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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 12 - Témoignages du 5 juin 2003


OTTAWA, jeudi 5 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, auquel a été renvoyé le projet de loi S- 12 prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction, se réunit aujourd'hui à 11 h 07 pour étudier le projet de loi.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous entendrons aujourd'hui des fonctionnaires du ministère de la Justice: Mme Katharine MacCormick, première conseillère législative, du Bureau de la première conseillère législative; M. John Mark Keyes, directeur des Orientations et perfectionnements législatifs, du Groupe des services consultatifs et du perfectionnement; et M. Daniel Ricard, premier conseiller législatif adjoint, du Groupe des services de rédaction.

Si j'ai bien compris, Mme MacCormick va nous présenter un exposé de cinq minutes, dans lequel elle va nous faire ses commentaires sur la réaction du ministère de la Justice au projet de loi. Son exposé sera suivi d'une période de questions.

Mme Katharine MacCormick, première conseillère législative, Bureau de la première conseillère législative, ministère de la Justice du Canada: Il y a des limites aux réponses que je pourrai vous donner. Certaines de mes remarques contribueront peut-être à vous expliquer pourquoi.

Un projet de loi d'ordre administratif comme celui-là a beaucoup d'attraits. Cela dit, cependant, il est important de savoir quelles seront les conséquences quand on propose l'abrogation automatique de diverses dispositions. Or, ce ne sera pas aussi facile qu'on pourrait le croire au premier coup d'oeil. Nous avons dressé une liste — qui est en train de vous être distribuée — à partir du Tableau des lois d'intérêt public. Cette liste montre le nombre total de dispositions et de lois qui ont été adoptées — elles figurent dans le tableau des lois —, mais qui n'ont pas été mises en vigueur. Nous n'avons pas encore divisé cette liste chronologiquement.

Après avoir examiné rapidement la situation en février, nous avons établi qu'il y avait deux lois complètes et une soixantaine de dispositions qui ont été adoptées il y a dix ans, mais qui ne sont pas encore en vigueur. Il y a toutefois environ 426 autres dispositions, à l'intérieur de différentes lois, qui ne sont pas encore en vigueur, ce qui va nécessiter une analyse détaillée. Et le travail requis pour examiner chacune de ces dispositions une à une va exiger des consultations avec d'autres ministères. Une fois que nous saurons quelles sont les dispositions en cause, nous devrons déterminer les conséquences de leur abrogation dans l'optique des activités législatives subséquentes.

Je voudrais vous faire part aujourd'hui de quatre sujets de préoccupation. Il y en a peut-être d'autres qui vont s'y ajouter au fur et à mesure de notre analyse.

Ces quatre sujets de préoccupation sont les suivants. Il pourrait arriver que des dispositions adoptées il y a plus de neuf ou dix ans aient été modifiées assez récemment — la semaine dernière, par exemple. Supposons qu'une modification ait été adoptée la semaine dernière pour changer partiellement quelque chose de beaucoup plus ancien, pour corriger une anomalie. Est-ce que le projet de loi devrait vraiment faire disparaître une disposition de ce genre, qui aurait été modifiée tout récemment, plutôt que de permettre qu'elle soit mise en vigueur une fois modifiée? Autrement dit, cette abrogation automatique pourrait faire en sorte que des mesures législatives examinées récemment par le Sénat et la Chambre des communes soient retirées du code des lois. Faudrait-il un mécanisme qui permettrait d'examiner ce genre de chose au cas par cas avant qu'il y ait une abrogation automatique?

Le deuxième sujet de préoccupation se rattache à la mise en vigueur partielle de certaines dispositions. Nous savons que la Loi sur les contraventions, par exemple, est en vigueur dans certaines provinces, mais pas dans d'autres. Il faut des négociations avec les gouvernements provinciaux respectifs avant qu'elle le soit. Le projet de loi entraînerait-il l'abrogation partielle des dispositions de ce genre, qui n'ont pas été mises en vigueur dans certaines provinces ou qui ne l'ont été que partiellement? Devrait-il y avoir, là encore, un mécanisme permettant d'examiner chaque cas pour savoir si l'abrogation est vraiment souhaitable ou pas?

Le troisième sujet de préoccupation se rattache aux traités internationaux. À notre époque de mondialisation croissante, nous avons des traités internationaux qui sont négociés sous réserve de leur ratification, et certains pays doivent parfois adopter des lois particulières à cette fin. Il peut y avoir des mesures législatives en vue de la mise en oeuvre d'un traité international que le Canada a ratifié, mais qui n'est pas encore en vigueur à l'échelle internationale. S'il était nécessaire de mettre en vigueur ces lois d'application afin d'éviter les conséquences de ce genre d'abrogation, le Canada pourrait se retrouver en porte-à-faux par rapport à d'autres pays dans la négociation d'ententes quand il faudrait essayer d'harmoniser la situation entre deux pays ou attendre une mise en oeuvre définitive avant d'engager le Canada dans une direction donnée. Un délai de dix ans n'est pas vraiment exceptionnel quand on parle de la ratification internationale des traités.

Le dernier sujet de préoccupation, c'est que ce projet de loi entraînerait une abrogation automatique des dispositions figurant sur une liste déposée par le ministre de la Justice devant les deux chambres du Parlement. Le projet de loi ne prévoit rien pour la publication d'avis selon les voies normales, comme cela se fait généralement pour l'abrogation des lois, c'est-à-dire dans la Gazette du Canada. Il pourrait donc y avoir un problème d'accès aux lois pour les citoyens de notre pays.

