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Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales

Fascicule 4 - Témoignages 


OTTAWA, le mardi 25 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des finances nationales se réunit aujourd'hui, à 9 h 32, pour examiner le Budget des dépenses pour l'exercice se terminant le 31 mars 2003 (Budget du comité 2003-2004).

Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous recevons ce matin la vérificatrice générale du Canada, Mme Fraser. Elle fera une déclaration, après laquelle les sénateurs poseront des questions et formuleront des commentaires. J'ai l'intention de passer en revue, chapitre par chapitre, son dernier rapport.

Mme Sheila Fraser, vérificatrice générale, Bureau du vérificateur général du Canada: Honorables sénateurs, nous vous remercions de nous donner l'occasion de vous rencontrer aujourd'hui afin de discuter de notre rapport de décembre 2002. Je suis accompagnée des vérificateurs généraux adjoints, Mme Barrados, M. McRoberts et M. Timmins, qui sont responsables d'un certain nombre de chapitres du rapport.

Comme vous le savez, à tire de vérificatrice générale, mon rôle est de promouvoir une plus grande reddition de comptes de la part du gouvernement et une fonction publique plus efficace. Les Canadiens exigent de plus en plus les deux. Le présent rapport porte sur deux questions qui me préoccupent beaucoup. La première est la nécessité pour le Parlement de recevoir une information complète et exacte de manière à ce qu'il puisse tenir effectivement le gouvernement responsable. La deuxième est la capacité du gouvernement à bien gérer ses initiatives de réforme à long terme.

Les Canadiens me disent parfois qu'ils ne croient pas que le gouvernement est responsable, que les gestionnaires des programmes — qui doivent assurer l'atteinte des résultats tout en suivant les règles — n'exercent pas une surveillance assez étroite et, enfin, que rien ne semble changer lorsqu'il y a des problèmes. Pour que les Canadiens fassent confiance au gouvernement, celui-ci doit rendre compte de son rendement de façon claire et au moment opportun.

Aujourd'hui, le secteur public se transforme. Le gouvernement a maintenant recours à des partenariats avec les provinces ou avec des organisations du secteur privé pour appliquer ses politiques et exécuter ses programmes. Nous assistons à l'émergence d'une nouvelle culture axée sur les résultats, et les gestionnaires sont de plus en plus encouragés à innover et à prendre des risques acceptables.

Tous ces faits nouveaux nous incitent à revoir les notions traditionnelles de la reddition des comptes. Nous proposons dans le chapitre 9 de ce rapport une définition améliorée de la reddition de comptes qui convient mieux à notre époque. Sa définition insiste sur l'importance des moyens utilisés ainsi que sur les résultats obtenus, dans le respect des valeurs du secteur public. Elle renferme des obligations pour toutes les parties. Elle insiste sur la nécessité pour les gestionnaires et le Parlement d'examiner le rendement. Elle insiste sur l'importance de la transparence dans le processus de reddition de comptes. Enfin, elle tient compte de la gestion axée sur les résultats, de l'innovation et du partage de l'obligation redditionnelle entre les partenaires.

Une reddition de comptes efficace exige que l'on demande des comptes. Les députés doivent être en mesure d'examiner et d'approuver les plans de dépenses du gouvernement et ses attentes en matière de rendement, et puis d'examiner de près le résultat de ces dépenses. Pour bien s'acquitter de cette tâche, le Parlement a besoin d'une information suffisante sur les coûts et sur les résultats escomptés.

Le Programme canadien des armes à feu est un exemple d'échec de la reddition de comptes. Le Parlement n'a jamais reçu d'estimations réalistes des coûts ni a été informé du rendement attendu du Programme. On ne lui a pas non plus fourni en temps opportun de l'information crédible sur le rendement. On ne lui a pas donné d'explications sur les fortes augmentations de coûts. Par conséquent, le Parlement n'a pas été en mesure de s'acquitter de sa fonction essentielle, soit de tenir le gouvernement responsable.

En 1995, le ministère de la Justice avait indiqué au Parlement que le Programme coûterait aux contribuables environ 2 millions de dollars. Le ministère affirme maintenant que les coûts du Programme pourraient atteindre plus d'un milliard de dollars en 2002-2005. On a donné des explications aux ministres et aux organismes centraux pour l'escalade des coûts, mais le Parlement n'a reçu que des bribes d'information. Le Parlement a effectivement approuvé tout financement octroyé pour ce programme, mais je m'inquiète qu'on ait obtenu 70 p. 100 du financement au moyen de budgets supplémentaires des dépenses. Le comité a soulevé un certain nombre de questions et de préoccupations au fil des ans au sujet des montants présentés dans le budget principal des dépenses et dans les budgets supplémentaires des dépenses.

La politique de contrôle des armes à feu n'est pas l'enjeu ici. Je m'inquiète des dépassements de coûts énormes. Et ce qui m'inquiète vraiment, c'est que le Parlement n'a pas été pleinement informé. Je me demande pourquoi le ministère a continué de constater l'escalade des coûts sans en informer pleinement le Parlement.

Mon rapport met aussi en évidence d'autres cas où le Parlement ne reçoit pas l'information dont il a besoin pour autoriser des déboursés importants de fonds publics. Ainsi, le gouvernement n'a pas encore pris les mesures requises pour obtenir du Parlement l'autorisation de créer le Parc Downsview. Je crois que pour dépenser plus de 100 millions de dollars de l'argent des contribuables au cours des vingt prochaines années, il faut obtenir l'autorisation officielle du Parlement.C'est la troisième année de suite que j'attire l'attention sur cette question. J'espère que ce sera la dernière.

[Français]

Les messages de mon rapport ne sont pas tous mauvais. On a fait des progrès notables pour fournir une information cruciale sur la santé à nos élus et aux Canadiens. L'automne dernier, les gouvernement fédéraux, provinciaux et territoriaux ont publié pour la première fois des indicateurs du rendement de leur système de santé. On a demandé au vérificateur législatif du Canada de vérifier l'exactitude des données sur la santé. Mon bureau a réalisé ce travail pour le gouvernement fédéral et les trois territoires. À mon avis, l'ajout d'une opinion attestant de la validité de l'information rend les rapports plus crédibles. Il est essentiel de procéder à de bonnes statistiques sur la santé à l'échelle du pays pour éclairer le débat public sur l'avenir de notre système de santé.

Permettez-moi de passer maintenant à l'autre sujet d'importance qui me préoccupe. Je suis déçue des faibles progrès du gouvernement au chapitre des réformes de gestion à l'échelle du gouvernement. Au fil des années, le gouvernement a entrepris plusieurs projets ambitieux comportant des objectifs très louables et d'une grande portée. Ils vont de la réforme de la gestion des ressources humaines à la modernisation de la fonction de contrôleur et au renforcement de la gestion et du contrôle financier. Malheureusement, j'ai constaté qu'il y a un écart important entre les engagements pris par le gouvernement et ce qu'il a vraiment accompli dans ces secteurs. Compte tenu de la taille du gouvernement, tout projet visant à modifier son fonctionnement représente un défi considérable.

Il est particulièrement difficile de faire des progrès et de maintenir le rythme lorsque l'échéancier s'étend sur plusieurs années. Pour que l'engagement envers le changement se concrétise, la haute direction et les organismes centraux, notamment le Secrétariat du Conseil du Trésor et le Bureau du Conseil privé doivent assurer un leadership vigoureux. Une orientation claire est essentielle. Le gouvernement doit faire plus que dire où il veut aller, il doit aussi expliquer comment il compte s'y rendre. Ceux qui sont responsables de la mise en oeuvre doivent être tenus responsables de l'atteinte des jalons clés aux dates spécifiées et si les cibles ne sont pas atteintes, ils doivent être tenus d'expliquer pourquoi.

Prenons, par exemple, le projet d'amélioration de la gestion financière du gouvernement. Celui-ci a entrepris de moderniser le gestion et le contrôle de ses finances il y a environ 40 ans. Il a dépensé des sommes énormes, des centaines de millions de dollars, pour mettre en place des systèmes financiers à la fine pointe de la technologie. Pourtant, les gestionnaires de la fonction publique ont encore de la difficulté à déterminer le coût véritable de leurs programmes et ils ne disposent pas non plus d'informations complètes et fiables sur les actifs et les passifs qu'ils doivent gérer.

