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POFO - Comité permanent

Pêches et océans


Délibérations du comité sénatorial permanent des 
Pêches et des océans

Fascicule 16 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 21 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des pêches et des océans se réunit aujourd'hui à 19 h 09 pour étudier des questions relatives à l'industrie des pêches.

[Français]

M. Till Heyde, greffier du comité: Honorables sénateurs, à titre de greffier du Comité permanent des pêches et des océans, il est de mon devoir de vous aviser de l'absence inévitable du président du comité pour présider à l'élection d'un président intérimaire.

[Traduction]

Y a-t-il une motion à cet effet?

Le sénateur Adams: Je propose que le sénateur Watt occupe le fauteuil.

M. Heyde: L'honorable sénateur Adams propose que l'honorable sénateur Watt préside la présente séance. Plaît-il aux honorables sénateurs d'adopter la motion?

Des voix: D'accord.

M. Heyde: Adoptée.

Le sénateur Charlie Watt (président suppléant) occupe le fauteuil.

Le président suppléant: Nous sommes heureux d'accueillir ce soir Mme Gélinas, commissaire à l'environnement et au développement durable. Elle dirige un service spécialisé du Bureau du vérificateur général du Canada. Son attention se porte sur des questions environnementales et on la surnomme la protectrice de l'environnement. Nous accueillons également M. John Reid et M. Neil Maxwell, tous deux directeurs principaux au bureau de la commissaire. Mme Gélinas a comparu devant nous en 2002. À cette époque, son exposé avait porté sur les Grands Lacs et le bassin du fleuve Saint-Laurent. Malheureusement, Mme Gélinas n'a pas eu l'occasion de répondre à nos questions sur le processus de pétitions en matière d'environnement. Nous espérons donc avoir l'occasion de tenir cette discussion aujourd'hui.

Vous avez la parole.

[Français]

Mme Johanne Gélinas, commissaire à l'environnement et au développement durable, Bureau du vérificateur général du Canada: Je vous remercie de l'invitation à comparaître au Comité permanent des pêches et des océans. Je suis accompagnée de mes collègues, à ma droite, M. John Reed et, à ma gauche, M. Neil Maxwell.

Lorsque j'ai comparu à votre comité, en février 2002, j'ai donné un aperçu du premier chapitre de mon rapport de 2001 qui portait sur le bassin des Grands Lacs et du fleuve Saint-Laurent, et tout particulièrement sur les aspects consacrés aux pêches.

Aujourd'hui je vais donner des informations supplémentaires sur divers aspects des travaux que j'ai effectués dans le domaine des pêches et des océans. Je vais aborder certains éléments clés de mes constatations de vérification, du processus de pétition en matière d'environnement et du concept de développement durable.

En vertu de la loi, mon groupe a le mandat de vérifier le rendement du gouvernement fédéral en ce qui a trait à la gestion des questions liées à la protection de l'environnement et au développement durable. Mon rapport de cette année faisait état de la manière dont le gouvernement a mené les dossiers des pesticides et du transport routier, ainsi que notre travail sur les pétitions et sur les stratégies de développement durable.

Dans le chapitre 1 de mon rapport de 2001, mon attention s'est concentrée sur quatre domaines en particulier: l'eau, l'agriculture, les espèces et les espaces menacés, et les pêches. Notre objectif était alors de savoir si le gouvernement respectait ses engagements, s'il appliquait de saines pratiques de gestion pour les questions examinées, et s'il respectait, dans l'ensemble, le principe de bonne gouvernance. Nous avons vérifié les activités de plusieurs ministères fédéraux.

À l'époque, j'étais surtout préoccupée par l'avenir du bassin qui était, selon moi, menacé. Les efforts déployés par le gouvernement fédéral étaient en perte de vitesse. Après avoir eu, pendant un temps, une incidence favorable sur le bassin, le leadership, l'innovation, l'activité scientifique et la célérité du gouvernement accusaient un net recul. En fait, là où se trouvait jadis un sentiment d'urgence et d'inspiration, s'était répandu un écrasant sentiment de complaisance et de résignation.

Nous avons examiné quatre différents aspects des pêches: le rôle du gouvernement fédéral en matière de conservation, de protection, l'information scientifique, les espèces aquatiques envahissantes et l'habitat du poisson. Le message premier était que le gouvernement fédéral n'avait pas défini ce que devrait être son rôle pour maintenir et protéger les populations de poissons d'eau douce, y compris celles du bassin. Il n'avait pas de vision. Il n'avait pas déterminé son rôle par rapport à celui des provinces et il a tenté de déléguer ses responsabilités aux autres.

Nous avons notamment constaté qu'il y avait des lacunes en ce qui concernait les programmes et l'expertise scientifique de Pêches et Océans Canada; que le ministère n'avait pris aucune mesure pour lutter contre les espèces aquatiques envahissantes, une menace sérieuse et croissante pour les pêches; que le ministère éprouvait des difficultés avec la gestion des habitats du poisson d'eau douce et qu'il disposait de peu de données sur l'état de l'habitat du poisson dans le bassin. Il ne pouvait pas dire si l'habitat gagnait du terrain ou en perdait.

[Traduction]

Nous n'avons pas encore effectué une vérification de suivi détaillée dans ce domaine. Toutefois, notre bureau a demandé à Pêches et Océans Canada ainsi qu'à d'autres ministères fédéraux de lui présenter un état des progrès réalisés dans la mise en oeuvre de diverses recommandations formulées dans les rapports précédents. Dans l'ensemble, un grand nombre des réponses ont été vagues et, compte tenu de la mise à jour faite par Pêches et Océans Canada, rien ne nous permet de croire qu'il y ait eu beaucoup de changements dans la façon de gérer les questions abordées dans notre rapport de 2001.

Je vous ai remis un document qui met en lumière les recommandations formulées dans ce rapport, la réponse du ministère et les engagements qu'il a pris.

Nous devons nous demander quels changements ont été apportés pour améliorer les relations fédérales-provinciales. Quels changements ont été apportés pour régler le problème des données et des connaissances scientifiques? Nous devons continuer de nous intéresser au dossier des espèces envahissantes.

Le chapitre 4 de mon rapport de 2002 portait sur la gestion par le gouvernement des espèces envahissantes exotiques. Nous avons constaté que malgré les engagements, les ententes et les accords à long terme, le gouvernement fédéral n'a pas pris de mesures concrètes pour empêcher les espèces exotiques de nuire aux écosystèmes du Canada. Ainsi, elles continuent de se multiplier tant sur terre que dans l'eau. L'inaction du gouvernement a laissé la porte ouverte aux espèces envahissantes qui menacent notre écosystème.

