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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 9 - Témoignages du 30 avril 2003


OTTAWA, le mercredi 30 avril 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel on a renvoyé le projet de loi C- 10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), se réunit aujourd'hui à 16 h 02 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Aujourd'hui, nous avons devant nous des représentants du ministère de la Justice. Deux de nos témoins se passent de présentations. Mme Joanne Klineberg, avocate, et M. Richard Mosley, sous-ministre adjoint, Politique en matière de droit pénal, sont accompagnés de Mme Karen Markham.

Je crois comprendre que les témoins, qui n'en sont ni à leur première ni à leur deuxième comparution devant nous, et nous ont déjà aidés dans nos délibérations, ne présenteront pas d'exposé.

Madame Klineberg, merci d'avoir fait parvenir au comité les renseignements additionnels sur la cruauté envers les animaux que nous avions demandés.

Sénateurs, j'attends vos questions.

Le sénateur Beaudoin: Comme vous vous en souvenez, monsieur le président, nous avions mis quatre points sur la table. Le consensus semble se dégager des deux côtés de la table sur ces quatre points. Je crois comprendre que les témoins ne feront pas de déclaration, mais j'aimerais entendre leurs réactions à ces quatre points.

J'ai choisi celui qui concerne les Autochtones. Il s'agit d'une modification intéressante. Vous vous rappellerez que les Autochtones aimeraient avoir une clause dérogatoire.

Le sénateur Bryden: Excusez-moi, sénateur, avons-nous des copies de cela? Les témoins en ont-ils reçu copie? Notre discussion s'est déroulée à huis clos. Pour ma part, il est certain que je n'ai pas de document en main. Nous brassions certaines idées. Selon la presse, quelqu'un avait en main des copies de quelque chose — et cela ne me trouble pas particulièrement. Cependant, pour pouvoir discuter en détail des quatre ou cinq enjeux que nous avons abordés entre nous, nous avons besoins de copies.

Le sénateur Cools: Je remercie le sénateur Bryden d'avoir soulevé cette question parce que j'ai été troublée d'apprendre, dans les journaux d'hier ou d'aujourd'hui, que cette documentation était désormais disponible et citée dans l'article. J'ai des copies des articles de journaux en question. Par exemple, dans un article du Ottawa Citizen du mercredi 30 avril 2003, intitulé «Un bureaucrate défend le projet de loi sur la cruauté envers les animaux et admet avoir ``tué de nombreuses souris''» Peter O'Neil écrit que, selon un résumé des modifications du comité obtenu au moyen d'une fuite, on soutient que la définition d'«animal» qui figure dans le projet de loi — et on site un passage du résumé. Je crois qu'il y a d'autres articles dans lesquels on trouve des allusions analogues.

Dans le Vancouver Sun, du 25 avril 2003, on a publié un éditorial, dont je cite un extrait:

Néanmoins, le Sénat a réussi à trouver ce qu'il considère comme des failles dans le projet de loi. Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles a recommandé deux modifications majeures du projet de loi, lesquelles ont incité les groupes de défense des animaux à envisager de retirer leur appui à la nouvelle loi.

Dans le Globe and Mail, du 22 avril 2003, Kim Lunman écrit ce qui suit:

Des documents obtenus par le Globe and Mail montrent que le Sénat étudie également une proposition visant à exempter certains groupes de la nouvelle loi.

Des militants pour les droits des animaux sont si mécontents des propositions qu'ils menacent de retirer leur appui au projet de loi C-10B.

L'article se poursuit:

Dans les documents faisant état des modifications proposées, on laisse entendre que la définition d'«animal» du projet de loi est «trop générale», et on ajoute que la question de savoir si «un être a la capacité d'éprouver de la douleur» fait l'objet d'un débat.

Les documents font état de modifications possibles préparées après une rencontre à huis clos tenue par le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles le 27 mars.

Dans l'article, on continue de citer le document.

Il y a aussi un article du Telegraph-Journal de Saint John, mais le document n'y est pas cité directement.

Quoi qu'il en soit, je crois avoir prouvé que le document préparé pour nous par Nancy Holmes et Gérald Lafrenière, de la Bibliothèque du Parlement, le 28 mars 2003, est celui qui est cité.

Monsieur le président, le sénateur Bryden a soulevé la question. Cependant, j'envisageais de le faire moi-même. D'une façon ou d'une autre, le document a maintenant été cité dans au moins les trois articles de journaux que j'ai mentionnés. J'ignore comment nous devrions procéder, mais je tenais à souligner les faits.

Le président: Merci d'avoir soulevé la question, sénateur Cools. Si vous vous le rappelez bien, vers la fin de la dernière réunion, on a, à huis clos, étudié un certain nombre de préoccupations et de solutions possibles. On a demandé à la Bibliothèque du Parlement de les présenter sous une forme structurée, puis le document en question a été distribué aux membres du comité, afin, je suppose, que nous puissions revenir en discuter avec des représentants du ministère de la Justice. Quant à savoir comment les médias en ont obtenu copie, je n'en ai pas la moindre idée.

Le sénateur Beaudoin: Quoi qu'il en soit, monsieur le président, le document de la Bibliothèque du Parlement en question était public. La réunion s'est tenue à huis clos, mais le document était public. Il a été distribué.

Le sénateur Andreychuk: Il a été distribué aux membres du comité, à huis clos.

Le sénateur Beaudoin: Dans ce cas, comment se fait-il qu'il ait été cité par de si nombreux journaux?

Le sénateur Cools: C'est la question que je pose.

Le sénateur Nolin: Histoire d'ajouter au problème, j'ai reçu la semaine dernière un coup de fil de la part d'un journaliste de Halifax qui voulait savoir si on avait répondu à ma question concernant la capacité des homards d'éprouver de la douleur. Comme je venais tout juste de rentrer au pays, je ne savais pas, mais il a indiqué que la question de la douleur éprouvée par les homards préoccupait aussi le sénateur Bryden. Je lui ai répondu que nous soulevions des préoccupations très sérieuses et très valables, que nous obtenions des réponses sérieuses de la part de témoins-experts et que nous étions maintenant convaincus que les homards n'éprouvent pas de douleur. Voilà à quoi se résument mes rapports avec les médias à ce propos. Je n'ai appris qu'aujourd'hui que le document en question circulait. C'est probablement ce qui a incité le journaliste à me téléphoner.

Le président: Plutôt que de débattre maintenant des raisons qui font que le document a été rendu public, permettez- moi de soulever la possibilité suivante: lorsque le document a été distribué, je ne crois pas que nous ayons indiqué qu'il était privé et confidentiel ni qu'il était issu de la séance à huis clos que nous avions tenue. J'aurais cru que cela allait de soi, mais, à ma connaissance, nous n'avions pas à apposer de tampon en ce sens.

On vient tout juste de me signaler que, selon la première phrase d'un des articles, le document avait été préparé à la demande du comité à la suite d'une réunion à huis clos. Il me semble que cela aurait dû être suffisant. Puis-je vous proposer de remettre à plus tard la discussion du fait que le document ait été rendu public. Plus tard, les membres du comité pourront se réunir pour discuter d'une réaction.

Comme des témoins sont ici, je propose de passer aux questions concernant les préoccupations soulevées la dernière fois.

Le sénateur Andreychuk: J'espère que nous n'allons pas différer pendant trop longtemps l'étude de cette question de la confidentialité et que nous allons y revenir de façon opportune. Comme vous le savez, nous avons le devoir et l'obligation envers le Sénat de ne rien divulguer de ce qui se passe à huis clos. Pour suivre les règles établies par le Comité du Règlement, nous devons aborder cette question de façon opportune. J'ai siégé à trois comités où des documents utilisés à huis clos ont fait l'objet d'articles de journaux. Au Comité du Règlement, nous avons arrêté un nouveau processus et une nouvelle procédure, et je pense qu'il importe que nous nous y conformions. Je vous laisse le soin de vous en occuper.

Le sénateur Beaudoin: Il y avait deux documents. Celui dont nous discutons est issu de la réunion que nous avons tenue à huis clos. Cependant, lorsque les scientifiques ont témoigné, nous avions devant nous certaines modifications. Il s'agissait d'une première version, et la réunion ne se tenait pas à huis clos; ce qui a été imprimé après la réunion aurait dû demeurer confidentiel. Cependant, ce n'était pas la première fois que nous entendions parler des quatre modifications; de cela, je suis certain. Je suis d'accord pour dire que nous avons tenu une réunion à huis clos, laquelle a débouché sur la production d'un document de la Bibliothèque du Parlement; cependant, la première fois que nous avons évoqué les quatre modifications, qui concernent la définition d'animal, l'apparence de droit, l'excuse légitime et la non-dérogation, la réunion ne se tenait pas à huis clos. Nous avions déjà discuté des principes de ces quatre modifications. Il est vrai que nous avons approuvé les modifications à huis clos. Cependant, le principe des modifications était déjà dans le domaine public.

Le président: Nous engageons le débat. Je vous propose d'attendre que nous ayons entendu nos témoins pour le faire.

Le sénateur Cools: Je suis d'accord, mais la question ne porte pas sur le concept ni sur la notion des modifications.

Le président: Elle porte sur le document en soi.

Le sénateur Cools: Ce qu'on dit ici, c'est qu'on rend compte du texte réel, exact et précis, ce qui signifie que le public a été désinformé. La tenue d'une succession de réunions à huis clos ne tient pas à une obsession pour la confidentialité ni pour le secret; en fait, ces réunions ont pour but de permettre au comité de produire des modifications et d'effectuer les corrections, les améliorations et les changements qui s'imposent. On a présenté ces modifications comme si elles étaient maintenant «coulées dans le béton». Il s'agit d'une question grave, et nous allons devoir prendre des mesures. Par «mesures», j'entends à tout le moins des rectificatifs apportés aux fins du compte rendu. Je me rends compte que nous avons l'obligation d'entendre les témoins; cependant, je pense que, en tant que groupe, nous devons faire quelque chose.

Le président: Je prends note du point soulevé par le sénateur Andreychuk, et nous allons nous rencontrer sous peu pour discuter de la question.

Le sénateur Jaffer: D'après ce que je comprends, le document n'était pas une ébauche. À mon avis, on ne peut se fonder sur ce fait pour laisser entendre qu'il s'agit d'un document confidentiel. Le sénateur Beaudoin a raison de dire que chacune des modifications a, à de nombreuses reprises, fait l'objet de discussions publiques. Ces modifications ont été rendues publiques.

Le président: Nous entamons un débat qu'il vaut mieux remettre à une autre séance, à la faveur de laquelle nous pourrons discuter de la question de façon opportune. Je suis d'accord avec les points soulevés. Nous devons en discuter, et nous le ferons.

Le sénateur Beaudoin: Je vais choisir le quatrième point sur la liste. Nous pouvons commencer par la définition d'«animal»; nous pouvons aussi commencer par le point 1, 2, 3 ou 4. Je peux aussi fournir des explications générales à propos de chacun. Nous avons ébauché et proposé ici la définition d'«animal» après avoir entendu les scientifiques. Nous nous sommes rendu compte que la définition était médiocre parce que nous utilisions le même terme pour définir la notion d'«animal»; nous désignions les animaux en même temps. Par conséquent, il ne s'agit pas de la définition. Enfin, nous avons convenu que le mot «animal» s'entendait d'un vertébré autre qu'un être humain, un point c'est tout. Ça suffit.

Il faut aussi tenir compte du fait que l'infraction comporte un aspect relatif à la douleur. La notion de douleur demeure un élément de l'infraction elle-même. Par conséquent, l'idée est là. Nous pouvons admettre la définition selon laquelle un animal est un vertébré autre qu'un être humain, mais la douleur n'est pas exclue. Elle n'est pas exclue. Le débat auquel notre collègue, le sénateur Nolin, a fait allusion concernait le homard.

Le sénateur Nolin: Si j'ai soulevé la question, c'est parce qu'on a mentionné l'intervention des médias. Je voulais indiquer aux fins du compte rendu que j'avais reçu un coup de fil concernant une de mes préoccupations, et, oui, les homards. Cela ne fait plus partie de la discussion.

Le sénateur Beaudoin: Vous dites que cela ne fait plus partie de la discussion.

Le sénateur Nolin: Non, du moins pas en ce qui concerne le homard.

Le sénateur Beaudoin: Le deuxième point — je vais tenter de le résumer brièvement — concerne l'apparence de droit. Nos spécialistes nous ont dit que c'était nécessaire. Selon M. Mosley, il n'en est rien. Autour de la table, nous avons convenu que l'idée de conserver cet aspect n'était pas mauvaise. Nous voulons conserver la question de l'apparence de droit parce qu'il s'agit d'une règle d'interprétation. En droit civil, c'est ce qu'on appelle en français l'«apparence de droit». Nous en sommes venus à la conclusion qu'il n'était pas strictement nécessaire de conserver la notion, mais que ce n'était pas une mauvaise idée, étant donné qu'il s'agit d'une règle d'interprétation. C'était le point principal.

Troisièmement, il y avait la question de l'excuse légitime et de la nécessité. Nous avons fait référence à l'opinion du juge Lamer dans l'arrêt Ménard. Une fois de plus, la modification va dans le sens de ce qui a été décidé dans l'arrêt Ménard.

Enfin, la dernière modification concerne les Autochtones. Je suis d'accord avec eux. Il est vrai que l'article 35 protège les droits collectifs des Autochtones et qu'ils ont le droit de tuer. Le sénateur Joyal, à titre d'exemple, a fourni une très bonne explication à ce sujet. Les spécialistes nous ont dit que la modification était superflue, que la notion faisait déjà partie de la Constitution. Une fois de plus, nous disons qu'il vaut mieux conserver la modification parce que l'Autochtone n'aura pas à prouver chaque fois que ce droit est prévu à la Constitution. Il y aura une clause de non- dérogation. Je pense que cela constitue une bonne solution puisque, sinon, un Autochtone sera chaque fois contraint de dire: «Non, nous avons ces droits en vertu de l'article 35. C'est dans la Constitution». Nous allons devant les tribunaux, et nous avons le fardeau de la preuve, mais ce n'est pas juste pour les Autochtones. Je pense qu'ils devraient bénéficier de la clause de non-dérogation.

