Délibérations du comité sénatorial permanent des
affaires étrangères
Fascicule 10 - Témoignages
OTTAWA, le mardi 18 mars 2003
Le Comité sénatorial permanent des affaires étrangères se réunit aujourd'hui à 17 h 37 pour faire une étude et présenter un rapport sur les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis d'Amérique et entre le Canada et le Mexique.
Le sénateur Peter A. Stollery (président) occupe le fauteuil.
[Traduction]
Le président: La séance est ouverte.
Un léger changement a été apporté au programme parce que le Sénat a siégé plus longtemps que prévu. M. Daniel Jean, sous-ministre adjoint intérimaire, Développement des politiques et des programmes, Citoyenneté et Immigration Canada, attendait. Il a dû partir subitement pour assister à une réunion du Conseil des ministres. Il reviendra un autre jour.
Nous passons au deuxième volet de notre programme très important sur les problèmes qui se posent à la frontière canado-américaine. Sur votre ordre du jour, ce volet était prévu à 18 heures. Même si notre séance commence en retard, nous nous attaquons à ce deuxième volet 20 minutes plus tôt que prévu.
Je rappelle à mes collègues que le problème concernant le secteur de la pêche a été porté à notre attention lorsque nous étions dans l'Ouest. Notre témoin donnera, bien entendu, de plus amples informations à ce sujet.
Des rumeurs circulent au sujet des longues files d'attente à la frontière aujourd'hui. M. Phillips est très bien informé à ce sujet.
M. Jim Phillips, président et chef de la direction, Canadian/American Border Trade Alliance: Honorables sénateurs, c'est pour moi un honneur d'être ici aujourd'hui et c'est un plaisir de participer à vos travaux. Le texte intégral de mes commentaires a été copié et distribué.
Je suis président et chef de la direction de la Canadian/American Border Trade Alliance, le seul organisme binational et transcontinental qui représente toute la frontière canado-américaine, du Maine à Washington, qui traverse 22 États et plusieurs provinces du Canada. Notre réseau regroupe 60 000 entreprises et organismes qui représentent tous les secteurs du commerce frontalier, à savoir les transports — ferroviaire et routier —, les expéditeurs, les producteurs, les organismes de développement économique, les chambres de commerce et divers organismes gouvernementaux.
La principale question commerciale examinée aujourd'hui comporte trois volets. Contrairement aux bruits répandus par certains journaux, les facteurs économiques qui sous-tendent les échanges entre les États-Unis et le Canada sont excellents. Le flux des échanges est vigoureux par rapport à la situation économique mondiale et aux événements actuels. Ce qui est capital, c'est que les relations entre les États-Unis et le Canada sont vigoureuses, solides et empreintes de maturité. C'est un fondement essentiel dans le contexte de l'attention particulière que l'on porte aux questions frontalières.
La dernière fois que j'ai comparu devant le comité, c'était en octobre 2000. Nous avions alors discuté de la frontière. Depuis lors, la Déclaration sur la frontière intelligente a été signée en même temps que le plan en 30 points. La plupart des suggestions qui ont été faites par le comité ont été reprises dans ce plan qui a été mis en place en décembre 2001.
Il faut toujours se méfier de la désinformation, des rumeurs et des prévisions erronées qui sèment la confusion et engendrent des inquiétudes et une négativité inutiles et destructrices en ces temps difficiles.
Les événements du 11 septembre ont soulevé une vague de changements. Il n'y a plus d'erreur possible; la sécurité est primordiale. C'est un changement permanent. Ce qui manque surtout, c'est une bonne compréhension du but de la réforme de la gestion de la frontière. L'objectif est de rendre la frontière plus efficace qu'avant le 10 septembre tout en augmentant le degré de sécurité.
J'aimerais attirer votre attention sur deux déclarations récentes qui auront une forte emprise ici. Le commissaire Bonner est actuellement responsable de la protection frontalière pour les États-Unis. D'après lui, il s'agit d'atteindre deux objectifs indissociables, à savoir la sécurité publique et la sécurité économique. Ces deux objectifs ne sont plus considérés séparément et les Américains ne mettent plus davantage l'accent sur l'un que sur l'autre.
Le secrétaire à la Sécurité intérieure, Tom Ridge, a déclaré dernièrement sans ambages que l'on cesserait d'accorder la priorité à l'un ou l'autre de ces objectifs au détriment du deuxième. Dans bien des milieux, on a la fausse perception que la sécurité dominera, que la frontière deviendra hermétique et que la circulation des marchandises et des personnes à faible risque sera entravée. Cette perception ne correspond en rien à la réalité ou aux intentions des organismes américains et canadiens qui s'appliquent à accroître la sécurité à la frontière.
La facilitation du mouvement des marchandises et des personnes à faible risque est absolument essentielle pour la sécurité économique du Canada et des États-Unis. Ne vous y méprenez pas: la façon de procéder à la frontière change et la tendance naturelle à résister au changement engendre presque instantanément une réaction négative à la plupart des nouvelles mesures qui sont prises.
Je tiens à signaler que la clé de la sécurité publique et de la sécurité économique, à savoir la facilitation du mouvement des marchandises et des personnes à faible risque, dans le but de réduire considérablement la congestion et les retards, repose sur deux facteurs: l'adoption de processus axés sur le faible risque et les systèmes d'information préalable que l'on met actuellement en place.
En ce qui concerne les personnes, ce processus est axé sur le programme NEXUS et, en ce qui concerne les marchandises, il est axé sur EXPRESS (transport rapide et sécuritaire). Les États-Unis et le Canada se sont entendus sur l'adoption d'un processus, à savoir un système conjoint, dans le cadre du plan en 30 points. Ce système a été mis en place et sa mise en oeuvre a été amorcée.
Le président: Monsieur Phillips, vous me l'avez expliqué avant la réunion, mais je pense que la plupart des personnes ne savent pas ce qu'est le NEXUS.
M. Phillips: NEXUS est un système conjoint applicable à l'entrée aux États-Unis ou au Canada de citoyens canadiens ou américains. Il faut se procurer un formulaire d'inscription et le remplir en y indiquant les antécédents, le lieu de résidence, le nom et divers autres renseignements. On le renvoie et on paie des droits de 80 $ CAN ou de 50 $ US pour cinq ans. Les droits couvrent les frais de traitement de la demande. Il ne s'agit pas de droits d'inscription.
À la réception de la demande, on vérifie dans toutes les bases de données de la GRC si l'intéressé n'a pas d'antécédents criminels. On fait la même vérification dans les bases de données de la FBI aux États-Unis. On fait donc des vérifications dans toutes les bases de données chronologiques américaines et canadiennes. Si l'on découvre que vous avez des antécédents, vous êtes interviewé par l'agence américaine et par l'agence canadienne, à savoir par le Homeland Security et par Douanes et Immigration Canada. L'entrevue dure environ 15 minutes.
On vous remet une carte de proximité portant votre photo. Lorsque le système sera entièrement opérationnel, des lecteurs de cartes de proximité auront été installés aux abords de la frontière. Il suffira de présenter votre carte, tout en restant dans la voiture, à un niveau situé au-dessus de celui de la vitre de la portière et le lecteur entrera en action. Tous les passagers devront être en possession de cette carte. Votre photo apparaîtra sur un moniteur dans la cabine de l'inspecteur. S'il y a cinq personnes dans la voiture, les cinq photos apparaîtront. Il lui suffira de faire une vérification visuelle; il ne vous fera pas arrêter et ne vous posera pas de questions. Ce système permet de faire la vérification pour une voiture en six secondes environ. Des voies spéciales seront prévues pour NEXUS.
Jusqu'à présent, cinq points d'entrée ont mis le processus NEXUS en oeuvre. Il sera mis en oeuvre au printemps à trois ponts de la région de Niagara. D'ici la fin de 2003, il sera opérationnel à 15 points d'entrée. C'est un système d'une efficacité extraordinaire. Comme je l'ai mentionné, il s'applique à l'entrée aux États-Unis ou au Canada.
Le système EXPRESS est un système analogue applicable aux marchandises. Le chauffeur du camion s'est inscrit au préalable et a fait l'objet de vérifications. L'entreprise de camionnage s'est également inscrite au préalable et a fait l'objet de vérifications. L'expéditeur aussi. On fait une enquête de sécurité de routine au cours de laquelle on vérifie la sécurité des marchandises à l'usine et pendant le transport de l'usine à la frontière. Lorsque cette vérification est approuvée, le camion est inscrit au processus EXPRESS. Je signale que nos deux pays préparent actuellement ce que j'appelle le «mini-EXPRESS». Il s'agit d'un processus d'inspection commerciale de remplacement pour les petites entreprises qui ne sont pas admissibles à EXPRESS. Ce nouveau processus n'a pas encore été mis en place, mais il s'agira également d'un processus conjoint.
L'information préalable à l'arrivée est d'une importance capitale. Ce système a soulevé dernièrement un tollé de protestations. Il consiste à déterminer votre identité et vos antécédents avant que vous n'arriviez à la frontière avec une cargaison commerciale. Dans le cas d'un navire, il faudra communiquer l'information 24 heures avant le chargement du conteneur. Ce système est déjà opérationnel aux États-Unis et il le sera bientôt au Canada.
Je signale que depuis la mise en place du système de sécurité pour les conteneurs maritimes, à savoir depuis le 2 février, 420 000 conteneurs ont été examinés. Dix-sept mille de ces conteneurs, soit 4 p. 100, ont été désignés pour un examen plus approfondi. Nous avons toujours estimé que le pourcentage de conteneurs suspects se situait entre 3 et 5 p. 100. Le résultat des examens faits jusqu'à présent indique qu'il est de 4 p. 100. Le nombre d'ordonnances de refus de chargement prises n'est que de 40. Quarante conteneurs sur 420 000 seulement font partie de cette catégorie, ce qui est très peu. Nous avons donc ainsi accru la sécurité du système de transport maritime mondial.
En ce qui concerne les camions, comme on vient de l'annoncer, un processus d'information avant l'arrivée à la frontière sera mis en place dans les plus brefs délais. Il permettra de faire une analyse des risques ciblée avant l'arrivée proprement dite du camion à la frontière.
L'avantage de ce système est que lorsqu'un conteneur a été vérifié et examiné aux rayons X à son point d'origine, on peut le laisser passer. À son arrivée au Canada ou aux États-Unis, il peut traverser la frontière sans être soumis à d'autres contrôles. Il n'est plus nécessaire de le vérifier à la frontière même.
Lorsque l'information préalable a été fournie, le chargement peut être dédouané à la frontière en 30 secondes, ce qui évite la congestion. L'avantage de cette façon de procéder est qu'elle accroît la sécurité tout en accroissant l'efficacité du processus à la frontière. Les marchandises et les services qui revêtent une importance capitale pour l'économie américaine et pour l'économie canadienne ne seront donc pas bloqués à la frontière.
