Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Énergie, de l'environnement et des ressources naturelles

Fascicule 17, Témoignages du 12 juin 2003


OTTAWA, le jeudi 12 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles se réunit aujourd'hui à 8 h 39 pour examiner de nouvelles questions concernant son mandat (mise en oeuvre de Kyoto) et en faire rapport.

Le sénateur Tommy Banks (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons aujourd'hui notre travail, qui consiste à examiner les nouvelles questions concernant le mandat global du comité, notamment la mise en oeuvre de Kyoto, et à en faire rapport.

Nous avons le plaisir d'accueillir des témoins de la Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie, en l'occurrence MM. David McGuinty et Alex Wood.

Messieurs, je suppose que vous avez des choses à nous dire avant que vous vous délectiez de nos questions.

Vous avez la parole.

M. David McGuinty, PDG et président du conseil, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE): Monsieur le président, j'aimerais prendre environ 15 à 20 minutes pour vous parler des quelques sujets auxquels la Table ronde s'intéresse actuellement. Au moins deux rapports vous ont été remis ce matin. Le premier est notre rapport sur les indicateurs. Quant au second, c'est le fruit de notre travail que nous avons publié il y a deux semaines à Winnipeg lors de l'assemblée générale annuelle de la Fédération canadienne des municipalités sur la qualité de l'environnement dans les villes canadiennes ainsi que sur le rôle du gouvernement fédéral à cet égard.

Avant d'entrer dans les détails des deux rapports et de faire des commentaires sur l'écologisation de la fiscalité — c'est-à-dire comment le régime fiscal peut être utilisé pour assainir l'environnement — je voudrais vous parler de la Table ronde nationale parce que certains d'entre vous ne savent peut-être pas ce que nous faisons.

Créée en 1994, la Table ronde est une société ministérielle au Bureau du Conseil privé; elle relève directement du premier ministre. En fait, c'est le conseil consultatif du premier ministre sur les questions d'environnement et d'économie.

En tant qu'organisme fédéral autonome, nous faisons beaucoup de consultations. Nous passons la majeure partie de notre temps à rencontrer des groupes qui ne se rencontreraient pas normalement. La Table ronde compte 25 membres nommés par le premier ministre qui proviennent de tous les secteurs de la société. Il y a des industriels, des environnementalistes, des leaders syndicaux, des chefs des Premières nations, notamment. On n'y compte aucun homme ou aucune femme politique, ni aucun fonctionnaire. La Table ronde est, véritablement, comme on dit, un groupe de la société civile.

Depuis dix ans, nous avons déployé de nombreux efforts pour conserver l'autonomie de l'organisation et en faire un forum neutre. La Table ronde est un repère sûr où l'on peut discuter franchement et sans retenue de questions abordées sur tous leurs angles qui touchent le développement durable.

Nous ne nous intéressons pas aux problèmes mais bien plutôt aux solutions. Nous passons beaucoup de temps à formuler des recommandations équilibrées, raisonnées et pratiques qui sont porteuses de changements. Lorsque vous prendrez connaissance de ces deux rapports, vous constaterez qu'ils sont un très bon reflet de nos recommandations.

Mais par-dessus tout, nous croyons, à la Table ronde, qu'un investissement dans l'environnement est un investissement dans l'économie. Nous partons du principe que tous les torts causés à l'environnement font accroître le déficit et qu'il faut, dans la société canadienne, corriger de nombreuses lacunes du marché. Ensuite, on pourra améliorer l'environnement et accroître l'efficacité de l'économie.

C'est cette croyance qui oriente la majeure partie de nos activités. Aujourd'hui, je vais vous parler de deux choses. De notre travail sur les indicateurs et de notre examen de la politique financière dans le contexte de ce géant que sont les changements climatiques que l'on essaie actuellement de maîtriser.

Ces deux questions, les indicateurs et les changements climatiques, reposent sur l'hypothèse que des écosystèmes sains constituent une source majeure de richesse. Cela n'est pas qu'une question d'environnement. Inutile de penser à la prospérité de l'économie à long terme si l'on endommage les écosystèmes qui nous donnent de l'eau et de l'air purs, des fibres de bois et une pollinisation indispensables à la vie, un climat stable et d'autres biens et services essentiels que l'on ne peut tout simplement plus tenir pour acquis et sans valeur.

Nous allons vous dire aujourd'hui, et nous continuerons de le faire de façon permanente dans le cadre de tous nos programmes, que le temps est maintenant venu de revoir l'architecture économique du pays et la façon dont nous prenons les décisions. Nous devons élargir notre cadre de référence et, en même temps, nous devons commencer à tenir compte des effets à long terme de l'activité économique sur notre environnement naturel.

Tous les jours, nous utilisons divers indicateurs macro-économiques pour prendre des décisions comme celles concernant le produit intérieur brut, le PIB. Nous avons besoin du PIB parce qu'il nous aide à asseoir les décisions que nous prenons en matière de développement économique. Or, ces indicateurs économiques, même s'ils retiennent tous l'attention, ne nous donnent pas une idée de la façon dont notre activité économique actuelle influence les perspectives qui s'offriront aux générations de demain.

C'est précisément à cause de ce déséquilibre que le gouvernement du Canada, par l'entremise de son ministre des Finances d'alors, M. Paul Martin, a demandé à la Table ronde il y a près de trois ans de travailler avec Statistique Canada et Environnement Canada pour établir quelques indicateurs nationaux nouveaux qui viendraient s'ajouter aux indicateurs économiques comme le PIB. L'un de nos défis les plus importants, dont nous avons parlé dans ce rapport sur les indicateurs, consistait à établir des indicateurs clairs et faciles à utiliser qui soient en même temps pertinents dans un contexte économique. Nous nous sommes concentrés sur la notion de «capital», qui est un terme économique qui fait référence aux actifs dont nous aurons besoin demain pour assurer la viabilité de la production.

Plus particulièrement, nous nous sommes attachés à concevoir des indicateurs qui peuvent nous donner un aperçu de ce que nous appelons actuellement notre «capital naturel» par opposition à notre capital bâti, notre capital financier, social ou humain. Nous avons besoin d'indicateurs surtout pour les services des écosystèmes pour lesquels il n'existe actuellement tout simplement pas de substituts.

Pour la première fois à l'échelle nationale, nous aurons des mesures et des indicateurs bien précis. Ces indicateurs mesurent certains de nos éléments les plus importants du capital naturel comme la qualité de l'air, la qualité de l'eau, les émissions de gaz à effet de serre et la portée de deux types d'écosystèmes essentiels, les forêts et les milieux humides.

Un indicateur du capital humain, soit le niveau de scolarisation, a été inclus dans la liste finale parce qu'il indique comment notre investissement dans une main-d'oeuvre bien instruite nous aidera à nous préparer à livrer concurrence dans une économie mondiale axée sur le savoir, où l'apport le plus important est la matière grise.

Ces indicateurs de capital, ajoutés aux indicateurs économiques plus traditionnels, en bout de ligne, vont nous donner une bonne idée de l'état de l'environnement, de l'économie et de la société canadienne.

Plus particulièrement, ces indicateurs sont d'importants outils en matière de politique sur les changements climatiques. Certains d'entre eux, comme les indicateurs de gaz à effet de serre, sont directement liés à cette question. D'autres, comme les indicateurs sur les milieux humides, nous aideront à déterminer l'impact des changements climatiques. Pourtant, une fois de plus, la couverture forestière est importante non seulement parce que nous sommes un pays de forêts et d'eau, mais aussi parce que les forêts vont continuer de jouer un rôle important dans la séquestration du carbone au moment où nous cherchons désespérément à diminuer nos émissions de gaz à effet de serre de quelque 30 p. 100.

Dans son budget de 2002, le gouvernement nous a confié cette tâche. À l'époque, M. Martin est intervenu à la Chambre pour déclarer que de toutes les mesures qu'il pourrait présenter dans un discours du budget, cette annonce et ces indicateurs risquent d'avoir une plus grande influence sur la société canadienne que n'importe quelle autre mesure.

La première chose que nous avons faite, comme nous faisons normalement lorsqu'on nous confie un mandat, a été de créer un comité directeur, c'est-à-dire un vaste comité de travail groupant de nombreux intervenants. Ce rapport représente la contribution de spécialistes sur les indicateurs, de fonctionnaires du gouvernement, de représentants du secteur privé, du domaine des banques, d'économistes, d'environnementalistes, de chefs syndicaux et de leaders autochtones. Ces spécialistes nous ont fait profiter d'une expérience directe inestimable en tant que spécialistes sur les indicateurs, ou encore nous ont ramenés à la réalité.

Mais nous sommes allés plus loin encore. Nous avons également soumis ces indicateurs à 1 650 autres Canadiens et Canadiennes. Nous avons été étonnés lors de notre première réunion: nous attendions 250 personnes alors que 850 se sont inscrites. Nous avons également travaillé avec quelque 70 scientifiques et statisticiens pour nous assurer que ce que nous étions en train de créer était solide sur le plan technique et crédible également.

Il nous est apparu durant toutes les délibérations que les données, l'information sur tous les types de capital devaient être reliées au système canadien des comptes nationaux.

Il s'agit du système de comptes nationaux dont Statistique Canada assume la responsabilité. C'est le système d'information qui appuie les grands indicateurs macro-économiques. Le PIB reflète de nombreuses choses. Les données nécessaires pour calculer et appuyer le PIB se trouvent dans le système de comptes nationaux. L'inclusion de données sur le capital naturel, humain et social dans ce système de comptes nationaux peut sembler peut-être un peu ésotérique, mais ce faisant, le Canada deviendra le leader mondial dans l'analyse des liens entre l'environnement, l'économie et le bien-être de notre société.

Depuis trois ans, la Banque mondiale, les Nations Unies et l'OCDE s'intéressent tous à cette initiative parce qu'ils travaillent avec de nombreux pays, et d'autres travaillent à l'établissement de leurs propres indicateurs, pour tenter de trouver une façon de mieux suivre l'évolution du capital naturel en regard de leur capital économique et autre.

Établir une meilleure politique sur les changements climatiques constitue un exemple concret des avantages de l'élargissement de la portée de notre système de comptes nationaux. Nous devons être en mesure d'évaluer les options stratégiques dans ce domaine où l'on aura besoin d'information sur les répercussions des changements climatiques, sur les activités économiques qui amènent des changements climatiques, et sur les coûts nécessaires pour réduire les émissions qui produisent des changements climatiques.

Nous possédons déjà des données de base dans chacun de ces domaines, mais il est impossible aujourd'hui d'établir un lien entre elles pour dresser un tableau cohérent. Il est tout simplement impossible d'établir un lien entre l'environnement et l'économie du seul point de vue statistique. C'est là une chose que nous devons apprendre à faire et vite.