Le président: Je souhaite apporter un éclaircissement avant de céder la parole aux témoins. Lorsque vous faites référence à des modifications, je tiens à préciser à l'intention des témoins que le comité n'a présenté aucune modification. À la lumière des témoignages d'aujourd'hui, il pourra décider de le faire ou de ne pas le faire. Jusqu'ici, un certain nombre de problèmes se sont posés, et certaines personnes ont présenté des solutions envisageables sous forme de modifications et de changements éventuels, mais aucune modification n'a été présentée. Lorsque vous utilisez le mot «modification», sénateur Beaudoin, je vous suggère d'utiliser l'expression «modification possible».

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord. Je plaide coupable. Toutes mes excuses.

Le sénateur Stratton: Dix années.

Le sénateur Andreychuk: De travaux forcés.

Le sénateur Beaudoin: Je ne compte plus mes amis, ici.

Le sénateur Andreychuk: Vous avez besoin d'un bon avocat.

Le sénateur Beaudoin: Nous avons eu le même débat l'autre jour à propos du projet de loi C-10A et du projet de loi C-10B. J'ai dit dès le départ qu'il s'agissait de l'étude du projet de loi C-C10B et du projet de loi C-C10A. Nous n'avons devant nous ni projet de loi ni modification; nous n'avons que deux études. Je ne veux pas revenir là-dessus.

Je suis d'accord avec le président. Je ne devrais plus utiliser le mot «modification»; l'expression correcte est plutôt «modification possible». Nous avons discuté de ces quatre principes avec les représentants du ministère de la Justice. Nous semblons convenir de part et d'autre des principes qui sous-tendent ces quatre modifications possibles, et je pense que la meilleure chose à faire consiste à poser nos questions et à inviter les témoins à y répondre, à moins qu'ils ne souhaitent faire une déclaration liminaire.

M. Richard G. Mosley, sous-ministre adjoint, Division de la politique en matière de droit pénal et de la justice communautaire, ministère de la Justice du Canada: Il sera peut-être utile au comité que je formule ici quelques observations en réponse à l'invitation de l'honorable sénateur.

Nous comprenons les préoccupations que suscite la définition d'«animal». Même si l'intention stratégique était de faire en sorte que la loi conserve le plus de souplesse possible, on note une part d'incertitude en ce qui a trait aux éléments visés par la définition. En ce qui concerne la proposition d'éliminer toute référence à la capacité d'éprouver de la douleur, nous comprenons bien l'intention du comité en ce sens. Cet après-midi, je ne me propose pas de formuler de plus amples commentaires à ce sujet, à moins que nous ne puissions apporter de l'aide aux membres du comité à ce propos.

En ce qui concerne le deuxième point, c'est-à-dire l'apparence de droit, nous comprenons également l'intention du comité de faire quelque chose pour rassurer les personnes qui craignent que les dispositions législatives ne nuisent involontairement à leurs pratiques — traditionnelles, scientifiques ou autres. Sur ce point, nous avons une suggestion à faire sur les modalités possibles. Nous avons une proposition à formuler à l'intention du comité lorsqu'il en sera à l'étude du projet de loi article par article. Nous l'avons apportée avec nous cet après-midi, et nous nous ferons un plaisir de vous la communiquer. Si vous souhaitez la faire circuler, monsieur le président, elle est présentée dans les deux langues officielles.

En c e qui concerne le troisième point, à savoir l'excuse légitime et la nécessité, nous avons certaines préoccupations sur lesquelles nous aimerions revenir plus en détail. Nous pensons que la modification risque d'ajouter un élément de confusion à la loi, de ne pas produire le résultat escompté. En ce sens, le comité devrait l'étudier avec le plus grand soin.

Le quatrième point est celui qui nous apparaît comme le plus difficile et le plus troublant. Nous avons une idée relativement précise de la nature de la modification que le comité a envisagée à huis clos. Je précise toutefois que ni mes collègues ni moi n'avons la moindre idée de la façon dont la presse est entrée en possession de votre document. Il est certain que ce n'est pas la pratique en vigueur au ministère de la Justice. Cependant, on nous a donné l'occasion de réfléchir aux propositions. Pendant cet exercice, nous avons été particulièrement gênés par la quatrième, pour diverses raisons que j'aimerais communiquer cet après-midi aux membres du comité.

Avec votre permission, nous vous faisons maintenant circuler la refonte proposée de la modification concernant l'apparence de droit, et l'objectif est d'intégrer les dispositions précises de l'article 429 qui concernent la question soulevée devant le comité. La portée est donc réduite par rapport à une simple mention de l'article 429 dans son ensemble. Il y a des dispositions de l'article 429 sans objet avec la question à l'étude devant le comité, et il serait inapproprié, à notre avis, de faire référence à l'article dans sa totalité.

Cependant, la modification porte sur le point — même s'il faut pour cela retirer la référence au paragraphe 8(3) — le point qui préoccupe le plus le comité, à savoir le maintien du contenu actuel du paragraphe 429(2) relativement aux infractions qui concernent la cruauté envers les animaux. Nous proposons les mots «dans la mesure où ils sont pertinents» en français, et «to the extent that they are relevant», en anglais, pour bien montrer que ce n'est pas tout le paragraphe 429(2) qui s'appliquerait dans le contexte des dispositions relatives à la cruauté envers les animaux. Nous faisons la suggestion au comité, et nous nous ferons un plaisir de répondre à vos questions à ce sujet.

En ce qui concerne le troisième point décrit par le sénateur Beaudoin, il faudrait modifier l'alinéa 182.2(1)c), selon lequel commettrait une infraction quiconque «tue un animal sans excuse légitime ni nécessité». Ce que nous comprenons, c'est que la mesure permettrait d'importer le critère défini dans Ménard dans la décision de la Cour d'appel du Québec, qui a monopolisé une bonne part des débats au cours des derniers mois.

En vertu du critère défini dans Ménard, comme vous le savez, on interprète l'expression «sans nécessité» dans le contexte de ce qui accompagnerait les modifications de l'alinéa 182.2(1)a) relativement au fait de causer une douleur, une souffrance ou une blessure. À nos yeux, la signification de «sans nécessité» n'est pas claire, pas plus que l'interprétation qui en serait donnée. Nous craignons donc que l'idée ne soit interprétée de façon différente que dans le critère défini dans Ménard. Ce dernier ne s'applique pas à l'infraction que représente le fait de tuer sans excuse légitime. Selon l'interprétation qui en a été faite, l'expression «sans nécessité» figurant à l'alinéa 182.2(1)a) comporte deux éléments: premièrement, une intention licite à l'origine du comportement ayant causé le tort; deuxièmement, le caractère raisonnable des moyens choisis pour parvenir à l'objectif, plus, dans l'interprétation du caractère raisonnable, l'idée de proportionnalité entre l'objectif et la douleur causée.

Ce critère se justifie dans le contexte du tort ou de la blessure. Si l'intention de tuer est licite, on n'en a pas moins l'obligation de causer le moins de douleur qu'il est raisonnablement possible de le faire. Cela n'a pas de sens dans le contexte du fait de tuer puisque, pour faire en sorte que cela échappe à la portée de la loi, il suffit que le fait de tuer soit licite.

Le président: Puis-je vous interrompre? À ce propos, et j'ai déjà posé la question, j'ai besoin d'éclaircissements en rapport avec l'arrêt Jorgensen. Il s'agit d'une nouvelle infraction créée en vertu du Code criminel. Si je suis titulaire d'un permis de chasse provincial, lequel représente mon excuse légitime, comment cela cadre-t-il avec l'arrêt Jorgensen?

Mme Joanne Klineberg, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada: Pour clarifier votre question, légèrement, je précise qu'il ne s'agit pas d'une nouvelle infraction; il s'agit d'une infraction élargie. Il ne faut pas oublier que le Code criminel prévoit aujourd'hui que le fait de tuer un animal pour des fins licites sans excuse légitime constitue une infraction.

Le président: Le fait de tuer un animal sans excuse légitime ne constitue pas une infraction générale.

Mme Klineberg: C'est vrai pour les animaux conservés à des fins licites de même que pour le bétail. Je vais répondre à la question que vous avez soulevée à propos de l'arrêt Jorgensen. L'excuse juridique ne réside pas dans l'existence des régimes législatifs provinciaux. Aux termes du droit provincial, ces régimes législatifs montrent que, en common law, il existe une excuse et l'intention de tuer l'animal. Ces régimes ne créent pas l'excuse juridique en eux-mêmes; ils montrent plutôt qu'il existe en common law une intention qui justifie le fait de tuer l'animal.

En ce qui concerne l'infraction que constitue le fait de tuer un animal conservé à des fins licites sans excuse juridique, on a soutenu que l'euthanasie constituait une excuse juridique, même si, pour ma part, je ne connais pas de loi provinciale disant que l'euthanasie est autorisée. Il s'agit d'un motif généralement admis permettant à des personnes de tuer leurs animaux.

Voilà ce que comporte la notion d'excuse juridique que renferme la disposition. L'existence de régimes provinciaux constitue un soutien de plus pour les raisons qui font que nous tuons des animaux, mais ce n'est pas, en soi, une excuse en droit pénal.

Le président: Cependant, à l'heure actuelle, le fait de tuer un orignal ne constitue pas une infraction pénale. Je dois me conformer à certains régimes provinciaux, c'est-à-dire obtenir un permis, chasser dans une certaine région à une certaine époque de l'année, et cetera. Si, dans l'état actuel des choses, le projet de loi était adopté et que je tuais le même animal, je devrais passer à la partie suivante et me demander si j'avais une excuse légitime de faire ce que j'ai fait. Puis- je agiter mon permis de chasse provincial et affirmer qu'il constitue mon excuse légitime?

Selon l'honorable juge John Sopinka dans Jorgensen, je ne pourrais pas le faire.

Mme Karen Markham, avocate, Section de la politique en matière de droit pénal, ministère de la Justice du Canada: Je pense que le contexte de Jorgensen est un peu différent. Dans Jorgensen, on fait référence à une erreur relativement à l'application du droit pénal. Dans ce cas particulier, avec l'évolution des dispositions relatives à l'excuse légitime, comme Mme Klineberg l'a indiqué, le droit concernant les animaux a évolué d'une façon tant soit peu différente de celle qui concerne les personnes. Si vous remontez dans le temps, il était légitime de faire subir à peu près n'importe quoi à un animal. Ce n'est qu'au fil des ans que certaines activités ont été interdites et que certains secteurs ont été réglementés. À certains égards, c'est le contraire de ce que nous avions tendance à faire pour décrire le comportement criminel et la responsabilité des personnes.

Dans le contexte particulier que vous décrivez, la chasse, par exemple, est, depuis la nuit des temps, considérée comme une fin légitime en common law. En vertu de l'évolution du droit, ce n'est que lorsque l'activité est expressément interdite qu'un problème se pose.

Au fil des ans, nous avons utilisé les animaux à des fins diverses. Dans Ménard, on fait référence à diverses utilisations des animaux en common law. Je ne crois pas que l'application de Jorgensen, soit pertinente dans ce contexte. L'excuse légitime, comme Mme Klineberg l'a indiqué, traduit l'objectif de la common law, bien reconnu dans l'évolution de l'utilisation des animaux au fil du temps.

M. Mosley: J'aimerais ajouter quelque chose à ce sujet. La formule «sans nécessité» ne vous fournirait aucune garantie dans ce contexte. Le seul fait d'être titulaire d'un permis de chasse ne constitue pas en soi une preuve de nécessité. Vous pourriez soutenir, si vous étiez chasseur de subsistance, qu'il ajoute un élément en ce sens, mais il s'agit d'une proposition des plus douteuses.

Le sénateur Cools: J'ai tendance à être d'accord avec le président pour dire que la l'alinéa 182.2(1)c) est une nouvelle infraction en ce sens qu'il tente de définir une infraction générale englobante nuancée par l'idée de l'excuse légitime. Mme Markham a dit que la situation était légèrement différente dans Jorgensen. Vous avez aussi dit que le chasseur tue pour une fin licite. Pour le bénéfice du comité, peut-être pourriez-vous nous expliquer la différence entre le fait de tuer un animal pour une fin licite et le fait d'en tuer sans excuse légitime. À mes yeux, les deux énoncés sont radicalement différents.

Mme Markham: En ce qui concerne l'excuse légitime, c'est le critère défini dans l'arrêt Ménard qui constitue la référence. Très souvent, on ne tient pas compte de la question des pratiques industrielles — les activités qui se produisent tout le temps — dans les dispositions du Code relatives à la cruauté envers les animaux parce que, habituellement, lorsqu'il s'agit d'évaluer si telle ou telle personne avait une excuse légitime pour tuer, nous nous retrouvons dans des cas — et il existe une jurisprudence à ce propos — où, disons, un chien s'est immiscé sur la propriété de quelqu'un et menace les moutons ou la famille, et quelqu'un abat le chien. Dans un tel cas, la Cour doit trancher si l'intéressé avait une excuse légitime pour faire ce qu'il a fait.

Nous avons tendance à ne pas tenir compte de la question de l'excuse légitime dans le contexte des pratiques industrielles. L'utilisation des animaux dans ces contextes est bien admise en common law. Ce qui se produit, c'est que la jurisprudence met l'accent sur un examen plus étroit de l'excuse légitime en rapport avec le fait de tuer.

Le sénateur Joyal: En anglais, l'alinéa 182.2(1)c) se lit comme suit: «kills an animal without lawful excuse». Le mot «lawful» a une connotation juridique très précise. Il renvoie au droit. En français, on dit: «tue un animal sans excuse légitime».

Je fais appel à mes collègues, le sénateur Nolin et le sénateur Beaudoin, en particulier. «Sans excuse légitime» est une notion beaucoup plus large que celle que représente le mot anglais «lawful» — lequel pourrait renvoyer à n'importe quelle cause sociale; le mot «lawful» renferme le mot «law», et nous savons qu'il s'agit de la loi dans le contexte du Code criminel. C'est très clair. C'est dérangeant parce que, quand je dis que je suis titulaire d'un permis de chasse délivré par un gouvernement provincial, je me conforme à la loi et je tue avec une excuse légitime puisque je suis titulaire d'un permis. Si, en revanche, je dis tuer «sans excuse légitime», l'excuse est beaucoup plus large.

M. Mosley: «Without lawful excuse» et son équivalent français sont des termes techniques, c'est-à-dire qu'on les utilise dans les lois depuis des années. L'anglais ne se limite pas à quelque chose qui est, par exemple, défini dans une loi ou un règlement. La connotation est beaucoup plus vaste.

