Délibérations du comité sénatorial permanent
des finances nationales
Fascicule 9 - Témoignages
OTTAWA, le mercredi 11 juin 2003
Le Comité sénatorial permanent des finances nationales, auquel a été renvoyé le projet de loi C-28, Loi portant exécution de certaines dispositions du budget déposé au Parlement le 18 février 2003, se réunit à 18 h 18 ce jour afin d'examiner le projet de loi.
Le sénateur Lowell Murray (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: Collègues, nous sommes saisis du projet de loi C-28, en vue de la mise à exécution du budget de 2003. Le projet de loi a été renvoyé au comité par le Sénat le 4 juin. Cette réunion est notre deuxième portant sur le projet de loi.
Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous ce soir, M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances. Il est le député de Oak Ridges, en Ontario. Il a pour la première fois été élu en 1997. L'accompagnent, du ministère des Finances, M. Yvan Roy et M. Peter DeVries. Plusieurs autres fonctionnaires du ministère des Finances et du ministère du Développement des ressources humaines sont également présents afin de répondre à des questions, au besoin.
M. Wilfert a une déclaration liminaire, dont copie a, je pense, été fournie aux sénateurs.
M. Bryon Wilfert, secrétaire parlementaire du ministre des Finances: Je suis heureux de venir vous parler aujourd'hui du projet de loi C-28, la Loi d'exécution du budget de 2003. Dans le cadre de la préparation de son budget, le ministre des Finances a entendu des Canadiens de partout au pays lui parler du Canada qu'il souhaite. Ils lui ont dit que les choix budgétaires doivent constituer plus qu'un simple exercice de comptabilité. Ils doivent aussi être le reflet de toutes nos valeurs.
Le budget relève de ces défis. Il réforme notre système de soins de santé et il aide nos villes à devenir plus concurrentielles et nos collectivités à devenir plus agréables. Par exemple, il accorde 3 milliards de dollars additionnels d'aide à l'infrastructure au cours des dix prochaines années. Les deux tiers de ces fonds serviront à doubler le financement fourni dans le cadre du Fonds canadien sur l'infrastructure stratégique pour des projets de grande envergure, notamment ceux réalisés dans les grands centres urbains. Le dernier tiers servira au financement des nouveaux investissements dans l'infrastructure municipale.
Le budget s'attaque aussi au problème de la pauvreté et à la question du logement abordable. Il affecte 320 millions de dollars additionnels sur cinq ans à l'Initiative pour le logement abordable. Il prévoit 384 millions de dollars sur trois ans pour la prorogation du Programme d'aide à la remise en état des logements et contient un investissement de 405 millions pour l'Initiative de partenariats en action communautaire afin d'appuyer les efforts à l'intention des sans-abri.
De plus, le budget investit dans les nouvelles technologies et dans l'énergie de remplacement. Il aide en outre les entreprises à être encore plus concurrentielles sur les marchés nord-américains et mondiaux.
Bref, le budget de 2003 permet de bâtir la société à laquelle les Canadiens tiennent, l'économie dont les Canadiens ont besoin et le système de reddition de comptes que les Canadiens méritent. En raison de son engagement continu de saine gestion financière, le gouvernement parvient à relever ces défis et à effectuer de nouveaux investissements importants sans risquer de retomber en situation de déficit. Le projet de loi C-28 met en oeuvre un grand nombre des initiatives annoncées dans le budget.
Je commencerai mon survol du projet de loi en discutant des nouveaux investissements dans notre système de soins de santé. Monsieur le président, aucune politique sociale n'est plus essentielle aux Canadiens que notre régime public de soins de santé, qui a un rôle crucial à jouer pour nous aider à bâtir la société à laquelle nous tenons. Le budget confirme une bonification de 34,8 milliards de dollars sur cinq ans afin de réaliser les objectifs exposés dans l'Accord sur le renouvellement des soins de santé conclu en février 2003 entre le premier ministre et les premiers ministres des provinces. Cet accord améliorera l'accès au système de soins de santé, permettra de mieux rendre compte des dépenses publiques consacrées à la santé et contribuera à assurer la pérennité du système pour les générations à venir.
Le budget de 2003 établit les fonds nécessaires à l'appui de l'accord. Parmi les autres investissements prévus dans l'accord sur la santé et mis en oeuvre dans le projet de loi C-28, je mentionnerai un accord quinquennal de 16 milliards de dollars pour la réforme de la santé ciblant les soins primaires, les soins à domicile et la couverture de type catastrophique des médicaments d'ordonnance qui aidera les provinces et les territoires à accélérer la réforme dans ces domaines.
Il y a un supplément immédiat de 2,5 milliards de dollars au titre du Transfert canadien en matière de santé et de programmes sociaux, le TCSPS, qui contribuera à atténuer les pressions actuellement exercées sur le système de soins de santé. Les provinces et les territoires auront la possibilité d'utiliser comme ils le souhaitent les fonds qui leur sont attribués jusqu'à la fin de 2005-2006.
Il y aura une prolongation de deux autres années du cadre de financement des transferts en matière de santé et de programmes sociaux, qui fournira une majoration de 1,8 milliard de dollars d'appui fédéral pour les soins de santé aux provinces et aux territoires.
Il y aura une somme additionnelle de 1,5 milliard de dollars pour les trois prochaines années au titre de l'achat d'équipement de diagnostic et de la formation afférente du personnel spécialisé.
Par ailleurs, 600 millions de dollars seront consentis à Inforoute Santé du Canada afin d'accélérer la mise au point de télédossiers de santé, de normes communes de technologie de l'information partout au pays et d'applications de soins de santé à distance.
Viendront ensuite 500 millions de dollars à la Fondation canadienne pour l'innovation pour des hôpitaux de recherche et 75 millions de dollars à Génome Canada pour la génomique appliquée à la santé.
De même, le budget accorde un financement important à l'appui d'un éventail d'autres initiatives fondamentalement liées à la réforme de la santé. Par exemple, il réserve des fonds pour des initiatives de gouvernance et d'imputabilité, y compris le financement de l'Institut canadien d'information sur la santé, afin d'améliorer la présentation de rapports au public au sujet du système de santé et de la santé des Canadiens. Des fonds sont également prévus pour soutenir la mise sur pied d'un nouvel Institut canadien de la sécurité du patient.
Par suite de ces investissements, le total annuel des transferts en espèces aux provinces et aux territoires sera porté à 26,1 milliards de dollars en 2006-2007, et à 27,7 milliards de dollars en 2007-2008. Tous ces investissements — soutien des transferts versés aux provinces et aux territoires, soutien de la recherche et dépenses consacrées aux responsabilités directes du gouvernement fédéral — vont élargir l'accès aux soins de santé et accroître leur qualité pour les Canadiens.
En plus de renforcer l'engagement financier, le gouvernement prend des mesures pour améliorer la transparence et l'imputabilité de ces transferts aux provinces et aux territoires en restructurant le TCSPS en deux transferts distincts — le Transfert canadien en matière de santé et le Transfert canadien en matière de programmes sociaux — à compter du 1er avril 2004, tel que convenu par les premiers ministres.
Parallèlement, le gouvernement renforce le Programme de péréquation en abolissant de manière permanente le plafond des paiements à compter de 2002-2003. Ces mesures, monsieur le président, assureront un cadre de planification et de financement prévisible, durable et à long terme de transferts versés aux provinces et aux territoires à l'appui des soins de santé et des autres programmes sociaux.
Simultanément, le gouvernement renforce notre engagement de longue date envers les familles et les enfants canadiens dans plusieurs secteurs clés. À compter du 4 janvier 2004, une nouvelle prestation de six semaines sera offerte aux travailleurs admissibles dans le cadre du Programme d'assurance-emploi pour les soins prodigués par compassion à un parent, un conjoint ou un enfant gravement malade ou mourant. La prestation pourra être partagée entre les membres admissibles d'une même famille.
Une autre mesure accroît l'aide offerte aux enfants de familles à faible revenu au moyen de la Prestation fiscale canadienne pour enfants. D'ici 2007, les prestations annuelles seront portées à un maximum de 3 243 $, ou jusqu'à 3 495 $ pour un enfant de moins de sept ans.
Le budget prévoit des investissements additionnels aux provinces et aux territoires de 900 millions de dollars sur cinq ans dans l'apprentissage précoce et les soins aux enfants, comme convenu récemment entre les ministres responsables des services sociaux. Le budget prévoit en outre un nouveau soutien important pour les personnes qui sont confrontées à un handicap. Une nouvelle prestation indexée de 1 600 $ pour enfant handicapé, qui entrera en vigueur en juillet, procurera une aide additionnelle aux familles à revenu faible ou modeste ayant un enfant handicapé. Une mesure connexe affecte 80 millions de dollars par année à l'accroissement de l'aide fiscale aux personnes handicapées.
Une autre mesure fera en sorte qu'un plus grand nombre d'enfants et de petits-enfants handicapés pourront recevoir le produit du régime enregistré d'épargne-retraite ou du fonds enregistré de revenu de retraite d'un parent ou d'un grand-parent décédé. De plus, la liste de dépenses donnant droit au crédit d'impôt pour frais médicaux sera élargie de manière à inclure notamment le coût additionnel que doivent assumer les personnes ayant la maladie coeliaque pour acheter des aliments sans gluten.
J'aimerais maintenant parler des mesures budgétaires qui sont conçues pour bâtir l'économie dont les Canadiens ont besoin. Pour être compétitif à l'échelle internationale et assurer un niveau de vie plus élevé à ses citoyens, le Canada doit continuer à investir de manière à se doter d'effectifs de plus en plus instruits, adaptables et compétents. L'acquisition de compétences et l'apprentissage seront essentiels afin d'accroître la productivité et la compétitivité et pour assurer une meilleure qualité de vie aux Canadiennes et aux Canadiens.
Pour permettre aux Canadiens d'acquérir de nouvelles compétences, le budget engage 60 millions de dollars sur deux ans dans la bonification du Programme canadien de prêts aux étudiants afin d'améliorer la situation financière des étudiants et d'aider les diplômés du postsecondaire à mieux gérer leur dette.
Des mesures sont également prévues afin d'améliorer l'accès aux allégements d'intérêt pour les diplômés dont le prêt canadien d'études est en souffrance ou qui ont déclaré faillite, et d'octroyer des prêts canadiens d'études aux personnes protégées, y compris les réfugiés au sens de la convention.
Le régime fiscal a un important rôle à jouer afin de créer une économie plus vigoureuse et davantage productive. Une structure fiscale efficace peut inciter les citoyens à travailler, à épargner et à investir. Elle peut également soutenir l'esprit d'entreprise ainsi que l'émergence et la croissance de petites entreprises. Un régime fiscal concurrentiel est également crucial afin d'attirer des investisseurs au Canada, ce qui créera une plus grande croissance économique et entraînera la création d'emplois.
