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Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères

Fascicule 2 - Témoignages du 5 février 2003


OTTAWA, le mercredi 5 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 15 h 37 pour faire une étude et présenter un rapport sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique, et pour examiner un programme provisoire.

Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Soyez les bienvenus. Je prie M. McAlpine de faire son exposé.

M. Rory McAlpine, directeur général intérimaire, Direction des politiques de commerce international, Agriculture et Agroalimentaire Canada: Honorables sénateurs, c'est un plaisir d'être ici pour faire un exposé sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis dans le domaine de l'agriculture.

Compte tenu de la signature de l'Accord de libre-échange (ALE) de 1989, puis de l'ALENA, nous entretenons des relations de libre-échange depuis plus de 10 ans. Au cours de cette période, nos relations commerciales bilatérales dans le secteur de l'agriculture avec les États-Unis ont pris beaucoup d'expansion.

En 1988, juste avant l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, nos exportations commerciales dans le secteur agroalimentaire vers les États-Unis étaient évaluées à 3,4 milliards de dollars et nos importations dans ce secteur, à 4 milliards de dollars. Entre 1988 et 2001, la valeur de nos exportations avait augmenté pour atteindre 16,6 milliards de dollars, ce qui représente une hausse de près de 400 p. 100. Nos importations ont atteint 12,3 milliards de dollars. De ce fait, le Canada est devenu un exportateur net important de produits alimentaires vers les États-Unis, avec un excédent commercial de 4,3 milliards de dollars dans le secteur agricole.

Nous sommes maintenant devenus l'un pour l'autre le marché d'exportation le plus important en ce qui concerne les produits agricoles et alimentaires. Au cours des 12 derniers mois, les États-Unis ont vendu davantage de produits agricoles au Canada qu'au Japon. Cette croissance s'est accompagnée d'une croissance des flux d'investissement et d'une intégration économique accrue à bien des chapitres, notamment en ce qui concerne les chaînes d'approvisionnement et d'autres aspects de la situation économique.

Quelques exemples de réussite méritent d'être mentionnés. Bien que l'on ait prédit sa disparition complète à la suite de l'ALE, l'industrie vinicole canadienne a acquis ses lettres de noblesse à travers le monde. Le secteur canadien de la culture de la tomate en serre a connu un énorme succès et la valeur de ses exportations vers les États-Unis a atteint 275 millions de dollars et a donc été multipliée par 70 depuis l'entrée en vigueur de l'ALE.

En 1988, la valeur des exportations de frites congelées s'élevait à un peu plus de 27 millions de dollars; l'année dernière, elle a atteint un sommet de près de 600 millions de dollars. La valeur des exportations de produits de confiserie vers les États-Unis a décuplé et dépasse maintenant le milliard de dollars.

Si la plupart des échanges commerciaux se font sans entrave, particulièrement en ce qui concerne les produits à valeur ajoutée, ces taux de croissance ont suscité une certaine irritation. Les producteurs américains de porc et de bétail sont préoccupés depuis des années au sujet des importations canadiennes et prennent ponctuellement divers recours commerciaux. C'est un prolongement des plaintes portées vers le milieu des années 80, dues principalement à l'inquiétude suscitée par une croissance constante des importations du Canada.

Le cas le plus typique du changement survenu dans la structure des échanges commerciaux à la suite de l'ALENA est le mouvement du blé canadien vers les États-Unis. Dès le début, les producteurs canadiens, particulièrement ceux du Dakota du Nord, ont manifesté une certaine réticence à accepter les niveaux croissants des importations de blé canadien et ne cessent depuis lors de lancer des attaques contre les pratiques canadiennes de commercialisation des céréales. D'ailleurs, la Commission canadienne du blé et le gouvernement du Canada font actuellement l'objet de mesures américaines d'imposition de droits compensatoires et d'enquêtes antidumping. Nous participons en outre à des consultations avec les États-Unis dans le contexte des procédures de règlement des différends de l'Organisation mondiale du commerce qui pourraient aboutir à la création d'un Groupe spécial.

Ces divers exemples ont pour but de démontrer que la croissance de nos échanges commerciaux a été vigoureuse mais qu'elle ne s'est pas faite sans frictions ni difficultés. Un facteur important a été l'accent particulier mis sur la sécurité aux États-Unis à la suite des attentats du 11 septembre. Dans le contexte de la biosécurité en particulier, les Américains sont de plus en plus préoccupés par les menaces qui pèsent sur leurs ressources agricoles et leurs sources d'approvisionnement en vivres. M. Haddow voudra peut-être donner des informations plus précises à ce sujet.

Un processus efficace a été mis en place dans le cadre de l'initiative Ridge-Manley en ce qui concerne les frontières intelligentes. Cependant, une loi américaine, la Bioterrorism Act de 2002, fait peser une lourde menace sur le commerce des produits agricoles et agroalimentaires. Elle aura des incidences considérables étant donné les 130 points de passage frontalier actuels. Le nombre de passages quotidiens de camions se chiffre par milliers et la plupart des échanges dans ce secteur sont fondés sur le principe de la livraison «juste à temps».

En ce qui concerne la politique agricole, nos préoccupations récentes ont été centrées sur le U.S. Farm Bill, qui est entré en vigueur l'été dernier. À notre grande consternation et à celle de nombreux autres pays, cette loi américaine a donné un statut officiel à des subventions agricoles d'un niveau élevé. En fait, ces subventions, qui étaient accordées sur une base ponctuelle, sont confirmées pour les six prochaines années.

Nos préoccupations au sujet de cette loi sont liées aux risques qu'elle comporte de fausser de façon marquée la concurrence sur les marchés internationaux et le signal négatif qu'elle transmet en ce qui concerne les négociations de l'OMC sur l'agriculture.

Au cours des derniers mois, la hausse des prix de nombreux produits due à la sécheresse a contribué à atténuer les incidences de cette loi. Par exemple, cette hausse des prix a entraîné une diminution du montant des paiements dans le cadre des programmes de prêts; la menace pour la stabilité à long terme du commerce mondial des produits agricoles subsiste toutefois.

Un des éléments du farm bill qui nous préoccupe tout particulièrement est la disposition relative à l'étiquetage du pays d'origine en ce qui concerne divers produits. Cette mesure est actuellement appliquée sur une base volontaire, mais elle deviendra obligatoire en septembre 2004, à moins que la loi ne soit modifiée. Cette disposition pourrait avoir de graves conséquences sur le commerce de certaines denrées comme le boeuf, le porc, les fruits et les légumes, et le poisson frais. Nous tentons de faire abroger cette loi en étroite collaboration avec le secteur agricole canadien, divers groupes consultatifs commerciaux et les provinces.

En ce qui concerne l'avenir, je mentionnerai que le cadre stratégique pour l'agriculture qui sera mis en oeuvre au cours du prochain exercice fait prendre des distances à notre secteur à l'égard des subventions qui faussent le commerce et de la gestion des crises. Il constitue pour nous une base sur laquelle nous pouvons nous appuyer pour encourager les États-Unis à envisager sérieusement d'autres approches pour soutenir leur secteur agricole.

En vertu de ce cadre stratégique, nous avons entrepris une campagne active. Nous faisons la promotion active de nos intérêts en ce qui concerne l'accès aux marchés et aux échanges commerciaux avec les États-Unis dans le secteur agricole, dans le but d'inciter les législateurs et les groupements agricoles américains à prendre conscience des avantages de l'intégration du marché nord-américain.

Nous mettons également l'accent sur le développement des marchés aux États-Unis, en mobilisant des ressources pour établir davantage notre image de marque et faire connaître les produits agricoles canadiens. Dans le cadre de cette initiative, nous avons établi un nouveau mandat portant sur la promotion du poisson et des fruits de mer, notamment par la création d'un nouveau poste de spécialiste dans ce secteur à notre consulat de Boston.

Nous poursuivrons activement nos efforts de collaboration avec les États-Unis dans diverses tribunes consultatives. Un mécanisme efficace, appelé Comité consultatif canado-américain sur l'agriculture, a été mis en place; ce comité se réunit tous les six mois pour examiner diverses questions liées au commerce des produits agroalimentaires. Outre la réunion au niveau des sous-ministres, un mécanisme de consultation entre les provinces canadiennes et les États américains a été mis en place dans ce secteur. De nombreux groupes de travail sectoriels (notamment dans le secteur de la pomme de terre et de la tomate) s'avèrent très efficaces en ce qui concerne l'échange d'information.

Monsieur le président, ce sont là les commentaires que j'avais à faire en ce qui concerne nos relations avec les États- Unis. Je voudrais maintenant faire quelques commentaires au sujet de nos échanges commerciaux avec le Mexique.

[Français]

Concernant la relation avec le Mexique, la croissance des échanges agricoles entre le Canada et le Mexique a également été impressionnante au cours de la période de dix ans qui s'est écoulée depuis l'entrée en vigueur de l'ALENA en 1994. Les exportations canadiennes vers le Mexique ont connu une croissance exponentielle depuis la signature de l'ALENA.

En 1993, les exportations canadiennes de produits alimentaires vers le Mexique étaient, selon les estimations, de 237 millions de dollars. En 2001, les exportations sont passées à 948 millions de dollars.

Les agriculteurs mexicains ont bénéficié d'une amélioration du commerce avec le Canada. L'année dernière, nous avons importé des produits d'une valeur de 441 millions de dollars.

Il y a encore beaucoup à faire pour accroître nos exportations vers le Mexique. Le 1er janvier 2003, le Mexique a éliminé ses droits de douane pour la plupart des produits agricoles.

Parmi les produits canadiens visés par des droits de douane ou des contingents tarifaires en 2002 et qui bénéficient maintenant d'un accès en franchise au marché mexicain, il y a la viande de porc, les pommes de terre, les pommes, l'orge, le blé, les oléagineux et les produits de confiserie.

Bien que recueillant des avantages importants de l'augmentation des exportations de produits agricoles vers les marchés des États-Unis et du Canada, les producteurs mexicains ont exercé des pressions considérables sur leur gouvernement afin de contrer l'élimination des droits de douane dans le cadre de l'ALENA, lequel est entré en vigueur le 1er janvier.

La fin de semaine dernière, il y avait des manifestations des agriculteurs mexicains pour démontrer leur mécontentement au sujet de l'élimination de la protection. Dans le but d'apaiser les producteurs et d'atténuer les effets de la réduction des droits de douane du Mexique, le président Fox a présenté en novembre dernier un ensemble de mesures de financement des produits agricoles sous le titre de «blindage agricole», en fait, c'est un «farm bill» mexicain. C'est un programme de mesures qui va essayer de relever la productivité et la compétitivité du secteur agricole mexicain.

Le budget total pour ce programme de subsides a une valeur de 11 milliards de dollars américains et ce budget est supérieur de 21 p. 100 à celui qui a été entériné à des fins de soutien agricole et de développement rural en 2002.

Compte tenu du fait que seulement le budget de «blindage agricole» a été approuvé à ce jour et que toutes ces composantes n'ont pas été mises au point, nous faisons une analyse pour bien en comprendre l'impact.

Malgré la croissance de nos exportations de produits agricoles, le Canada demeure confronté à une litanie récurrente d'entraves réglementaires et techniques à la frontière mexicaine. Une initiative importante et fructueuse soutenue par les provinces a résidé dans la mise en place d'un représentant en matière de dédouanement en mesure d'aider sur place les exportateurs canadiens afin de régler les problèmes à la frontière entre le Mexique et les États-Unis.

Nous continuerons d'élaborer conjointement un meilleur cadre consultatif et des instances qui se prêtent à l'édification de relations plus productives et reposant davantage sur la collaboration dans ce secteur. L'an passé le ministre Vanclief a signé un accord de coopération en matière agricole avec son homologue mexicain, le secrétaire Usabiaga en janvier 2002.

Le volume du commerce de produits agricoles est considérablement en croissance et de ce fait, l'efficacité de fonctionnement de nos contextes réglementaires respectifs et leurs incidences sur le mouvement des biens revêt une importance prééminente. J'aimerais inviter les membres du comité à soumettre des questions. Mon collègue, M. Haddow, vous répondra sur les questions impliquant le sanitaire et le phytosanitaire.

[Traduction]

Le président: Je voudrais poser une petite question. Je présume que, en raison des échanges commerciaux de produits agricoles avec le Mexique, les Mexicains produisent généralement des produits différents des nôtres. Ils ont un gros problème d'approvisionnement en maïs et en riz. Exportons-nous du maïs et du riz au Mexique? Le principal sujet de controverse ne serait-il pas lié aux fruits et légumes mexicains et aux fruits et légumes californiens? Je me le demande.

