Aller au contenu
 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 2 - Témoignages du 6 novembre 2002


OTTAWA, le mercredi 6 novembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles se réunit aujourd'hui, à 15 h 30, dans le but d'examiner le projet de loi S-5, Loi instituant la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous examinons aujourd'hui le projet de loi S-5, qui vise à instituer la Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de vous présenter notre témoin. Le sénateur Comeau souhaite dire quelques mots au sujet du projet de loi S-5.

[Français]

Le sénateur Comeau: Je vous remercie de me recevoir à votre comité. Je trouve très intimidant le fait de comparaître au Comité des affaires juridiques et constitutionnelles. Je voudrais exprimer quelques commentaires afin de vous situer sur le projet de loi.

La Fête nationale de l'Acadie date de 1881 et a été choisie par environ 5000 Acadiens lors de la première Convention nationale des Acadiens à Memramkook, un petit village près de Moncton, endroit que l'ex-Gouverneur général Roméo LeBlanc appelle sa communauté native. Ce fut le premier symbole de l'Acadie et tant que peuple les Acadiens se reconnaissaient ainsi.

L'Acadie est constitué d'un peuple uniquement nord-américain. Les habitants de l'Acadie se sont reconnus en tant que peuple lors de leur arrivée sur nos terres nord-américaines. Ce peuple n'a pas besoin de territoire ni de gouvernement autonome. Il n'est pas attaché à des institutions, des édifices ou des structures. Pour cette raison, le manque de symboles tangibles engendre un attachement très important à nos symboles intangibles: notre hymne national l'Ave Maria Stella, la Société nationale de l'Acadie qui est notre société porte-parole, nos dates historiques telles que 1604, 1713, 1755 et évidemment, notre fête nationale, le 15 août.

Les Acadiens ont survécu durant plusieurs siècles à des événements pénibles. Au Canada, toutefois, ils ne sont jamais devenus des victimes et ils ne se sentiront jamais ainsi.

Les Acadiens sont les plus fervents défenseurs du Canada. Le passage de ce projet de loi sera un geste de respect et de reconnaissance envers les Acadiens pour leur contribution sociale, culturelle, et économique. Symboliquement, il est très important que ce soit la plus grande institution de notre nation, le Parlement, qui comprend la Chambre des communes, le Sénat et la Couronne, et non pas un ministère ou le cabinet qui proclame cette fête nationale.

La reconnaissance parlementaire sera un message symbolique que la fête nationale ne sera pas exclue du calendrier des fêtes publié par Patrimoine Canada, comme cela a été le cas pendant quelques années, et un message à Recensement Canada qui a aussi exclu la nationalité acadienne du questionnaire de recensement. Présentement, le recensement comprend 25 minorités ou nationalités ethniques et exclu complètement les Acadiens, les premiers européens à s'établir au Canada.

Le sénateur Beaudoin: En 1881, le peuple acadien célébrait sa Fête nationale le 15 août. Quel genre de reconnaissance était-ce? Est-ce la première fois qu'un projet de loi est déposé au fédéral ou au provincial.

Le sénateur Comeau: C'était une convention, la première, où les Acadiens se rencontraient en tant que peuple officiel. C'était alors un événement tout à fait spécial parce que les quelques 5000 Acadiens ne s'étaient jamais réunis. Les moyens de transport que nous connaissons aujourd'hui n'existaient pas. Des Acadiens d'un peu partout au Canada se sont rendus à Memramkook pour discuter de l'avenir des Acadiens en tant que peuple.

Le sénateur Beaudoin: Calixa Lavallée a écrit le Ô Canada vers 1880. Il n'y a aucune relation, évidemment?

Le sénateur Comeau: Non. Lors de la convention, des discussions ont eu lieu parmi les Acadiens pensant que le choix d'une date autre que celle de la Saint-Jean-Baptiste allait peut-être diviser les Canadiens français et qu'ils devraient peut-être adopter la même date que les Québécois. Finalement, ils ont décidé qu'ils formaient un peuple tout à fait particulier, qu'ils n'étaient ni Québécois ni Canadiens-français mais bien des Acadiens. Ils voulaient une fête à eux car ils ne célébraient pas la Saint-Jean-Baptiste.