Permettez-moi de citer la décision rendue par la Cour d'appel de l'Ontario dans Royka. On y lit notamment ceci:

L'utilisation de l'expression «sans excuse légitime» dans des dispositions où sont créées des infractions est depuis longtemps répandue. On ne peut y accoler aucune signification normalisée exhaustive. En l'absence d'une définition particulière, on doit déterminer sa signification à partir de l'objet du texte de loi dans laquelle elle figure et de son contexte immédiat.

Je vais également citer l'arrêt Ireco Canada II Inc. et al. rendu par la Cour suprême en 1988. On y lit notamment:

À notre avis, l'expression traduit aussi la conviction sincère et raisonnable qu'il existe un état de faits qui, s'ils avaient réellement existé comme l'accusé l'a cru, auraient rendu son acte non répréhensible. De telles excuses seraient jugées conformes aux principes de la common law.

L'expression que l'honorable sénateur a citée en français est fréquemment utilisée comme équivalent de «without lawful excuse» dans nos lois. En droit, il n'y a aucune distinction entre la version française et la version anglaise. Les deux sont interprétées comme si elles avaient la même signification.

Le sénateur Cools: La situation se dégrade.

Le sénateur Andreychuk: Je voulais ajouter qu'un permis provincial peut, dans une certaine mesure, constituer une donnée probante. C'est une méthode qu'on peut utiliser pour prouver qu'on avait une excuse légitime, mais la common law a préséance. C'est précisément pourquoi je pense que, dans ce cas-ci, la situation est différente. La common law a connu une évolution. Je ne crois pas que les critères qui s'appliquaient à une excuse légitime il y a 100 ans sont les mêmes qu'il y a 50 ans. La jurisprudence le montre.

Ce qui me préoccupe, c'est que, si nous incluons ce principe, tout juge pourrait, tout à fait correctement, examiner les normes communautaires et la société d'aujourd'hui et comparer les faits à des décisions antérieures pour en venir à une conclusion différente — en d'autres termes, la jurisprudence pourrait prendre une orientation différente.

Mon évaluation est-elle fondée?

Mme Markham: Il est certain que la jurisprudence rend compte du fait que la common law est dynamique. Je suis d'accord, sénateur. La question de savoir s'il s'agit d'une bonne chose ou non relève des politiques.

Cependant, la jurisprudence a reconnu que le droit est un arbre vivant. Il est jusqu'à un certain point dynamique. De toute évidence, il existe des paramètres quant à ce qui fait partie du critère appliqué.

Le sénateur Andreychuk: Si de plus en plus de Canadiens croient que le fait de manger de la viande est inapproprié ou que tuer des animaux dans les abattoirs est inapproprié, un juge pourrait, en vertu des pouvoirs discrétionnaires du tribunal et de la lettre d'une common law dynamique, en venir à la conclusion que le geste a dans les faits été posé sans excuse légitime.

Ce que je crains si on légifère cette question, c'est que les chasseurs, les pêcheurs, les travailleurs d'abattoir et des personnes qui pratiquent telle ou telle religion risquent de faire face à un problème. Ces personnes savent que l'activité à laquelle elles se livrent est légitime aujourd'hui, mais qu'elle risque de ne pas l'être demain. Par quel moyen peuvent- elles déterminer si ce qu'elles font est légitime ou illégitime? Elles risquent de devoir se défendre devant le tribunal. Un juge pourra dire: «Peu importe comment on faisait les choses hier. Aujourd'hui, j'en suis venu à la conclusion que votre excuse n'est pas légitime».

J'essaie de me débarrasser de ce malaise pour obtenir que les textes de loi établissent clairement ce qu'on peut et ne peut pas faire. Le droit pénal de qualité indique aux justiciables ce qui est légitime et, par voie de conséquence, ce qu'ils peuvent faire. À l'inverse, il précise à l'intention des justiciables ce qu'ils ne peuvent pas faire et les accusations auxquelles ils s'exposent s'ils font la chose en question. Il y a ici une zone grise qui m'inquiète.

Le président: Avant que vous ne répondiez, madame Markam, puis-je ajouter une chose qui m'apparaît tout aussi troublante que le point que le sénateur Andreychuk vient de faire valoir? Si vous allez utiliser la common law comme excuse légitime, comment concilier cette approche avec le fait que, une fois la common law codifiée, elle n'existe plus? On crée une nouvelle infraction, en l'occurrence le fait de tuer un animal. Puis on doit invoquer une excuse légitime, pas la common law, pour déterminer si on était fondé à le faire.

Mme Markham: Je vais répondre aux deux honorables sénateurs en même temps. Je comprends le malaise qu'inspire une notion qui semble vague et floue. Le fait que les mots «excuse légitime» figurent dans le Code criminel n'équivaut pas à une codification de la défense. Les tribunaux continueront d'interpréter la signification de ces mots, de leur insuffler de la vie. En ce qui concerne la cruauté envers les animaux, la difficulté vient du fait qu'on a affaire à des faits précis. On doit utiliser des notions suffisamment souples pour s'adapter aux nombreuses situations de fait différentes dans lesquelles ces diverses activités s'effectuent. Cela fait partie du problème — on a l'impression de ne pas pouvoir arrêter les choses une fois pour toutes. Cependant, c'est cette impossibilité d'arrêter les choses une fois pour toutes qui est l'un des points forts de ce système, dans la mesure où il peut s'adapter à des situations différentes.

En ce qui concerne la préoccupation relative à la fin légitime, sénateur Andreychuk, vous avez, dans votre exemple, évoqué une situation où un tribunal serait appelé à déterminer l'application du critère énoncé dans Ménard. Les tribunaux ont eu tendance à définir des fins légitimes très générales — de vastes catégories de chasse et de pêche — et à les accepter comme des droits que les citoyens exercent depuis très longtemps en vertu de la common law.

Vous avez fait allusion au cas des abattoirs. Il y a eu le cas des exploitants d'abattoirs de la Colombie-Britannique, où on a mené une enquête, non pas tant sur le caractère légitime de l'utilisation d'animaux pour l'alimentation, mais de celui des méthodes utilisées, qui causaient de la douleur sans nécessité. Il s'agit peut-être d'une enquête distincte.

En ce qui concerne la possibilité que les végétariens contestent la loi dans une situation particulière, on trouve dans le Code de nombreuses protections contre ce qui pourrait être appelé, selon le point de vue de chacun, des poursuites frivoles. Comme le savent les membres du comité, on a récemment ajouté des protections dans le Code criminel, soit l'article 507.1, qui compliquent la tâche des personnes souhaitant intenter des poursuites à titre privé pour contester de telles pratiques.

Il y a différentes façons d'aborder une préoccupation, et je pense que les protections qui figurent aujourd'hui dans le Code, du point de vue de l'utilisation des tribunaux pour faire avancer telle ou telle cause particulière, réussissent bien à éviter de telles démarches. Je ne suis pas certaine qu'une tentative de faire préciser la notion d'excuse légitime constitue la meilleure façon d'intégrer à la loi un tel élément de certitude parce que la loi en question, dans ce contexte particulier, est suffisamment souple pour s'adapter à la myriade de situations de fait présentées devant les tribunaux.

Le sénateur Bryden: À l'alinéa 182.2(1)c), on dit:

Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte:

c) tue un animal sans excuse légitime.

À l'instar de milliers de personnes, je chasse pour le plaisir. Nous ne chassons ni pour la viande ni pour les trophées. Nous chassons pour le plaisir. Cette activité déplaît à un grand nombre de personnes, et je le comprends, mais le fait de chasser pour le plaisir constitue-t-il une excuse légitime? Oubliez l'encadrement des lois et des règlements provinciaux. Chasser pour le plaisir, tuer un animal ou un oiseau, à supposer que vous arriviez à vos fins, constitue-t-il une excuse légitime dans ce contexte?

Mme Markham: Nous chassons depuis la nuit des temps: même s'il est difficile de commenter des pratiques particulières, mon opinion juridique est que rien dans le projet de loi ne menace des activités reconnues en common law et pratiquées depuis des années. Je dirais que les dispositions du projet de loi ne font pas courir de risque à la chasse.

Le sénateur Bryden: Je veux parler de la chasse pour le plaisir. Le cas des sénateurs Watt et Adams, qui chassent pour la viande, ne me pose pas de problème. Ils me croient fou d'aller me geler le derrière en allant chasser pour le plaisir. Néanmoins, des milliers de personnes chassent et pêchent pour le plaisir, et je suis l'une d'entre elles. Je ne peux absolument pas invoquer comme excuse le fait d'avoir besoin de la viande. Je ne sais pas si je peux accepter votre affirmation catégorique selon laquelle la chasse pour le plaisir serait acceptée du fait qu'il s'agit d'une activité reconnue comme légitime depuis des années.

Mme Klineberg: Je n'aurais aucune hésitation à donner raison à ce qu'a dit Mme Markham, à savoir que la chasse constitue, en common law, une excuse légitime pour tuer un animal. Souvent, les excuses légitimes sont codifiées dans la jurisprudence. En fait, dans Ménard, le juge Lamer écrit notamment ce qui suit: «L'animal est subordonné à la nature et à l'homme. Il est souvent dans l'intérêt de l'homme de tuer des animaux sauvages ou domestiques, de les soumettre, et, à cette fin, de les apprivoiser avec toutes les conséquences que cela peut entraîner pour eux», et cetera. C'est l'un des moyens par lesquels les tribunaux peuvent statuer sur les activités acceptables en common law. Cela ressort clairement dans l'arrêt Ménard. Dans ce cas, le juge Lamer évoque aussi un certain nombre d'autres fins, par exemple l'euthanasie des animaux domestiques trop vieux ou trop nombreux, ou encore la recherche sur les animaux. Il évoque aussi clairement le fait de tuer des animaux sauvages.

Si on en revient à Ménard, on trouve dans l'arrêt de nombreux éléments qui définissent les activités acceptables en common law.

Le président: Avec tout le respect que je vous dois, c'était avant que nous ne commencions à envisager de faire une infraction du fait de tuer un animal. La question qui me préoccupe au plus haut point et à laquelle je n'arrive pas à obtenir de réponse claire est la suivante: le droit en common law de tuer un animal à la chasse disparaît-il dès lors que le Code criminel crée une infraction en rapport avec le fait de tuer un animal? Voilà ce que je n'arrive pas à démêler.

Mme Klineberg: Je ne vois pas pourquoi ce droit disparaîtrait si l'expression utilisée est toujours «tue un animal sans excuse légitime», laquelle est ouverte, s'inscrit dans un contexte précis et n'a pas de signification particulière lorsque le Parlement l'utilise de cette façon. C'est ce que la Cour suprême en a dit. Il s'agit d'une expression souple appartenant à une vaste catégorie générale. L'autre différence, c'est qu'on doit garder présent à l'esprit que l'expression «sans excuse légitime» a été intégrée à la disposition sur l'infraction proprement dite, contrairement à d'autres infractions, où on fait parfois référence à l'article 429. Voilà où résident les défenses. Elles échappent à ce que sont les éléments de l'infraction. Dans ce cas, et quant à l'infraction relative à l'empoisonnement, l'infraction ne vient pas du fait qu'il n'est pas permis de tuer; l'infraction vient du fait qu'il n'est pas permis de tuer sans excuse légitime. Cela revient à dire qu'il incombe à la Couronne de prouver qu'il n'y avait pas d'excuse légitime dès le départ. L'infraction ne peut se résumer au simple fait de tuer. L'infraction est fondée sur les éléments présents.

Le président: L'infraction dont il est question, c'est tuer un animal aux termes de l'alinéa 182.2(1)c). Aucune défense ne s'y rattache, mais l'intéressé peut avoir une excuse. On dit: «tuer un animal sans excuse légitime». Une fois l'infraction commise, on se demande si l'intéressé avait ou non une excuse légitime. C'est la lecture que j'en fais.

Mme Markham: Pour pousser la réflexion un cran plus loin, je précise que la Couronne, sur le plan pratique, sera tenue de prouver le fait d'avoir tué et l'absence d'excuse. Parce que l'excuse légitime est un concept de common law, on peut faire référence à la jurisprudence pour évoquer les divers types d'excuse applicables, selon la situation de fait concernée. Le tribunal pourra également se référer aux utilisations faites des animaux au fil des ans. Dans le cas particulier que vous avez décrit, la Couronne devra prouver au tribunal non seulement que l'animal a été tué, mais en plus que celui qui l'a tué n'avait pas d'excuse.

Le président: Pourquoi a-t-on introduit cette disposition particulière? Le projet de loi visait à rendre les pénalités plus lourdes, et nous sommes tous d'accord, et à protéger les animaux, et encore une fois, nous sommes tous d'accord. Pourquoi a-t-on inclus cette disposition dans le projet de loi?

Mme Markham: Les articles 444 et 445 du Code criminel font référence aux animaux conservés pour une fin légitime, ce qui, pour l'essentiel, s'applique aux animaux appartenant à un particulier ou, si vous préférez, sous la garde d'un particulier. À l'époque où ces modifications ont été apportées, l'intention de la loi était de supprimer certaines distinctions faites dans le Code parce que, vous vous en souviendrez, il y avait des catégories d'animaux protégés, par exemple, le bétail, qui étaient expressément mentionnées. Ces mesures s'appuyaient sur des concepts vieux de 100 ans.

L'intention de la réforme était de mettre les choses à jour, et de supprimer les distinctions entre différents types d'animaux.

Le président: N'aurait-on pas pu atteindre cet objectif plus facilement en modifiant l'alinéa 182.2(1)a) pour qu'il se lise comme suit: «cause à un animal, ou, s'il en est le propriétaire, permet que lui soit causée une douleur, souffrance ou blessure ou qu'il soit tué sans nécessité»?

Mme Markham: La difficulté vient de la notion de «sans nécessité» qui, si elle englobe le critère énoncé dans Ménard, n'a pas, traditionnellement, été appliquée à l'infraction que représente le fait de tuer.

Le président: Dans ce cas, il le serait, cependant, parce que nous l'inclurions, l'affirmerions implicitement.

Mme Markham: La deuxième partie du critère énoncé dans Ménard porte sur les moyens utilisés pour parvenir à la fin légitime. L'infraction relative au fait de tuer ne porte que sur le fait de tuer. Si l'animal a subi de la douleur, on a affaire à une deuxième infraction distincte. Par conséquent, on ne sait pas de façon certaine comment le critère de la nécessité, soit celui de Ménard s'appliquerait au fait de tuer seulement, si cela aurait pour effet de clarifier la loi.

Le président: Je pense que cela ajouterait beaucoup plus de clarté que le fait d'ajouter une infraction entièrement nouvelle.