Voilà les quatre grandes considérations que le comité devrait prendre le temps d'examiner, à notre avis. Si vous ne trouvez pas de mécanisme permettant une certaine souplesse, un examen au cas par cas des dispositions visées, vous pourriez avoir des problèmes imprévus.

Le ministère de la Justice a entrepris de dresser la liste des dispositions et des lois qui seraient touchées. C'est un exercice qui prend du temps. Nous devrons ensuite consulter chacun des ministères responsables des différentes lois afin de pouvoir nous faire une bonne idée des répercussions que pourrait avoir le projet de loi sur chacune de ces lois. Je reviendrai avec plaisir vous parler du résultat de ce travail, mais je ne suis pas en mesure de le faire aujourd'hui.

Je me ferai maintenant un plaisir de répondre aux questions des sénateurs.

Le sénateur Beaudoin: J'ai deux questions à vous poser. La première se rattache à la Constitution, et la deuxième, au droit criminel.

En matière de droit criminel, quand un projet de loi réduit une peine, mais que l'exécutif ne met pas cette réduction en vigueur, cela me pose un problème. Il y a aussi un problème au sujet de la Charte parce que, si le secteur législatif réduit la peine elle-même, il faut respecter cela. L'exécutif est responsable devant le législatif, dans notre système parlementaire. En définitive, c'est un vote de confiance. C'est ma première question. Je ne sais pas ce qui a été dit dans l'affaire des pompiers — il y en a un d'entre vous qui en a parlé. J'aimerais en savoir plus long sur cette affaire qui a été portée devant la Chambre des lords.

Ma deuxième question est de nature constitutionnelle. Pendant des siècles, l'exécutif a perdu du pouvoir au profit du législatif. Au départ, le roi était tout-puissant; par la suite, le Parlement est devenu plus puissant. Il y a deux problèmes à cet égard, quand le secteur législatif adopte un projet de loi, mais que l'exécutif ne met pas la loi en vigueur. N'est-il pas naturel, dans notre système démocratique, que le secteur législatif ait le dernier mot? Le secteur exécutif n'est pas élu, après tout; donc, quand le Parlement légifère, c'est la volonté de la population qui est représentée dans ce Parlement. Comment l'exécutif peut-il être en mesure de décider de ne pas mettre quelque chose en vigueur?

Mme MacCormick: Je vais laisser la parole à M. Keyes, qui pourra peut-être vous parler de l'affaire des pompiers que vous avez mentionnée.

Je voudrais seulement faire un commentaire. Je ne suis pas ici pour donner des avis juridiques ou pour fournir une analyse constitutionnelle sur l'application de ces dispositions. Cependant, du strict point de vue de l'interprétation des lois, il y a du bon dans le fait que le Parlement adopte des dispositions législatives dans lesquelles, par leur libellé même, il accorde à l'exécutif le pouvoir de décider du moment où ces dispositions entreront en vigueur. Certaines de ces dispositions sont très détaillées. L'exécutif peut devoir mettre en vigueur la loi au complet ou certaines de ses dispositions. Il faut peut-être aborder la question dans ce contexte quand la chambre examine une loi.

Le sénateur Beaudoin: Qui va arrêter l'exécutif? Comme le dit Montesquieu — je ne connais que l'expression française:

[Français]

«Il faut que le pouvoir arrête le pouvoir.»

[Traduction]

La première constitution adoptée dans le monde selon le principe de Montesquieu était celle des États-Unis.

L'exécutif dit, il me semble: «Nous avons un pouvoir délégué, mais nous ne mettrons pas cette loi en vigueur.» Je conviens qu'il faut laisser une certaine latitude à l'exécutif, mais je ne suis pas d'accord pour que celui-ci puisse décider de ne jamais mettre une loi en vigueur. C'est antidémocratique. Le Parlement est là pour restreindre le pouvoir de l'exécutif.

Le sénateur Cools: Il faudrait bien que quelqu'un le dise à ces gens-là.

Le sénateur Beaudoin: C'est ce que je suis en train de faire.

Le sénateur Cools: Parce qu'ils ne le savent pas.

Le sénateur Beaudoin: Monsieur Keyes, vous avez indiqué que la Chambre des lords avait dû se prononcer sur un cas de ce genre. Qu'a-t-elle décrété?

M. John Mark Keyes, directeur, Orientation et perfectionnement législatif, Groupe des services consultatifs et du perfectionnement, ministère de la Justice du Canada: C'est une affaire qui concernait le syndicat des pompiers en Angleterre. La Chambre des lords a tranché en 1995. Il s'agissait d'une loi qui avait été adoptée par le Parlement britannique afin de mettre en place un régime d'indemnisation pour les personnes blessées lors de la perpétration d'actes criminels. Le ministre responsable de ce régime avait annoncé que le gouvernement n'avait plus les moyens de le mettre en place. Le syndicat des pompiers, dont les membres étaient souvent blessés à cause d'incendies criminels ou d'autres comportements criminels, avait contesté la chose devant les tribunaux.

D'un côté, la Chambre des lords a décidé que l'exécutif n'était pas obligé de mettre la loi en vigueur; de l'autre, elle a blâmé le ministre en affirmant que lui et son gouvernement ne pouvaient pas rejeter complètement la possibilité de mettre la loi en vigueur, qu'ils devaient continuer à se demander périodiquement s'il était approprié de le faire. En ce sens, par suite de l'adoption de cette loi par le Parlement, ils devaient se demander constamment si le moment était propice à la mise en vigueur de la loi. La Chambre des lords reconnaissait que, même si le Parlement avait laissé une assez grande latitude à l'exécutif en lui donnant le pouvoir de fixer la date de mise en oeuvre du régime, il y avait des limites à ce pouvoir discrétionnaire.