Le sénateur Beaudoin: Qui existait d'ailleurs depuis plusieurs années.

[Traduction]

Le sénateur Pearson: Le projet de loi traite de la ``Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes''. Or, il y a des Acadiens qui vivent à l'étranger. Seront-ils au courant de l'existence de cette fête?

Le sénateur Comeau: La journée sera proclamée par le Canada, bien entendu. Toutefois, le nom lui-même, soit la fête nationale des Acadiens et Acadiennes, signifie que tous les Canadiens pourront y participer. Nous essayons d'encourager les Acadiens et les Acadiennes qui vivent à l'étranger à participer aux festivités.

Le sénateur Pearson: Combien d'Acadiens vivent à l'étranger?

Le sénateur Comeau: Il y a environ un million d'Acadiens en Louisiane, et environ 300 000 dans les États de l'Est. Le Québec compte plus d'un million de personnes qui sont d'origine acadienne. Je ne sais pas combien d'Acadiens vivent dans les autres provinces, mais je suppose que le nombre est assez élevé. Le Nouveau-Brunswick compte plus de 300 000 Acadiens. On en retrouve environ 45 000 en Nouvelle-Écosse qui parlent toujours le français, mais il y en a encore plus qui ne le parlent plus. L'Île-du-Prince-Édouard compte environ 5 000 Acadiens. Terre-Neuve n'en compte qu'un très faible nombre.

[Français]

Le sénateur Joyal: J'essayais de réconcilier dans mon esprit la fête nationale des Acadiens et la fête nationale des Canadiens français, où le 24 juin est un jour férié puisqu'il est reconnu comme un jour de fête nationale.

J'essaie de comprendre comment les Acadiens perçoivent cette fête qui a été reconnue par le gouvernement du Québec, depuis les 20 dernières années, comme la fête nationale du Québec. Cependant, la fête de la Saint-Jean- Baptiste demeure à l'échelle canadienne la fête des Canadiens français. Je voulais savoir comment vous vous identifiez à cette fête des Canadiens français du 24 juin, puisque d'après vos propos, en 1881, vous ne vous estimiez pas reconnus dans cette célébration.

Le sénateur Comeau: Les Acadiens jusqu'à ce moment et même encore aujourd'hui ne se sont jamais identifiés à cette fête. Nous reconnaissons que les Canadiens français ont adopté cette journée pour leur fête nationale, mais pour les Acadiens, cette fête n'a jamais eu autant d'importance pour les Acadiens.

Le sénateur Joyal: Il n'y a donc pas de société Saint-Jean-Baptiste au Nouveau-Brunswick, en Nouvelle-Écosse, à l'Île-du-Prince-Édouard où ailleurs?

Le sénateur Comeau: Non.

Le sénateur Joyal: Cependant, cette société avait des ramifications jusqu'en Nouvelle-Angleterre où des immigrants d'origine canadienne-française allaient s'établir.

Le sénateur Comeau: L'équivalent pour les Acadiens serait probablement l'Assomption, laquelle a lancé une entreprise qui a éventuellement été nommée l'Assomption mutuelle. Elle a pris naissance en Nouvelle-Angleterre également.

Le sénateur Joyal: C'était à l'époque essentiellement une société d'entraide ou de bienfaisance. À votre connaissance, y a-t-il une loi comparable dans les statuts du gouvernement canadien qui reconnaisse le 24 juin comme la fête nationale des Canadiens français?

Le sénateur Comeau: Non. J'ai regardé les lois, et aucune n'est comparable. Par contre, il y a des législations du Parlement en ce qui concerne le Worker's Mourning Day (Bereavement Day for Workers), le 28 avril; le National Day of Remembrance, in regard to violence against women, le 6 décembre; le National Child Day, le 20 novembre. Ce serait la première fois que l'on reconnaîtrait une fête nationale pour un groupe.

Le sénateur Joyal: Vous utilisez les termes «fête nationale». Pour les Québécois, les termes «nation» et «peuple» sont politiquement chargés, remplis d'une signification sociologique. Lorsqu'on parle d'un peuple, il y a des caractéristique ou des éléments qui permettent de conclure qu'un groupe donné est un peuple.