M. Mosley: Si je puis me permettre, je comprends mieux, à la lumière des échanges, à quoi tiennent les préoccupations des membres du comité. La modification proposée, si je comprends bien, ne répond pas à la préoccupation du sénateur Bryden ni à celle que le président a soulevée plus tôt. Du point de vue de la chasse, vous ne seriez pas en meilleure position.

Il y a une autre formulation qui pourrait atténuer vos préoccupations, et qui consisterait uniquement à ajouter à la fin de cet alinéa les mots «ou justification» — «sans excuse légitime ou justification». Les mots «excuse» et «justification» sont deux notions différentes en droit, mais si le geste est justifié, il ne s'agit pas d'un crime.

Le président: Vous nous donnez matière à réflexion, monsieur Mosley.

Le sénateur Cools: Dans le même ordre d'idées, et je tiens à remercier les témoins, mais je deviens de plus en plus certaine du fait qu'il y a de l'incertitude chez les témoins, car certaines de ces déclarations sont des opinions. Mme Markham a déclaré «je crois bien» d'un air très perplexe, ce qui ne me rassure pas beaucoup.

Ce que je n'ai entendu d'aucun d'entre vous, c'est qu'en réalité, ces nouvelles propositions créeront un nouveau cadre juridique, et que toute l'interprétation judiciaire sera fondée sur ce nouveau cadre juridique au lieu de l'ancien. Vous ne semblez pas tenir compte de cela dans vos déclarations — autrement dit, cela changera le paysage juridique.

Je suis certaine que de nombreux juristes déclareront bientôt que le fait de tuer un animal à la chasse uniquement pour le plaisir ou les loisirs n'est pas une excuse légitime. Je suis certaine que certains juristes sont prêts à faire ce saut dans le droit.

Ainsi, vos paroles me réconfortent bien peu, car je sais ce qui se passe sur le terrain.

Monsieur Mosley, j'aimerais revenir à votre déclaration au cours de laquelle, lorsque vous tentiez d'expliquer le terme «excuse légitime», vous avez lu une décision dans laquelle vous affirmez qu'il n'existe pas d'interprétation standard de ces mots. N'est-ce pas?

M. Mosley: Oui.

Le sénateur Cools: Vous avez parlé de l'importance — pour un juge ou un tribunal, manifestement — d'envisager l'objet de la loi et le sujet du contexte. Je crois que c'est ce que vous avez dit, ces deux éléments, l'objet de la loi et le sujet du contexte. Je vous renvoie cela. Sous le régime de ce projet de loi, de ses objectifs et de son contexte, «excuse légitime» a un sens totalement différent de celui qu'il aurait pu avoir auparavant, et on l'utiliserait de cette façon, j'en suis certaine.

M. Mosley: Cependant, j'avancerais, honorable sénateur, qu'on se fierait au contexte et à l'expérience juridique du domaine pour interpréter ces termes, car ces termes sont essentiellement les mêmes que ceux qu'on utilise actuellement dans l'article 445 du Code, sous réserve d'une exception majeure, et je vous le concède. La grande différence, c'est que, désormais, les dispositions s'appliquent aux animaux domestiques, mais aussi aux animaux sauvages. C'est une différence considérable; il n'y a aucun doute là-dessus.

Toutefois, la notion de «sans excuse légitime» est très souple. Elle comprend les pratiques et les comportements que notre société considère comme convenables et légitimes. À cet égard, nous croyons, sans aucune forme d'incertitude quant à notre opinion, que la chasse, à titre de sport récréatif répandu et de moyen de subsistance, sera considéré comme une «excuse légitime».

Laissez-moi affirmer clairement que nous n'avons aucun doute sur cette question.

Le sénateur Joyal: Je tiens à remercier M. Mosley de proposer un moyen de limiter l'interprétation absolue qu'on pourrait faire de l'expression «tuer un animal», c'est-à-dire en ajoutant la notion de justification. Certainement — et j'ai écouté soigneusement votre témoignage —, en français, lorsqu'on dit qu'une chose est légitime, cela signifie qu'elle est acceptable; si c'est légitime, c'est acceptable. Je comprends que les deux notions peuvent varier en anglais et en français. Si on ajoute la notion de «justification», on précise la définition et on rapproche les deux notions.

Laissez-moi illustrer cela par un exemple. Le projet de loi vise à empêcher les gens de blesser un animal ou de lui faire mal. Imaginez maintenant notre ami, le sénateur Bryden, allant à la chasse avec un arc. Comme vous le savez, certaines gens aiment chasser — et je ne parle pas ici des Autochtones. À la chasse, une proie serait tuée instantanément par une balle; par contre, un animal touché par une flèche, à moins que le chasseur ne soit très précis et atteigne le cœur, ne mourra pas immédiatement. Ainsi, l'animal est susceptible de souffrir pendant un certain temps. De fait, la flèche peut seulement blesser l'animal, il peut ne pas mourir.

Sous le régime des principes de ce projet de loi, qui visent à interdire de blesser les animaux, est-ce que mon scénario sur la chasse à l'arc serait-il interprété comme un geste qui cause une blessure sans nécessité? De fait, en vertu de ce projet de loi, un chasseur est-il tenu de recourir au moyen le plus efficace de tuer l'animal?

M. Mosley: C'est un bon exemple pour débattre de l'application de cette disposition, mais j'avancerais qu'une personne qui utilise une arme à feu de façon négligente, qui ne se place pas de façon convenable pour utiliser l'arme à feu efficacement, qui fait feu sans se préoccuper de la précision du tir, commet un acte qui pourrait être aussi répréhensible qu'une personne qui utilise un arc de façon inefficace. Je ne suis pas un expert en la matière, mais je crois comprendre qu'un chasseur armé d'un arc peut chasser de façon très efficace et tuer son gibier aussi efficacement qu'avec une arme à feu, s'il utilise son arme convenablement.

Ainsi, j'avancerais que l'enjeu consiste non pas à envisager les moyens utilisés pour chasser, mais bien à déterminer si le chasseur a délibérément causé de la douleur à l'animal ou s'il a fait preuve de négligence.

À l'occasion de notre dernier témoignage, on a soulevé l'exemple du harponnage. Dans le contexte de la chasse au phoque dans le Nord, le harpon est un instrument tout à fait approprié. L'arc est peut-être un instrument tout à fait approprié.

Il faut se demander si la personne cause, de façon délibérée ou négligente, une douleur, une souffrance ou une blessure, sans nécessité, quel que soit l'instrument utilisé. Il faut envisager les aspects psychologiques, de même que les faits de l'incident.

Le sénateur Baker: Sur ce dernier point, en ce qui concerne la chasse au phoque, il y a une disposition du Règlement sur les mammifères marins, pris en application de la Loi sur les pêches — je ne sais pas si vous avez eu l'occasion de consulter ce règlement. Je vous rappelle encore que, en vertu de la Loi sur les pêches, l'apparence de droit est considérée comme une défense. Toutefois, le Règlement sur les mammifères marins prévoit qu'il faut tuer un phoque instantanément. Le sénateur Adams, ainsi que le sénateur Watt, sont au courant de tout cela. De fait, le règlement explique comment le phoque doit être tué. Il faut lui fracturer le crâne instantanément. La personne qui manipule un phoque sans lui avoir fracassé le crâne enfreint la Loi sur les pêches.

Il y a eu un cas typique. Le jour même où le sénateur Beaudoin recevait un prix de l'Association du Barreau canadien à London (Ontario), on attribuait un autre prix. Ce prix visait à souligner la défense réussie des chasseurs de phoques qui avaient été accusés d'avoir omis de fracturer immédiatement le crâne des phoques, conformément aux dispositions du règlement sur les mammifères marins relatives à la cruauté. Vous pourriez affirmer que ces dispositions ne portent pas sur la cruauté, mais elles décrivent explicitement les méthodes à utiliser pour tuer l'animal, et elles précisent que la mort doit être immédiate.

Notre comité a entendu le témoignage de l'avocat qui, à Ottawa, a présenté en grande pompe les enregistrements vidéos de chasseurs de phoques qui avaient enfreint les dispositions du règlement sur les mammifères marins relatives à la cruauté. On a prétendu qu'ils avaient traîné les phoques à bord de leur bateau pendant que les phoques bougeaient encore, et qu'ils les auraient dépecés vivants. La procédure qui a suivi, pour laquelle on a créé le prix, a permis de constater qu'un segment de une minute de l'enregistrement avait fait l'objet de 70 modifications par un bureau de montage professionnel de la Californie. Le tribunal a prononcé un non-lieu, et la Cour d'appel a déterminé que les enregistrements vidéos n'étaient pas admissibles. Néanmoins, si ces enregistrements avaient été admissibles, les chasseurs de phoques auraient été trouvés coupables, car ils n'avaient pas causé la mort immédiate des phoques en leur fracassant le crâne.

Le sénateur Adams hoche la tête parce qu'il sait exactement de quoi je parle.

Tout est décrit en détail dans la Loi sur les pêches. D'où notre préoccupation que l'apparence de droit soit enchâssée dans la Loi sur les pêches, mais pas dans le Code criminel. C'est pourquoi ces gens sont préoccupés par la situation. Il n'y a aucune défense. Certains groupes porteraient des accusations en vertu de cette nouvelle loi au lieu de le faire en vertu de la Loi sur les pêches, où l'apparence de droit offre une certaine protection. Il semble maintenant possible que nous obtenions une protection sous forme d'apparence de droit.

Je suis désolé d'avoir étiré mon intervention. Comme vous l'avez signalé, en vertu du Code criminel, tout le monde est traité de la même façon. Comme vous l'avez clairement souligné aux membres du comité, au Canada, il n'y a pas une loi pour le Nord et une loi pour le Sud. Ainsi, souhaitez-vous changer la réponse que vous avez fournie il y a quelques instants et dire que le harpon serait peut-être légal si le projet de loi actuel était modifié de façon à prévoir une apparence de droit, tout comme la Loi sur les pêches?

Vous n'êtes peut-être pas d'accord.

M. Mosley: Cela me permet de corriger un oubli que j'ai fait plus tôt. En proposant une formulation concernant l'apparence de droit, je ne voulais laisser entendre d'aucune façon que nous ne réaffirmions pas la position que nous avons fait valoir auprès du comité à plusieurs occasions par le passé, soit que l'apparence de droit est inscrite au paragraphe 8(3) du Code criminel et s'applique déjà. À l'évidence, les ministres de la Justice, aujourd'hui comme par le passé, ont affirmé cela à plusieurs occasions.

Tout de même, revenons au point que vous faisiez valoir quant à l'application du droit à la personne qui tue un animal ou qui, peut-être, pour le faire, n'emploie pas la bonne technique ou la meilleure technique. De fait, c'est autour de cela que tournait toute l'affaire Ménard. Il s'agissait d'une personne qui tuait des animaux sans employer un moyen facilement accessible — le même moyen, de fait, mais d'une façon qui aurait permis d'épargner aux chiens en question douleur et souffrance.

Le droit pénal ne traite pas les gens comme s'il s'agissait d'automates. Le droit pénal tient compte de l'état mental de la personne au moment où elle pose l'acte. Si la personne tue un animal par inadvertance, d'une manière qui n'est pas la manière la plus appropriée, elle n'est pas considérée comme ayant posé l'acte volontairement ou sans se soucier des conséquences selon le droit.

Cela peut très bien se produire. L'affaire Comber, dont il a déjà été question, en est un exemple. Quelqu'un tire un coup de feu en direction d'un chien qui se trouve sur son terrain en ayant l'intention de lui faire peur, mais il le touche par accident. L'affaire britanno-colombienne confiée à un collègue à moi, concernait l'abattage de porcs; c'était un autre exemple de cas où la méthode employée répondait aux critères juridiques établis et satisfaisait aux critères énoncés dans l'arrêt Ménard.

Par contre, inévitablement, même en respectant les critères en question, les gens peuvent faire des erreurs. Ils peuvent tuer un phoque sans lui écraser le crâne comme il le faut, comme vous l'avez laissé entendre. Cela ne veut pas dire que le droit pénal les prendra en flagrant délit. S'ils adoptent délibérément une pratique condamnable ou s'ils font preuve d'une insouciance déréglée ou téméraire en appliquant une pratique jugée correcte, le droit pénal peut s'appliquer à eux, mais il s'agit d'une situation différente de celle que décrit le sénateur Baker.

Le sénateur Baker: Je suis heureux du fait que vous ayez ajouté cela, pour le compte rendu, et je crois qu'il s'agit là d'une bonne explication. Pour ce qui est de la question de l'intention, que la défense applicable soit employée ou non, à nos fins, n'a peut-être pas tant d'importance que son existence même, au cas où elle devrait être employée.

Le sénateur Cools: Je reviens à la question de l'excuse légitime, car je ne suis toujours pas convaincue de cela. Il y a quelques minutes de cela, les témoins ont affirmé, en réponse à la question du sénateur Bryden, que la chasse sportive est considérée comme une activité légitime en common law depuis des siècles. J'essayais de faire valoir que ce projet de loi a pour effet de créer un nouveau cadre juridique et, en tant que tel, à mes yeux, le fait que les témoins puissent nous rassurer sur la protection de la légitimité juridique de ces activités en common law ne suffit tout simplement pas. Si je comprends bien, monsieur le président, une fois la common law codifiée — et, dans le cas qui nous occupe, la codification prend la forme d'une loi pénale, le Code criminel —, la loi adoptée a préséance sur la common law dans la mesure où la common law lui cède pour ainsi dire le pas. C'est comme cela que je comprends la chose. N'oubliez pas, ce n'est pas moi qui est avocat ici. Je n'ai aucune formation juridique, à l'inverse de certains de mes éminents collègues, mais, selon ce que je comprends, la légitimité en droit sur laquelle nous rassurent les témoins en ce qui concerne la common law ou la légitimité en droit des activités visées par la common law disparaîtra tout simplement au profit de la nouvelle loi.

Je dois dire aux honorables sénateurs pourquoi cela me tracasse, depuis une demi-heure. Si vous vous en souvenez — monsieur Mosley, monsieur le président, collègues —, la dernière fois où M. Mosley a témoigné, nous l'avons interrogé sur de nombreuses questions, et une ou deux fois, il a cité le rapport no 31 — la recodification du droit pénal — de la Commission de réforme du droit, en 1987. J'aimerais faire noter au compte rendu une citation de ce rapport qui va à l'essentiel de cette question. Si j'ai bien compris ce que M. Mosley disait à ce moment-là, il s'en était remis à ce rapport particulier de la Commission de réforme du droit. Je vais lire un passage qui se trouve à la page 97 du rapport en question. Les auteurs du code — c'est le code qui était alors proposé par la Commission de réforme du droit...