Le sénateur Beaudoin: L'exécutif doit donner suite à un moment donné. Il ne peut pas décider de ne jamais mettre une loi en vigueur.

M. Keyes: Exactement. La cour a statué que le gouvernement ne pouvait pas se dédire et déclarer qu'il ne mettrait jamais une loi en vigueur, mais qu'il devait toujours garder cette porte ouverte.

Le sénateur Beaudoin: Il y a des limites. Un délai de cinq à dix ans, c'est raisonnable. En droit criminel, je ne pense pas qu'il devrait y avoir de latitude.

Le sénateur Cools: Pour le compte rendu, pouvez-vous nous dire comment s'appelait cette affaire?

M. Keyes: C'est l'affaire Fire Brigades Union. C'est le nom de la partie qui a intenté cette action — le syndicat des pompiers — en 1995. Et le jugement de la Chambre des lords porte le numéro 7.

Le président: Monsieur Keyes, si les tribunaux imposent cette restriction à l'exécutif, est-ce que cela veut dire à votre avis qu'il pourrait être inconstitutionnel d'annuler tout cela en faisant ce que nous essayons de faire ici?

M. Keyes: Pas du tout. Je ne serais pas prêt à tirer de cette affaire une conclusion de ce genre. Elle nous donne simplement une idée de l'ampleur du pouvoir délégué à l'exécutif pour la mise en oeuvre des dispositions législatives.

Le sénateur Cools: Comment le Parlement a-t-il réagi à cette décision de la cour?

M. Keyes: Je ne sais pas. Je n'ai pas suivi cet aspect de l'affaire.

Le sénateur Cools: Le Parlement pourrait aussi renverser ce jugement s'il le voulait, mais c'est une autre histoire.

Le sénateur Joyal: C'est une question constitutionnelle tout à fait fondamentale à mon avis, parce que cela soulève essentiellement la question suivante: sur quoi repose le pouvoir législatif? Dans le système britannique, il repose sur la doctrine de la suprématie du Parlement, sur le fait que le Parlement est investi de tous les pouvoirs et que, quand certains de ces pouvoirs sont dévolus à la Couronne, au gouvernement exécutif, ils ne sont accordés que partiellement et pour un temps limité. Le système britannique a une approche très cohérente à ce sujet.

Au Canada, nous avons une constitution différente parce que nous avons la Charte. Le gouvernement exécutif est fondamentalement limité par les obligations prévues dans la Charte. Nous avons changé quelque chose de fondamental. Autrement dit, nous avons une démocratie parlementaire, alors que le système britannique prévoit la suprématie du Parlement. Il y a une nuance.

Comme l'a dit le sénateur Beaudoin, les freins et contrepoids, dans notre système, ne sont pas les mêmes que dans le système britannique parce qu'il est encore essentiel que notre chambre donne son consentement à une loi, ce qui n'est plus le cas de la Chambre des lords, comme vous le savez, depuis le début du XXe siècle. Il y a des nuances entre le système britannique et le système canadien, mais la question fondamentale est de savoir qui est investi du pouvoir législatif. Ce sont nos deux chambres, le Sénat et la Chambre des communes.

Quand les deux chambres s'entendent pour dire qu'un élément de ce pouvoir législatif doit être transféré au gouvernement exécutif, c'est toujours à partir de la prémisse selon laquelle le gouvernement exécutif va se servir de ce pouvoir dans le cadre limité de la loi ou du mandat qu'il reçoit pour s'occuper de certaines choses. S'il ne se sert pas de ce pouvoir, il va en un sens à l'encontre de la volonté du Parlement. Et le Parlement devrait dire à l'exécutif: «À un certain moment, si vous n'avez pas appliqué ce pouvoir, nous devons en être avertis et nous devons faire ce qui s'impose.» Cela répond au second critère énoncé dans la décision de la Chambre des lords — comme je ne l'ai pas lue, je le dis sous toute réserve, mais je vais la lire —, à savoir que, quand ce pouvoir est transféré à l'exécutif, ce n'est pas pour toujours. La théorie veut que le gouvernement exécutif détienne ce mandat tant et aussi longtemps que le Parlement ne l'a pas abrogé, et dans la mesure où il s'en sert aux fins prévues. C'est le second critère établi par la Chambre des lords.

La semaine dernière, quand nous avons eu une présentation des sénateurs Banks, Andreychuk, Beaudoin et d'autres, nous étions préoccupés par cet élément fondamental de notre structure constitutionnelle, qui n'est pas bien défini parce que c'est du domaine de la convention. Cela ne se rattache pas à une disposition claire de la Constitution. Cependant, la Chambre des lords a reconnu le caractère limité du transfert du pouvoir législatif accordé au gouvernement pour qu'il puisse décider quand il va se servir du pouvoir qui lui est dévolu et pendant combien de temps il peut ne pas s'en servir, ce qui veut presque dire que, s'il ne s'en sert pas et ne s'en préoccupe pas, il va en fait à l'encontre de la volonté du Parlement.

Voilà essentiellement quelle est la théorie. Je n'ai pas pu retracer d'éléments de doctrine ou d'écrits à ce sujet dans les textes constitutionnels, mais c'est un élément fondamental de ce que je veux dire quand je demande «qui est investi le pouvoir». Aux États-Unis, comme l'a dit le sénateur Beaudoin, c'est «le peuple». La souveraineté a été transférée au peuple des États-Unis. Dans le système d'inspiration britannique, ce pouvoir appartient encore au Parlement. Ce n'est pas «le peuple» qui compte, c'est le Parlement.