Dans le projet de loi que vous présentez, lorsque vous utilisez les mots «peuple acadien», doit-on comprendre qu'il s'agit de descendants des premiers colons français à s'être enracinés au Canada à compter du début du XVIIe siècle? Un Acadien, dans mon esprit, est un descendant du premier groupe de colons français qui se sont établis à Port-Royal, la partie la plus orientale du Canada, à compter du début du XVIIe siècle et qui y ont toujours maintenu des racines, malgré la déportation que l'on connaît. Autrement dit, on ne deviendrait pas Acadien parce qu'on immigre dans ce coin de pays du Canada. Être Acadien, c'est une qualité d'origine séculaire, à travers un enracinement qui s'est maintenu sur la partie la plus orientale du Canada, enfin dans la partie est du golfe Saint-Laurent, si on peut définir le plus globalement possible le territoire, à l'exclusion de Terre-Neuve. Est-ce cela que nous devons comprendre par la définition de peuple acadien?

Le sénateur Comeau: Si vous allez à l'église de Grand Pré, maintenant devenue un musée, vous retrouverez les noms de tous les gens qui étaient sur les vieilles terres de l'Acadie à l'époque de la déportation. Vous verrez des noms comme Comeau, Thériault, Leblanc, Robichaud et bien d'autres. Ce sont les noms des gens qui vivaient dans les régions de l'ancienne Acadie, laquelle comprenait des parties du Nouveau-Brunswick, de la Nouvelle-Écosse, de l'Île-du-Prince- Édouard et, je pense, une partie des États-Unis.

Par contre, si vous visitez les régions de la Nouvelle-Écosse ou du Nouveau-Brunswick aujourd'hui, vous retrouverez des Acadiens nommés Smith, MacAuley, Leblanc et autres. Des Leblanc, qui sont devenus des White, par exemple. On retrouve une foule de noms irlandais, anglais et autres, des immigrants qui sont devenus des Acadiens, tout simplement. La question ne se pose même pas. Ceux qui se disent Acadiens le sont. Les Acadiens ne sont pas attachés aux choses tangibles. Il n'existe pas de territoire, ni de gouvernement, ni de budget acadiens. Un Acadien est un Acadien de coeur.

C'est la raison pour laquelle je disais que les Acadiens sont les plus fervents Canadiens que vous pourrez trouver n'importe où au Canada. On pourrait penser le contraire, mais les Acadiens sont très canadiens. Ils sont Acadiens aussi, bien sûr, parce qu'ils le sont de cœur. Ils savent qu'ils ne peuvent pas avoir un gouvernement, du terrain ou un pays, alors ils ne courent pas après des idéaux comme certains Québécois pourraient le faire. Ce qui nous intéresse, c'est maintenir notre héritage acadien, l'héritage de notre peuple.

Si vous posez la question à un Acadien et lui demandez quel est son lieu d'origine, il vous répondra souvent qu'il vient de la vallée d'Annapolis. C'est rare que les Acadiens vont répondre que leurs origines proviennent de la France. Vous allez retrouver le même phénomène en Louisiane où ils vous répondront qu'ils viennent de la Nouvelle-Écosse. Ils ne vont presque jamais dire la France. Ils vont toujours dire que leurs ancêtres venaient de la Nouvelle-Écosse. C'est un peuple qui n'est pas attaché à la terre.

Le sénateur Joyal: J'essayais de le comprendre du point de vue d'un citoyen au Canada, parce que cela deviendra une loi du Parlement au Canada. Peu importe que ce soit au Nouveau-Brunswick, au Québec, en Saskatchewan, ou à Terre-Neuve, si des gens lisent cette loi, ils voudront comprendre ce qu'on veut dire. C'est notre responsabilité de s'assurer que dorénavant, cette fête qui sera reconnue au calendrier du Canada, parce qu'on parle de fête nationale des Acadiens, sera la fête des Acadiens à travers tout le Canada. C'est comme cela que j'interprète le mot «national». C'est national au sens que c'est fêté à l'échelle du Canada et pas uniquement sur la partie du pays dont on parlait tantôt.

Le sénateur Comeau: Oui, c'est national.