Par suite de la publication de ce rapport, Statistique Canada a créé un plan détaillé et à long terme sur la façon d'élargir la portée des comptes. Statistique Canada reconnaît ouvertement qu'il ne suffit pas de créer des comptes, mais qu'il faut également les alimenter de données.

Cela m'amène à vous parler d'une des plus importantes recommandations qui émanent de ce processus. Lorsque nous avons tenté de déterminer quels indicateurs nous recommanderions dans le rapport, nous avons été véritablement étonnés par l'absence de données nationales valables, régulièrement mises à jour sur des enjeux environnementaux comme l'eau et les forêts. Imaginez qu'un pays comme le nôtre constitué d'eau et de forêts ne peut vous dire aujourd'hui quel est l'état de cette eau et de ces forêts.

Cependant, les participants au programme sont parvenus à créer certains indicateurs de base bien solides dans ces domaines, mais ces indicateurs sont en grande partie l'exception.

En collaboration avec tous les paliers de gouvernement, nous devons reconstruire, voire construire nos systèmes d'information dans le domaine de l'environnement. C'est pourquoi, dans ce rapport, nous soutenons fortement le Système canadien d'information pour l'environnement. Cet organisme a été créé par Environnement Canada pour catalyser la création d'un système capable de recueillir l'information appropriée, de la distribuer et de la rendre accessible à tous les Canadiens.

Les indicateurs, le nouveau système de comptes nationaux et le Système canadien d'information pour l'environnement permettront d'avoir une vision intégrée qui nous aidera à assurer la prospérité de demain. Mais cela nécessitera également une forte collaboration ministérielle, collaboration qu'Environnement Canada et Statistique Canada ont commencé à établir et sont déterminés à poursuivre. Nous aidons actuellement les deux ministères en présentant nos recommandations au Cabinet. Le ministre de l'Environnement s'est engagé à informer ses collègues du Cabinet sur la façon de réagir aux propositions qui vous sont présentées aujourd'hui.

Dans le cadre de notre travail, nous posons une simple question qui, nous en sommes convaincus, est bien entendue par les citoyens canadiens. Elle est la suivante: sur le plan de l'environnement, est-ce que nous vivons aujourd'hui au- dessus de nos moyens et est-ce que nous compromettons la capacité qu'auront les générations futures de jouir d'une excellente qualité de vie? Les dommages causés à l'environnement ne devraient-ils pas être considérés comme un déficit actif et comptabilisés comme tel? Aujourd'hui, les citoyens s'attendent à ce qu'il n'y ait de déficit nulle part. Quand il s'agit de la nature, est-ce que nous avons un déficit écologique et pouvons-nous nous permettre un tel déficit?

Cela m'amène au deuxième volet de la présentation de ce matin, c'est-à-dire la question de la politique budgétaire.

J'aimerais aborder la question des changements climatiques et de la politique fiscale et attirer votre attention sur ce que nous considérons être trois défis que doit relever le Canada au moment où il s'apprête à concrétiser ses engagements en matière de changements climatiques.

Le premier de ces défis concerne l'absence d'une stratégie claire et à long terme qui examine notre avenir énergétique en regard de ce que nous connaissons de nos engagements en matière de changements climatiques. Comme vous le savez sans doute, mais peut-être pas, le gouvernement du Royaume-Uni a publié récemment un Livre blanc intitulé «Our Energy Future: Creating a Low Carbon Economy». Ce travail réunit l'analyse de l'offre et de la demande énergétiques du Royaume-Uni jusqu'en 2050, et renferme une série d'engagements concernant les émissions de carbone. C'est là un exercice qu'ont imité de nombreux autres pays de l'OCDE, mais pas le Canada.

L'avantage principal d'un tel document est qu'il offre une feuille de route claire au grand public et aux responsables de l'élaboration des politiques quant à la façon dont des éléments aussi diversifiés que les transports, l'agriculture, l'innovation et l'éducation, la santé et l'environnement, pour ne nommer que ceux-là, se greffent à toute la question de l'énergie et des changements climatiques. On y trouve un cadre qui détermine comment les investissements publics peuvent être et seront faits. On y présente également des attentes claires qui vont nous aider à établir la planification et les investissements des entreprises à long terme.

N'oublions pas que 86 ou 87 p. 1000 de toutes les émissions de gaz à effet de serre proviennent de l'exploitation, de la transformation et de la consommation de carburants fossiles. Les changements climatiques ne sont pas un problème de pollution, mais un problème d'énergie.

Le Canada n'a pas effectué un tel exercice. L'Office national de l'énergie n'a fait qu'un petit scénario concernant l'offre et la demande énergétiques jusqu'en 2025 pour le Canada. Il s'agit d'un document descriptif et non prescriptif. On ne peut pas prendre ce document et se dire: «Je vois dans quelle direction nous allons». Tout récemment, M. Anderson a fait un commentaire sur la nécessité pour le Canada d'effectuer une telle planification à long terme en regard de l'énergie et des changements climatiques. Nous sommes donc encouragés.

Le deuxième défi concerne l'absence d'une architecture coordonnée de gouvernance décisionnelle au gouvernement dans son ensemble. Depuis dix ans qu'elle existe, la Table ronde a constaté dans sa pratique, pas seulement en théorie, qu'il y a toujours un mauvais arrimage entre le type de réflexion horizontale et de processus décisionnel implicite dans ces enjeux du développement durable, d'une part, et les structures de base qui existent pour l'établissement des politiques gouvernementales au Canada, d'autre part.

C'est une question difficile à laquelle nous n'avons pas de réponse. Cependant, nous venons de lancer un nouveau programme sur la gouvernance et la viabilité et nous nous ferons un plaisir de revenir pour vous faire part de certaines constatations dans environ un an.

Le troisième défi que je tiens à signaler concerne l'utilisation d'instruments économiques et fiscaux dans le but d'atteindre les objectifs dans le domaine des changements climatiques.

La vérité essentielle — et cela n'étonnera pas la plupart d'entre vous — est que nous utilisons mal nos instruments fiscaux et autres outils économiques pour exercer une influence positive sur les changements climatiques. Cela veut dire que les gouvernements du Canada, et je dis bien les gouvernements, n'ont pas capitalisé sur l'impact majeur qu'une utilisation créatrice et concertée de la politique budgétaire pourrait avoir pour régler le problème des changements climatiques.

Je vais maintenant vous parler de deux programmes qui concernent directement cette question. Le premier programme concerne l'écologisation de la fiscalité et la viabilité urbaine, que vous verrez dans le rapport. Le second, l'écologisation de la fiscalité et l'énergie, programme que dirige actuellement M. Wood avec une autre équipe.

La question de la viabilité urbaine a des répercussions directes sur les changements climatiques parce qu'elle a des ramifications avec des choses comme les transports en commun, l'urbanisation et l'utilisation de l'énergie. La population canadienne est constituée actuellement de 82 p. 100 d'urbains. Nous serons 90 p. 100 dans 20 ans. Non seulement notre population sera constituée à 90 p. 100 d'urbains, mais en 2008, pour la première fois de l'histoire de l'humanité, le globe sera constitué de populations urbaines. Un plus grand nombre de personnes vivra alors dans les centres urbains que dans les régions rurales de par toute la planète. Au moment où 1,8 milliard de personnes de plus verront le jour sur notre planète au cours des 25 prochaines années — c'est presque deux fois la taille de la Chine — 90 p. 100 de ces personnes vivront dans des villes de pays en développement. C'est l'explosion de l'urbanisation.

Dans le rapport que nous venons tout juste de publier, nous formulons des recommandations sur la façon dont la politique budgétaire — c'est-à-dire comment nous dépensons, quelles mesures incitatives et dissuasives nous prenons, comment nous taxons — peut être utilisée pour promouvoir la viabilité urbaine tout en ayant des répercussions bénéfiques sur les changements climatiques.

Ce rapport renferme des recommandations dans quatre grandes catégories. Premièrement, le gouvernement fédéral doit mettre de l'ordre dans ses affaires. Deuxièmement, nous devons appuyer le transport en commun de façon plus significative que nous l'avons fait jusqu'à maintenant. Troisièmement, nous devons voir comment nous appuyons actuellement la construction des infrastructures dans les villes. Quel type d'infrastructures? Sont-elles viables? Doit-on construire plus de routes? Enfin, nous devons encourager l'utilisation efficace de l'énergie et des terres. Par exemple, nous avons formulé des recommandations en vue de modifier la façon de traiter la déduction pour amortissement accéléré dans la Loi de l'impôt sur le revenu du Canada.

Nous avons également un programme sur l'écologisation fiscale en matière d'énergie. Nous cherchons à déterminer comment la politique budgétaire peut être utilisée à long terme pour favoriser la réduction des émissions de carbone des systèmes énergétiques canadiens, tant en termes absolus qu'en proportion du PIB canadien. Nous nous intéressons actuellement à trois secteurs différents qui, à notre avis, peuvent contribuer de façon positive à ce que nous appelons la décarbonisation à long terme des sources énergétiques canadiennes. Ces secteurs recèlent encore un certain nombre d'obstacles qui pourraient être surmontés à l'aide d'instruments budgétaires et autres instruments économiques.

Ces secteurs sont les suivants: l'hydrogène, c'est-à-dire l'économie d'hydrogène; l'efficacité énergétique, c'est-à-dire ce qui peut être fait du point de vue budgétaire pour améliorer l'efficacité énergétique au Canada; et les énergies renouvelables. À la fin de cette série de trois études de cas, notre objectif est de proposer des options de changements pragmatiques, solides et fondées sur des preuves — c'est-à-dire des recommandations pratiques présentées au gouvernement dans son ensemble mais plus particulièrement au ministère des Finances. Nous espérons tirer certaines leçons générales de ces études de cas qui auront un lien avec le type de cadre stratégique que le Canada devra promouvoir et établir à long terme pour faciliter la réduction de nos émissions de carbone.

Ça c'est pour demain. J'aimerais maintenant aborder la question plus générale de la politique budgétaire en regard des engagements qui ont été pris concernant les changements climatiques. Des mesures sont en place, mais la politique qui les appuie est faible. Il existe plusieurs mesures fiscales, des programmes et des initiatives de dépenses qui ont un impact indirect sur la question. Cependant, ce qui existe est extrêmement morcelé. On ne cible pas le consommateur canadien en tant que tel, et ces mesures ne constituent pas non plus la vaste base de soutien budgétaire dont profitent d'autres éléments du secteur énergétique. Il n'existe encore aucune des mesures précises qui sont annoncées dans le plan du gouvernement en matière de changements climatiques.