... (Le code) rejette donc la notion d'un parallèle entre les crimes contre les animaux et les crimes contre la personne. Il n'incrimine pas, par exemple, la destruction des animaux parce que ce genre de message serait fortement atténué par les exceptions qui seraient apportées à ce principe qui paraîtrait hypocrite en théorie et se révélerait inéquitable en pratique.

Le rapport de la Commission de réforme du droit nous met en garde contre l'idée d'interdire généralement le fait de tuer les animaux, en raison de la dilution dont il est question plus haut et de la nécessité de prévoir des exceptions, auxquels cas les exceptions auraient pour effet de s'appliquer de manière injuste. Cela aurait pour effet de diluer la loi elle-même et de fonctionner d'une manière injuste.

Ce n'est pas là une attaque timide. Le président de la Commission de réforme du droit, à l'époque, était Allen Linden, aujourd'hui le juge Linden. Les termes du rapport, selon moi, constituent une mise en garde tout à fait rigoureuse contre l'idée de créer une interdiction générale contre l'acte de tuer un animal. Je me demande si les témoins pourraient expliquer cela, dans le contexte de ce que j'ai dit à propos de la common law, soit qu'elle cède le pas entièrement à la loi adoptée. Pourriez-vous me rassurer là-dessus?

Mme Klineberg: Nous pouvons commencer par le fait que, depuis 1953, tout au moins, il est interdit de tuer les animaux domestiques, à moins d'avoir une excuse légitime. Il y a eu un certain nombre de poursuites fondées sur cette disposition. Les tribunaux ont interprété le terme «sans excuse légitime» de plusieurs façons. On s'en est servi pour acquitter les gens qui ont tué un animal en défendant leurs biens ou en défendant d'autres êtres humains. De même, la notion d'excuse légitime est appliquée au fait d'euthanasier des animaux malades.

Nous nous fondions sur l'interprétation du terme dans le cas de l'infraction qui consiste à tuer un animal domestique sans excuse légitime. Nous nous fondions aussi sur les observations du juge Lamer dans l'arrêt Ménard, quant à tous les motifs supplémentaires que nous pourrions souhaiter invoquer pour employer un animal en vue de maîtriser ou tuer des animaux sauvages, autre exemple qui montre que le tribunal est en mesure de reconnaître une vaste gamme de motifs à ceux qui emploient des animaux ou leur causent de la douleur, et aussi à ceux qui les tuent tout simplement.

Ce projet de loi, comme M. Mosley l'a expliqué plus tôt, oui, pour la première fois, s'applique aux animaux sauvages, mais l'infraction qui consiste à tuer un animal domestique sans excuse légitime fait partie du Code criminel depuis quelque temps déjà; elle est appliquée sans difficulté. Plusieurs excuses ont fini par entrer dans cette définition.

Le sénateur Cools: Je sais, mais, sauf tout le respect que je vous dois, vous ne faites que me répéter ce que vous avez déjà dit. J'essaie de faire migrer votre esprit du vieux cadre juridique au nouveau que ce projet de loi servira à créer. Nous essayons de voir l'avenir, pour comprendre et saisir, et savoir comment les tribunaux vont interpréter cela, dans les nouvelles conditions juridiques qui existeront, et non pas en fonction du vieux cadre.

Que feront les tribunaux dans le contexte de ce nouveau cadre législatif? Celui-ci me semble radicalement différent de son précurseur. Il ne fait aucun doute que ce nouveau cadre vise à «relever» la position des animaux et la conduite morale envers les animaux. C'est sur ce point que, à mon avis, votre témoignage ne répond pas à un grand nombre de mes préoccupations. Je sais que, chez vous, vous travaillez dur et que vous êtes très diligent. Cela, je le comprends tout à fait. Je comprends que vous devez rédiger les textes dans les conditions où vous vous trouvez. Tout de même, en lisant ce projet de loi, je constate que la rédaction a été marquée par un degré de naïveté effarant; vous n'avez pas compris ou accepté l'ensemble des conditions extrêmes où, dans notre collectivité, le droit est forcé de répondre à toutes sortes de nouvelles exigences sociales. Voilà ma crainte et mon souci.

M. Mosley: La Commission de réforme du droit a un point de vue particulier sur la façon dont les lois devraient être conçues. Certaines des très nombreuses propositions de la Commission de réforme du droit ont trouvé une place dans des lois. À l'occasion, le Parlement a rejeté carrément les recommandations formulées par la Commission de réforme du droit dans ses rapports durant les années 70 et 80. Dans d'autres cas, il les a adoptées. On a appliqué une démarche qui a débouché sur des recommandations. Il y a eu une démarche qui a abouti à ce projet de loi. Cette démarche a consisté notamment à procéder à des consultations poussées en dehors du ministère de la Justice, et cela fait assez longtemps que le projet de loi est dans le domaine public à l'autre Chambre et dans cette Chambre-ci, et de très nombreux points de vue ont été exprimés à son sujet.

Durant la période en question, qui fait maintenant quatre ans, je ne crois pas que nous ayons entendu beaucoup d'appuis en faveur de la proposition mise de l'avant en 1987 par la Commission de réforme du droit. Il y a eu et il y a toujours des appuis considérables en faveur de la notion selon laquelle le fait de tuer un animal, en l'absence d'une excuse légitime, là où il y a un élément mental — la personne agit volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte — et que cela devrait être appliqué à tous les animaux, et non seulement aux animaux domestiques.

Je ferais valoir que les appuis en faveur de cette proposition sont énormes. Il y a un contexte nouveau au sens où, d'après ce que le gouvernement a entendu pendant les consultations qu'il a menées, la société canadienne souhaite avancer au-delà de la norme établie en 1953. En 1953, il y a eu une avancée en ce qui concerne notre façon d'envisager le traitement des animaux, mais c'était il y a 50 ans. Aujourd'hui, si nous nous contentons de critères touchant la douleur, la souffrance ou les blessures, avec tout le respect que je vous dois, je crois que notre travail se situerait en deçà du seuil visé par le projet de loi.

Le sénateur Cools: Monsieur Mosley, quand vous avez témoigné devant le comité en février, et j'ai devant les yeux le fascicule 8 des délibérations du comité, vous dites, page 8.68:

Je pense que le projet de loi donne en fait le résultat que recherchait la Commission de réforme de droit.

M. Mosley: Avec le plus grand respect, je dirais que le contexte de la question et de la réponse dont il s'agit ici était très différent. Si je me souviens bien, le sénateur Joyal m'avait posé une question sur un aspect très particulier qu'il souhaitait faire ressortir, au moyen de la formule question-réponse. Ce n'était pas une réponse générale de ma part à propos de ce que la Commission de réforme du droit avait à dire sur ce sujet dans son ensemble.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, au sujet du rapport particulier auquel je me reporte, en vérité, la Commission de réforme du droit ne dit pas grand-chose. En fait, le chapitre entier fait à peu près trois pages. Ce n'est donc pas grand-chose. Si vous jetez un coup d'œil au rapport, qui s'intitule «crimes contre les animaux», c'est le chapitre 20, vous verrez que cela commence quelque part à la page 97, ça se poursuit à la page 98 et ça se termine quelque part à la page 99. C'est tout à fait minuscule. Enfin, compte tenu de l'ampleur et de la totalité des propos signalés à partir du rapport de la commission, je m'attendais à un document substantiel ou à un mémoire substantiel écrit sur le sujet. La Commission de réforme du droit n'a pas dit grand-chose là-dessus, et il est très difficile d'en accepter certains aspects, sans le reste de ces trois pages. Encore une fois, la section s'intitule «chapitre 20: crimes contre les animaux». Cela coule bien, et il est parfaitement clair que toute modification du Code criminel ne devrait pas viser les innocents — nous devrions dire les personnes innocentes —, mais les personnes qui s'adonnent à la chasse, au piégeage et ainsi de suite. Je ne sais pas si j'interprète mal le passage. Cela est entièrement possible, mais ma lecture des trois pages en question m'amène à tirer des conclusions très différentes.

M. Mosley: Je ne veux pas prolonger la discussion sur ce sujet, mais le passage sur lequel vous avez attiré mon attention, sénateur, se trouve à la page 97 et concerne la criminalisation du fait de tuer un animal. Si je me rappelle bien l'échange que nous avons eu la dernière fois, il était question de la proposition de la commission en tant que telle, qui est énoncée à la page 98, et qui établit plusieurs exceptions. C'était l'objet de notre discussion.

Le sénateur Cools: Monsieur Mosley, durant les délibérations du comité en question, vous avez eu avec le sénateur Joyal un échange concernant les recommandations de la Commission de réforme du droit, qui mettent à l'abri des sanctions pénales certains types d'activités. C'est l'échange que vous avez eu avec le sénateur Joyal, et j'ai décidé d'aller à la source, et je croyais seulement que ce fait devrait venir enrichir le compte rendu.

Peut-être alors, monsieur le président, avec votre permission, puis-je lire le paragraphe entier de ce qu'a dit la Commission de la réforme du droit. Ce serait utile au compte rendu. Je vais lire la page 97:

Le nouveau code vise à éviter de mêler les actes de cruauté envers les animaux avec les infractions contre les biens. Il tend à mettre l'accent sur le principe général plutôt que sur des activités marginales précises, et il envisage les pratiques institutionnelles modernes comme l'expérimentation scientifique. Il est toutefois reconnu qu'il y a une différence entre l'animal et l'être humain, que le fait de tuer les animaux pour se nourrir, pour la chasse et à d'autres fins est accepté par la société et que des réformes sociales d'envergure dans ce domaine ne peuvent avoir lieu du jour au lendemain. Le code rejette donc la notion d'un parallèle entre les crimes contre les animaux et les crimes contre la personne. Il n'incrimine pas, par exemple, la destruction des animaux parce que ce genre de message serait fortement atténué par les exceptions qui seraient apportées à ce principe qui paraîtrait hypocrite en théorie et se révélerait inéquitable en pratique. Le projet de loi est plutôt axé sur les actes de cruauté inutiles, et il ne vise pas tant la protection et la préservation de la vie animale que le traitement humain des animaux.

Le compte rendu devrait dire que, tout bien considéré, les recommandations de la Commission de réforme du droit visaient à ce qu'aucune modification du Code criminel ne vienne interdire des conduites que nous considérons maintenant comme parfaitement normales et naturelles.

Le sénateur Bryden: J'aimerais revenir rapidement à l'exemple donné du chasseur archer, et je ne veux pas être comme le chien qui s'acharne sur son os. Tout de même, ce dont je me soucie, c'est que nous abordons ici un paramètre tout à fait neuf, et une des tâches du comité, en tant que comité de la Chambre haute, consiste à s'assurer que, en élargissant le cadre législatif en question, nous ne suscitons pas, par la formulation des modifications et tout le reste, des problèmes qui seraient prévisibles.

Je ne souligne pas le problème simplement par espièglerie — je crois que cela a une grande importance. Par contre, je parlais du passage qui se lit comme suit: «Commet une infraction quiconque, volontairement ou sans se soucier des conséquences de son acte... tue un animal», puis arrive la question de l'acte posé «sans excuse légitime», et j'ai employé l'exemple de la chasse et de la chasse sportive. Nous avons dit que cela serait considéré universellement comme une excuse légitime, et le sénateur Joyal a posé une question au sujet de la situation du chasseur qui tire à l'arc. Si vous atteignez la cible comme il faut, une carabine tue davantage par choc qu'autre chose. Ce n'est pas le cas de la flèche de l'archer. La réaction de M. Mosley a été intéressante, car l'exemple donné était que si on est très précis et qu'on atteint l'animal au cœur avec la flèche, alors, la mort peut être aussi instantanée que dans le cas d'un coup de feu.

Le problème, c'est que le chasseur qui tire à l'arc ne vise pas le cœur. L'archer vise les poumons de l'animal. Il le fait parce que les poumons représentent une plus grosse cible et que le tort peut y être causé plus facilement, parce qu'ils ne sont pas bien aussi protégés. Tout de même, une des conséquences de cela, c'est que l'animal meurt de saignements internes.

Je ne sais pas ce qui est plus douloureux, moins douloureux ou enfin quoi, mais j'ai ceci à dire: si nous suivons certains des raisonnements qui ont été avancés — dire qu'il ne s'agit pas de s'attaquer au chasseur légitime, la majeure partie de cela revient à dire qu'il y a la justification en raison de l'affaire du chasseur-cueilleur. Puis, s'il s'agit d'un sport, j'attendais que quelqu'un dise que nous faisons beaucoup d'argent du côté du tourisme avec tous les Américains qui viennent chez nous pour chasser nos animaux et tout le reste, et voilà peut-être où se situe la justification.

Tout de même, les usages et les attitudes qui se sont établis en rapport avec certaines activités touchant les animaux — sous la coupe de ces dispositions et, de fait, sous la coupe de certaines de nos modifications — vont très difficilement tenir le coup. Peut-être ne devraient-ils pas tenir. Je ne dis pas qu'ils ne devraient pas tenir le coup; plutôt, je dis que nous devrions être conscients du fait que ce que nous disons, c'est que si vous chassez le cerf et que vous allez tuer un cerf, et bien, faites-le de la meilleure manière possible.

Monsieur Mosley, vous avez tout à fait raison, le chasseur essaie d'être le plus prudent possible, mais, parfois, il rate la cible. Parfois, même avec la meilleure carabine, la meilleure lunette de visée et le meilleur matériel, le chasseur rate la cible parce que le cerf saute, mais ce n'était pas son intention de rater la cible.

Ce dont je me soucie, c'est que nous ne tenons pas compte, dans les dispositions prévues, des pratiques qui entreront dans notre mire bien malgré nous. Si c'est là l'intention, alors il faut déposer un document qui dit: «Nous n'avons pas encore songé au cas du chasseur qui tire à l'arc, mais, Dieu du ciel, c'est bien vrai.» S'il s'agit de cette pratique, chasser le cerf au moyen d'une flèche qui vise les poumons, alors, nous pouvons poursuivre le chasseur en invoquant cet article maintenant. Si c'est là l'intention, nous devrions le savoir et nous devrions le dire clairement.

