai enlevé le parement de ma maison et posé plus d'isolant. J'ai découvert qu'une partie des murs n'était pas isolée. J'ai fait installer un nouvel appareil de chauffage. Ma belle-mère a dit que j'étais fou et que jamais je ne récupérerais cet argent. Elle a peut-être raison, mais je l'ai fait pour d'autres raisons. Mes nouvelles fenêtres m'ont permis de résoudre certains problèmes de bruit, et des problèmes de confort. On ne fait pas de publicité sur ces avantages.

Dans le cas du transport en commun, il faut faire la même chose, de sorte que cela devient plus qu'un simple moyen de transport pour se rendre au travail. J'ai des amis qui vivent à Mission, qui n'est pas loin de l'Université Simon Fraser, mais suffisamment loin pour ne pas vouloir prendre la voiture. Ils prennent le train, ce qui est merveilleux. Ils peuvent s'asseoir, boire du café et travailler sur leurs ordinateurs; ils adorent cela.

Le sénateur Buchanan: Pour en revenir au Protocole de Kyoto, je m'y oppose pour diverses raisons. Une des raisons, c'était que le Canada a décidé de ratifier le Protocole malgré qu'en Nouvelle-Écosse, par exemple, nous brûlions toutes sortes de charbon. Malheureusement, il ne s'agit plus de notre propre charbon. Nous le faisons venir d'endroits comme Hampton Roads, Virginie, Michigan, Colombia. Nous brûlons du charbon.

De plus, au cours des dernières années, nous exportons un demi-million de pieds cubes de gaz naturel par jour aux États-Unis. Pourtant, nous ne recevons aucun crédit pour notre consommation de charbon, parce que nous utilisons du gaz naturel dans les exportations. La réglementation de Kyoto ne permet pas l'attribution de crédits, ce qui est ridicule à mes yeux.

Que je sache, le Canada est le seul pays en Amérique du Nord et en Amérique du Sud à avoir ratifié le Protocole de Kyoto. En d'autres mots, dans toute cette partie du monde occidental, nous sommes les seuls à l'avoir fait et nous ne représentons qu'une petite partie de la région totale. Les autres pays de la région ne se sont pas préoccupés du Protocole de Kyoto, alors que nous, nous l'avons fait. Et on me dit que cela aura pour effet de nous désavantager au plan économique face aux États-Unis.

M. Nyboer: Nous avons beaucoup analysé cette question. Je ne suis pas convaincu que cela nous fera beaucoup de tort. Il y a tellement d'inconnus, y compris dans quelle mesure nous pourrions exploiter des méthodes et des technologies propres. Même le charbon peut être brûlé de manière propre. Son utilisation ne se limite pas nécessairement à celle que vous en faites actuellement sur la côte Est. Il est vrai que nous sommes les seuls à l'avoir fait et que nous sommes petits. Nous comptons pour 2 p. 100. Ce qui, en soi, est encore plus important que Kyoto, c'est que cela force les gens à reconnaître que ce qu'ils font va au-delà d'une simple décision économique. C'est ce que j'essayais de dire ici également. Si le seul effet de cette mesure est de forcer les gens à revoir leur façon d'acheter et de choisir leurs biens de consommation, alors, du point de vue de la question globale, nous ne nous en porterons que mieux.

De toutes les personnes qui sont capables de faire quelque chose à ce sujet, nous sommes parmi celles qui peuvent être le plus utiles. Nous sommes des émetteurs de GES à la fois riches et importants. Sous cet angle, je donne mon appui.

Le sénateur Eyton: Je vais commencer par une observation qui sera suivie d'une question. Je pense que les Canadiens pourraient être dans de meilleures dispositions que ne l'a laissé croire le sénateur Buchanan dans ses questions. Il est vrai que les Canadiens conduisent des voitures plus petites et, de ce fait, moins coûteuses que nos voisins américains. Les fabricants d'automobiles ont eu un gros problème au Canada, parce qu'ils ne pouvaient pas augmenter les prix canadiens au même niveau que les prix américains. Cela a donné lieu à un commerce illicite de voitures entre le Canada et les États-Unis.

Je pense que les Canadiens ne veulent pas dépenser autant d'argent pour acheter une voiture et qu'ils tiennent compte non seulement du coût d'achat de la voiture, mais également des frais d'utilisation de cette voiture. Cela va dans le même sens que nous disons ici aujourd'hui, c'est-à-dire qu'il est nécessaire de les rendre conscients des économies qu'ils peuvent réaliser et, grâce à cette connaissance, ils nous aideront à réaliser les objectifs de Kyoto et d'autres objectifs.