Le budget de 2003 s'appuie encore sur le plan quinquennal de réduction des impôts, qui continue de procurer des allégements d'impôt croissants — d'environ 24 milliards de dollars en 2003 et de plus de 30 milliards de dollars en 2004. Par exemple, il hausse à 18 000 $ sur quatre ans le plafond de cotisation à un régime enregistré d'épargne-retraite et à un régime de pension agréé, et il indexe ce nouveau plafond. Il étend également sur quatre ans aux sociétés dont le revenu oscille entre 200 000 $ et 300 000 $ le taux fédéral de 12 p. 100 qui s'applique aux petites entreprises, et il élimine le plafond de 2 millions de dollars qui s'applique à l'investissement des petites entreprises donnant droit à un report des gains en capital. De même, le budget améliore l'application de l'impôt aux avantages liés à l'utilisation d'une automobile par des employés et, pour les employeurs, aux dépenses liées aux automobiles fournies aux employés, et il élimine sur cinq ans l'impôt fédéral sur le capital.
D'autres mesures prévoient des augmentations des taxes fédérales sur les produits du tabac à compter du 18 juin 2002 et des arrangements volontaires avec les Premières nations qui veulent prélever une taxe de vente d'application générale semblable à la TPS.
De plus, le projet de loi propose trois modifications à la Loi sur la taxe d'accise afin de veiller au respect de l'énoncé de principe précis et de longue date qui sous-tend la législation dans les secteurs touchés.
Avant de conclure, j'aimerais parler d'un dernier sujet, à savoir la reddition de comptes. Les Canadiens ont précisé clairement au gouvernement lors des consultations prébudgétaires que ces investissements doivent être soutenus par un cadre amélioré de reddition de comptes au Parlement et au public.
Pour donner suite à l'engagement gouvernemental d'examen du droit pour la sécurité des passagers du transport aérien visant à veiller à ce que les recettes continuent de correspondre au coût du nouveau système, le budget réduit le droit de 12 $ à 7 $ pour chaque segment des vols intérieurs.
Ensuite, l'accord sur la santé établit un cadre de reddition de comptes amélioré dans le cadre duquel toutes les administrations publiques s'engagent à présenter des rapports périodiques aux Canadiens. Si des fondations créées par une loi fédérale devaient être liquidées, le projet de loi C-28 fait en sorte que les fonds demeurés inutilisés seront retournés au Trésor.
Le budget prévoit le lancement de consultations au sujet d'un régime permanent d'établissement des taux de cotisation à l'assurance-emploi à compter de 2005. En attendant, pour assurer une plus grande certitude aux employeurs et aux employés au sujet des taux de cotisation, le projet de loi C-28 établit le taux à 1,98 $ pour 2004. D'après les prévisions d'économistes du secteur privé inscrites dans le budget, on estime que ce taux produira des recettes correspondant aux coûts prévus du programme en 2004.
Enfin, le budget élimine le compte de service et de réduction de la dette, qui avait été mis sur pied afin de payer l'intérêt et, en bout de ligne, réduira la dette. Ce compte n'est plus nécessaire étant donné que ses recettes doivent en fin de compte être versées au Trésor.
Ainsi prennent fin mes observations au sujet du projet de loi C-28. Manifestement, le budget de 2003 a une très grande portée, tout en maintenant l'engagement gouvernemental de planification financière prudente aux fins d'un équilibre budgétaire. Des fonctionnaires du ministère des Finances et de Développement des ressources humaines Canada et d'autres m'ont accompagné ici aujourd'hui et nous sommes maintenant prêts à répondre à vos questions.
Le président: Avant de donner la parole au sénateur Comeau, il y a une disposition du projet de loi qui intéresse tout particulièrement les membres du comité: la disposition éliminant le plafond applicable aux paiements de préréquation, et que nous accueillons avec joie. Nous avons étudié la péréquation il y a un petit moment et c'était là l'une de nos recommandations. Cela nous a donc ravi lorsque le premier ministre, dans le cadre de ses délibérations au sujet de la santé avec les premiers ministres des provinces, a fait cette annonce.
Quand expire l'actuel programme de péréquation? Est-ce à la fin du mois de mars?
M. Wilfert: Je pense que d'après les discussions en cours nous devrions avoir une nouvelle entente de péréquation à compter d'avril 2004. Comme vous le savez, les nouveaux chiffres de Statistique Canada seront officiellement déposés en septembre de cette année.
Le président: Il faudra qu'une loi soit en place, n'est-ce pas, pour que l'argent continue de couler?
M. Wilfert: Des discussions sont en cours à l'heure actuelle et nous savons que le délai approche. Alors, oui, un projet de loi en ce sens sera déposé.
Le président: Vous pourriez peut-être vous renseigner, mais vous le savez peut-être déjà, afin de nous dire si l'on envisage de mettre en oeuvre une ou plusieurs de nos recommandations, notamment celle que l'on opte, aux fins du calcul de la péréquation, pour une norme correspondant à dix provinces, plutôt qu'à cinq, comme c'est le cas à l'heure actuelle.
M. Wilfert: Ce que je peux vous dire pour le moment est que je sais qu'une recommandation a été faite et qu'elle est en train d'être examinée. Il serait cependant prématuré que je me prononce de façon définitive là-dessus aujourd'hui.
Le sénateur Comeau: J'ai quelques questions à poser au sujet d'autres aspects. J'aimerais enchaîner sur les questions du sénateur Murray, s'agissant surtout de la disposition de récupération pour les ressources au large des côtes des provinces maritimes. Savez-vous si le ministère a songé à une exemption de cinq ans de la disposition de récupération afin que ces provinces puissent se mettre à égalité avec les autres provinces? Combien coûterait une telle exemption?
M. Glenn R. Campbell, chef, TCSPS et Élaboration des politiques, Direction des relations fédérales-provinciales et de la politique sociale, ministère des Finances: Je peux parler des dispositions en matière de péréquation. Des négociations sont en cours avec tous les territoires et provinces au sujet du programme de péréquation. On y oeuvre depuis plusieurs mois en prévision du renouvellement législatif. La disposition de récupération, comme vous l'appelez, est l'un des éléments à l'étude, mais il serait prématuré de mentionner et de commenter une recommandation particulière.
Le sénateur Comeau: Serait-il opportun qu'un parlementaire comme moi-même vous demande de faire une analyse ou une estimation de coût pour une telle exemption de cinq ans? Vous n'auriez pas à confirmer que cela figure parmi les éléments envisagés. Cela m'intéresserait simplement de connaître ce chiffre, si cela est possible.
M. Campbell: Étant donné que ces éléments ne s'inscrivent pas dans le projet de loi que nous avons devant nous aujourd'hui, nous pourrions vous revenir avec des réponses précises à des questions détaillées.
Le sénateur Comeau: À l'heure actuelle, le surplus du fonds d'AE est évalué, selon les prévisions, à environ 46 milliards de dollars pour cette année. D'après ce que je sais, les actuaires nous disent que 10 à 15 milliards de dollars seraient amplement suffisants pour couvrir tout problème cyclique d'augmentation du taux de chômage.
Quand verrons-nous s'arrêter l'augmentation du surplus et des charges sociales qui viennent augmenter le coût des emplois? La taxation des emplois a toujours été reconnue comme étant l'une des pires formes de taxation, car elle vient en fait réduire le nombre d'emplois, tout particulièrement dans les régions où l'on a besoin d'un plus grand nombre d'emplois.
Prévoit-on prendre des mesures pour stabiliser enfin ce surplus, ou bien celui-ci va-t-il simplement continuer d'être une source de financement pour d'autres programmes?
M. Wilfert: Il s'agit là d'une excellente question et le ministre conviendrait avec vous qu'il s'agit d'une question importante. En fait, dans le cadre de ce budget et des discussions en cours avec diverses parties intéressées, le gouvernement va examiner l'établissement du taux. Nous comptons accueillir jusqu'à la fin du mois en cours les soumissions des parties intéressées.
En gros, le ministre a déclaré dans le budget que les taux de cotisation devraient être fixés de façon transparente; que les taux de cotisation devraient être établis sur la base de conseils indépendants; que les revenus attendus en provenance des cotisations devraient correspondre aux coûts de programme prévus; que l'établissement des taux de cotisation devrait atténuer l'incidence sur le cycle d'affaires; et que les taux de cotisation devraient être relativement stables dans le temps. Cette annonce du ministre dans le cadre du processus de consultation en cours vise justement à régler la situation que vous venez d'évoquer. J'ai rencontré plusieurs associations intéressées.
Le sénateur Comeau: En d'autres termes, on est en train de mettre les freins.
Je crois comprendre que le droit pour la sécurité des passagers du transport aérien va être ramené de 12 à 7 $. N'est- on pas en train de fermer les portes de l'écurie une fois les chevaux enfuis, et n'y a-t-il pas déjà des chevaux perdus? Dans ma région, l'on a grandement besoin d'un service aérien correct. Quelques mois à peine après la taxe de 12 $, la compagnie Air Canada était partie, et était disparu avec elle notre moyen de transport de nos produits des pêcheries. Je me souviens d'avoir demandé au ministre responsable si l'on avait fait une étude d'impact avant l'application de cette taxe de 12 $. La réponse était qu'aucune étude d'impact, quelle qu'elle soit, n'avait été faite.
Les petites collectivités ont perdu leur service ferroviaire il y a des années déjà; elles ont perdu leur transport maritime; et voici qu'elles ont maintenant perdu leur service aérien. D'autre part, leur réseau routier est en train de se détériorer. Tout cela a une incidence négative sur ces collectivités. Le Canada a été bâti sur de petites collectivités se débattant pour survivre. Cela est en train de devenir de plus en plus difficile avec tous ces obstacles insurmontables qui continuent de se dresser autour d'elles. Ces petites localités vont très bientôt perdre la confiance des gens d'affaires qui ne voudront plus investir chez elles.
Tout cela est peut-être très bien pour Toronto, Montréal et Ottawa, mais il y a d'autres collectivités qui pourraient être viables si des mesures telles cette taxe de 12 $ n'étaient pas imposées sans qu'on ait réfléchi à l'incidence qu'elles pourraient avoir. Je vous inviterai à même revoir la taxe de 7 $, compte tenu de l'incidence qu'elle pourrait avoir sur certaines de ces collectivités.
M. Wilfert: Sénateur, je dirais, en guise de préface à mes remarques, qu'en tant qu'ancien président de la Fédération canadienne des municipalités, j'ai eu le plaisir de visiter de nombreux coins du pays et de travailler avec de nombreux maires et conseillers municipaux en régions rurales et isolées. Je comprends trop bien ce que vous dites.