Pour terminer, permettez-moi de dire simplement que c'est une très bonne chose que nous n'ayons pas à rédiger ici le projet de loi, car les définitions me montent à la tête et, comme vous le savez, la définition d'un chameau, c'est un cheval imaginé par un comité et, de fait, ce sera un chameau merveilleux si nous réussissons à mettre tous les morceaux ensemble cet après-midi.

Le président: Avant de donner votre réponse, madame Markham, permettez que le sénateur Watt ajoute quelque chose.

Le sénateur Watt: Il y a un autre point dont il faut tenir compte, à mon avis, et c'est dans le même ordre d'idées que le cas de l'archer. Un poisson, c'est un animal. Nous avons bel et bien des Américains qui viennent au nord, pêchent le poisson pour ensuite le remettre à l'eau. La plupart des camps de pêche que je connais ont un programme de pêche avec remise à l'eau, mais, d'une certaine façon, le poisson souffre, à mon avis, dans une certaine mesure, et, un jour, certains vont mourir, suivant la façon dont ils ont été manipulés. Comment déterminer cela? Je crois que cela va entrer dans la même catégorie que les exemples dont vous discutiez.

Le président: C'est un bon point à ajouter.

Mme Markham: Il est peut-être utile, au point où nous en sommes, d'ajouter pour le compte rendu, encore une fois, ce qui a été inscrit au compte rendu plusieurs fois pendant toute la démarche parlementaire: en mettant de l'avant ces réformes, le gouvernement n'avait pas pour intention de modifier la responsabilité à l'égard d'activités actuellement tenues pour légitimes. Je crois qu'à plusieurs occasions la ministre actuelle et son prédécesseur ont fait valoir qu'il s'agissait de clarifier la loi en établissant les dispositions relatives aux infractions d'une manière logique, en faisant la distinction entre les infractions comportant une cruauté délibérée et les infractions comportant une forme de négligence, en mettant à jour la loi, en éliminant les distinctions faites entre les divers types d'animaux.

Les objectifs étaient modestes. Ils visaient et visent toujours à clarifier la loi. Il est à espérer que ces objectifs ont été atteints pour ce qui est de la structure actuelle; c'était la raison des réformes.

J'aimerais commenter la question qui consiste à modifier la loi en modifiant la structure. La modification de la responsabilité est soumise à des critères particuliers. Il importe de noter que les critères de responsabilité demeurent les mêmes, sauf que cela englobe maintenant toutes les infractions commises à l'égard de tous les types d'animaux, le fait d'en tuer par exemple.

Le fait qu'il y ait une structure différente ne modifie pas en tant que tel les critères de responsabilité. Voilà un fait important qu'il faut inscrire aussi au compte rendu, et simplement pour le rappeler au comité.

Le sénateur Bryden: Si je soulève les questions particulières que je soulève, c'est que j'accepte tout à fait que le gouvernement ou le ministère de la Justice n'avait nullement l'intention de créer une sorte de formule qui va bien au- delà de cela. Tout de même, comme nous le savons tous, une fois que c'est fait, une fois que cela a force de loi, le premier élément auquel s'attachent les tribunaux pour voir l'intention de la loi, ce sont les mots qui y sont employés. Il faut une bonne preuve circonstancielle autour de cela avant que la signification claire que peut en dégager tout penseur légitime ne vienne prendre le pas sur l'intention exprimée. Voilà le fondement principal de la chose.

Je ne crois pas que l'un d'entre vous, ou quiconque a affaire à cela, cherche en fait à employer des mots qui sont ambigus ou qui sont le moins clairs possible. Tout de même, je crois que cela est possible car nous arrivons en terrain inexploré à bien des égards. Il a fallu quatre ans pour en arriver là, Dieu du ciel.

Tout de même, vous n'avez pas étudié la question de l'intention exprimée de tous les points de vue possibles. Une de nos tâches consiste à essayer de faire cela et à vous demander de le faire.

Voilà la fin de mon sermon pour ce soir.

Mme Klineberg: Puis-je formuler brièvement une réponse? Nous sommes tout à fait d'accord pour dire que ce qu'il faut faire, c'est de regarder ce que les tribunaux pourraient dire une fois que la loi est adoptée. Il y a quatre ans, au moment où le projet de loi a été rédigé, deux choix s'offraient à nous. Comme nous tentions d'établir quelque chose de nouveau, nous pouvions tout effacer et repartir à neuf, en prenant pour modèle les lois d'autres pays et en employant d'autres termes. Le choix que nous avons fait, comme Mme Markham l'a dit, c'est de garder le vocabulaire de la loi existante, qui est la même depuis une cinquantaine d'années. Il y a des éléments qui sont encore plus vieux.

La décision a été prise de préserver le vocabulaire dans toute la mesure du possible. La raison était simple. Si nous le faisions, les tribunaux pourraient regarder le projet de loi, une fois qu'il est adopté, en comptant sur une jurisprudence échelonnée sur 50 ans pour l'interprétation des termes. C'est un très petit pas, et non pas un grand pas, de voir toute la jurisprudence existante sur l'interprétation de ces termes, car ils ne changent pas. Gardez le vocabulaire, dans toute la mesure du possible, c'est ce qui permet le mieux de préserver toute la jurisprudence établie jusqu'à maintenant. Si nous avions recommencé à zéro, nous serions tous là à nous demander: «Quel est le sens que donnerait un tribunal à tel mot et à tel autre?» Presque tous les termes en question ont un passé judiciaire. Cela ne fait aucun doute dans notre esprit, nous allons continuer à appliquer les dispositions de la même façon. Ce n'est pas une structure neuve; c'est plutôt une rationalisation des infractions existantes qui sont un peu compliquées et qui se chevauchent.

Si nous revenons aux déclarations du ministre précédent et de l'actuelle ministre, qui remontent assez loin dans le temps pour que je ne les aie plus exactement à l'esprit, l'objectif consistait à rationaliser les infractions existantes et à rendre le régime plus complet et compréhensible, sans faire quoi que ce soit de neuf. Ayant cela à l'esprit, nous faisons valoir que les tribunaux n'auront nullement de difficulté à regarder tout ce qui s'est passé avant et à l'appliquer de la même façon. Si nous avions agi autrement, le risque aurait été nettement plus grand.

Le sénateur Bryden: Merci. J'ai apprécié. Je crois que vous avez raison; le risque aurait été plus grand. Je ne suis pas tout à fait convaincu qu'il n'y a pas un faible degré de risque.

Le sénateur Joyal: Je suis sûr que les experts qui témoignent sont d'accord avec moi. Nous devons lire le projet de loi dans son intégralité. Quand on commence par une définition qui dit qu'un animal peut ressentir la douleur, puis qu'on parle de blessure, puis, à nouveau, de douleur — il y a une certaine économie dans le projet de loi, comme nous le disons en français. Autrement dit, le projet de loi incarne des valeurs et des concepts. Ces concepts permettent d'expliquer les articles qui soulèvent des questions. Si bonnes que soient les intentions du ministère, et nous ne les remettons pas en question, en dernière analyse, le texte finit en société. Nous découvrons alors que ce que nous disions est interprété d'une autre façon.

Quand on évolue sur un terrain dont il est difficile de tracer les lignes de démarcation avec précision, il faut s'arrêter et déterminer si on ne va pas trop loin. Est-ce que nous devrions formuler le concept avec des termes plus précis?

Il y a dans le projet de loi des endroits où les concepts sont formulés avec précision. Je donnerai pour exemple le paragraphe 182.3(2), qui définit le terme «par négligence». L'expression «par négligence» est très bien définie dans le contexte de l'infraction en question, et cela permet de bien délimiter l'infraction. C'est un très bon élément pour démontrer l'intention du législateur au tribunal. Si on met «par négligence» sans définir la chose, cela se prête à de multiples interprétations.

Au paragraphe 182.3(2) du projet de loi, le terme «par négligence» est défini. Ailleurs dans le projet de loi, l'expression «sans nécessité» est utilisée pour qualifier le fait de causer de la douleur. Nous pourrions définir le terme «sans nécessité». Je n'affirme pas que nous allons le faire, mais nous pourrions le faire, aux fins de l'article en question. Cela permettrait au tribunal de mieux respecter l'intention que vous exprimez, avec laquelle nous sommes d'accord.

Tout de même, par contre, quand on emploie dans un article nouveau des termes ou des concepts chargés, on ouvre toutes grandes les possibilités, même si on essaie d'inclure ce qui était là avant. Néanmoins, c'est un projet de loi nouveau, un concept nouveau. C'est la question avec laquelle nous nous débattons, avec ce projet de loi. Nous ne sommes pas contre l'idée que le gouvernement accroisse la peine prévue. La cruauté faite aux animaux nous horripile. Nous sommes tous d'accord sur ce point. Nous cherchons simplement à nous assurer que ce que nous faisons reflète essentiellement ce que nous avons à l'esprit. Ce que nous avons à l'esprit, comme vous l'avez dit, c'est de protéger l'activité légitime, légale et justifiable des Autochtones, des chasseurs et des pêcheurs.

Une fois la loi adoptée, la question se retrouvera tôt ou tard devant un tribunal, et je crois que ce sera assez tôt merci, étant donné le degré de conscientisation actuel de l'opinion publique. C'est essentiellement le point que veut faire valoir le sénateur Bryden. J'essaie de faire valoir le même point au moyen des exemples que j'utilise.

C'est un élément important des nouveaux articles proposés. Nous devons étudier les nouveaux articles proposés qui élargissent la définition de l'acte criminel qui consiste à tuer un animal. Cela touchera tous les animaux, qu'il s'agisse d'animaux sauvages ou d'animaux domestiques.

C'était le problème que nous posait la définition. Les milieux scientifiques ne s'entendaient toujours pas là-dessus. Nous avons demandé à des experts de nous aider à comprendre la chose.

Vous comprendrez que nous n'essayons pas d'empêcher le gouvernement d'adopter ce projet de loi. Nous essayons de délimiter les concepts qui sont formulés dans le projet de loi, qui, de fait, iraient à l'encontre de l'intention que vous avez, avec laquelle nous sommes d'accord. Nous devrions reconnaître, comme vous l'avez dit, que l'intention ne consiste pas à modifier l'usage actuel au gouvernement. Nous ne souhaitons pas modifier l'usage que notre société accepte de manière générale pour ce qui est de la chasse et de la pêche et ainsi de suite. Les Autochtones, à mon humble avis, se trouvent dans un groupe différent en raison des droits constitutionnels qu'ils ont.

Dans quelques années, vous pourriez, comme nous pourrions le faire aussi, devant une décision rendue par un tribunal, dire: «Ce n'est pas ça que nous avions à l'esprit; ce ne serait pas notre façon d'interpréter cela». Je n'ai pas besoin de donner d'exemple à ce sujet. Notre expérience récente le démontre. Les tribunaux sont saisis de toutes sortes d'affaires portant sur des lois adoptées récemment, des lois où nous croyions avoir énoncé clairement nos intentions au moyen d'un article de dix pages énonçant les objectifs. Le tribunal pourrait tout de même dire «oui, mais...» au bout du compte.

Mes amis et collègues essaient de vous dire que nous ne sommes pas contre ce projet de loi. Nous avons besoin de votre aide. Vous avez coopéré aujourd'hui et vous nous avez aidés à analyser le degré de reconnaissance des usages actuels que vous souhaitez protéger et que nous souhaitons reconnaître. Nous voulons établir clairement quelles pratiques sont considérées comme légitimes, explicables et légales dans notre société aujourd'hui.

Le sénateur Sparrow: Nous avons devant nous de très éminents avocats qui ont une certaine expertise dans de nombreux domaines. Nous discutons, essentiellement, d'une ligne de texte, qui se trouve à l'alinéa 182.2(1)c), soit: «tue un animal sans excuse légitime». Si nous y consacrons tout ce temps et que nous n'en arrivons pas à une décision, qu'en sera-t-il de la personne visée par la loi? Que fait celui qui empoisonne un siffleux ou qui tire sur un orignal? S'il m'aborde demain et me demande: «Qu'est-ce que cela veut dire?» je lui dirais: «Comment voulez-vous que je le sache?» C'est vrai — nous ne le savons pas. Nous n'arrivons pas à nous entendre; nous allons donc faire avancer un projet de loi sur lequel nous ne nous entendons même pas. N'est-ce pas d'une importance capitale?

Monsieur Mosley, l'autre fois, je crois que vous avez dit que les tribunaux auraient simplement à décider. Les gens touchés auraient à acquitter des amendes et à assumer les frais qu'il faut pour se rendre au tribunal de première instance, sans compter les tribunaux d'appel. Voilà une perspective redoutable. Nous ne pouvons même pas convenir de la nécessité de mettre en place une modification pour protéger ces gens. Que faisons-nous? C'est un scandale, que cela arrive. Il ne suffit pas de dire que les tribunaux vont décider. Nous devons nous entendre sur le fait que si jamais cela est confié à un tribunal, le tribunal va confirmer la décision.

Vous nous avez dit que l'expression «sans excuse légitime» n'est pas une décision juridique; c'est plutôt un terme général qu'emploie le tribunal. Si c'est un terme très général, alors est-ce une excuse légitime, oui ou non? Comment pouvez-vous employer cela comme terme général? «Eh bien, nous ne voulions pas dire que c'était une excuse légitime; nous voulons dire que vous avez tué l'animal». C'est devant cette situation que nous nous retrouvons — les gens qui tuent des rats ou des siffleux — des animaux sauvages et non pas des animaux domestiqués. Quelle excuse devrait-on donner? Un membre du comité a demandé si le plaisir pouvait servir d'excuse. Nous n'avons pas de réponse à cette question.

Hormis le cas des agriculteurs ou des éleveurs, les gens qui tuent des siffleux en Saskatchewan pourront-ils trouver une excuse légitime pour se défendre? Non. Il y a la menace qui fait que certains groupes sont toujours prêts à arrêter ce processus. Ils disent: «Déplacez simplement les siffleux en question». C'est avec cela qu'il faudrait composer si nous acceptons le projet de loi tel quel. Nous serions en réelle difficulté.

M. Mosley: Avec le respect que je vous dois, honorable sénateur, vous ne m'avez pas cité comme il faut...

Le sénateur Sparrow: Je ne le fais jamais.

M. Mosley: Je comprends que, comme nous sommes là depuis quelques heures, nous puissions perdre un peu de précision. J'essayais d'expliquer que l'expression «sans excuse légitime» est un terme de droit d'une largeur incroyable. Il englobe toutes sortes de conduites — connues, inconnues et imprévisibles — qui autorisent une certaine marge de manœuvre pour l'application de la loi. Si on essaie de s'en écarter et qu'on ajoute des aspects précis au projet de loi, dans le contexte, inévitablement, on limite par exclusion. Le fait de laisser dans la loi un terme comme «excuse légitime» donne une grande marge de manœuvre à ceux qui s'occupent d'appliquer la loi.