Je vais m'arrêter ici en revenant à notre observation antérieure sur la nécessité d'avoir une vision globale. Il n'existe aucune harmonisation explicite entre la politique budgétaire et le défi plus large que posent les changements climatiques. Il n'y a pas d'harmonisation au niveau fédéral, mais plus important encore, entre les trois paliers de gouvernement. Si l'on devait tracer une ligne verticale entre le gouvernement fédéral, les gouvernements provinciaux et les administrations municipales, on verrait que beaucoup de mesures s'entrecroisent non seulement au niveau fédéral, mais entre les trois paliers de gouvernement. Compte tenu de l'importance critique que revêt notre secteur énergétique pour la santé de notre économie, compte tenu également de l'ampleur des défis climatiques que nous devrons relever en tant que pays — objectif de 30 p. 100 de réduction de gaz à effet de serre que l'on devrait avoir atteint d'ici environ 2012 — c'est là une situation très troublante pour nous et qui nous inquiète beaucoup.

Le président: Merci de nous avoir apporté ces rapports, je peux vous assurer que nous les lirons avec attention. J'ai eu la chance de jeter un oeil sur le plus ancien des deux, et je dois dire que le travail que vous faites est admirable.

Je suis très heureux d'avoir entendu ce que vous aviez à dire au sujet de l'utilisation des mesures budgétaires et fiscales comme outil plutôt que comme instrument mal aplani — bien qu'il soit peut-être difficile de le décrire de cette façon. Pourriez-vous nous parler un instant du fait que, lorsque le gouvernement équilibre ses livres — ce qu'il se doit de faire — les mesures d'atténuation fiscale, les abris fiscaux et autres mesures d'urgence, c'est exactement la même chose que de faire un chèque. Cela revient un peu à ce que vous avez dit au sujet d'être capable de monnayer nos richesses naturelles. Cependant, lorsque l'on parle de choses pour lesquelles on peut effectivement engager des dépenses, retourner des chèques ou de l'argent à la population, lorsque le Parlement propose d'accorder des abris fiscaux à une entreprise qui adopte une mesure positive et non une mesure irréfléchie — ou qui permet à quelqu'un d'acheter un meilleur appareil de chauffage ou pour isoler sa maison — c'est exactement la même chose que de faire un chèque. Il n'y a pas de différence. Quand on fait le calcul, en bout de ligne, on arrive au même résultat. Est-ce qu'au ministère des Finances vous trouvez des oreilles attentives lorsque vous parlez des répercussions que pourraient avoir ces idées?

M. McGuinty: Permettez-moi de revenir en arrière un instant. Il existe une vaste gamme d'approches pour atteindre le bon équilibre entre notre croissance économique, notre intégrité environnementale et le bien-être général de la société. Les gouvernements préconisent souvent une combinaison optimale de politiques entre, par exemple, les règlements impératifs et de contrôle et le pur volontarisme — les entreprises ou les secteurs qui disent vouloir prendre ces mesures eux-mêmes ou les gouvernements, de l'autre côté, qui les obligent à le faire. Cette gamme de mesures comprend tous ces éléments.

D'après notre expérience, au Canada, nous en sommes au stade embryonnaire en ce qui concerne l'exploration de la façon dont les mesures budgétaires pourraient être utilisées pour atteindre cette combinaison optimale de politiques — pour atteindre le bon équilibre entre la croissance économique, l'intégrité environnementale et le bien-être de la société. Les environnementalistes, et nous travaillons avec nombre d'entre eux, disent souvent que ce sont les réalités économiques qui vont déterminer la vérité environnementale. Par exemple, si on fait passer un autre tuyau d'écoulement des eaux usées sur les terres d'un agriculteur pour alimenter un nouveau lotissement suburbain, je peux vous assurer que les citoyens qui vont acheter leur terrain et y construire leur maison ne paieront pas le véritable prix de ces services. Nous ne connaissons pas le coût exact des services de base comme l'eau et les eaux usées. C'est inclus dans tout le système.

Le ministère des Finances parle souvent de sa responsabilité, qui est d'éliminer les obstacles qui nuisent au fonctionnement du marché libre. Son travail consiste à éliminer ces obstacles qui constituent des échecs du marché.

Par exemple, le ministère a déjà soutenu que la Loi de l'impôt sur le revenu n'est pas un outil qui permet d'atteindre les objectifs en matière de politique gouvernementale. Je n'en sais rien, j'ai fait des études d'avocat et j'ai lu la Loi de l'impôt sur le revenu; d'après mes souvenirs, elle est remplie d'objectifs en matière de politique gouvernementale. De fait, il s'agit d'un document intéressant qui rassemble et permet de redistribuer la richesse. Quand on dit que le rôle du ministère n'est pas d'atteindre l'équilibre dont j'ai parlé tout à l'heure, cela n'a aucun sens.

La difficulté consiste à abattre l'obstacle que je peux décrire de cette façon: les Canadiens savent que s'ils veulent un système d'éducation, ils doivent payer. S'ils veulent des soins de santé, ils doivent payer. S'ils veulent des infrastructures, ils doivent payer aussi. Ils veulent également un environnement sain, mais ils refusent de payer.

C'est le problème qu'on a aujourd'hui. Nous devons franchir une barrière en matière de réflexion économique et commencer à intégrer les coûts qui demeurent encore des coûts externes. C'est ce qu'a fait le Protocole de Kyoto pour nous. Le Protocole de Kyoto, comme on dit dans l'émission Sesame Street, est une chose qui ne ressemble pas aux autres.

Le Protocole de Kyoto n'est pas comme les autres ententes multilatérales sur l'environnement que nous avons signées parce que le Protocole de Kyoto a monnayé le carbone. On a attribué une valeur en dollars à ce carbone.

Le propriétaire d'un parc de taxis à Ottawa a demandé ce que cela signifiait pour lui. C'est simple. Il devra payer pour avoir le droit d'émettre des gaz à effet de serre dans l'atmosphère parce que l'atmosphère absorbe ces déchets et les transforme. Jusqu'à ce jour, sur le plan économique, il n'a pas été obligé de payer ces coûts. Il devra maintenant le faire.

Le problème, c'est de se heurter à 125 ans de pensée économique. C'est ce que les économistes me répètent sans cesse lorsque je parle des milieux humides. Les milieux humides, c'est ce marécage que l'on a drainé pour y faire de la production agricole marginale en accordant des mesures incitatives aux agriculteurs. Pourquoi font-ils cela? Parce qu'il n'y a pas de prix à payer pour le fonctionnement d'un milieu humide.

Nous savons que les milieux humides existent depuis des centaines de millions d'années. Ce sont des filtres parfaits, gratuits, pour l'air et pour l'eau sur la planète. L e Canada compte 26 p. 100 des milieux humides du globe. Ils filtrent l'air et l'eau comme aucun autre système. Il n'existe aucun mécanisme technologique qui fonctionne aussi bien.

Les économistes disent qu'il faut prouver que les milieux humides valent quelque chose. Je réponds toujours la même chose. Je dis: «Désolé, c'est malhonnête sur le plan intellectuel». La science sociale de l'économique n'est pas capable de mesurer le capital naturel, capital qui est aussi indispensable au fonctionnement de notre économie que notre capital humain, financier et autre.

Penser pouvoir faire fonctionner la planète sans les milieux humides n'a aucun sens. Le fardeau de la preuve revient à l'autre partie. L'économiste doit prouver que les milieux humides ne valent rien, après, nous pourrons entreprendre la discussion.

Le président: Les 160 acres de milieux humides ont été monnayées parce que lorsque je les ai achetés, je n'ai pas payé la même chose que si la moitié n'était pas sous l'eau, et s'il était possible d'y construire quelque chose. J'ai payé moins cher pour cette partie de terre que je n'aurais fait si elle avait été plate et sèche. J'espère que ma terre n'est pas sèche, mais que ce n'est pas non plus un milieu humide. Elle a été monnayée, mais à la baisse, c'est-à-dire que la terre vaut moins.

M. McGuinty: Le prix que vous avez peut-être payé pour ces 160 acres ne reflète pas l'écosystème qu'offrent les milieux humides. Il doit y avoir une valeur financière possible que l'on peut donner à un écosystème qui fonctionne et qui offre une filtration de l'eau.

Une ville de la Saskatchewan a connu dernièrement de graves problèmes d'eau. Je pense que les autorités ont pressenti l'organisme Canards illimités, qui assurait la gestion des systèmes d'approvisionnement en eau en Saskatchewan, pour trouver une façon équilibrée et viable d'approvisionner en eau cette ville qui en avait désespérément besoin.

Je vais vous donner un autre exemple de monétisation. Il y a cinq ou six ans, la ville de New York avait désespérément besoin d'un nouveau système de traitement des eaux. Elle a obtenu une évaluation complète des coûts pour l'achat d'une installation à la fine pointe de la technologie pour le traitement des eaux usées. Le prix s'établissait entre 8 et 12 milliards de dollars pour toute la ville de New York.

C'était cher. La ville a démoli les installations existantes et examiné sérieusement la source de l'eau. L'eau venait du Nord, dans les montagnes Catskill. L'administrateur de la ville de New York s'est dit que l'on pouvait faire mieux. On s'est rendu dans le haut de l'État et on a acheté de vastes étendues de terres sur lesquelles on a définitivement interdit la circulation. On a récupéré et préservé tous les types de milieux humides. On a payé les villes et les villages en aval pour leurs nouvelles installations de traitement des eaux et on a déterminé qu'en utilisant une gestion intégrée des bassins hydrographiques, on allait trouver une solution beaucoup plus viable à long terme. On a réalisé tous les travaux pour moins de 4 milliards de dollars.

Si vous pensez que les systèmes d'écoservices sont simplement quelque chose que l'on peut utiliser sans répercussions économiques, eh bien alors c'est ce qui se produira. Le système sera traité de la même façon qu'il l'est depuis la révolution industrielle. On pense que c'est gratuit.

Si vous achetiez la terre, si vous payiez davantage parce qu'il pourrait peut-être y avoir une mesure fiscale qui vous récompenserait pour garder ce milieu humide intact, comme les Américains l'ont fait, alors on ne chanterait plus la même chanson.

Le président: Est-ce que vous avez présenté des recommandations précises au ministère des Finances sur des mesures concernant des taxes, mesures que les Canadiens pourraient facilement comprendre et adopter aujourd'hui? Si oui, quelle a été la réponse des Finances?

M. McGuinty: Nous avons fait des dizaines de recommandations, certaines d'entre elles touchant les dépenses, d'autres la fiscalité.

Je dirais que nous avons obtenu un taux de succès de 30 p. 100. De 60 à 70 p. 100 du temps, nous continuons de préconiser l'adoption de telles mesures, dont certaines sont coûteuses.

Malheureusement, c'est que nous avons l'impression de travailler parfois à la pièce. Par exemple, nous prendrons la notion du développement durable que nous disséquerons pour la faire comprendre aux gens. Nous nous intéresserons à la qualité de l'environnement, au défi que posent les terrains contaminés, par exemple.