L'écoulement du trafic et la stratégie de dégagement du périmètre sont deux autres processus. J'ai apporté aujourd'hui à votre intention plusieurs exemplaires d'un document en PowerPoint. Il donne une description précise de cette stratégie qui fait partie intégrante de la frontière intelligente. Je sais que dans certaines régions, cette expression n'a pas été interprétée dans un sens positif. Ce document contient une définition de cette stratégie qui n'est pas une union douanière, qui ne supprime pas la frontière entre les États-Unis et le Canada et qui n'oblige pas le Canada à adopter une procédure rigoureusement identique à celle des États-Unis. Grâce à ces mises au point, le sens de cette expression devient plus clair.
En me basant sur la brochure que je vous ai remise, je me propose d'expliquer l'impact économique et environnemental de l'écoulement du trafic et du dégagement du périmètre de sécurité. Je vous remettrai également un disque compact concernant un modèle d'expérience faite au Peace Bridge, qui est le deuxième point de passage le plus fréquenté. En mettant le processus NEXUS en oeuvre — ce que nous avons fait — et en faisant un examen préalable des camionneurs avant qu'ils ne passent le pont, on pourrait réduire de plus de 50 p. 100 par an les émissions libérées dans l'environnement. Cela représenterait au total des milliers de livres de monoxyde de carbone, d'oxyde nitreux et d'hydrocarbure; ce serait donc intéressant pour le Canada par rapport au Protocole de Kyoto.
Le document en PowerPoint vous permet de prendre conscience des avantages des mesures prises aux frontières et des changements qui pourraient se produire. L'objectif final est d'assurer la sécurité économique et la sécurité publique et pas de donner la priorité à l'une au détriment de l'autre.
Je voudrais passer en revue quatre ou cinq points essentiels exposés en détail dans le document. Alors que l'effectif a été considérablement accru depuis le 11 septembre, surtout aux États-Unis, un certain nombre de postes de péage restent fermés pendant les périodes de pointe. Nous avons besoin d'effectifs supplémentaires; ils sont en cours de recrutement et de formation. D'ici la fin de l'année, ce problème devrait par conséquent être pratiquement réglé.
Il est en outre essentiel de changer le premier point d'arrivée. La question sera réglée par la stratégie de dégagement du périmètre. Nous voulons interdire l'embarquement des personnes inadmissibles à l'étranger. Les passagers à destination du Canada et des États-Unis seront contrôlés par les agents d'immigration à l'aéroport d'embarquement. S'ils ne sont pas admissibles au Canada ou aux États-Unis, on ne leur permettra pas de monter à bord. C'est ce qu'on appelle «l'interdiction à l'étranger» qui est préférable aux mesures prises au débarquement à Toronto ou à New York. J'ai le plaisir d'annoncer que les agents d'immigration ont tendance à procéder ainsi.
En ce qui concerne le premier point d'origine des biens, des «cibleurs» ont été mis en place pour les conteneurs dans les trois ports suivants: Halifax, Vancouver et Montréal. Les cibleurs américains assurent la gestion des risques dans les ports canadiens et les cibleurs canadiens font de même dans les ports américains. Ce processus harmonisé est efficace.
On n'atteindra probablement pas les objectifs à court terme en ce qui concerne deux des 30 points du Plan pour la création d'une frontière intelligente, à moins de prendre certaines mesures. La première difficulté est liée au système d'inspection hors-frontière — dans les zones de contrôle — en vertu duquel des agents de douane américains font des contrôles en sol canadien et des agents de douane canadiens font des contrôles en territoire américain. Il fait intervenir la Charte des droits, la Déclaration des droits et de nombreux facteurs liés à la souveraineté. Il est nécessaire d'apporter des modifications à la législation canadienne pour permettre d'effectuer des évaluations efficaces aux postes frontaliers terrestres, comme en ce qui concerne l'Accord canadien de prédédouanement dans les aéroports. Ce problème doit être réglé et les progrès sont plutôt lents à ce chapitre.
Le deuxième problème concerne les installations communes à la frontière. Le grand plan initial consistait à établir une installation commune pour les inspecteurs américains et canadiens. Cependant, tant que l'on n'aura pas réglé le premier problème que j'ai mentionné — l'intervention sur le territoire de l'autre pays —, il subsistera des installations communes où la frontière devra passer dans l'édifice. L'installation commune devrait au contraire être établie d'un côté ou de l'autre de la frontière. À l'installation des Mille-Îles, les agents canadiens doivent se rendre aux États-Unis, sur la travée américaine du pont et les agents américains doivent venir au Canada, sur la travée canadienne du pont. Il est nécessaire de régler cette question mais les progrès sont trop lents.
J'ai fait quelques recommandations, notamment que les inspecteurs de douane canadiens fassent des examens préalables. Étant donné que 87 p. 100 des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis, le Canada a tout intérêt à assurer le mouvement des biens vers les États-Unis de la façon la plus efficace possible. Je recommande que les inspecteurs canadiens fassent des examens préalables afin de réduire la congestion actuelle. Cette congestion est principalement causée par un petit nombre de camions — probablement moins de 10 p. 100 — qui ne sont pas prêts à leur arrivée à la frontière.
Il y a enfin et surtout la technique de modélisation, sur laquelle vous trouverez des informations précises dans le document que je vous ai remis. Il s'agit d'un modèle concernant le Peace Bridge. C'est très intéressant. Consacrez une vingtaine de minutes à l'examiner et vous apprendrez des faits intéressants sur la frontière.
En conclusion, je dirais, au nom des intervenants canadiens et américains, qu'il est nécessaire d'établir une frontière fluide entre le Canada et les États-Unis en ce qui concerne les activités légales et à faible risque. Le passage à la frontière canado-américaine devrait être aussi facile que le passage d'une province à l'autre ou d'un État à l'autre. La frontière ne disparaîtra pas et des lois et règlements différents continueront de s'appliquer, mais il faudrait simplifier autant que possible le passage à la frontière des personnes et des biens qui circulent en toute légitimité et qui présentent un niveau de risque peu élevé. Il est nécessaire d'établir une frontière intelligente sur le plan technique et nous avons besoin de renseignements pour contrôler les autres activités non connues. Le renseignement et la gestion des risques ont une importance capitale. Il est nécessaire d'identifier d'abord les personnes qui ne présentent aucun risque et de les laisser passer plutôt que de tenter de repérer les criminels en adoptant une approche qui se résume à chercher une aiguille dans une botte de foin.
Vous entendrez dans quelques minutes des commentaires sur les denrées périssables et sur les poissons et fruits de mer, sujets qui n'avaient pas encore été examinés d'assez près. Je rappelle que la vitalité économique du Canada et celle des États-Unis sont entièrement interdépendantes et que la force est le pouvoir qu'un pays a à l'échelle mondiale. Il est absolument essentiel pour les deux pays de maintenir l'activité économique dans les conditions les plus efficaces possible.
On ne cesse de mentionner certains chiffres, notamment que 87 p. 100 des exportations canadiennes sont destinées aux États-Unis et que 23 p. 100 des exportations américaines sont destinées au Canada. Il ne faut toutefois pas oublier que l'économie américaine est d'une taille nettement supérieure à celle de l'économie canadienne; par conséquent, 23 p. 100 d'une quantité plus grande représentent une quantité aussi importante que 87 p. 100 d'une moins grande quantité. La balance commerciale est beaucoup plus équilibrée que l'on aurait tendance à le croire en s'appuyant uniquement sur les chiffres. Ces échanges commerciaux sont importants pour les deux pays et nous devons continuer de leur accorder une forte priorité. Je vous laisse la version intégrale de mon allocution que j'aimerais que vous fassiez consigner au compte rendu.
M. Ronald W. Bulmer, président, Conseil canadien des pêches: Je ferai, au nom de l'industrie, un bref exposé sur les questions concernant la pêche, et M. Morrow répondra à vos questions.
J'apprécie les commentaires de M. Phillips. Ils portent sur des objectifs et des programmes généraux qui sont déjà mis en oeuvre à quelques endroits. Je représente malheureusement une industrie qui n'est probablement pas tout à fait aussi optimiste à court terme en ce qui concerne les questions frontalières.
J'ai fait distribuer un feuillet contenant quelques informations concernant les pêches et je voudrais mentionner deux ou trois chiffres afin de situer le contexte. La production mondiale de poisson est passée de 20 millions de tonnes en 1950 à 120 millions de tonnes en 2000. Depuis 1985, cette croissance est entièrement attribuable aux pays du tiers monde ou à l'aquaculture; autrement dit, l'industrie canadienne de la pêche doit généralement être en concurrence avec des producteurs dont les coûts sont peu élevés.
Les débarquements au Canada ont diminué au cours des dix dernières années, de 1,6 million de tonnes à 1 million de tonnes. Cependant, la valeur des débarquements a augmenté de 1,4 milliard de dollars à 2,1 milliards de dollars. L'année dernière, les exportations canadiennes ont rapporté 4,7 milliards de dollars; plus de 70 p. 100 étaient destinées aux États-Unis. Les quatre principales espèces exportées sont le homard, qui se vend généralement vivant, le crabe, le saumon de l'Atlantique d'élevage, qui a tendance à être vendu comme produit frais, et la crevette, vendue fraîche ou congelée. Le Canada a reçu 14 p. 100 des exportations de fruits de mer des États-Unis. Contrairement aux chiffres bruts que M. Phillips a mentionnés, leurs exportations ne sont pas beaucoup plus élevées que les nôtres. Le rapport est de 70 à 14 pour des entreprises de taille analogue.
Ce qui est important, c'est que, en ce qui concerne le Canada, l'industrie a remplacé les espèces de poissons à faible valeur capturés en grande quantité, mais dont les stocks ont beaucoup diminué, par les crustacés de grande valeur. Le Canada doit se montrer concurrentiel sur un marché mondial et les États-Unis sont de loin notre principal acheteur étranger. Par conséquent, les questions qui touchent à la frontière nous intéressent au plus haut point car elles influent sur notre compétitivité.
M. Phillips a déjà mentionné un certain nombre de programmes; aussi, je ne mentionnerai que ceux qui ont été mis en place depuis le 11 septembre, lorsque le Homeland Security Act a été adopté. En vertu de cette loi, quelque 22 organismes et ministères fédéraux seront groupés sous l'égide d'une agence, représentée par un ministre. Il s'agit du remaniement le plus important de l'administration américaine en un demi-siècle. Dans son budget de 2002, le gouvernement du Canada a réservé d'importantes sommes pour la sécurité et les infrastructures frontalières. En dépit du plan en 30 points, nous n'avons pas encore réalisé de progrès jusqu'à présent. M. Phillips a mentionné quelques domaines où nous aimerions en réaliser. Chose certaine, la question n'est pas traitée de manière prioritaire dans l'Atlantique et nous voudrions que cela change.