La situation est la suivante: en réaction aux événements du 9 septembre, le ministre, conjointement avec Transports Canada, a instauré un droit pour la sécurité, sur la base du fait qu'il fallait prévoir davantage de sécurité pour les clients du transport aérien.
Le gouvernement, avec cette réduction d'environ 40 p. 100, demeure engagé à veiller à ce que les revenus en provenance de la perception de ce droit correspondent aux dépenses et à l'amélioration du système de sécurité du trafic aérien.
Je tiens à souligner que le ministre et le ministère continuent, conjointement avec d'autres, d'examiner la situation. Nous savons que cela est important. Je ne parle pas ici seulement du droit de sécurité, mais de toute une gamme de droits. Nous savons que des pressions sont en train de s'exercer sur les compagnies aériennes internationales partout dans le monde et il est clair que le ministre des Finances et d'autres ministres responsables du portefeuille se penchent très attentivement sur tout ce dossier. Ce que vous dites est tout à fait opportun et je tiens à vous assurer que l'on est en train d'examiner tout cela car l'on ne peut pas se permettre d'avoir le genre de situation que vous décrivez.
Le sénateur Comeau: L'incidence sur certaines localités a déjà été ressentie. Il est déjà trop tard. Je vais maintenant passer à autre chose.
D'après ce que je comprends, les dépenses actuelles au titre de la santé tournent autour de 24 milliards de dollars.
M. Wilfert: Oui.
Le sénateur Comeau: Ce chiffre était d'environ 18,8 milliards de dollars lorsque les Libéraux ont pris le pouvoir en 1993. Nous en sommes plus ou moins aujourd'hui, si vous ne tenez pas compte de l'inflation, à la situation qui existait lorsque l'actuel gouvernement est arrivé au pouvoir en 1993. C'est en fait moins que cela, si vous tenez compte de l'inflation, ce qui m'amène à la question: a-t-on songé à l'instauration d'une mesure assurant une stabilité financière, ce qui éliminerait le genre de choc au système de soins de santé que l'on a ressenti en 1993? Bien sûr, la justification à l'époque était que des mesures devaient être prises pour réduire le déficit, mais cela a eu une incidence sur le système de soins de santé, et nous en ressentons encore les effets aujourd'hui. Serait-il possible d'ajouter une certaine stabilité financière comme pilier de notre système de soins de santé?
M. Wilfert: Je vous dirais qu'en l'an 2000, le premier ministre et les premiers ministres des provinces se sont rencontrés et ont à l'époque négocié une entente de financement de 21,5 milliards de dollars. Le premier ministre a ensuite rencontré les premiers ministres des provinces en février et a conclu le nouvel accord. La réalité est que le gouvernement du Canada continue d'être un partenaire dans le cadre du financement. La réalité est que les premiers ministres des provinces ont lors de ces rencontres esquissé leurs besoins et préoccupations. Ce sont les provinces qui administrent le système.
Le sénateur Comeau: Ce que je voulais dire est qu'en 1993 le système de soins de santé a subi un sérieux choc. Laissons pour le moment de côté les motifs invoqués à l'époque et la question de savoir si cela a été bon, mauvais ou neutre. Je pense que les provinces doivent aujourd'hui avoir la certitude que ce genre de choc ne se reproduira pas. Il nous faut un genre de principe en vertu duquel le gouvernement fédéral ne peut pas simplement saisir le financement de ces programmes d'envergure auxquels nous sommes si habitués. Il a fallu plusieurs années aux provinces pour compenser la réduction du déficit que le gouvernement fédéral de l'époque avait tenu à entreprendre.
M. Wilfert: Cela déborde du cadre du projet de loi dont nous sommes ici saisis. Quant à la question de savoir si cela devrait être envisagé, c'est une chose qui devra être examinée lors de réunions fédérales-provinciales futures, réunissant les ministres de la Santé ou certainement les différents premiers ministres.
Le sénateur Comeau: Les provinces hésitent à se lancer dans les genres de programmes qui les intéressent. Elles n'ont pas confiance que le gouvernement fédéral sera toujours là avec les dollars requis pour soutenir les programmes qu'elles voudraient mettre en place. La stabilité est importante.
M. Wilfert: Je répondrai que les provinces ont la même capacité fiscale que le gouvernement du Canada — peut-être même plus — et qu'il leur faut évaluer leurs priorités, ce qui est certainement leur droit.
Le sénateur Comeau: Elles ont fait cela. Après les compressions budgétaires, elles ont comblé le trou qui avait été laissé par le gouvernement fédéral. Je pense que leurs priorités étaient les bonnes et j'estime qu'elles ont fait la bonne chose en remplissant ce trou. Cependant, cela avait été tout un choc.
M. Wilfert: Tout ce que je peux dire est que cette suggestion pourrait faire l'objet d'une réunion future. Elle ne s'inscrit pas dans le projet de loi qui nous occupe ici, mais je comprends ce que vous voulez dire.
Le président: L'accord sur la santé était-il couvert par l'Entente-cadre sur l'union sociale qui prévoyait, si je me souviens bien, un préavis de trois ans avant tout changement de financement de la part du gouvernement fédéral?
M. Wilfert: Comme je l'ai dit dans mes remarques liminaires, l'accord a été élaboré autour de trois mots clés: accessibilité, qualité et pérennité, termes qui ont été employés par les premiers ministres. Les dollars alloués correspondent aux besoins esquissés par les ministres lors de ces rencontres de février.
Quant à la question précise de l'examen ou du renouvellement, comme vous le savez, monsieur le président, en l'an 2000 il y a eu un accord, et il y en a un autre, trois années plus tard. Il lui faudra bien évidemment réagir aux exigences qui se présenteront à l'avenir.
Le sénateur Comeau: Mardi, nous avons entendu plusieurs témoins de l'Association du Barreau canadien et de la Fondation du Barreau du Québec, et leurs témoignages m'ont amené à m'inquiéter d'une disposition du projet de loi, soit celle concernant la rétroactivité de la TPS pour les commissions scolaires du Québec. Je ne vais pas parcourir tout cela, car je suis convaincu que vous connaissez l'histoire qu'il y a derrière.
M. Potter, président de l'Association du Barreau canadien, nous a dit ceci:
Nous comprenons depuis fort longtemps que ces changements rétroactifs ont de graves conséquences — surtout en ce qui concerne les genres de principes dont j'ai parlé: respect de la loi, la règle du droit, la position du citoyen dans la société dans laquelle il vit [...] et les questions d'utiliser ce pouvoir du Parlement pour changer rétroactivement l'histoire.
Vous avez parlé plus tôt du genre de Canada que nous voulons. Le genre de Canada que je veux n'est pas le genre de Canada dont ont parlé mardi le Barreau canadien et le Barreau du Québec. Quels que soient les mérites du dossier de la Couronne — et je ne suis pas avocat, alors je me suis un petit peu perdu lorsqu'ils ont parcouru certaines des dispositions — le simple message transmis à ce moment-là était qu'il y avait eu un engagement de la part du ministère de la Justice mais qu'il semblait que cette promesse écrite ne valait pas le bout de papier sur lequel elle était inscrite.
N'aurait-il pas été plus prudent de mieux traiter cela que ce ne l'est fait dans le projet de loi?
M. Wilfert: J'apprécie la question. J'aimerais, avec quelques petites explications de fond, esquisser un certain nombre de choses, puis vous livrer une réponse directe.
Comme le savent bien, j'en suis sûr, les membres du comité, depuis l'instauration de la TPS en 1991, les commissions scolaires ont pu demander des remboursements de 68 p. 100 de la TPS qu'elles payent sur les achats correspondants à leurs activités exonérées de TPS. Je connais assez bien le dossier car la fédération des municipalités l'avait abordé avec le gouvernement du jour arguant que les municipalités devraient bénéficier d'une exonération de 100 p. 100. Le fait est le suivant: cette politique et les 68 p. 100 sont en place depuis 1991. Cela avait été très bien compris par le secteur et est administré ainsi depuis la création de cette taxe.
En 1996, certaines commissions scolaires ont cherché à profiter de ce que nous jugeons être un argument technique mis de l'avant par certains conseillers du secteur privé, réclamant 100 p. 100 de la TPS sous forme de crédit d'impôt sur les intrants, un peu comme ce que récupèrent les entreprises imposables. Au lieu de 68 p. 100, elles voulaient 100 p. 100. Elles ont porté leur requête devant les tribunaux.
Le sénateur Comeau: Elles ont gagné.
M. Wilfert: Si vous me permettez, bien que leur argument ait été rejeté au niveau de la cour de l'impôt, elles ont gagné à la Cour d'appel fédérale en octobre 2001. Nous sommes d'accord là-dessus. La première contestation a été lancée par 29 commissions scolaires du Québec, dans le cadre de l'affaire Deschênes, et celles-ci ont gagné, et nous respectons cela.
Le 21 décembre 2001, le ministre a annoncé qu'un changement rétroactif dans la loi touchant le crédit de TPS pour les transports scolaires s'appliquerait. Cependant, il a exempté — et je dis bien «exempté» — la demande rétroactive de ces 29 commissions scolaires. En conséquence, celles-ci ne sont pas sur la table et ne l'ont jamais été.
Depuis, d'autres commissions — et dans la province de Québec et dans la province de l'Ontario — ont déposé des demandes fondées là-dessus.
Comme vous le savez, l'annonce avait été très claire, disant que le ministre allait déposer un projet de loi. En dépit de cela, en janvier et en février 2003, plusieurs commissions scolaires ont lancé des appels relativement à la TPS, tout en étant cependant au courant des intentions du gouvernement sur le plan législatif.
J'espère que tous les sénateurs ont copie de cette lettre d'Ogilvy Renault et de la réponse. Le gouvernement a reçu une lettre d'Ogilvy Renault datée du 13 décembre 2002 dans laquelle il est indiqué que l'on présumait que les commissions scolaires allaient aller de l'avant avec les appels. Nonobstant l'annonce qui avait été faite, nous voulions envoyer une réponse très claire à ce cabinet d'avocats. Dans une lettre datée du 16 décembre, on peut lire le paragraphe que voici:
Dans ce cas-là, le présent règlement ne limitera pas les pouvoirs du ministre national d'établir un redressement conformément aux conditions de cet amendement rétroactif.
Le ministre a fait son annonce le 21 décembre 2001. En dépit de cela, les commissions scolaires — et c'était certainement leur droit — sont allées de l'avant avec leur demande de remboursement. Elles l'ont fait en dépit du fait que l'intention du gouvernement était très claire. Le gouvernement allait aller de l'avant avec le projet de loi dont vous êtes aujourd'hui saisis.