Au cours de la Seconde Guerre mondiale, les Américains ont adopté la loi 43 et subventionné les exportations de blé vers le Mexique, torpillant ainsi la production mexicaine de blé. Nos exportations vers le Mexique dans ce secteur sont- elles principalement axées sur les céréales?

M. McAlpine: Oui.

Le président: On n'y produit pas beaucoup de blé, si je ne me trompe.

M. McAlpine: C'est bien cela. Le Mexique importe beaucoup de blé et de colza canola. La valeur de nos exportations de viande de porc et de boeuf augmente également. En fait, le Mexique est un gros producteur de porc et de boeuf mais il n'a pas encore atteint notre niveau. Les producteurs mexicains sont encore aux prises avec des difficultés liées à la santé des animaux et la compétitivité.

Nos importations sont dans une certaine mesure complémentaires, étant donné que le Mexique est un producteur important de fruits et de légumes frais; nous en importons de grandes quantités au Canada en hiver.

Le sénateur Graham: Vous avez mentionné que, depuis la mise en place de l'ALE, les États-Unis et le Canada étaient devenus l'un pour l'autre les principaux exportateurs de produits alimentaires. Quelle était la situation avant la mise en oeuvre de cet accord? Vous avez mentionné que, depuis l'entrée en vigueur de cet accord, nous étions devenus l'un pour l'autre les principaux exportateurs de produits alimentaires. Quels étaient nos principaux clients ou partenaires avant cela?

M. McAlpine: Je n'ai pas les chiffres correspondants sous les yeux. J'ai toutefois la quasi-certitude qu'avant la mise en place de cet accord, les États-Unis étaient déjà notre principal marché d'exportation dans le secteur agroalimentaire. Je suis toutefois certain que nous étions un marché d'exportation beaucoup moins important pour les États-Unis. Pendant des années, le Japon a été son principal marché d'exportation. Nous pourrons toutefois vous communiquer cette information plus tard.

Le sénateur Graham: Je me demande pourquoi vous avez mentionné que nous étions devenus l'un pour l'autre les principaux marchés d'exportation.

Le président: En fait, le sénateur Graham voudrait savoir si l'ALE a eu des incidences à cet égard.

M. McAlpine: Nous sommes devenus pour les États-Unis un marché d'exportation plus important que le Japon en ce qui concerne les produits agricoles et agroalimentaires américains. Les États-Unis ont toujours constitué un marché d'exportation très important en ce qui nous concerne, mais il est indéniable qu'ils le soient devenus encore davantage. Je pense que la valeur de nos exportations dans ce secteur vers les États-Unis représente 67 p. 100 de la valeur totale de nos exportations agricoles, soit un degré de dépendance beaucoup plus élevé à l'égard de ce marché qu'avant la mise en place de l'ALE.

Le sénateur Graham: Il serait utile que vous nous communiquiez ces chiffres. Il est important d'être pleinement conscients des incidences de l'Accord de libre-échange.

Parmi les denrées pour lesquelles vous avez signalé un accroissement considérable des exportations canadiennes, vous avez mentionné les frites, et je présume qu'il s'agit principalement de celles produites par la société McCain. Vous avez également mentionné le blé, le boeuf, le porc, les fruits et divers autres produits, mais pas les pommes de terre. Dans la région de l'Atlantique, nous sommes préoccupés par les difficultés des cultivateurs et des exportateurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard.

J'aimerais que vous fassiez des commentaires à ce sujet et que vous signaliez si nous avons vaincu ces difficultés. Des difficultés semblables surviendront-elles à nouveau de temps à autre et constituent-elles davantage un irritant qu'un problème grave?

M. McAlpine: Le volume des exportations de pommes de terre canadiennes aux États-Unis et des importations de pommes de terre américaines au Canada augmente de plus en plus. Certaines difficultés liées à des maladies ont surgi au cours des dernières années et ont entraîné des problèmes commerciaux.

Nous avons des difficultés analogues avec le Mexique; notre accès au marché mexicain a été compromis par des différends liés à des obstacles techniques.

M. Haddow pourrait peut-être donner des informations supplémentaires sur les mesures réglementaires qui sont prises pour tenter de régler ces problèmes techniques.

M. Paul Haddow, directeur exécutif, Affaires internationales, Agence canadienne d'inspection des aliments: Honorables sénateurs, il est nécessaire à ce propos de tenir compte des répercussions qu'a eu le libre-échange sur les producteurs de pommes de terre. Si nous exportons de beaucoup plus grosses quantités de frites aux États-Unis, c'est que les ventes de ce produit dans ce pays ont considérablement augmenté.

D'après les chiffres les plus récents, les ventes de pommes de terre au Mexique sont évaluées à 2,3 millions de dollars. Ce n'est peut-être pas énorme à première vue, mais les ventes dans ce secteur étaient pour ainsi dire inexistantes.

C'est un secteur où des difficultés se posent, difficultés qui sont notamment attribuables à la complexité des règlements phytosanitaires. Comme nous, le Mexique se trouve dans l'obligation de s'appuyer sur des données scientifiques. Le système mexicain est soumis à de nombreuses pressions à cause de la libéralisation des échanges dans le contexte de l'ALENA. Le Mexique importe davantage de produits agricoles étrangers et son système réglementaire est soumis à diverses pressions ayant pour but d'interdire l'importation de certains produits. Les relations que nous entretenons avec nos homologues mexicains en matière de réglementation, non seulement dans le secteur de la pomme de terre mais dans d'autres secteurs, sont des relations qui doivent être suivies de près. Nous devons faire preuve de vigilance pour nous assurer que les mesures réglementaires mises en place par les Mexicains sont fondées sur des données scientifiques. Nous avons constaté que les autorités mexicaines ont de plus en plus tendance à mettre en place certaines mesures prétendument justifiées par des données scientifiques qui s'avèrent en fin de compte dénuées de tout fondement scientifique. Nous avons consacré beaucoup de temps à la gestion des dossiers mexicains.

Le sénateur Graham: Ou je ne m'explique pas bien, ou je n'ai rien compris. À deux ou trois reprises au cours des deux dernières années, les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince-Édouard ont été littéralement attendus à la frontière américaine et les chargements ont été refoulés. Peut-on prévoir que de tels incidents se produiront tous les ans ou fait-on le nécessaire pour qu'ils ne se reproduisent plus? Les producteurs de pommes de terre de l'Île-du-Prince- Édouard affirment que leur produit est sain et de bonne qualité, comme ont d'ailleurs pu le constater les Canadiens. En fait, leur produit est d'aussi bonne qualité que ceux des autres producteurs, voire le meilleur à l'échelle mondiale. Ils pensent toutefois que nos partenaires commerciaux américains leur font la vie dure.

M. Haddow: En ce qui concerne l'affaire de la gale verruqueuse de la pomme de terre qui remonte à quelques années, cette maladie était cantonnée à une zone restreinte d'un champ. L'incident a été hautement politisé et il n'aurait pas pu éclater à pire moment étant donné qu'on était en pleine période électorale au Canada et aux États-Unis. Les producteurs de pommes de terre américains ont voulu exploiter la situation à fond au cours de la période précédant la date des élections dans leur pays. D'après de nombreux observateurs, c'était un constat d'échec en ce qui concerne l'ALENA.

La maladie a touché l'Île-du-Prince-Édouard et le Maine, deux régions où la culture de la pomme de terre occupe une place très importante et ce, au cours d'une période électorale dans les deux pays, et pendant un changement d'administration aux États-Unis. Lorsque nous avons tenté de régler le problème avec les autorités américaines, c'était en pleine période de changement ministériel. En outre, le changement de gouvernement aux États-Unis a entraîné le déplacement de nombreux fonctionnaires. On ne pouvait pas établir un contact avec le sous-ministre par l'intermédiaire du biologiste parce qu'il n'y avait plus d'intermédiaire.

La question a finalement été réglée. Notre agence a prélevé 12 000 échantillons afin de convaincre les scientifiques américains qu'il s'agissait d'un problème très localisé. Nous les avons convaincus. Nous ne pensons pas que ce type d'incident se reproduise régulièrement. Nous pensons que les producteurs de l'Île-du-Prince-Édouard n'ont pas à le craindre.

Le sénateur Graham: Cette question concerne des renseignements qui pourront être communiqués à une date ultérieure. Vous avez mentionné un accroissement des importations du Mexique depuis l'entrée en vigueur de l'Accord de libre-échange, mais vous n'avez pas cité de chiffres à propos de la valeur des importations avant cette date. Ces chiffres seraient très utiles, monsieur McAlpine.

M. McAlpine: En 1993, la valeur de nos importations de produits agroalimentaires du Mexique s'élevait à 175,5 millions de dollars. En 2001, elle atteignait 441,9 millions de dollars.

Le sénateur Graham: Les chiffres qui m'auraient intéressé sont ceux qui concernent par exemple l'année 1988, ou l'année 1986.

M. McAlpine: Nous pourrons les communiquer.

Le sénateur Di Nino: Monsieur Haddow, je voudrais vous poser une question qui se greffe à celle que mon collègue de l'Île-du-Prince-Édouard a posée au sujet de la pomme de terre. N'avez-vous pas mentionné que vous aviez prélevé 12 000 échantillons pour convaincre les Américains que ce problème était très localisé et qu'il ne touchait pas toute la province?

M. Haddow: C'est bien cela.

Le sénateur Di Nino: Les Américains ont-ils accepté les résultats de ces tests d'emblée ou ont-ils effectué eux-mêmes des tests?

M. Haddow: Ils ont peut-être fait une vérification de notre technique d'échantillonnage, mais ils ont essentiellement accepté les résultats de nos tests. Les relations entre les responsables de la réglementation phytosanitaire et leurs homologues américains sont excellentes.

Le sénateur Di Nino: Est-il normal d'accepter d'emblée les résultats de tests? Les normes américaines et les normes canadiennes en matière de tests sont-elles semblables ou équivalentes? Les Américains et les Canadiens se font-ils mutuellement confiance?

M. Haddow: Cela fait beaucoup de questions. En ce qui concerne la gale verruqueuse de la pomme de terre, nous avons demandé à nos homologues américains quelles preuves ils souhaiteraient que nous leur fournissions pour les convaincre que le problème était très localisé, cantonné à une zone restreinte d'un champ de pommes de terre.

De puissantes pressions politiques les incitaient à tarder à agir. Si j'ai bonne mémoire, les prix des pommes de terre étaient très bas et l'on invoquait n'importe quelle excuse. Nous voulions régler le problème sur des bases scientifiques et les Américains ont finalement accepté notre proposition telle que prévue dans notre plan d'échantillonnage. Nous leur avons demandé s'ils seraient convaincus si nous prélevions un nombre donné d'échantillons, selon un plan d'échantillonnage précis, pour produire des chiffres auxquels serait lié un niveau de tolérance et un écart-type donnés. Les scientifiques ont apporté quelques légères modifications à notre plan d'échantillonnage et ont reconnu que, tout compte fait, il s'agissait d'un excellent plan; nous avons donc prélevé les échantillons et avons communiqué les résultats aux scientifiques américains.

Le sénateur Di Nino: Je suis tout particulièrement intéressé par une analyse de la situation dans le contexte des événements du 11 septembre. M. McAlpine a d'ailleurs fait quelques commentaires à ce sujet. Je pense que vous avez mentionné la nouvelle U.S. Bioterrorism Act ainsi que la question de la biosécurité. De toute évidence, un certain nombre de changements surviendront à la suite de ces événements. À quel niveau pensez-vous qu'un problème pourrait se poser? Sur quels aspects pensez-vous que nous devrions insister dans le cadre de notre examen de ces questions au cours des deux ou trois prochains mois? Où conviendrait-il que nous cherchions des réponses ou, du moins, quelles seraient les questions pertinentes à poser pour avoir une meilleure compréhension du problème et faire éventuellement des recommandations au gouvernement du Canada?

M. McAlpine: Je ferai quelques commentaires puis je céderai la parole à M. Haddow, qui a une meilleure connaissance du problème sous l'angle de la réglementation.