Le sénateur Joyal: Vous avez dit qu'on peut s'appeler Smith ou MacAuley et être Acadien. Je comprends alors que si on se nomme Smith, c'est qu'on s'est assimilé à la culture acadienne, au mode de vie acadien, à la langue acadienne avec l'accent merveilleux qu'elle véhicule, avec les coutumes, les traditions et l'histoire. Il y a une sorte d'assimilation qui se fait. C'est un peu comme au Québec où il y a des Johnson qui sont des Québécois et personne ne dira que ce sont en fait des Irlandais. Ils sont assimilés à des Canadiens-français d'origine. Ils se sont complètement intégrés à un choix culturel d'identité.

Dans la définition du peuple acadien, j'essayais de comprendre si la définition que le projet de loi contient exprime cela aussi, parce que c'est un élément extrêmement important pour l'avenir du peuple acadien dans le contexte de l'immigration.

Le ministre de l'Immigration, dans une déclaration antérieure, a dit qu'il favoriserait l'enrichissement de communautés qui font face à l'assimilation par l'apport de l'immigration. J'imagine que lorsqu'on aura les statistiques du mois de décembre de Statistique Canada sur le degré d'assimilation au pays, ce sera sûrement un sujet sur lequel nous voudrons nous pencher au Sénat. C'est un élément extrêmement important pour l'avenir des communautés. J'essayais de voir si la définition que vous donnez est inclusive, afin de nous permettre d'inclure cet apport additionnel qui se fait librement par les citoyens qui décident de faire le choix culturel de s'identifier au groupe acadien.

Le sénateur Comeau: Il y a eu un débat dans le passé à savoir ce qui peut arriver aux Acadiens qui ont perdu leur français? C'est un des défis sur lesquels nous devrons nous pencher ultérieurement. L'Île-du-Prince-Édouard est un très bon exemple d'un endroit où beaucoup d'Acadiens étaient, il n'y a de cela qu'une génération, des francophones et qui se sont assimilés.

Toutefois, beaucoup de ces gens se considèrent encore des Acadiens et c'est à nous de reconnaître qu'ils le sont. S'ils se sentent Acadiens, ils le sont. Nous devrions peut-être aller voir ces gens et essayer de trouver des solutions, parce qu'un des éléments-clé d'une nation est bien sûr la langue. Comme toute autre nation, les éléments-clé sont une nation, une langue, une culture, une religion, une histoire en commun, mais si on perd un des éléments, est-ce que cela fait de nous des gens qui ne sont plus des Acadiens pour autant? Je pense que non.

Comment réchapper ces Acadiens de l'Île-du-Prince-Édouard? Il y a aussi d'autres endroits où l'assimilation est présente, mais c'est très critique à l'Île-du-Prince-Édouard. Vous pourrez le constater lorsque nous aurons les statistiques du prochain recensement parce que le nombre est assez près de 5 000, qui est le nombre magique. Nous aurons peut-être des mauvaises surprises.

C'est la raison pour laquelle j'ai mentionné, dans mon préambule, que les Acadiens ne faisaient pas partie du recensement. En effet, 25 groupes y sont répertoriés : des Somaliens, des Vietnamiens et toutes sortes d'autres groupes, mais les Acadiens ne sont pas là. Bon nombre d'Acadiens qui ont perdu la langue voudraient peut-être encore se désigner Acadiens. Mais s'ils n'ont pas le choix pour le recensement, nous verrons que le nombre d'Acadiens à l'Île-du- Prince-Édouard ne sera pas le vrai nombre. C'est un problème.

Le sénateur Nolin: Certains ont dû avoir le plaisir de voir le sénateur Léger personnifier la Sagouine et expliquer comment, dans son personnage, elle répond à un questionnaire de recensement dans lequel il lui est demandé si elle est canadienne, francophone? Elle dit que non, qu'elle est acadienne, mais elle se demande où répondre cela. C'est une bonne façon de l'expliquer.

Je veux revenir sur cette différenciation avec les Canadiens-français et la fameuse fête du 24 juin. Historiquement, vous nous avez relaté qu'en 1881 il y a eu une décision politique — dans le sens sociétal du terme — de ne pas se rattacher ou de ne pas s'identifier à une fête qui était celle des Canadiens-français.