[Traduction]

L'engagement et le leadership nécessaires au succès de l'initiative d'amélioration de la gestion et du contrôle financiers ont fait défaut. Pour une organisation qui dépense près de 180 milliards de dollars par année, cela est inacceptable. Il est temps que le gouvernement fasse preuve de sérieux et qu'il apporte les améliorations requises.

Honorables sénateurs, je n'ai abordé que quelques-uns des sujets que nous traitons dans ce rapport. Les autres chapitres portent sur des sujets comme les rapports que doivent produire les Premières nations, les activités de soutien à la navigation et à la sécurité nautique gérées par Pêches et Océans Canada, l'Agence spatiale canadienne, la Loi sur les mesures spéciales d'importation, l'imposition des opérations internationales des résidents du Canada et les arrangements fiscaux s'appliquant aux sociétés étrangères affiliées. Nous serons heureux d'examiner n'importe laquelle de ces questions aujourd'hui ou au cours d'audiences futures, si le comité le souhaite.

Honorables sénateurs, des faits nouveaux se sont produits récemment dans d'autres secteurs. Premièrement, le projet de loi C-25, la Loi sur la modernisation de la fonction publique, devrait contribuer à améliorer la gestion des ressources humaines dans la fonction publique. Nous avons souvent produit des rapports sur cette question au fil des ans et nous continuerons de suivre les progrès dans ce domaine et d'en rendre compte.

Deuxièmement, dans le plan budgétaire, le gouvernement a fait part de son intention d'améliorer les mécanismes redditionnels et de gouvernance des fondations indépendantes qu'il établit. Cette intention déclarée de renforcer l'obligation de rendre compte des futures fondations est encourageante, mais la situation en ce qui concerne les fondations existantes continue de m'inquiéter.

Je suis heureuse également que le ministre des Finances ait annoncé que le gouvernement présenterait ses états financiers selon les méthodes de la comptabilité d'exercice intégrale. Cela devrait aider les décideurs à connaître le vrai coût des programmes.

Ceci conclut ma déclaration. Nous serons heureux de répondre à vos questions.

Le président: Honorables sénateurs, vous allez remarquer que le rapport de la vérificatrice générale contient dix chapitres. Je vais vous donner l'occasion de poser des questions sur chaque chapitre. La vérificatrice générale considère que les chapitres 5, 9 et 10 devraient nous intéresser particulièrement.

Nous allons commencer par le premier chapitre, qui s'intitule «Repenser les rapports soumis par les Premières nations aux organismes fédéraux» et dans lequel la vérificatrice générale signale qu'une étude sur les exigences fédérales en matière de rapports révèle que les Premières nations présentent 168 rapports par année à quatre organismes fédéraux qui fournissent la majorité du financement et que la majeure partie de l'information n'est jamais utilisée. De nombreuses bandes des Premières nations sont relativement petites et établies dans des endroits éloignés. Pour elles, les exigences en matière de rapports constituent un fardeau considérable, et le fait de ne pas présenter de rapports peut faire en sorte de les priver de fonds fédéraux.

Quels sont les quatre organismes fédéraux dont vous parlez?

Mme Fraser: Les quatre principaux organismes sont les Affaires indiennes et du Nord, Santé Canada, DRHC et la Société canadienne d'hypothèques et de logement, qui possède le programme de logement.

Le président: Y a-t-il des questions ou des commentaires à propos du premier chapitre?

[Français]

Le sénateur Ferretti Barth: Le chapitre 1 de votre rapport mentionne les Premières nations. Vous êtes inquiète à savoir comment celles-ci pourraient recevoir de l'aide sans recevoir des pénalités. Y a-t-il une recommandation auprès du gouvernement qui pourrait aider les Premières nations, qui sont isolés dans ces grands territoires, afin qu'elle n'aient pas à subir des pénalités?

Mme Fraser: C'est un excellent point. L'une des grandes difficultés est la capacité des Premières nations à remplir toutes les obligations qu'on leur impose. Notre vérification était un peu différente des vérifications traditionnelles. On a pris le point de vue d'une communauté pour voir tout ce qu'on leur demandait de faire.

Nous proposons que le gouvernement tente de coordonner davantage les demandes. La demande pour chaque programme peut sembler légitime mais lorsque nous les mettons toutes ensembles nous voyons qu'il y a une surcharge. Il y a plusieurs programmes pour les Premières nations. Entre autres, les comptables généraux ont un programme pour former des officiers financiers des Premières nations.

Il y a eu beaucoup de progrès à ce niveau. Il reste évidemment beaucoup à faire. Le défi que le gouvernement doit relever c'est la capacité des Premières nations.

Le sénateur Ferretti Barth: Ma question est peut-être naïve. J'ai lu tous vos rapports et ils reflètent une inquiétude profonde. Vos recommandations sont-elles mises en vigueur?

Mme Fraser: Nos recommandations sont écoutées et les choses changent pour le mieux. On peut parfois reprocher au gouvernement le temps que cela prend pour changer les choses. Le gouvernement a reconnu ici qu'il faudrait revoir le système d'exigences de rapport. Cette révision va exiger que plusieurs membres des ministères et de plusieurs programmes travaillent ensemble pour revoir les exigences. J'ai confiance qu'ils pourront s'entendre avec les Premières nations.

Le sénateur Ferretti Barth: Ce sont les ministères qui ne suivent pas les recommandations, n'est-ce pas?

Mme Fraser: Les ministères sont pour le gouvernement.

Le sénateur Ferretti Barth: Ce sont les ministères qui ne suivent pas?

Mme Fraser: Il y a plusieurs programmes et chacun ne tient pas compte des exigences des autres. Cela revient à un système de gestion horizontal. On doit travailler davantage ensemble et peut-être se préoccuper davantage sur la capacité des Premières nations à livrer la marchandise. Je dois aussi dire que dans chacun de ces programmes, un financement est accordé aux Premières nations pour préparer tous ces rapports. L'une des questions que l'on soulève, c'est qu'en réduisant les demandes, il pourrait y avoir plus de fonds pour les services directs.

Le sénateur Gauthier: L'un des problèmes auquel le Parlement fait face avec tous ces rapports qui nous sont soumis, c'est que très peu sont étudiés. Ils sont habituellement sur la tablette après quelques semaines. Les Premières nations doivent soumettre quelques 168 rapports par année. Y a-t-il des exigences, des normes nationales pour ces rapports? Y a-t-il des exigences auxquelles ils doivent se plier? Combien de temps consacrent-ils pour préparer ces rapports? Qu'arrive-t-il avec ces rapports? Qui travaille sur ces rapports?

Il y a beaucoup de rapports déposés par les ministères. Chaque institution fédérale, incluant la vôtre, doit déposer un rapport sur les langues officielles. C'est une vraie farce, on perd du temps et de l'argent et rien n'arrive. Les procédures et les pratiques des Premières nations, sont-elles normalisées à l'échelle nationale?

Mme Fraser: Oui, ce sont des politiques et des procédures au niveau national. Ce sont des rapports qui sont déposés auprès des ministères ou des sociétés d'État qui gèrent les programmes. Ce qu'on a déploré, c'est qu'il y a une duplication d'informations et, souvent, les rapports ne sont pas étudiés ou utilisés.

Je crois que le sénateur Gauthier a soulevé un excellent point. Lorsqu'on a trop d'informations, ce n'est pas mieux. On suggère une simplification des demandes. Pour citer un cas où une des Premières nations doit déposer cinq fois un état financier vérifié.

Si les ministères et les directeurs de programmes se parlaient plus, il pourrait y en avoir un qui réponde aux besoins de tous. Il faut voir si l'information est utilisée et si les programmes sont évalués par la suite. Les ministères doivent se parler pour rétablir les exigences et, évidemment, alléger le fardeau des Premières nations.

[Traduction]

Le président: Passons au deuxième chapitre.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Avant de passer au prochain point, j'aurais une question à posér. J'ai demandé qui faisait la vérification des comptes du vérificateur général. Cela avait embarrassé le vérificateur parce qu'il ne le savait pas. Qui vérifie les comptes des Premières nations? Est-ce vous?

Mme Fraser: Non, ce n'est pas nous. Nous n'avons aucun mandat face aux Premières nations. Ce sont des vérificateurs des cabinets comptables du secteur privé qui le font et nous aussi, d'ailleurs.