Il est indéniable que le secteur alimentaire américain, y compris le secteur agricole, est très préoccupé par les menaces liées au bioterrorisme et, à mon avis, par celles liées aux épizooties, en raison des épidémies de fièvre aphteuse et d'encéphalopathie spongiforme des bovins en Europe, et des problèmes qu'elles ont engendrés.

Dans le contexte des échanges commerciaux dans le secteur agricole, notre préoccupation majeure à l'heure actuelle est liée à la U.S. Bioterrorism Act, et en particulier aux mesures qui exigeraient une notification préalable des livraisons canadiennes de produits agroalimentaires aux États-Unis — avant l'arrivée à la frontière — ainsi que l'enregistrement des installations canadiennes de transformation, de production et de stockage de produits alimentaires qui pourrait intervenir dans les échanges commerciaux entre les deux pays.

Le sénateur Di Nino: Ces exigences sont-elles liées à la sécurité?

M. McAlpine: Oui. Les Américains veulent être en mesure de savoir quels produits alimentaires sont importés dans leur pays et à quelle date. En cas de risques de contamination, ils seraient en mesure de faire un ciblage et un déploiement plus judicieux des ressources nécessaires pour se prémunir.

En outre, une coopération très efficace a été instaurée dans le cadre de l'initiative des frontières intelligentes et, au cours de la deuxième étape de cette initiative, les discussions porteront notamment sur la coopération dans le contexte de la lutte au bioterrorisme. Je devrais peut-être céder la parole à M. Haddow, dont les activités sont plus étroitement liées à certains de ces domaines.

M. Haddow: Vous avez posé une question très pertinente, sénateur. C'est un sujet très important. Les attentats du 11 septembre ont provoqué un changement radical pour bien des gens. Les menaces qui pèsent sur les États-Unis nous concernent également. Avant même que la situation ne dégénère à ce point en ce qui concerne l'Irak, les États-Unis étaient sur un pied de guerre contre le bioterrorisme et le terrorisme. La National Academy of Sciences a été chargée de faire des rapports très fouillés sur le bioterrorisme agricole. C'est le type de terrorisme qui a permis de créer un foyer de maladie du charbon et de la propager à une vaste région, avec toutes les conséquences que cela peut avoir non seulement sur la santé et la vie humaines, mais aussi sur le plan économique. Les États-Unis font un examen très rigoureux de leur système de réglementation.

Le Royaume-Uni par exemple a dû débourser environ 10 milliards de livres pour enrayer l'épidémie de fièvre aphteuse. La réglementation doit être différente selon qu'il s'agit d'un accident ou d'un acte volontaire. Quel organisme serait chargé d'intervenir au Canada? La GRC ou l'ACIA? Faut-il traiter cela comme une épizootie ou examiner le problème sous l'angle médico-légal? C'est le type de question qu'il est nécessaire de se poser. C'est ce que l'on fait actuellement aux États-Unis et au Canada.

M. McAlpine a mentionné l'initiative de la frontière intelligente coprésidée par le secrétaire Ridge et par le vice- premier ministre Manley. C'est un exercice très fructueux. La première étape de cette initiative est axée sur les problèmes de frontières, sur l'instauration d'une frontière intelligente, sur le relevé des passages par ordinateur et le mouvement des camions aux frontières. On s'est rendu compte qu'il était inutile d'établir des laissez-passer informatisés si on n'harmonisait pas les deux systèmes en ce qui concerne la salubrité des aliments, la santé des animaux et la santé des plantes. Il n'est pas indispensable pour autant d'établir des politiques ou des normes rigoureusement identiques mais, comme vous l'avez mentionné, il est indispensable de créer un climat de confiance réciproque.

Avec l'aide de nos collègues d'Environnement Canada, de Santé Canada et d'Agriculture Canada et de nos homologues américains, nous tentons de déterminer les mesures à prendre pour établir la collaboration nécessaire dans le domaine de la réglementation pour assurer la sécurité de la frontière tout en instaurant une frontière intelligente permettant un passage rapide étant donné que, comme l'a signalé M. McAlpine, on enregistre un passage de camion à la frontière toutes les deux secondes et demie. Le gouvernement a un plan et je pense que c'est une question importante qui mérite l'attention de votre comité.

Le deuxième exemple mentionné par M. Alpine est la Bioterrorism Act américaine dont les dispositions modifient considérablement les formalités frontalières. Tout chargement doit être notifié d'avance. La situation sera différente en ce qui concerne par exemple les importations de Chine qui arrivent par navire à la cadence d'un par semaine, pour un voyage d'une durée d'un mois et le transport par camion, à une cadence de 7 000 passagers par jour.

Nous avons eu une réunion hier avec les représentants de la Food and Drug Administration. Nous les poussons à dévoiler leurs plans. Nous reconnaissons la nécessité d'accroître la sécurité des frontières. Nous voulons toutefois éviter de perturber inutilement le flux des échanges commerciaux entre les deux pays. Les efforts de règlement de ces problèmes entre le Canada et les États-Unis sont menés sur plusieurs fronts et nous pensons que ce sera une priorité au cours des 12 ou 18 prochains mois.

Le président: C'est très intéressant. C'est une question qu'il est nécessaire d'étudier de plus près.

Le sénateur Mahovlich: Vous avez mentionné les tomates vertes. Je suis originaire du Nord où l'on considère que les tomates vertes sont des tomates rouges qui ne sont pas mûres. Quelles sont les raisons de cet engouement subit pour les tomates vertes? Vendons-nous des tomates rouges qui ne sont pas mûres aux Américains?

M. McAlpine: J'ai mentionné les tomates de serre. Ce sont des tomates qui sont produites pendant toute l'année. Elles sont mûres quand elles sont expédiées. Il ne s'agit donc pas de tomates vertes.

Le sénateur Mahovlich: Je suis désolé. Je pensais que vous vendiez des tomates vertes aux Américains.

M. McAlpine: On dit aussi parfois «cultivées sous verre». Ce sont des tomates cultivées en serre.

Le sénateur Mahovlich: Il s'agit donc de tomates de serre.

L'utilisation du transport ferroviaire pour les exportations a-t-elle augmenté par rapport à celle du transport routier? Ne serait-il pas plus facile d'utiliser le transport ferroviaire, en raison des difficultés de passage aux frontières? Le degré d'utilisation de ce mode de transport a-t-il augmenté?

M. McAlpine: Nous pourrions probablement communiquer des chiffres sur le trafic ferroviaire, le trafic routier et les autres modes de transport. Je crois que le mouvement des marchandises a augmenté en ce qui concerne les différents modes de transport. Le transport ferroviaire intervient principalement dans le transport des céréales. Le transport du grain de l'ouest du Canada vers les États-Unis est assuré principalement par wagon-trémie. J'ignore dans quelle proportion ce mode de transport intervient dans le transport des céréales de l'est du Canada. Nous pourrons nous informer à ce sujet.

Le sénateur Mahovlich: A-t-on enregistré une augmentation du volume du transport ferroviaire depuis le 11 septembre?

M. McAlpine: Je ne le pense pas. Les exigences sont les mêmes en ce qui concerne les divers modes de transport et, par conséquent, le transport ferroviaire n'est pas soumis à un contrôle moins rigoureux à la frontière.

Le sénateur Day: Je voudrais une clarification, puis je poserai les deux types de questions que je voudrais poser. Si j'ai bien compris, vous avez mentionné qu'à l'heure actuelle, la valeur de nos exportations vers le Mexique est le double de la valeur de nos importations en provenance de ce pays. Est-ce bien cela? Je sais que vous nous communiquerez les chiffres plus tard, mais je voudrais m'en assurer.

M. McAlpine: Je pense que la proportion est encore plus élevée. La valeur de nos exportations vers le Mexique est trois fois et demie plus élevée que celle de nos importations, mais c'est encore relativement peu. Les possibilités d'accroissement des échanges entre les deux pays restent considérables.

Le sénateur Di Nino: Est-ce bien des échanges dans le secteur agricole qu'il s'agit?

M. McAlpine: Oui.

Le sénateur Day: Vous nous communiquerez les chiffres puisque le sénateur Graham vous l'a demandé. Ce sera intéressant.

Vous avez abordé tout à l'heure la question des obstacles non tarifaires. Étant donné que je suis originaire du Nouveau-Brunswick, je suis au courant des problèmes liés au passage des plants de pomme de terre à la frontière. Je voudrais toutefois aborder la question de l'inspection des grumes en provenance du Maine qui sont importées au Nouveau-Brunswick, inspection fondée sur des règlements phytosanitaires.

On a instauré un processus d'interchangeabilité puisqu'on a interdit l'importation au Canada des grumes qui n'avaient pas été déclarées exemptes de parasites par des inspecteurs américains. Cette décision n'était pas fondée sur une inspection faite par un Canadien. S'agit-il d'un processus d'interchangeabilité au niveau de l'inspection phytosanitaire et est-ce une mesure spéciale qui ne s'applique qu'à certains produits? Pourriez-vous me communiquer quelques renseignements sur ce processus?

M. Haddow: Je n'ai pas d'informations précises à ce sujet. Je n'ai que de vagues souvenirs.

Nous nous efforçons de mettre en place une réglementation plus intelligente. Nous avons tendance à mettre cette réglementation en application, notamment dans le domaine phytosanitaire, bien avant l'arrivée de la marchandise à la frontière. Au lieu de faire des inspections à l'arrivée au Canada, nous avons tendance à établir le point d'inspection à un endroit de plus en plus proche du point de départ de la marchandise. Il est ridicule de refouler la cargaison d'un navire dans le port de Montréal quand il est possible de faire l'inspection au port de départ. C'est donc ainsi que nous avons tendance à procéder. C'est dans cette optique que nous passons parfois des ententes avec d'autres services d'inspection auxquels nous faisons confiance. J'ai mentionné tantôt que nous avions confiance dans les aptitudes scientifiques du personnel de l'APHIS de l'USDA. Nous avons confiance dans les inspections qu'ils font à notre place et ils ont confiance dans les nôtres. C'est ainsi que l'on peut accroître l'efficacité de la frontière.

Le sénateur Day: Ce système est-il appliqué à certains produits en particulier ou est-il généralisé?

M. Haddow: Il est appliqué à certains produits, dans les cas où c'est utile et où les effectifs locaux nécessaires sont en place.

Le sénateur Day: Cette façon de procéder pourrait toutefois présenter certains risques. Par exemple, dans le Maine, certaines personnes pourraient préférer que les grumes en question ne quittent pas les États-Unis. Les inspecteurs pourraient alors procéder avec plus de lenteur et en retarder l'exportation. C'est le type de plaintes qui sont parfois formulées. On signale par ailleurs que lorsque les intéressés tiennent absolument à vendre leur marchandise, l'inspection est peut-être un peu moins stricte. Comment peut-on s'assurer que nos partenaires n'ont pas recours à des obstacles comme ceux-là qui ne reposent pas sur des considérations scientifiques?

M. Haddow: La nature humaine étant ce qu'elle est, l'intervention de considérations non scientifiques dans ces processus est toujours possible.

Comme je l'ai mentionné, l'objectif est d'accroître l'efficacité de la frontière. Nous sommes très réceptifs lorsqu'on nous signale que ces façons de procéder ont l'effet opposé. Les personnes dont les attentes n'ont pas été remplies ne tardent généralement pas à communiquer avec nous. Si vous en connaissez qui hésitent à nous appeler, encouragez-les à le faire pour nous exposer le problème. La situation pourrait être due à un simple problème de gestion aux États-Unis ou peut-être au fait que cette façon de procéder n'a aucun sens dans ce cas particulier.

Nous sommes prêts à remettre en question les ententes qui ne répondent pas aux attentes.

Le sénateur Day: Le chargement d'un camion doit être inspecté par un inspecteur impartial. Cette exigence peut entraîner des frais supplémentaires considérables. C'est la règle qui est appliquée. On nous a dit par exemple que certains inspecteurs sont établis dans le sud d'un État et que, puisqu'ils doivent faire un déplacement vers le nord, vers le lieu de production, ils ne font leurs tournées d'inspection que le mercredi, entre 14 et 15 heures par exemple. Ce sont des situations qui font l'objet de nombreuses plaintes.

Je suis heureux d'apprendre que vous êtes prêts à réagir. C'est le type de plainte que j'entends depuis un certain temps. Je présume que votre réaction n'a pas encore convaincu les intéressés de la nécessité de modifier leurs habitudes.