Un programme que M. Phillips n'a pas mentionné est le Customs-Trade Partnership Against Terrorism (partenariat en commerce frontalier contre le terrorisme). C'est un programme des Douanes américaines à participation volontaire. Les entreprises intéressées font homologuer leurs programmes en matière de sécurité, de fabrication et d'expédition, et dans d'autres domaines, dans le but de jouir de meilleures conditions de passage de la frontière, notamment de pouvoir utiliser des voies réservées. Comme nous n'avons pas investi dans ce domaine dans la région de l'Atlantique, nous n'avons pas de voies réservées.
M. Phillips a également mentionné le programme EXPRESS (expédition rapide et sécuritaire). Il s'agit également d'un programme à participation volontaire des services des douanes et de l'immigration et de la naturalisation des États-Unis. C'est un système d'approbation préalable en ce qui concerne les transporteurs pour éviter qu'ils ralentissent le passage de la frontière. Actuellement, ce programme n'est en place qu'aux postes de Blain (Washington), de Sarnia, de Windsor et de Fort Erie; les habitants de la région de l'Atlantique sont donc, une fois de plus, désavantagés. On compte actuellement environ 49 000 chauffeurs approuvés dans le cadre de ce programme.
L'équivalent au Canada en ce qui concerne les camions à destination du Nord est appelé Partenaires en protection. Ce programme a été mis en place par l'Agence des douanes et du revenu du Canada. C'est donc notre équivalent d'EXPRESS. Si vous vous inscrivez et que vous obtenez toutes les autorisations de sécurité pour le programme EXPRESS américain, il serait normal de procéder de la même façon en ce qui concerne Partenaires en sécurité pour que votre camion puisse revenir au Canada avec autant de facilité.
M. Phillips a également mentionné le programme NEXUS qui concerne le mouvement des personnes. Air-NEXUS est en cours d'élaboration. Il a mentionné également le U.S. Trade Act de 2002 (loi sur le commerce). Cette loi contient des dispositions relatives à un préavis de quatre heures en ce qui concerne les envois routiers, de 12 heures pour les envois aériens et de 24 heures pour les envois ferroviaires ou par voie d'eau. Notre industrie n'est pas concernée parce que nos envois sont inspectés par la Food and Drug Administration (FDA) et que nous avons nos propres règlements.
Je voudrais mentionner maintenant le changement le plus radical auquel notre secteur est exposé, à savoir la Public Health Security and Bioterrorism Preparedness Response Act de 2002 (loi sur la préparation et la réaction aux alertes à la sécurité publique et au bioterrorisme), qui sera administrée par la FDA à la frontière. Cette agence augmente ses effectifs d'environ 50 p. 100. À Calais (Maine) par exemple, où l'on n'avait affaire qu'à l'agent des douanes, six agents de sécurité de la FDA seront désormais en poste en permanence.
La FDA se chargera de l'inspection du poisson et des fruits de mer, des oeufs, de l'alcool, des céréales, des friandises, des fruits et des légumes, autrement dit de tous les produits alimentaires qui ne sont pas inspectés par le département de l'Agriculture des États-Unis.
De nouveaux règlements, qui sont encore sous forme d'ébauche, mettront cette loi en oeuvre. Les deux qui nous intéressent principalement, parce qu'ils sont déjà établis, concernent les exigences en matière d'enregistrement des usines et en matière de préavis. Les deux autres règlements qui sont encore en cours d'élaboration et qui nous intéressent particulièrement — et nous ne savons pas encore de quoi il retourne — sont le règlement concernant la délégation de pouvoirs à la frontière et celui concernant l'obligation de tenir un registre en ce qui concerne les fruits de mer qui franchissent la frontière.
Nous avons des problèmes en ce qui concerne le règlement sur l'enregistrement des usines; nous avons signalé à la FDA que nous espérons que l'on y apportera quelques modifications. Par exemple, il n'est pas possible de faire enregistrer un établissement avant le 11 octobre mais les établissements doivent être enregistrés pour le 12 décembre. La FDA compte traiter 400 000 demandes d'enregistrement d'usines de transformation d'aliments dans ce délai de 60 jours. Les fermes, y compris les entreprises aquicoles, les restaurants, les magasins de vente au détail de produits alimentaires ou les établissements réglementés par la FDA sont exemptés. Cependant, tout établissement qui fabrique, transforme, conditionne ou contient des produits alimentaires — y compris un navire de pêche, si l'on veut le vendre aux États-Unis à une autre entreprise qu'une usine enregistrée — doit être enregistré auprès de la FDA. Le document d'enregistrement devra contenir le nom d'un agent domicilié aux États-Unis.
C'est un nouveau règlement. Actuellement, notre industrie assure pratiquement toutes les exportations elle-même. Elle assure le contrôle du produit au passage de la frontière. À cause de ce règlement, il sera nécessaire de faire intervenir un agent américain pour l'enregistrement. Je pense que ce règlement a été établi pour permettre au gouvernement américain de communiquer avec une personne qui est domiciliée aux États-Unis.
Le deuxième règlement qui nous préoccupe concerne le préavis. D'après l'ébauche de règlement actuelle, en ce qui concerne les produits réglementés par la FDA, il sera nécessaire de donner un avis au plus tard à midi la veille de l'arrivée du camion au point d'entrée. Si vous avez donné un préavis la veille à midi au plus tard, à 00 h 01, les documents requis seront peut-être prêts; par ailleurs, si la FDA décide d'inspecter le camion, l'agent d'inspection des aliments et de sécurité pourrait être au poste frontalier où doit passer le camion.
L'avis en soi n'est pas un document facile à préparer. Il faut remplir 13 cases pour chaque envoi: le nom courant, la marque de commerce, la taille des contenants, le numéro de lot ou de code, le pays d'origine, la date et l'heure prévues d'arrivée à la frontière — avec une plage de battement de quatre heures — et le point d'entrée. Actuellement, un camion qui roule à destination de Buffalo peut choisir le poste frontière. Dorénavant, il sera nécessaire de mentionner le point d'entrée pour que les autorités sachent que c'est là que passera le camion s'ils veulent en inspecter le contenu.
À compter du 12 décembre, lorsque les règlements définitifs entreront en vigueur, les produits alimentaires qui arriveront à la frontière sans préavis ne seront pas autorisés à entrer. Autrement dit, vous devrez attendre au poste frontalier et remplir à nouveau des documents et si vous avez convenablement rempli les formalités nécessaires, la FDA vous permettra de passer la frontière.
M. Phillips a mentionné quelques problèmes qui, d'après nous, pourraient toucher le secteur des fruits de mer; ces problèmes s'appliqueraient à tous les produits périssables et au homard vivant. Ces produits ne sont pas chargés sur un camion de 12 à 15 heures avant son arrivée à un poste frontière. Nous ignorons tout de la nature exacte du chargement. Le règlement mentionne que si l'on donne préavis de l'intention de modifier l'information donnée dans le document initial, on peut modifier la quantité expédiée au maximum deux heures avant l'arrivée à la frontière, mais on ne peut pas modifier la nature du chargement.
Autrement dit, si le chargement contient 100 caisses de homard, on peut modifier le préavis pour remplacer cette quantité par 95 caisses; on ne peut toutefois pas remplacer les cinq caisses de homard retirées par cinq caisses de crabe.
Les règles concernant le pays d'origine nous donneront beaucoup de fil à retordre parce qu'en ce qui concerne les fruits de mer, le règlement exige le nom du pays d'origine d'après le pavillon du navire de pêche. Par conséquent, à supposer que je sois établi à Terre-Neuve et que je prépare des filets de morue norvégienne, islandaise et russe, je devrai contrôler mon inventaire pour être en mesure d'indiquer quelles caisses contiennent du poisson en provenance de la Russie par exemple, lorsque je remplirai les documents. C'est possible, mais cela compliquera considérablement le contrôle des stocks et le chargement des camions pour éviter de commettre une erreur. Ce règlement ne concorde pas avec les règlements douaniers et il sera par conséquent nécessaire de remplir une série de documents pour les Douanes américaines en fonction des règles concernant le pays d'origine et une autre série de documents pour la FDA en fonction du pays d'origine de la matière première.
Le préavis devra être préparé par une entreprise américaine qui est votre importateur ou votre acheteur, ou par son agent — pas le vôtre. Le préavis devra être remis par quelqu'un qui a un établissement aux États-Unis ou qui y est domicilié. Les grandes entreprises utiliseront leurs filiales américaines et exporteront leurs produits à elles-mêmes, les mettront en entrepôt et les redistribueront. Les petites entreprises qui n'ont pas de filiales américaines devront mettre en place un système ou payer un client pour assurer ce service pour chaque envoi.
L'industrie devra se réorganiser afin de trouver une possibilité, avec la collaboration de ses clients, de se conformer à ce règlement concernant «l'importateur, l'acheteur ou leur agent», de façon à ce que le préavis soit remis au plus tard à midi la veille.
Un problème commercial important, qui n'est pas un règlement frontalier, est que l'on n'a pas encore calculé toutes les conséquences néfastes de ces initiatives. On aurait tort de prêter foi aux rumeurs, mais il paraît que dans certains cas, l'assurance canadienne est annulée à partir du moment où le produit traverse la frontière et le propriétaire doit trouver une compagnie d'assurances américaine prête à lui fournir une assurance-responsabilité de produits parce que les compagnies d'assurance canadienne refusent d'assumer un risque inconnu. Si un camion contenant un chargement de homard d'une valeur de 200 000 $ ou 300 000 $ est retenu un jour ou deux, il sera nécessaire de déterminer qui est responsable de ce retard et de savoir si vous aviez rempli correctement les formalités ou si votre agent a commis une erreur.
J'ai déjà mentionné qu'il sera nécessaire d'examiner l'ébauche de règlement concernant la tenue de registres. Nous n'en connaissons pas les dispositions. Nous présumons qu'elles seront analogues à celles du programme du département de l'Agriculture des États-Unis concernant l'étiquetage du pays d'origine qui exige que l'on tienne un registre de tous les envois qui puisse être vérifié par un tiers et ce, pendant une période de deux ans. L'autovérification ne serait pas permise. Le stockage de cette information sous une forme qui permette de la consulter pendant une certaine période après le passage du produit à la frontière entraînera des coûts supplémentaires.