[Traduction]

Le président: Le deuxième chapitre s'intitule: «Contribuer à la sécurité et à l'efficience de la navigation maritime». Le ministère des Pêches et des Océans du Canada doit surmonter certains obstacles sérieux afin de réussir à moderniser et à mieux gérer ses services de soutien à la navigation et ses activités de sécurité de la navigation de plaisance. Il existe cinq gardes côtières régionales au lieu d'une seule garde côtière nationale intégrée. Les politiques, les normes et le niveau de service attendu à l'échelle nationale sont obsolètes.

Le sénateur Comeau: Le président a parlé d'une seule garde côtière intégrée. Est-ce la recommandation de la vérificatrice générale?

Mme Fraser: Nous sommes préoccupés par la façon dont la Garde côtière est gérée. La Garde côtière est régie par les directives de chacune des régions, qui ne comportent aucune norme ni politique claires. Les procédures d'une région à l'autre sont profondément différentes. Nous avons aussi constaté, par exemple, des recoupements dans les régions qui utilisent le même système informatique. Il y a environ une semaine, nous avons participé à une audience d'un comité de l'autre endroit, comme vous l'appelez, lors de laquelle des représentants de la Garde côtière et du ministère des Pêches et des Océans ont comparu. Ils ont indiqué qu'ils avaient effectué plusieurs changements à leur structure interne en vue d'essayer d'instaurer une plus grande cohérence et une meilleure coordination.

Le sénateur Comeau: Il faut être prudent, étant donné les différences qui existent entre les régions. Par exemple, dans la région du golfe, il n'y a pas de pêche durant l'hiver en raison de la glace. Ailleurs dans la région de l'Atlantique, la majeure partie de la pêche s'effectue durant l'hiver, ce qui constitue une réalité différente. Il faut faire attention de ne pas mettre en place un système bureaucratique qui ne répond pas aux différents besoins.

Mme Fraser: Nous savons, monsieur le sénateur, qu'il existe de grandes différences entre les diverses régions. Même les services offerts par la Garde côtière de l'Ouest et celle de l'Est varient un peu. Le ministère est libre de s'organiser comme bon lui semble. Cependant, nous estimons qu'il doit y avoir un meilleur respect des normes et des politiques nationales afin d'assurer la cohérence, là où c'est nécessaire.

Le président: Le troisième chapitre du rapport de la vérificatrice générale porte sur la Loi sur les mesures spéciales d'importation et sur les recommandations qui ont été formulées par la vérificatrice générale et divers sous-comités parlementaires à l'Agence des douanes et du revenu du Canada ainsi qu'au Tribunal canadien du commerce international. Il concerne la protection contre les importations sous-évaluées ou subventionnées. Y a-t-il des questions ou des commentaires au sujet de ce chapitre du rapport de la vérificatrice générale?

S'il n'y a en pas, nous allons passer au quatrième chapitre intitulé «L'imposition des opérations internationales des résidents du Canada». Ce chapitre concerne encore l'Agence des douanes et du revenu du Canada. La vérificatrice générale a constaté qu'un manque de personnel expert diminue la capacité de l'Agence de planifier et d'effectuer la vérification de l'imposition des opérations internationales des résidents du Canada. Y a-t-il des questions ou des commentaires?

Le sénateur Gauthier: J'ai une brève question à poser à propos des opérations internationales. J'ai lu récemment un article rédigé par M. Donald Cox, qui écrit pour le compte du magazine Maclean's et qui possède toujours une opinion sur tout. Il prétend que le Canada est désavantagé, car il n'impose pas de taxes sur ses exportations. Il juge cela injuste pour les Américains, qui eux doivent payer des taxes. Je ne sais pas de quoi il parle. La TPS s'applique-t-elle aux produits exportés?

Mme Fraser: Honorables sénateurs, la TPS ne s'applique pas aux exportations. C'est une politique du gouvernement qui vise, je crois, à encourager l'exportation.

[Français]

Le président: Y a-t-il d'autres interventions?

[Traduction]

Selon la vérificatrice générale, le chapitre 5 devrait intéresser particulièrement les honorables sénateurs. Ce chapitre s'intitule: «La gestion et le contrôle financiers au gouvernement fédéral». Dans le rapport, Mme Fraser déclare qu'il y a plusieurs questions en suspens que le gouvernement fédéral doit résoudre afin d'améliorer la gestion et le contrôle de ses finances. La vérificatrice générale estime que la gestion et le contrôle financiers sont essentiels pour que le gouvernement obtienne des résultats au chapitre de ses programmes et de ses services. Il faut pour cela que le gouvernement utilise de l'information financière et non financière dans la prise de décision et se dote de systèmes efficaces en matière d'information financière et de contrôles. C'est ce dont a parlé notamment Mme Fraser dans sa déclaration aujourd'hui. Honorables sénateurs, y a-t-il des questions?

Le sénateur Lynch-Staunton: Est-il question des fondations dans ce chapitre?

Mme Fraser: Non.

Le président: Elles méritent un chapitre spécial.

Le sénateur Lynch-Staunton: Pourrons-nous poser des questions sur les fondations?

J'ai une observation générale sur le contrôle des dépenses. Je pense que le principal problème, c'est que la Chambre des communes, en particulier, et le Parlement, en général, a perdu le contrôle des fonds publics. Elle a abandonné, de façon délibérée ou involontaire — ou les deux — le contrôle des dépenses. Le processus budgétaire n'est plus qu'un dépôt de document; c'est devenu un fait accompli. Le budget est connu publiquement depuis le 18 février. Il y a eu trois jours de débat sur le sujet, puis nous sommes passés à autre chose.

À deux reprises, le premier ministre a annoncé des changements au budget. L'un portait sur les territoires et l'autre, sur le sport amateur. Il l'a fait de façon unilatérale, en dehors de la Chambre. Si c'est la façon dont on traite le Parlement, il est plutôt décourageant de devoir essayer de corriger après coup les excès que vous soulignez, que vos prédécesseurs ont souligné et, malheureusement, que vos successeurs vont souligner.

Avez-vous une recommandation à formuler sur la façon dont la Chambre pourrait regagner du pouvoir sur les fonds publics? Actuellement, la situation devient — et je répugne à utiliser le mot que j'ai en tête, donc je vais m'abstenir — presque risible.

Mme Fraser: Je partage le point de vue du sénateur Lynch-Staunton, et nous allons passer à un chapitre qui en sera peut-être un bon exemple: celui sur le programme des armes à feu. Les renseignements fournis au Parlement étaient incomplets, ce qui fait que le Parlement n'était pas vraiment au courant des coûts de ce programme important.

Dans ce chapitre, le chapitre 9, nous soulignons l'importance de la reddition de comptes. Il est important d'être en mesure d'examiner les dépenses, de contester le gouvernement et de l'obliger à rendre des comptes.

J'aimerais — et c'est prévu dans notre planification — examiner le système de gestion des dépenses pour évaluer son fonctionnement, de même que celui du budget principal et des budgets supplémentaires. Beaucoup de parlementaires connaissent mal le régime des crédits voté. Il y a eu une certaine confusion à la Chambre des communes, la semaine dernière, quant aux chiffres et à ce qui relevait du budget des dépenses et ce qui relevait du budget principal. C'était plutôt confus. C'est un problème, et j'espère que d'autres comités s'y pencheront. Le programme des armes à feu a sonné l'alarme en rappelant aux comités qu'ils devaient l'étudier pour comprendre comment l'échange d'information pourrait s'améliorer et comment les comités pourraient contester plus activement les budgets et revoir les rapports sur le rendement des ministères ainsi que leurs plans et leurs priorités.

Le président: À la Chambre des communes, dès que le budget est déposé, on en saisit les divers comités parlementaires. Le budget est réputé avoir été approuvé par ces comités après une certaine date, qu'ils l'aient examiné ou non. On est loin de la situation qui prévalait il y a 30 ans ou plus et qui demeure dans beaucoup de provinces, où les ministres sont tenus de présenter et de défendre leur budget devant un comité plénier sur les approvisionnements. Cette façon de faire comportait certes des ratés, comme nous l'avons constaté il y a 30 ans, parce qu'en règle générale, la Chambre passait tout son temps à examiner trois ou quatre ministères, alors que les autres parties du budget étaient adoptées en catastrophe, cinq minutes avant minuit, mais tout de même, il y avait examen en profondeur de quatre ou cinq ministères et un débat aux Communes. De plus, ce n'était pas les mêmes ministères d'une année à l'autre.