M. Haddow: Je vous autorise à leur communiquer mon nom, sénateur.

Je signale que les efforts que nous faisons pour éviter l'introduction d'épizooties et de maladies des plantes au Canada ont toujours fait l'objet d'un certain nombre de plaintes. Les inspections sont nécessaires mais elles comportent peut-être des inconvénients. Nous faisons tout pour qu'elles soient efficaces, mais nous ne pouvons pas nous abstenir de faire des inspections parce que les personnes qui voulaient importer les grumes, par exemple, nous reprocheraient d'en avoir autorisé l'importation si elles étaient contaminées par une maladie qui se propagerait rapidement dans nos forêts.

C'est le mandat qui nous a été confié dans ce domaine et nous tentons de nous en acquitter en tenant compte autant que possible des impératifs commerciaux. Notre mandat consiste essentiellement à protéger la santé des plantes et des animaux.

Le sénateur Day: Je comprends la raison fondamentale de cette démarche et je vous félicite pour vos efforts. Je signale toutefois que permettre à un non-Canadien de faire l'inspection à votre place sur des produits destinés à l'importation au Canada comporte des risques qui seraient évités si cette tâche était confiée à un Canadien ayant à coeur les intérêts du Canada.

L'autre question que je voulais vous poser concerne les produits de la pêche. Il semblerait que les importations massives de saumon d'élevage en provenance du Chili sur le marché de Boston et de la Nouvelle-Angleterre aient entraîné la destruction quasi totale du secteur de l'élevage du saumon en Nouvelle-Écosse et au Nouveau-Brunswick. Nous n'avions aucun recours parce que les entreprises canadiennes ne peuvent pas se prévaloir de la législation américaine antidumping. La population de Boston et de la Nouvelle-Angleterre était, bien entendu, heureuse de pouvoir acheter le produit à très bas prix.

Que pourrions-nous faire éventuellement dans ce type de situation?

M. McAlpine: C'est effectivement le cas. Je tiens toutefois à préciser que les questions de politique commerciale et d'accès aux marchés portant sur le poisson et les fruits de mer ont été confiées au ministère des Pêches et des Océans. Le nouveau mandat attribué à Agriculture et Agroalimentaire Canada au cours des derniers mois concerne la promotion des exportations. Je pense toutefois que votre observation est très pertinente. C'est un phénomène que l'on observe dans d'autres situations où, en raison de l'intégration accrue du marché nord-américain, nos intérêts en matière d'exportation sont parfois court-circuités par les pratiques de dumping d'autres pays ou par d'autres facteurs intervenant sur le marché américain.

Les États-Unis ont certes une forte propension à utiliser des recours commerciaux dans le secteur agricole, contre le Canada ou contre d'autres partenaires commerciaux. Je ne suis pas très bien informé sur cette affaire et j'ignore si les États-Unis ont pris des mesures pour enrayer le dumping de poissons ou de fruits de mer étrangers sur leur marché. Je ne pense pas pouvoir vous donner des informations plus précises concernant une approche quelconque. M. Thomson est peut-être en mesure de le faire.

M. Ian Thomson, directeur intérimaire, Division de la gestion commerciale de l'hémisphère occidental, Agriculture et Agroalimentaire Canada: On peut toujours faire preuve de créativité. Si les aquiculteurs canadiens sont touchés, on peut présumer que les producteurs américains, qu'il s'agisse de ceux de la côte Ouest, de la côte Est ou de toute autre région, le sont également. La collaboration avec leurs homologues américains pour chercher une solution au problème serait peut-être une solution créatrice.

Le président: Y a-t-il un certain rapport avec les règles d'origine? Cette situation n'est-elle pas prévue dans les règles d'origine? Autrement dit, il est interdit d'importer dans un pays partie à un accord de libre-échange un produit provenant d'un pays tiers sans en révéler l'origine. N'est-il pas possible de trouver une solution à ce niveau?

Le sénateur Day: Les règles d'origine s'appliquent dans un contexte tarifaire mais, on a davantage tendance à conclure des accords bilatéraux qu'un accord panaméricain. S'il s'agissait d'un accord panaméricain, tous les pays en seraient parties. S'il s'agissait d'un pays tiers extérieur aux deux parties à l'accord, le problème pourrait être facilement réglé. Cependant, lorsque plusieurs accords bilatéraux sont en place — et que les activités se déroulent dans un pays tiers, c'est-à-dire aux États-Unis —, les possibilités de solution dans le contexte de l'accord Canada-Chili sont beaucoup plus restreintes.

Je tenais à mentionner qu'il semblerait que les pays aient davantage tendance à conclure des accords bilatéraux que des accords plus globaux qui permettraient peut-être d'éviter ce type de situation.

Le président: Honorables sénateurs, nous avons dépassé le délai dont nous disposions pour ce groupe de témoins. Les témoins suivants sont arrivés.

Nous avons examiné la question de la sécurité d'accès pour les produits et les services canadiens plutôt que les mécanismes de règlement des différends dans ce domaine. Les témoins ont fait de nombreuses observations qui portent à réflexion.

Je pense que c'est la première fois qu'un témoin mentionne qu'un camion franchit la frontière toutes les deux secondes et demie. Si la question de la sécurité se pose encore longtemps, ce qui semble être le cas, la fréquence des passages pourrait être la source de nombreux problèmes.

Honorables sénateurs, le groupe suivant est composé de deux témoins différents dont les exposés porteront sur le même sujet, si j'ai bien compris. Allez-y, je vous prie, monsieur Menzies.

M. Ted Menzies, président, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire: Honorables sénateurs, en guise d'entrée en matière, je signale que je suis un agriculteur du sud de l'Alberta et aussi président de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire.

Je voudrais vous exposer le point de vue de l'organisme que je représente. Je ne suis pas expert en matière de commerce, sauf que la plupart des denrées agricoles que je cultive sont exportées et se retrouvent sous une forme ou une autre dans divers pays. Ces produits n'ont peut-être plus la même apparence qu'au départ de ma ferme lorsqu'ils arrivent à destination, mais après avoir subi un processus de transformation à valeur ajoutée, on les retrouve dans la plupart des pays.

Le blé provenant de mon exploitation entre parfois dans la confection de pains et de petits pains à travers le monde. L'orge brassicole que je cultive peut être transformée en malte à Calgary mais peut entrer par exemple dans la fabrication de la bière Corona, au Mexique. La coriandre que je produis peut entrer dans la composition de la salsa que vous consommez avec la Corona. Les pois chiches que je cultive peuvent être utilisés pour faire du couscous au Maroc. Je ne suis pas un expert en matière de commerce. J'en connais toutefois certains rouages et je sais l'importance qu'il revêt pour l'agriculture primaire et pour les transformateurs ou les exportateurs de produits alimentaires.

L'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire (ACCAA) est heureuse d'avoir été invitée à faire part de ses vues et des expériences de ses membres sur les relations commerciales du Canada avec les États-Unis et le Mexique.

L'ACCAA est une coalition d'associations, de sociétés et d'organisations de l'industrie agricole et agroalimentaire qui sont tributaires du commerce. Elle représente aussi des associations de producteurs et de transformateurs primaires ainsi que des exportateurs et des distributeurs de produits agroalimentaires, dont le chiffre d'affaires annuel global s'élève à 40 milliards de dollars et qui emploient directement près de 500 000 Canadiens.

Les denrées agricoles destinées à l'exportation comptent pour 80 p. 100 des recettes monétaires agricoles du Canada et pour plus de 95 p. 100 de ses exportations de produits alimentaires. Les denrées produites par les membres de l'ACCAA représentent plus de 50 p. 100 des recettes monétaires agricoles du Canada et plus de 80 p. 100 de ses exportations de produits agricoles et agroalimentaires.

La priorité de l'ACCAA est la réforme du commerce mondial et les négociations sur l'agriculture actuellement en cours à l'OMC.

Beaucoup de secteurs de notre industrie ne seront vraiment rentables que lorsque des mesures et des règles strictes d'application mondiale auront été prises et imposées à tous les acteurs présents sur les marchés internationaux. L'ACCAA appuie toutefois les initiatives régionales et bilatérales prises pour atténuer les barrières au commerce des produits agricoles et agroalimentaires à condition qu'elles ne compromettent pas l'atteinte de son objectif à long terme, qui est de réduire le plus possible les tarifs douaniers et les subventions agricoles, à l'échelle mondiale et en vertu d'accords de réciprocité.

Ses membres ont en général appuyé l'Accord commercial Canada-États-Unis et l'ALENA, mais la protection de certaines denrées agricoles «sensibles» a limité les avantages qu'on a pu tirer de ces accords. Les futurs accords commerciaux ne doivent pas exclure ces denrées. Dans l'ensemble, l'Accord commercial Canada-États-Unis et l'Accord de libre-échange nord-américain ont eu une incidence positive sur l'industrie agricole et agroalimentaire canadienne. Depuis la ratification de l'ALENA en 1993, les exportations canadiennes aux États-Unis et au Mexique ont augmenté de 95 p. 100 et ont atteint près de 15 milliards de dollars en 2000.

Les avantages des exportations vers les États-Unis pour l'industrie agricole canadienne incluent une multiplication par sept des exportations d'huile de soja, la multiplication par quatre de nos exportations d'huile de tournesol et une augmentation de 44 p. 100 de celles d'huile de colza, la multiplication par deux de nos exportations de boeuf et une hausse de 87 p. 100 de celles de porc, la multiplication par trois de nos exportations de pâtes alimentaires, par quatre de celles de frites surgelées et par cinq de nos exportations de malte. La liste des avantages est longue. Les exportations de haricots secs se sont multipliées par sept, celles de pois et de lentilles secs ont quintuplé. Nos exportations de frites au Mexique ont décuplé. Les exportations de légumes du Canada au Mexique ont augmenté de 78 p. 100, ce que je trouve assez ironique étant donné que le Mexique est considéré comme un producteur de légumes qui sont importés au Canada.

C'est le commerce à l'oeuvre.

Si, dans l'ensemble, l'impact a été positif, de nombreux problèmes subsistent dans nos échanges commerciaux avec les États-Unis. La recrudescence du protectionnisme a déclenché des protestations persistantes et l'imposition de droits antidumping et compensateurs, ce qui a fait monter considérablement les coûts pour nos membres. Les États-Unis continuent de fournir à leurs producteurs une aide financière massive; ils se préparent en fait à imposer des règlements sur l'étiquetage qui auraient pour effet de restreindre le commerce sous prétexte d'inquiétudes à l'égard de la sécurité alimentaire.

Parmi les problèmes que nos membres nous ont signalés et qu'ils veulent régler, on peut mentionner le cas de l'industrie sucrière canadienne qui n'a pas tiré les avantages qu'elle aurait dû de ces accords régionaux. L'assimilation des engagements en ce qui concerne l'accès minimal limite l'accès du Canada à un dixième de pour cent du marché américain du sucre raffiné. Les États-Unis manipulent les règles d'origine dans un but protectionniste, de façon à restreindre l'accès au sucre raffiné et aux produits contenant du sucre canadiens. Les quotas accessibles au Canada en vertu de l'ALENA ont été réduits de manière à accorder au Mexique un accès quasi exclusif.

Une des restrictions en matière d'accès au marché a provoqué la fermeture d'une usine de transformation de betteraves sucrières au Manitoba, qui a mis un terme à la production de betteraves sucrières, immobilisant du même coup l'infrastructure qui approvisionnait ce secteur et touchant les petites localités qui en dépendaient.

Le secteur canadien de l'élevage du bétail a fait l'objet d'une enquête très coûteuse liée à une demande de droits compensateurs et antidumping, qui a été entamée en 1998. Il a fallu deux ans pour déterminer que le Canada n'avait pas commis d'infraction. Aucune preuve de culpabilité n'a été retenue contre le Canada et la Commission a décidé que l'industrie américaine de l'élevage bovin n'avait subi aucun préjudice. Si cette décision a prouvé que les mécanismes de règlement des différends de l'ALENA fonctionnent, elle a mis en lumière la nécessité de modifier les clauses de l'Accord de manière à les rendre plus efficaces et plus rapides. Le coût de ce droit compensateur pour l'industrie canadienne de l'élevage bovin a été évalué à 5 millions de dollars.

Ce différend a fait aussi ressortir la nécessité de préciser dans les règles qui doit assumer les frais de justice du défendeur afin d'éviter les allégations non fondées. Les exigences en matière d'étiquetage du pays d'origine prévues dans le U.S. Farm Bill, qui seront obligatoires en 2004, pourraient entraîner une forte chute des prix pour les produits canadiens.