Monsieur le président, nous ne sommes pas seuls à nous inquiéter. Des rapports publiés par le General Accounting Office des États-Unis et la Commission mixte internationale indiquent aussi que les menaces posées par les espèces envahissantes exotiques persistent et n'ont pas été endiguées malgré les politiques et les plans du gouvernement depuis des décennies.

J'ai comparu devant le Comité permanent des pêches et des océans de la Chambre des communes en février et le comité a publié un rapport sur les espèces aquatiques envahissantes en mai. Ce rapport soulignait l'importance de cette question et formulait nombre de recommandations qui pourraient aider le gouvernement à accélérer ses actions pour lutter contre ce problème.

Les spécialistes en sont venus depuis longtemps à la conclusion que les espèces envahissantes sont, après la destruction des habitats, la plus grave cause de la perte de biodiversité. Des études récentes indiquent que les espèces envahissantes menacent désormais les écosystèmes au Canada et entraînent chaque année des milliards de dollars de dommages à notre économie. Toute la population devrait s'inquiéter. Il s'agit d'un problème national qui touche les collectivités d'un océan à l'autre.

Je présente dans mon rapport le profil de l'un des envahisseurs, le crabe vert, qui colonise sans relâche notre côte Atlantique et met en péril les industries de la palourde, de la moule et de l'huître. Ces industries ont beaucoup à perdre. Sur la côte du Pacifique, où l'on a aussi découvert la présence du crabe vert, la valeur des prises de palourdes et de crabes indigènes s'établissait à environ 25 millions de dollars en 2000. La valeur des débarquements de palourdes, de moules et d'huîtres de l'Atlantique se chiffrait à environ 57 millions de dollars en 2002. Les prises de homards de l'Atlantique, une espèce que les scientifiques estiment également menacée, valaient plus de 500 millions de dollars en 2000.

En plus d'effectuer des vérifications, je suis responsable du processus de pétition en matière d'environnement. Ce processus permet aux Canadiens qui se préoccupent d'une question environnementale qui relève du gouvernement fédéral d'obtenir des réponses. La pétition peut être une simple lettre qui m'est adressée. Je crois comprendre que votre comité a invité un pétitionnaire à venir témoigner.

Il y a quelques semaines à peine, M. Myles Kehoe a comparu devant le comité de la Chambre des communes au sujet des dépotoirs militaires d'armes chimiques au large de la côte atlantique du Canada. La réponse du gouvernement fédéral à la pétition de M. Kehoe est reproduite au chapitre 4 de mon rapport.

À ce jour, mon bureau a reçu plus de 100 pétitions, et environ la moitié concernent Pêches et Océans Canada, seul ou avec d'autres ministères. Les questions abordées dans ces pétitions sont très diverses, mais elles sont toutes axées sur les répercussions actuelles ou éventuelles sur les poissons et leur habitat. Le texte intégral de toutes les pétitions est affiché sur le site Web du Bureau du vérificateur général du Canada.

[Français]

Par exemple, certaines pétitions portent sur l'ensemble de la gestion de la salmoniculture en Colombie-Britannique, dans la foulée de l'infestation alléguée des saumoneaux sauvages par le pou du poisson, de l'expansion des méga- porcheries au Nouveau-Brunswick, de leurs répercussions sur la qualité de l'eau et l'habitat du poisson, ou encore de la politique du gouvernement fédéral dans le domaine de l'élevage des poissons transgéniques.

Les réponses données par les ministères, surtout celui des Pêches et des Océans Canada, peuvent donner au comité l'occasion de questionner les ministères sur la substance de leurs réponses et, dans certains cas, sur les engagements passés.

En vertu de la Loi sur le vérificateur général, tous les ministères sont tenus d'élaborer un plan d'action en vue d'atteindre leurs objectifs de développement durable, regroupés dans ce qu'on appelle une «stratégie de développement durable». J'ai ici la stratégie de Pêches et Océans Canada produite pour 2001-2003.

Mon bureau a pour mandat de faire le suivi des engagements pris par les ministères dans leurs stratégies et d'en faire rapport. Les deux premières séries de stratégies ont été rendues publiques en 1997 et en 2001. La troisième série de stratégies doit être déposée à la Chambre des communes en décembre 2003.

On me demande souvent ce qu'est le développement durable. L'aquaculture nous permet de bien illustrer ce concept. Comme l'affirme Pêches et Océans Canada, l'aquaculture apporte des bienfaits socio-économiques. Les Canadiens veulent certes profiter de ces bienfaits, mais ils s'inquiètent tout de même des répercussions que pourrait avoir l'aquaculture sur l'environnement.

Le développement durable, c'est l'intégration dans la prise de décision des considérations économiques, sociales mais aussi environnementales. À ce jour, je suis plutôt déçue des réalisations des ministères, y compris Pêches et Océans Canada. En ce qui concerne les stratégies, cette année, j'ai rendu public un document intitulé «Les stratégies de développement durable, des résultats positifs à obtenir». Ce document expose mes attentes face à la troisième série de stratégies de développement durable.

[Traduction]

Respectueusement, je crois que votre comité devrait inviter Pêches et Océans Canada à expliquer comment sa stratégie de développement durable lui permet de mettre en oeuvre des politiques et des programmes qui concilient mieux économie et écologie. Le ministère pourrait aussi expliquer comment il compte améliorer sa stratégie de développement durable pour 2003, et comment il s'occupe du dossier de l'aquaculture de manière à maximiser les bienfaits et à minimiser les répercussions négatives.

La participation du Parlement à ce processus est essentielle pour s'assurer que dans l'ensemble les stratégies de développement durable des ministères sont des plans d'action qui vont permettre au Canada de progresser sur la voie du développement durable.

Quels objectifs le gouvernement du Canada poursuit-il par ces plans d'action? Quels ont été les résultats à ce jour et comment ces résultats peuvent-ils contribuer à nous faire progresser sur la voie du développement durable?

Le sénateur Trenholme Counsell: Merci de votre rapport très informatif.

Au fil des ans, j'ai joué un rôle actif auprès de la Fédération du saumon Atlantique. Les gens de la fédération sont déçus du manque de réponse du gouvernement fédéral à leur demande de partager leurs objectifs et programmes. Je mentionne ce problème qui n'est qu'une pièce d'un grand casse-tête.

Je ne cherche pas à obtenir vos commentaires, mais je tiens à vous informer que la Fédération du saumon Atlantique est découragée du manque de réaction du gouvernement fédéral.

Mme Gélinas: Les Canadiens qui ont eu recours au processus de pétition ont été très satisfaits des réponses reçues des divers ministères fédéraux. Le système n'est pas parfait, c'est du travail qui se poursuit. C'est une façon simple pour permettre à une association, un particulier, une municipalité de se faire entendre. Il suffit d'écrire une lettre et d'indiquer sa préoccupation et, dans les 120 jours qui suivent, l'auteur recevra une réponse claire.