Comme on l'a annoncé à la télévision hier, les États-Unis sont passés au code orange. Ils ont établi l'opération «Bouclier de la liberté» qui prévoit des recommandations supplémentaires en matière de sécurité alimentaire. Cette opération vise notamment les parcs d'engraissement, les parcs à bestiaux, les usines de transformation d'aliments et les entrepôts. Les autorités veulent que l'on procède à une inspection plus rigoureuse des camions et des voitures qui pénètrent dans l'enceinte de l'entreprise et que l'on institue des programmes pour accompagner les visiteurs. Divers programmes à court terme sont prévus. J'ai signalé à M. Phillips que quelqu'un de mon secteur a demandé s'il ne serait pas utile d'exporter des quantités supplémentaires aux États-Unis au cas où les autorités américaines adopteraient le code rouge d'ici quelques semaines. J'ai mentionné que j'ignorais ce que cela voulait dire. M. Phillips a expliqué comment cela se passe à la frontière. J'ai communiqué avec l'ambassade pour voir si la FDA mettrait en oeuvre le code rouge en ce qui concerne les produits alimentaires importés. Jusqu'à personne, personne n'était au courant à Ottawa, mais on m'a signalé que l'on s'informerait auprès des autorités américaines et que l'on me ferait savoir pour demain en quoi consiste le règlement, pour me permettre de recommander éventuellement d'augmenter les stocks aux États-Unis à court terme. Je pense que la situation ne reviendra jamais à la normale. Ce sont pour notre secteur des questions pratiques qui entraîneront des coûts supplémentaires et qui obligeront quelques petites entreprises moins bien équipées à trouver un moyen de répondre à toutes ces exigences. Comme nous l'avons mentionné, NEXUS, EXPRESS et C- TPAT ne sont pas appliqués dans la région de l'Atlantique et on n'y a donc pas fait d'investissement dans les infrastructures de sécurité comme les voies réservées. Pour un camionneur de la région de l'Atlantique, le point d'enregistrement le plus proche est Champlain (New York) Toute initiative qui pourrait être prise pour transférer une partie des programmes qui ont été mis en place à quelques postes clés du sud de la Colombie-Britannique et de l'Ontario pour que la région de l'Atlantique soit considérée comme un point de passage frontalier important serait appréciée.
M. Anthony Campbell, expert-conseil, Nova Scotia Fish Packers Association, à titre personnel: Si vous avez la patience de m'écouter, je voudrais faire quelques commentaires. Je mentionnerai mes antécédents pour que vous puissiez comprendre les raisons pour lesquelles un expert-conseil a été invité. Je tiens à signaler que M. Bulmer, dont vous venez d'entendre l'exposé, est sur le point de prendre sa retraite. Au cours des 34 années pendant lesquelles j'ai travaillé à la fonction publique fédérale, j'ai eu le plaisir de travailler en étroite collaboration avec l'industrie de la pêche pendant quatre ans et je n'ai jamais rencontré un meilleur Canadien que M. Bulmer. Je suis très heureux de le voir ici.
J'ai pris ma retraite il y a deux ans de la fonction publique et je suis devenu expert-conseil et enseignant. Je suis agrégé supérieur de recherches à la Carleton's School of International Affairs. J'enseigne le programme de maîtrise en sécurité humaine et en édification de la paix de la Royal Roads University et je donne des cours de gestion du changement à la University of Victoria.
Je suis président de l'Association canadienne pour l'étude de la sécurité et du renseignement, une institution dont l'objectif est de réunir les experts dans le domaine de la sécurité, du renseignement et de l'application de la loi. Comme vous pourrez le constater, c'est une institution qui ne s'était jamais occupée de commerce jusqu'à présent, mais elle le fait maintenant. C'est une des nouvelles activités et c'est une des raisons pour lesquelles je suis ici aujourd'hui.
En prévision de la séance d'aujourd'hui, j'ai envoyé au greffier une copie d'un chapitre d'un ouvrage intitulé Canada Among Nations. Vous l'avez vu. C'est un ouvrage qui est publié chaque année par l'Université Carleton et, cette année, le sous-titre est Coping With The Colossus. Je voulais passer, pour des raisons pour lesquelles je tenterai de faire un lien, avec le sujet à l'étude. Si vous avez examiné ce chapitre avant la réunion, vous vous demandez peut-être s'il n'aurait pas dû être remis à un autre comité.
Je devrais commencer par le début, à savoir mentionner que j'ai des enfants et des petits-enfants et que je suis préoccupé pour leur avenir, plus particulièrement leur avenir comme Canadiens. La dépendance commerciale du Canada à l'égard des États-Unis devrait être un sujet d'inquiétude, non pas que ce soit inquiétant d'avoir un bon client; je vends d'ailleurs mes services sur le marché américain. Je ne tiens pas à faire l'hypocrite. Ce sont d'excellents clients. Cependant, cette situation est inquiétante pour des motifs évidents. Comment peut-on maintenir une souveraineté nationale adéquate dans de telles conditions de dépendance? Depuis les attentats du 11 septembre, depuis l'avènement des États axés sur la sécurité aux États-Unis et depuis que Hillary Rodham Clinton affirme que la sécurité a priorité sur l'économie, nous nous engageons dans une voie nouvelle dans le cadre de nos relations avec les États-Unis en matière de sécurité. Si l'on y ajoute notre dépendance commerciale, cela ne nous laisse pratiquement plus aucune possibilité de nous leurrer au sujet de notre degré d'indépendance réel.
La gestion des relations avec les États-Unis doit reposer d'abord sur ces deux constats. Nous sommes dépendants sur le plan commercial et nous sommes maintenant en outre dépendants sur le plan de la sécurité. Nous pourrions avoir un système de sécurité personnelle et une capacité qui nous soit propre dans ce domaine, mais nous devrons nous plier aux volontés des États-Unis aussi longtemps qu'ils n'acceptent pas notre niveau de sécurité, notre niveau de renseignement, notre niveau d'application de la loi et le niveau conceptuel de notre réglementation. Risquons-nous de devenir dans ce contexte des citoyens de deuxième classe, des citoyens qui ne votent plus et qui sont en réalité dirigés par les États-Unis? Il est nécessaire de se poser quelques questions sans complaisance à ce sujet et c'est une des raisons pour lesquelles je suis heureux que votre comité examine ces questions.
Nous sommes dépendants sur le plan commercial et nous le sommes de plus en plus également sur celui de la sécurité; nous n'avons aucune possibilité de nous soustraire à l'une de ces dépendances ou à un lien entre les deux. Quel est le rapport avec le renseignement et l'information et en quoi contribue-t-il à atténuer ou à remédier à cette situation? C'est précisément le sujet dont je voulais traiter aujourd'hui. Je vois trois liens entre l'information et le savoir, qui sont synonymes de «renseignement» et nos relations commerciales avec les États-Unis et avec le Mexique.
Le premier facteur est que le Canada a eu des relations extrêmement intenses avec les États-Unis en matière d'information ou de renseignement — termes que j'utilise de façon interchangeable — depuis la Seconde Guerre mondiale. Ces relations intenses étaient dues à la guerre froide; d'ailleurs, le niveau et l'intensité des relations en matière de renseignement était extrêmement élevé, si bien qu'il ne nous restait plus de marge de manoeuvre. Nous étions, et sommes toujours, très dépendants des sources de renseignement américaines pour être au courant des événements mondiaux.
J'ai travaillé pendant sept ans dans ce domaine au Bureau du Conseil privé et j'ai appris que l'on peut être extrêmement intégré avec les Américains tout en conservant un niveau d'autonomie élevé. C'est pourquoi je ne suis pas particulièrement inquiet d'une intégration quasi totale comme telle. J'ai eu l'occasion de constater que lorsqu'il se comporte intelligemment avec les États-Unis, le Canada peut s'en tirer très bien dans ce type de relations.
Je pense que, compte tenu des nouveaux domaines où notre intégration avec les Américains s'accentue et où nous perdons la souveraineté que nous avions, il serait peut-être nécessaire d'envisager d'adopter une stratégie compensatoire dont un ou plusieurs volets auraient pour but de rétablir un certain équilibre, et par conséquent de renforcer le maintien d'une certaine sensation d'autonomie. J'ai rencontré la plupart des sénateurs assis autour de cette table dans diverses régions du pays et on a de la difficulté à imaginer à quel point nous pouvons nous faire tordre le bras, car le moral est excellent dans les diverses régions du pays. Je ne devrais peut-être pas être trop alarmé.
Ce que je veux dire, c'est que, puisqu'on doit accepter une dépendance en matière de sécurité et de commerce, ne pourrait-on pas tenter de créer un degré d'indépendance accru dans notre connaissance des événements mondiaux et défendre notre souveraineté dans le secteur de l'information? Je pense que le Canada a plus de marge de manoeuvre que jamais depuis la Seconde Guerre mondiale pour accroître sa souveraineté dans le domaine de l'information et du savoir. La guerre froide est terminée. Nos relations avec les États-Unis sont notre principal enjeu international et nous n'avons pas les connaissances, l'information ou les renseignements nécessaires pour faire face à cette réalité. Nous pouvons renforcer notre autonomie dans le domaine de l'information et, ce faisant, nous serons peut-être en mesure de compenser notre dépendance accrue dans les domaines de la sécurité et du commerce.
J'ai déjà abordé brièvement le deuxième facteur que je voudrais mentionner, mais on ne m'a peut-être pas très bien compris. Aux yeux des Américains, nous avons un problème commercial de taille dès l'instant où notre sécurité présente une faille. Par conséquent, nous devons éviter ces failles et pour cela, il est nécessaire d'établir un système de renseignement très performant. Le renseignement est la capacité d'anticiper sur l'activité. La question à se poser au sujet des relations commerciales avec les États-Unis est: quelles sont les relations avec les États-Unis en matière de renseignement et notre capacité dans ce domaine est-elle suffisante? Ma réponse est qu'elle ne l'est pas et que nous aurons inévitablement des problèmes commerciaux pour cette raison même.
Le troisième et dernier facteur est qu'à mon sens, le mécanisme qui nous permet de nous en sortir avec les États-Unis et de faire face au colosse, doit être entièrement reconditionné. Le terme est même un peu faible. Il doit être repensé. Nous avons installé un nouveau mécanisme, mais nous utilisons peut-être encore les méthodes canadiennes traditionnelles. Un poste équivalent à celui de ministre des Affaires continentales a été créé au Bureau du Conseil privé ou plutôt maintenant au ministère des Finances. Je pense toutefois qu'il est nécessaire dans la structure du leadership de repenser notre façon de structurer la gestion des relations avec les États-Unis.
Le département de la Sécurité intérieure pose un défi énorme qui a déjà été mentionné au cours de la discussion. Avons-nous la capacité de nous en tirer face à une institution semblable? Avons-nous la capacité de traiter avec un gouvernement américain qui représente une population littéralement affolée par les armes de destruction massive? Avons-nous la capacité décisionnelle, l'imputabilité et les relations nécessaires? Ma réponse à ces diverses questions est non.