Mais où prend racine cette volonté de différenciation? Dans votre préambule, vous faites bien d'énumérer, en plus de la langue, la culture et ses coutumes. C'est plutôt dans les deux autres éléments de cette énumération que j'aimerais entendre votre explication de différenciation.

Cela doit remonter à très loin dans l'histoire des Acadiens en Amérique. Il y avait des francophones implantés dans cette zone de l'Amérique du Nord et plus à l'Est, dans les zones maritimes. Cette différenciation doit remonter à très loin. Cela n'a pas été une décision politique, mais le fruit de plusieurs coutumes qui ont amenées cette population que vous représentez.

Le sénateur Comeau: Cela pourrait bien dater, comme vous dites, de très loin, parce qu'il y avait eu, jusqu'en 1881, très peu de contacts entre les Canadiens français et les Acadiens, sauf, peut-être, pour le nord et le nord-est du Nouveau-Brunswick. Mais à part cela, il y avait très peu de contacts entre les Canadiens français.

Le sénateur Nolin: Les communautés.

Le sénateur Comeau: Bien sûr, vous pouvez comprendre la raison.

Dans l'Atlantique, nous avions très peu de moyens de communication, même entre nous. Au moins, les Acadiens se connaissaient tous. La fête de la Saint-Jean-Baptiste ne se fêtait pas.

Le sénateur Nolin: Cela ne se fêtait pas? Ce n'était pas dans vos traditions?

Le sénateur Comeau: Non, cette fête n'était pas dans nos traditions. Un peu comme la Saint-Patrick, on est des Irlandais. On célèbre cette fête, on porte le chapeau vert et on l'oublie le lendemain. On était au courant, bien sûr, que les Canadiens français célébraient cette fête, mais ce n'était pas notre fête. En 1881, le débat était difficile pour les gens de cette époque. Prenons la fête du 15 août ...

Le sénateur Nolin: Est-ce une fête religieuse?

Le sénateur Comeau: Oui, c'est une fête religieuse. Encore aujourd'hui, les Acadiens sont très religieux et ils ont reconnu l'importance de l'église dans l'évolution de leur peuple. L'Église a toujours été présente pour les Acadiens. Sans l'Église, nous serions probablement envahis complètement. La fête de l'Assomption était notre fête, bien sûr. Nous reconnaissons que si nous nous étions joints aux Canadiens français et si nous avions choisi une fête, cela aurait été la fête de la Saint-Jean-Baptiste et cela aurait été probablement mieux politiquement.

Le sénateur Nolin: Vous avez reconnu politiquement que la tradition ne vous imposait pas de différence.

Le sénateur Comeau: La fête nationale des Acadiens, voilà la grosse différence.

Le sénateur Corbin: Je crois que vous avez raison de vouloir consacrer l'importance de l'apport des Acadiens, l'évolution du pays par ce genre d'initiative. Nos collègues ne sont peut-être pas au courant que contrairement au Québec, les Acadiens n'ont jamais vécu sous un régime seigneurial qui fut aboli en 1855. C'est une distinction fondamentale de l'évolution du peuple acadien. Les Acadiens n'étaient pas non plus des personnes à qui on donnait des terres pour les garder au pays, comme cela s'est fait durant le régime français au Québec. Au départ, ils étaient peu nombreux, mais ils se sont multipliés en grand nombre.

C'est peut-être un des facteurs distinctifs de l'enracinement de ces Européens de l'ouest de la France en terre nord américaine. Plusieurs de nos amis Québécois oublient que la première colonie française au Canada s'est implantée en Acadie. Il y a donc des symboles d'origine qui sont très importants, non seulement pour les Acadiens mais pour l'ensemble du Canada.

Je vous réfère au texte du projet de loi pour ma prochaine question. Dans les «attendus que», le premier se lit comme suit:

Que le peuple acadien a contribué depuis près de 400 ans à la vitalité économique, culturelle et sociale du Canada.

Est-ce qu'il n'y aurait pas lieu de mettre une date au lieu d'un nombre d'années qui porte, peut-être, à une certaine imprécision, parce qu'il y a quand même eu un départ à l'Acadie? Il y a eu des événements ou des dates historiques qui sont, je crois, historiquement reconnus comme des dates fondatrices. En 1604, c'est Champlain à Québec, non?

Le sénateur Nolin: Non, c'est Champlain chez vous.