Je représente également la branche environnementale du Bureau du vérificateur général du Canada et vous serez peut-être intéressés de suivre une partie du travail que nous faisons dans ce domaine.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Où en est rendue l'invasion de crabes verts sur la côte de l'Atlantique et qui nous vient de la côte des États-Unis, n'est-ce pas?

Mme Gélinas: Le crabe vert a été découvert sur la côte est américaine, si je ne fais pas erreur, dans le coin de Cape Cod, dans les années 1950. Il a tranquillement remonté le long de la côte est canadienne. Maintenant on le retrouve dans les provinces atlantiques. Je suis convaincue que Pêches et Océans Canada pourrait vous donner plus d'informations. Nous avons utilisé l'exemple du crabe vert pour démontrer que les problèmes n'étaient pas juste en eau douce, mais qu'il y avait des problèmes d'espèces aquatiques envahissantes du côté des deux océans. Ce petit crabe, qui tient dans une main est un prédateur. Il peut manger jusqu'à 40 palourdes par jour. Il fait beaucoup de ravages. Il colonise le milieu environnant, ce qui contribue à la disparition des espèces.

Le sénateur Robichaud: Je connais une autre espèce qui mange beaucoup de palourdes à tous les jours. Il mange aussi le saumon, le maquereau, le hareng ou tout autre poisson qui arrive à l'embouchure des rivières. Sur la rivière Kouchibougouac, dans le Détroit de Northumberland, au Nouveau-Brunswick, où j'habite, un troupeau de phoques est en train de dévorer tout ce qui existe dans notre coin. Représentent-ils une espèce envahissante? Avant, ils étaient moins nombreux, mais maintenant, cela devient un problème pour les pêcheurs. Ils sont tellement voraces qu'ils pénètrent à l'intérieur des cages à homards pour manger les appâts. Cela a une incidence directe sur les pêches, d'autant plus que les appâts, qui auparavant ne coûtaient pratiquement rien sont rendus à 75 cents la livre.

Pêches et Océans Canada essaie par toutes sortes de moyens de contrôler l'incidence des loups marins ou des phoques sur toutes les pêches dans le coin. Avez-vous étudié ce phénomène?

Mme Gélinas: Nous n'avons pas regardé d'espèces en particulier, mais la question a été soulevée à plusieurs reprises, à savoir si les phoques devaient être considérés comme une espèce envahissante. Ce n'est pas à moi de vous fournir la réponse, mais il serait intéressant de demander quel statut le ministère des Pêches et Océans donne aux phoques. Nous n'avons pas regardé cet aspect en particulier. Lorsqu'on fait référence à certains exemples comme le crabe vert, c'est davantage pour illustrer, parce que lorsqu'on parle d'espèces envahissantes, cela ne veut pas nécessairement dire quelque chose de concret pour les gens. L'exemple le plus connu est celui de la moule zébrée. Lorsqu'on est en mesure de donner des exemples différents, cela permet aux gens de relier le problème à leur milieu.

Le sénateur Robichaud: Dans le bassin des Grands Lacs, il y avait la lamproie. Des programmes ont été mis en place. J'ai visité Sault-Sainte-Marie ou quelque part dans ce coin où on avait des programmes très spécifiques qui visaient la lamproie. On se servait de courants électriques, cela les faisait sortir du sable et on les capturait. Avez-vous examiné l'efficacité de ce programme comme moyen de contrôle? Y a-t-il eu des effets?

Mme Gélinas: À deux reprises on a étudié la situation de la lamproie marine. La lamproie est considérée comme une espèce envahissante.

En 2002, la Commission des pêcheries des Grands Lacs a dépensé 14 millions de dollars américains afin de contrer cette espèce. Le montant de 3,9 millions était la contribution canadienne. Lorsque nous parlons d'espèces envahissantes, nous parlons de coûts extrêmement importants pour les contrer lorsqu'elles ont colonisé le milieu. La meilleure façon d'éviter l'introduction des espèces envahissantes est précisément de les prévenir parce que lorsqu'elles ont colonisé un milieu, il est difficile de s'en débarrasser.

[Traduction]

M. John Reed, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: Oui, nous avons examiné le programme de lutte contre la lamproie et nous avons conclu que bien que la lamproie soit difficile à contrer, le programme a été efficace et a permis de contrer les espèces envahissantes. Nous estimons que ce programme doit se poursuivre.

Notre étude a fait remarquer que le financement fédéral n'est pas assuré. Nous voyons la nécessité pour le gouvernement de stabiliser le financement qu'il assure à la Commission des pêcheries des Grands Lacs.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Lorsque vous examinez un programme comme le contrôle de la lamproie, tenez-vous compte des fonds qui sont dépensés pour le contrôle par les gouvernements, par rapport à ce que l'industrie pourrait contribuer? L'industrie profite de ce programme. Nous savons que la lamproie nuit aux espèces de poissons blancs qui est une industrie considérable dans les Grands Lacs. Analysez-vous la contribution de l'industrie et des gouvernements? La province de l'Ontario est impliquée dans ces programmes. L'industrie privée devrait-elle contribuer davantage pour récolter une meilleure qualité de poissons?

Mme Gélinas: Nos activités de vérification se concentrent habituellement dans les ministères fédéraux et les agences fédérales. Ce qui n'exclut pas que dans le cadre de nos activités de vérification, nous procédions à des entrevues avec des gens du secteur universitaire, du secteur privé, des groupes environnementaux et des associations industrielles.

Nous prenons leurs informations pour illustrer des situations comme dans le cas des espèces envahissantes. Nous avons fait état des impacts sur l'industrie, non pas des bénéfices mais des impacts négatifs sur l'industrie de la moule zébrée. Nous avons parlé de l'Ontario Power Generation, entre autres, de tous les fonds qu'ils doivent investir pour nettoyer leur entrée de tuyauterie et la recherche qu'ils font pour trouver des mécanismes pour réduire la présence de la moule zébrée.

Nous pouvons obtenir de l'information de cette nature mais règle générale, l'essentiel de nos activités va être concentré sur les activités gouvernementales, les responsabilités, les secteurs de responsabilité fédérale.

Le sénateur Robichaud: Nous pouvons dire que le programme de contrôle de la lamproie est quand même un succès parce que nous réussissons un certain contrôle. Nous ne pouvons en dire autant de la moule zébrée.

Mme Gélinas: Il y a des espèces qui sont plus faciles — ce serait un bien grand mot — qui se contrôlent un peu mieux. Pour la lamproie nous contrôlons les œufs en les détruisant. Je ne sais pas dans quelle mesure on peut se débarrasser de la lamproie.