La situation est la suivante, sénateur. Nous n'avons pas reçu de réponse à la lettre du 16 décembre 2002. C'est le silence complet. Je ne suis pas avocat non plus, bien que j'aie enseigné le droit, mais j'aurais tendance à penser que qui ne dit mot consent. Si l'on peut nous reprocher quelque chose, c'est peut-être le délai. Cela a pris un certain temps. Il n'en demeure pas moins que la rétroactivité est appropriée. Le Comité des comptes publics, en 1995, déclarait l'opportunité et même le caractère impératif de la rétroactivité dans certaines circonstances et a demandé au ministère des Finances d'élaborer des critères quant aux cas où des modifications rétroactives à la loi en matière d'impôt sont justifiées.
Je soulignerais par ailleurs que les modifications proposées tiennent compte des critères établis par le gouvernement en vue de ces modifications rétroactives. Il y a une pratique ancienne et légitime de modification des lois en matière de fiscalité à la date et conformément aux annonces ministérielles qui sont faites et qui précèdent la mise en oeuvre de lois modificatives, et il s'agit là d'un principe dont tous les honorables sénateurs savent qu'il est établi dans la tradition parlementaire canadienne.
Nous maintenons que cela n'est pas contraire à la règle du droit. Le fait qu'une cour rende des décisions ne change en rien le pouvoir légal du Parlement d'adopter de telles lois rétroactives. Je conclurai en disant que l'objet dans le cas qui nous occupe était très clair. Dans une lettre du 16 décembre 2002 adressée à M. Yves St. Cyr, d'Ogilvy Renault, nous avons clairement expliqué notre position, mais nous n'avons reçu aucune réponse. M. St. Cyr a comparu, et j'en ai déjà traité avec le comité permanent de la Chambre.
Je vous dirais que la mesure est légale. Elle a certainement été prescrite dans la loi. Nous avions fait clairement connaître nos intentions — excluant ces 29 commissions scolaires qui avaient gagné devant les tribunaux en octobre 2001.
Le sénateur Comeau: Quelqu'un a commis une gaffe technique en 1991. L'on a découvert cela plusieurs années plus tard. Le ministre a tenté de corriger la situation en remontant jusqu'en 1991, envoyant en même temps un message à l'Association du Barreau canadien. Je ne suis pas avocat, mais lorsque le président de l'Association du Barreau canadien nous a dit que cela aurait non seulement une incidence sur la TPS et d'autres questions fiscales mais également sur tous les aspects des professions juridiques, cela a commencé à m'inquiéter.
Je conviens que le Parlement a légalement le pouvoir de faire tout ce qu'il veut rétroactivement. Il peut changer la date d'entrée en vigueur d'une loi s'il le désire, mais le devrait-il? Ne devrions-nous pas reconnaître que nous nous sommes trompés en 1991? Que l'on n'aggrave pas l'erreur commise en envoyant aux Canadiens le message qu'ils ne peuvent pas compter sur le gouvernement pour reconnaître qu'il s'est trompé en 1991. Ce n'était même pas votre parti qui était au pouvoir à l'époque. Vous pourriez dire que ce sont les autres qui se sont trompés.
M. Wilfert: Nous pourrions faire cela, mais nous assumons nos responsabilités. Encore une fois, je soulignerai qu'en janvier 2002 d'autres commissions scolaires se sont lancées sur la base de la décision d'octobre 2001 que j'ai évoquée. Évidemment, il n'y avait en la matière aucun accord liant la Couronne, et les Commissions scolaires n'en ont pas non plus produit. Elles ont fait appel à la Cour d'appel fédérale. Elles l'ont fait tout en sachant très bien que le gouvernement avait très clairement établi son intention par le biais du ministre le 21 décembre 2001.
Jusqu'à cette décision des commissions scolaires d'aller de l'avant, en 1996, la loi avait été très claire depuis 1991. L'intention n'est pas d'ouvrir tout le secteur, ce qui engloberait les municipalités, les hôpitaux et les universités. Le gouvernement ne conteste pas la décision de la première cour. Le gouvernement a établi sa position par écrit aussi récemment que le 16 décembre 2002, et il n'y a eu aucune réponse à cette lettre, et j'arguerai que lorsque le projet de loi a été déposé le 18 février 2003, l'intention était très claire. Le ministre a déposé une ébauche de projet de loi, ce qu'il avait très clairement annoncé dès le départ. La réalité est que nous traitons de cette question. Nous avons décidé de corriger cela de façon légale et constitutionnelle. Il n'y a rien qui empêche cela.
Nous disons aux 29 commissions scolaires que nous sommes d'accord. Une fois l'objet du gouvernement clairement annoncé, ces commissions ont décidé de poursuivre. Je tiens à souligner que les autres commissions scolaires attendaient dans les coulisses. D'autres auraient pu se joindre à ces 29 commissions, mais elles avaient décidé d'attendre de voir ce qui allait se passer. Vu que les premières ont réussi, d'autres se mettent en rang derrière. C'est à elles de décider, mais la réalité est qu'une fois l'annonce faite par le ministre, elles ont poursuivi en connaissance de cause, bien que nous ayons même insisté sur notre position dans cette lettre du ministère de la Justice. Il est important que tous les sénateurs soient au courant de cet argument.
Le sénateur Comeau: De combien d'argent parle-t-on ici?
M. Wilfert: En tout, entre les deux provinces, 18 millions de dollars.
Le sénateur Comeau: Les avocats de l'Association du Barreau canadien font état de citoyens qui ne font plus confiance à leurs avocats. Puis voici que le Parlement rejette les décisions des tribunaux. La cour prend une décision; le citoyen gagne. Le gouvernement décide qu'il ne veut pas que le citoyen gagne et il change ensuite rétroactivement la loi. Voilà le genre de remarques qui ont été faites. Vous pouvez servir tous les arguments que vous voulez. C'est cela qu'on me livre comme message. Dois-je vous croire sur parole et ne pas m'inquiéter de ce que d'autres disent? Dois-je croire sur parole l'Association du Barreau canadien, notamment M. Potter, son président? Je suis tenté d'écouter les avertissements de M. Potter et de dire «Il faut qu'il y ait respect à l'égard de la loi sans quoi il y aura de graves conséquences». Ce pouvoir du Parlement est incroyable. On nous a fait état plus tôt cette semaine de quantité de conséquences catastrophiques.
Cela me soucie. Pour 18 millions de dollars, je ne sais pas si cela en vaut le risque.
M. Wilfert: Sénateur, je pense que le principe compte plus que l'argent.
Le sénateur Comeau: Le principe selon lequel on peut rétroactivement changer une loi?
M. Wilfert: Le principe est que, comme nous le savons, la TPS est en vigueur depuis 1991. Le taux était de 68 p. 100, et tout le monde le savait. Comme vous l'avez dit, pour reprendre votre expression, sénateur, il y a eu une gaffe technique. Peut-être qu'une occasion technique s'est offerte aux commissions scolaires. Cela ne diminue en rien le fait que l'objet de la loi est clair. L'objet de la loi est que la commission scolaire «X» touche 68 p. 100, un point c'est tout.
Le gouvernement ne conteste pas le fait que les commissions ont gagné devant la Cour d'appel fédérale en octobre 2001, car jusqu'à ce moment-là rien n'avait été établi. Le 21 février 2001, le ministre a annoncé son intention de traiter de la question. Si vous voulez rouvrir toute la loi sur la TPS, il s'agit là d'une toute autre question. La seule question que vous avez devant vous aujourd'hui concerne le fait que, depuis décembre 2001, nous n'avons clairement pas caché l'intention du gouvernement de déposer une loi en vue de régler la question.
La réalité est que les commissions se sont lancées une fois le projet de loi déposé à la Chambre en février 2003. Une lettre avait été envoyée par le ministère de la Justice. Si vous voulez avoir un débat ou une discussion plus large portant sur la TPS, alors il s'agit là de quelque chose dont il nous faudra discuter.
Le sénateur Comeau: Je n'ai jamais même suggéré cela. N'y a-t-il pas eu un genre d'entente entre les commissions scolaires autres que les 29 et le gouvernement, voulant que celles-ci ne recourraient pas aux tribunaux en attendant l'issue de l'affaire Deschênes?
M. Wilfert: Je vais tenter à nouveau une réponse, puis faire appel à M. Roy.
Comme je l'ai indiqué, il y a eu un échange de correspondance entre avocats. Il a été clairement dit que l'acquiescement à jugement n'empêcherait pas le ministre du Revenu national d'émettre de nouveaux avis de cotisation pour les commissions scolaires si la nouvelle loi annoncée par le ministre des Finances en décembre 2001 était adoptée. C'était très claire. Cela a été couché sur papier. Les commissions ont bougé en dépit du fait que cela avait été depuis le tout début parfaitement clair.
Je vais maintenant céder la parole à M. Roy qui, j'en suis certain, pourra vous fournir davantage de détails.
M. Yvan Roy, sous-ministre adjoint, Direction juridique, ministère des Finances: Ayant lu la transcription des débats en cet endroit et dans l'autre, je pense qu'il est juste de dire que certaines personnes pourraient avoir l'impression que le gouvernement fédéral n'a peut-être pas agi de façon complètement honorable dans cette affaire.
Le sénateur Comeau: Jamais. Jamais de la vie.
M. Roy: Sénateurs, permettez-moi d'essayer de tirer un certain nombre de choses au clair.
La première est le point que vous venez à l'instant de soulever. Avant l'affaire Deschênes, il y a eu un accord entre les avocats et les 28 autres commissions scolaires, pour ces affaires qui avaient été mises de côté en attendant que la décision soit rendue.
J'avais été quelque peu troublé en voyant l'allégation qui avait été faite. Je suis allé réexaminer le dossier. Je n'étais pas l'avocat au dossier. Je travaille pour le ministère des Finances ainsi qu'avec le ministère de la Justice. J'ai cependant repris contact avec ces personnes. J'ai eu l'occasion de parcourir — parce que cela m'a été soumis — la discussion intervenue devant le juge de la Cour de l'impôt quant à ce qui allait se passer en la matière.
Le dossier de la Cour indique que l'avocat représentant le gouvernement fédéral avait déclaré qu'aucune entente quelle qu'elle soit ne pourrait être négociée, que les autres affaires seraient mises de côté en attendant la décision. Si tel est le cas, alors lorsque les avocats se sont présentés en janvier 2002 pour obtenir le jugement dans les autres affaires dont on parle ici, il y a de fortes chances qu'ils en auraient discuté avec le juge.
Le premier commentaire que je ferais en ma qualité d'avocat serait le suivant: «Écoutez, il y avait une entente à cet effet et cela devrait maintenant être enchâssé dans une décision de la Cour». Ce n'était pas le cas. Tout ce que vous aviez c'était un accord selon lequel les 29 affaires seraient examinées par la Cour, et c'est tout.