Je ne pense pas que nous en fassions beaucoup. Ma question est la suivante: pourquoi n'en faisons-nous pas plus? Certains d'entre nous sont allés en Californie la semaine dernière. Je suppose que la Californie serait en tête du peloton pour ce qui est d'encourager l'efficacité sous toutes ses formes. Certains des témoignages étaient vraiment impressionnants et ils ne portaient pas seulement sur les activités, mais également sur les résultats mesurés de ces activités. Il y avait la publicité et la persuasion, mais certaines des initiatives comportaient des subventions.

J'ai vécu une nouvelle expérience aujourd'hui. J'ai dû remplacer un climatiseur dans ma maison en Floride. Mon épouse m'a appelé ce matin à 10 heures en disant: «Tu dois me donner un numéro de compte pour notre compagnie de gaz et d'électricité de Floride». Je lui ai demandé pourquoi et elle m'a répondu qu'on venait juste d'installer un nouvel appareil et qu'on lui avait offert un choix, en ajoutant que si nous achetions cet appareil particulier, nous obtiendrions un rabais de 10 p. 100 parce qu'il s'agit d'un appareil plus efficace. J'ai trouvé cette proposition très sensée. On nous a également dit que l'appareil aurait un rendement égal ou supérieur aux appareils concurrents et qu'il était plus efficace. Nous avons signé avec joie et obtenu un rabais de 10 p. 100; alors, tout le monde a été gagnant. J'ai maintenant un climatiseur qui fonctionne.

Je n'ai jamais rien vu de tel au Canada.

Les sondages révèlent que les Canadiens appuient le Protocole de Kyoto et ses objectifs. Cela s'appliquerait aux émissions de différents types. Je ne vois pas de publicité active orchestrée par les fournisseurs ou par l'industrie des services pour offrir un incitatif réel visant à amener les gens à changer leur comportement. Pourquoi mettons-nous tellement de temps à relever le défi, auquel personne ne peut s'opposer, et à faire marcher le système?

M. Nyboer: Cela n'est pas tout à fait exact. Je vous donne un exemple. Comme je l'ai dit, j'ai installé un nouvel appareil de chauffage dans ma maison. Il a coûté 1 200 $ de plus que celui que j'aurais peut-être dû acheter. Moins de trois mois plus tard, j'ai reçu une belle note de B.C. Gas m'informant que si je faisais installer un appareil de chauffage efficace, je recevrais 300 $. Bon sang, j'ai perdu 300 $. Si j'avais mis juste un peu plus de temps à me décider, j'aurais pu profiter de cette offre.

B.C. Hydro possède également un certain nombre de programmes de cette nature. Je ne connais pas la situation dans l'ensemble du pays, mais je sais que B.C. Hydro a mis de l'avant de nombreux programmes qui font depuis longtemps la promotion de l'efficacité du matériel. Le programme ÉnerGuide du fédéral le fait également. Les maisons, les voitures et les appareils électroménagers ont maintenant une cote ÉnerGuide ou en auront une très bientôt. Il existe également certaines mesures pour vous inciter à remplacer les équipements vétustes. On vous donnera 50 $ et on vous débarrassera de votre vieux réfrigérateur si vous acceptez d'en achetez un neuf, plus efficace.

Le sénateur Eyton: Est-ce en Colombie-Britannique?

M. Nyboer: Oui. Je pense qu'ici, en Ontario, le gouvernement va entreprendre un programme semblable, parce que M. Eves a compris qu'il pourrait bien ne pas y avoir assez d'électricité pour tout le monde. Cela arrive, mais cela n'arrive pas d'une manière assez spectaculaire. Cela pourrait arriver d'une manière beaucoup plus spectaculaire.

Comme je l'ai mentionné, la TPS pourrait constituer un excellent moteur pour ce type d'initiative. Vous donnez 7 p. 100. Les gens vont accourir pour profiter d'une telle mesure parce qu'ils n'aiment pas la TPS. Ils vont choisir l'appareil qui est respectueux de l'environnement. L'appareil le plus efficace sera exempt de TPS. Si le fabricant peut produire un appareil qui est légèrement plus efficace, il pourra le commercialiser comme un produit exempt de TPS. Et à partir de là, les choses se continueront d'elles-mêmes. Le producteur le plus efficace en profitera toujours et le producteur dont le produit est légèrement moins efficace cherchera à améliorer l'efficacité de son produit.