La moule zébrée, c'est incroyable, à partir du moment où elle a colonisé un milieu, il y a très peu à faire. On dit que l'accent doit être mis sur la prévention. On a une information dans le rapport qui fait référence à la rivière Rideau.

[Traduction]

La densité augmente et est passée d'un individu au mètre carré à 385 000 au mètre carré en seulement trois ans.

[Français]

Vous avez une idée de la prolifération des espèces une fois qu'elles ont envahi le milieu. On ne connaît pas la quantité d'espèces aquatiques envahissantes au Canada. On a une idée générale pour les Grands Lacs. Il y avait 190 espèces répertoriées au moment où nous avons fait le rapport sur les Grands Lacs. Le nombre total des espèces envahissantes n'est pas connu. C'était l'une des recommandations que nous avions faites à l'époque.

Le sénateur Robichaud: Lorsque vous dites que vous avez fait des recommandations, y a-t-il eu un suivi des autorités de Pêches et Océans à ces recommandations particulières?

Mme Gélinas: Pour chaque chapitre de vérification, il y a un certain nombre de recommandations. Dans le cas des espèces envahissantes, on a mentionné que cela prenait un plan d'action pour que le ministère de Pêches et Océans puisse commencer à faire le recensement des espèces envahissantes.

Par la suite, il faudrait qu'il y ait une liste des priorités pour savoir comment le gouvernement va agir prioritairement en fonction des risques et des dommages que causent ces espèces. Il y avait un problème de coordination entre les ministères. Mon collègue Neil vous donnera plus de détails sur la façon dont nous faisons le suivi de nos recommandations et où nous en sommes dans le cas des espèces envahissantes.

[Traduction]

M. Neil Maxwell, directeur principal, Bureau du vérificateur général du Canada: Nous effectuons le suivi de différentes façons. Chaque année, nous demandons aux ministères visés par une recommandation de faire une mise à jour. Cette dernière sert d'outil de contrôle et nous tient au courant des mesures qui ont été prises. Nous envoyons régulièrement une de nos équipes de vérification pour s'assurer que les progrès mentionnés ont bel et bien été réalisés.

Nous avons suivi le dossier des espèces envahissantes. Étant donné que le rapport a été publié en 2002, il est un peu tôt pour assurer un suivi des mesures qui pourraient avoir été prises.

L'une de nos principales recommandations à Environnement Canada était de créer un plan d'action global sur les espèces envahissantes. Notre rapport indiquait qu'il était plus que temps de préparer un plan d'action.

Le Canada s'est engagé à l'échelle internationale lorsqu'il a signé en 1992 la Convention des Nations Unies sur la diversité biologique. Par la suite, en 1995, Environnement Canada a publié une stratégie sur la biodiversité. Il ne s'est pas fait grand-chose de ce côté et en raison de l'absence de mesures depuis longtemps, nous avons contrôlé ce ministère de façon assez serrée.

Nous avons reçu des mises à jour récentes sur les mesures prises par Pêches et Océans Canada. Nous avons quelques indications que les choses progressent. Nous sommes relativement optimistes à cet égard, quoique beaucoup de mesures doivent être prises avant que le Canada réalise suffisamment de progrès pour que la situation des espèces envahissantes s'améliore.

M. Reed: M. Maxwell a fait référence au chapitre de 2002 relativement à l'étude des espèces envahissantes à l'échelle du pays. Dans notre rapport de 2001, nous avons inclus nos conclusions au sujet des Grands Lacs. Dans ce rapport, nous avons formulé des recommandations précises sur ce que le ministère devait faire pour régler la question des espèces envahissantes.

Nous avons recommandé que des programmes soient élaborés afin de prévenir l'introduction des espèces. Nous avons recommandé des évaluations des risques afin d'identifier les espèces les plus menaçantes, celles qui posent le plus grand risque et méritent toute notre attention. Nous avons recommandé que d'autres recherches soient effectuées, en particulier en ce qui concerne le contrôle des eaux de ballast, et nous avons formulé des recommandations pour que soit présentée une mesure législative visant à aider à endiguer le problème.

Comme l'a dit M. Maxwell, nous effectuons un suivi annuel et nous avons reçu quelques renseignements du ministère en ce qui concerne les recommandations formulées en 2001. Il a indiqué que les recommandations avaient été complètement mises en oeuvre, ce qui était un peu surprenant compte tenu de l'historique que M. Maxwell nous a fait dans le suivi du deuxième chapitre.

Si le comité le souhaite, il pourrait être assez utile de faire comparaître le ministère et d'obtenir des réponses précises quant à la mise en oeuvre complète des recommandations que nous avions formulées.

Le sénateur Robichaud: Mettez-vous en doute qu'ils aient complètement mis en oeuvre vos recommandations?

M. Reed: La réponse qu'ils nous ont fait parvenir ne comprenait pas suffisamment de renseignements pour nous indiquer si nos recommandations avaient effectivement été complètement mises en oeuvre. La réponse comporte plusieurs volets. Le ministère doit catégoriser ses mesures de façon à ce que nous comprenions s'il en est à l'étape de la planification, si les plans ont été mis en oeuvre dans une grande mesure ou complètement.

Le dépôt d'une fiche technique fait partie de la réponse. Le ministère inscrit les données et coche la case pertinente, et il a coché la case qui dit complètement mises en oeuvre. Cependant, le texte qu'il a soumis ne nous donne pas suffisamment de renseignements pour déterminer avec certitude s'il a pris toutes les mesures que nous avions recommandées.

Comme Mme Gélinas le dit dans sa déclaration liminaire, un grand nombre des réponses étaient vagues. Peut-être qu'ils l'ont fait, peut-être pas; nous ne pouvons pas l'affirmer en fonction des renseignements que nous avons reçus.

[Français]

Mme Gélinas: La nuance entre l'information fournie dans le suivi des ministères et l'information que l'on obtient dans le cadre d'une vérification est différente. Dans le cadre d'une vérification, toutes ces informations ont été vérifiées, corroborées par les ministères. Dans le cadre du suivi de cette nature que l'on fait, ce sont les ministères qui nous fournissent l'information. On ne l'a pas encore vérifié. Par contre, lorsqu'on fait un suivi à proprement parler et qu'on va un peu plus en détails, on ajoute des éléments de vérification pour s'assurer que lorsqu'on fait rapport des progrès, c'est de l'information qui est vérifiée et corroborée, d'où l'invitation qui vous est faite de pousser un peu plus sur le suivi ou les progrès que les ministères disent avoir effectués au cours des dernières années.

J'ajouterais que dans mon discours d'introduction, j'ai fait mention d'un rapport produit par le comité de la Chambre sur les pêches dans lequel il y avait des recommandations et, incessamment, le ministère des Pêches et Océans devrait fournir des réponses sur la mise en œuvre des recommandations faites par le comité. Cela devrait se faire dans les prochaines semaines probablement.