Dans cette affaire, la qualité se révèle à l'usage, bien franchement. Il vous faut vous rappeler que les commissions scolaires ont perdu devant la Cour de l'impôt. Il n'y avait aucune incitation pour les 50, 100 ou 200 autres commissions scolaires d'enchaîner. Elles aussi auraient perdu. Elles ont simplement attendu que la décision soit rendue ailleurs. C'est très bien.
Cependant, ce que vous avez depuis décembre 2001 est, à mon humble avis, un petit peu une course au jugement. Moins d'un moins après la déclaration du ministre des Finances qu'il y aurait une loi rétroactive, une décision a été rendue. C'est leur droit d'aller de l'avant et de chercher à obtenir raison devant la Cour.
Il y a également la notion que le jugement convenu signifie quelque chose de magique, comme si le gouvernement agissait d'une façon moins qu'honorable. Je pense que cela a été dit hier dans le cadre des débats qui ont eu lieu ici: on aurait laissé entendre que la main gauche ne savait pas ce que faisait la main droite. Comment pouvez-vous consentir à un jugement d'un côté alors que de l'autre vous allez de l'avant avec une nouvelle loi?
Le terme «jugement convenu» est purement et simplement une expression du métier. Il y a plusieurs définitions de ce terme. J'en ai apporté quelques-unes avec moi pour illustrer mes propos. Je ne vais pas être technique ici. Le Dictionary of Canadian Law dit que le jugement convenu est purement et simplement un jugement dont les clauses ont été acceptées par les parties.
Qu'est-il arrivé en 2001? Certains ont dit: «J'ai le droit de recourir à la Cour pour obtenir un jugement». Qu'est censé faire le procureur général en pareilles circonstances? Est-il censé aller au tribunal et lutter contre cela avec acharnement s'il a un solide dossier, si les faits et la loi concordent? La chose responsable à faire de la part du gouvernement est de dire: «Vous voulez une décision. La loi est de votre côté. Nous aurons un jugement convenu». C'est tout ce que cela signifie. Je pense que le gouvernement a agi de façon tout à fait appropriée et parfaitement honorable.
Le gouvernement est cependant également en train de dire que son objet st de modifier rétroactivement la loi. Cela se trouve dans la lettre aux avocats représentant les commissions scolaires, datée du 13 décembre 2002, et dont M. Wilfert a fait état.
Trois jours plus tard, l'avocat a dit: «La décision de la Cour que je vais obtenir ne sera certainement pas touchée par cette loi rétroactive». C'est ce que dit plus ou moins l'avocat dans sa lettre.
Le jour même, les avocats agissant pour le compte de l'État ont dit: «Non, non, détrompez-vous. Cette nouvelle loi, si elle est adoptée, aura une incidence sur cette affaire», et ces avocats ne savaient pas si la loi allait être adoptée en décembre 2002. Le budget est bien sûr sorti en février 2003.
Cette partie de la lettre, dans l'original, est soulignée. Il n'y a donc pas eu erreur là-dessus.
Il y a trois points que j'aimerais souligner. Premièrement, il n'y a jamais eu d'entente selon laquelle toutes ces affaires allaient être réglées sur la base de la décision dans l'affaire Deschênes ou dans d'autres affaires. Il importe que cela soit clairement établi.
Deuxièmement, un jugement convenu n'est rien d'autre que cela — les parties convenant que la loi et les faits concordent et étant prêtes à accepter la décision de la cour. J'aimerais attirer votre attention sur un passage de la discussion intervenue hier entre le sénateur Day et M. St-Cyr lorsqu'il a dit qu'en gros le juge leur avait dit qu'était donné l'état de la loi, ils avaient droit à un jugement.
Encore une fois, sénateurs, la qualité se révèle à l'usage. Lorsque la deuxième série d'affaires a été soumise au juge pour jugement convenu en mars de cette année, le gouvernement avait dit qu'une loi allait venir. La motion des voix et moyens avait déjà été déposée. Ils ont demandé un ajournement. Il y a eu refus d'accepter l'ajournement et le juge a déclaré: «Je n'ai aucun choix. La loi est ce qu'elle est en ce moment. Il me faut rendre un jugement».
En ce qui concerne le jugement convenu, il n'y a aucune connotation morale. C'est un terme du métier. Nous nous entendons tous sur quelque chose.
Troisièmement, lorsque cela a été fait, les parties savaient très bien ce qu'elles faisaient parce que cela n'aurait pas pu être plus clairement établi que dans l'échange de correspondance de décembre 2002.
Tout cela étant, nous maintenons que le gouvernement a agi honorablement.
Quant à la question de politique que vous soulevez, devrions-nous avoir une loi rétroactive?
Le sénateur Moore: Non.
M. Roy: C'est une question tout à fait juste et dont on peut débattre. Est-ce une bonne chose?
Le sénateur Moore: Non, ce n'est pas une bonne chose.
M. Roy: Je connais M. Potter et je connais M. Leduc.
[Français]
Il est président du Barreau du Québec et un ancien confrère de classe. Je connais M. Tassé. Il m'a embauché au ministère de la Justice.
Je connais M. Potter. J'ai du respect pour ces personnes; ce sont des gens honorables qui défendent une position qui peut se défendre.
[Traduction]
L'important est ceci: si vous insistez sur l'argument énoncé par M. Potter, vous n'aurez jamais de loi rétroactive.
Le sénateur Comeau: Parfait.
Le sénateur Moore: C'est bien.
M. Roy: Il s'agit là, comme je l'ai dit, d'une position de politique qui peut se défendre. Pourtant, nous avons un certain nombre de textes de loi qui ont eu un effet rétroactif. Je vais vous en citer trois.
En 1989, dans l'affaire d'Air Canada c. la Colombie-Britannique, la Cour suprême a décidé qu'il était parfaitement constitutionnel d'avoir des lois rétroactives. En 2001, dans l'affaire Eurig, en Ontario, il a été dit qu'en fiscalité il nous faut protéger l'assiette fiscale et il nous faut protéger le principe lorsqu'une loi est utilisée pour une chose qui n'est pas aussi appropriée qu'elle devrait l'être, et c'est ainsi que des lois rétroactives ont été adoptées.
Des lois rétroactives ont été adoptées relativement à des jugements déjà rendus. Il a été dit dans certains endroits qu'il n'y en la matière aucun précédent. Dans certains cas, c'est ce que doit faire le gouvernement. Je vous citerai à titre d'exemple l'affaire de Val-Saint-François, dont certains d'entre nous se souviennent peut-être.
[Français]
Certains d'entre nous se rappelleront péniblement l'épisode du verglas il y a cinq ans. Les gens de Val-Saint- François ont vu les tours de transmission s'écraser dans leur contrée. Le gouvernement du Québec a choisi de remonter ces tours, rapidement. Pour ce faire, ils ont invoqué des décrets. Les citoyens de Val-Saint-François ont dit...
[Traduction]
Le sénateur Comeau: Je vais vous arrêter ici, car je comprends ce que vous voulez dire et je n'ai pas besoin de tous ces exemples. Je ne pense pas que ce soit un bon exemple que de comparer la rétroactivité avec la tempête de verglas.
Le vice-président: Sénateur Comeau, vous avez arrêté le témoin en pleine envolée. Convenez-vous que le fait d'adopter une loi rétroactive ne crée pas de précédent?
Le sénateur Comeau: Ce n'est pas du tout ce à quoi je voulais en venir avec mes questions.
Le vice-président: C'est ce que le témoin essayait de dire. Je suppose que nous avons alors mal compris la question. Je pense que le témoin essaie de répondre.
Le sénateur Comeau: Vu que nous allons manquer de temps, je vais faire un dernier commentaire, et nous pourrons ensuite passer à d'autres témoins.
Le vice-président: Êtes-vous d'accord, là-dessus, sénateur?
Le sénateur Comeau: Je sais que mon temps est écoulé.
Le vice-président: Cela fait un moment déjà.
Le sénateur Comeau: J'aurais seulement un dernier commentaire à faire. Nous avons tout au long du témoignage, jusqu'ici, entendu dire que le ministre avait averti les commissions scolaires qu'il était en train de préparer un projet de loi en vue de corriger le gaffe technique commise en 1991. Cela revient à présumer que le Parlement adoptera la loi rétroactive. Les Canadiens doivent-ils maintenant se dire que lorsqu'un ministre dit qu'une loi va être adoptée, elle le sera? Cela revient à présumer que le whip fera en sorte que de tels projets de loi soient adoptés, auquel cas le public ne devrait pas s'attendre à ce que des avocats réagissent, si des fonctionnaires du ministère de la Justice disent qu'un projet de loi sera déposé.
C'est le seul point que je tenais à souligner. Nous n'aurons peut-être pas toujours un groupe de personnes désireuses de réagir à la directive du gouvernement et au whip du gouvernement. J'insiste là-dessus. Nous n'allons pas toujours forcément supposer que les déclarations faites dans le cadre de lettres selon lesquelles le ministre exigera l'adoption d'un projet de loi se concrétiseront. Il ne faudrait pas toujours compter là-dessus. Peut-être que cette fois-ci c'est ce qui se passera, mais peut-être pas.
Je vais exhorter mes collègues au Sénat à dire non au ministre, pour une question de principe. Je vais les exhorter à ne pas adopter ce projet de loi vu que l'on présume que nous allons l'adopter. C'est un avertissement au ministre et aux fonctionnaires du ministère de la Justice pour qu'ils ne fassent pas de telles suppositions dans des lettres.
Le vice-président: Peut-on considérer que ce que vous avez dit là est un commentaire, ou bien souhaitiez-vous obtenir une réponse?
Le sénateur Comeau: C'était un commentaire.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Ma question est naturellement très différente de celle du sénateur Comeau. À la partie 6, il a mentionné que les frais d'aéroport de 12 dollars passaient à 7 dollars et de 24 dollars à 14 dollars. J'aimerais savoir si les dépenses en matière de sécurité des passagers du transport aérien sont défrayées par les droits que les passagers paient ou sont-elles défrayées par d'autres sources de revenus?
[Traduction]
M. Wilfert: Monsieur le président, le public voyageur les paye, et dans ce cas-ci, cela cadre avec les préoccupations soulevées dans cette partie de l'examen. La somme de 329 millions de dollars est en train d'être utilisée pour réduire le montant que doivent payer les voyageurs. Ce droit n'est pas là pour gagner de l'argent; il est simplement là pour couvrir le coût du matériel de sécurité utilisé dans les aéroports partout au pays.
Le sénateur Ferretti Barth: Je comprends cela, mais ma question était la suivante:
[Français]
Les frais que les passagers paient à l'aéroport pour la sécurité du transport sont-ils suffisants pour couvrir les dépenses relatives à la sécurité des passagers? Est-ce bien l'ensemble des droits que paient ces voyageurs que le ministère des Transports utilise, ou bien va-t-il chercher d'autres sources financières pour couvrir les dépenses? Si c'est le cas, quelles sont ces autres ressources financières?