Vous pouvez faire preuve de créativité, parce que vous pouvez inciter les gens à faire un choix sensé du point de vue économique et en plus, ils seront heureux de le faire.

L'autre jour, une attachée de recherche a acheté une machine à laver — à chargement par le haut. Cette machine consomme cinq fois plus d'électricité qu'un appareil à chargement frontal. Mais ce n'est pas tout, les appareils à chargement frontal utilisent cinq fois moins d'eau chaude et essorent tellement bien le linge que la sécheuse n'utilise que la moitié de l'énergie pour sécher le linge. Elle ne le savait pas. Nous devrions répandre cette information. Cet appareil devrait être exempt de TPS.

Le sénateur Buchanan: Ce genre de renseignement devrait être diffusé plus largement.

Une autre mesure incitative — dont j'ignorais l'existence, mais plus maintenant — est offerte: vous pouvez retenir les services d'un entrepreneur indépendant, qui ne fera pas les travaux lui-même, pour vérifier les fenêtres de votre maison, les portes et tout le reste. Il peut exiger 350 $ pour ce travail, mais vous ne paierez que 150 $.

Le sénateur Milne: Vous avez proposé plusieurs moyens que les gouvernements peuvent prendre pour encourager les gens à faire différentes choses. Étant donné que les gens réagissent généralement au bâton ou à la carotte, pouvez-vous penser à d'autres moyens qui permettraient peut-être d'inciter les gens à délaisser les véhicules utilitaires sport pour se procurer des voitures efficaces au plan énergétique, par exemple? Il me semble qu'il s'agit là de l'une des principales sources d'émission de carbone.

La vice-présidente: Apparemment, à San Francisco, on conduit un très beau VUS à pile à combustible, fonctionnant à l'hydrogène liquide. Le seul problème, c'est qu'il coûte 4 millions de dollars.

M. Nyboer: Cela a toujours été une bataille. J'ai parlé aux gens de GM pour savoir dans quelle mesure ils croyaient que leur publicité influait sur le marché de l'automobile. Ils ont nié toute influence. Ils disent qu'ils ne font qu'encourager un comportement qui existe déjà. Je pense que ce n'est pas vrai. Je n'en crois pas un mot. Ils ont un pouvoir incroyable pour façonner le marché et il suffit de lire un ouvrage sur la publicité pour s'en convaincre.

Nous devons encourager les gens à ignorer la publicité sur les VUS. Et une façon de le faire, c'est d'encourager les vendeurs de voitures à vendre des voitures efficaces en leur offrant une somme appropriée, 300 $ ou 500 $, pour chaque voiture efficace qu'ils vendent. Vous subventionnez le vendeur, parce qu'il est le premier agent de motivation derrière la vente de ce véhicule. Les gens viendront avec l'idée d'acheter un VUS et le vendeur interviendra en disant: «Voyez, j'ai ici quelque chose de mieux. Ce véhicule est trois fois plus efficace et vous allez l'aimer». On peut donner 300 $ à cette personne pour faire cela; c'est une possibilité.

Il y a toutes sortes de programmes d'incitatifs que vous pouvez concevoir pour récompenser quelqu'un qui fait un effort dans le bon sens. Le programme du réfrigérateur super efficace était un programme par lequel un prix de 300 000 $ était accordé à l'entreprise qui fabriquait le réfrigérateur le plus efficace. Les fabricants ont rivalisé entre eux pour mettre au point le réfrigérateur le plus efficace et l'un d'eux a remporté le prix. Maintenant, le marché est plein de réfrigérateurs très efficaces. La créativité provoque ce genre de choses.

C'est vrai qu'il existe des carottes, mais il vrai également qu'il y a des bâtons qui font mal. Les systèmes de «taxation avec remise», de neutralité fiscale pour l'État, pourraient être du genre: «si vous achetez une petite voiture qui est efficace pour vous rendre au travail, nous vous donnerons 500 $. Si vous achetez un VUS, nous vous imposerons une taxe de 500 $». Il faudra établir un rapport quelconque.