[Traduction]

Le sénateur Adams: Examinez-vous les eaux du Nord afin de déterminer si la pollution les affecte?

Vous pourriez peut-être élaborer sur la façon dont votre ministère fonctionne. Nous vivons dans un grand pays. Je pense que le Nunavut peut trouver de nombreux débouchés pour l'avenir, principalement les palourdes, et les moules et peut-être les pétoncles.

Vous avez mentionné que vous devez souvent formuler des recommandations au comité à la Chambre des communes. Est-ce là votre seule façon de travailler? Avez-vous un budget approuvé pour faire votre travail?

Mme Gélinas: Nous ne sommes pas un ministère; nous faisons partie du Bureau du vérificateur général du Canada et, à ce titre, nous assumons un rôle de surveillance du gouvernement.

Je fais partie du bureau du VG. Lorsque mon poste a été créé en 1995, on m'a confié un budget réservé d'environ 3 millions de dollars par année.

De concert avec mon équipe de 40 personnes, nous décidons des sujets dont nous voulons faire la vérification. Nous avons établi un plan stratégique pour les années à venir. Nous avons commencé cela en 2001.

Nous avons rencontré différentes personnes d'un peu partout au pays, notamment des groupes environnementaux, des associations industrielles et des départements d'université, puis nous avons essayé de déterminer les endroits à risque. D'après nos conversations et notre travail préliminaire, nous avons établi un plan stratégique quinquennal.

Nous avons examiné les effets du transport urbain sur le changement climatique. Cette année, nous examinons les pesticides. L'année prochaine, nous nous concentrerons sur les accords internationaux. En 2005, nous passerons aux questions concernant l'eau et l'air. Nous sommes toujours à l'affût de bonnes idées. En 2006, nous examinerons les ressources naturelles, notamment le pétrole et le gaz. Il y aura peut-être un lien dans cette étude avec votre région, le Nord, même si ce n'est pas précisément au Nunavut. Nous avons publié un rapport sur les mines abandonnées dans le Nord.

Nous avons étudié les mines de diamant et nous avons formulé des recommandations sur la façon dont elles devraient être exploitées à l'avenir. Nous ne voulons pas voir se reproduire ce qui est arrivé dans le passé. Comme vous le savez, il y a des mines de diamant au Nunavut.

Chaque année, je dois faire rapport des progrès réalisés dans les stratégies de développement durable des ministères, ainsi que sur le processus de pétition.

Le sénateur Adams: Vous êtes un organisme de surveillance pour le Canada, mais vous ne faites pas vraiment partie du gouvernement canadien. Vous préparez des rapports comme celui que nous avons ici. Vous avez parlé des moules, des palourdes et des homards.

Faites-vous rapport au gouvernement, à la Chambre des communes ou à un comité?

Travaillez-vous avec des pêcheurs sur des moyens de contrôle efficaces de l'environnement et de la pollution afin que nos mammifères ne meurent pas pour avoir ingurgité des aliments pollués?

Faites-vous rapport à la Chambre des communes? Si vous avez besoin d'un budget plus important pour effectuer une étude, vous donne-t-on les fonds supplémentaires pour le faire?

Mme Gélinas: Je ne devrais peut-être pas le dire tout haut, mais nous n'avons jamais eu de problèmes budgétaires jusqu'à maintenant, quoi que cela pourrait survenir. Nous serons toujours heureux d'avoir un budget plus important et nous pourrions en avoir besoin d'un pour engager plus de personnel. Nous sommes encore une jeune organisation. Mes collègues pensent peut-être que nous avons besoin d'un million supplémentaire.

Le sénateur Adams: Vous avez mentionné que ce ne serait pas avant 2006 que vous iriez au Nunavut.

Dans le bon vieux temps, à marée basse, vous pouviez aller ramasser les moules et les palourdes. Maintenant, nous avons des plongeurs pour le faire.

Selon Pêches et Océans Canada, nous avons des milliards et des milliards de palourdes à cueillir, mais nous ne pouvons pas le faire, à part certaines collectivités. Nous n'avons que 10 plongeurs inscrits, alors que nous pourrions en avoir beaucoup plus qui travailleraient dans cette industrie.

Nous ne pouvons pas obtenir de permis parce qu'il faut vérifier l'argile et l'eau afin de déterminer si elles se prêtent au plan environnemental à la récolte des palourdes.

Je compte sur vous pour aider à procurer un avenir aux gens qui habitent le Nord.

Le printemps dernier, le Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources humaines a adopté le projet de loi C-5, qui portait sur les espèces envahissantes. Ce qui me préoccupe, ce sont les mollusques, les ours polaires et les baleines; autrement dit la nourriture des gens qui habitent le Nord. Lorsqu'un projet de loi est adopté, il arrive souvent que ce n'est qu'à ce moment que les gens se rendent compte de ce qui est sécuritaire à manger.

Nous avons dû réduire une partie de nos quotas. Est-ce que votre recherche porte sur l'enquête concernant les quotas?

Je m'inquiète des mollusques et de l'environnement ainsi que du type d'étude que vous faîtes.

Mme Gélinas: Nous ne faisons pas de recherche, parfois nous faisons des études, mais habituellement nous nous concentrons sur la vérification environnementale.

Le processus de pétition peut être très utile aux gens de votre collectivité. S'ils ont une préoccupation, alors ils peuvent se servir du processus pour soulever une question environnementale ou de développement durable. Il peut s'agir du lien entre le développement et la protection de l'environnement, ou l'utilisation des ressources naturelles, les pêcheries, etc.

M. Myles Kehoe a soulevé une question dont on n'avait pratiquement jamais entendu parler avant qu'elle soit présentée à la Chambre. C'est grâce au processus de pétition que la question environnementale des dépotoirs marins a été discutée.

Nous ne savons jamais quel pourra être le résultat d'une des pétitions, et c'est bien car la question peut souvent être résolue et améliorer les choses pour l'avenir.

Si la vérificatrice générale était ici aujourd'hui, elle vous dirait que le bien-être des collectivités autochtones est l'une de ses cinq priorités. Chacun des membres du groupe de la vérification doit tenir compte de cette équation dans son travail.

Le sénateur Adams: Vous avez dit que vous étudiez en ce moment une entreprise minière et les problèmes reliés à son démarrage. Deux mines ont fermé leurs portes l'année dernière et une autre mine d'or a fermé les siennes il y a quelques mois. Vous avez également parlé de diamants.

Quelle est la différence dans le dommage environnemental entre les mines de diamants et les mines d'or?