Au Sénat, nous étudions le budget en comité plénier, puis on nous renvoie les budgets supplémentaires. Notre comité en est saisi, mais nous ne prétendons pas les examiner ministère par ministère, ligne par ligne. Ce n'est pas notre travail.

Le sénateur Cools: Je pense que le président soulève un point très important. J'aimerais beaucoup savoir s'il est possible d'organiser une séance à huis clos pour discuter de cette idée plus en détail. Cependant, je tiens à avertir le comité qu'il y a actuellement des forces au Sénat, qui souhaitent abandonner ce système pour le remplacer par le système en vigueur à la Chambre des communes, qui se révèle pourtant un échec. Par conséquent, je crois que les membres du comité doivent être très vigilants et très sûrs de leur position, parce qu'il faut approfondir notre étude et non l'inverse.

Le président: Sénateur Gauthier?

Le sénateur Gauthier: J'aimerais avoir de plus amples renseignements, parce que ce problème ne date pas d'hier. La vérification de l'optimisation des ressources est-elle toujours votre marque de commerce?

Mme Fraser: Sénateur, ce concept est plus que notre marque de commerce, ces rapports sont ce que nous considérons comme des vérifications de l'optimisation des ressources et ils représentent environ la moitié des travaux de notre bureau.

Le président: Chers collègues, avez-vous autre chose à ajouter? Je vais passer au chapitre 6: «Statistique Canada — la gestion de la qualité des statistiques sur la santé».

La vérificatrice générale estime que nous pouvons nous fier sur les données administrées exclusivement par Statistique Canada. Cependant, il y aurait place à l'amélioration chez les autres fournisseurs, particulièrement en ce qui concerne Santé Canada et l'Institut canadien d'information sur la santé.

Avez-vous des questions ou des commentaires à cet égard, mesdames et messieurs les sénateurs? Voudriez-vous vous expliquer davantage, madame la vérificatrice générale?

Mme Fraser: Je vais demander à ma collègue, Dre Barrados, de vous donner un bref aperçu du rapport.

Le président: Mme Barrados est-elle médecin?

Mme Maria Barrados, vérificatrice générale adjointe, Direction des activités de vérification: Non, je suis sociologue, donc je suis un peu nerveuse de vous parler de la partie médicale.

Nous avons entrepris notre travail en 2000, après que les ministres ont conclu un accord par lequel tous les signataires se sont engagés à présenter un rapport d'évaluation de leur système de santé. Ils ont convenu de 64 indicateurs et ont demandé à ce que des vérificateurs vérifient les rapports. Nous l'avons fait, de même que nos collègues des provinces.

Santé Canada a produit un rapport qui ressemble à cela et qui présente divers indicateurs du rendement du système de santé. Ils ne sont pas parfaits, tout le monde l'admet. Cependant, c'est une première tentative de rapport public tant sur le système lui-même, sur les incidences de maladies, sur les résultats obtenus, sur les activités que sur les réalisations du système. C'est un mélange.

La vérification contenue le rapport que nous avons déposé en décembre expose les éléments que nous avons examinés en détail afin de présenter au Parlement une évaluation de la qualité des systèmes sous-jacents à la production de ces séries de données et de ces résultats. Comme vous l'avez bien résumé, les données produites par Statistique Canada sont très solides. À Santé Canada, il y a place à l'amélioration, de même qu'au ICIS. L'ICIS est un organisme intéressant, parce qu'il s'agit de l'une de ces fondations qui ne relèvent pas directement du Parlement, mais nous avons convenu d'une entente avec lui et il nous a invités à venir examiner ses séries de données.

Le président: Pour ce qui est des statistiques de Santé Canada et des données de l'Institut canadien d'information sur la santé, les problèmes observés sont-ils de compétence fédérale ou fédérale-provinciale?

Mme Barrados: En partie. Les chiffres de Santé Canada reposent en grande partie sur les résultats de la surveillance des maladies. Ils se fondent sur les rapports et les données que fournissent les provinces et divers intervenants, dont les médecins et les hôpitaux, à Santé Canada. Nous avons également observé qu'il n'y avait pas de système fort à la base de ce genre de travail à Santé Canada.

Dans le cas de l'ICIS, les données proviennent des hôpitaux, soit des dossiers des patients. Ces données servent différentes fins. Cependant, le dépouillement doit être fait avec vigilance et l'Institut le comprend bien. Il réalise lui- même des études sur la fiabilité du dépouillement.

Le président: Merci. Y a-t-il d'autres questions ou commentaires à ce chapitre de l'information sur la santé?

Le sénateur Cools: Nous sommes ici pour en parler des fondations et des armes à feu.

Le président: Patience, sénateur.

Agence spatiale canadienne — la mise en oeuvre du Programme spatial canadien. La vérificatrice générale se dit incapable de s'acquitter de ses devoirs de vérification du Programme spatial canadien en raison des obligations de financement préalables à sa création, et la situation risque de s'empirer dans les cinq prochaines années.

Sénateur Lynch-Staunton, ce problème touche-t-il Montréal?

Le sénateur Lynch-Staunton: St-Hubert, monsieur.

Je n'ai pas lu ce chapitre, monsieur le président. Malheureusement, je ne peux pas le commenter.

Le président: Quel est le problème, madame la vérificatrice générale?

Mme Fraser: Le grand problème, c'est que l'Agence spatiale s'est engagée à participer à de très grands projets, dont celui de la station spatiale, par exemple. Le Canada est obligé de payer un pourcentage des coûts totaux de la station spatiale. Cependant, nous n'avons aucun contrôle sur ces coûts. Il s'agit de très grands projets à haut degré de risque, et leurs coûts peuvent changer radicalement. En fait, comme nous le mentionnons ici, un plafond budgétaire a été fixé aux États-Unis quant au coût total de la station spatiale. Cela pourrait compromettre la recherche à laquelle le Canada participe. Ce sont d'énormes projets. L'Agence estime qu'environ le tiers de son budget y sera consacré. Par ailleurs, elle s'est dotée d'un programme qu'elle compte accomplir, mais il est évident que le financement dont elle dispose ne sera pas suffisant pour le réaliser. Nous remarquons un écart entre les fonds accessibles et les attentes, un écart qu'il faut éliminer.

Le président: Pouvons-nous réduire nos attentes? Pouvons-nous réduire nos engagements internationaux?

Mme Fraser: Pas à ce que je sache. Nous avons pris des engagements fermes à payer un pourcentage de ces coûts. Nous et d'autres partenaires nous sommes engagés à le faire.

Peut-être pourrions-nous changer certaines choses à force de négociations et d'autres compromis, mais il s'agit d'engagements fermes. Ce sont les attentes relatives à d'autres programmes plus propres au Canada, si l'on veut, qu'il faudra changer si les fonds octroyés demeurent les mêmes.

Nous ne faisons que souligner l'importance que le Parlement soit conscient de la situation et qu'on discute des attentes à avoir à la lumière du financement octroyé à l'Agence.

[Français]

Le sénateur Gauthier: L'écrasement de la navette spaciale a-t-elle un impact sur nos engagements financiers actuellement? Est-ce que cela va avoir une influence sur les coûts de notre agence?

Mme Fraser: Je ne suis pas en mesure de répondre avec exactitude. Le seul impact possible serait s'il y a des coûts additionnels pour la station spatiale, pour l'approvisionnement, mais malheureusement, je ne suis pas en mesure de répondre à cela.

Le sénateur Biron: Quels sont les autres pays qui participent? Ont-ils les mêmes problèmes que nous quant au contrôle financier?

Mme Fraser: Je ne suis pas certaine d'avoir la liste de tous les pays. Il y a plusieurs autres pays, notamment en Europe, qui participent aussi. Tous les partenaires ont la même préoccupation. Même le gouvernement, dans sa réponse, mentionne que les partenaires dans l'ensemble partagent cette inquiétude du contrôle des coûts et le risque que ces projets engendrent. Je pourrais vous fournir les détails sur les autres partenaires.

Le sénateur Biron: Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de s'entendre avec les autres pays pour essayer de contrôler les coûts?

Mme Fraser: Évidemment. Cependant, nous sommes un très petit partenaire dans l'ensemble du dossier.