Dans notre système, au Canada, dans les limites de la Charte, «le peuple» est protégé par la Charte, mais c'est essentiellement la Charte qui s'impose au Parlement et au gouvernement exécutif.

Ce projet de loi fera l'affaire de tout le monde, comme vous l'avez dit vous-même dans vos remarques préliminaires. Il semble bon; il ne contient rien qui pourrait nous pousser à dire que nous n'en avons plus besoin. Il semble conforme à l'humeur du temps. Cependant, il y a dans ce projet de loi quelque chose de plus profond que nous devons examiner attentivement. Ce n'est pas que je m'y oppose, mais nous devons savoir exactement ce que nous faisons et au nom de quels principes nous le faisons.

Il serait utile que nous obtenions vos commentaires à ce sujet-là et, plus tard, que nous en apprenions davantage sur l'approche qui a été prise dans le projet de loi au sujet des principes constitutionnels en jeu. Autrement dit, quand le Parlement légifère, c'est dans un but précis, et il accorde au gouvernement exécutif un mandat pour une période limitée, surtout quand il y a une disposition selon laquelle l'entrée en vigueur doit avoir lieu dans un délai donné. Quand il y a une limite de temps dans un projet de loi, c'est parce que les législateurs ont quelque chose en tête, parce qu'ils ne veulent pas que les choses restent en suspens indéfiniment. Il y a des contraintes supplémentaires précises quand nous fixons une limite de temps au sujet de ce que nous voulons que le gouvernement fasse, avec des responsabilités précises, que ce soit au niveau international, fédéral, provincial ou tout simplement local.

Monsieur le président, le témoin pourrait peut-être se pencher sur cet aspect-là de la question pour nous, pas parce que nous sommes paresseux, mais parce que nous avons d'autres dossiers à étudier. C'est une question fondamentale à laquelle les membres du comité devraient avoir l'occasion de réfléchir.

Mme MacCormick: Nous serons heureux de nous pencher sur les principes dont vous parlez. Votre suggestion reflète d'ailleurs très bien certaines de nos préoccupations, à savoir qu'il faudrait peut-être un mécanisme permettant un examen disposition par disposition, tout en tenant compte du fait que, globalement, une limite de dix ans semble assez raisonnable. Mais pourquoi faudrait-il faire une exception dans un cas donné? Pourquoi faudrait-il prévoir une exception pour la mise en oeuvre d'un traité international? Peut être que ce serait nécessaire et qu'il faudrait un mécanisme selon lequel le Parlement lui-même pourrait prendre les décisions de ce genre.

Le sénateur Joyal: Le quatrième sujet de préoccupation dont vous avez parlé se rattache à la Gazette du Canada. Le sénateur Banks a accepté cet amendement; il a même proposé l'article 3.1. Il n'y a pas de conflit là-dessus.

Le sénateur Banks a mentionné deux autres amendements qu'il voulait ajouter à celui-là. Il voulait exclure certaines lois partiellement mises en vigueur ou fixer des limites à cet égard — ce qui rejoint votre deuxième point. Je pense qu'il y a moyen de répondre au premier et au troisième points, en particulier au sujet des traités internationaux. Nous avons nous-mêmes soulevé la question ici. Sur les questions fédérales-provinciales, des négociations sont parfois autorisées, et certaines provinces s'alignent sur le fédéral alors que d'autres choisissent de ne pas le faire; c'est donc une possibilité. Donc, je suis sûr qu'il y a moyen de répondre à vos préoccupations.

Dans la mesure où je peux interpréter la volonté du sénateur Banks, il était prêt à accepter certains amendements, à raffiner l'approche du projet de loi pour répondre à vos préoccupations. Sur les quatre points dont vous avez parlé, j'ai l'impression qu'il y a une contradiction fondamentale avec l'objet du projet de loi. Dans la mesure où nous pouvons maintenir l'objet du projet de loi et répondre à vos préoccupations, nous devons faire tous les efforts nécessaires pour y arriver.

Si vous regardez la transcription de la séance de la semaine dernière, vous constaterez que le sénateur Banks a exprimé des vues qui me permettent de croire que nous devrions pouvoir répondre à vos préoccupations.

Le sénateur Nolin: Pouvez-vous nous expliquer de quelle nature est le pouvoir de l'exécutif? Est-ce que c'est une prérogative de l'exécutif ou si c'est un mandat qui lui est confié en vertu de la loi?

Mme MacCormick: D'après moi, c'est un mandat qu'il reçoit en vertu de la loi. La disposition que contiennent certaines lois à cet égard, c'est que les dispositions de cette loi, ou certains de ses articles ou de ses paragraphes, peuvent être mis en vigueur plus tard par décret du conseil.

Le sénateur Nolin: Sous réserve d'un amendement qui garantirait la flexibilité nécessaire — il est évident d'après votre présentation que nous devrions essayer d'inclure dans le projet de loi un mécanisme qui assurerait une certaine flexibilité et qui permettrait d'expliquer pourquoi vous faites ce que vous faites —, trouvez-vous raisonnable que le Parlement pose des questions, après dix ans, sur ce qu'il est advenu du mandat accordé à l'exécutif pour qu'il mette en vigueur les lois adoptées?

Mme MacCormick: Toutes les questions sont raisonnables.

Le sénateur Nolin: «Nous vous avons donné un mandat il y a dix ans, et vous avez décidé dans votre sagesse de ne pas mettre en vigueur une partie ou la totalité d'une mesure législative.» Est-il approprié que le Parlement demande pourquoi ce mandat n'a pas été accompli?