Le sénateur Corbin: Oui, vous avez raison. J'ai 68 ans déjà et ma mémoire me failli. Et d'ailleurs, nous allons fêter cela au Nouveau-Brunswick.

Le sénateur Nolin: Votre anniversaire?

Le sénateur Corbin: Non, l'établissement de l'habitation de Champlain. Cela se fait dans deux ans.

Je pense qu'il est important que le reste des Canadiens reconnaissent que comme chez les Américains, l'arrivée des puritains, c'était quelque chose. Mais l'arrivée des Acadiens, ces premiers établissements humains européens — je dis cela avec tout le respect que je dois aux peuples aborigènes qui ont toujours été les amis des Acadiens et d'étroits associés en temps de paix et de en temps de conflits. Je le dis par respect aussi aux Vikings qui se sont installés à L'Anse aux Meadows, mais qui ont trouvé le climat un peu trop froid.

Qu'est-ce qu'on pourrait faire, sénateur Comeau, pour les 400 ans? Est-ce qu'on devrait présenter une date précise?

Le sénateur Comeau: C'est une excellente idée, puisque le peuple acadien apporte sa contribution depuis 1604. Nous allons célébrer, en 2004, le 400e anniversaire de la fondation de l'Acadie. Il y aura de grands événements partout en Nouvelle-Écosse, d'un bout à l'autre de la Nouvelle-Écosse, et dans plusieurs endroits. Pourquoi ne pas l'avoir dans le projet de loi?

Le sénateur Corbin: J'ai dit que les Acadiens n'avaient jamais fait partie de seigneuries. Cependant, au Nouveau- Brunswick, il y a eu des seigneuries, mais c'était sous le régime français de l'époque. Il s'agissait de concessions de terre par le roi; le Seigneur distribuait des lopins de terre. Je crois que tout cela est disparu en 1713.

Je ferai un commentaire et je me limiterai à cela pour l'instant parce que selon moi, lors du débat, à peu près tout a été dit par les différentes parties intéressées. J'étais dans la région de Boston il y a deux semaines et dans cette région, comme dans le New Hampshire, le Vermont et le Rhode Island, il y a beaucoup d'Acadiens. Ce qui m'a étonné, c'est qu'on me demandait si nous avions approuvé le projet de loi. Il y a donc un intérêt chez les Acadiens de la région de Boston pour ce projet de loi. Je leur ai laissé entendre qu'il était présentement à l'étude au Sénat et que le Parlement canadien en disposerait comme il le voudrait, mais qu'il avait d'excellentes chances d'être adopté cette année. C'est tout simplement pour ajouter à vos commentaires. Bien que cela concerne d'abord et avant tout les Acadiens du Canada, la diaspora des Acadiens partout en Amérique du Nord s'intéresse à ce projet de loi.

Le sénateur Comeau: Je suis fier de l'entendre.

[Traduction]

Le sénateur Bryden: Monsieur le président, il est presque 18 heures. Est-ce que le sénateur Comeau va revenir? Je crois comprendre que nous devons entendre d'autres témoins. Je ne veux pas rater la réception donnée en l'honneur du sénateur Nick Taylor, un sénateur influent qui est apprécié de tous. La réception commence à 18 heures.

Il y a plusieurs questions que je voudrais poser. Je suis originaire du Nouveau-Brunswick et j'ai grandi parmi les Acadiens. Or, on a fait des déclarations qui méritent d'être clarifiées. Voilà pourquoi je voudrais que le sénateur revienne. Par exemple, vous avez dit que les Acadiens n'ont pas de terre. Or, il n'y a pas si longtemps, nous avions un parti acadien qui rêvait de séparer l'Acadie de la province du Nouveau-Brunswick. Le mouvement nationaliste, à l'époque, était très fort. Certains Acadiens, et d'autres, sont intervenus dans le débat et ont réussi à mettre un terme, je l'espère, à ces visées.

Je me demande aussi si le nom ``Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes'' est bien choisi. Si nous voulons célébrer la fête des Acadiens à l'échelle nationale et proclamer cette journée par le biais d'un projet de loi fédéral, ne serait-il pas préférable de parler de la ``Journée de la fête des Acadiens et des Acadiennes au Canada''? Le mot ``nationale'' me dérange.