[Traduction]

Le sénateur Lynch-Staunton: Comment cet engagement non délimité diffère-t-il, s'il en diffère, des autres engagements que nous avons, notamment avec les Nations Unies, la Banque mondiale et le FMI, de répondre à l'appel s'il y a appel. À ce que je sache, ces engagements ne sont pas délimités non plus. Quelle est la différence d'application entre ces engagements et celui-ci, s'il y en a?

Mme Fraser: Malheureusement, sénateur, je ne connais pas bien tous les engagements pris avec d'autres organismes. Cependant, je sais que nous nous sommes engagés à assumer un certain pourcentage des coûts et que nous devons payer notre part. J'admets que notre pourcentage est relativement petit par rapport au total, mais nous sommes exposés à des risques, comme nos partenaires. Ces coûts pourraient devenir énormes pour notre Agence, compte tenu du budget dont elle dispose.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je sais qu'on le voit parfois dans le budget. Je ne me rappelle pas bien de quoi il s'agissait, mais il est arrivé qu'une banque internationale demande à ses partenaires de respecter une obligation qui n'avait pas été prévue, je crois, pour parer à une urgence. Nous n'avons pas eu d'autre choix que d'engager quelques millions de dollars. Il y a plus d'un cas où nous sommes exposés aux risques que comporte ce genre d'engagement.

Mme Fraser: Oui, par exemple, nous nous sommes engagés à absorber 2,3 p. 100 du coût de la station spatiale internationale. Je crois que cet engagement est valable jusqu'en 2015-2016, il s'agit donc d'un engagement ferme.

Le président: Le chapitre 8 porte sur l'acquisition de locaux à bureaux. Le ministère des Travaux publics et des Services gouvernementaux a la responsabilité de fournir des locaux à bureaux aux autres ministères, et la vérificatrice générale est d'avis que Travaux publics doit améliorer ses méthodes d'analyse et de comparaison des options qui s'offrent aux ministères en recherche de locaux.

Madame Fraser, quel est le degré d'ouverture et de transparence du processus de location de locaux à bureaux pour les divers ministères d'un bout à l'autre du pays? On parle de location dans la plupart des cas, n'est-ce pas?

Mme Fraser: Nous parlons ici d'achat, de bail à long terme ou de location à plus court terme. Nous n'avons pas examiné la question de l'acquisition. Nous avons voulu commencer par des projets particuliers, y compris ceux à plus court terme, pour en vérifier la gestion. Nous avons davantage examiné le volet de la planification, de l'information disponible, afin de déterminer les locaux requis et la façon dont les diverses options sont évaluées.

Il s'agit d'un problème de longue date qui a déjà été soulevé à plusieurs reprises. La planification et l'information ne sont pas suffisantes et ne permettent donc pas de prévoir les locaux nécessaires. Par ailleurs, aucune évaluation des diverses options offertes dans les divers marchés ne se fait.

Le président: Travaux publics ne le fait pas, c'est bien ce que vous dites?

Mme Fraser: Je parle ici de Travaux publics, c'est exact.

Le sénateur Gauthier: Il y a pas mal de battage publicitaire en ce moment au sujet de la location de locaux du secteur public au secteur privé et selon certaines dispositions, le locataire doit respecter certaines exigences de la loi, en matière linguistique, par exemple. Pourquoi le gouvernement fédéral fait-il de la location? Faites-vous la vérification relative à la location par Travaux publics Canada de locaux du secteur public fédéral au secteur privé? La gestion en est-elle efficiente? Est-il rentable pour nous de louer tel ou tel édifice? À Ottawa, la location de locaux du secteur public est importante. Je ne comprends pas pourquoi nous faisons de la location. Avez-vous déjà fait une étude sur ce point?

Mme Fraser: Honorables sénateurs, autant que je sache, nous n'avons pas fait d'étude ni de vérification à cet égard. Cette suggestion me paraît intéressante et nous allons en tenir compte dans le cadre des projets à examiner dans l'avenir.

Le président: J'aimerais m'attarder quelques instants sur le processus. Nous savons tous que dans le cas de certains produits et services, il y a des appels d'offres et un processus est suivi. Je ne sais pas vraiment comment se fait l'acquisition de locaux à bureaux. Dans quelle mesure est-ce public et transparent?

Mme Fraser: Nous convenons avec vous que ce secteur doit être examiné. Nous allons nous pencher sur divers projets au cours des prochaines années et examiner en particulier, projet par projet, la façon dont le processus fonctionne, ainsi que la manière dont l'évaluation des besoins en matière de locaux se fait et si elle se fait de manière ouverte et transparente.

Le président: La vérificatrice générale nous a demandé de prêter particulièrement attention au chapitre 9 également, qui porte sur la modernisation de la reddition de comptes dans le secteur public. Je ne vais pas lire le résumé. Elle souhaite une meilleure définition de la reddition de comptes et nous en parle dans sa déclaration liminaire de ce matin; j'invite donc les collègues à poser des questions ou à faire des observations.

Le sénateur Lynch-Staunton: Les fondations sont-elles visées?

Le président: Allez-y, sénateur.

Le sénateur Lynch-Staunton: Je ne vais pas ressasser les mêmes histoires, car nous sommes tous au fait de la situation. Madame Fraser, j'aimerais vous poser des questions à propos de la réponse du gouvernement dans le plan budgétaire. Les documents dont nous sommes saisis indiquent que le gouvernement s'est appuyé sur deux grandes sociétés comptables pour défendre sa position, ces deux sociétés approuvant l'approche du gouvernement. Vous a-t-on fait part de ces études comptables?

Mme Fraser: Honorables sénateurs, je prépare une réponse au gouvernement à cet égard. Vous parlez ici de lettres qui, si je ne me trompe, remontent à 1995 environ. Ces lettres ont été envoyées par deux sociétés au moment où la question comptable s'est posée pour la première fois dans les comptes publics, à l'époque où mon prédécesseur avait émis des réserves quant aux comptes publics, parce que des dépenses avaient été comptabilisées comme transferts à des fondations qui n'existaient pas à ce moment-là.

Je désapprouve la façon dont le gouvernement envisage cette question dans sa réponse. Les lettres ne traitaient pas en fait des questions dont nous sommes saisis aujourd'hui, mais traitaient d'une question tout à fait différente. Je vais envoyer une lettre au gouvernement pour essayer de clarifier ce point. J'ai déjà vu les lettres en question, mais le gouvernement ne m'en a jamais remis directement copie.

Le sénateur Lynch-Staunton: Dans sa réponse, le gouvernement se montre assez dédaigneux quant au rôle de la vérificatrice générale et c'est après s'être adressé à plusieurs autres personnes qu'il peut vous demander de procéder à la vérification. D'après ce que je peux voir, il peut, au bout du compte, prévoir une disposition dans les accords de financement indiquant que le ministre responsable peut, à sa discrétion, recouvrer les fonds non dépensés en cas de dissolution.

Savez-vous que dans plusieurs cas, y compris celui de la Fondation canadienne pour l'innovation, les fonds ne reviennent pas aux investisseurs initiaux en cas de dissolution, mais doivent être distribués au pro rata aux bénéficiaires des subventions au fil des ans? Qu'en pensez-vous?

Mme Fraser: Honorables sénateurs, c'est l'un des problèmes que nous avons soulevés assez vite au moment où nous nous sommes penchés sur la question des fondations. D'après nous, ce n'est pas la chose à faire; à notre avis, en cas de dissolution de la fondation, tout fonds excédentaire devrait revenir au gouvernement qui a financé la fondation en question. Le gouvernement a indiqué qu'il corrigerait ce problème.

Le président: «Peut» est le mot clé, sénateur Lynch-Staunton.

Le sénateur Lynch-Staunton: La vérificatrice générale peut utiliser le mot «peut» dans le cadre de la vérification, mais d'après une disposition toute nouvelle des accords de financement, le ministre peut, à sa discrétion, recouvrer les fonds non dépensés.

Le président: Nous parlons ici des mots «peut, à sa discrétion», n'est-ce pas?

Le sénateur Lynch-Staunton: Effectivement, il s'agit des mots «peut recouvrer.»

Mme Fraser: Le problème également, c'est que les fondations existantes ne sont absolument pas tenues d'ouvrir les accords contractuels qui existent actuellement. Je sais que le gouvernement a indiqué qu'il allait essayer de régler la question et j'ose espérer que s'il envisage d'accorder des fonds supplémentaires à ces fondations, il profitera de l'occasion pour essayer de renégocier certaines dispositions de ces accords.