Mme MacCormick: De la même façon que les dispositions relatives à l'entrée en vigueur des lois peuvent être reconsidérées au début, il est tout à fait approprié que les députés et les sénateurs réfléchissent au délai qui pourrait être applicable pour l'exercice de ce pouvoir discrétionnaire. Il est rare qu'il y ait des délais établis, mais je pense qu'il est parfaitement raisonnable de le demander dans ce contexte. Le fait que la question soit maintenant soulevée de façon générique ne change rien, à mon avis. C'est une question raisonnable.

Le sénateur Nolin: De temps en temps, nous posons des questions de ce genre aux ministres et aux personnes chargées d'appliquer la future loi. Le sénateur Beaudoin a cité Montesquieu. Je pense que nous allons devoir remonter au Bill of Rights anglais de 1689, par lequel le Parlement britannique établissait sa suprématie. En ce qui concerne le droit de poser des questions sur ce qu'il est advenu des lois que nous avons décidé d'adopter, il est approprié, après dix ans, d'ouvrir au moins la discussion entre l'exécutif et le Parlement.

Le processus suggéré par le sénateur Banks — la présentation d'une liste d'arguments et de motifs justificatifs — est intéressant. Il permettrait probablement de rafraîchir la mémoire des parlementaires qui, dans leur sagesse, ont décidé dix ans auparavant d'accorder à l'exécutif un pouvoir indéfini pour mettre une loi en vigueur quand il le souhaiterait. Avez-vous des commentaires à faire à ce sujet-là?

Mme MacCormick: Pour m'aider dans mon rôle de fonctionnaire du ministère de la Justice, c'est probablement une bonne chose, en définitive, d'avoir des mécanismes pour faire en sorte que le code des lois soit mis à jour de temps en temps. Mais je n'ai pas eu d'instructions pour parler au nom du gouvernement sur ce point.

Le sénateur Nolin: Je ne vois pas pourquoi le Parlement ne pourrait pas savoir pour quelles raisons certaines lois ne sont pas mises en vigueur; il n'y a pas de secret là-dedans. C'est pourquoi j'ai mentionné le Bill of Rights anglais. Il y a des dispositions fiscales qui ne sont pas en vigueur. Il me paraît tout à fait raisonnable que le Parlement puisse demander pourquoi. «Nous avons le pouvoir d'adopter des impôts depuis 1689. Pourquoi ces dispositions ne sont-elles pas mises en oeuvre?» Je pense que le Parlement a parfaitement le droit de poser ce genre de questions.

Le sénateur Smith: Quand le sénateur Banks était ici, j'ai été très ouvert avec lui. Je lui ai demandé s'il connaissait quelqu'un qui avait subi un préjudice parce qu'il n'existait pas de loi comme celle qu'il propose. Il a répondu que non.

Pour en revenir à l'affaire tranchée par la Chambre des lords, en Grande-Bretagne, c'est une affaire curieuse, intéressante et pertinente. Ce que vous dites, si je ne me trompe pas, c'est que le Parlement britannique avait adopté une loi pour indemniser les pompiers qui étaient blessés par suite d'un acte criminel. C'est bien cela?

M. Keyes: Oui. Il s'agissait d'un régime d'indemnisation général, pas seulement pour les pompiers.

Le sénateur Smith: Mais la loi n'a jamais été mise en vigueur.

Il pourrait donc se produire un scénario comme celui-ci: supposons que le gouvernement en place au moment de l'adoption de la loi serait remplacé huit ans plus tard. Le nouveau gouvernement pourrait être opposé à la loi, pour des raisons idéologiques. Il pourrait donc avoir intérêt à attendre deux ans pour éviter des coûts. Il n'aurait pas à rescinder la loi. Il pourrait simplement laisser le temps passer. Si j'étais un pompier britannique appartenant à la catégorie visée et qu'il ne s'était rien passé après dix ans, je me sentirais lésé de ne pas pouvoir dire à mon député: «Mettez cette loi en vigueur parce que cela résoudrait mon problème. Elle n'a pas à passer devant le Parlement; elle existe déjà.» Voilà qui termine mon long préambule.

Au sujet de la longue liste de cas que nous avons ici... L'adoption d'une loi de ce genre exige une diligence raisonnable. Je voudrais être assuré que personne ne pourrait être lésé parce qu'une solution à son problème s'évaporerait sans débat au Parlement. Avez-vous parcouru cette liste en gardant cette idée à l'esprit?

Mme MacCormick: Il y a actuellement deux lois complètes qui seraient visées par ce projet de loi. La première est la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles, adoptée au début des années 80, et l'autre est la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales, qui a reçu sa sanction en 1991.

Le sénateur Cools: Ce sont des lois complètes?

Mme MacCormick: Ce sont deux lois complètes. Les autres dispositions énumérées sur la liste sont des dispositions individuelles ou des ensembles de dispositions faisant partie d'autres lois. Nous essayons de les énumérer avec précision, en ajoutant quelques renseignements complémentaires. Quelle est exactement la portée des dispositions qui n'ont pas été mises en vigueur, dans le contexte de la loi dont elles font partie? Il y a parfois de multiples amendements apportés à une disposition. Il faut du temps pour mettre tout cela ensemble. Le ministère de la Justice est incapable, à lui tout seul, de déterminer quelles sont les conséquences possibles. Nous devons consulter des gens de tous les autres ministères, qui connaissent les exigences liées aux programmes et qui ont une meilleure idée de la portée des dispositions en question. C'est l'exercice auquel nous nous livrons actuellement.

Le sénateur Smith: Le moment venu, nous aurons de l'information là-dessus?

Mme MacCormick: Oui.