Le sénateur Comeau: Il faut faire attention, parce qu'en 1881, les Acadiens ont choisi de célébrer ``la Fête nationale de l'Acadie.'' Si nous voulons respecter leurs symboles, nous ne pouvons pas commencer à changer les noms. Il vaut mieux rejeter le projet de loi en douceur plutôt que de changer ce qu'ils considèrent être la ``Journée de la fête nationale des Acadiens et des Acadiennes.'' C'est comme si on changeait le nom de la fête de la Saint-Jean Baptiste. Si c'est un problème, il vaut mieux rejeter le projet de loi en douceur, et le faire rapidement.

Le sénateur Bryden: Voilà pourquoi je pense qu'il faut y réfléchir davantage.

Le sénateur Smith: Allons-nous lever la séance?

Le président: C'est au comité de décider.

Le sénateur Joyal: Monsieur le président, je suis du même avis que le sénateur Bryden. On ne peut pas régler toutes ces questions maintenant.

Le sénateur Beaudoin: Je suis d'accord.

Le président: Nous allons lever la séance et inviter le sénateur Comeau à revenir une autre fois. Nous inviterons peut- être un historien à nous présenter un exposé sur la question.

Le sénateur Smith: Est-ce que le service de recherche va préparer une étude de fond sur la question? Qu'en pense le secrétaire d'État? On ne parle pas d'instituer un jour férié. Va-t-on préparer une étude de fond sur la question?

Le président: Nous pouvons poser ces questions au sénateur Comeau.

Le sénateur Smith: Je ne tiens pas à le faire ce soir.

Le sénateur Joyal: Le ministère du Patrimoine canadien sera en mesure de répondre à ces questions.

Le sénateur Smith: On devrait inviter des représentants du ministère à comparaître devant nous.

Le sénateur Beaudoin: Il y a des spécialistes qui connaissent bien l'histoire de l'Acadie. J'ai assisté à une conférence sur les Acadiens à l'époque où le sénateur Hébert était encore ici. C'était une conférence très intéressante. Par exemple, il y a la question des deux dates. Vos ancêtres et les nôtres viennent de France, mais pas du même endroit. C'est là- dessus que vous vous fondez.

Le président: J'ai discuté de certaines de ces questions avec le sénateur Comeau. Nous pourrons, à la prochaine réunion, vous fournir des renseignements là-dessus et entendre le point de vue d'un historien.

Le sénateur Baker: Je sais que le comité vous a donné l'autorisation, comme le font habituellement les comités, de retenir les services d'attachés de recherche pour qu'ils examinent les projets de loi avant qu'ils ne soient soumis au comité. Je pense que vous devriez, si vous ne l'avez pas déjà fait, retenir les services d'un avocat plaidant spécialisé en droit civil et en common law, qui sera en mesure de nous renseigner sur le projet de loi que nous allons devoir examiner.

Le président: Vous parlez du projet de loi C-10.

Le sénateur Baker: Oui. Je trouve que les gens que nous consultons habituellement ne sont pas au courant des dernières modifications qui ont été apportées au code. Ils nous disent que les questions comme l'apparence de droit, ainsi de suite, n'ont pas d'importance.

Monsieur le président, nous pourrions vous proposer des noms, puisque des avocats, nous en connaissons tous, mais il faut que ce soit un avocat plaidant qui est spécialisé en droit civil et en common law. Il y a des gens ici qui sont capables de faire le travail. Vous devriez, si vous ne l'avez pas déjà fait, retenir les services d'un spécialiste pour que nous puissions discuter de la question avec lui et pour qu'il puisse faire les recherches nécessaires.

Le sénateur Nolin: Monsieur le président, je savais qu'on allait parler de cela ce soir. Quand vous dites que nous n'avons pas accès à certaines compétences, est-ce que vous faites allusion aux attachés de recherche de la Bibliothèque?

Le sénateur Baker: Non. On trouve, dans les documents préparés par la Bibliothèque, des phrases qui sont manifestement citées par d'autres personnes — vous savez ce que je veux dire. Le président a le pouvoir, si j'ai bien compris...

Le sénateur Nolin: Vous avez ce pouvoir?

Le président: Oui.