Le sénateur Lynch-Staunton: J'ai une question qui ne traite pas des fondations. Que pensez-vous de la tendance affichée de plus en plus par deux ministres qui consiste à affecter des fonds sur plusieurs années? Dans le budget actuel, certains des programmes affectent des fonds pour cinq ou six ans. Dans l'ancien temps, les budgets visaient l'exercice seulement et c'était aux législatures ou aux gouvernements futurs de fournir suffisamment de fonds pour les douze mois suivants. Aujourd'hui, il arrive de plus en plus qu'une législature affecte des milliards de dollars pour les années à venir. Qu'en pensez-vous?

Mme Fraser: Vous soulevez toute la question du contrôle assuré par les gouvernements et les législatures en matière de dépenses. Si les gouvernements et les législatures changent, doivent-ils quand même respecter les engagements pris par ceux qui les ont précédés? C'est une question qui se pose. Nous avons également soulevé le problème du financement anticipé de certaines initiatives bien avant que les fonds ne soient effectivement remis aux destinataires. D'après le traitement comptable, tous ces montants sont actuellement comptabilisés à titre de dépenses pour l'année en cours. D'après les témoignages entendus à la Chambre, il est clair que le traitement comptable est un facteur important de la façon dont tout cela est organisé.

Mme Barrados: Plusieurs programmes législatifs comme le compte de l'assurance-emploi prévoient des engagements à long terme. Même si le budget renferme un engagement à long terme, il est voté pour une seule année.

Le sénateur Lynch-Staunton: Peu importe que le programme soit à long terme, ce qui m'inquiète, c'est que les montants affectés à ce programme soient déterminés des années à l'avance. Il faudrait en fait annoncer le programme, confirmer les fonds pour l'exercice en cours, prévoir le budget pour les années futures, mais laisser le Parlement avoir son mot à dire. Je suppose que c'est le cas de toute façon, mais si l'on s'en tient à ce qui est maintenant écrit et présenté, c'est ce qui va se passer pour les quelques prochaines années.

Ce qui est tragique, c'est que la Chambre ne réagit pas. À mon avis, ce maladroit processus budgétaire suscite plus de réaction dans cet endroit que dans l'autre.

J'ai dit ce que j'avais à dire, merci, monsieur le président.

[Français]

Le sénateur Gauthier: Récemment on a eu le projet de loi C-12 concernant les sports et le conditionnement physique. Certains d'entre nous croyaient que la vérification des livres du Centre de règlements des conflits devrait relever de la vérificatrice générale du Canada. Nous n'avons pas réussi à convaincre nos collègues et le projet de loi a été adopté sans cette recommandation.

Êtes-vous la vérificatrice générale pour les institutions fédérales ou seulement quelques-unes? Qui décide si vous êtes la vérificatrice d'une institution en particulier?

Mme Fraser: Je ne suis pas la vérificatrice générale de toutes les institutions fédérales. Nous ne sommes pas les vérificateurs de certaines sociétés d'États, par exemple Poste Canada. C'est une décision du Parlement. Lorsque ces entités sont créées, des lois sont passées. Bien souvent, il y a spécification à savoir qui sera le vérificateur. C'est le Parlement qui décide.

[Traduction]

Le président: J'aimerais soulever un point à propos du plan budgétaire et du fait que l'on assiste à des progrès en matière de reddition de comptes. Ce qui m'a frappé à propos des ententes dont parle le ministre, c'est que l'on semble soigneusement éviter d'exiger que les ministres déposent au Parlement les plans directeurs ou les rapports annuels de la plupart de ces fondations. D'après le plan, très souvent le plan directeur ou le rapport annuel, ou quelque ce soit d'autre, doit être rendu public et par conséquent, être accessible aux députés.

À mon humble avis, ce n'est pas suffisant. Le plan ou le rapport déposé au Parlement devient un document du Parlement et, à la Chambre des communes, il est automatiquement renvoyé à un comité parlementaire. Toutefois, dans le plan budgétaire, le gouvernement semble chercher à éviter pareille exigence. L'avez-vous remarqué?

Mme Fraser: Je crois que de l'information sera donnée dans les rapports sur le rendement du ministère. Je sais que le gouvernement essaie par tous les moyens de faire en sorte que ces fondations soient considérées indépendantes. Si les fondations étaient jugées non indépendantes, le traitement comptable actuel ne pourrait s'appliquer.

L'Institut canadien des comptables agréés vient de publier un rapport sur la définition de contrôle. Nous allons examiner chacune des fondations pour vérifier si elles répondent aux exigences d'indépendance. Cela pourrait peut-être modifier le traitement comptable accordé à certaines de ces fondations.

Dans le plan budgétaire, il semble que l'on souhaite que plus d'information soit rendue disponible au Parlement, mais l'information ne représente qu'une partie de la reddition de comptes. Il faut également que les fondations soient tenues responsables et selon nous, ce n'est toujours pas le cas. Aucun mécanisme permettant au Parlement d'intervenir n'est prévu. Si ces organisations sont considérées indépendantes, comment modifier leur plan d'action lorsque tous les fonds leur ont été donnés et qu'elles ne sont pas vraiment responsables devant le Parlement?

Le président: J'aimerais revenir à ce que vous avez dit au sujet de l'information qui correspond aux plans ministériels et aux rapports sur le rendement; à votre avis, est-ce suffisant ou devrions-nous demander avec insistance le dépôt des rapports annuels?

Mme Fraser: Ce n'est pas suffisant compte tenu des sommes d'argent en cause et du rôle de politique officielle que jouent beaucoup de fondations.

Le président: Je ne vois pas comment le dépôt d'un plan directeur, et certainement pas le dépôt d'un rapport annuel, porte atteinte à l'autonomie ou à l'indépendance de ces organisations. Le ministre dépose le rapport annuel de la SRC et si un comité souhaite l'examiner, il le fait, mais rien n'indique que le simple fait de déposer le rapport équivaut à de l'ingérence politique.

Mme Fraser: Je pense que le gouvernement s'inquiète du fait que ces fondations ne seraient pas considérées indépendantes d'un point de vue comptable si certaines de ces dispositions étaient prévues. Lorsque nous faisons les comptes publics, la SRC est visée, puisqu'elle en fait partie.

Le président: Ne s'agit-il pas d'un problème technique?

Mme Fraser: L'impact est important car tous les fonds affectés ne sont pas comptabilisés à titre de dépenses pour l'année en cours. Si je ne me trompe, d'après le témoignage du Secrétariat du Conseil du Trésor, il semble que le fait que les sommes importantes d'argent qui sont transférées soient comptabilisées pour l'année en cours, plutôt qu'au fur et à mesure des dépenses, soit l'un des incitatifs à cet égard.

Le président: Nous pouvons à l'instar de la Chambre des communes imposer certains processus de reddition de comptes. Si nous décidions de convoquer le président de l'une des ces fondations, je doute fort qu'il refuserait de comparaître. En fait, un ou deux d'entre eux ne cessent de nous demander de comparaître pour nous faire part de leur bon travail. Peut-être faudrait-il en convoquer davantage plus souvent, ne serait-ce que pour montrer qui commande ou qui, selon nous, devrait commander.

Mme Fraser: Cette proposition est intéressante, compte tenu des sommes d'argent qu'ils gèrent ainsi que du rôle de politique officielle qu'ils jouent.

Le sénateur Cools: Nous devrions, je crois, en convoquer le plus possible au cours des prochains mois.

Le sénateur Comeau: À propos de la comptabilisation gouvernementale des dépenses des années futures comme dépenses courantes, je ne suis pas sûr que le gouvernement soit tenu de respecter les principes comptables selon lesquels une dépense future n'est pas une dépense courante. Si tel est le cas, la vérificatrice générale n'émet-elle pas une réserve quant aux rapports qui ne suivent pas les principes de comptabilité d'exercice?

Mme Fraser: Les règles relatives aux transferts ne sont pas très claires. En fait, le Conseil sur la comptabilité dans le secteur public de l'Institut canadien des comptables agréés examine actuellement la façon dont ces transferts devraient être comptabilisés. Les règles comptables ont été conçues à une époque où la comptabilité était une comptabilité de caisse et il était très rare que le gouvernement prévoie un financement anticipé des dépenses. En fait, d'après une politique du Conseil du Trésor, le financement anticipé des dépenses ne devrait pas se faire. Par conséquent, il était inhabituel que le gouvernement donne plus d'argent que nécessaire pour l'année en cours et les règles s'appuyaient sur une telle exigence. Aujourd'hui, ces importants transferts sont accordés bien des années à l'avance, d'une manière qui permette de respecter les règles actuelles, mais nous avons fait part de mon inquiétude au sujet des comptes publics et l'ICCA fait actuellement une étude à ce sujet; nous allons en attendre les résultats et espérons qu'elle permettra de préciser les règles comptables.