[Traduction]
M. Wilfert: L'intention visée, sénateur, est que l'argent ramassé au titre de ce droit pour la sécurité, projeté sur une période de cinq ans, couvre ces coûts.
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: À la partie 10, au sujet des mesures relatives à l'impôt sur le revenu, le projet de loi C-28 propose une augmentation du supplément de la prestation nationale pour les enfants. Cette augmentation du supplément de la prestation nationale pour les enfants fera-t-elle en sorte qu'il y aura réduction des prestations d'aide sociale lorsqu'une famille reçoit le supplément de la prestation nationale pour les enfants?
Nous savons que les familles à faible revenu sont des familles qui bénéficient d'aide sociale. Si nous donnons 150 dollars par enfant, je pense que ces familles doivent déclarer le supplément de la prestation nationale pour les enfants. Ce supplément est-il comptabilisé pour les familles qui bénéficient de l'aide sociale?
[Traduction]
M. Gérard Lalonde, chef principal, Division de la législation de l'impôt, Direction de la politique de l'impôt, ministère des Finances: C'était précisément l'une des caractéristiques de la prestation fiscale pour enfants lorsqu'elle a été introduite en remplacement des allocations familiales, à savoir que les provinces s'engageaient à ne pas réduire les programmes sociaux pour les personnes touchant la prestation fiscale pour enfants. C'était l'une des mesures du gouvernement pour surmonter ce que l'on appelle «le mur de l'aide sociale».
[Français]
Le sénateur Ferretti Barth: Si ce supplément de la prestation nationale pour les enfants n'est pas comptabilisé, peut- on comprendre que c'est là un moyen comme un autre pour combattre la pauvreté chez les enfants?
[Traduction]
M. Lalonde: À l'évidence, sénateur, c'est là l'un des objectifs de la prestation fiscale pour enfants. Je ne dis pas que c'est le seul instrument des pouvoirs publics pour combattre la pauvreté des enfants, et le gouvernement a fait maintes déclarations sur ce front, mais c'est certainement un pas dans cette direction.
M. Wilfert: C'est un instrument important de la politique gouvernementale visant à surmonter ce que l'on appelle le mur de l'aide sociale. Les sociologues, les économistes et d'autres s'accordent à dire que c'est probablement l'initiative la plus importante prise jusqu'à présent pour surmonter la pauvreté des enfants.
Le sénateur Moore: J'aimerais revenir sur le sujet soulevé par le sénateur Comeau, soit la rétroactivité et cette affaire des conseils scolaires. J'aimerais clarifier les faits.
La décision Deschênes, qui était favorable aux conseils scolaires, a été rendue en octobre 2001. Vingt-neuf conseils scolaires — 28 en sus de celui de Deschênes — ont bénéficié de cet arrêt dans la mesure où ils touchaient une remise de 100 p. 100 de la TPS qu'ils avaient payée sur des véhicules de transport.
M. Wilfert: Exact, sénateur.
Le sénateur Moore: Vous avez dit, je crois, que le ministre a annoncé son intention d'introduire une législation rétroactive à 1991, et qu'il l'a fait. Je me demande quelle forme cela a pris. Vous avez dit qu'il y a eu une annonce et qu'il vous semblait qu'elle a été faite le 21 décembre 2001.
M. Wilfert: C'est juste, sénateur.
Le sénateur Moore: Comment a-t-il fait cette annonce?
M. Wilfert: Monsieur le président, un communiqué de presse a été envoyé indiquant l'intention du ministre. Je vous signale, sénateur, qu'une annonce ministérielle précédant l'introduction d'une loi est une tradition parlementaire bien connue. Il a suivi cette procédure, soit la publication d'un communiqué de presse sur le site Internet du ministère des Finances, et cetera.
Je vous fais remarquer, sénateur, qu'une fois que ces 29 conseils scolaires ont obtenu leur jugement, d'autres appels étaient toujours en instance de jugement. L'intention du gouvernement a donc été annoncée très clairement.
Je voudrais préciser, si je puis, monsieur le ministre, que le gouvernement, et certainement le ministre des Finances, n'a jamais, en aucune circonstance, l'intention d'induire en erreur qui que ce soit. C'était très clair dans l'annonce. Il n'y avait aucune intention de tromper personne. Les choses étaient dites très clairement, par écrit. Encore une fois, le ministre a suivi là une tradition parlementaire bien connue en réponse à ces jugements initiaux sur ces 29 cas rendus le 17 octobre, sans que cela n'affecte en rien ces jugements originaux.
Le sénateur Moore: Je comprends tout cela, mais vous avez dit que d'autres ont fait appel et qu'il y avait d'autres causes en instance de jugement. Ces conseils avaient parfaitement le droit de faire cela.
M. Wilfert: Je ne le conteste pas.
Le sénateur Moore: Mais vous faites une annonce et, ce faisant, vous les privez de leurs droits. Je trouve cela terrible. Je n'apprécie pas les lois rétroactives quelles qu'elles soient. La société a besoin de certitude pour fonctionner. Cette certitude au Canada est fondée sur la primauté du droit. Vous ne pouvez pas déplacer les poteaux du but en cours de partie. Une fois les poteaux plantés, ce sont là les bornes. Si vous vous êtes trompé, tant pis pour vous. C'est la vie. Le monde n'est pas parfait. Vous payez et vous passez à autre chose.
Je trouve que tout cela est contraire à tout l'esprit de notre système. Je n'aime pas cela et je ne pense pas qu'il faille procéder de cette façon.
M. Wilfert: On pourrait contester le bien-fondé des propos du sénateur.
Sénateur, imaginons une situation où le gouvernement a tort et introduit une mesure rétroactive pour avantager des personnes ou des plaideurs dans certains dossiers, comme cela s'est fait par le passé. N'est-ce pas alors une bonne chose? Mais cela fonctionne dans les deux sens. Nous agissons sur la foi d'un principe juridique solide et conforme à la tradition parlementaire. Mais le fait est que lorsque l'on introduit des lois rétroactives qui avantagent des personnes ou des éléments de la société, nul ne se plaint en disant: «Non, ne leur donnez pas cet argent», car on reconnaît qu'ils y ont droit. En l'occurrence, le ministre réagit à une situation inverse.
C'est l'envers de la médaille. Cela marche dans les deux sens. On n'entend guère de protestations lorsque la mesure va dans la direction opposée.
Le sénateur Moore: Ces situations peuvent exister mais nous en avons une ici où le droit au recours en justice de personnes est menacé. J'imagine que certains des conseils ont été arrêtés en cours d'instance. Je ne sais pas jusqu'où ils en étaient rendus dans le processus. D'autres se sont vus dire qu'ils ne pouvaient même pas se pourvoir. Cela ne me paraît pas juste.
M. Wilfert: Je conclurai, sénateur, en disant que l'esprit de la loi était très clair. Personne ne l'avait contesté jusqu'en 1991. Le fait qu'ensuite, en 1996, certains conseils ont décidé de se pourvoir, le fait qu'ils ont reçu un jugement favorable et que le gouvernement n'a pas contesté celui-ci jusqu'à l'annonce du 21 décembre ne fait non plus aucun doute. Ce qui vous chiffonne, et je peux le comprendre, c'est la rétroactivité. Cependant, j'ai indiqué, et je le répète, monsieur le président, que nous sommes tout à fait dans nos droits et que nous le sommes aussi bien lorsque cela avantage certains que lorsque cela en désavantage d'autres.
Le sénateur Moore: Vous nous avez dit que d'autres avaient déjà commencé. Vous les avez arrêtés en cours de procédure.
M. Wilfert: Les procès n'étaient pas encore commencés. Certains d'entre eux, bien entendu, ont attendu pour voir ce qui allait se passer.
Le sénateur Moore: C'était leur droit.
M. Wilfert: C'était leur droit, mais le Parlement a le droit d'introduire des lois rétroactives dans la mesure où l'intention d'un texte de loi était claire. Si l'intention de la loi est à 100 p. 100 de faire telle chose, alors il faut le dire. Par conséquent, l'annonce et l'envoi de ces lettres ne faisaient que confirmer cette intention et présentaient l'argumentation du ministre.
Monsieur le président, nous pourrions débattre de cela pendant des heures, mais la réalité est que l'intention était bien celle-ci. Les honorables sénateurs doivent aussi considérer le tableau d'ensemble.
Nous avons en main une loi importante qui met en oeuvre le budget. Dans ce budget nous prenons des initiatives importantes concernant la santé, la pauvreté des enfants et toute une série de domaines de haute importance pour les Canadiens.
Le sénateur Moore: Oh, oui.
M. Wilfert: Je comprends bien les problèmes que vous soulevez, honorable sénateur, mais je veux vous rappeler que nous étudions ici un projet de loi volumineux qui répond à maintes préoccupations exprimées à travers le pays. Certes, monsieur le président, il ne faut pas négliger d'autres aspects pouvant intervenir mais j'espère avoir donné une réponse argumentée au sénateur. Je sais que le sénateur est d'opinion différente au sujet de la rétroactivité mais si nous faisions quelque chose qui n'était pas constitutionnel ou légal, je serais le premier à tirer la sonnette d'alarme. Il va de soi que ni le gouvernement ni le ministre n'aimeraient se retrouver dans une telle situation.
[Français]
Le sénateur Gauthier: Je suis confus. Vous avez affirmé que c'est la primauté du droit, d'abord et avant tout. Vous parlez aussi de la tradition parlementaire. Cela fait 30 ans que je suis ici. Parlez-moi de la tradition parlementaire qui justifie qu'un ministre, dans un communiqué de presse, change les règles du jeu. Je ne comprends pas. Le Parlement ne s'est pas prononcé. On n'a pas eu d'avis à ce sujet. C'est un communiqué de presse. Expliquez-moi.
[Traduction]
M. Wilfert: Encore une fois, sénateur, je vous renvoie à 1995. Le Comité des comptes publics a déclaré qu'il était approprié, et parfois même impératif, de faire usage de la rétroactivité dans certaines circonstances. Il a demandé au ministère des Finances d'élaborer des critères, ce qu'il a fait, pour justifier son emploi s'agissant de la législation fiscale. Les modifications contenues dans ce projet de loi sont fondées sur ce principe de la rétroactivité. Mon collègue a cité des exemples — et d'ailleurs même des décisions de la Cour suprême de ce pays — indiquant que la rétroactivité, bien qu'elle déplaise à certains d'entre vous, est légitime et d'ailleurs peut avoir l'effet inverse d'avantager des personnes lorsque le gouvernement a fait erreur.
Je respecte vos commentaires, sénateur, mais les réponses que je continuerai de donner sont les mêmes.