Le sénateur Graham: J'ai une question à vous poser, monsieur le président, parce que vous avez mentionné que, d'après certaines rumeurs, il y avait de longues lignes d'attente aux frontières. Pourriez-vous préciser dans quelle direction?
Le président: Je ne peux pas. C'est M. Phillips qui est l'expert.
Le sénateur Graham: Sont-elles en direction sud ou en direction nord?
M. Phillips: Elles sont principalement en direction des États-Unis, c'est-à-dire vers le nord à Detroit et vers le sud aux autres postes frontaliers. D'après les informations de ce matin, il y avait un retard de deux heures au Peace Bridge, alors que le délai d'attente est normalement d'une heure et quart. J'ai passé le pont Lewiston-Queenstown à New York à 6 h 30 et il y avait une file d'environ 70 camions, ce qui est à peu près normal. D'après les informations, au pont Ambassador, la file était d'environ une heure, ce qui est à peu près normal également. Même si le délai d'attente était un peu plus long que d'habitude, je ne pense pas que l'on puisse considérer que la situation était critique.
D'autres retards surviendront parce que lorsque le code orange est appliqué, on vérifie le contenu du coffre de 75 p. 100 des voitures. On inspecte trois voitures sur quatre. Sous le régime «Red Alert», les agents américains vérifient le contenu de toutes les voitures. Ils font parfois en outre une vérification sous le capot.
Je précise que la «Red Alert» n'est pas une alerte nationale. Elle concerne des menaces spécifiques. Elle pourrait concerner l'aéroport de Chicago ou le pont Ambassador. Il ne s'agit pas de sécurité générale comme le code orange et le code jaune.
Le président: Sénateur Graham, j'aimerais faire consigner au compte rendu que quelqu'un a signalé au comité que, pour maintenir ce niveau très élevé d'exportations canadiennes aux États-Unis — et je ne suis pas certain que ce soit le cas dans l'autre sens, même si je suppose que oui —, il est nécessaire que la fréquence de passage des camions à la frontière canado-américaine soit d'un camion par seconde et demie. C'est ce qui a été mentionné.
M. Phillips: C'est environ un par deux secondes et demie.
Le président: Je vous remercie d'avoir rectifié. Le comité est conscient du fait que si la fréquence n'est plus que d'un camion par cinq ou dix secondes, ce ralentissement aura des répercussions économiques considérables pour le pays et aussi, je présume, pour les régions des États-Unis pour lesquelles c'est très important. Je tenais à le préciser.
Le sénateur Graham: Monsieur Phillips, dans votre exposé et dans votre mémoire, vous avez mentionné que des fonctionnaires canadiens et américains à un niveau élevé vous ont signalé que les facteurs économiques qui sous- tendent les relations entre le Canada et les États-Unis sont excellents, que le flux des échanges commerciaux est vigoureux et que les relations entre le Canada et les États-Unis sont empreintes de maturité et sont solides.
Votre position est-elle la même aujourd'hui qu'hier ou que la semaine dernière?
M. Phillips: Oui.
Le sénateur Graham: Vous m'en voyez heureux. Compte tenu de la position du Canada sur la très médiatisée guerre possible avec l'Iraq, plusieurs personnes sont très inquiètes et pensent que cette position nous causera préjudice, sur le plan économique, sur le plan diplomatique et sur d'autres plans. Pensez-vous toujours que, malgré la déclaration faite hier soir par le président, les facteurs fondamentaux restent excellents et que nous aurons encore des relations vigoureuses, solides et empreintes de maturité avec les États-Unis?
M. Phillips: Oui. Il y a une quinzaine de jours, j'ai tenu une séance d'information avec l'ambassadeur Cellucci pour une coalition. L'ambassadeur a insisté sur le fait que les relations entre le Canada et les États-Unis étaient non seulement vigoureuses et empreintes de maturité, mais qu'elles n'avaient jamais été aussi bonnes. J'étais à Ottawa il y a plusieurs semaines lorsque certaines remarques déplacées ont été faites au sujet de sentiments anti-américains. Certaines déclarations ont été faites. Il ne faut pas en tenir compte.
L'ambassadeur Cellucci a mentionné que certaines personnes répandaient la rumeur que le président n'aimait pas le premier ministre parce qu'il n'a pas prévu de passer une nuit au Canada au cours de la visite officielle qu'il fera le 5 mai, ce qui est ridicule. Il a souligné qu'il a eu l'occasion de se trouver en présence des deux hommes en privé et en public et que ceux-ci entretiennent de bonnes relations. C'est encore une question de perception. Les relations entre les Canadiens et les Américains sont très bonnes.
Je ne suis pas tout à fait d'accord avec M. Campbell. Les Américains ne s'affolent pas, mais ils sont en colère. Nous nous appliquons à régler le problème depuis le 12 septembre. Comme l'a signalé Paul Cellucci, il est important qu'une zone de confiance soit établie autour des États-Unis et du Canada. La situation sera très différente si cette zone de confiance est cantonnée aux États-Unis.
On fait confiance à John Manley aux États-Unis. Lorsque John Manley leur serre la main, les Américains lui font confiance. Tom Ridge est un homme du même calibre. Ces deux hommes ont d'excellentes relations personnelles, ce qui est important pour la stabilité des relations entre le Canada et les États-Unis.
Rob Wright, votre commissaire des douanes, et Bob Bonner ont des relations personnelles qui sont extrêmement importantes dans ce contexte.
Je suis certain que les relations et la bonne entente sont aussi vigoureuses que jamais. Il y a certes des accidents de parcours. La question du bois d'oeuvre résineux provoque une certaine angoisse. Avant, c'était la question du saumon et, à une certaine époque, celle de la bière. D'une manière générale, nos relations commerciales et nos autres relations sont solides.
Je suis Américain. Nous reconnaissons la souveraineté du Canada. Personne aux États-Unis ne veut prendre le contrôle du Canada. Ce n'est pas là que réside le problème. Il semblerait qu'il réside dans le fait que nous sommes un colosse et que nous sommes très puissants. Il n'y a aucun rapport avec un manque de respect. Les Américains tiennent les Canadiens en haute estime.
Il convient d'éviter les commentaires déplacés. Il est ridicule de penser que le président des États-Unis ne veut pas passer la nuit au Canada parce qu'il est fâché. C'est le type de commentaire que l'on fait dans la presse et que fait le peuple. Il ne faut pas en tenir compte.
Le sénateur Graham: Une équipe de reconnaissance de 25 ou 30 personnes du département d'État est venue dernièrement au Canada afin de préparer la visite du président. Je suis allé à Belgrade pour remplir une triste mission la fin de semaine dernière, à savoir pour assister aux funérailles de l'ex-premier ministre de Serbie, et j'ai fait le voyage en compagnie de quelques Américains de marque. Nous avons eu d'excellents contacts et de nombreuses conversations sur les enjeux actuels. Il est à espérer que ces commentaires isolés le resteront et qu'on pourra y mettre un terme. Puisque vous êtes Américain, nous tenons à vous présenter nos excuses.
Le sénateur Di Nino: Je voudrais poser une question à M. Bulmer concernant un commentaire que nous avons entendu au cours du voyage que nous avons fait dans l'Ouest. Je me demande s'il ne peut pas m'éclairer à ce sujet grâce à ses antécédents. On a parfois l'impression que les relations commerciales entre le Canada et les États-Unis ont tendance à être sectorielles ou régionales. Quelqu'un a mentionné qu'un front uni pancanadien serait plus efficace pour établir de bonnes relations commerciales. Quelles sont les relations entre vous et les pêcheurs de l'autre région côtière? Êtes-vous sur la même longueur d'onde? Est-ce que vous vous soutenez mutuellement?
M. Bulmer: Le Conseil canadien des pêches représente les pêcheurs de l'Atlantique et du Pacifique et les pêcheurs en eau douce de l'Ontario. Je travaille donc pour tous les pêcheurs.
L'avantage qu'ont les pêcheurs de la côte ouest en ce qui concerne ces questions frontalières est que la plupart des programmes que nous avons mentionnés sont en place au sud de Vancouver. C'est par là que passent leurs produits. Ils ont tendance à servir surtout des clients de la Californie, en poisson de fond, notamment. Ils sont par conséquent en mesure de tirer parti de certaines ententes alors que le produit de la région de l'Atlantique a tendance à passer la frontière dans le Maine. Le principal point de distribution pour les États-Unis est à Boston. Le poisson d'eau douce a tendance à être exporté directement vers les États situés au sud de Winnipeg et du Michigan. Il s'agit notamment du poisson du lac Érié et d'autres lacs semblables. Je travaille pour tous les pêcheurs, mais la situation n'est pas la même dans toute l'industrie.
En Colombie-Britannique, où le saumon est toujours roi, le marché a tendance à être plus diversifié et à être moins dépendant des États-Unis. Le Royaume-Uni, l'Australie et la Nouvelle-Zélande offrent d'importants débouchés pour le saumon en conserve.
En ce qui concerne la région de l'Atlantique, les personnes pour lesquelles M. Morrow travaille ont tendance à aimer le homard vivant. À l'exception de quelques envois saisonniers par avion en Europe et dans quelques autres pays, le homard est expédié aux États-Unis, sinon vous avez de gros problèmes financiers. Les commentaires de M. Campbell au sujet de la dépendance totale des États-Unis décrivent donc bien la situation dans le secteur du homard vivant.
M. Denny Morrow, directeur général, Nova Scotia Fish Packers Association: La Nouvelle-Écosse est la première province exportatrice de fruits de mer. La valeur des exportations dans ce secteur a atteint environ 1,2 milliard de dollars l'année dernière. En hiver, la région où j'habite, c'est-à-dire le sud-ouest de la Nouvelle-Écosse, est entièrement dépendante des exportations comme source de revenu. C'est l'époque où nous faisons de gros envois de homard pour Noël.
Lorsque la loi sur le bioterrorisme sera en vigueur, au mois de décembre, de nombreux camions chargés de homard prendront la direction de Boston et de New York. Certains de ces chargements de homard seront transbordés. On se pose des questions sur la façon dont les nouvelles dispositions seront appliquées.
Dans le document que j'ai fait distribuer, j'ai envisagé un scénario basé sur les meilleures éventualités et un scénario très pessimiste. Divers autres scénarios se situent entre ces deux extrêmes. J'ai parlé à certains de nos acheteurs américains au Seafood Show qui a eu lieu dernièrement à Boston. En gros, ils ne sont pas au courant des enjeux et ignorent quelles seront leurs responsabilités dans le contexte de la loi sur le bioterrorisme. Nous devons les sensibiliser tout en faisant du lobbying auprès de la FDA américaine et des politiciens pendant qu'il reste encore une possibilité de modifier ces règlements pour en atténuer l'impact négatif sur notre secteur.