Le sénateur Comeau: C'est une cible en mouvement.

Mme Fraser: Vous avez tout à fait raison.

Le président: Nous avons pensé faire comparaître ce groupe devant nous. Il s'agit de comptables du secteur privé et du secteur public. En faites-vous partie?

Mme Fraser: Oui, je suis membre du Conseil sur la comptabilité dans le secteur public. On y retrouve aussi toujours un représentant du Secrétariat du Conseil du Trésor fédéral, du Contrôleur général, sans compter les collègues provinciaux et municipaux. Il s'agit de vérificateurs, de reporteurs et de diverses autres personnes.

Le président: Nous n'aurions pas de problème à les faire comparaître devant un comité parlementaire?

Mme Fraser: Je suis sûre qu'ils seraient heureux de comparaître.

Le président: Pour les quelques minutes qu'il nous reste, quelqu'un a-t-il quelque chose de nouveau à dire au sujet du Registre canadien des armes à feu? Je crois que la vérificatrice générale conviendrait avec M. Raymond Hession que le rendement en est sous-optimal.

Le sénateur Lynch-Staunton: Ma question n'est pas liée aux coûts. Je remercie le sénateur Cools d'avoir porté ce point à mon attention. Ma question a été soulevée hier et j'ai vu qu'il en a été fait brièvement mention dans l'un des journaux d'aujourd'hui.

Au paragraphe 10.39 de la page 9, vous parlez du Programme des armes à feu qui est «désigné grand projet de l'État» ce qui veut dire, j'imagine, que des renseignements de base doivent être donnés au Parlement chaque année. Toutefois, le ministère n'a pas respecté cette exigence avant que ne débute le programme.

Qu'est-ce qui s'est véritablement produit? Qui désigne un «grand projet de l'État»?

Mme Fraser: Certains programmes sont plus risqués et doivent faire l'objet de rapports spéciaux.

Le sénateur Lynch-Staunton: Le ministère de la Justice n'en a pas tenu compte.

Mme Fraser: Ce ministère n'a jamais, si vous voulez, respecté ces exigences. Il n'a jamais transmis ses rapports ministériels sur le rendement, y compris les dépenses cumulées à ce jour, les dépenses prévues jusqu'à la fin du projet, les jalons, etc. Il n'a jamais respecté ces exigences en matière de rapport.

Le sénateur Lynch-Staunton: L'a-t-on fait de façon délibérée?

Mme Fraser: Je ne peux malheureusement pas vous répondre. J'indiquerais que les exigences étaient bien claires. Elles étaient connues. En fait, une vérification interne du ministère de la Justice soulevait la question en 1998. Le ministère y indiquait qu'il fallait fournir des informations. Le ministère savait qu'il devait le faire.

Le sénateur Lynch-Staunton: Quel serait le rôle du Conseil du Trésor à ce sujet? Au paragraphe 10.79, à la page 19, vous écrivez: «Le projet n'aurait pas dû être mis sur rails avant son approbation définitive.» Il a cependant été entrepris quand même. Quelques années plus tard, en mai 1998, le Conseil du Trésor a approuvé le projet de façon définitive. On dirait qu'il n'a pas eu le choix de laisser le ministère aller de l'avant.

Si un ministère peut enfreindre les règles de base sans en subir les conséquences, comment en empêcher un autre de faire la même chose? Il n'y a pas de sanctions. Si vous n'aviez pas soulevé la question, nous n'en saurions rien.

Mme Fraser: Comme je l'ai dit, la reddition des comptes à propos de ce projet m'inquiète, y compris la communication des informations et les rôles joués par certains intervenants importants. J'espère que le Secrétariat du Conseil du Trésor, quand il comparaîtra devant le Comité des comptes publics de la Chambre des communes à la mi- mars, sera en mesure de répondre. J'imagine qu'on posera des questions sur son rôle.

Le Conseil du Trésor a coprésidé un comité directeur sur la question. Il est difficile de penser qu'il n'était pas au courant de la situation et des exigences en matière de reddition des comptes. On peut se demander pourquoi il n'a pas insisté pour que l'information soit fournie, surtout que beaucoup de parlementaires posaient des questions à propos du projet.

Le sénateur Lynch-Staunton: Nous devrions examiner la question avec le Conseil du Trésor, monsieur le président.

Le sénateur Cools: Je veux souhaiter la bienvenue parmi nous à la vérificatrice générale et la remercier de l'excellent travail qu'elle a accompli.

Il y a un aspect de son rapport dont j'aimerais parler pour les fins du compte rendu. Comme les sénateurs le savent, notre comité s'est employé avec ardeur à poser des questions sur les dépenses du programme des armes à feu depuis plusieurs années. Nous avons commencé à poser des questions presque depuis l'adoption du projet de loi C-68. Je me rappelle clairement que nous posions déjà des questions en 1996. Un journaliste m'a d'ailleurs rappelé il y a quelques jours que notre comité posait des questions en 1996.

La vérificatrice générale a souligné dans ses rapports, de façon bien claire, que le ministère de la Justice a eu recours aux budgets supplémentaires des dépenses pour demander des crédits. Hier, dans leur témoignage devant le Comité des comptes publics de la Chambre, le ministre et le sous-ministre de la Justice ont déclaré que c'était effectivement le cas.

Dans le Budget principal des dépenses pour 2002-2003, à la page 16-2, à propos du ministère de la Justice, il y a le crédit 1, «Dépenses de fonctionnement», et le crédit 5, «Subventions et contributions», pour lesquels les montants de 325 464 000 $ et de 398 715 000 $ ont été prévus. Il n'est pas question du Programme canadien de contrôle des armes à feu à cette page.

Cependant, en fouillant, ce que certains d'entre nous ont tendance à faire, on découvre que, dans ce budget et les deux projets de loi adoptés quelques semaines plus tard pour un budget provisoire et le budget principal en juin, il y avait environ 36 millions de dollars de cachés pour le Programme canadien de contrôle des armes à feu. Ce n'est pas inhabituel.

Maintenant, dans le Budget supplémentaire (A), qui a été présenté beaucoup plus tard à l'automne, à propos des crédits 1A à 5A, on indique que l'explication du besoin est le Programme canadien de contrôle des armes à feu. Pour les deux crédits, un montant total de 72 millions de dollars est prévu, montant qui a été réduit du budget en décembre dernier par la Chambre des communes.

Je tiens à indiquer, pour les fins du compte rendu, que ce phénomène intéressant existe depuis un bon moment. De plus, je trouve qu'il est très inquiétant que, malgré toutes les questions que notre comité a posées et les nombreux rapports que nous avons présentés au Sénat, pas un seul ministre du gouvernement n'ait jugé bon de répondre à la moindre de nos préoccupations. En fait, ni le ministre de la Justice actuel ni les deux précédents ministres de la Justice n'ont jugé utile de répondre à l'une de ces questions, par écrit ou sur le parquet de la Chambre. Le leader du gouvernement au Sénat n'a pas répondu non plus à ces préoccupations.

C'est vraiment inquiétant. Mesdames et messieurs les sénateurs, sur un plan très personnel, moral et philosophique, on commence à se demander si le gouvernement de notre pays est vraiment responsable et si les ministres rendent des comptes au gouvernement. Si ce n'est pas le cas, il est peut-être temps pour nous de dénoncer la situation. Il y a vraiment un problème si personne ne pouvait imaginer que ce programme allait coûter un milliard de dollars.

On a adopté un budget et un projet de loi de crédits après l'autre et, pourtant, tout le monde a semblé surpris quand la vérificatrice générale a présenté son rapport à la Chambre des communes en décembre dernier. Maintenant, on entend des actes de contrition. Je crois que le ministre et le sous-ministre ont tous les deux dit hier qu'ils étaient heureux d'adopter les recommandations de la vérificatrice générale. C'est très intéressant.