Le sénateur Smith: Si nous ne connaissons pas de cas où des gens ont été lésés parce qu'il n'existe pas de loi de ce genre, mais si nous savons qu'un certain nombre de personnes pourraient l'être si ce projet de loi devait être adopté, je trouverais cela troublant. Ce qui ne veut pas dire qu'il n'y a pas de solution appropriée, mais je n'aime pas que les droits des gens soient restreints sans qu'il y ait un débat au Parlement, ce qui serait le cas. C'est une question théorique à laquelle vous n'avez pas besoin de répondre.

Le président: Pouvez-vous nous expliquer pourquoi la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales, qui remonte à 1991 — il y a 12 ans, donc —, n'a jamais été mise en vigueur?

Mme MacCormick: J'ai bien peur que non, monsieur.

Le sénateur Nolin: Sur la liste que nous avons ici, il y a la Loi sur les paiements versés en remplacement d'impôts, qui entraînerait le versement de sommes d'argent aux municipalités. La liste ne contient pas de détails sur la disposition de la loi qui n'est pas en vigueur, mais il s'agit manifestement d'argent dû aux municipalités. Toujours sur la même liste, on trouve la Loi sur les allocations aux anciens combattants, qui date de 1995. Ce qui m'amène à me demander s'il y a de l'argent là-dedans pour les anciens combattants.

L'exercice que propose le sénateur Banks est un processus annuel selon lequel vous devriez présenter au Parlement, par l'entremise du ministre, la raison pour laquelle les dispositions adoptées depuis un certain temps ne sont toujours pas en vigueur. Il est tout à fait raisonnable que le Parlement soit mis au courant après dix ans.

Le sénateur Buchanan: Premièrement, je souhaite la bienvenue à M. Keyes et à M. Ricard. Mais je tiens particulièrement à souhaiter la bienvenue à Katharine MacCormick, qui vient d'Antigonish, en Nouvelle-Écosse, et qui est diplômée de la faculté de droit de Dalhousie. Quand j'ai été élu une première fois, en 1967, elle n'était probablement qu'un bébé — elle n'était peut-être même pas née. Et pendant les 13 ans où j'ai été premier ministre de la province, elle était adolescente. Donc, j'ai trouvé sa présentation et ses réponses excellentes, et je n'ai pas de questions à lui poser.

Le sénateur Cools: Ce doit être le merveilleux air salin, au bord de la mer. Je dois avouer que j'ai une affection particulière pour la Nouvelle-Écosse. Cela remonte aux échanges commerciaux dans le triangle historique, au commerce de tout ce rhum et de tout ce poisson salé, en particulier avec la Barbade.

Sur la question des écrits fondés sur ceux de M. Montesquieu et sur toute la notion de la séparation des pouvoirs, les Britanniques ont rejeté ce cadre philosophique et conceptuel venant de Montesquieu. Ils ont plutôt opté pour une fusion des pouvoirs, incarnée et personnifiée par le gouvernement responsable et le régime ministériel. La théorie de la séparation des pouvoirs a été rejetée au Canada tout comme elle l'avait été en Angleterre. Les Anglais ont choisi de séparer les fonctions et les personnes qui assument ces fonctions, mais les pouvoirs sont considérés comme étant fusionnés. C'est la première chose.

La deuxième, c'est que le Parlement jouit encore de l'autorité suprême au Canada. Les incursions récentes des tribunaux dans l'arène parlementaire et législative tirent à leur fin, j'espère. Le Parlement demeure l'instance suprême.

Mes questions sont des questions politiques, et je devrais probablement les poser plutôt au ministre, qui pourrait évidemment avoir de l'aide de ses fonctionnaires. Je suis un peu mal à l'aise de poser certaines de ces questions à nos témoins d'aujourd'hui, qui se montrent très coopératifs.

Mais les voici quand même. Au sujet des deux lois que vous venez de mentionner, je me demande si vous pourriez me dire par qui, comment, où et quand la décision de ne pas les mettre en vigueur a été prise?

Mme MacCormick: Vous voulez savoir qui, comment, où et quand. J'ai bien peur de ne pas pouvoir répondre à toutes ces questions.

Elles sont citées dans le livre des lois. Elles relèvent de la responsabilité de divers ministres. Je ne possède pas d'informations à ce sujet et je devrais même ajouter que je ne suis pas en mesure de vous expliquer comment ces décisions ont été prises.

Le sénateur Cools: Comment avez-vous découvert que ces deux projets de loi dans leur totalité ne sont jamais entrés en vigueur? Comment vous y êtes-vous pris? Avez-vous fait une recherche? Est-ce que vous les avez sur votre ordinateur? Ou bien consultez-vous le fonctionnaire chargé de l'entrée en vigueur des lois? Comment êtes-vous parvenus à ces deux projets de loi?

Mme MacCormick: Jusqu'à présent, nous faisons nos recherches dans un recueil qui s'appelle Tableau des lois d'intérêt public. C'est le groupe de révision et d'adaptation de la Direction de la législation du ministère de la Justice qui est chargé de réunir le contenu de ce recueil. En vérifiant les détails, à la fin de chaque loi, on s'aperçoit qu'il y a une liste des dispositions entrées en vigueur, ainsi que la liste de celles qui ne sont pas encore appliquées. À partir de ces informations, nous avons établi une liste électronique que nous avons distribuée à tous ce matin, liste qui fait état des dispositions, loi par loi, qui ne sont pas encore entrées en vigueur.