Je vais vous donner un exemple. En ce moment, sous le régime de la loi actuelle, les gens euthanasient leurs animaux. Cela se fait couramment. La loi existante s'applique aux animaux qui sont des animaux domestiques que les gens ont à titre privé, et cetera. Je ne me souviens pas avoir entendu quiconque affirmer que le droit pénal devait s'appliquer à cette situation particulière. Cela ne s'est tout simplement pas présenté depuis 50 ans, parce qu'il s'agit d'un usage généralement admis, comme l'ancien juge Lamer l'a signalé dans l'arrêt Ménard, on peut faire cela avec ses animaux. Vous avez donné l'exemple de quelqu'un qui empoisonne des siffleux. La personne qui agit ainsi a sans nul doute une très bonne raison de le faire — peut-être que les siffleux sont en train de détruire un pâturage.

Le sénateur Sparrow: Je m'excuse, je parlais des gens qui se trouvent ailleurs que sur leur propriété à eux, parce que c'est là que se trouvent les siffleux.

M. Mosley: Il ne s'agit pas de savoir si c'est «votre propriété» ou non. La question de l'apparence de droit peut entrer en ligne de compte dans la mesure où vous croyez honnêtement, mais à tort, que vous avez le droit de le faire parce que la bête se trouve chez vous. Tout de même, les paramètres associés à l'expression «sans excuse légitime» ne se limitent pas à la conduite ou au comportement que vous pouvez avoir chez vous.

Il n'est pas rare, par exemple, que des gens prennent une arme à feu pour tuer des siffleux. De fait, il y a en Saskatchewan un concours où on encourage les gens à tirer sur des siffleux partout dans la province, et de rapporter des queues. Pourquoi? Parce que les siffleux sont une nuisance qui cause du tort aux fermes partout en Saskatchewan. Il est tout à fait approprié de limiter leur nombre. Divers moyens peuvent être employés. Or, la notion d'un acte posé «sans excuse légitime» entrerait en ligne de compte, qu'il s'agisse de votre propriété ou de celle d'un autre.

Nous sommes préoccupés par un effort pour anticiper l'application de cette loi à des situations qui ont été décrites. Vous cherchez une espèce de formulation magique, et je ne crois pas qu'une telle formulation existe. J'ai suggéré qu'on ajoute la mention «ou justification», car cela étend la portée de la disposition aux comportements qu'on a clairement le droit d'adopter. Ce n'est pas simplement qu'on excuse votre geste, en raison des circonstances, c'est que vous avez le droit de le poser. J'avancerais que les circonstances que vous avez décrites s'inscriraient dans cette catégorie.

Le président a proposé, je crois, un terme que j'ai entendu plus tôt ce soir — c'est-à-dire, d'ajouter les mots «ou la mort» à la formulation actuelle de l'alinéa 182.2(1)a). Avec tout le respect que je vous dois, je ne crois pas que cela atténuerait vos préoccupations. Votre inquiétude passerait de l'alinéa c) à a), et on perdrait l'avantage de la globalité du terme «sans excuse légitime».

Le sénateur Sparrow: Permettez-moi d'ajouter quelque chose. J'ai l'impression que les juristes n'interprètent pas cet aspect de l'alinéa c) de la même façon que le ministère de la Justice. S'ils sont préoccupés, monsieur le président, alors il faut faire quelque chose, et nos juristes estiment qu'il y a un problème. Qu'advient-il des policiers des petits comtés et des petites villes? Qu'advient-il des agents de conservation qui lisent cette disposition et considèrent qu'un comportement donné ne constitue pas une excuse légitime? Qu'advient-il des procureurs, qui n'interprètent peut-être pas le droit de la même façon que les personnes ici présentes, qui envisagent un comportement donné et disent que «cela n'est pas une excuse légitime»? Combien de fois faudra-t-il nous retrouver devant les tribunaux et condamner une personne parce qu'elle n'avait pas les moyens d'interjeter appel ailleurs? C'est là le danger d'une loi dont le sens n'est pas clair.

D'après ce que j'ai entendu plus tôt, cette loi n'est pas claire. Nous devons en préciser le sens, d'une façon ou d'une autre. Je crois que quelqu'un a posé la question, et nous avons peut-être besoin de votre aide.

Le président: Merci, sénateur Sparrow. J'aimerais revenir à l'idée de déplacer la notion de «mort» à l'alinéa supérieur. Je crois qu'on a demandé à Mme Klineberg si la blessure pouvait comprendre la mort?

Je crois que votre réponse était «non». N'est-ce pas?

Mme Klineberg: Je ne suis pas certaine de me souvenir d'avoir répondu à cette question.

Le sénateur Joyal: Je me rappelle que la question a été posée. Je ne veux pas vous citer, bien sûr; je ne ferais pas cela. Si je me rappelle bien — et vous pourrez me dire si j'ai bien entendu —, une blessure peut, à un certain moment, être la cause directe du décès. Par exemple, un animal blessé peut mourir au bout de son sang. Toutefois, une blessure en soi n'est pas la mort. Je crois que vous avez fait la distinction entre les deux. C'est une nuance que vous avez établie.

Mme Klineberg: Certainement, je ne suis au courant d'aucune affaire où une blessure visée par l'alinéa 446(1)a) a été interprétée de façon à comprendre la mort. Je ne crois pas que le terme «blessure» ait été interprété de cette façon dans ce contexte. Je crois que d'autres dispositions parlent peut-être de blessures ou de décès, ou de blessures corporelles. Pour ce qui est du Code criminel, de façon générale, il s'agit probablement de notions différentes.

Le président: Monsieur Mosley, histoire de passer à autre chose et de revenir au point que vous avez soulevé, la formulation de l'alinéa 182.2(1)a), «douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité», n'emprunte-t-elle pas aux moyens de défense fondés sur Ménard?

M. Mosley: Mme Markham répondra à cette question.

Mme Markham: Par souci de clarté, la modification que nous proposons consisterait à écrire: «tue sans excuse légitime ou nécessité». Est-ce sur cet aspect que vous voulez mon opinion?

Le sénateur Joyal: Non, sur l'ajout de la mort.

Le président: Après une blessure.

Le président: Pour récapituler, M. Mosley affirme que cela ne nous aiderait aucunement, car on éliminerait la notion d'excuse légitime, plus générale. Je me demande si une formulation plus spécifique ne s'inspire pas de la défense fondée sur Ménard.

M. Mosley: Avant que mes collègues répondent, je tiens à être clair: ma réponse concernait les pratiques de chasse, plus spécifiquement les pratiques de chasse récréatives.

Mme Markham: Le problème, c'est que les critères fondés sur Ménard pour déterminer s'il y a eu douleur, souffrance ou blessure, sans nécessité, s'appliquent, comme nous l'avons déjà dit, en deux volets: le premier consiste à déterminer si les fins sont légitimes, et le deuxième, à déterminer si les moyens sont raisonnables, compte tenu des autres moyens disponibles. Ces critères ne sont pas pertinents. Seulement une partie de ces critères s'applique à l'acte de tuer.

Cette disposition, qui vise à décrire une infraction, serait fondée sur une formulation assortie d'éléments incohérents. La loi perdrait de sa clarté, car on tenterait d'appliquer des critères propres à une activité particulière, à une activité qui échappe à la moitié des critères. Si le but est de maintenir la clarté de la loi, il est beaucoup plus clair de séparer l'acte de tuer, qui compte divers éléments, et d'y appliquer l'exigence d'excuse légitime ou de justification.

Le président: Même si cela crée une nouvelle infraction?

Mme Markham: Oui. Je comprends le désir d'assurer une certaine gestion des risques, mais, malheureusement, cela peut miner l'effet de certaines autres infractions. J'avancerais respectueusement que si on ajoute l'acte de tuer, qui s'assortit d'éléments différents, dans la même infraction, la loi perdra de la clarté au lieu d'en acquérir.

Le sénateur Beaudoin: J'ai seulement une question. Dans le projet de loi, on dit: «without lawful excuse». Dans la version française, on peut lire: «sans excuse légitime». Je n'ai aucun doute quant au fait que, à prime abord, c'est une traduction étrange. Quelque chose peut être «lawful», et quelque chose peut être «légitime», mais ce n'est pas exactement la même chose, selon moi. Même en droit constitutionnel, qui est quelque chose de différent, et nous sommes plutôt en droit criminel, mais en droit constitutionnel, quelque chose peut être légal sans nécessairement être «légitime». Il y a une nuance.

Je me souviens des affaires portées devant la Cour suprême. On peut le faire en vertu d'une convention, et on peut le faire en vertu de la Constitution, ce qui n'est pas exactement la même chose.

Ma question est la suivante: les différences éventuelles entre «lawful excuse» et «excuse legitime» ont-elles déjà posé problème? Si ces termes s'inscrivent dans une longue tradition et qu'ils n'ont jamais été contestés, je n'ai pas peur. Je crois tout de même que ce n'est pas une très bonne traduction, mais je n'ai pas de formulation supérieure à suggérer. La jurisprudence, que vous connaissez, fait-elle état d'un tel problème dans le passé?

M. Mosley: Je ne suis au courant d'aucune préoccupation passée à cet égard, même si, comme je l'ai signalé au sénateur Joyal, le terme «excuse légitime» est utilisé dans la disposition existante, l'article 445 du Code, depuis 1953. Je crois que c'est la date de promulgation du code.

Le sénateur Beaudoin: Et il n'y a aucune affaire?

M. Mosley: Pas en ce qui concerne la traduction dans ce contexte. Nous n'avons mené aucune recherche afin de déterminer si cette question a été soulevée dans le cas d'une affaire dans un autre contexte, car le terme «without lawful excuse» est utilisé assez fréquemment. Je sais, par contre, qu'on utilise aussi la traduction «sans excuse légale». Toutefois, si le fond de votre pensée tient au fait que le terme «légitime» est plus étendu que «légale», ce que j'admets, cela soutient notre argument selon lequel l'expression «lawful excuse» dans ce contexte, ainsi que «sans excuse légitime», serait interprétée de façon très étendue.

Le sénateur Beaudoin: Oui, mais il n'en demeure pas moins que, à prime abord, selon moi, les notions sont différentes. «Sans justification légale» ou «sans excuse juridique» seraient des traductions acceptables, mais si on dit «légitime», cela ne signifie pas «conforme à la loi». La notion renvoie à d'autres principes.

Le sénateur Joyal: À d'autres normes.

M. Mosley: Et c'est, selon nous, de cette façon que la version anglaise — «without lawful excuse» — a été interprétée par les tribunaux: de façon très large.

Le sénateur Beaudoin: Mais l'interprétation ne devrait pas être si large, car la justification doit être fondée en droit.

M. Mosley: Pas si notre interprétation de la disposition nous permet de trouver une loi ou un règlement qui justifie notre comportement ou qui l'autorise. Les tribunaux ne l'ont pas interprété de cette façon-là.

Le sénateur Beaudoin: Je vois ce que vous voulez dire. Si la justification est qualifiée de légitime, elle est plus large. Il n'y a aucun doute.

Le sénateur Joyal: Il n'y a aucun doute, car lorsque nous utilisons le mot «légitime», on fait allusion à des normes qui ne sont pas codifiées, à une façon de se comporter qui n'est pas écrite.

Le sénateur Beaudoin: Cela n'a rien à voir avec la légalité.

M. Mosley: Lamer l'a interprété de cette façon dans Ménard et il travaillait avec la version française «excuse légitime».

Le sénateur Beaudoin: A-t-il accordé à ce terme le même sens que «lawful excuse»?

M. Mosley: C'était l'équivalent en anglais. Il a fondé sa décision sur la jurisprudence, c'est-à-dire, dans la plupart des cas, des arrêts de l'Angleterre ou de tribunaux des autres provinces rendus en anglais. Il lisait l'anglais et le français, mais il appliquait des normes qui sont tout à fait conformes à ce que vous avancez concernant le sens général du terme «légitime». J'avancerais que les tribunaux ont interprété «without lawful excuse» de la même façon.

Le sénateur Beaudoin: Ainsi, cela ne pose pas problème en pratique.

M. Mosley: Je ne crois pas, sénateur. Nous ne sommes au courant d'aucun problème.

Le sénateur Beaudoin: Ma première réaction n'est pas bonne, mais si rien ne s'est produit...

Le sénateur Joyal: Nous pouvons prolonger la séance, même si, je le reconnais, il est tard. Pour le sénateur Beaudoin et moi-même, qui sommes francophones et qui réagissons de façon instinctive dans le cas qui nous occupe, il serait certainement utile, avec votre aide, d'examiner les affaires où on a interprété les deux termes, et de voir par nous- mêmes.

M. Mosley: Nous effectuerons une recherche sur l'utilisation de ces termes afin de trouver toute interprétation possible.

Le sénateur Joyal: Puisque vous avez du personnel de soutien pour faire cela, je crois que ce serait utile.

Le sénateur Beaudoin: Pour être plus clair, ma première réaction est la surprise. Comme l'a dit Talleyrand: «Méfiez- vous de votre premier mouvement... c'est le bon.»

Il faut prendre sa première réaction au sérieux, car c'est la bonne, si je peux me permettre de traduire la pensée de Talleyrand. À mon avis, il était, d'une certaine façon, un génie.

Toutefois, si l'interprétation de ces expressions n'a posé aucun problème en matière de droit criminel au cours des 50 dernières années, je ne suis pas trop préoccupé. Néanmoins, je ne peux m'empêcher d'avoir une réaction étrange face au choix de mots.

Le sénateur Joyal: J'ai eu la même réaction que vous, sénateur, de l'autre côté.

Le président: Sénateur Beaudoin, je crois que nous devrons nous entendre sur le fait que nous ne nous entendons pas avec M. Mosley.

Sénateur Joyal, aviez-vous une autre question?

Le sénateur Joyal: Non, j'ai formulé des commentaires lorsque le sénateur Bryden a soulevé la question.

Le président: Y a-t-il d'autres questions?

Le sénateur Adams: Nous revenons constamment en 1953, année de la rédaction du projet de loi. À l'époque, y avait- il un mouvement pour la protection des droits des animaux au Canada?