La Bioterrorism Act, qui, à partir de décembre, exigera une notification préalable, suscite également de vives préoccupations. La situation demeure très ambiguë et les nombreux règlements obligeront nos transformateurs et nos exportateurs à respecter les engagements dont nous ignorons encore la teneur. La complexité du processus et les coûts éventuels suscitent toutefois de vives préoccupations.

Le secteur céréalier canadien a fait l'objet de neuf demandes en recours différentes de la part des États-Unis en ce qui concerne les exportations de blé roux de printemps et de blé dur. On estime que dans le cas de la dernière, la défense a coût quelque 10 millions de dollars canadiens et il s'agit de l'initiative d'un groupe très restreint de membres de la North Dakota Wheat Commission.

Au chapitre de l'harmonisation, il est nécessaire de poursuivre les efforts d'harmonisation de la protection des cultures, de l'enregistrement des produits chimiques, de la concentration maximale admissible de résidus, de l'étiquetage des produits et des procédures d'examen des produits antiparasitaires à usage limité. Le partage du travail afin d'accélérer la mise en marché de nouveaux produits chimiques sûrs devait être une priorité, mais les progrès demeurent lents dans ces dossiers. Par exemple, en 2000, les États-Unis ont mis à la disposition de leurs producteurs 901 nouveaux produits antiparasitaires à usage limité. Ces produits sont moins dangereux pour l'environnement, pour les utilisateurs et pour les consommateurs. Au Canada, notre système réglementaire n'a toutefois homologué que 24 nouveaux produits au cours de la même période. Nous utilisons en effet de vieilles techniques alors que de nouvelles technologies sont disponibles. Les consommateurs canadiens continueront de consommer des produits alimentaires provenant des États-Unis qui ont été traités avec des produits. Les États-Unis ont, au contraire, adopté une politique de tolérance zéro à l'égard des pesticides qui ne sont pas homologués aux États-Unis. Il est important qu'à l'occasion de l'examen ou de l'élaboration de règlements, divers organismes de réglementation d'Amérique du Nord collaborent pour harmoniser les processus, dans le but de réduire les coûts et de mieux renseigner les consommateurs.

Un autre point où l'harmonisation fait défaut est l'ajout de vitamines et de minéraux aux aliments. Santé Canada envisage de bannir l'ajout de calcium à la margarine, mais la margarine enrichie de calcium est déjà autorisée et disponible aux États-Unis. Il est en outre important de protéger les consommateurs en interdisant des formulations distinctes pour ces produits. Comme je l'ai mentionné tantôt, c'est plus sain et plus sûr pour les consommateurs.

On estime que le récente U.S. Farm Bill coûtera de 160 à 180 milliards de dollars américains pendant les dix années d'existence du programme et qu'il aura un impact sur le commerce en provenance du Mexique et du Canada. Cette loi transforme les paiements ponctuels versés de 1998 à 2001 en paiements permanents «coulés dans du béton». Ces nouveaux paiements anticycliques protégeront les producteurs américains des signaux du marché. Le Farm Bill ajoute les légumineuses au programme d'aide en cas de défaut de paiement des prêts et augmente le financement des programmes d'exportation.

Le 1er janvier 2003, le gouvernement du Mexique a éliminé les tarifs douaniers sur la plupart des produits agroalimentaires. Cependant, les produits laitiers, la volaille, les oeufs et les produits du sucre ont été exclus de l'exemption, tandis que le maïs et les fèves seront assujettis à un contingent tarifaire jusqu'en 2008. Les produits tels que les pommes de terre, les pommes, l'orge, le malte, le blé, les huiles d'oléagineux et les confiseries ne sont pas assujettis à des droits tarifaires.

En novembre 2002, le gouvernement mexicain a élaboré et déposé un ensemble d'instruments de politique surnommé «armure agricole» afin d'atténuer les effets de l'élimination des tarifs douaniers. L'ACCAA recommande au gouvernement de surveiller de près cette «armure agricole» afin de s'assurer qu'elle n'engendrera pas des obstacles aux exportations canadiennes ou ne représentera pas un désavantage concurrentiel pour les produits canadiens.

Au cours du dernier mois, la frontière mexicaine a été fermée aux plants de pomme de terre de l'Alberta afin d'éviter la propagation de maladies. Nous mettons en place des mesures sanitaires et phytosanitaires qui deviennent un obstacle au commerce.

Dans l'ensemble, les relations commerciales avec les États-Unis et avec le Mexique sont bonnes depuis la mise en oeuvre de l'Accord de libre-échange canado-américain et de l'Accord de libre-échange nord-américain. Cela dit, les accords régionaux n'ont pas répondu aux besoins de tous les secteurs agricoles du Canada et le protectionnisme grandissant, surtout celui des États-Unis, est préoccupant. L'ACCAA est convaincue que seul un engagement mondial visant à éliminer les subventions qui causent une distorsion du commerce et à améliorer substantiellement l'accès aux marchés pourrait être avantageux pour tous les secteurs commerciaux du Canada qui dépendent du commerce international.

Si le cycle actuel de négociations agricoles à l'OMC donne des résultats positifs, il sera possible de régler les problèmes décrits dans le présent mémoire et de multiplier les débouchés des exportateurs canadiens sur les marchés mondiaux. Nous encourageons le comité à promouvoir, dans la mesure du possible, une démarche dynamique à l'égard des subventions et des tarifs douaniers dans le cadre des négociations commerciales internationales.

Je répondrai volontiers à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Menzies. Monsieur Friesen, voulez-vous faire votre exposé?

M. Robert Friesen, président, Fédération canadienne de l'agriculture: Monsieur le président, nous sommes heureux d'avoir l'occasion de faire ces quelques commentaires sur le commerce nord-américain.

La Fédération canadienne de l'agriculture (FCA), par l'intermédiaire des agriculteurs des diverses provinces et des associations nationales de producteurs, représente toutes les denrées produites par les exploitations agricoles canadiennes. Le commerce est un facteur important en raison de la diversité des denrées produites par nos membres. Alors que la FCA représente surtout les producteurs, il va sans dire que sans le secteur aval, les exploitations agricoles ne survivraient pas. Il est donc important de tenir compte du secteur aval dans nos discussions et dans le développement de marchés d'exportation.

Nous représentons des denrées qui sont fortement tributaires des marchés d'exportation. En fait, notre croissance dans la plupart des productions est due au développement de marchés d'exportation. Nous représentons toutefois également les denrées «sensibles» aux importations que M. Menzies a mentionnées. Nous ne croyons pas que tous les secteurs aient perdu des avantages au cours du dernier cycle de négociations du fait que notre gouvernement a protégé nos denrées sensibles aux importations ni que notre secteur des exportations sera touché si l'on protège ces denrées au cours du prochain cycle de négociations à l'OMC. En fait, le gouvernement du Canada a une position solide et crédible à l'OMC, susceptible d'aider nos secteurs d'exportation et d'éviter que nos secteurs d'importation soient affaiblis; c'est une position que la Fédération canadienne de l'agriculture appuie vigoureusement. Nous sommes prêts à faire des commentaires plus précis à ce sujet si l'on nous pose des questions.

Je me propose de décrire certains aspects du commerce nord-américain qui nous agacent. Je ne voudrais toutefois pas que ces commentaires soient interprétés comme une critique. Comme je l'ai déjà mentionné, notre secteur d'exportation est très important. La valeur de nos exportations annuelles de produits agroalimentaires est de loin supérieure à 26 milliards de dollars. Ces exportations sont le fait d'une industrie qui génère des revenus annuels de 130 milliards de dollars et emploie de 13 à 14 p. 100 des travailleurs canadiens.

Nous dégageons en outre un excédent commercial de plus de 7 milliards de dollars. Les exportations jouent donc un rôle très important. Nos exportations vers les États-Unis sont importantes. D'ailleurs, ce pays absorbe au moins 62 p. 100 de nos exportations dans le secteur agricole et agroalimentaire. Si notre marché d'exportation au Mexique n'est pas aussi vaste — il ne représentait que 3,6 p. 100 de nos exportations agricoles en 2001 —, c'est un marché en expansion. Entre 1999 et 2001, la valeur des exportations agricoles canadiennes au Mexique a augmenté de 87 p. 100. Les échanges commerciaux à l'échelle nord-américaine jouent un rôle très important pour notre industrie agricole.

Nous avons toutefois des frustrations. Après la signature de l'accord concernant les échanges entre le Canada et les États-Unis, puis de l'ALENA, on pouvait considérer qu'un accord de libre-échange avec les États-Unis était en place. Cette situation a toutefois engendré quelques problèmes. S'il est nécessaire de continuer de développer des marchés d'exportation en Amérique du Nord, nous devons mettre en place un système de contrôle beaucoup plus efficace pour nous assurer que les pays concernés respectent les principes et les règlements associés aux accords commerciaux qui ont été signés. M. Menzies a mentionné brièvement quelques-unes de nos frustrations et j'en signalerai quelques-unes également.

La loi agricole américaine (farm bill) qui a été présentée dès 1994-1995 a amorcé la mise en place de ce que nous considérons comme une stratégie concertée d'achat de marchés et d'interfinancement aux États-Unis. Si près de 75 p. 100 des subventions agricoles américaines sont destinées aux producteurs de céréales et d'oléagineux, le secteur de la viande rouge est en fait automatiquement interfinancé. C'est une situation dont nous devons nous accommoder.

Le nouveau Farm Bill prévoit en fait une augmentation des dépenses gouvernementales dans ce secteur ou du moins, il institutionnalise les subventions supplémentaires qui étaient déjà en place dans la loi agricole précédente. Non content de cela, on y a ajouté d'autres cultures. Cette nouvelle loi contient en outre des dispositions concernant le marquage du pays d'origine qui constituent à notre sens ni plus ni moins une barrière non tarifaire. Si l'on y ajoute la proposition faite par les États-Unis à l'OMC, il apparaît clairement que la stratégie à long terme des États-Unis consiste à maintenir ce système d'interfinancement, qui force d'autres pays à ouvrir leurs marchés. Les États-Unis continueront donc de subventionner dans de fortes proportions leurs marchés agricoles.

Alors qu'ils se sont montrés généreux en recommandant que les diverses parties mettent un terme à leurs dépenses dans la catégorie ambre, ils ne manifestent aucun désir de revoir les définitions de la catégorie verte et voudraient continuer de verser en toute impunité des subventions dont le montant n'est pas limité. Si l'on ajoute à cela le fait que les États-Unis veulent conserver les outils dont ils disposent pour s'attaquer aux importations d'autres pays, il apparaît clairement que leur stratégie à long terme est de conquérir les marchés étrangers sans être disposés à donner accès à certains de leurs propres marchés.

Nous devons continuer de chercher une solution à ce problème. Nous sommes en mesure de citer plusieurs cas où ils ont entamé des recours contre d'autres pays, et contre le Canada, qui ne sont pas motivées par le fait que nous ayons commis des infractions à des accords commerciaux mais par notre compétitivité supérieure dans bien des domaines. Un exemple frappant est l'Accord commercial Canada-États-Unis en vertu duquel des droits tarifaires ou des restrictions à l'importation ou l'exportation de blé canadien aux États-Unis ont été supprimés. Le Canada s'est imposé volontairement une restriction sur ses exportations de blé. Il craignait que les États-Unis invoquent leur article 22 et il s'est donc imposé des restrictions. À la suite de cette initiative, dans le contexte de l'OMC, les États-Unis n'avaient plus le droit d'imposer des restrictions sur les importations de blé. Ils ont toutefois continué d'entamer des procédures en recours contre le secteur canadien du blé sur plusieurs fronts, surtout au niveau de la Commission canadienne du blé.

Si vous êtes bien informés au sujet de cette commission, vous savez que c'est ni plus ni moins un organisme de commercialisation de produits agricoles créé en vertu d'une loi. Cet organisme ne va à l'encontre des dispositions d'aucun accord commercial; en fait, son seul objectif est d'aider les agriculteurs à soutenir la concurrence des grandes entreprises transnationales à l'échelle mondiale et à renforcer leur pouvoir sur le marché international.