Le sénateur Cools: Le sénateur Banks n'en a pas parlé, mais il y a un autre aspect, celui des articles et dispositions qui ont expiré ou qui sont périmés. C'est le cas par exemple des «dispositions Arbour» comme les appelait le juge Lamer. Nous nous sommes penchés sur le projet de loi sur les juges et beaucoup d'entre nous s'objectaient fortement à la proposition d'entériner le phénomène de prêt de juges canadiens dans le monde entier. Nous étions contre le principe, mais nous voulions faire une exception pour Mme la juge Arbour. Elle était déjà partie aux Nations Unies et son prêt avait été sanctionné par un décret alors que le projet de loi était encore à l'étude dans notre comité. Le gouvernement avait perdu patience, ne voulant pas prendre un autre décret, et c'est un amendement émanant du Sénat qui a permis d'introduire dans la Loi sur les juges une exception portant le nom de Mme la juge Arbour. Elle est nommée personnellement dans la Loi sur les juges. Cette disposition est maintenant expirée depuis quelque temps. Pourquoi est-elle toujours là? Il me semble que cela montre bien comment agit le gouvernement qui s'adresse au Parlement pour obtenir quelque chose et qui attend le moment propice où il aura décidé de l'application.

Le président: Cette disposition est-elle entrée en vigueur?

Le sénateur Cools: Oui. Le Sénat avait beaucoup à dire à ce sujet.

Le sénateur Nolin: Ce n'était pas dans les dispositions du projet de loi ni dans la Loi sur les juges; c'est dans le préambule du projet de loi que nous avions convenu que certains amendements se rapportaient à Mme la juge Arbour.

Le sénateur Cools: Non. Elle est nommée dans le projet de loi. Regardez les articles 55, 56 et 57 et vous verrez. Je les ai consultés il y a quelques jours.

Le sénateur Nolin: Je me souviens, puisque c'était mon amendement.

Le sénateur Cools: C'est écrit noir sur blanc. Le comité s'était penché sur la question. Le revers de la médaille, c'est que lorsque ces dispositions sont adoptées...

Le sénateur Nolin: Qu'advient-il des articles périmés?

Le sénateur Cools: Je me demande comment...

Le président: Un instant, chère collègue. Plutôt que de débattre entre nous, nous pouvons consulter les témoins qui sont ici aujourd'hui. Si vous avez une question, posez-la aux témoins.

Le sénateur Cools: Comment ces décisions sont-elles prises? D'un autre côté, mon collègue affirme que c'est le Cabinet. À vrai dire, nous avons découvert que la plupart de ces décisions proviennent du ministère et qu'après coup, le ministre les présente au Cabinet. Quel processus suivez-vous dans votre ministère pour prendre ce genre de décisions?

Mme MacCormick: Je crois que vous faites allusion à ce que nous appelons normalement les «dispositions caduques» des lois. Lorsque les dispositions sont adoptées, elles ont une certaine signification. Mais avec le passage du temps, elles ne sont plus utiles.

Il y a un processus prévu par les lois correctives qui permet aux deux Chambres d'éliminer les dispositions de ce type de l'ensemble des lois existantes.

Le sénateur Cools: Monsieur le président, nous pourrions peut-être nous intéresser à ce processus. Ce serait peut-être une autre façon de procéder ou un moyen d'améliorer les intentions du projet de loi. Je pense que l'intention et l'esprit de ce projet de loi sont excellents.

Le président: Je crois comprendre ce que vous voulez dire, mais nous serions tout de même tributaires des fonctionnaires du ministère de la Justice pour obtenir plus de renseignements à cet effet, n'est-ce pas?

Le sénateur Cools: C'est exact.

Mme MacCormick: L'exercice auquel nous nous livrerions à la suite de l'adoption de la proposition contenue dans le projet de loi S-12 ne nous amènerait pas à assembler une liste des dispositions caduques. La liste ne ferait état que des dispositions qui ne seraient jamais entrées en vigueur.

Le sénateur Cools: Je suis sûre que certaines d'entre elles sont caduques, puisqu'elles n'ont peut-être pas été jugées nécessaires après tout.

Le président: Les dispositions caduques ne relèvent plus de cette catégorie. Si nous voulons approfondir cet aspect, nous demanderons à quelqu'un d'autre de venir nous en parler.

Le sénateur Bryden: Vous avez dit qu'il faudrait un peu de temps pour faire la consultation nécessaire afin de préciser l'état de la liste que vous avez fournie. Un peu de temps, c'est combien de temps?

Mme MacCormick: C'est une très bonne question. Comme nous avons procédé loi par loi, nous avons commencé avec les lois concernant le ministère de la Justice, simplement pour noter exactement quelles seraient les dispositions qui seraient touchées au cours de la première année d'entrée en vigueur, par exemple si ce projet de loi entrait en vigueur aujourd'hui. Il a fallu un jour et demi à un avocat pour examiner quatre lois, amendement par amendement, les renvois et les modifications accessoires se rapportant à une loi, mais pas nécessairement à celle qu'on croyait. C'est un travail de précision de créer une telle liste.

Une fois que la liste est assemblée, nous devons consulter les éléments stratégiques des différents ministères concernés pour leur demander pourquoi ces dispositions ne sont pas entrées en vigueur. Les ministères doivent ensuite effectuer une recherche, fouiller dans les vieux dossiers pour vérifier quelle était l'intention initiale, pourquoi la disposition n'est pas entrée en vigueur et si le ministère devrait pour une raison quelconque s'opposer à l'abrogation automatique de cette disposition.

Par conséquent, en travaillant continuellement là-dessus pendant l'été, nous pourrions revenir en septembre ou octobre pour vous dire, article par article, quelles sont les dispositions qui sont là et leur raison d'être.

Le sénateur Bryden: Ce serait les dispositions touchées cette année?

Mme MacCormick: La majorité des dispositions dont nous parlons seraient celles concernées la première année de l'entrée en vigueur.

Le sénateur Bryden: Et le reste suivrait au fur et à mesure?