C'est avec beaucoup d'appréhension que j'imagine les conséquences que pourrait avoir ce règlement dans la collectivité dont je fais partie, où l'on expédie aux États-Unis durant le mois de décembre des chargements de homard pour une valeur totale d'une centaine de millions de dollars. Les camions se suivent au poste frontière. L'hiver, hors de l'eau, le homard ne survit pas longtemps. Le délai d'acheminement vers le marché est très court. Nous avons du pain sur la planche pour faire modifier ces règlements de façon à ce qu'ils soient plus applicables pour notre secteur sinon, l'économie de ma région sera durement touchée.
Le sénateur Di Nino: Un facteur est l'aide que vous apporte la bureaucratie canadienne et le système politique canadien pour faire modifier certains de ces règlements ou en atténuer l'impact sur votre secteur. Cependant, comme l'a également mentionné M. Bulmer, la transition pourrait être facilitée si le gouvernement mobilisait certaines ressources à cette fin. Je n'essaie pas de vous faire dire ce que vous n'avez pas dit, mais n'est-ce pas ce que vous avez mentionné?
M. Bulmer: J'en conviens. À court terme, tous les programmes d'essai et les programmes pilotes, et même ceux qui ont donné des résultats concluants, ont été cantonnés au centre et à l'ouest du Canada. C'est pourquoi je mentionne que le secteur de la pêche de la Colombie-Britannique est avantagé. Dans l'est, du côté canadien, nous ne sommes en mesure de tirer parti d'aucun de ces programmes — les voies EXPRESS, les voies améliorées et l'enregistrement préalable des camions et des transporteurs. Pour ceux qui sont à Terre-Neuve, le poste le plus proche où l'on peut se présenter pour l'enregistrement dans l'État de New York. Il est essentiel que les initiatives gouvernementales et que les fonds qui ont été prévus soient mieux répartis entre les diverses régions du Canada.
M. Phillips: M. Bulmer a parfaitement raison. Le gouvernement doit effectivement veiller à ce que les services soient assurés tout le long de la frontière. Le processus commercial EXPRESS est en place à six postes frontaliers. Ce sont ces endroits-là qui seront soumis à un traitement spécial en raison de la quantité de camions. La situation est la même en ce qui concerne le programme NEXUS; il sera en place à tous les postes très fréquentés. Il sera établi à Calais (Maine) avant la fin de l'année. Le NEXUS sera mis en place aux postes où il y a le plus de passage. Les postes où le passage est faible n'y ont pas droit.
À l'instar de M. Bulmer, je pense que l'on ne peut négliger aucun tronçon de la frontière. Je pense que les autres programmes utilisés par les Douanes canadiennes ou que le traitement préalable à l'arrivée des camions à destination des États-Unis seront aussi efficaces que le programme EXPRESS dans les endroits où il n'est pas en place. Ce processus doit être étendu à tous les postes frontaliers.
Il est absolument nécessaire que le processus EXPRESS soit mis en place dans les provinces de l'Atlantique car un passage efficace est indispensable. C'est la clé. Mon objectif n'est pas de mettre uniquement l'accent sur le processus EXPRESS. Il est essentiel que les divers processus mis en place à tous les postes frontaliers, de l'ouest à l'est du pays, soient efficaces et efficients.
M. Morrow: Plusieurs entreprises de la région de l'Atlantique, notamment McCain Foods et Highliner, et quatre ou cinq entreprises de l'association pour laquelle je travaille, ont investi des sommes considérables pour devenir partenaires dans le Customs-Trade Partnership Against Terrorism (C-TPAT). Les représentants de nombreuses entreprises de cette région ont dû faire queue à Washington en attendant l'approbation. Les Douanes américaines ont signalé que nous pouvions nous attendre à un service accéléré à la frontière.
Les agents des Douanes américaines dans le Maine avec lesquels nous sommes en contact nous ont signalé que l'un des facteurs clés est que les chauffeurs de camion soient en possession de la carte EXPRESS. Mon beau-frère a une entreprise de camionnage. D'après lui, il faut deux jours pour envoyer un chauffeur à Champlain (New York). Compte tenu des dépenses et du roulement qu'il faut faire, ce type d'exigence représente des coûts et des obstacles supplémentaires constants pour ces entreprises.
Nos fabricants et nos fournisseurs de produits alimentaires investissent des fonds et du temps dans ce programme, mais un élément clé est absent.
Le sénateur Austin: Je signale que nous apprécions beaucoup le haut niveau de qualité des exposés qui ont été faits cet après-midi. J'aurais beaucoup de questions à poser, mais nous disposons de trop peu de temps.
Il y en a une que j'aimerais faire consigner au compte rendu, mais c'est probablement la plus difficile à poser. Monsieur Phillips, vous avez mentionné qu'il fallait faire la part des choses entre les exigences économiques et les exigences en matière de sécurité, mais ce sont les facteurs économiques qui permettront de financer la sécurité. C'est du moins notre conception. Pourriez-vous faire des commentaires à ce sujet?
Les deux gouvernements auront de toute évidence des coûts directs beaucoup plus élevés pour assurer la sécurité. Le domaine commercial aura des coûts parallèles pour respecter les dispositions législatives qui sont mises en place. Avez- vous une notion des coûts supplémentaires qu'entraînera le système de sécurité pour les exportateurs, en pourcentages?
La valeur des échanges commerciaux entre les deux pays atteint actuellement près de 400 milliards de dollars US. Les coûts supplémentaires pour les consommateurs de l'un et l'autre pays s'élèveront-ils à 40 milliards de dollars, soit 10 p. 100, ou à 20 milliards? Si je pose cette question, ce n'est pas parce que je n'accepte pas le coût de la sécurité; je voudrais cependant comprendre quel impact financier elle aura sur les échanges entre les deux pays.
M. Phillips: On n'a pas encore fait de calcul définitif et j'aurais tendance à faire preuve de circonspection. Dans le cas d'une entreprise efficace, compte tenu des divers facteurs, les frais de passage à la frontière représentent en moyenne environ 5 p. 100 du chiffre d'affaires. Dans le cas d'une entreprise mal gérée, il peut atteindre 13 p. 100. Ce sont les pourcentages approximatifs.
D'après plusieurs études, si les mesures de sécurité, comme l'adhésion au C-TPAT ou au programme Partenaires en protection au Canada, entraînent certains frais, lorsque vos biens ne sont pas protégés, vous devez régler vous-mêmes les problèmes qui surgissent. Je pense qu'au bout du compte, l'augmentation du coût des affaires depuis le 11 septembre, qui est de 5 à 13 p. 100, diminuera. Je pense que vers la fin de 2005, le passage à la frontière sera plus rapide pour le trafic à faible risque.
Étant donné que ce trafic aura tendance à représenter de 85 à 90 p. 100 des envois, j'aurais tendance à penser que si nous devons consentir à payer des frais supplémentaires pour préparer la mise en place d'une sécurité accrue, ces changements accroîtront l'efficacité du processus et réduiront les délais d'attente. Plusieurs mesures, qui seront mises en place dans le cadre de la stratégie concernant le périmètre, devraient permettre de réaliser les milliards de dollars d'économies prévus si l'on prend certaines initiatives.
C'est un mouvement de balancier. Dans un premier temps, le renforcement de la sécurité entraînera indéniablement des coûts supplémentaires, mais je pense qu'en fin de compte, ces coûts seront compensés par une efficience accrue. Les États-Unis ont pour objectif d'atteindre un niveau d'efficience inégalé dans le passage des produits ou des personnes à faible risque, et de renforcer la sécurité.
M. Bulmer: Je tiens à signaler que la mise en place d'une règle comme celle concernant le préavis entraînerait pour le secteur de l'informatique des coûts supplémentaires de 60 à 70 $ US par liste et par produit. À supposer qu'il soit nécessaire d'établir une liste pour huit ou dix produits différents, cela représenterait un coût supplémentaire de 400 à 500 $ qui s'ajouterait aux frais de transport par camion du sud de la Nouvelle-Écosse à Boston, par exemple.
On peut toujours invoquer le fait que cela s'équilibrera à l'échelle nationale, mais si les règlements sont adoptés tels qu'ils se présentent actuellement, le coût du transport par camion du poisson du sud-ouest de la Nouvelle-Écosse à Boston risque d'augmenter dans de très fortes proportions; à moins qu'ils ne soient modifiés — ce que nous ne prévoyons pas —, il faudra continuer à supporter ces coûts supplémentaires dans dix ans, si on n'a pas fait faillite.
M. Phillips: J'en conviens. Je voudrais faire deux commentaires. Réfléchissez à ceci, parce que c'est d'une importance cruciale pour le Canada. Lorsque la zone de confiance et la stratégie concernant le périmètre seront en place et que nous protégerons le périmètre, cela changera du tout au tout la dynamique des relations entre les États- Unis et le Canada.
Je signale à M. Bulmer que si l'on adopte une stratégie axée sur un périmètre de sécurité, le transport par camion de la Nouvelle-Écosse à Boston devrait être aussi facile que le transport de la Nouvelle-Écosse au Québec. C'est un facteur dont il faut tenir compte.
Si l'on instaure un système d'interdiction à l'étranger et que tous les conteneurs sont examinés sur place avant leur arrivée au Canada, afin de mettre un terme aux menaces extérieures et de n'être plus soumis qu'à des menaces internes, je présume qu'il faut penser à ce que représente un déplacement de Toronto à New York. C'est capital pour évaluer les avantages d'une telle initiative.
Par ailleurs, les règlements seront quelque peu modifiés. Le 17 janvier, le service américain des douanes a placé un homme de paille sur des camions, quatre heures avant le chargement. Le but était d'attirer l'attention de tous. Il l'avait reconnu à l'avance. Le système d'information avant l'arrivée représente actuellement un délai de 15 à 30 minutes avant l'arrivée d'un camion au poste frontalier, ce qui est raisonnable.
M. Bulmer: Ce ne l'est pas en ce qui concerne les produits alimentaires.
M. Phillips: Non. Il est à espérer que les règles proposées par la FDA qui ont été annoncées seront modifiées; d'ailleurs, de nombreux Américains tentent de vous aider à les faire modifier et de nombreux Canadiens aussi. Il faut attendre. J'ignore ce que cela donnera.