Je crois que M. Roy a quelque chose à dire.
[Français]
M. Roy: J'aimerais m'assurer qu'il n'y ait pas de malentendu quant à l'effet juridique ou légal du communiqué de presse dont il est question.
Le communiqué de presse ne change rien à l'état du droit. Il annonce l'intention du ministre des Finances de demander au Parlement de passer la législation rétroactivement. Il permet ainsi au contribuable et au citoyen de gouverner ses affaires comme il le désire. Ce communiqué de presse informe le citoyen qu'il est possible que la législation soit adoptée et celui-ci s'en verra affecté.
Il s'agit d'une pratique très fréquente. Ce communiqué de presse n'est qu'une façon d'annoncer qu'il y aura une législation rétroactive, rien de plus. Nul n'est sans savoir que la décision ultime revient au Parlement.
[Traduction]
Le sénateur Mahovlich: Je pense qu'il y a un problème de chronologie. Je n'aime pas cela. On ne peut pas donner un avantage à 29 conseils scolaires que l'on refuse aux autres. C'est tout ce que j'avais à dire à ce sujet.
Un autre met en jeu beaucoup plus d'argent, je veux parler du Programme des prêts d'études canadiens. Y a-t-il beaucoup de faillites d'étudiant? Comment un étudiant peut-il faire faillite?
M. Wilfert: Une faillite en est une de trop, évidemment. Comment se retrouvent-ils dans cette situation?
Le sénateur Mahovlich: Ils doivent avoir des avocats.
M. Wilfert: Je ne dirai rien à ce sujet. Je ne sais pas si les choses ont tellement changé depuis mon époque.
Le sénateur Mahovlich: Il me semble qu'un étudiant sincère voudrait faire tous les efforts pour rembourser un prêt du gouvernement.
M. Wilfert: Je vous invite à venir à mon bureau de circonscription n'importe quel jour de n'importe quelle semaine. Des jeunes nous arrivent qui ne réalisent même pas qu'il s'agissait d'un prêt. Ils pensaient que c'était une bourse. Ils ne connaissent pas les modalités de remboursement et certains, en fait, doivent davantage aujourd'hui que lorsqu'ils ont contracté le prêt.
Je ne sais pas de quels établissements ils sont diplômés, mais je dois dire que je m'inquiète pour eux de les voir tout seuls dans la rue. Je le leur dis. Je leur dis, je vous en prie, retournez dans votre université ou votre collège, voyez combien vous devez vraiment. Je leur demande comment ils se sont mis dans cette situation. Certains me disent qu'ils ont acheté une voiture. Ce n'était pas là le but du prêt. Les jeunes gens parfois font ce genre de choses. Je ne cherche pas à minimiser l'importance du problème. Mes collègues vous diront eux aussi qu'ils ont des jeunes qui défilent dans leur bureau et racontent des histoires étonnantes. Un jour, j'écrirai un livre sur ce seul sujet.
Le sénateur Mahovlich: Le gouvernement libéral parle de responsabilité .S'il va distribuer 60 millions de dollars en prêts, je pense qu'il faudrait garder l'oeil sur ces étudiants.
M. Wilfert: C'est également le but du projet de loi. Nous ne voulons pas donner l'impression que nous avons des étudiants en faillite à la pelle dans tout le pays. La réalité est que, dans les cas réellement difficiles, nous sommes flexibles. Mais les fonctionnaires pourront vous dire que l'écrasante majorité des prêts sont remboursés, tant au niveau provincial que fédéral. Parfois cela peut prendre un peu plus longtemps. Il peut falloir étaler la durée du remboursement. Nous renseignons les étudiants et habituellement cela suffit.
Le président: Aimeriez-vous dire quelque chose pour conclure?
M. Wilfert: Simplement que ceci est la première fois que je...
[Français]
Le sénateur Biron: La lettre du gouvernement avisant les commissions scolaires de l'intention de présenter une loi avisait-elle les commissions scolaires de faire le nécessaire et de procéder dès maintenant avec les poursuites?
[Traduction]
M. Wilfert: L'intention, comme je l'ai déjà dit, a été signifiée le 21 décembre 2001. Ces conseils avaient le droit de demander ces jugements en consentement. Mais, en réponse à des lettres précises, le ministère de la Justice a rédigé la lettre du 16 décembre indiquant clairement que, nonobstant tout jugement, le gouvernement avait l'intention, déjà signifiée antérieurement, de déposer la mesure dont vous êtes saisis aujourd'hui.
Les conseils scolaires, par le biais de leurs avocats, étaient ainsi parfaitement informés de la situation.
[Français]
M. Roy: Le communiqué de presse du 21 décembre ne fait qu'annoncer l'intention du gouvernement. Plutôt que d'avoir une mesure rétroactive qui ferait disparaître l'avantage, le jugement obtenu par la Commission scolaire des Chênes indiquait clairement que les commissions scolaires pourront bénéficier de leur jugements
En ce qui concerne les autres commissions scolaires, il n'y eut aucune indication à savoir ce qui pouvait se produire. L'intention du gouvernement fut d'aviser que rétroactivement les commissions scolaires n'auraient pas droit à ces sommes.
Les lettres rédigées en décembre 2002, soit un an plus tard, avaient pour but d'aviser les commissions scolaires devant les tribunaux, — après que le communiqué de presse ait été émis, soit suite au 21 décembre 2001 — que si elles désirent obtenir un jugement, l'état du droit était tel qu'il était possible de l'obtenir. Toutefois, il pourra y avoir un changement à la loi qui aura un effet rétroactif. Le gouvernement a voulu exposer la situation et rien de plus.
Les principaux concernés ont donc obtenu consentement en jugement en connaissance de cause.
En 2001, le gouvernement a indiqué son intention de demander au Parlement l'adoption d'une législation qui n'affectera pas ces 29 commissions scolaires. Par la suite, lorsque les autres commissions scolaires se sont présentées devant les tribunaux, on leur a indiqué qu'il leur était possible d'obtenir jugement. Toutefois, une législation pourrait être passée par le gouvernement, laquelle aura certains effets.
[Traduction]
Le président: Concernant un autre sujet, j'aimerais savoir, dans la mesure où quelqu'un ici le sait, si l'accord-cadre sur l'union sociale couvre les conditions de l'entente en matière de santé conclue par les premiers ministres en février? Quelqu'un ici connaît-il la réponse?
M. Campbell: Oui, l'accord-cadre sur l'union sociale régit les dispositions convenues lors de cette conférence des premiers ministres. Je précise, cependant, que, puisqu'il s'agissait d'une réunion et d'une décision des premiers ministres, ces derniers ont levé dans la pratique l'exigence de préavis de l'accord.
Le président: Pas de façon permanente, tout de même?
M. Campbell: Non, aux fins de l'accord convenu le 5 février.
Le président: Parlez-vous là des changements apportés à l'accord?
M. Campbell: Du changement apporté.
Le président: Je présume qu'il ne sera pas loisible au gouvernement fédéral d'opérer des coupures unilatérales de financement sans le préavis de trois ans prévu par l'ECUS.
M. Campbell: C'est juste. En effet, dans le cadre de cet accord, la stabilité est un facteur primordial. Nous avons maintenant un cadre juridique quinquennal qui va être promulgué par le Parlement.
Le président: Il en est qui parient qu'ils seront de retour à la table de négociation d'ici deux ans, mais c'est là un autre sujet.
M. Wilfert: Je dois dire, monsieur le président, que c'est la première fois que j'ai le plaisir de comparaître devant votre comité. J'avais déjà comparu devant celui du sénateur Kolber. J'ai apprécié vos remarques, vos questions réfléchies et je vous remercie donc encore une fois de m'avoir écouté cet après-midi.
Le président: Très bien. Merci beaucoup, monsieur Wilfert. Vous êtes un très bon témoin. Nous remercions également M. Roy et les autres fonctionnaires des divers ministères.
Collègues, avec votre accord, nous allons passer à l'étude article par article de ce projet de loi. Est-ce convenu?
Des voix: D'accord.
Le président: Je crois savoir qu'un amendement au moins sera proposé, celui du sénateur Beaudoin. Je ne sais pas quand il a l'intention de le faire. Dans l'intervalle, me permettez-vous de grouper les articles en fonction des 11 parties du projet de loi? Est-ce d'accord?
Des voix: D'accord.
Le président: Convenez-vous de réserver le titre et l'article un?
Des voix: D'accord.
Le président: À la partie 1, l'article 2 est-il adopté?
Des voix: D'accord.
Le président: À la partie 2, les articles 3 à 8 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: À la partie 3, les articles 9 à 14 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: À la partie 4, les articles 15 à 30 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: À la partie 5, les articles 31 à 43 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: À la partie 6, l'article 44 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: À la partie 7, les articles 45 à 60 sont-ils adoptés?
Des voix: Adoptés.
Le président: À la partie 8, les articles 61 à 66 sont-ils adoptés?
Le sénateur Beaudoin: J'ai un amendement, que voici:
Que le projet de loi C-29 soit modifié, à l'article 64, page 55,
a) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:
«entré en vigueur le 17 décembre 1990, sauf dans le cas des causes pour lesquelles une administration scolaire et les avocats représentant Sa Majesté la Reine du chef du Canada ont convenu de consentir à des jugements devant le tribunal compétent», et
b) par suppression des lignes 23 à 45.
Le président: Dans la version anglaise, la copie écrite de l'amendement indique «lignes 20 à 39».
[Français]
Dans la version française, il s'agit de la suppression des lignes 23 à 45.
Le sénateur Beaudoin: En français, il est dit:
Que le projet de loi C-28 soit modifié, à l'article 64, à la page 55.
a) par substitution, à la ligne 22, de ce qui suit:
«entré en vigueur le 17 décembre 1990, sauf dans le cas des causes pour lesquelles une administration scolaire et les avocats représentant Sa Majesté la Reine du chef du Canada ont convenu de consentir à des jugements devant le tribunal compétent.»
b) par suppression des lignes 23 à 45.
Le président: Vous avez tous entendu la modification proposée par le sénateur Beaudoin? Voulez-vous élaborer votre requête?
Le sénateur Beaudoin: Il faut évidemment suivre les principes du droit. Il y a ici des principes de res judicata et des principes de la règle de droit. Il y a aussi des principes de rétroactivité partielle. La Constitution n'empêche pas, bien sûr, une certaine forme de rétroactivité.
[Traduction]
Le sénateur Beaudoin: Si l'on veut respecter la Constitution de notre démocratie parlementaire, lorsqu'on examine les faits tels que présentés à ce comité par les témoins et les avocats, on est obligé de conclure que le respect de notre loi exige cet amendement.