L'idée, c'est que nous voulons développer votre façon de penser. Nous voulons en arriver au point où vous prenez conscience, lorsque vous posez un geste particulier, que non seulement vous économisez de l'argent, ce qui est un bon incitatif en soi, mais qu'en plus, vous faites la bonne chose. Les gens aiment faire ce qui est bien. Pour l'instant, ce qui est bien, c'est d'être glorifié parce que vous pouvez escalader le Mont Everest avec votre véhicule. Je ne comprends pas. Qu'y a-t-il de si bien à pouvoir conduire son véhicule au sommet du Mont Everest?

Le sénateur Milne: Combien de gens sont susceptibles de le faire?

Le sénateur Eyton: Vous pouvez faire deux mauvaises choses en même temps.

M. Nyboer: Exactement, mais pour une raison quelconque, c'est très attirant. Il faut encourager la créativité. Par exemple, en Californie, on a adopté une réglementation qui dit: «La consommation moyenne de tous les véhicules doit être réduite à tant. Débrouillez-vous pour le faire. Il s'agit d'un marché ouvert. Vous êtes prévenus de ce qui s'en vient. Vous ne pourrez pas dire que vous ne saviez pas. Vous êtes des gens créatifs et intelligents. À vous de trouvez la solution». Laissez-les faire. Si vous commencez à l'imposer, en tant que gouvernement, si vous forcez les gens à faire des choses, c'est une bonne façon de provoquer du ressentiment. Vous ne voulez pas cela. Vous voulez que les gens veuille le faire par eux-mêmes. C'est ici qu'intervient la créativité.

La vice-présidente: Dans vos notes, vous avez parlé d'un chiffre d'environ 150 $ la tonne métrique pour réaliser l'objectif de Kyoto. De quoi s'agit-il? Comment avez-vous obtenu ce chiffre?

M. Nyboer: Vous posez une question compliquée. Si vous voulez, je suis prêt à vous donner plus de détails.

Nous utilisons un modèle d'utilisation finale détaillé. Nous examinons les technologies qui sont utilisables pour produire un service, c'est-à-dire, le transport ou la fabrication de la pâte ou du ciment ou de quelque chose d'autre. Il y a un certain nombre de choix possible pour la production de ces biens. Certaines options, même si elles sont moins coûteuses, sont plus énergivores. Si vous augmentez le prix du carbone, c'est-à-dire, le prix que les fabricants doivent payer pour émettre une molécule du CO2, ou une tonne métrique de ces molécules, ces derniers vont commencer à éviter les technologies qui en produisent. Dès que nous allons commencer à imposer des prix plus élevés pour les technologies qui génèrent tous ces polluants, alors, les gens vont s'en éloigner. Combien devons-nous exiger pour chaque tonne de CO2 pour forcer les fabricants à s'éloigner suffisamment de ces technologies pour réduire nos émissions de 2 mégatonnes, ce qui nous permettrait de réaliser les objectifs de Kyoto? Trente de ces mégatonnes, en gros, viennent du secteur forestier.

La vice-présidente: Notre gouvernement a dit qu'il imposerait un plafond de 15 $ la tonne métrique pour l'industrie primaire, ou est-ce pour l'ensemble des industries?

M. Nyboer: Cela touche principalement l'industrie.

La vice-présidente: Cela fait une grande différence. S'agit-il d'une mauvaise politique?

M. Nyboer: La courbe que nous avons tracée aux fins de cet exercice s'aplatit et s'élève plus abruptement au fur et à mesure que vous vous approchez de la marque de 150 $, alors, on peut dire que 15 $ vous amènera un peu plus loin qu'à mi-chemin.

La vice-présidente: Je vois.

M. Nyboer: Ce n'est pas vrai que cela vous amènera à mi-chemin. À 75 $, vous obtenez la moitié. À 15, ou aux environs de 15, vous obtenez plus que la moitié. Au voisinage de dix, vous obtenez la moitié de ce dont vous avez besoin pour les réductions à l'interne. La suggestion, c'est de viser 15. Cela nous amènera un peu plus loin que la moitié. Si vous êtes créatif, vous pouvez résoudre une partie des problèmes ou des questions en achetant le reste sur le marché. Je parlais d'un programme de mise en oeuvre conjointe — c'est-à-dire, la cour de quelqu'un d'autre. Il est plus facile pour nous d'aller en Chine et d'éliminer leurs polluants. Ce serait une bonne chose pour le monde et ce serait une bonne chose pour le peuple chinois. On nous verra comme des sauveurs et cela ne nous coûtera pas un bras.