Je vis non loin de Rankin. Ils ont trouvé là-bas une cheminée. Vous êtes peut-être au courant de cette mine. Dans le bon vieux temps, il en sortait une flamme qui expulsait les diamants. Les compagnies minières appelaient les cheminées un diamant. C'était peut-être tellement chaud que tout y fondait.

Est-ce que l'extraction des diamants a une incidence sur l'environnement davantage que les autres exploitations minières?

Utilisent-ils toujours des produits chimiques dans l'extraction minière?

Mme Gélinas: Ce qui sort de la mine est beaucoup plus intéressant, je peux vous dire au moins cela. Je pense que cela dépend du processus qu'emploie la compagnie minière. Il y a des mines fermées et des mines d'exploration et le processus de pétition peut attirer l'attention sur le type d'exploitation minière et son incidence sur l'environnement.

Par le biais du processus de pétition, vous pouvez demander à un ministère le genre d'exploitation minière qui s'y pratique et les dispositions qui ont été prises pour nettoyer le site, une fois l'exploitation minière terminée. En général, des fonds doivent avoir été mis de côté pour le nettoyage après l'exploitation minière. Dès que vos questions ont été présentées, une réponse vous parvient dans les 120 jours.

Parfois, nous devons effectuer un suivi des engagements pris par le ministère pour ce qui est de pétitions précises et des réponses données par le ministère. Si vous avez à l'esprit une question, mettez-la sur papier, faites-nous-la parvenir et nous allons ensuite nous assurer que vous obteniez une réponse.

M. Maxwell: Je crois que Mme Gélinas a fait remarquer que nous n'avions pas encore reçu de pétition d'un sénateur, bien que nous en ayons reçu plusieurs de députés.

Je vous signale que nous avons inclus une carte dans notre rapport. La carte indique tous les endroits d'où nous sont parvenues des pétitions jusqu'à maintenant. Nous avons reçu 38 pétitions l'année dernière et aucune n'est venue d'un point au nord du 60e parallèle. Nous serions certainement heureux de recevoir les pétitions que vous voudriez bien nous faire parvenir.

Le président suppléant: Lors de votre dernière visite, vous avez mentionné la même frustration au sujet de l'absence d'un plan d'action efficace de Pêches et Océans et d'autres ministères.

Est-ce que notre gouvernement dispose de la bonne technologie pour régler les problèmes que vous avez mentionnés?

Des espèces étrangères envahissent nos eaux navigables; que pouvons-nous faire pour combattre cette invasion?

Vous avez abordé la question des dépotoirs militaires d'armes chimiques. Il y a quelques semaines deux particuliers des Maritimes ont comparu devant le comité et nous ont dit des choses alarmantes. Je dois ajouter que ces personnes n'étaient financées par aucune organisation ni par le gouvernement. Elles agissaient de leur propre chef. Il était affolant d'entendre dire que ces dépotoirs existaient depuis bien des années.

Pourquoi n'avons-nous pas pris des mesures énergiques pour remédier à ce problème?

Si nous ne possédons pas la technologie nécessaire, pourquoi n'avons-nous pas essayé d'obtenir cette technologie d'autres pays qui ont vraisemblablement connu les mêmes problèmes?

Je suis certain que d'autres pays ont eu des difficultés avec les dépotoirs militaires d'armes chimiques. L'Arctique est un dépotoir. On n'avait pas eu l'intention d'en faire un dépotoir mais les courants marins ont poussé les déchets vers le Nord. Les courants ont contaminé le poisson qui était une source alimentaire essentielle pour la population du Nord.

Les deux témoins ont expliqué que l'incidence du cancer s'est accrue dans cette région. On nous a dit que le cancer touchait la jeune génération alors que, par le passé, c'était particulièrement l'ancienne génération qui était victime de cette maladie.

Je crois que nous avons discuté de ce sujet en 2001. L'augmentation du cancer n'est peut-être pas due entièrement aux dépotoirs militaires mais on a fortement laissé entendre que ces sites ont contribué à l'intensification de la maladie dans le Nord.

Des contaminants toxiques sont enfouis sous terre et, en raison des changements climatiques, on ressent les effets des déchets toxiques.

Les changements climatiques influent également sur le pergélisol. Dans la région subarctique la végétation est luxuriante mais plus au nord le pergélisol fond et s'infiltre dans les lacs, les cours d'eau et aussi dans notre chaîne alimentaire. Cette eau pourrait rendre nos gens malades.

Ce que j'apprends m'effraie. Je sais que, comme nous, vous cherchez de l'aide. Nous savons ce qui arrive à notre population du Nord et à toute la population du Canada.

Êtes-vous d'avis que le gouvernement du Canada ne s'intéresse pas vraiment à la grave situation dans laquelle se trouve notre pays?

Mme Gélinas: Vous avez demandé si nous possédions la technologie nécessaire pour surmonter ces problèmes. Si l'on se fonde sur les diverses vérifications que nous avons entreprises, nous avons découvert que l'absence de technologie suffisante pourrait expliquer certaines des raisons pour lesquelles nous n'avons pas réalisé de progrès aussi rapidement que nous aurions dû, mais il s'agit de l'exception plutôt que de la règle.

C'est une affaire de priorités. Le gouvernement du Canada n'accorde pas la priorité absolue aux questions environnementales. Les divers ministères du gouvernement s'efforcent de faire ce qu'ils peuvent, mais dans la plupart des cas c'est trop tard et trop peu.

Dans notre rapport de 2003 qui a été publié il y a deux semaines, nous discutons de la gestion des pesticides par les autorités fédérales. Vous et moi savons tous deux ce qui se passe dans le Nord et je partage vos craintes. Même lorsque nous soulevons des questions comme l'emploi des pesticides, que presque tous les Canadiens, nous le savons, utilisent d'une façon ou d'une autre, nous en arrivons à la conclusion que le gouvernement fédéral ne s'acquitte pas de son mandat qui est de protéger la santé du public et l'environnement. On ne réévalue pas les anciens pesticides. J'entends les pesticides qu'on utilisait il y a 50 ans ne font pas l'objet d'une réévaluation par rapport aux normes actuelles. Notre réévaluation concernant les pesticides m'inquiète et me trouble.

Je ne laisse nullement entendre que la question des sites d'immersion en mer n'est pas importante, mais ces sites ne sont qu'une ramification d'un problème plus vaste de gestion de sites contaminés.

Notre bureau en est venu à la conclusion que depuis 10 ans le gouvernement fédéral n'a presque rien fait pour dépolluer ses sites contaminés. La responsabilité du gouvernement fédéral pour atteinte à l'environnement est de l'ordre de 2,5 milliards de dollars.

Dans notre rapport sur les mines abandonnées, nous en sommes venus à la même conclusion. Une des mines avait été construite en se fondant sur l'hypothèse que le pergélisol durerait éternellement. Après quelques années, les ingénieurs ont découvert que le pergélisol fondait et que les déchets en provenance de la mine se répandaient dans toute la région. Il est urgent de remédier à cet état de choses sur-le-champ.