Le témoignage des juristes que nous avons entendus m'amène à la conclusion que la loi a été enfreinte et c'est pourquoi il nous faut amender l'article 64 de façon à préserver les principes du droit administratif et constitutionnel. Un document n'est pas nécessairement un amendement à une loi. Nous avons un ensemble de lois et un système pour l'introduction de modifications législatives qu'il nous faut suivre et, à mon sens, ils ne l'ont pas été en l'occurrence.
Le sénateur Comeau: Si vous me permettez d'intervenir sur le même sujet, les témoins ont parlé de rétroactivité. Nul d'entre nous ne conteste la faculté et l'obligation du ministre des Finances d'indiquer, dans son budget et dans ses déclarations: «Voilà les nouvelles règles qui vont s'appliquer à partir de telle date». Le moment venu, le Parlement change alors les règles, mais dans l'intervalle, tout le monde sait quelles sont les règles qui continuent à s'appliquer.
Nous sommes en présence de la décision Deschênes et l'on va modifier aujourd'hui les règles qui s'appliquaient il y a de nombreuses années. C'est cela qui est odieux, et non pas le fait qu'un ministre des Finances annonce quelles règles vont s'appliquer pour l'avenir. C'était comme si l'on remontait en arrière dans l'histoire et que l'on prenait la carrière de hockeyeur du sénateur Mahovlich et qu'on retranchait X nombres de buts marqués au cours de certaines saisons. Il n'y a pas lieu de le faire. Il connaissait les règles qui s'appliquaient, il a joué en les respectant et il n'y a pas à les modifier rétroactivement. C'est odieux. Comme je l'ai mentionné, c'est tout à fait indigne.
Le sénateur Mahovlich: Les poteaux de buts étaient en caoutchouc, alors ils ont bougé.
Le sénateur Comeau: Ce qui est encore plus odieux est que le ministre arrive ensuite pour dire: «Non seulement allons-nous modifier les règles rétroactivement, je vais demander au Parlement de le faire pour moi». Il est présomptueux de postuler que le Parlement va s'incliner et obéir. Si l'on va permettre au ministre de publier des communiqués de presse et d'annoncer ce que nous, les parlementaires, décideront de faire, alors il n'y a plus de primauté du droit.
La société, les citoyens et contribuables ont besoin de stabilité et de certitude, et ne veulent pas que le gouvernement arrive et commence à modifier après coup les règles selon lesquelles tout le monde a joué pendant des années.
Je pense donc que cet amendement est parfaitement légitime et qu'il nous incombe, en tant que parlementaires, de l'adopter. N'oubliez pas que vous avez tous été invités à siéger au Parlement pour protéger le public canadien et c'est là notre devoir. Notre devoir est envers le public canadien, et non pas envers le whip ni le leader en Chambre du gouvernement.
Le président: Merci. Sénateur Gauthier?
[Français]
Le sénateur Gauthier: Le sénateur Comeau vient de soulever une question intéressante. L'amendement en question est-il acceptable, à votre point de vue?
Le président: Au point de vue de la présidence, c'est acceptable.
Le sénateur Day: Cela va augmenter les dépenses du gouvernement.
Le président: Il s'agit de limiter la responsabilité du gouvernement et de modifier l'article 64 de la façon suivante:
«entré en vigueur le 17 décembre 1990, sauf dans le cas des causes pour lesquelles une administration scolaire et les avocats représentant Sa Majesté la Reine du chef du Canada ont convenu de consentir à des jugements devant le tribunal compétent.»
Il ne s'agit pas d'imposer une nouvelle taxe sur les contribuables du Canada.
Le sénateur Gauthier: Je n'ai pas de problème avec la motion. Je me fie à votre jugement. La question de la crédibilité des tribunaux me préoccupe beaucoup. C'est une question de crédibilité qu'on mentionne et qu'on met en doute. Si un jugement est arrêté, je pense qu'il faut croire que la question est résolue. Je ne pense pas que l'on puisse changer la situation, donc l'État de droit d'abord et ensuite la crédibilité des tribunaux. Mais si vous me dites qu'elle est en ordre et qu'il n'y a pas de problème au point de vue financier alors c'est bien.
Le président: Il y a toujours appel de la décision auprès du Président du Sénat.
[Traduction]
Le sénateur Day: Monsieur le président, si je puis intervenir pour essayer de remettre les choses en perspective: nous avons là un projet de loi portant exécution du budget qui traite de toutes sortes de choses différentes.
Le sénateur Gauthier soulève une question intéressante, à savoir est-ce que dans un projet de loi budgétaire, le comité peut recommander au Sénat un amendement qui imposera au gouvernement des dépenses accrues en faveur d'un certain groupe?
Le président: Faites-vous un rappel au Règlement?
Le sénateur Day: Non, j'interviens uniquement sur le deuxième point.
Le président: Je viens de rappeler quelques précédents, sénateur. Cela fait-il 24 ans que vous siégez au Parlement?
Le sénateur Day: J'espère que ce sera le cas, monsieur le président.
Le président: Lors du débat sur la TPS, des amendements ont été proposés visant à exonérer les imprimés de la TPS, ce qui manifestement aurait entraîné un manque à gagner pour le Trésor.
Le sénateur Day: Cela aurait été intéressant. Peut-être me permettez-vous de finir d'indiquer les raisons pour lesquelles je n'appuierai pas votre amendement, sénateur Beaudoin. Toutes les commissions scolaires, et elles sont nombreuses, peuvent être réparties en trois groupes. Dans le premier, il y a celles dont nous n'avons pas besoin de parler — le groupe Deschênes. Elles ont eu leur jugement et elles sont exclues de cette législation. Le deuxième groupe est celui couvert par votre amendement, soit les commissions avec des jugements en instance. Le troisième sont les commissions qui n'ont pas déposé d'appel. Toutes ces personnes, depuis 1991 jusqu'au moment où le groupe Deschênes s'est pourvu en justice, fonctionnaient selon un ensemble de règles que tout le monde comprenait. Nul ne pensait qu'il y avait confusion. Tout le monde appliquait ces règles en connaissance de cause. Les commissions demandaient et obtenaient le remboursement de 68 p. 100 de la TPS qu'elles avaient versée.
Ensuite, quelqu'un est arrivé et leur a dit: «Nous pouvons vous obtenir un remboursement de 100 p. 100 et pas seulement de 68 p. 100. Nous pouvons vous faire obtenir 32 p. 100 de plus, alors faisons-le et nous nous arrangerons ensuite.»
Le tribunal a statué que les règles selon lesquelles tout le monde jouait — le fisc et les commissions scolaires — n'étaient pas ce que l'on pensait. Par conséquent, le gouvernement, au moyen de ce communiqué de presse, a annoncé qu'il allait clarifier la situation pour faire en sorte que les règles soient bien telles que tout le monde pensait qu'elles l'étaient.
Il ne s'agit donc pas de modifier les règles et le terrain de jeu rétroactivement. Il s'agissait simplement de clarifier et de rétablir des règles dont un tribunal a estimé qu'elles n'étaient pas légalement ce que tout le monde pensait qu'elles étaient.
Cet amendement est contraire aux principes fondamentaux même que l'Association du Barreau canadien est venue défendre ici hier. Elle a dit que, à titre de «principe général», la rétroactivité devait s'appliquer à tout le monde et pas uniquement à un groupe restreint. Vous avez admis que la rétroactivité est appropriée dans certains cas. À mes yeux, adopter votre amendement reviendrait à indemniser un groupe de personnes représentées par des avocats, des avocats qui admettent le principe de la rétroactivité. C'est, dans la pratique, extraire certains avocats d'une situation épineuse. C'est la réalité. Je ne peux accepter un amendement qui favorise un certain groupe, un groupe dont les avocats ont omis de négocier un tel arrangement pour leurs clients.
Le sénateur Beaudoin: Nous avons là un projet de loi adopté initialement à la Chambre des communes, comme le veut la Constitution du Canada, qui a certainement été respectée. Il incombe maintenant au Sénat d'accepter ou de rejeter ce projet de loi, et nous avons de nombreux précédents à cet égard.
Vous semblez dire, que du fait que l'amendement aura des conséquences financières, le Sénat ne peut l'adopter. Toutefois, le Sénat a le pouvoir d'apporter certains amendements. Celui-ci, en l'occurrence, résulte d'une décision de justice, de l'application de la res judicata et n'est donc contraire à aucun principe, ni parlementaire, ni constitutionnel — car la branche législative ne fait que faire son travail et les tribunaux ont compétence pour interpréter les lois.
L'amendement est parfait. Je ne vois pas comment vous pouvez conclure que le fait pour nous d'apporter un tel amendement rendrait la loi illégale ou anticonstitutionnelle. Ce n'est certainement pas le cas, à mon avis.
Une autre question vient à l'esprit. Le gouvernement, à un moment donné, a annoncé dans une lettre ou un document qu'il allait modifier la loi. Mais seul le Parlement peut modifier les lois. Le Parlement est le défenseur de la société et la loi ne peut être modifiée que conformément à la Constitution. C'est le Parlement qui a le pouvoir de le faire, et lui seul.
Je ne vois rien qui cloche dans cet amendement. Au contraire, nous respectons tous les principes établis par la jurisprudence. J'interjetterai appel de cette décision, s'il le faut.
Le sénateur Day: J'attends avec impatience.
Le président: D'autres sénateurs souhaitent-ils intervenir sur cet amendement? Sinon, je le mets aux voix. Je suppose que tous les sénateurs à la table sont membres du comité.
Le sénateur Beaudoin propose:
Que le projet de loi C-28 soit modifié à l'article 64, page 55.
Des voix: Dispensez-vous de le lire.
Le président: Tous ceux en faveur de l'amendement, veuillez lever la main droite.
Le président: Tous ceux opposés à l'amendement, veuillez lever la main.
Le greffier du comité: Quatre voix pour, sept voix contre.
Le président: Je déclare l'amendement rejeté. Collègues, les articles 61 à 66 sont-ils adoptés?
Le sénateur Comeau: Non.
Le président: Y a-t-il un autre amendement?
Le sénateur Comeau: Non, je déclare simplement dissidence sur l'article 64.
Le président: À la partie 9, les articles 67 et 68 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: À la partie 10, les articles 69 à 90 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: À la partie 11, les articles 91 à 130 sont-ils adoptés?
Des voix: D'accord.
Le président: L'annexe est-elle adoptée? L'annexe contient le nom des Premières nations et des organes gouvernementaux et d'autres descriptions.
Des voix: D'accord.
Le président: Nous revenons à l'article 1. L'article 1 est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le titre est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le président: Le projet de loi est-il adopté?
Des voix: Adopté.
Le sénateur Comeau: Avec dissidence.
Le président: Dois-je faire rapport du projet de loi au Sénat?
Des voix: D'accord.
Le président: Je ferai cela demain lorsque le Sénat se réunira.
La séance est levée.