Le sénateur Baker: Vous devriez donc retenir les services d'un spécialiste pour que nous puissions discuter avec lui, étant donné que nous devrons nous pencher là-dessus très bientôt.

Le sénateur Nolin: Permettez-moi de vous dire ce qu'a fait le Comité spécial sur les drogues illégales. Nous avons décidé, pour des raisons financières, d'avoir surtout recours aux ressources de la Bibliothèque. Je dois dire que les recherches qu'elle a effectuées pour le compte du comité étaient excellentes. Si nous faisons affaire avec un spécialiste, la facture risque d'être élevée. Je ne sais pas combien d'argent nous avons prévu pour ce poste dans le budget, mais si nous n'avons que 5 000 $, alors oubliez cela.

Si j'ai bien compris, et nous avons le pouvoir de le faire, nous devrions retenir les services de la Bibliothèque, rencontrer les divers responsables — et ils sont très compétents. J'ai une liste de noms, si vous voulez la voir.

Le président: Si j'ai bien compris, le sénateur Baker ne met aucunement en doute la compétence des attachés de recherche de la Bibliothèque.

Le sénateur Baker: C'est exact.

Le président: Toutefois, comme ce projet de loi est assez complexe, et c'est ce que le sénateur Baker essaie de dire, et il peut me corriger si je me trompe, au lieu de demander aux fonctionnaires du ministère de la Justice qui ont rédigé le projet de loi de nous expliquer les points de droit plus détaillés, le comité devrait faire appel à un conseil-expert de l'extérieur. Voilà ce que le sénateur essaie de dire.

Le sénateur Baker: Monsieur le président, j'ai parlé de «l'apparence de droit». Il faut que quelqu'un examine cette question à fond, mais d'un point de vue juridique. Ce n'est pas le genre d'information que l'on retrouve habituellement dans la documentation que nous recevons — la Bibliothèque fait de l'excellent travail — et je ne m'en formalise pas. Toutefois, on laisse entendre, par exemple, que l'apparence de droit repose non pas sur la loi, mais sur des faits. Je m'excuse, monsieur le président, mais c'est faux.

Le sénateur Pearson: Je ne fais pas partie de ce comité depuis aussi longtemps que le sénateur Beaudoin, mais je dois dire que lorsque nous convoquons des avocats, nous obtenons beaucoup de réponses à nos questions, sans difficulté. Les gens ici présents, du fait de leurs compétences, savent quelles questions poser. Je n'en saurais pas plus si je faisais affaire à un consultant. Je veux être en mesure de me forger une opinion en me fondant sur ce que disent les nombreux témoins que nous convoquons. C'est ce que nous faisons habituellement.

Le sénateur Nolin: Toutefois, si nous pouvons, en plus des témoins, avoir accès à une étude de fond sur une question précise, cela ne peut que nous aider. Voilà pourquoi je dis que ces ressources sont disponibles. Nous ne posons peut- être pas les bonnes questions. C'est peut-être là que se situe le problème. Nous posons peut-être des questions trop vastes.

Le sénateur Beaudoin: Le comité de direction est déjà saisi de la question. J'ai écouté attentivement tout ce qui a été dit, et je suis tout à fait d'accord. Nous avons déjà établi une liste provisoire pour le comité, mais nous n'avons pas encore préparé de rapport. Nous le ferons bientôt, j'en suis certain. Toutefois, cette question sera certainement prise en compte. Il est vrai que certaines expressions posent problème. Toutefois, toutes les expressions juridiques sont analysées de près par le comité, qui agit avec prudence. Le sénateur Baker a porté ce point à notre attention, et il a bien fait. Pour ce qui est de «l'apparence de droit», le sénateur Baker a raison. Toutefois, chaque expression juridique sera analysée de près.

Le président: Sénateur Baker, pour répondre à votre question, le comité de direction forumulera une recommandation au sujet de la proposition que vous avez faite. Nous examinerons la recommandation à la prochaine réunion, et si le comité est d'accord, nous procéderons de cette façon.

Le sénateur Baker: Monsieur le président, je trouve que les avocats plaidants, qui étudient de près la jurisprudence et qui sont spécialisés dans ce domaine, sont nettement plus fiables.

La séance est levée.


Haut de page