Dans chaque domaine, nous ferons des recommandations fiscales précises. Ce que le gouvernement a promis dans ses premier et second livres rouges n'a jamais été respecté. Le gouvernement avait promis de réviser toute la structure budgétaire du pays sous l'angle du contexte du développement durable. Le gouvernement devait également comparer les signaux qu'il envoie et les signaux que reçoivent les citoyens. C'était là une vision très pratique. Ce rapport sur l'esthétique urbaine ne précise qu'une seule mesure.

Si vous achetez une maison neuve aujourd'hui sur un nouveau site en banlieue de Toronto, d'Ottawa ou d'ailleurs, vous obtenez une remise d'un tiers de la TPS. La plupart de ces maisons sont construites sur des terrains propices à l'agriculture. On construit actuellement de la même façon que l'on construisait au début du XXe siècle.

Vous obtenez une remise de TPS d'un tiers pour acheter cette maison. Vous obtenez une déduction provinciale de taxes sur les transferts fonciers en Ontario également.

Supposons que vous achetez un triplex dans le centre d'une ville, que vous gardez cette maison dans le parc immobilier vieux de 100 ans. Vous dépensez 150 000 $ en rénovations et vous en faites une propriété qui satisfait aux normes R2000. Vous avez accru la densification qui est la politique établie de toutes les grandes villes au Canada. Vous n'obtenez aucune récompense, aucun avantage fiscal. C'est là simplement un petit exemple du manque d'harmonisation du système avec les priorités globales dans le domaine.

Le président: Vous avez probablement agrandi la propriété et l'évaluation sera plus élevée.

Le sénateur Milne: Il serait bon que le comité ait une liste des recommandations que vous avez présentées au ministère des Finances.

Le président: Pourriez-vous nous la fournir?

M. McGuinty: Certainement.

Le président: Nous serions curieux de connaître ces recommandations. Pourriez-vous nous parler des 30 p. 100 de recommandations qui ont été adoptées et des 70 autres qui ne l'ont pas été?

Le sénateur Finnerty: Vous avez assisté à l'assemblée de la Fédération canadienne des municipalités. Avez-vous été capables de convaincre les échevins ou les maires? Avez-vous eu de la rétroaction de leur part ou leur avez-vous expliqué la situation?

M. McGuinty: Certainement. Nous avons été flattés et heureux d'entendre que lorsque les maires des 20 grandes villes se sont réunis à leur dîner annuel, ils ont dit que deux choses importantes étaient à l'ordre du jour de leur assemblée générale annuelle.

Premièrement, le discours de M. Martin, qui poursuit sa course à la direction du parti, sur la réforme fiscale concernant la taxe sur l'essence pour les villes, afin de générer plus de recettes dans ces villes. Deuxièmement, il y a eu ce rapport.

Je ne peux pas faire de commentaires sur les avantages, comme nous n'avons fait aucune étude sur une remise de la taxe sur l'essence aux villes. À notre avis, toute cette question est une rencontre de banquises. Les villes réclament plus d'argent du gouvernement fédéral, le gouvernement dit non, en prétextant qu'il injecte déjà de l'argent dans les infrastructures des villes. Six mois plus tard, les villes reviennent à la charge et demandent que la carte de transport en commun soit déductible d'impôt — non. Un an plus tard, elles veulent une partie de la taxe sur l'essence — peut-être, un dit oui, l'autre dit non.

Ce qu'il nous manque, c'est un examen sérieux au niveau fédéral-provincial et au niveau fiscal au fur et à mesure que nous changeons les choses. Nous sommes en train de construire un pays d'agglomérations urbaines. C'est l'avenir. On ne s'inquiète pas des enjeux ruraux, des parties du pays qui se vident. On ne voit aucun signe que cette tendance recule, mais on ne fait pas d'examen cohérent de la politique budgétaire.

Dans le rapport, nous disons aux maires des grandes villes que le temps est venu de préciser la façon dont ils veulent aller de l'avant pour générer les options parce que nous ne croyons pas qu'ils savent vraiment où ils s'en vont.

Le sénateur Finnerty: À votre avis, vous a-t-on pris au sérieux?

M. McGuinty: Toutes les grandes villes canadiennes que je connais accusent un déficit cette année. Avec les responsabilités que leur imposent certaines provinces, ces villes sont aux prises avec des difficultés financières. Les villes canadiennes sont gênées dans leur travail, prises au piège, comparativement à leurs homologues européennes et américaines. Je suis allé à Philadelphie constater l'évidement de la ville, mais on impose là-bas une taxe sur les revenus de 3 p. 100. Aucune ville canadienne n'a ce pouvoir.

Il y a aussi d'autres outils de perception de recettes que les villes canadiennes n'ont pas. Elles ont les taxes foncières, elles font des règlements et elles exigent des frais de développement, mais c'est à peu près tout.

Le président: Mais elles ont aussi une constitution différente.

Le sénateur Merchant: Je vous souhaite toute la chance au monde parce que je ne sais pas si nous allons être capables de mettre le public de notre côté. Croyez-vous que les particuliers sont engagés dans cette bataille? Ce sont les particuliers qui produisent environ le quart, je pense, des gaz à effet de serre. Accroître les taxes, hausser les prix, quelle a été la réponse du chauffeur de taxi quand vous lui avez dit qu'il devrait payer pour cela?

M. McGuinty: C'était fascinant parce que le propriétaire de ce parc de taxis connaît très bien la pile à combustible Ballard. Nous avons fait un intéressant projet de démonstration pour le pays en prenant 100 ou 200 de ces voitures et en les faisant rouler à l'aide de piles à combustible pendant trois ans.

La question de l'engagement du public est intéressante. La première chose que je dirais, c'est qu'il y a de la place pour la mobilisation du public à l'aide des signaux concernant les prix. Je suis très en faveur de ces signaux. J'ai déjà vécu à Rome, en Italie, et je payais 2,25 dollars canadiens le litre d'essence. Je peux vous assurer que j'utilisais ma voiture avec beaucoup plus de circonspection que je ne le fais ici. Les signaux des prix sont un vaste domaine à réévaluer.

En ce qui concerne la compréhension qu'ont les Canadiens du problème, je pense qu'ils commencent à saisir que quelque chose ne va pas. Je pense que lorsque Toronto atteindra les 50 à 65 jours d'air vicié cet été, on ne fera pas nécessairement le lien avec la qualité de l'air et le Protocole de Kyoto ou les gaz à effet de serre, ce qu'on ne devrait pas faire, mais les gens vont faire le lien avec la santé. Par exemple, ils vont comprendre qu'ils ne peuvent pas envoyer leurs enfants asthmatiques jouer dehors. Ils vont faire un lien avec la prépondérance des EpiPens dans les tiroirs des pupitres des enfants. Ils vont faire un lien avec le fait de ne pas être capables de sortir les parents et les grands-parents. Ils vont comprendre le défi que cela pose en termes économiques. Ils comprennent que cette saturation coûte environ 1 milliard de dollars par année à l'économie de Toronto. Dans notre monde où on parle de prestations de services juste à temps, nos usines d'aujourd'hui sont les camions sur les autoroutes. C'est là que se trouve la plupart de notre inventaire, dans la nouvelle économie.

Les gens ne savent pas exactement ce qu'implique Kyoto. L'une des choses que j'ai fortement préconisées auprès des ministres, c'est que, si nous concrétisons la situation, il y aura alors une révolution. Pendant les 10, 15 ou 20 prochaines années, nous devrions utiliser Kyoto comme un cri de ralliement fondamental.

Autre chose que nous avons découverte: c'est qu'il y a trop d'enjeux concernant l'environnement. Je ne connais pas une seule chose qui touche l'environnement, mais je connais l'environnement, les enjeux touchant l'économie et le bien- être de la société parce qu'ils sont liés. Trop de ces enjeux sont décrits comme étant douloureux, coûteux, et cetera.

Les fous qui s'attachent à des arbres, qui s'y éperonnent, je ne veux pas m'en occuper. La question qui nous intéresse, ce sont les possibilités économiques, c'est la richesse qui nous reste. Nous nous sommes intéressés aux questions des villes il y a cinq ans avec Mike Harcourt, l'ancien premier ministre de la Colombie-Britannique. Nous avons fait le tour des illusions d'Ottawa, nous avons parlé de la crise que vit la ville, qu'on soit d'accord ou pas. Les gens ont été polis et respectueux. Ils ont écouté ce que nous avions à dire mais n'avaient pas de temps à nous consacrer.

Nous sommes retournés à nos devoirs et nous avons dit que cela ne fonctionnait pas. Nous nous sommes adressés à la Banque mondiale, nous avons rencontré le président et avons obtenu des chiffres. Nous avons déterminé l'économie de 1 billion de dollars au titre des infrastructures urbaines, qui viendraient au second rang après le tourisme international, dans un monde qui s'urbaniserait rapidement. Nous avons calculé que le Canada obtenait moins de 1 p. 100 de sa part à l'échelle mondiale. C'est ce que nous avons dit, et sept semaines après, le premier ministre a lancé l'Initiative des villes durables, dont il a doublé le financement à Johannesburg il y six mois.

Si on examine la question avec les Canadiens, on peut dire qu'il ne s'agit pas simplement de vous pénaliser et de vous forcer à ne pas utiliser des voitures et autres choses, mais c'est aussi parler des nouveaux emplois et du fait de positionner le Canada comme fournisseur mondial de solutions viables pour la planète. La dernière fois que je me suis intéressé à ces enjeux, je me suis dit qu'ils n'allaient pas disparaître, mais qu'ils ne vont que s'empirer. Parc contre, si on tourne les choses à l'envers et qu'on présente ça comme des possibilités économiques, peut-être obtiendrons-nous davantage l'aval des gens.

Le sénateur Merchant: J'ai ici certains tableaux. Il s'agit d'une comparaison des émissions à l'échelle mondiale. Les données datent de 1990, c'est-à-dire un retour en arrière de dix ans, et ensuite on nous dit ce qui se passe en 2000. On classe différents pays. Au Canada, nous émettons 22 tonnes par habitant, aux États-Unis, 25, notre pourcentage est très élevé, nous sommes de gros pollueurs. Nous sommes deux fois plus pollueurs que l'Europe, quatre fois plus que le Moyen-Orient, plus de deux fois plus que le Japon, sept fois plus que la Chine et huit fois plus que l'Inde.

Je pense que le Canada a beaucoup à faire pour mettre de l'ordre dans ses affaires et être équitable pour le reste du monde, mais ce qui m'inquiète, c'est que l'on ne semble pas capable d'amener les États-Unis à signer le Protocole de Kyoto. En ce qui concerne la compétitivité avec les États-Unis, en quoi cela touche-t-il nos industries et notre capacité de livrer concurrence?