Dans le cas du porc, les États-Unis ont notamment imposé un droit compensateur dans les années 80 et continuent de harceler notre secteur du porc en réclamant le droit d'imposer des droits compensateurs. Ils n'agissent pas ainsi parce que le Canada a enfreint les dispositions d'un accord commercial, mais parce qu'il est plus concurrentiel. Un exemple récent est celui du problème que nous avons eu à l'Île-du-Prince-Édouard en ce qui concerne la pomme de terre, où l'on avait décelé un foyer de gale verruqueuse dans une zone très restreinte d'un champ d'une superficie de 40 acres. Le Canada n'enfreignait aucune des dispositions de l'Accord sur l'application des mesures sanitaires et phytosanitaires, mais les États-Unis ont mis un embargo sur les pommes de terre canadiennes parce qu'ils voulaient protéger le marché américain de Noël de la pomme de terre cette année-là. Immédiatement après cette période, ils se sont montrés moins inflexibles et la question a été réglée.

Nous devons continuer de lutter contre le protectionnisme américain dans le cadre des accords commerciaux en place. Nous préconisons depuis plusieurs années que l'OMC devienne la principale tribune où l'on élaborera des règles commerciales justes et équitables et que ce soit dans cette tribune qu'on fasse en sorte que les États-Unis ne puissent pas maintenir cette stratégie à long terme.

Je voudrais maintenant attirer votre attention sur la partie du mémoire que nous avons distribué intitulée «Échappée vers le futur et recommandations», dans le contexte de l'ALENA. Un fait est clair: si dans la plupart des accords commerciaux, un mécanisme de règlement des différends a été prévu, nous pensons qu'il est absolument impératif d'établir des règles précises et équitables sur les échanges commerciaux pour qu'il ne soit plus nécessaire d'avoir recours à ces mécanismes pour régler nos différends. Si ce type de mécanisme constitue un volet important des accords commerciaux, il est de loin préférable de s'appliquer à établir des règles précises et équitables.

Je vous recommande de lire le mémoire dès que vous en aurez l'occasion. Dans la section intitulée «Échappée vers le futur et recommandations», la première recommandation concerne la diversification des marchés d'exportation canadiens. Je cite le cas du secteur canadien du porc. Dans les années 70 et 80, la production canadienne de porc s'est accrue. Dans les années 80, le marché américain représentait en fait de 75 à 85 p. 100 des exportations canadiennes de porc. Le secteur du porc a créé un office de commercialisation, Canada Porc International, parce qu'il s'est rendu compte qu'il était important de développer des marchés dans d'autres pays, pour cesser de dépendre dans une aussi large mesure du marché américain. À l'heure actuelle, environ 50 p. 100 des exportations canadiennes de porc sont destinées au marché américain et 50 p. 100 sont destinées à d'autres marchés. La Fédération canadienne de l'agriculture recommande que les objectifs de la politique commerciale agricole du gouvernement canadien comprenne le maintien de nos débouchés aux États-Unis, mais accorde la priorité à la diversification de nos marchés d'exportation, afin que nous puissions réduire graduellement notre dépendance à l'égard d'un marché.

Certaines personnes recommandent de temps à autre la réouverture de l'ALENA. Si elles ne recommandent pas une réouverture de l'ALENA comme telle, la Fédération canadienne de l'agriculture recommande que le Canada cherche à clarifier les dispositions relatives aux différends entre investisseurs et l'État du chapitre 11 de cet accord, sans toutefois entamer de nouvelles négociations au sujet de l'ALENA. Je signale à ceux qui ne sont pas informés sur le contenu du chapitre 11 que ce chapitre concerne les exigences en matière de rendement et les scénarios ou les situations dans lesquels, si les règlements changent, le gouvernement canadien pourrait être responsable de ces changements à l'égard d'un investisseur étranger au Canada.

En ce qui concerne les autres négociations bilatérales et régionales, nous recommandons que le Canada maintienne sa position actuelle à l'égard de la réduction et de l'élimination des tarifs douaniers, autrement dit, qu'il soit disposé à réduire ou à éliminer les droits tarifaires sur les produits agricoles sur une base réciproque, à l'exception des droits hors contingent pour les produits assujettis à la gestion de l'offre, tout en respectant le caractère délicat de nouvelles réductions des droits tarifaires sur le sucre. Les questions relatives au soutien intérieur, aux subventions à l'exportation et aux entreprises commerciales d'État devraient, cela va de soi, être réglées dans le cadre de l'OMC.

En ce qui concerne les questions environnementales, nous recommandons que le Canada fasse appel aux mécanismes internationaux autres que les accords commerciaux pour résoudre les questions environnementales et qu'il s'efforce de veiller à ce que les accords commerciaux portent sur le processus de gouvernement à gouvernement et ne puissent être utilisés par les ONG comme tribune où elles peuvent promouvoir leurs objectifs environnementaux.

En ce qui concerne la recherche de solutions et le maintien de la position concurrentielle des agriculteurs canadiens, la FCA croit que le Canada devrait prôner dans les négociations de Doha des dispositions qui réduiront efficacement l'emploi abusif des sanctions commerciales. C'est un des problèmes que nous avons avec les États-Unis. La FCA croit également que le Canada doit non seulement défendre son droit d'établir et de maintenir des réseaux de commercialisation efficaces, mais aussi se trouver des alliés et s'employer à faire adopter des règles de l'OMC qui confirment clairement le droit des pays d'accorder aux organismes de commercialisation appuyés par les producteurs le pouvoir de réglementer le volume de produits nationaux vendus, d'établir une agence de vente à guichet unique et de mettre en commun les recettes d'une manière qui n'entraîne aucune distorsion du marché international.

Enfin, vous êtes certainement au courant de notre débat sur le cadre stratégique agricole à long terme, portant sur l'opportunité pour le gouvernement canadien de verser des subventions équivalentes aux subventions américaines à l'industrie agricole et sur les dispositions qu'il faudrait prendre pour que nos agriculteurs soient concurrentiels par rapport à la générosité des pouvoirs publics dans d'autres pays. Nous mentionnons qu'il est essentiel d'offrir aux agriculteurs des programmes suffisants de protection du revenu et de protection contre les aléas de la météo, afin de maintenir la compétitivité dans notre secteur agricole.

Nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions.

Le président: Je vous remercie, monsieur Friesen. Vous avez tous deux abordé de nombreux sujets. C'est le sénateur Graham qui ouvrira la période des questions.

Le sénateur Graham: Monsieur le président, nous pourrions revoir l'ordre dans lequel les témoins sont convoqués. Il eût été intéressant d'entendre les témoins d'aujourd'hui avant ceux qui se sont présentés hier et avant-hier. Nous avons entendu le témoignage du ministre il y a deux jours et juste avant vous, celui de représentants d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Il aurait peut-être été possible de leur mentionner certaines de vos préoccupations.

Est-ce que les contacts entre les deux organismes que vous représentez sont fréquents?

M. Friesen: Je répondrai le premier puis je céderai la parole à M. Menzies. Comme je l'ai mentionné, notre programme consiste à atteindre le degré maximum de croissance sur le marché international pour les denrées tournées vers l'exportation que nous représentons. À cet égard, nos objectifs sont rigoureusement identiques à ceux de l'ACCAA. La nécessité d'établir des marchés d'exportation pour la plupart des denrées qui nous concernent est indéniable. Si les contacts entre nos deux organismes ne sont pas fréquents, je rappelle que nous représentons les producteurs agricoles. Il est donc indéniable que nous ayons des objectifs communs.

M. Menzies: Je vois M. Friesen aussi souvent que je vois mon fils qui est à Vancouver. C'est à cela que se résument nos contacts, mais ils n'ont pas toujours lieu dans des tribunes analogues à celle-ci. Les deux organismes sont toutefois très engagés dans les questions agricoles.

Des règles commerciales claires et la diversification des marchés sont des objectifs communs qui seront aussi avantageux pour les membres de l'Alliance canadienne du commerce agroalimentaire que pour les membres de l'organisme représenté par M. Friesen. L'ACCAA est à la recherche de débouchés pour ses membres à l'échelle mondiale. Nous défendons les intérêts des producteurs et ceux des transformateurs, qui sont identiques. Si les transformateurs ne bénéficient pas des avantages de l'accès à des marchés étrangers, les producteurs en souffriront. Nous avons donc des objectifs communs. Nous n'avons pas beaucoup de contacts, sauf lorsque nous avons des intérêts communs à défendre.

Le sénateur Graham: Monsieur Menzies, au début de son exposé, M. Friesen a attiré l'attention sur le fait que la Fédération est active dans les diverses provinces et régions. Est-ce également le cas en ce qui concerne l'organisme que vous représentez?

M. Menzies: Nous avons des associations affiliées dans les diverses provinces. Un de nos membres est la Grain Growers of Canada, qui est constituée d'associations qui représentent 90 000 producteurs céréaliers de toutes les provinces, de la Colombie-Britannique aux Maritimes.

Le sénateur Graham: Dans la partie de votre mémoire portant sur l'harmonisation, vous avez mentionné que l'on utilisait de vieilles techniques alors que de nouvelles technologies étaient disponibles. L'exemple que vous avez mentionné est qu'en 2000, les États-Unis ont mis à la disposition de leurs producteurs 901 nouveaux produits antiparasitaires à usage limité alors qu'au cours de la même année, les producteurs canadiens ont vu seulement 24 nouveaux produits sur les tablettes. Qui est responsable de cette situation?

M. Menzies: Je ne tiens pas à trop critiquer.

Le sénateur Graham: Vous pouvez faire toutes les critiques que vous voulez. Nous sommes là pour vous aider.

M. Menzies: Je l'apprécie beaucoup. L'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire (ARLA) a pris conscience du problème. Elle a mis en place un programme très énergique pour remédier à cette situation. Elle a engagé une consultante du secteur privé qui est titulaire d'un doctorat et qui a fait des études sur la question dans plusieurs pays. L'Agence l'a engagée pour faire progresser le dossier des cultures à usage limité, qui est très complexe.

Les producteurs de produits chimiques ne veulent pas faire les dépenses nécessaires pour faire homologuer un produit pour une culture dont les perspectives de vente ne sont pas très favorables. C'est une simple question de rentabilité pour ces entreprises, mais l'Agence s'applique à régler le problème. Je fais partie d'un réseau de producteurs assujettis à l'ALENA. Je suis allé aux États-Unis au mois de décembre pour rencontrer les représentants du pendant de l'ARLA et ceux de l'EPA. Ils s'efforcent de régler le problème d'harmonisation que j'ai mentionné. Le Canada s'y applique également. Vos encouragements en ce qui concerne ces produits à usage limité nous aideraient.

M. Friesen: J'aurais quelques commentaires à faire à ce sujet également, mais je n'hésiterai pas à être plus critique que M. Menzies. J'ai de grosses réticences en ce qui concerne l'Agence de réglementation de la lutte antiparasitaire et ce, pour plusieurs raisons. La première est que les sociétés ont tendance à ne pas faire enregistrer un produit à cause de toutes les formalités liées à l'homologation. La difficulté réside notamment dans le fait que l'Agence ne respecte pas des délais qui permettraient d'assurer l'efficacité du processus. Les délais sont beaucoup trop longs.

Lorsque la loi concernant les produits antiparasitaires a été adoptée, nous avions une préoccupation et nous avons d'ailleurs tenté de faire modifier le libellé du projet de loi. Cette loi met beaucoup l'accent sur la réévaluation des produits actuels. C'est important et nous sommes en faveur d'une telle réévaluation. Nous sommes en faveur d'une utilisation des produits antiparasitaires qui soit plus respectueuse de l'environnement. Les agriculteurs font tout leur possible pour respecter l'environnement lorsqu'il est question d'utiliser ce type de produit. Ils sont toutefois également disposés à utiliser des produits peu dommageables pour l'environnement. Il est dès lors essentiel de s'assurer que l'on consacre les ressources disponibles au remplacement des produits qui sont retirés du marché, pour que les agriculteurs aient l'occasion d'acheter des produits plus écologiques.

Je suis membre du Comité consultatif de gestion économique de l'ARLA. À la dernière réunion du comité, un des membres du personnel de cette agence a avoué, devant notre insistance, que l'Agence n'avait aucune obligation envers l'agriculture. Nous avons vérifié son mandat et il consiste, bien sûr, à s'assurer que les produits antiparasitaires que nous utilisons sont peu toxiques pour l'environnement et ne sont pas dangereux pour la santé. L'Agence a en outre la responsabilité de ne pas déstabiliser le secteur agricole. Il est nécessaire de maintenir un certain équilibre et de concilier ces deux objectifs. Nous nous y appliquons, mais nous devrons encore réaliser des progrès considérables pour que l'ARLA atteigne le degré d'efficacité nécessaire et pour qu'elle seconde le secteur agricole dans ses efforts comme il se doit.