M. Morrow: Une des difficultés auxquelles nous sommes confrontés consiste à inciter les Américains à s'engager. De qui faut-il réclamer un engagement? Nous avons tenté d'en obtenir un au niveau de l'agence, mais je ne pense pas que nos efforts aient été très efficaces. Je pense qu'il est nécessaire d'obtenir un engagement au niveau politique. Deux sénateurs jouent un rôle clé, notamment le sénateur Collins, du Maine, qui est président du Comité sénatorial sur la sécurité. Le Maine expédie de 40 à 50 millions de livres de homard au Canada. Nous achetons ce homard pour la transformation dans les usines du Nouveau-Brunswick et de l'Île-du-Prince-Édouard, au cours de la fin de l'été et de l'automne. Cela permet aux pêcheurs du Maine d'obtenir un prix minimum pour leurs prises lorsqu'ils ont des excédents. Cela va dans les deux sens, mais nous avançons des positions parfaitement raisonnables pour tenter d'équilibrer les échanges dans ce secteur ou de lui permettre de survivre. Ce qu'il nous manque, cependant, c'est l'engagement des personnes qui nous intéressent. Je ne pense pas que nous ayons fait des progrès à cet égard.
Le sénateur Austin: Ce sont des réponses très intéressantes que j'apprécie beaucoup. Ce qui nous préoccupe, c'est que les coûts de la sécurité pourraient devenir un des enjeux nationaux les plus difficiles et les plus importants. En théorie, les coûts augmentent dans des proportions égales sur l'un et l'autre marché et sont par conséquent fongibles. Les consommateurs devront payer davantage, mais ces coûts supplémentaires n'entraîneront pas une déformation des balances commerciales. Malgré les apparences, ce n'est pas une assertion mais plutôt une question.
Vous pourriez peut-être répondre, monsieur Phillips. Je cherche des signes de lumière ou d'espoir pour nos futures opérations commerciales et je me demande si vous pensez que la technologie contribue à réduire les coûts en accroissant l'efficience. Vous avez mentionné les conteneurs par exemple. Savez-vous combien de conteneurs en provenance de l'étranger et à destination des États-Unis passent par les ports de Vancouver, de Halifax ou de Montréal? Comment comptez-vous les protéger contre une altération de leur contenu par exemple?
M. Phillips: Le nombre de conteneurs manutentionnés au port de Vancouver est d'environ 1,4 million et en ce qui concerne le port de Montréal, il est d'environ 250 000; environ 50 ou 60 p. 100 de ces conteneurs seront transbordés à destination des États-Unis. C'est pourquoi il est absolument essentiel que vous mettiez des «cibleurs» en place dans vos ports.
En ce qui concerne la sécurité, je pense que la stratégie du commissaire Bonner, lorsqu'il a conçu ce programme — dont je lui accorde personnellement le crédit — avec le concours du milieu du commerce, était la suivante: si on examine visuellement et aux rayons X et si on contrôle les conteneurs à leur point d'origine, on assure la sécurité de la chaîne alimentaire sur les voies maritimes et cela ne représente pas plus de travail qu'avant.
On vérifiait tous les conteneurs à leur arrivée et désormais, on les vérifie à l'arrivée et au départ, mais si dans tous les ports on vérifiait les conteneurs au départ, il ne serait plus nécessaire de faire une inspection à l'arrivée. Par conséquent, en définitive, cela représente la même quantité de travail mais on assure en outre la sécurité des voies maritimes.
Le sénateur Austin: Peut-on charger un conteneur à Hong Kong, le fermer et savoir où il est tout en s'assurant que l'on n'a pas pu en altérer le contenu?
M. Phillips: Voici. On compte utiliser plusieurs couches de sceaux électroniques. Il y en aura trois. Lorsque le conteneur est chargé à Hong Kong, le premier sceau électronique sera placé sur la porte. Personne ne pourra ouvrir la porte si le contenu a été altéré. Le deuxième sera un système de positionnement global, c'est-à-dire un dispositif placé sur le conteneur et qui enregistrera tous ses déplacements. Si ce conteneur arrive au dock à 2 heures du matin et que quelqu'un demande à l'opérateur de grue de le déplacer dans l'obscurité et lui donne des instructions sur ce qu'il doit en faire dans le cadre de ses tâches habituelles, l'instrument de positionnement global indiquera cette manipulation non prévue au programme.
La troisième couche consiste à placer un sceau photosensible qui déclenche une alarme si quelqu'un fore dans la paroi d'un conteneur un petit trou qui y laisse pénétrer la lumière. C'est un dispositif de sécurité essentiel parce que les agents biologiques et chimiques sont insérés en petites quantités et que cela ne nécessite pas l'ouverture des portes.
L'autre système dont j'ai entendu parler et que je n'ai pas encore vu, mais sur lequel j'aurai bientôt des informations, est une peinture intérieure pour conteneur. La surface statique de la peinture contiendra un élément qui déclenche une alarme quand on perce un trou à travers la peinture.
Il ne faut pas oublier que les attentats du 11 septembre ont entraîné un changement important. Avant cette date fatidique, lorsqu'on plaçait des articles ou des produits illégaux dans un envoi, comme des stupéfiants ou de l'argent, ces objets ou produits étaient toujours retirés du contenant avant son arrivée à la destination finale. On ne tenait pas à ce que les stupéfiants soient acheminés jusqu'à l'usine de General Motors, par exemple.
Le 11 septembre, les terroristes avaient un seul but. Ils voulaient placer l'objet dans l'envoi en espérant qu'il y resterait et qu'il sauterait à destination.
C'est un gros changement en ce qui concerne la sécurité et l'application de la loi.
On compte donc utiliser trois niveaux de sceaux. Le but de l'initiative de sécurité des conteneurs consiste à examiner les conteneurs aux rayons X et à les soumettre au Système d'inspection des véhicules et du fret, à Hong Kong. Après les avoir scellés, leurs déplacements sont suivis jusqu'à destination. Lorsqu'ils arrivent à Vancouver ou à Montréal, ils peuvent être transportés à Chicago par camion ou par chemin de fer. C'est la clé du système.
Le sénateur Austin: Si j'ai posé cette question, c'est parce que le transport des conteneurs par les ports de Vancouver, Montréal et Halifax est un des volets les plus importants du secteur canadien des transports. Le transbordement de conteneurs étrangers vers le marché américain représente un pourcentage important des activités de ce secteur et c'est pourquoi cette question revêt une telle importance pour notre étude.
Le président: J'ai eu l'occasion de remarquer ces conteneurs parce que je suis souvent dans les ports. On voit des piles de conteneurs impressionnantes à Cologne ou à Buenos Aires. On en voit parfois 5 000 ensemble dans un port. Je comprends que l'on puisse utiliser une peinture spéciale ou que l'on puisse y placer un dispositif qui permette de les suivre par satellite. Qui assure toutefois la surveillance? Personnellement, je peux concevoir de nombreuses possibilités d'assurer la sécurité, mais encore faut-il que quelqu'un assure la surveillance. A-t-on chargé quelqu'un de le faire? Je ne tiens pas à trop insister sur cette question, mais je n'ai pas pu m'empêcher de la poser. Personne n'avait suivi les allées et venues des terroristes qui ont fait sauter le World Trade Center.
M. Phillips: Les États-Unis et le Canada mettent actuellement au point un projet-pilote appelé «Operation Safe Cargo» et les progrès sont très encourageants. Ce projet est fondé sur le principe que l'accroissement de l'efficacité et de l'efficience compensera les coûts supplémentaires. La sécurité est une nécessité. Il y a de par le monde des personnes qui seraient prêtes à faire du mal à nos deux pays. Il est très heureux que le Canada ne soit pas une cible; j'espère d'ailleurs qu'il ne le deviendra jamais, mais vous avez intérêt à être prêt. C'est précisément le but de la sécurité. On vérifie sur les moniteurs. On ne signale pas dans les journaux tout ce que l'on peut trouver dans les conteneurs, mais vous seriez très inquiets si vous le saviez. C'est notre point le plus vulnérable. Comme l'a signalé le sénateur Austin, il est très important pour les deux pays que l'on surveille le mouvement des conteneurs pour éviter des incidents.
Le sénateur Grafstein: Je félicite les témoins. Les renseignements que vous avez donnés sont très importants. Vous nous communiquez des informations en surabondance en quelque sorte parce que nous avons de nombreux problèmes à examiner. Je constate d'ailleurs que vous êtes dans la même situation.
Je félicite M. Phillips. Je l'observe depuis quelques années à titre de coprésident du Groupe interparlementaire Canada-États-Unis. Il sait qu'il y a à peine un an ou deux, nous n'arrivions pas à susciter de l'intérêt pour la frontière dans les milieux politiques. En cette période de crise, nous serons peut-être en mesure de cerner quelques problèmes. Je partage son optimisme dans une certaine mesure, mais nous pourrions tous être morts à court terme. Je voudrais faire des commentaires sur le pessimisme de M. Bulmer et de M. Morrow et sur les possibilités de cerner quelques-uns de ces problèmes.
Je suis très sensible à ce qu'ils ont mentionné, à savoir que c'est une chose d'avoir un problème et que c'en est une autre de trouver quelqu'un pour le régler. À qui faut-il s'adresser étant donné que les États-Unis transforment en quelque sorte leur économie nationale et tentent de régler leurs problèmes? Le sénateur Snowe est maintenant président du Comité de surveillance. Je sais que ce comité a suscité une vive controverse politique. De terribles controverses politiques ont éclaté et les Américains s'appliquent à résoudre ces problèmes avant de s'occuper de nous.
Quel serait notre meilleur point d'appui pour régler certains problèmes? Nous avons affaire à un gouvernement qui a plusieurs visages. D'une part, il y a l'exécutif, puis la bureaucratie et ensuite, la rivalité entre les deux Chambres du Congrès. Si nous voulons faire une recommandation, à quel niveau devrions-nous cibler nos efforts pour obtenir un appui maximal pour la défense des intérêts canadiens?
Le président: À qui devrions-nous rendre visite quand nous irons à Washington?
M. Phillips: Ce serait de l'ingratitude de ma part de ne pas mentionner que le sénateur Grafstein est un atout important dans les relations entre les États-Unis et le Canada. Je l'ai félicité et j'ai aussi félicité Joe Comuzzi pour leurs accomplissements au sein du groupe interparlementaire. Le sénateur Grafstein est par ailleurs dans une large mesure responsable du soutien énorme que nous avons reçu du Canada après le 11 septembre. Nous ne l'oublierons jamais.
M. LaFalce, membre du Congrès, était coprésident du Northern Border Caucus. Lorsque le BTA est devenu une réalité en 1992, j'ai demandé à M. LaFalce, que je connaissais depuis des années, s'il formerait un caucus officiel à la Chambre, et il a accepté. Après la retraite de M. LaFalce, nous avons réorganisé le caucus. Il est maintenant composé de quatre coprésidents: Bart Stupak, du Michigan, Earl Pomeroy, du Dakota du Nord, George Nethercutt, de Washington, et Jack Quinn, de New York. Je vous recommande d'avoir des entretiens avec les membres de ce caucus officiel. Le nombre de membres du Northern Border Caucus a été porté à près de 60, tous membres du Congrès. Jack Quinn est de New York. Si un problème nécessite de l'appui, il peut faire intervenir également l'autre représentant de l'État de New York au Congrès. Nous ne leur demandons pas de devenir membres du caucus; nous ne sollicitons que la participation des membres du Congrès qui représentent des États frontaliers. Nos 50 ou 60 membres représentent les 22 États frontaliers.