M. McGuinty: Votre question est intéressante, mais énorme. Beaucoup d'entre vous ont voyagé de par le monde. J'ai eu le privilège de vivre pendant presque neuf ans à l'étranger et j'ai beaucoup voyagé, j'ai vécu en Afrique et en Europe. Pour la plupart des gens dans le monde, le Canada est riche comme on ne peut l'imaginer. Nous sommes perçus à l'échelle internationale comme un pays vaste, vert, peu densément peuplé et très riche.

Les membres de la Table ronde sont unanimes à cet égard. Le Canada a l'obligation de faire preuve de leadership. Ce sont les pays occidentaux industrialisés qui ont bâti leurs économies sur le dos de l'atmosphère. Soyons honnêtes. Aujourd'hui, la question qu'il faut se poser est la suivante: comment le monde industrialisé peut-il aller de l'avant pour commencer — parfois la meilleure façon de commencer est de simplement commencer — comment allons-nous commencer à ramener à la baisse, par exemple, le type de ratio que vous citiez tout à l'heure?

Certes, les promoteurs de la ratification de Kyoto estiment que le Canada a une responsabilité mondiale à cet égard en raison de la position qu'il occupe dans le monde, de sa richesse, et parce qu'il a bâti son économie en grande partie sur le dos de l'atmosphère comme les États-Unis et l'Europe occidentale l'ont fait.

La question du lien concurrentiel avec les États-Unis est une question compliquée à laquelle je ne suis vraiment pas habilité à répondre. Ceux qui préconisent la ratification diront qu'il est préférable que le Canada applique le Protocole de Kyoto dès maintenant parce que nous allons payer beaucoup moins cher pour les émissions de carbone. Je pense que le gouvernement du Canada a agi en conséquence en fixant les frais pour les émissions de carbone à 15 dollars la tonne. Si le prix du carbone dépasse 15 dollars la tonne, le gouvernement s'est dit prêt à indemniser les intervenants canadiens qui paieront alors pour avoir le droit de polluer.

D'autres disent non, cela va tout simplement nous priver de toute compétitivité vis-à-vis nos homologues américains. Pourtant, là encore, M. Bush a jugé bon de dire dans son discours sur l'état de l'union que le gouvernement américain allait adopter des mesures très dynamiques et en fait utiliser le régime fiscal pour inciter les entreprises à décarboniser davantage, ou à avoir une économie qui utilise moins le carbone aux États-Unis. Comment cela se fera-t- il? Je ne peux le prédire, je n'en sais rien. Nous n'avons pas examiné cette question. M. Wood pourrait probablement vous en dire davantage.

Cependant, même si nous avons un marché de l'énergie ici encadré par l'ALENA, je me suis toujours demandé pourquoi nous n'avons pas de discussions sérieuses sur les mesures visant à faire diminuer les gaz à effet de serre en vertu de l'ALENA. Les économies étant interreliées comme elles le sont, le Canada prenant les devants de l'Accord de libre-échange des Amériques pour atteindre la Terre de feu, comment se fait-il que nous sommes pleinement engagés à l'égard du Protocole de Kyoto quand nous n'avons pas entrepris de discussions avec Washington et Mexico, par exemple?

Cela me paraît un grand mystère. Je ne sais pas si c'est simplement parce que l'élan qui a poussé cette entente internationale était tel, nous étions là, nous avons mis l'épaule à la roue et nous sommes dans le portrait depuis la fin des années 1980 et ainsi de suite, mais la question me rend perplexe.

M. Alex Wood, conseiller en matière de politiques, Table ronde nationale sur l'environnement et l'économie (TRNEE): Quant à savoir ce qui se passe actuellement aux États-Unis et en quoi cela aura un impact sur notre situation vis-à-vis du Protocole de Kyoto, l'un des aspects intéressants est que, d'après ce que nous savons — les gens avec qui nous nous entretenons à l'occasion à Washington disent la même chose — la réaction des États-Unis à l'égard de Kyoto concerne beaucoup les aspects particuliers du Protocole comme tel. Même l'administration républicaine reconnaît qu'il y a, au- delà de Kyoto, un certain nombre de protocoles qui seront mis en place et auxquels les États-Unis ont l'intention de participer pleinement et activement.

Par contre, bien sûr, il existe en quelque sorte un gouffre dans la perception du public entre ce que le gouvernement dit être un niveau assez élevé d'émissions décrit dans le Protocole de Kyoto et le type de mesures que l'on prend concernant l'hydrogène et le charbon propre au niveau fédéral, et les mesures qui sont préconisées dans certains États, par exemple. Un point intéressant pour donner un exemple, c'est que l'an dernier — on en a fait rapport il y a environ trois ou quatre mois dans nos documents — les émissions de carbone au Canada ont augmenté alors qu'elles ont diminué aux États-Unis. Ce phénomène est largement attribuable aux mesures qui ont été prises au niveau des États.

Autre élément connexe, c'est que pour l'économie nord-américaine, ce qui se passe, si on prend nos différents secteurs industriels, c'est que les émissions de carbone diminuent en réalité avec le temps de façon générale. Le seul secteur pour lequel cela n'est pas vrai, c'est le transport. Le secteur des transports, entendre ici l'industrie automobile, est un secteur nord-américain, une économie nord-américaine essentiellement intégrée.

L'orientation politique à long terme dans ce domaine est donnée par l'État de la Californie. Sur le plan de l'économie, la Californie se classe au septième ou au huitième rang mondial à elle seule. Elle a adopté les mesures de contrôle des émissions de carbone et de la qualité de l'air les plus restrictives pour le secteur du transport. Tous les fabricants d'automobiles conçoivent actuellement des technologies qui visent essentiellement le marché de la Californie. On a donc ici un exemple clair d'un État qui a mis en place un cadre de politique permettant d'obtenir ce genre de cercle vertueux pour ce qui est de l'élaboration de technologies environnementales qui, à notre avis, devraient être reproduites au niveau national au Canada, sinon nous allons payer très cher.

J'ai parlé à des gens qui sont dans le domaine de l'hydrogène ici au Canada et qui disent: voyez-vous ce qui se produit au Canada, nous lisons entre les lignes, mais on n'obtient pas beaucoup de soutien, ni dans les déclarations publiques ni dans les crédits du gouvernement fédéral. Si on compare avec l'État de la Californie, où notre marché naturel sera probablement, nous devons commencer à tirer certaines conclusions au sujet de notre avenir. C'est le genre de contexte dans lequel on évolue.

Le sénateur Merchant: Nous connaissons la Californie. Au Canada, de 1990 à 2002, nos émissions de carbone ont augmenté de 18 p. 100.

M. Wood: L'un des aspects intéressants dans tout cela, et qui, je l'ai toujours pensé, n'attire pas suffisamment de discussions publiques, c'est que la compétitivité est grandement déterminée, comme on commence à le comprendre maintenant, par la productivité. Combien de nos ressources sont utilisées pour produire une unité du PIB au sens premier du terme? L'autre jour dans le journal, il y avait une discussion intéressante qui m'a porté à réfléchir. L'auteur de l'article disait que nous faisons face à une véritable crise de productivité au Canada pour ce qui est de nos ressources humaines. Nous en sommes peut-être rendus au point où nous ne pouvons demander aux travailleurs de produire davantage qu'ils ne le font déjà.

Ce que j'ai trouvé intéressant dans cet argument sur la productivité, c'est qu'on ne semble pas se concentrer sur la question de l'énergie. Il existe de bonnes raisons pour lesquelles nous sommes l'une des économies les plus énergivores du monde — le climat, les distances, et cetera. Mais en partie, cela représente certainement des possibilités économiques pour le Canada. L'énergie est un apport important dans notre économie industrielle. Toute amélioration marginale que nous apportons à l'utilisation de notre énergie rend notre économie plus concurrentielle. Présumément, l'une ou l'autre de ces mesures se traduit en une utilisation plus productive de cet apport essentiel qui rend notre économie plus concurrentielle.

Le sénateur Milne: Monsieur McGuinty, vous avez parlé de la nécessité d'adopter une approche horizontale pour tout le problème auquel vous faites face et pour tenter de convaincre le gouvernement. Pourtant, au gouvernement fédéral, comme vous le savez, tous les ministères sont essentiellement cloisonnés. Ils travaillent de façon verticale. Si vous aviez une liste de voeux à faire, quels seraient vos trois premiers souhaits pour qu'au niveau fédéral, il y ait collaboration entre les ministères afin que le gouvernement utilise une approche plus horizontale?

M. McGuinty: Tripler le pouvoir des comités sénatoriaux, c'est ce que me dit M. Wood.

Je crois qu'il existe des développements et des précédents intéressants ailleurs. Le gouvernement français, par exemple, vient tout juste de fusionner quelques-uns de ses ministères en un — le ministère du Développement durable.

Lorsque M. Charest était chef du Parti progressiste-conservateur du Canada, il a proposé une plate-forme selon laquelle trois ou quatre ministères fédéraux seraient jumelés en un ministère fédéral du Développement durable. Il est en train de réaliser ce changement dans la province de Québec. Le gouvernement de la Colombie-Britannique fait l'expérience d'un nouveau ministère où deux ou trois activités auparavant distinctes sont réunies sous le parapluie d'un seul ministère.

En bout de ligne, le Protocole de Kyoto aura fait comprendre au centre du gouvernement, plus particulièrement au Bureau du Conseil privé, au Conseil du Trésor et au ministère des Finances, que si l'on continue de traiter ces enjeux de la même façon qu'on l'a fait dans le passé, cela ne va pas nécessairement fonctionner. Il sera difficile de déléguer cette responsabilité à un ministère qui prendra les devants.

Cela me rappelle la première fois de l'histoire canadienne où nous avons réuni 25 sous-ministres et sous-ministres adjoints dans une salle au Château Laurier et 40 leaders de la société civile, notamment des chefs religieux, des spécialistes de l'environnement et des chefs d'entreprise. La journée était ainsi structurée que huit sous-ministres devaient se présenter devant le greffier, qui coprésidait la réunion avec nous, et lui faire part de huit thèmes transversaux dans toutes les stratégies de développement durable que ces ministères doivent maintenant préparer pour le commissaire.

À la fin de la journée, l'un des participants de l'extérieur a dit ceci: «Cette journée a été tout simplement fantastique. Je n'en reviens pas de ce système sophistiqué, et je n'arrive pas à croire que ces huit thèmes transversaux soient véritablement solides. Cela est très intéressant, mais j'aimerais vous poser une question». Sa question était la suivante: «Qui est responsable ici?»

Mon premier souhait serait qu'un sous-secrétaire du Cabinet au BCP soit nommé pour s'occuper précisément du développement durable au gouvernement fédéral. Lors du dîner, dix personnes nous ont servi la même expression: «Désolés, nous ne nous retrouverons pas dans une situation où tout le monde fait tout et où personne ne fait rien».