Chaque année nous entendons ces histoires d'épouvante et nous voyons que les problèmes ne sont pas réglés rapidement ni efficacement.

Notre pays est aux prises avec deux questions capitales. Nous devons régler les problèmes du passé et régler ceux de demain.

Vous m'avez demandé quel rôle les parlementaires pouvaient jouer. Je vous dirai respectueusement que vous devez accorder plus d'attention aux stratégies de développement durable parce que ce sont les moyens pour le gouvernement fédéral d'édifier un meilleur monde pour nos enfants.

Si on les néglige, l'environnement et le développement durable continueront d'avoir un faible niveau de priorité pour le gouvernement fédéral.

Mon bureau s'efforce de mettre la question à l'ordre du jour pour faire en sorte d'attirer l'attention des gens mais il y a une limite à ce que nous pouvons faire. Les parlementaires et le grand public doivent participer à la démarche. Il ne faut pas attendre d'être personnellement victimes d'une tragédie pour émettre une opinion.

J'assiste aux séances des comités pour m'assurer que nous acceptons la responsabilité de notre tâche. Notre rôle consiste à veiller à ce que le gouvernement tienne les promesses qu'il a faites. Nous sommes ici pour discuter les engagements que le gouvernement a pris, et pour vous faire savoir si ces engagements ont été tenus.

Je voudrais dire un mot de Santé Canada. Certaines vérifications variées nous ont permis de mettre à jour ce que nous appelons l'hygiène de l'environnement qui englobe des problèmes de santé se rapportant à une condition d'ambiance. Le gouvernement n'a pas reconnu ce problème de santé.

Dans le cadre du programme de l'année prochaine, nous nous pencherons attentivement sur le travail qu'effectue Santé Canada pour connaître quels sont ses projets pour affronter la question de l'hygiène de l'environnement.

Alors que nous préparions la vérification concernant les pesticides, nous avons noté que les données scientifiques ne sont pas toujours disponibles pour permettre de prendre des décisions constructives. Nous avons fait la même déclaration au chapitre concernant les pêches. Nous avons soulevé ces questions et d'autres lorsque nous procédions à notre vérification mais, là encore, nous avons besoin de votre aide. Il faut que vous participiez au suivi afin de veiller à ce que les Canadiens sachent exactement les mesures qui sont prises.

M. Reed: Les 24 ministères fédéraux sont tous tenus de présenter une stratégie tous les trois ans. Nous vérifions ces stratégies. Dans notre rapport de 2002, nous avons conclu qu'en grande partie les stratégies ne sont pas des plans en vue d'un changement mais qu'elles servent en grande partie à codifier des pratiques et plans actuels.

Pêches et Océans Canada est en train de rédiger sa prochaine stratégie. C'est le moment d'influencer leurs projets d'avenir. Ils doivent déposer cette stratégie à la Chambre des communes entre décembre et février.

Si vous en avez l'occasion, vous voudrez peut-être demander au ministère de comparaître devant vous pour demander à leurs représentants quelles mesures différentes ils ont adoptées qui n'aboutiront pas aux mêmes résultats.

Il y a une foule de questions que vous connaissez bien sur lesquelles vous pouvez les interroger: l'aquiculture, la protection des cours d'eau, la protection de l'habitat, la gestion des pêches et ainsi de suite. Vous avez l'occasion de le faire maintenant et cette occasion n'existera plus dans quatre mois.

M. Maxwell: La commissaire vous a montré la stratégie du développement durable. Je vais énumérer certains des engagements qui avaient été pris il y a trois ans.

On avait promis de promouvoir le programme de gestion de l'habitat du poisson, en améliorant la recherche scientifique et en valorisant et soutenant une industrie aquicole durable.

Il y a une longue liste de promesses, cinq buts essentiels, six objectifs et 30 desseins différents. Les parlementaires ont maintes occasions de questionner le ministère sur les résultats qu'il a obtenus.

Le président suppléant: Nous faisons notre possible et nous nous efforçons d'attirer l'attention des hommes politiques, ceux qui normalement sont en mesure de prendre des décisions aboutissant à des résultats.

Parfois ils ne nous écoutent guère. Cela ne veut pas dire que nous ne faisons pas d'efforts et nous allons continuer dans cette voie en tant que comité et je m'assurerai également que notre président, à son retour, prendra connaissance de votre exposé.

Je ne constate pas que des changements aient été apportés depuis 2001, ce qui ne veut pas dire que des initiatives n'ont pas été prises. J'espère que certaines décisions ont été prises, même si elles n'ont pas une grande envergure, à Pêches et Océans Canada et à Santé Canada ainsi que dans d'autres ministères.

J'ai l'impression que ce n'est plus le moment depuis déjà pas mal de temps de poser des questions. Je crois que nous avons franchi cette étape. C'est ainsi que je vois les choses. Des initiatives auraient dû être prises il y a bien des années. Nous avons presque atteint l'étape de la crise. Je crois que vous l'avez extrêmement bien souligné mais sans excès.

À moins qu'il n'y ait une opposition aux groupes d'études et de recherches qui sont suffisamment puissants pour exercer des pressions sur le gouvernement et s'assurer qu'ils vont tenir les promesses faites, à mon avis rien ne changera.

Peut-être ce qu'il va falloir faire, au sein de vos organisations c'est d'envisager sérieusement une restructuration. Vous avez exposé bien des domaines divers où vous avez formulé de vives recommandations, mais les résultats ont été piètres. Peut-être devriez-vous essayer de promouvoir vos recommandations et pas simplement votre organisme. Peut- être devriez-vous lancer des pétitions et demander à d'autres de faire de même.

Ce qui se produit m'inquiète vivement. Demain, nous n'aurons peut-être plus de moyens de subsistance. Nous ne pourrons plus disposer de ce que nous pensions posséder à tout jamais.

Vous parlez de développement durable. Je me rappelle l'époque où le développement durable n'était qu'une simple notion. Je siégeais à l'époque au Conseil de l'Arctique. À cette époque je me demandais si l'on comprenait vraiment le sens de la chose?

Sait-on ce que veut dire le développement durable?

Je ne crois pas que nos hommes politiques comprennent le sens de l'expression parce qu'ils se contentent simplement de faire mine de s'y intéresser.

Vous avez besoin de nous et nous avons besoin de vous. Je crois que nous devrions trouver une solution pour unir nos forces. Si la Chambre des communes n'écoute pas, peut-être devrions-nous trouver la solution par nous mêmes.