C'est avec eux que je vous recommande de communiquer. C'est un caucus officiel. Vous trouverez un lien au site Web de ce caucus sur la page d'accueil de notre site Web, qui se trouve dans mon mémoire.
Je ne veux pas faire de politique, mais je tiens à signaler que M. Martin est très respecté aux États-Unis.
Il est également absolument essentiel que vous ayez des contacts avec Tom Ridge. M. Ridge est le gouverneur de la Pennsylvanie. Il sait ce que c'est de préparer une liste de paie; il sait ce que c'est de diriger une entreprise et il est conscient de l'importance du Canada parce que la Pennsylvanie est un des États dont le volume des échanges commerciaux avec le Canada est le plus élevé et ce, depuis de nombreuses années.
Depuis la retraite du sénateur Moynahan, nos sénateurs prennent des positions différentes, selon leur parti et leur circonscription. C'est pourquoi j'éprouve de la difficulté à mentionner quelqu'un en particulier, mais je recommanderais d'avoir des entretiens avec des représentants du Northern Border Caucus.
Le sénateur Grafstein: J'ai appris aujourd'hui que le nouveau coprésident du Groupe interparlementaire Canada- États-Unis est le sénateur Crapo, de l'Idaho. C'est un homme très intelligent et, même s'il n'a pas participé activement aux discussions sur les problèmes entre le Canada et les États-Unis, c'est de toute évidence avec lui que nous traiterons.
M. Bulmer et M. Morrow pourraient-ils faire des commentaires à ce sujet? Ils doivent être très préoccupés à court terme quant à la survie de certaines des entreprises qu'ils représentent.
M. Bulmer: Je suis entièrement d'accord avec M. Phillips en ce qui concerne le processus politique. Les politiciens qui représentent les régions frontalières et sont bien informés au sujet ces problèmes et de leurs incidences représentent un de nos meilleurs atouts. Je ne pense pas que les habitants du Nevada s'intéressent beaucoup aux importations de fruits de mer. L'ambassadeur Cellucci sait que nous exportons beaucoup de fruits de mer au Massachusetts puisque c'est de là qu'il vient, même s'ils sont consommés à San Francisco ou à Los Angeles. D'un point de vue politique, c'est essentiel pour que le travail se fasse.
L'industrie alimentaire américaine est comme tout processus politique; elle a tendance à réagir davantage à l'industrie nationale qu'à s'intéresser aux étrangers. Cette situation nous agace. Wal-Mart est la plus grosse chaîne d'alimentation de détail en Amérique. Costco est le principal vendeur de saumon d'élevage aux États-Unis. Ces entreprises ne considèrent pas que c'est un problème qui les concerne. Tout ce qu'elles veulent, c'est que la marchandise soit livrée à l'entrepôt à un moment précis et à un prix donné. Le reste ne les intéresse pas. Elles ne tiennent pas à s'occuper des préavis à la FDA. Elles considèrent que c'est notre problème de décider s'il faut engager un agent permanent. Ce n'est pas ce genre d'attitude qui nous permet de réaliser des progrès.
Le troisième facteur est lié à la bureaucratie. Je voudrais le situer dans le contexte de cette discussion sur le périmètre. Cela s'applique aux marchandises en provenance de l'étranger qui sont importées aux États-Unis par le Canada. Le secteur alimentaire au Canada commence dans ce périmètre — avec les céréales, le poisson, le porc du Manitoba, et cetera. Cela ne peut pas fonctionner si l'on n'arrive pas à convaincre les Américains de reconnaître nos systèmes nationaux. Nous avons des entretiens avec la FDA à propos de la reconnaissance réciproque de notre système d'inspection en ce qui concerne les fruits de mer — c'est-à-dire l'Agence canadienne d'inspection des aliments —, pour une période de cinq ans, et nous n'avons pu réaliser aucun progrès à ce chapitre.
Le sénateur Grafstein: Vous avez mentionné que votre secteur avait peu d'appui auprès de la bureaucratie, qui est un intervenant important. Vous ne nous faites toutefois aucune suggestion.
M. Bulmer: Il sera nécessaire que nous réglions ces problèmes. Deux des trois étapes prévues ne tiennent pas compte des incidences pour le secteur canadien des fruits de mer.
M. Morrow: M. Bulmer a mentionné l'ambassadeur Cellucci. J'ai par exemple des contacts aux services américains des douanes avec des personnes qui m'ont signalé qu'il était essentiel de mettre M. Cellucci au courant des problèmes de la région de l'Atlantique. J'ai tendance à m'intéresser surtout à la région de l'Atlantique alors que, dans les dossiers industriels, les autorités s'intéressent généralement à General Motors ou à Ford. On s'occupe de ces entreprises parce qu'on considère qu'il s'agit d'enjeux importants en comparaison desquels les problèmes de l'Atlantique sont peu de chose. D'après les estimations de la FDA, le bioterrorisme aura une incidence sur des ventes de fruits de mer frais d'une valeur de 1,8 milliard de dollars. Un pourcentage élevé de ces fruits de mer viennent de la région de l'Atlantique. La FDA pense également que ces mesures toucheront des importations de produits maraîchers du Mexique d'une valeur de 3,6 milliards de dollars. Des problèmes se poseront pour le Mexique également. L'ambassadeur Cellucci, les sénateurs Collins et Snowe, du Maine et le gouverneur de la Nouvelle-Angleterre doivent être au courant de ces problèmes.
Dans la région de l'Atlantique, les gouvernements provinciaux ont des liens avec les gouverneurs de la Nouvelle- Angleterre. J'encourage les politiciens du gouvernement néo-écossais à s'intéresser activement à cette affaire. Le premier ministre John Hamm et le ministre de l'Agriculture et des Pêches, Gordon Balser, tentent d'inciter les politiciens de la Nouvelle-Angleterre à participer à des discussions.
Le sénateur Grafstein: J'ai une petite question à poser à M. Campbell, dont nous avons lu le mémoire. Je pense en effet qu'il a abordé une question importante.
Vos accomplissements sont connus, monsieur Campbell, et je suis très heureux que vous continuiez à mettre vos compétences au service des intérêts nationaux du Canada. Je voudrais mentionner une préoccupation que j'ai au sujet de la sécurité au Canada. Je l'ai mentionnée à d'autres témoins et M. Phillips comprendra certainement: je pense qu'il est éminemment déplorable que les parlementaires canadiens n'aient pas accès à des renseignements. Un débat comme celui d'hier soir nous permet de constater, d'après les conclusions des députés, que nous ne sommes pas bien informés. Vous avez mentionné que nous éprouvons de la difficulté en ce qui concerne la souveraineté en matière de renseignement parce que, comme de nombreux autres pays, nous sommes dépendants des services de renseignement américains. Ce qui me préoccupe, c'est que le Parlement n'ait pas la capacité de jouer un rôle de contrepoids auprès du gouvernement en matière de renseignement. Le fait que nous n'ayons pas accès à des renseignements limite l'importance de notre rôle.
Je voudrais faire consigner ce qui suit au compte rendu. Si je décidais d'aller aux États-Unis demain, je pourrais recevoir un breffage d'un membre d'un comité du Congrès parce que j'entretiens depuis longtemps des relations avec les membres du Congrès, que ce soit avec des membres du Sénat ou avec des membres de la chambre des représentants. Au Canada, je ne peux pas obtenir le même type d'information. Vous n'avez pas abordé le sujet dans votre mémoire, monsieur Campbell. Est-ce que cette question vous préoccupe?
M. Campbell: Je vous remercie pour votre question qui est, à mon avis, très intéressante. Je n'ai pas abordé le sujet de façon directe dans mon mémoire, mais je l'ai fait de façon indirecte. Comment les sénateurs et les parlementaires peuvent-ils évaluer les commentaires que j'ai faits s'ils n'ont jamais eu accès aux renseignements secrets? Vous n'êtes pas très bien informés au sujet de l'appareil de sécurité parce que la plupart des informations sont secrètes. La situation est différente aux États-Unis où les membres des comités du Congrès ont prêté serment et ont accès à de l'information.
J'ai abordé le sujet de nos mécanismes pour traiter avec les États-Unis et il serait ridicule que des sénateurs canadiens qui vont en voyage aux États-Unis doivent admettre qu'ils n'ont jamais eu accès à des renseignements et aux systèmes sur lesquels repose la sécurité.
Il y avait probablement des raisons valables pendant la guerre froide. Il faut reconnaître cependant que les États- Unis sont le pays où, sur le plan de la sécurité, les fuites sont les plus nombreuses; elles viennent surtout du Congrès. C'est un gros problème qui pourrait être évité.
Le sénateur Grafstein: Au Royaume-Uni, on a établi un comité parlementaire qui est très sélectif et qui a accès à l'information. Les membres de ce comité peuvent jouer un rôle de poids et de contrepoids auprès de l'Exécutif, au Parlement.
Un système analogue est en place aux États-Unis, dans les deux Chambres. Il y a peut-être des fuites d'un côté, mais de l'autre une absence d'information qui constitue, à mon avis, la plus grosse lacune. Comment remédier à cette situation?
M. Campbell: Je pense que même s'il y a des fuites à Washington, ce système est intéressant car il permet une organisation parlementaire bien informée, capable de contribuer activement aux débats, contrairement à notre situation au Canada. Le Parlement n'est pas seul à ne pas être informé; les Canadiens ne le sont pas non plus.
Quel type d'information utilise-t-on pour tirer des conclusions au sujet de l'Irak, par exemple? Quelle est l'origine de l'information? Dans quelle mesure sommes-nous vulnérables à une manipulation de l'information? Le seul antidote est un niveau élevé d'information autonome.
Le terme «renseignement» évoque parfois diverses notions étranges, mais 90 p. 100 de l'information communiquée à un breffage à Washington ou au Canada est de l'information de nature publique. Je ne vois pas pourquoi les sénateurs ne pourraient pas participer au processus d'évaluation de cette information. Cela devrait faire partie de nos attributions.
Le président: Monsieur Campbell, je signale que nous sommes le Comité des affaires étrangères et que les présentes délibérations concernent le commerce extérieur. Le Comité de la sécurité nationale et de la défense, qui est présidé par le sénateur Kenny, a entendu le témoignage du conseiller du Conseil privé en matière de sécurité; j'ai d'ailleurs assisté à cette séance. C'était intéressant. Ce comité a tenu de longues audiences sur la sécurité, mais ce sujet ne fait pas partie de notre mandat.
Je remercie les témoins pour leur participation.
La séance est levée.