Dans le domaine du développement durable, il semble que le travail de tout le monde devienne le travail de personne. Il n'y a pas de responsabilités précises d'établies.

On sait pourtant bien que dans le domaine du développement durable, il ne pourrait y avoir qu'un seul ministre responsable, et c'est le premier ministre. C'est pourquoi la Table ronde nationale a été confiée par le Parlement en 1994 au ministère du premier ministre. Seul le premier ministre pourrait envoyer le type de supermessages qui doivent être envoyés aux ministres.

Du même souffle, nous n'avons constaté aucun investissement dans le monde officiel du gouvernement où les questions aboutissent sur la table de quelqu'un. Ce serait une de mes premières recommandations de changement.

Ma deuxième recommandation consisterait à revoir les contrats de travail de tous les sous-ministres au gouvernement fédéral, particulièrement le paragraphe qui porte sur le rendement en matière de développement durable. Leur rendement devrait être évalué de façon plus rigoureuse à l'aide d'indicateurs clés permettant de déterminer ce qu'ils ont fait et n'ont pas fait.

Ma troisième recommandation consisterait à créer un comité du Cabinet sur le développement durable. Nous n'avons pas de comité de ce genre pour l'instant.

Ces enjeux sont les plus importants. En un sens, il s'agit probablement du noeud de politiques gouvernementales le plus complexe qui devra être défait au cours des 25 à 50 prochaines années.

Voilà en quoi consisteraient mes recommandations.

Le sénateur Milne: M. McGuinty est en train de rédiger notre rapport à notre place.

M. McGuinty: Dans la mesure où la source n'est pas mentionnée.

Le sénateur Milne: Je crois savoir qu'hier, le gouvernement a injecté des crédits supplémentaires de 74 millions de dollars pour la remise en état des maisons, pour environ 74 000 foyers, si on s'en tient à la politique de 1 000 $ par maison. Croyez-vous que c'est un bon début pour aider les particuliers à relever ce défi de se limiter à une tonne?

M. McGuinty: Oui, c'est un bon début. On a annoncé 74 millions de dollars. Je ne sais pas dans quelle mesure cette initiative s'intègre à l'approche globale de la société canadienne.

Certaines provinces ont adopté des mesures originales. L'Ontario, par exemple, offre un rabais maximal de 1 000 dollars pour tout véhicule qui fonctionne à l'aide d'une énergie de remplacement. En fait, je n'aime pas l'avouer, mais je pense que j'ai une des seules fourgonnettes mues au gaz naturel ici, que j'ai achetée à un concessionnaire automobile qui l'avait échangée au Sénat. Je conduis une de vos fourgonnettes, mes enfants l'aiment beaucoup.

Nous avons obtenu une remise de 1 000 dollars du gouvernement de l'Ontario parce que c'est un véhicule qui roule avec une énergie de remplacement. Oui, je crois que c'est un bon début.

Je ne sais pas si ce genre de remise en état énergétique sera la solution la plus rentable. Je ne sais pas si les analyses coûts-avantages ont été effectuées. Certes, je sais que le gouvernement veut toucher tous les Canadiens et leur dire qu'ils peuvent y parvenir. Ce défi d'une tonne est un défi que l'on peut relever simplement. Soit dit en passant, des crédits sont prévus à cet effet.

Tout comme vous, j'ai vu l'annonce pour la première fois hier à Toronto. Je ne sais pas comment l'initiative s'intègre à l'ensemble.

M. Wood: Nous avons fait certaines analyses sur d'autres types d'instruments budgétaires et sur des choses comme le contenu de soufre dans divers carburants. L'une des grandes questions qui se posent lorsqu'on détermine ces instruments fiscaux est la suivante: «Quelle ampleur doivent avoir ces mesures pour changer le comportement des gens?»

Je suppose que certaines analyses ont été effectuées pour établir ce niveau en particulier. Cela est toujours utile lorsqu'on fait face à des situations comme celle-là de les transposer dans notre situation personnelle. Est-ce qu'un millier de dollars ferait une différence dans le type de décision que je dois prendre pour ce qui est de la remise en état d'une maison? Il y a fort à parier que cela faciliterait un peu les choses, mais je ne suis peut-être pas le Canadien typique lorsque vient le temps de prendre ce genre de décision, à travailler là où je le fais.

C'est certainement un pas dans la bonne direction. Nous avons constaté qu'avec le défi d'une tonne, le registre fédéral offre très peu d'objectifs au consommateur.

Nous avons fait une analyse rapide des choses que nous connaissons avant de venir ici. L'exemption de taxe d'accise sur l'éthanol et d'autres carburants de remplacement est le seul type de taxe qui cible particulièrement le consommateur. Certaines taxes sont prévues pour les véhicules au gaz naturel. La remise qu'a reçue M. McGuinty expirait en 2002 et n'a pas été renouvelée.

Le sénateur Milne: C'était un programme de l'Ontario, pas du gouvernement fédéral.

M. Wood: C'était un programme fédéral qui a pris fin en 2002, mais l'Ontario et la Colombie-Britannique sont les seules provinces qui offrent encore une remise.

La plupart des mesures fiscales fédérales prévues à cet effet sont destinées aux entreprises ou aux institutions pour la production d'énergie renouvelable, par exemple. Il n'est pas question de la consommation d'énergie renouvelable. Il n'existe aucune mesure fiscale incitative qui m'accorde une remise si j'achète un véhicule à énergie non polluante. La subvention est accordée à la personne qui produit ce type d'énergie.

Il faudrait vraiment avoir plus de rétroaction sur cet objectif d'une tonne, mais comme l'a dit M. McGuinty, c'est un pas dans la bonne direction.

Le président: L'une des raisons pour cela est expliquée dans les délibérations en cours au comité spécial du Cabinet. Ce groupe tente de déterminer comment, où et de quelle façon dépenser les crédits de 1,7 milliard de dollars prévus pour cette initiative.

L'un des arguments invoqués est que cet argent devrait être dépensé là où il peut l'être avec le plus d'efficacité immédiate. À quoi pouvons-nous utiliser ces crédits afin de réduire les émissions de la façon la moins chère possible? La «façon la moins chère possible» n'est même pas une phrase qui s'applique aux consommateurs.

Cette expression s'applique d'abord aux efforts énormes et généraux qui sont déployés comme la remise en état des édifices fédéraux. Je pense que les membres de ce comité vont tenir compte du fait que, peut-être, la part du lion devrait aller à la détermination des moyens immédiats, plus rentables et moins coûteux de réduire les émissions. Nous espérons également qu'ils tiendront compte d'autres choses qui ont besoin de mesures incitatives et que d'autres choses doivent être mises en relief et facilitées.

Le sénateur Milne: L'éthanol n'est pas l'un des moyens les plus efficaces de réduire les émissions de carbone.

Le président: Ce n'est pas le moins cher. C'est exact.

M. McGuinty: Monsieur le président, cela soulève un thème qui est repris dans le rapport sur l'urbanisation. Dans quelle mesure le gouvernement fédéral a-t-il revu ses politiques d'approvisionnement? Médecin, guéris-toi toi-même. A- t-il mis de l'ordre dans ses affaires? A-t-il poussé la recherche aussi loin qu'il le peut dans ce domaine? Avec tout ce qu'il achète, pourquoi le gouvernement fédéral construit-il aujourd'hui des immeubles, plus souvent qu'autrement, sur de nouveaux terrains? Lorsque la vérificatrice générale l'a forcé cette année à divulguer ses responsabilités à l'égard de ses propres sites contaminés, pourquoi n'indiquons-nous pas la voie à suivre?

Si nous pouvions mettre à profit le pouvoir d'acquisition du gouvernement fédéral évalué à quelque 180 milliards de dollars, celui de la province de l'Ontario qui approche les 90 milliards de dollars, et de toutes les autres provinces et municipalités du pays, tout à coup, on aurait une force incroyable sur le marché. Les résultats seraient différents.

Le ministre Anderson était sur la colline du Parlement hier et il a déclaré qu'il y avait maintenant un ou deux ministres qui ont des Toyota Pria ou des Honda Civic. Pourquoi ne pas sérieusement écologiser 25 000 véhicules pour les adapter aux normes E-85 ou ce genre de choses? C'est essentiel. On n'a pas réussi à convaincre comme on s'y serait attendu. Cependant, le pouvoir d'acquisition est un autre outil budgétaire, un outil de dépense qui, à mon avis, n'a pas été exploité.

Le président: Nous allons suivre attentivement cette question parce qu'il existe une loi au Canada, une loi qui a été déposée par un sénateur et qui exige — qui n'encourage pas mais qui exige — que les parcs automobiles du gouvernement fédéral respectent les normes concernant l'obtention de carburants de rechange chaque fois qu'on le peut et là où ils sont offerts. Cette norme n'est pas respectée. Nous allons suivre ça de près.

Désolé de vous avoir interrompu, mais je voulais que tous le sachent.

Le sénateur Christensen: Amener le public à s'intéresser à la question n'est pas facile. Pourtant, c'est ce qu'il souhaite, s'il peut avoir des preuves que son intervention fera une différence, et que ce n'est pas simplement un problème local mais un problème d'ordre mondial.

L'exemple que vous avez donné de Toronto concernant la qualité de l'air cet été est un bon exemple, parce que même si la qualité de l'air risque d'être très mauvaise dans la ville même, les émanations vont se propager dans les collectivités environnantes, à la campagne, là où des gens qui ont des chalets et ont fui Toronto vont en ressentir les effets. Soudainement, les gens vont comprendre que ce n'est pas simplement un problème restreint à Toronto, mais un problème dans d'autres régions.

Dans la région du Yukon d'où je viens, nous sommes chanceux d'avoir de l'air pur. À quelques reprises l'an dernier, notre atmosphère est devenue embrumée, le soleil était rouge, et le reste. À une reprise, c'était dû à des tempêtes de poussière en Mongolie, une autre fois, il y a à peine deux semaines, cela provenait des immenses feux de forêt en Russie. Pourtant, nous en constations les principaux effets au Yukon. Cela fait comprendre aux gens que ce qui se passe ici ne reste pas ici, et que ce qui se passe ailleurs se retrouve dans notre région.

Les habitants de notre région sont conscients de ces choses-là, et nous avons l'obligation de veiller à ce qu'ils y soient vraiment sensibilisés — les pluies acides ont été un bon exemple — une fois que le phénomène a commencé à toucher les gens dans leur repaire de pêche, une fois que les choses ont commencé à se propager.

Vous dites qu'à long terme, l'expansion des centres urbains, et c'est là une chose au sujet de laquelle nous avons recueilli des statistiques que vous avez mises en lumière, vous avez parlé également des gaz à effet de serre et de problèmes de transport dans les grands centres, tous des phénomènes qui vont être exacerbés par cela.