J'aimerais qu'ils soient tout aussi prêts à adopter les recommandations de notre comité. S'ils avaient suivi nos conseils, ils auraient sûrement compris qu'il était temps de s'arrêter pour faire le point et apporter certains correctifs. Un enfant aurait pu se rendre compte que les choses allaient très mal.

Il y a tellement à dire et tellement de questions à poser. Je voudrais poursuivre dans la même veine que le sénateur Lynch-Staunton. Pour les fins du compte rendu, la vérificatrice générale pourrait-elle nous en dire davantage sur la désignation de «projet de l'État»? C'est important parce qu'il en est beaucoup question dans les journaux aujourd'hui. Je me reporte plus particulièrement à l'article de l'excellent journaliste Tim Naumetz, paru dans le Star Phoenix de Saskatoon. Cet article fait état d'un désaccord entre vous, madame Fraser, et le sous-ministre de la Justice, M. Rosenberg, sur toute cette question. Il faudrait apporter des précisions. Je suis sûre que cet article de journal est très fiable. Pour les fins du compte rendu, il faudrait expliquer et confirmer ce désaccord entre vous et le sous-ministre.

Mme Fraser: Merci, sénateur. Hier, à l'audience, le sous-ministre de la Justice, M. Rosenberg, a indiqué qu'il ne savait pas que ce programme avait le statut de projet de l'État, et il a mis en question notre rapport à ce sujet. Deux éléments de réponse ont été fournis. D'abord, il est clair qu'il a été considéré comme un grand projet de l'État. Nous avons la documentation du Conseil du Trésor à ce sujet. Nous avons un rapport de vérification interne du ministère de la Justice qui recommande clairement au ministère de fournir les informations demandées. Comme les sénateurs vont sûrement le comprendre, nous allons vraiment dans le détail et nous prenons grand soin d'assurer le bien-fondé de tout ce qui figure dans nos rapports. C'est fondamental pour nous et pour notre crédibilité.

Nous envoyons copie de tous nos rapports au ministère plusieurs mois avant leur publication pour plusieurs raisons. D'abord, pour valider les faits, parce que nous voulons nous assurer que le ministère accepte ce que nous avançons, et pour qu'il approuve notre façon d'exprimer les choses, de sorte que, s'il y a la moindre question à ce sujet, ou si nous pensons que le ton adopté est le moindrement maladroit, nous allons tenir compte des observations du ministère et lui donner l'occasion de réagir. Au début d'une vérification, nous énonçons les critères de vérification du programme.

Il était clair dès le début, dans les critères, qu'il s'agissait d'un grand projet de l'État. Ce critère n'a pas été contesté par le ministère. Il n'y a pas eu non plus de contestation quand nous lui avons remis le rapport. Sa réponse n'indique aucun désaccord. Je dois admettre avoir été surprise, hier, quand le sous-ministre a soulevé la question. S'il croyait vraiment que ce n'était pas un projet de ce genre, il aurait dû le signaler il y a six mois plutôt qu'hier au cours d'une audience.

Nous avons toutes les preuves à ce sujet et, si le comité le veut, nous allons les fournir au Comité des comptes publics de la Chambre des communes. Si votre comité veut également en recevoir copie, nous allons les lui fournir avec plaisir.

Le sénateur Cools: Nous aimerions bien avoir cette information.

Le président: Il y a un problème à ce sujet sur le plan parlementaire qui est important et qui nous inquiète à juste titre. Il y a aussi un problème sur le plan administratif, à divers niveaux, comme nous l'avons vu. Il y a aussi d'importantes considérations fédérales-provinciales liées à cette mesure de droit criminel. Pratiquement tout ce qui pouvait clocher à ce sujet a cloché. Je suis sûr qu'on va encore en entendre parler.

Le sénateur Cools: Je viens de me rendre compte que le journal dont j'ai parlé est le Star Phoenix de Saskatoon.

Le président: Il n'y aura pas de deuxième tour de table.

Le sénateur Cools: J'aimerais faire une dernière observation importante. Je le dis pour le compte rendu. En 1995, si M. Alan Rock, le ministre de la Justice de l'époque, et son sous-ministre, M. George Thompson, avaient dit aux deux Chambres que le projet de loi C-68 coûterait en fait autour d'un milliard de dollars, le projet de loi n'aurait jamais été adopté.

Le sénateur Comeau: Madame Fraser, dans le chapitre 5, vous avez fait remarquer que vous vouliez que l'information financière et non financière fasse l'objet de contrôles financiers. Cela m'amène à vous demander si, dans le cadre de la vérification générale, il y a des critères pour l'examen des documents non financiers? Par exemple, feriez- vous le contrôle des demandes de permis d'armes à feu?

Mme Fraser: Oui, sénateur. En général, quand nous vérifions les activités d'un programme, quel qu'il soit, nous examinons ce genre de transactions. Dans ce cas, nous n'avons pas fait la vérification des activités du centre. Nous n'avons pas vérifié le programme comme tel. Il était toujours en cours d'évolution, et nous n'avons pas jugé utile de vérifier cela à ce stade-ci. Nous avons mis l'accent seulement sur les coûts et la communication de ces coûts au Parlement. C'était une vérification très limitée.

Nous avons indiqué que nous allons faire une vérification plus tard, ou que nous allions envisager d'en faire une quand les systèmes seront plus au point. Le ministère nous a signalé que ce ne serait pas avant au moins trois ou quatre ans.

Le sénateur Comeau: Vous pourriez peut-être examiner de plus près les formulaires de demande. Je vais vous donner deux exemples de questions posées dans la demande qui sont fort délicates et insidieuses. Le demandeur doit répondre par «Oui» ou «Non». Je vais vous lire deux questions: «Au cours des cinq dernières années, avez-vous tenté ou menacé de vous suicider ou, après avoir consulté un médecin, avez-vous fait l'objet d'un diagnostic ou subi un traitement à la suite d'une dépression, d'abus d'alcool ou de drogue, de problèmes comportementaux ou émotifs? Oui ou non». La deuxième question est la suivante: «Au cours des deux dernières années, avez-vous vécu un divorce, une séparation ou la rupture d'une relation importante, ou encore avez-vous perdu votre emploi ou fait faillite? Oui ou non». Celui qui répond «Oui» à l'une ou l'autre de ces deux questions ferait évidemment l'objet d'une sorte d'enquête policière parce qu'on voudra savoir ce qui a causé la rupture. Si un service de police n'obtenait pas cette information, il pourrait être tenu responsable dans l'éventualité où surviendrait un incident mettant en cause le permis d'arme à feu.

La police doit bien sûr se servir de tous les moyens dont elle dispose, ce qui peut vouloir dire interroger les voisins, les employeurs, les conjoints et le reste. Cette enquête pourrait alimenter les rumeurs et ruiner des réputations, à cause des questions insidieuses posées dans le formulaire de demande.

Qu'advient-il de ces demandes par la suite? J'en ai une devant moi. Exerce-t-on un contrôle sur l'accès à ces documents? Ces réponses pourraient inciter des gens à partir à la recherche de renseignements. Puis-je demander qu'on s'assure que ces documents ne tombent pas entre les mains de gens mal intentionnés?

Mme Fraser: Sénateur, nous allons sûrement tenir compte de vos inquiétudes quand nous vérifierons les activités du programme.

Le sénateur Furey: J'ai une brève question à poser, madame Fraser. Si on oublie un instant les coûts du programme, y a-t-il une différence importante entre le taux d'enregistrement indiqué par le ministère de la Justice et les fonctionnaires du ministère et celui que votre ministère a constaté et, si oui, comment expliquez-vous cela?

Mme Fraser: Je ne suis pas en mesure de vous répondre. Notre vérification a porté uniquement sur les coûts et la communication de ces coûts. Nous n'avons pas examiné les activités d'enregistrement ni la façon dont le traitement des demandes s'est effectué jusqu'ici. Je crains de ne pas pouvoir vous fournir cette information.

Le président: Comme toujours, madame Fraser, votre témoignage a été extrêmement intéressant et utile. J'espère que notre rapport au Sénat en rendra compte fidèlement. Nous comptons vous revoir bientôt.

Honorables sénateurs, nous avons des réunions très importantes le mardi 18 mars sur le dernier Budget supplémentaire des dépenses pour 2002-2003 et le mercredi 19 mars sur le Budget principal des dépenses pour 2003- 2004.

Mais, avant de lever la séance, j'aimerais que nous poursuivions nos travaux à huis clos.

Le comité poursuit ses travaux à huis clos.


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