Cette analyse doit être modifiée. Elle sert principalement de démonstration. Nous avons fait encore plus de travail depuis, mais l'idée est bonne.

La vice-présidente: Est-ce que tout cela se trouve dans ce livre?

M. Nyboer: Oui.

Le sénateur Eyton: Combien coûte le livre?

M. Nyboer: Je suis un des auteurs, alors, je peux l'obtenir à bon prix. Il coûte 29 $ dans les librairies et je peux vous en remettre un exemplaire à l'instant même pour 20 $. Je peux même vous le dédicacer si vous voulez.

Le sénateur Christensen: Dans la réalisation de notre objectif d'une tonne métrique, si une municipalité ou une région augmente l'efficacité de son transport par autobus et qu'une personne laisse sa voiture à la maison pour utiliser le système de transport en commun, comment peut-on en tenir compte? Qui obtient le crédit, la personne, la municipalité ou le gouvernement concerné? Comment compte-t-on cela?

M. Nyboer: C'est une excellente question. Il est difficile de rendre compte de ces choses de cette façon. Par conséquent, il n'y a pas de façon de vérifier si vous avez réalisé votre objectif d'une tonne métrique ou non, et il n'y a pas de façon de vous en attribuer le crédit si vous l'avez fait.

Comme je l'ai indiqué dans le texte, quelqu'un a envisagé l'idée d'une carte de débit du carbone qui vaudrait cinq tonnes métriques et chaque fois que vous vous rendez dans une station service, on soustrait les valeurs correspondantes.

Par exemple, si vous roulez sur des distances normales, votre voiture produit chaque année des émissions de carbone correspondant à trois ou quatre fois son propre poids. Si votre véhicule pèse une tonne métrique et demie, on parle alors d'émissions de quatre ou cinq tonnes métriques juste pour votre voiture. Cela donne matière à réflexion. Et si vous avez un véhicule lourd, comme un VUS, c'est encore pire.

Nous pourrions vous forcer à utiliser deux cartes de débit, une pour le paiement et l'autre pour les émissions de CO2. Ce serait insensé du point de vue administratif, mais c'est un concept intéressant. Nous n'avons aucune façon de mesurer votre degré de conformité. La seule chose que nous puissions faire, c'est de vous encourager en vous donnant un rabais si vous achetez un appareil particulier. Vous pourriez ne pas avoir à payer la TPS si vous achetez ou, si vous n'achetez pas du tout, vous seriez encore mieux.

Le flux des matériaux est une autre question importante dont je n'ai pas du tout parlé. Vous remarquerez que toutes mes notes sont produites sur du papier recyclé. Combien de vos pages sont écrites sur les deux faces? Mes félicitations si vous en avez beaucoup. La production de chaque feuille de papier nécessite de l'énergie. Si vous multipliez cette consommation d'énergie par les 30 exemplaires qui sont ici, multipliée par les 15 personnes qui n'en ont pas reçu une ou qui ne l'utilisent pas, quelle est votre réponse?

Le sénateur Milne: Vous utilisez l'envers pour écrire des notes.

M. Nyboer: J'ai un gros contenant plein de ce papier. Ma femme le ramasse. Notre secrétaire a reçu des instructions formelles. Si nous recevons du papier qui n'a été utilisé que d'un côté, nous utilisons l'autre. Ce n'est qu'un exemple. Si vous étendez ce concept et que vous utilisez toutes sortes d'emballages, vous économisez beaucoup d'énergie. Je ne sais pas comment nous pouvons comptabiliser tout cela. Je peux cependant vous dire que nous serions beaucoup mieux si cela se faisait. Les programmes de recyclage doivent être solides. Par exemple, le recyclage des cannettes d'aluminium économise 95 p. 100 d'énergie. L'aluminium est un produit qui consomme beaucoup d'énergie. On parle d'environ 35 p. 100 pour le papier et d'environ 70 p. 100 pour l'acier, et ainsi de suite. Le flux des matériaux est un concept important.

Le sénateur Buchanan: Je propose qu'on demande au Dr Nyboer d'aller à la télévision.

M. Nyboer: Je vais faire une apparition dans une émission de télé en Colombie-Britannique le 29 mars.

La vice-présidente: Je veux vous remercier. Ce fut un exposé très intéressant. Je vais lire le livre.

La séance est levée.


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