Qu'il suffise de regarder au niveau municipal et de voir les grands problèmes que les municipalités ont avec les infrastructures. Nous pourrions utiliser des codes de zonage et des exigences en matière de construction parce que lorsque l'on planifie pour construire quelque chose, il faut prévoir du stationnement pour tel nombre de places, on doit éliminer ce genre de problèmes. Lorsqu'une infrastructure doit traverser un terrain de stationnement, cela n'est pas imposé et cela coûte beaucoup d'argent à la ville pour faire passer ces services dans le terrain de stationnement. Si on élimine cette exigence au niveau municipal, si l'on force les gens à payer des droits de stationnement plus élevés sur un terrain restreint, et que graduellement on diminue ce parking et qu'on augmente l'infrastructure dans la ville, on pourrait aller loin. Je suis certaine que c'est exactement ce que fait la ville de Londres avec l'imposition de tickets. Est- ce que vous avez entendu parler d'autres centres urbains qui ont suivi l'exemple de Londres? Est-ce que Londres est toujours à l'avant-garde dans ce domaine?

M. McGuinty: La ville d'Athènes a essayé ce système il y a environ une décennie. Selon le système, certains jours il était possible d'aller en ville si votre plaque d'immatriculation se terminait par un chiffre pair, et d'autres jours par un chiffre impair. Ce qu'on a constaté, c'est que les ventes de voitures ont doublé parce que les gens achetaient deux voitures.

C'est difficile d'amener les gens à se passer de leur voiture. La preuve du Japon indique qu'il est difficile de priver les gens de leur voiture.

J'aimerais revenir à certains de vos propos. Oui, je pense que dans certains cas, il y a un certain sentiment de désespoir et d'inutilité. Le problème est trop gros. On change de poste.

Je me souviens qu'en revenant de l'aéroport Pearson une fois, l'autoroute principale était tellement bouchée qu'on m'a fait passer par Forest Hill ou un autre secteur magnifique, et j'ai été frappé de constater à ce moment-là que la qualité de l'air à Toronto ressemblait à la mort: tous sont égaux devant elle. Riche ou pauvre, vous respirez le même air. Que vous ayez un domaine de 1 million de dollars dans la Baie géorgienne, si l'air se déplace vers le nord-ouest, vous allez le respirer. Et ça touche tout le monde.

Vous savez ce qui ne s'est pas encore produit à mon avis? Je ne pense pas qu'il y ait eu mobilisation sérieuse de la part des Canadiens pour les amener à s'intéresser à ces questions depuis bien longtemps.

Je pense qu'on n'a pas assisté à ce phénomène depuis les pluies acides. Lorsqu'il était ministre des Finances, M. Martin est venu à Toronto prononcer une allocution devant 625 cadres de services financiers pour leur parler de cette notion d'indicateurs. Il a déclaré: «Je suis ici pour vous dire que je ne peux pas vous dire quelles sont la richesse et la santé véritables de notre pays parce que tout ce que j'ai, ce sont des indicateurs économiques. J'ai besoin de plus».

Il a également dit qu'à son avis, il fallait véritablement mobiliser les Canadiens comme on les a mobilisés autour de l'élimination du déficit. Il a poursuivi en expliquant que dans ses rêves les plus fous, il n'aurait jamais pensé possible d'injecter dans le vocabulaire canadien l'expression «élimination du déficit», et que cette expression deviendrait familière dans toutes les langues.

Je pense que nous n'avons pas eu de cri de ralliement au Canada depuis 20 ans contre ces problèmes. J'ai dit aux ministres Anderson et Graham, qui examinaient une politique sur l'environnement et la politique étrangère, si vous devez adopter Kyoto, si vous êtes sérieux à ce sujet, dites-le et agissez en conséquence. Engagez-vous pour une décennie ou deux. Ralliez les gens à cette notion, à savoir que c'est la bonne chose à faire et injectez les crédits nécessaires au fur et à mesure.

Ces deux rapports renferment d'autres exemples, mais surtout l'exemple concernant les régions urbaines, où l'on parle, entre autres, du gouvernement fédéral qui injecterait cinq cents par dollar dans les infrastructures. Le gouvernement investirait-il cinq cents dans les infrastructures, voire 1 milliard de dollars, s'il n'y a pas de conditions? Ne devrions-nous pas demander aux municipalités d'élaborer des plans qui sont plus viables avant de commencer à apparier les crédits?

Le gouvernement fédéral et les provinces ne sont pas toujours d'accord avec les autorités municipales. La Ville d'Ottawa est en pourparlers avec le gouvernement fédéral parce que ce dernier aimerait faire un chèque de 40 millions de dollars pour construire un palais des congrès. Le conseil municipal et l'administration ont dit qu'ils ne voulaient pas de 40 millions de dollars pour un centre de congrès mais pour le transport public. C'est là leur priorité.

Donc, on a non seulement des problèmes systémiques avec le régime fiscal, mais maintenant on a des objectifs de dépenses qui vont franchement à l'encontre des objectifs de cette collectivité de 800 000 personnes. Cet exemple est tellement contraire au bon sens que je me demande pourquoi il en est toujours ainsi.

Le sénateur Christensen: Vous avez mentionné la façon dont on perçoit l'environnement et les environnementalistes. Il est temps que nous essayions de changer cette perception, et de parler de santé globale, tant financière que physique, et qu'on s'éloigne du terme «environnement» parce qu'il recèle plein de choses. Les environnementalistes et nous n'avons pas la même attitude à l'égard de l'industrie et de l'environnement. C'est un affrontement constant et pourtant les deux ne s'excluent pas mutuellement.

Les choses ne fonctionnent pas ainsi dans le vrai monde, mais c'est la perception qu'on en a. Dans nos annonces et nos projets, au fur et à mesure qu'on essaie d'apporter des changements, nous devons éviter les affrontements et trouver quelque chose qui donne aux gens l'impression que nous travaillons avec eux. Nous habitons la planète et elle nous tient à coeur.

M. McGuinty: Nous avons demandé au Conference Board du Canada il y a trois ans de produire un document sur la différence entre la position concurrentielle de la ville et la qualité de son environnement pour essayer de faire le lien entre les deux. Nous n'avons pu le faire. Nous n'avons pu trouver les méthodologies nous permettant de faire le lien par une ligne pleine. Cependant, il existe de plus en plus de preuves qu'il y a au moins une ligne pointillée entre les deux.

Le travail de Richard Florida sur les villes est un exemple. Il nous faut des impulsions créatrices dans les villes au fur et à mesure qu'on continue de s'éloigner du secteur des ressources naturelles pour entrer dans un autre type d'économie. Nous savons que les intrants environnementaux sont un facteur qui incite les gens à déménager ou à élever leur famille à tel ou tel endroit.

Dans 50 ans, la vente de sacs à dos avec masques à oxygène fera augmenter le PIB, mais je ne pense pas que la plupart des gens voudraient déménager dans un endroit aussi contraignant. C'est une idée bizarre, mais je crois que vous comprenez ce que je veux dire.

Le sénateur Christensen: Ceux qui vivent dans les centres urbains doivent être sensibilisés au fait que si l'industrie veut être responsable sur le plan physique et environnemental dans son développement, il en coûtera de l'argent. Ce coût doit être transféré au consommateur. Le consommateur doit le comprendre.

On ne peut pas l'imposer à l'industrie. L'industrie peut être responsable, mais lorsqu'elle est installée dans les régions rurales et qu'elle doit respecter des normes plus élevées, nous, les consommateurs, devons être prêts à en assumer les coûts supplémentaires. Ces coûts sont souvent moindres que le prix à payer pour corriger les erreurs en cours de route.

Le sénateur Eyton: À moins que la solution vienne de la Chine.

Le sénateur Christensen: Ce qui se produit en Chine nous touche. Nous en subissons les contrecoups tout le temps par les courants atmosphériques.

Le sénateur Eyton: Ce n'est pas ce que je voulais dire.

Le sénateur Christensen: Je sais ce que vous voulez dire.

M. McGuinty: Le gouvernement chinois est extrêmement préoccupé. Grâce à certaines études épidémiologiques sophistiquées dans certaines parties de la Chine, on constate une diminution de 1,5 à 2 points du quotient intellectuel des enfants à cause de la toxicité de la pollution. C'est une affaire sérieuse maintenant. Les autorités chinoises sont très préoccupées.

Le sénateur Eyton: J'ai apprécié vos commentaires et les questions. Je dois l'avouer, et j'en suis probablement le seul responsable, je n'avais jamais entendu parler de la Table ronde nationale avant ce matin.

J'ai essayé de faire du rattrapage, j'ai lu votre mandat et votre énoncé de mission rapidement. Je vais citer un court extrait et vous poser une question après cette brève lecture. Je ne poserai pas toutes les questions que je voudrais poser parce que cela serait trop long.

Dans votre document, on lit ceci:

La Table ronde est constituée d'un président et d'un maximum de 24 éminents Canadiens. Ces personnes sont nommées par le premier ministre à titre de leaders d'opinion qui représentent diverses régions et divers secteurs de la société canadienne, y compris le monde des affaires, les syndicats, les universités, les organisations gouvernementales et les Premières nations. Les membres de la Table ronde nationale se réunissent quatre fois par année pour examiner et discuter les travaux de l'organisme, établir des priorités et lancer de nouvelles activités.

En ce qui concerne ce dernier point, est-ce simplement en théorie ou si c'est toujours ainsi? J'ai vu qui était membre et j'ai écouté vos commentaires.

Cela me ramène à trois ou quatre questions. Premièrement, êtes-vous satisfaits du mandat et de la mission tels qu'énoncés dans ces rapports? Êtes-vous satisfaits des progrès réalisés à ce jour? À votre avis, est-ce que vous obtenez toute l'attention et la coopération de vos partenaires essentiels dans cet effort parce que vous travaillez surtout dans leur domaine d'expertise? Vous travaillez dans les mêmes domaines que les provinces, les villes et les entreprises. Vous êtes assez loin des consommateurs qui sont toujours présents.

Il me semble que les trois — villes, provinces et entreprises — doivent s'intéresser au moins à la composition de la Table ronde. Il ne me semble pas que ce soit le cas, surtout compte tenu de la manière dont votre organisme a été créé et de la façon dont vos membres sont nommés.

Avez-vous désapprouvé certaines des initiatives qui sont populaires? Je vais vous donner un exemple. Je n'ai jamais vu de justification économique convenable pour l'éthanol comme additif au carburant. C'est une chose populaire, et les gens en parlent un peu. Cependant, en tant que solution économique à certains des problèmes dont nous discutons aujourd'hui, cela n'a aucun sens. Est-ce que vous avez été critiques de certaines de ces initiatives?

Quelle est la meilleure chose que vous ayez faite au cours de la dernière année ou à peu près? J'aimerais un exemple d'un résultat concret et pratique que vous avez obtenu.