Le sénateur Graham: Je m'étais promis hier de ne plus aborder le sujet de la mise en place d'une union douanière parce que lundi, un des témoins que nous avions invités a préconisé une telle initiative alors que l'autre a mis en doute ses mérites. Hier, un des trois témoins que nous avons entendus a mentionné que ce n'était pas prévu, un autre l'a confirmé, si j'ai bonne mémoire et le troisième a dit que ce ne serait pas réaliste. Puisque cette question a été abordée, j'aimerais avoir votre opinion là-dessus.

M. Menzies: Pourriez-vous m'expliquer, sénateur Graham, ce que vous entendez au juste par «union douanière»?

Le sénateur Graham: La question a été évoquée dans le mémoire présenté par M. Friesen puisqu'il a mentionné que l'on réclame périodiquement une intégration économique accrue entre le Canada et les États-Unis, allant de l'adoption d'une monnaie unique à la création d'une union douanière. On pense que ce serait la solution aux problèmes qui se posent dans le cadre des relations commerciales entre les deux pays. Je présume que vous vous opposez à la création d'une union douanière, monsieur Friesen.

M. Friesen: Nous nous opposons à toute initiative qui aurait tendance à entraver la circulation des marchandises entre le Canada et les États-Unis. La stratégie de la Fédération canadienne de l'agriculture ne prévoit certes pas la création d'une union douanière, ni l'harmonisation ou l'adoption d'une monnaie commune. J'ai déjà mentionné que nous croyons qu'il est nécessaire de s'appliquer à établir des règles commerciales justes et équitables pour avoir recours le moins souvent possible aux mécanismes de règlement des différends.

Le sénateur Graham: Je pense que vous avez mentionné, du moins dans votre mémoire, qu'en acceptant une union douanière, on accepterait la façon de procéder des États-Unis, que ceux-ci deviendraient le partenaire dominant et que le Canada renoncerait à son droit d'établir des politiques et des systèmes de commercialisation différents. C'est du moins la conclusion que j'en tire.

M. Friesen: Nous ne préconisons pas d'établir une union douanière. Il ne faut toutefois pas en conclure que nous ne sommes pas en faveur de l'harmonisation dans certains secteurs, et c'est un autre aspect du problème des pesticides. Nous pensons qu'il est possible d'harmoniser beaucoup plus les systèmes. Une harmonisation accrue est nécessaire dans un contexte de libre circulation des produits entre le Canada et les États-Unis, y compris en ce qui concerne les pesticides. Vous serez peut-être étonné d'apprendre que l'on importe encore au Canada des produits horticoles contenant des résidus de produits antiparasitaires dont l'utilisation est pourtant illégale au Canada. C'est une question de compétitivité et nous estimons qu'il est possible d'harmoniser davantage les règles dans de nombreux secteurs sans pour autant renoncer à la souveraineté à laquelle nous tenons beaucoup.

Le président: Monsieur Friesen, je pensais que vous aviez mentionné que vous aimeriez que les mécanismes de règlement des différends soient plus efficaces mais que vous vous opposiez à une réouverture de l'Accord de libre- échange.

M. Friesen: C'est bien cela.

Le président: La réouverture de l'accord présenterait certes à la fois des avantages et des inconvénients.

Le sénateur Kinsella: Je voudrais poser une question concernant la loi agricole américaine, et plus précisément la question du marquage du pays d'origine en ce qui concerne le boeuf canadien. Quelles sont, d'après vous, les raisons pour lesquelles le Congrès américain a adopté une telle loi?

M. Menzies: C'est une décision purement politique. J'ai rencontré le printemps dernier la secrétaire américaine à l'Agriculture, Ann Veneman, et nous avons eu un long entretien à ce sujet. Elle n'était pas en faveur de ces dispositions à ce moment-là. Notre rencontre a eu lieu le 5 mai. À ce moment-là, elle prévoyait que ces dispositions seraient retirées du projet de loi. Le système politique américain a réussi à les maintenir. L'État du président Bush était opposé à une telle mesure. Les agriculteurs de cet État achètent la plupart des bovins destinés à l'engraissement au Mexique. Les coûts qu'imposerait une telle mesure au secteur américain de la transformation de la viande sont énormes. Je perçois des signes de changement. Nous souhaitons vivement que les Américains assouplissent les règles, mais celles-ci ont été établies à la suite des pressions politiques exercées principalement par les États du Nord, en tout cas pas par le Nebraska ni par les régions où la production du boeuf joue un rôle économique important. Pour le moment, le respect de ces dispositions est volontaire, mais elles ont été maintenues.

Le sénateur Kinsella: C'est volontaire jusqu'en 2004, si j'ai bien compris. Que devrait faire, d'après vous, le gouvernement du Canada pour convaincre le Congrès américain de modifier les dispositions de la loi?

M. Menzies: Il devrait faire du lobbying sans relâche. Nous avons vu des chiffres indiquant que ces dispositions entraîneraient des coûts supplémentaires d'un milliard de dollars et des frais de surveillance de 60 millions de dollars. Le gouvernement a tout intérêt à insister lourdement sur le fait que cette mesure aura non seulement des conséquences néfastes sur la production canadienne de boeuf, mais qu'elle nuira également au secteur américain de la transformation ultérieure.

Le sénateur Kinsella: Après avoir examiné les motifs politiques pour lesquels le Congrès a adopté cette mesure, pensez-vous qu'elle puisse comporter certains avantages pour le secteur du boeuf canadien, compte tenu que notre boeuf est de qualité supérieure? S'il est indiqué sur l'étiquette qu'il s'agit de boeuf canadien, les consommateurs américains auront tendance à rechercher le boeuf canadien.

M. Menzies: Vous avez tout à fait raison; je l'ai d'ailleurs mentionné à Mme Veneman. Je lui ai demandé si les Américains n'étaient pas en train de se tirer dans les pieds.

J'ai mentionné le lard canadien.

Le sénateur Kinsella: Si le gouvernement américain ou le consommateur américain est agacé pour une raison ou une autre par le Canada, ou si le gouvernement américain n'apprécie pas notre politique étrangère, n'y aurait-il pas un danger que les Américains, qui sont très patriotes, soient encouragés à donner la préférence au boeuf américain? N'y a- t-il pas un risque qu'au supermarché, les consommateurs américains cessent d'acheter du boeuf canadien?

Le président: Je pense que M. Friesen voudrait également répondre à la question.

M. Menzies: Je suis absolument d'accord. C'est une question qui nous préoccupe. Nous avons eu l'occasion de constater les conséquences néfastes du protectionnisme, notamment à propos des problèmes qu'a posés l'intervention de la North Dakota Wheat Commission contre le blé canadien. Les Américains pourraient donc organiser un lobby des consommateurs très puissant qui pourrait nous faire du tort. C'est une question qui nous préoccupe beaucoup et nous encourageons notre gouvernement à faire tout ce qui est possible pour faire supprimer ces dispositions de la loi agricole.

M. Friesen: Mon opinion rejoint celle de M. Menzies. Je suis en effet convaincu que nous devons exercer de très fortes pressions. Nous avons des alliés aux États-Unis. Comme l'a mentionné M. Menzies, l'administration, les organismes sectoriels, l'industrie de la transformation et les commerçants de détail américains sont opposés à ces dispositions. En fait, d'après les estimations du département de l'Agriculture des États-Unis, les rapports annuels et la tenue des registres coûteront 2 milliards de dollars par an à l'industrie. Nous sommes assez cyniques pour penser que la facture devra être payée par les agriculteurs et que, par conséquent, cette mesure aura des conséquences néfastes pour le secteur agricole américain également.

Ce coût concerne uniquement les rapports annuels et la tenue des registres. Il n'inclut pas les frais de séparation. Quand j'expédie un chargement de porcelets aux États-Unis et que ceux-ci sont engraissés pour atteindre le poids marchand américain, même s'ils ne pesaient que cinq livres avant d'être importés du Canada, ils y sont nés; ils doivent par conséquent être séparés des autres animaux dans les élevages, à l'abattoir ou dans les commerces de détail. C'est un facteur dont il faut tenir compte. Nous considérons que c'est une barrière commerciale non tarifaire. Nous pensons qu'une telle mesure n'est pas fondée sur des données scientifiques et que dès que son application sera obligatoire, notre gouvernement devrait en contester la validité.

Le sénateur Kinsella: J'ai entendu dire que l'on séparerait le boeuf américain du boeuf étranger dans les supermarchés. En avez-vous entendu parler?

M. Menzies: C'est possible, mais nous pensons que ce sera uniquement une question d'identification sur l'étiquette. Le secteur du porc a utilisé la séparation de la viande à son avantage. Au Japon, le porc canadien est séparé du porc étranger et c'est celui qui se vend le mieux.

On utilise un millier de codes à barres différents dans le secteur de l'abattage du boeuf. La société Cargill, par exemple, de High River, a mentionné les frais supplémentaires que la séparation entraînerait. L'entreprise est établie des deux côtés de la frontière et elle sait pertinemment quel serait le coût d'une modification des codes à barres qu'exigerait la séparation des produits d'origine canadienne.

M. Friesen: Le motif politique pour lequel cette mesure a été adoptée est que deux sénateurs ont été sensibilisés aux préoccupations des agriculteurs de leur région au sujet de l'importation de quantités importantes de viande de porc et de boeuf aux États-Unis.

Le président: Quels sont ces deux sénateurs? Quels États représentent-ils?

M. Friesen: Le Dakota du Nord. Le problème a été créé en partie par les États-Unis. Vous avez entendu les commentaires que j'ai faits au sujet de l'interfinancement. Des quantités importantes de porc et de bovin d'engraissement sont exportées aux États-Unis parce que les marges bénéficiaires sont plus élevées grâce au coût modique du grain. Nous sommes donc plus compétitifs que les éleveurs américains en ce qui concerne les animaux engraissés tant sur le plan économique que sur celui de la qualité.

Le sénateur Day: Je voudrais demander des précisions en ce qui concerne certains commentaires faits par M. Friesen. Vous avez mentionné que vous représentez des exploitations agricoles familiales. Faut-il en conclure que vous ne représentez pas de grandes fermes commerciales?

M. Friesen: Pas du tout. Nous représentons également les fermes commerciales qui sont membres des organismes affiliés à notre fédération.

Le sénateur Day: L'autre question d'ordre général à laquelle vous pourriez peut-être répondre l'un et l'autre est: que pensez-vous du problème qui se pose au sujet des produits génétiquement modifiés sur le plan du marketing? Je pense que M. Friesen a mentionné que les agriculteurs voudraient être moins dépendants des États-Unis en ce qui concerne le commerce. Vous ne pourrez toutefois pas vendre des produits génétiquement modifiés en Europe. En ce qui concerne le boeuf, le bétail qui a consommé des céréales génétiquement modifiées serait étiqueté comme tel. Qu'en pensent vos membres?

M. Menzies: Il est nécessaire d'améliorer les règlements commerciaux afin qu'ils soient fondés sur des données scientifiques. On cite constamment le cas du canola qui est interdit sur le marché européen parce que nous avons adopté le canola génétiquement modifié au Canada. L'Europe n'a jamais été un marché important pour cette denrée et, par conséquent, cette interdiction n'a pas eu de répercussions marquées. La situation est différente en ce qui concerne le boeuf. L'interdiction concernant le boeuf aux hormones est fondée sur la crainte et sur le protectionnisme mais ne repose pas sur des données scientifiques. Certains aliments génétiquement modifiés présentent de nombreux avantages.

On fait par exemple des études concernant une variété de blé halophile cultivable en sol alcalin, ce qui permettrait d'accroître considérablement la production dans l'ouest du Canada. Les gènes ont été modifiés pour produire une souche halophile. Faut-il interdire la vente uniquement parce qu'il s'agit d'un produit génétiquement modifié? Nous devons nous préoccuper de nos marchés, mais il est également nécessaire de veiller à ce que les discussions à l'OMC soient fondées sur des données scientifiques fiables.

M. Friesen: La législation américaine concernant l'étiquetage exige l'étiquetage des produits qui contiennent des matières génétiquement modifiées, mais pas celui des produits de la viande, même si les animaux ont mangé du grain génétiquement modifié.