M. Mosley: Comme l'a laissé entendre le sénateur Joyal, il y avait certainement des organismes en place. J'ignore si les lois provinciales relatives à la cruauté envers les animaux étaient en vigueur à l'époque. Je ne possède pas cette information pour l'instant.

Le sénateur Adams: Depuis de nombreuses années, j'ignore combien, les militants pour la protection des droits des animaux exercent des pressions sur le gouvernement afin qu'on adopte un projet de loi sur le sujet. Voilà pourquoi je pose la question. Il est difficile pour moi, à titre de citoyen, de voir des lois régir ma vie et tout le reste. Il est très difficile pour moi de voir le gouvernement nous imposer tous ces droits des animaux, car, ce faisant, on nuit aux gens des collectivités du Nord. Depuis la division du projet de loi, on diffuse à la radio une publicité selon laquelle le Sénat ne devrait pas tenter de modifier le projet de loi C-10B et devrait le renvoyer, sans modifications. On diffuse cette publicité à la radio, ici même à Ottawa, depuis quelques mois. Qui finance cette annonce? Est-ce votre ministère?

M. Mosley: Certainement pas, non.

Le sénateur Adams: Je l'ai entendue à la radio, ici même à Ottawa. Nous faisons de notre mieux, et maintenant le public fait passer des annonces à la radio pour nous dire de ne pas nous donner la peine de modifier le projet de loi C- 10B

Le sénateur Sparrow: Ne me dites pas qu'elles sont diffusées par la CBC.

Le sénateur Adams: Non, ce n'est pas la CBC. Il s'agit d'une station locale d'Ottawa. C'est une de mes préoccupations.

Néanmoins, je crois que nous devons modifier ce projet de loi. Qu'advient-il du projet de loi C-10A? Est-il toujours à la Chambre des communes? À l'heure actuelle, il est sur le parquet de la Chambre. On ne l'a pas encore soumis à l'approbation de la Chambre des communes. Nous avons une longue liste de projets de loi de la Chambre des communes à examiner avant le projet de loi C-10A. Ce projet de loi rassemblé ne nous serait pas soumis avant qu'on suspende les travaux pour l'été. En attendant, peut-être à l'occasion de la prochaine séance, j'espère formuler des recommandations ou proposer des modifications, surtout en ce qui concerne nos préoccupations liées aux droits de chasse. Il devrait y avoir quelque chose là-dedans, ne serait-ce qu'une mention de quelque chose avec l'article 35. Nous ne voulons pas seulement invoquer l'article 35 chaque fois que nous allons devant les tribunaux. Nous devrions tout simplement ajouter la modification ici même, avant qu'on retourne le projet de loi à la Chambre des communes. Je crois que c'est ce que nous ferons à l'occasion de la prochaine séance.

Le président: Si vous le permettez, sénateur Adams, le sénateur Jaffer, qui parraine le projet de loi, a dû quitter, mais elle demande qu'on pose la question suivante:

Monsieur Mosley, y a-t-il énormément d'objection à l'adoption d'une disposition de non-dérogation pour les Autochtones? Dans l'affirmative, pourquoi?

M. Mosley: L'ajout d'une disposition de non-dérogation dans ce contexte soulève de très graves préoccupations. Je crois comprendre que cette question a fait l'objet de discussions sur d'autres tribunes, et qu'un certain nombre de sénateurs l'ont soulevée au cours des dernières semaines. Je n'ai pas pris part à ces discussions, et on ne m'a pas mis au courant de leur teneur; par contre, on nous a avisé qu'une proposition en vue d'établir une certaine forme de disposition serait avancée. D'après ce que j'ai compris, cette disposition a été rédigée non pas comme une disposition de non-dérogation proprement dite, mais davantage comme une défense. Bien sûr, cela reste à voir.

Nous sommes vraiment préoccupés par l'idée d'enchâsser une disposition de cette nature dans cette partie du code. Il n'y a aucune disposition comparable ailleurs dans le Code criminel. Nous craignons qu'une telle disposition n'influe sur l'interprétation de ces dispositions — qu'elle laisse croire que les Autochtones jouissent d'une forme d'exemption générale en ce qui concerne les dispositions du code relatives à la cruauté envers les animaux. Ce n'est peut-être pas l'intention, mais elle pourrait donner l'impression que cette partie du code ne s'applique pas aux personnes issues de communautés autochtones.

Il existe certainement des droits constitutionnels et des droits issus de traités concernant certaines pratiques autochtones, comme la chasse et la pêche. Aucune disposition du projet de loi, sous sa forme actuelle, ne modifierait ni ne minerait ces droits d'aucune façon. Cependant, l'exercice de ces droits serait visé par cette loi, tout comme il est visé par la loi actuelle. Ces droits s'appliquent aux dispositions du Code criminel actuel. Il serait néfaste, à notre avis, d'enchâsser dans le code une disposition qui laisserait croire qu'on offre une plus grande protection qu'à l'heure actuelle en ce qui concerne la cruauté envers les animaux.

Le président: Le sénateur Adams pourra me corriger si je me trompe, mais je ne crois pas qu'il faisait référence à la capacité du gouvernement de réglementer l'exercice des droits. Il est préoccupé non pas par la réglementation de l'exercice des droits, mais bien par toute dérogation à ces droits, par le retrait ou l'amoindrissement de ces droits. Il s'agirait d'une exemption. Je ne crois pas du tout qu'il parlait de cela.

M. Mosley: Je crois avoir compris cela. Je vous remercie de cette précision. S'il devait y avoir retrait de droits, le gouvernement aurait intérêt à se préparer à justifier cela. Aucun des commentaires que nous avons entendus au cours des quelques témoignages devant votre comité ne laisse croire qu'un élément du projet de loi occasionnerait la disparition de ces droits. C'est avec le plus grand respect que j'avancerais qu'il incombe aux partisans de l'adoption d'une disposition de non-dérogation d'au moins montrer en quoi la promulgation du projet de loi pourrait mener à la dérogation aux droits, et jusqu'à maintenant, une telle justification n'a pas été présentée.

J'avancerais que l'enchâssement d'une telle disposition dans le projet de loi mènerait à la confusion, voire à une interprétation erronée de sa portée et de son effet.

Le sénateur Beaudoin: Tout ce que vous avez dit est vrai, et les peuples autochtones sont protégés. Toutefois, le fardeau de la preuve repose sur eux, et cela m'inquiète. Les Autochtones ont des droits, et ils sont énoncés à l'article 35 de la Constitution. Ils sont ici depuis des siècles. Cependant, le fardeau de la preuve repose sur eux, car ils peuvent dire: «Cela ne s'applique pas à nous parce que nous sommes Autochtones»; mais ils devront dire ça devant un tribunal, et cela coûte de l'argent, et le fardeau de la preuve incombe aux Autochtones.

Je les comprends. Il y a quelques années, nous n'avons pas donné aux Autochtones ce qu'ils demandaient. Je croyais que nous avions raison, mais aujourd'hui je comprends que le fardeau de la preuve repose sur eux. Ils doivent consulter un avocat. Ils doivent prouver qu'ils agissent conformément à leurs droits collectifs. Il y a de nombreux problèmes. Voilà pourquoi je me demande maintenant si nous ne devrions pas corriger la situation et dire: «Non, les Autochtones n'auront pas à faire cela, car la loi ne s'applique pas à eux.»

M. Mosley: Avec tout le respect que je vous dois, nous n'affirmons pas qu'ils ont le droit de pêcher ou de chasser en vertu d'une réglementation provinciale ou fédérale, nous parlons de cruauté envers les animaux. Cette loi, tout comme l'ensemble du Code criminel, est une loi d'application générale. Il est inapproprié de laisser entendre qu'on peut accorder aux Autochtones un statut spécial leur permettant de commettre des actes de cruauté envers les animaux si cela est interdit aux autres Canadiens. Cette question ne touche pas les droits de chasse ou de pêche; on s'arrête uniquement à la façon d'exécuter ce droit.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce vrai dans tous les cas?

M. Mosley: Il est question de cruauté ici. Nous ne parlons pas du fait de se rendre à la Baie James ou dans le Nord québécois, où les droits sont clairement établis, et de chasser un animal ou un oiseau dans cette région. Il est clair que le droit de chasser ou de pêcher est bien établi.

Le sénateur Adams: Monsieur le président, ce n'est pas uniquement pour les Autochtones. Nous avons des chasseurs, des trappeurs et des guides pour les gens qui veulent chasser l'ours polaire, le bœuf musqué, l'oie ou le caribou, ou pêcher l'omble. Les Américains aiment la pêche à l'omble. Certains disent que c'est un acte de cruauté envers les animaux. L'adoption de ce projet de loi influera non seulement sur nous, mais aussi sur les gens qui ont des entreprises dans la collectivité.

M. Mosley: À plus forte raison, si vous le permettez, on ne peut étendre un droit de cette nature à des personnes qui sont invitées dans le territoire pour chasser ou pêcher. C'est un point important. Je crois que vous devez essayer de comprendre ce dont vous parlez. Si vous parlez d'une disposition de non-dérogation au sens où vous l'entendez, sénateur Beaudoin, c'est-à-dire de créer une exemption selon laquelle la loi ne s'applique pas, il est clair que cela ne peut être l'intention du Parlement. On ne peut adopter une loi prévoyant que les Autochtones ont le droit d'être cruels. Ce n'est sûrement pas ce que vous souhaitez accomplir.

Le sénateur Baker: Le témoin ne comprend pas ce que le sénateur Beaudoin tente de dire. Laissez-moi l'exprimer clairement. Revenons à l'exemple des méthodes de chasse dans le Nord, soulevé par le sénateur Adams et moi-même. Il s'agit de méthodes de chasse traditionnelles pratiques. Les sénateurs Adams et Beaudoin faisaient allusion à ces méthodes, reconnaissant que, pendant neuf mois de l'année, le phoque coule immédiatement au fond de l'océan si on lui tire une balle dans la tête, de sorte qu'on ne pourra le récupérer.

Nous parlons de méthodes pratiques. Oui, il est plus cruel de le faire selon les méthodes qu'on utilise dans le Nord — l'animal souffrira. L'animal ne souffrira pas si on lui tire une balle dans la tête et on lui écrase le crâne, aucune douleur du tout, mais il coulera au fond de l'océan. Cela priverait des gens de nourriture. C'est de cela que nous parlons. Nous parlons de quelque chose qui tiendrait compte de cela, au lieu de — vous parlez d'une exemption — je suppose, d'une certaine façon, selon le sens qu'on donne au mot «exemption», je n'en ai pas vérifié la définition dernièrement. D'une certaine façon, il pourrait s'agir d'une exemption, il ne s'agirait pas d'une exemption dans son sens le plus strict, c'est-à- dire être exempté du principe général du projet de loi.

M. Mosley: Je répète ce que j'ai dit plus tôt: si le fait de harponner un phoque pour l'empêcher de couler au fond de l'océan est une pratique efficace et tout à fait raisonnable, cette pratique est clairement visée par l'alinéa 182.2(1)a), qui porte sur la douleur sans nécessité. Pendant neuf mois de l'année, dans le Nord canadien, elle est nécessaire.

Sauf le respect que je vous dois, cela s'applique à tout chasseur, qu'il s'agisse d'un Autochtone jouissant de droits autochtones ou d'un non-Autochtone qui chasse le phoque avec une excuse légitime. L'enjeu n'est lié ni à la non- dérogation ni aux droits autochtones. L'enjeu est lié à ce qui est sensé. Les organismes d'exécution de la loi doivent appliquer un certain sens pratique aux méthodes de chasse. S'il est justifié d'utiliser un harpon au lieu d'une arme à feu, cette pratique est protégée par la version actuelle du projet de loi.

Le sénateur Baker: Nous ignorons la formulation de la disposition dont nous parlons, car elle n'a pas encore été arrêtée. Cependant, on pourrait enchâsser dans le projet de loi une disposition qui répond à cette condition. Je ne connais personne d'autre, je ne connais aucun Terre-Neuvien qui tire sur des phoques à travers la glace ou qui harponne des phoques.

Connaissez-vous quelqu'un de Toronto ou d'Ottawa qui fait cela?

Le sénateur Adams: Je connais quelques Terre-Neuviens qui résident au Nunavut et qui jouissent des mêmes droits de chasse que nous.

Le sénateur Baker: Si nous n'apportons pas de précisions, cela nous ramène au problème selon lequel une personne doit se défendre devant un tribunal, en raison d'une disposition du code. C'est notre responsabilité de nous asseoir et de tenter de résoudre ces problèmes. Sans connaître la formulation exacte de la disposition dont nous parlons, il y aurait peut-être moyen de rédiger une disposition tout en tenant compte des demandes du sénateur Adams.

M. Mosley: Nous n'avons aucun libellé à examiner, sénateur. Nous serions heureux d'examiner et de commenter ce que le comité nous soumettra. Et je vous signale, avec le plus grand respect, que c'est à la Couronne qu'il incombe de prouver hors de tout doute raisonnable qu'une infraction a été commise. Si vous parlez de pratiques de chasse qu'on emploie depuis des milliers d'années, j'ai peine à croire qu'un ministère public intenterait des poursuites contre une personne qui fait exactement ce qu'elle a toujours fait et que ses ancêtres ont fait pendant des années. Cela ne se produirait tout simplement pas.

Le sénateur Baker: Monsieur Mosley, il y a raisonnable et raisonnable, lorsque vient le temps de porter des accusations, lorsque vient le temps de poursuivre et lorsque vient le temps de trancher. Il arrive parfois qu'on poursuit une personne pour des choses qu'elle fait depuis des années. Au cours du processus, cette personne est innocentée.

Le président: J'aimerais ajouter quelque chose à cela, monsieur Mosley. Je comprends votre appréhension, croyez- moi. Cependant, la tradition a tendance à être laissée de côté. L'arrêt Ménard est un parfait exemple de cela. La méthode consistant à euthanasier un chien au moyen de réfrigérant est devenue moins cruelle que l'ancienne méthode. Tout à coup, l'ancienne méthode n'était plus bonne. C'est le problème que signale le sénateur Adams.

Le sénateur Adams: Lorsque la glace disparaît, nous utilisons un fusil de chasse, mais nous devons nous assurer de ne pas tuer le phoque sur le coup, et nous devons le harponner afin qu'il ne coule pas. Nous connaissons une foule de moyens de tuer le phoque ou tout autre mammifère afin de nous assurer de ne pas le perdre.

Le président: Merci, sénateur Adams.

Je tiens à remercier nos témoins. Vos commentaires nous ont été très utiles.

La séance est levée.


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