M. McGuinty: Permettez-moi de commencer par le mandat, sénateur. La Table ronde nationale est le fruit d'une idée des ministres canadiens de l'Environnement et de l'Énergie à la fin des années 80. Sa création a coïncidé avec le voyage qu'a entrepris Maurice Strong, avec l'appui du gouvernement canadien lorsque M. Charest était ministre de l'Environnement, pour s'envoler vers plus de 100 capitales pour rallier des gens et les inviter à participer au Sommet de la Terre en 1992.

La Table ronde était un programme du ministère de l'Environnement du Canada lorsqu'elle a vu le jour à la fin des années 80, au début des années 90. Au début, elle était présidée par le ministre de l'Environnement. Ensuite, il a été décidé de retirer la Table Ronde d'Environnement Canada et d'en faire un organisme indépendant et autonome au BCP qui ferait rapport au premier ministre en raison de la nature des enjeux qu'elle aborde. Cela a coïncidé avec la promesse qu'avait faite le Canada, de même que 120 autres pays en 1992, de créer un conseil national pour le développement durable.

Tous reconnaissent que si l'on voulait aller quelque part sans trop réfléchir où cela nous mènerait, il nous fallait nous réunir. Nous devions lancer le dialogue et mettre en place des processus qui amélioreraient le dialogue entre les spécialistes de l'industrie, les environnementalistes, les chefs syndicaux et autres intervenants de la communauté scientifique. C'est comme un peu une cogestion de notre proactivité.

Nous sommes satisfaits du mandat. Il est tellement vaste qu'on peut y circuler en camion.

Je suis arrivé à la Table ronde à la fin de 1994, début 1995. La Table ronde avait à peine un an. Il y a eu beaucoup de discussions au début au sujet du développement durable. On s'interrogeait également à savoir si c'était un organisme voué au développement durable ou un organisme de l'économie de l'environnement.

Il n'est pas question de nous interroger davantage sur la nature du développement durable.

Aucun des membres ne demande actuellement de précisions à cet égard. Avec le temps, nous avons conçu une approche à l'égard de ce problème en disséquant la notion de développement durable en enjeux ou éléments que les Canadiens peuvent comprendre.

Je le décris souvent de cette façon. Le développement durable n'est pas une destination, mais une direction. Sur la boîte contenant 50 000 pièces du casse-tête, il n'y a pas d'image. Après 20 années dans le domaine, si quelqu'un me dit à quoi ressemble l'illustration de la couverture, je me dis qu'il est un grand philosophe ou un fieffé menteur. On ne peut pas savoir de quoi aura l'air le monde dans 100 ans ou plus.

Réglons les problèmes particuliers que les Canadiens peuvent comprendre. Je suis déçu de voir que c'était la première fois que vous entendiez parler de nous, même si lorsque j'ai été engagé, c'était la première fois que moi aussi j'entendais parler de la Table ronde. Chaque sénateur et député reçoit notre rapport depuis au moins huit ans, donc assoyons-nous ensemble et discutons-en. Ce rapport figure parmi les nombreux rapports qui atterrissent sur votre bureau.

Je suis heureux de vous dire que nous n'avons pas de difficulté maintenant à attirer l'attention et à obtenir de la collaboration. C'est uniquement du fait que l'organisme répond directement au premier ministre que nous avons quelque pouvoir. Mais nous n'en abusons pas régulièrement, nous ne disons pas aux gens «venez, nous, nous sommes au bureau du premier ministre». Et après? pourrait-on demander.

Nous avons conçu une approche rigoureuse, sérieuse, à l'égard de ces questions — consultation, analyse, débat. Nous ne faisons pas perdre le temps aux gens, et nous n'avons aucun problème à convoquer des représentants des provinces et surtout des villes. Nous avons rédigé pendant des années le document général des villes de ce pays, pour prouver et montrer en quoi leurs pouvoirs sont si différents comparativement aux villes américaines et européennes. Nous n'avons aucune difficulté à réunir des gens autour de la table, la collaboration n'est pas un problème.

Attirer l'attention est autre chose. Si ce que vous voulez dire par «attention» est en fait obtenir des résultats, c'est plus difficile. Nous sommes un conseil consultatif, mais j'oserais dire que nous faisons davantage que d'autres conseils dans l'obtention de résultats, le travail de promotion et d'information, le lobbyisme pour faire connaître notre existence et convaincre les gens de la valeur de l'organisme. Nous avons obtenu certains succès, cela dépend du domaine.

L'autre chose est la suivante: comment savoir que vous êtes responsable des résultats? Comme l'a dit le sous- négociateur en chef de l'ALENA, il est étonnant de voir ce que l'on peut accomplir dans la ville lorsqu'on n'a pas à en prendre le crédit. Comment savez-vous qu'un projet lancé il y a trois ou quatre ans n'a pas fait son chemin dans le système? Comment savez-vous que la recommandation que vous avez formulée il y a trois ans au gouvernement fédéral sur l'amélioration du financement de l'éducation pour les Canadiens autochtones de 25 à 45 ans dans les Territoires du Nord-Ouest, qui a été annoncée dans le budget de cette année, comment savez-vous que ces petits points ne sont pas reliés ensemble? Ce n'est pas comme si le ministre nous appelait pour nous dire qu'il a reçu notre conseil et l'a mis en pratique. Parfois, par réflexion, nous constatons une reconnaissance évidente de ce que nous avons fait mais plus souvent l'effet est implicite, masqué.

Nous sommes perçus par les fonctionnaires et les cadres supérieurs comme un organisme intéressant qui génère des idées créatrices et à qui on peut confier une patate chaude. Il y a certaines questions que le ministère des Finances, le premier ministre ou un ministre ne peut régler et dira: «Pourquoi ne pas la confier à la Table ronde nationale?» comme l'a fait le ministre Martin à deux reprises pour son travail sur les indicateurs. Comme il l'a fait lorsque nous avons conçu la première approche nationale pour assainir 35 000 zones désaffectées dans nos villes, mesure annoncée dans le budget de 2001. C'est là une mesure de succès. Nous avons été mentionnés dans cinq budgets consécutifs, et dans deux d'entre eux, on nous a confié des responsabilités dans le discours du budget.

Est-ce qu'on a critiqué des initiatives populaires? Nous ne faisons ni l'apologie ni la critique du gouvernement. Notre rôle est de pousser la réflexion et de trouver des solutions. Nous offrons de nouvelles approches. Nous lançons le flambeau dans le ciel, par exemple, lorsqu'une question n'est pas bien abordée, ou qu'elle constitue une bombe à retardement, comme c'était le cas des zones désaffectées. Nous avons été là pendant cinq ans, dans les zones désaffectées et les gens nous demandaient: «Qu'est-ce qu'une zone désaffectée?» Nous savions que le gouvernement était assis sur des milliards de dollars de responsabilité dans ses propres sites contaminés et que cela contribuait de plus en plus à l'évidement de nos villes canadiennes. Voyez ce qui s'est passé avec le secteur riverain de Kingston.

Nous étions comme Wayne Gretzky qui cherchait la rondelle. Nous avons abordé des enjeux et nous avons trouvé des solutions.

Il y a de nombreux résultats concrets. L'un des projets les plus intéressants a été le travail que nous avons fait il y a quelques années dans les Maritimes lorsque quelques membres de la Table ronde ont été invités par le gouvernement du Nouveau-Brunswick et de la Nouvelle-Écosse. Ils ont dit que la débâcle qui succéderait à l'effondrement de la pêche à la morue sur la côte Est se produirait dans notre industrie forestière. C'est la prochaine préoccupation, surtout au Nouveau-Brunswick, où il y a tant de terres privées. Les gens faisaient une récolte excessive à un rythme impossible à soutenir. Il n'y avait aucune mesure fiscale incitative et aucune planification en matière de sylviculture qui m'empêcherait de me demander — par exemple, si j'héritais d'une propriété de mes grands-parents ou de mes parents — pourquoi je ne devrais pas tout simplement raser cette terre et encaisser l'argent. Les prix du bois de pulpe étaient élevés, le prix du papier encore plus, alors pourquoi ne pas aller vendre vos arbres?

Nous avons conçu avec Revenu Canada, qui a publié deux bulletins d'interprétation successifs, de nouvelles mesures fiscales, dont le dernier segment vient tout juste d'être annoncé dans le dernier budget, selon lequel le traitement fiscal des terrains boisés privés ressemble beaucoup plus maintenant au traitement fiscal des fermes. S'il y a un transfert intergénérationnel, certaines concessions fiscales sont faites pour inciter les gens à établir de bons plans de sylviculture, et nous avons défini la nature de ces plans. Ces plans ont été repris par le gouvernement du Nouveau-Brunswick sous Frank McKenna et rendus immédiatement opérationnels, ce qui a eu une influence directe sur la viabilité globale des terrains boisés privés de tout le pays. Voilà un exemple parmi quelques-uns que je peux vous donner.

Le président: Vous nous avez donné l'orientation à suivre au sujet de certaines questions dans des domaines que nous aimerions explorer avec vous. Nous sommes malheureusement restreints par le temps parce qu'un autre comité doit siéger dans cette salle. Seriez-vous disposés à venir nous rencontrer à nouveau dans quelque temps? Les sénateurs sont-ils d'accord pour prendre connaissance de ce que nous avons entendu aujourd'hui, des rapports qui nous ont été donnés et de formuler des questions différentes qui pourraient être remises au témoin à l'avance? Ensuite, la prochaine fois qu'ils reviendront, nous pourrions aborder le coeur de la question de plis près que nous l'avons fait aujourd'hui? J'ai des pages de questions que j'aimerais lui poser. Êtes-vous d'accord, honorables sénateurs?

Des voix: D'accord.

Le sénateur Eyton: J'ai bien aimé la liste des voeux du sénateur Milne, c'est toujours utile, vous en avez donné trois, mais ce genre de réflexion nous est tous favorable.

Le président: Ce serait une bonne chose à avoir. Si vous pouviez revenir, nous vous en saurions gré parce que, comme vous le savez d'après les questions qui ont été posées, nous avons trouvé votre témoignage extrêmement utile et intéressant. Il y a une énorme concomitance entre votre position et ce que nous visons. Je crois que nous pouvons réaliser ici certaines synergies.

Le sénateur Finnerty: J'ai lu votre livre, monsieur McGuinty, et je me suis demandé quel était le sort de ces recommandations, un enterrement ou quoi. J'ai beaucoup de questions à poser au sujet de ces recommandations, et j'espère vraiment que vous reviendrez nous voir.

M. McGuinty: Cela nous ferait plaisir. Nous aurions pu passer toute la matinée seulement sur ce rapport concernant les centres urbains. Nous avons essayé de vous donner une idée aujourd'hui, mais n'importe quand, nous serons heureux de revenir.

Le président: Nous allons vous en reparler.

La séance est levée.


Haut de page