On fait une juxtaposition intéressante en ce qui concerne les preuves scientifiques. Nous acceptons que l'on importe un produit, mais lorsqu'il s'agit d'en interdire l'importation, la décision doit être fondée sur des données scientifiques. Un problème assez particulier se pose actuellement au Canada où il est question qu'une société fasse une demande d'homologation d'une variété de blé génétiquement modifié. Nous avons signalé au ministre qu'il est nécessaire de prendre les possibilités de commercialisation de cette variété en considération, parce que notre industrie n'a pas encore atteint le niveau de séparation nécessaire pour éviter à coup sûr de compromettre certains marchés actuels pour le blé.

Je signale par ailleurs que le Canada participe aux négociations sur le Protocole sur la biosécurité, un accord international visant à réglementer le transport transfrontalier de produits génétiquement modifiés. Cet accord pourrait faciliter la circulation des produits génétiquement modifiés mais pose un petit problème étant donné que les États-Unis ne sont pas partie à cet accord. Nous devons veiller à ne pas compromettre notre compétitivité en imposant à notre secteur des exigences auxquelles ne sont pas soumis nos concurrents américains.

Le sénateur Di Nino: Vous avez mentionné la biosécurité. Dans la foulée des attentats du 11 septembre, plusieurs changements sont mis en place au Canada et aux États-Unis. Une des notions examinées est celle de biosécurité. Pourriez-vous dire quelles incidences cela pourrait avoir sur votre secteur?

Mme Patty Townsend, directrice générale, Alliance canadienne du commerce agroalimentaire: La Bioterrorism Act de 2002 renferme des dispositions sur le bioterrorisme alimentaire. Plusieurs dispositions de la loi ont déjà des conséquences importantes pour le Canada et pour les autres pays qui entretiennent des relations commerciales avec les États-Unis.

Aux États-Unis, on a entamé des consultations sur deux séries de règlements qui accompagneront cette loi. Une de nos préoccupations est que la loi exige que toutes les entreprises qui exportent des produits alimentaires aux États-Unis signalent d'avance toutes les livraisons de produits alimentaires destinées à la consommation humaine ou animale aux États-Unis. Il est nécessaire de donner un préavis d'un minimum de huit heures et d'un maximum de cinq jours en ce qui concerne les produits exportés aux États-Unis.

On vient d'entamer les consultations au sujet de ces règlements. Un de nos membres a mentionné que ces règlements pourraient avoir des conséquences très lourdes et qu'il est même possible que l'on ne soit plus en mesure d'exporter certains produits aux États-Unis.

Une autre disposition réglementaire mise en place tout récemment exige que toutes les installations — pas seulement les entreprises, mais les installations — susceptibles d'exporter certains produits aux États-Unis soient enregistrées auprès de la Food and Drug Administration.

Nous ne savons pas encore quelles conséquences cela pourrait avoir sur le secteur canadien des céréales et des oléagineux, par exemple, où de nombreuses entreprises d'exploitation de silos-élévateurs alimentent des silos-élévateurs aux États-Unis. Est-ce que ces entreprises devront faire enregistrer tous les silos-élévateurs? Devront-elles donner un préavis chaque fois qu'elles expédient un chargement de grain en vrac par chemin de fer aux États-Unis?

C'est une question qui suscite de vives préoccupations. Nous pensons que cette mesure pourrait constituer un obstacle commercial non tarifaire de taille et nous tentons d'entamer des discussions avec les États-Unis pour déterminer les initiatives que nous pourrions prendre pour en atténuer l'impact sur le commerce.

Le sénateur Di Nino: Avant de poser une autre question à ce sujet, je voudrais savoir si M. Friesen a des commentaires à faire.

M. Friesen: Je n'ai rien à ajouter. Je ferais exactement les mêmes commentaires.

Le sénateur Di Nino: Auriez-vous des suggestions à faire au sujet des recommandations que nous pourrions faire dans notre rapport ou des questions que nous devrions poser à ce sujet aux autres témoins? Qu'attendez-vous de nous? Que pouvons-nous faire pour vous?

Mme Townsend: Nous essayons actuellement de comprendre comment ces dispositions seront appliquées et les incidences qu'elles pourraient avoir pour nous. Depuis que nous en avons pris connaissance, nous nous cassons la tête pour savoir comment nous pourrions nous y conformer. J'y vois un rapport avec les commentaires de M. Friesen au sujet de notre dépendance à l'égard des États-Unis. Pour certaines petites entreprises, ces dispositions auront une forte incidence. Le simple fait de tenter de prévoir les impacts représente une tâche colossale, pour nous comme pour vous.

Le sénateur Di Nino: Je suggère qu'avant la fin de notre série d'audiences, nous examinions à nouveau cette question avec des représentants de votre secteur pour savoir s'ils auraient à nous signaler des éléments nouveaux qui pourraient nous être utiles.

Le sénateur Day a déjà abordé le sujet. Vous avez mentionné qu'il était nécessaire de devenir moins dépendants du marché américain. Le sénateur Day l'a abordé à propos de la question des OMG. D'une façon générale, est-ce que votre secteur estime que nous devrions faire davantage de promotion ou de commercialisation en ce qui concerne certains marchés étrangers sur lesquels nous ne sommes pas présents actuellement?

M. Menzies: Le premier qui me vient à l'esprit est la Chine. Les possibilités sont énormes étant donné que la population de ce pays est très élevée et que les Chinois pratiquent des cultures différentes des nôtres. C'est un marché extrêmement vaste.

Le sénateur Di Nino: Vous parlez de l'Asie en général?

M. Menzies: Oui. La consommation de bière et de boeuf augmente. Les débouchés sont énormes. Je ne voulais pas le dire aussi crûment, mais ce sont deux produits que les consommateurs asiatiques adoptent de plus en plus. Nous souhaitons que le marché coréen se stabilise parce que c'est un marché très vaste également. Notre situation géographique nous facilite l'accès à ces marchés. Les débouchés y sont énormes. Le secteur privé s'intéresse déjà à ces marchés mais il est nécessaire de créer un climat propice à une meilleure pénétration sur ces marchés.

M. Friesen: En ce qui concerne le bioterrorisme, notre gouvernement doit poursuivre les consultations à un niveau très élevé. Ce qui me préoccupe et ce qui posera encore de plus gros problèmes, c'est que les États-Unis ont recours à de nombreux prétextes semblables. Le marquage du pays d'origine n'est en réalité qu'un prétexte. Les États-Unis devront décider s'ils sont disposés à respecter l'esprit et la lettre des accords commerciaux. Ils devront décider s'ils tiennent vraiment à promouvoir les échanges commerciaux ou s'ils veulent continuer à avoir recours à divers subterfuges pour protéger leur marché, tout en forçant l'ouverture des marchés étrangers.

Je cède maintenant la parole à Marvin Shauf pour qu'il fasse des commentaires sur le développement d'autres marchés.

M. Marvin Shauf, deuxième vice-président, Fédération canadienne de l'agriculture: Le problème en ce qui concerne les États-Unis et en ce qui concerne notre affranchissement du marché américain est que la dépendance à l'égard d'un client important peut être tout aussi dangereuse que la présence d'un concurrent puissant. Nous sommes très dépendants des États-Unis en ce qui concerne les exportations de produits auxquels ils apportent de la valeur ajoutée pour les réexporter ensuite. En fin de compte, nous sommes dépendants d'eux et ils sont dépendants de nous pour alimenter leurs marchés. Nous sommes dépendants d'eux pour le transfert.

Il est indispensable que nous élaborions nous-mêmes des mécanismes ou que nous entretenions des relations personnelles avec ces marchés. C'est tout autant une question de diversification que de développement. Il est essentiel que nous devenions beaucoup moins dépendants du marché américain pour ajouter de la valeur à nos produits. Nous devons développer le secteur de la valeur ajoutée au Canada et établir les relations nécessaires pour développer davantage les marchés étrangers, afin de cesser d'être dépendants des marchés nord-américains.

Le sénateur Setlakwe: La mondialisation et la libéralisation des échanges sont des sujets très à la mode, mais il y a un hic: les Américains imposent des restrictions au commerce, qui sont d'ailleurs très coûteuses. Les études que nous avons faites jusqu'à présent indiquent que si les Européens montrent une certaine réticence à l'égard de la libéralisation des échanges avec le Canada, le principal obstacle en ce qui concerne nos relations avec l'Union européenne est le secteur agricole et les subventions à l'agriculture. Les Européens semblent déterminés à rester sur leurs positions. Pensez-vous que le cycle de négociations de Doha et les négociations de l'OMC pousseront les Européens ou les Américains à se montrer moins inflexibles? Peut-on espérer une libéralisation des échanges dans le secteur agricole?

M. Menzies: Je suis optimiste de nature. Je pense que oui. L'optique de l'Union européenne semble avoir évolué dans un sens favorable. L'Europe semble vouloir mettre un terme aux subventions directes à l'exportation. Les Européens reconnaissent qu'elles ont eu des conséquences néfastes pour eux. Certains des nouveaux membres de l'Union européenne exigeront le même type et le même niveau de soutien agricole qu'en France, en Allemagne et dans d'autres pays. L'Union européenne n'en a pas les moyens. Elle fait des calculs. Elle reconnaît que cette situation ne peut persister.

Il est beaucoup question d'adopter une formule de soutien découplée en quelque sorte. Les autorités et la population européennes sont conscientes qu'il est nécessaire d'aider les agriculteurs. Elles estiment que c'est indispensable. Si elles décident de découpler l'aide pour qu'elle ne provoque pas de distorsion au niveau de la production et veulent continuer à encourager une Suisse verte et à réduire la production et l'usage intensif d'engrais — qui a causé des problèmes environnementaux d'une ampleur considérable —, elles devront reconnaître que les subventions ont provoqué une catastrophe environnementale dans certains pays. Elles étudient diverses possibilités de mettre un terme à ces pratiques.

Je suis optimiste. Je pense que toutes les parties sont sincères. Il est nécessaire de réduire les subventions à l'exportation et d'avoir accès aux marchés étrangers.

Le sénateur Setlakwe: Même en ce qui concerne les Américains?

M. Menzies: Oui.

M. Friesen: Les discussions de Doha ouvrent quelques perspectives encourageantes. Nous sommes parvenus à convaincre les Européens d'être moins inflexibles en ce qui concerne les subventions à l'exportation. La question a été mentionnée de façon un peu plus claire qu'ils ne l'auraient souhaité et je considère par conséquent que nous avons remporté une petite victoire de principe. Nous avons également remporté une petite victoire de principe dans le contexte de la lutte antidumping. Les Américains ont dû plier et accepter que la question soit examinée au cours des discussions.

L'autre facteur intéressant est que l'Inde a retardé l'issue du communiqué de Doha. Je pense que c'est une indication que les pays en développement tiennent à jouer un plus grand rôle au cours du prochain cycle de négociations. Ils estiment avoir été laissés pour compte au cours du dernier cycle, et le Canada aussi, dans une certaine mesure. Fait certain, les pays en développement se sont sentis lésés dans le contexte de l'Accord de Blair House. Ils réclameront un processus beaucoup plus inclusif.

En ce qui concerne nos relations avec les États-Unis, outre la suppression des subventions à l'exportation et l'amélioration de l'accès au marché, ceux-ci devront prendre conscience du fait que le protectionnisme n'est pas uniquement lié aux droits tarifaires élevés dans d'autres pays; en fait, les dirigeants agricoles des pays en développement associent beaucoup plus fréquemment le protectionnisme à des niveaux de subventions élevés. Il sera nécessaire de mettre les États-Unis au pas en ce qui concerne les subventions et d'imposer un plafond sur la catégorie verte pour qu'ils ne puissent pas transférer des fonds des programmes de la catégorie ambre à des programmes de la catégorie verte. Le programme en vertu duquel le gouvernement américain octroie des subventions de plus de 20 milliards de dollars par an à ses producteurs céréaliers et à ses producteurs d'oléagineux est considéré comme un programme de la catégorie verte dans le cadre de l'accord actuel sur l'agriculture, mais il a un effet de distorsion beaucoup plus prononcé sur le commerce que les programmes de la catégorie ambre actuellement en place au Canada. Il est absolument indispensable de mettre un terme à cette situation.

Le président: Nous posons des questions vraiment très importantes et les réunions ont tendance à se prolonger au- delà de l'heure prévue. Je m'en excuse. Ce processus est très instructif. Nous avons beaucoup apprécié vos exposés.

La séance est levée.


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