Vous faites un bon travail mais à mon avis ce qu'il va probablement falloir faire désormais c'est mettre sur pied un autre organisme qui pourra vraiment faire bouillir la marmite. À mon avis c'est ce qui manque.

Mme Gélinas: Vous avez parfaitement raison, nous devons unir nos efforts. Il doit y avoir certes un moyen de pouvoir regrouper tous nos efforts et faire avancer les choses.

L'année dernière, j'ai parlé d'un déficit environnemental. C'est la première fois qu'on abordait ce sujet. Nous devons veiller à réduire ce déficit et à pouvoir dire, comme nous l'avons fait pour le déficit financier, mission accomplie.

Je tiens à profiter de l'occasion que me procure cette réunion pour offrir mes remerciements à votre comité. Nous essayons d'éveiller la conscience des gens et j'aimerais bien avoir l'occasion de m'adresser à d'autres comités. Vous êtes le seul à m'avoir invitée à deux reprises. J'essaie toujours de trouver un moyen de m'adresser aux autres comités où l'on peut insister sur la nécessité de garder les questions écologiques au programme.

Sénateurs, si vous siégez à d'autres comités, peut-être pourriez-vous nous envoyer une invitation et ainsi donner une chance au Comité des pêches.

Le président suppléant: Je siège également au Comité de l'énergie, l'environnement et les ressources naturelles. J'en parlerai au président pour voir si vous pouvez recevoir une invitation.

L'un des sujets que nous allons aborder a trait au plan d'action concernant l'accord de Kyoto. Comme nous examinons ce sujet, peut-être tâcherons-nous de vous inclure dans la discussion.

Mme Gélinas: Nous avons un chapitre qui traite de ce sujet et nous serions ravis d'assister à cette réunion.

Le président suppléant: Nous ferons l'impossible. Je crois que nous devons nous organiser et devenir un petit peu plus persuasifs, si c'est possible.

Le sénateur Mahovlich: Ma province natale est l'Ontario, et comme vous le savez nous avons un nouveau gouvernement provincial. M. McGuinty a mis un terme à un projet d'aménagement de Oak Ridges Moraine, en amont du lac Ontario.

Êtes-vous au courant de la chose ou travaillez-vous de concert avec la province? Savez-vous si des situations analogues existent ailleurs au pays?

Mme Gélinas: Sénateur, je ne suis pas au courant de cet état de choses. Veuillez s'il vous plaît m'envoyer les renseignements que nous allons certes examiner pour voir si nous avons tenu compte de certaines des questions se rattachant à cette situation précise, dans notre travail de vérification.

Vous pouvez certes recourir aux pétitions ou demander à un de vos électeurs de le faire pour connaître la participation, le rôle et les responsabilités du gouvernement fédéral concernant cet état de choses.

Le sénateur Mahovlich: Je vous enverrai les renseignements parce qu'à mon avis c'est important.

Mme Gélinas: En Ontario nous avons la bonne fortune d'avoir également un commissaire provincial de l'environnement. Vous pouvez nous consulter tous les deux concernant cette question.

[Français]

Le sénateur Robichaud: Votre bureau fait partie du bureau du vérificateur général du Canada, n'est-ce pas?

Mme Gélinas: C'est exact.

Le sénateur Robichaud: Le vérificateur général du Canada se rapporte au Parlement du Canada, n'est-ce pas?

Mme Gélinas: Oui.

Le sénateur Robichaud: Pourquoi votre rapport, «Report of the Commissioner of the Environment and Sustainable Development» est à l'adresse de House of Commons et non pas au Parlement. Il aurait peut-être pu être déposé au Sénat afin que les sénateurs puissent en prendre connaissance et peut-être y donner suite. Je ne veux pas vous embarrasser, mais j'aimerais avoir une explication.

Mme Gélinas: Je suis une agente du Parlement au même titre que la vérificatrice générale du Canada, et mon rapport est déposé à la fois au Sénat et à la Chambre des communes. D'ailleurs, la journée qui précède le rapport, j'informe le président du Sénat. Il est au courant du rapport qui sera déposé le lendemain. Souvent dans le cadre de vos délibérations au Sénat, suite au dépôt de mon rapport, vous ou certains de vos collègues relevez certains aspects du rapport. Le rapport est déposé dans les deux Chambres.

Le sénateur Robichaud: Ce rapport a été déposé?

Mme Gélinas: Oui.

Le sénateur Robichaud: On dit: for the House of Commons.

Mme Gélinas: Je vais vérifier et je vous ferai savoir la subtilité reliée à cela. Je ne pourrais pas vous dire. C'est strictement en fonction de la façon dont la loi a été rédigée.

Le sénateur Robichaud: J'aimerais que le Sénat en prenne connaissance. Je sais que lors du dépôt du dernier rapport de la vérificatrice générale au sujet de la situation qui est arrivée dernièrement, elle est venue donner une séance d'information au leader du gouvernement. Malheureusement il ne pouvait être là et en tant que leader adjoint, c'est moi qui l'ai reçue. Il s'agit d'un rapport au Parlement. Je me posais la question tout simplement. On est un peu jaloux à la Chambre du Sénat et on voudrait avoir le même traitement qu'à la Chambre des communes.

Mme Gélinas: J'espère que ce sera perçu de cette façon. Je n'ai pas de préférence. J'aime être invitée par les deux Chambres.

Le sénateur Robichaud: Peut-être qu'on ne vous invitera plus si vous ne changez pas! Je vous taquine, bien sûr!

[Traduction]

Le président suppléant: Je crois que le sénateur Robichaud a raison. Nous sommes très jaloux. Est-il possible que vous incluiez le sénateur sur votre liste lorsque vous distribuerez votre prochain rapport?

Mme Gélinas: Mon collègue s'enquerra de la chose et nous vous ferons savoir si c'est faisable ou pas.

Le président suppléant: Notre comité le recommande vivement, si nous devons faire preuve d'efficacité.

Mme Gélinas: Êtes-vous en train de me dire que vous ne recevez pas un exemplaire de mon rapport à votre bureau?

[Français]

Le sénateur Robichaud: Ils nous passent des tonnes de documents, et souvent, on demande à nos adjoints ou à nos adjointes de les mettre de côté, et lorsqu'on a un moment libre, on les étudie. Je dois dire que je n'ai pas pris connaissance de tous les documents qui ont passé sur mon bureau et je ne me rappelle pas l'avoir vu. C'est peut-être mon ignorance qui fait que j'ai posé cette question. Si c'est le cas, je m'en excuse, sinon, on aura peut-être des explications des gens qui vous accompagnent.

[Traduction]

Le président suppléant: Je vous remercie de votre excellent exposé. Espérons que lorsque nous allons nous revoir, nous disposerons de plans d'action communs. Il est temps de secouer les ministères; il le faut.

La séance est levée.


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