Mme MacCormick: Oui.

Le sénateur Bryden: Ce n'est pas si mal comme délai.

Il est possible que l'on rencontre le même type de problème que lors de l'élaboration des règlements. J'ai eu le plaisir de siéger au Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation. On avait souvent devant nous une pile de documents. Toutes les deux semaines, pendant deux heures, on s'assoyait devant cette pile de documents dont certains étaient en cours depuis près de 10 ans, afin de tenter d'exposer pourquoi le règlement créé par un ministère avait été décrété invalide par nos conseillers. Je vais prendre l'exemple le plus simple. Le comité affirmait que la loi n'autorisait pas le ministère à prendre le règlement qu'il avait adopté. C'était véritablement un acte ultra vires.

La correspondance entre le comité et le ministère concerné, Pêches, Agriculture, Énergie ou autres, peut prendre très longtemps.

Le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation agit en fonction d'une disposition prise par décret. Il a été question d'en faire une disposition statutaire.

Le comité peut se prévaloir d'une disposition de révocation. Si le comité décide d'en finir, déclarant que le ministère a refusé de coopérer pendant 10 ans, il peut se prévaloir au Parlement d'une disposition de révocation. Le comité présente en vue d'un débat au Parlement un article précisant qu'un règlement particulier doit être révoqué.

L'affaire n'est pas simple. Il faut consulter les divers ministères afin de s'interroger sur l'existence d'une certaine disposition, se demander pourquoi elle n'a pas été mise en œuvre, et vérifier s'il faudrait la garder parce qu'elle serait éventuellement mise en œuvre ultérieurement.

Vous devez tenir compte de tout cela avant de vous engager à le faire d'ici l'automne. Je vous souhaite bonne chance, à moins que les gens acceptent de collaborer plus facilement avec vous.

Monsieur le président, cela vous donne une bonne idée du temps qu'il faudra.

L'utilité de ce projet de loi est peut-être de viser aux mêmes résultats que l'examen de la réglementation dans le cas des règlements, pour le processus habilitant l'exécutif à mettre en vigueur les dispositions d'une loi au cours d'une certaine période, pour différentes raisons. Pour le moment, ces dispositions sont tout simplement oubliées. Si la loi n'est pas utile, personne ne s'en sert.

Le projet de loi que nous examinons donnerait au ministère le pouvoir de se demander si une loi est encore utile. C'est un mécanisme qui permettrait de le faire.

Pourriez-vous fournir à notre comité une liste précisant: «Il n'y a d'après nous aucune raison de ne pas appliquer la limite de 10 ans à ces trois dispositions, mais nous allons attendre dans le cas de cette autre disposition, puisque nous attendons que le Luxembourg adopte la loi.» Est-ce le genre d'information que vous pourriez nous fournir?

Mme MacCormick: C'est ce que nous espérons vous fournir.

Le sénateur Bryden: C'est ce que vous espérez nous fournir. Il arrive parfois que l'on change de direction.

Si l'on suit le processus normal au Parlement, un projet de loi entre en vigueur lorsqu'il reçoit la sanction royale et qu'il est publié dans la Gazette du Canada, n'est-ce pas? Voilà comment cela se passe normalement.

C'est différent lorsqu'une disposition précise qu'un article de la loi entrera en vigueur à une certaine date. Nous n'avons pas besoin d'une telle disposition, sauf en guise de rappel. Il est probable que le Parlement a adopté l'article concerné pour fixer le moment de l'entrée en vigueur. Le Parlement peut également modifier le projet de loi pour éliminer cet article. L'ensemble du projet de loi entrera en vigueur au moment de l'annulation de l'article qui prévoit une date limite précise pour la mise en application.

Une fois par an, il faudrait réviser les lois anciennes de 10 ans ou plus et décider si elles devraient être modifiées de manière à supprimer la compétence exécutive conférée. Étant donné que nous avons délégué ce pouvoir au Parlement, nous pouvons le reprendre. Je ne considère pas que cela diminuerait le pouvoir de l'exécutif comme l'a mentionné le sénateur Beaudoin un peu plus tôt.

À l'époque où le Parlement était le pouvoir suprême, il avait le pouvoir d'accorder et de reprendre. Dans notre système bicaméral, la Chambre des communes et le Sénat remplissent le rôle qu'avait le Parlement autrefois — sauf que le tout est supervisé maintenant par les tribunaux. Cependant, nous ne pouvons pas bloquer une loi provenant de la Chambre des communes. Nous pouvons retarder son adoption de 180 jours deux ou trois fois mais la Chambre des communes finit par imposer sa volonté.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas vrai, nous pouvons rejeter un projet de loi. Nous l'avons déjà fait. J'ai déjà voté le rejet d'un projet de loi.

Le sénateur Beaudoin: Sur le plan législatif, nous avons le même pouvoir que la Chambre, sauf pour modifier la Constitution.

Le sénateur Cools: C'est exact.

Le sénateur Bryden: Entre les deux Chambres, nous avons probablement autant de pouvoirs qu'en avaient la Chambre des communes et la Chambre des lords.

Le sénateur Cools: Non, nous en avons plus. Nous avons plus de pouvoirs.

Le sénateur Joyal: Avant 1911, oui.

Le sénateur Cools: Nous pouvons bel et bien rejeter un projet de loi.

Le sénateur Bryden: Le problème que nous avons maintenant — et j'en suis le premier pénalisé — c'est la Loi constitutionnelle de 1982.

Le sénateur Nolin: Vous voulez savoir le nom?

Le sénateur Bryden: La Cour suprême a désormais le pouvoir de contrôler.

Le sénateur Cools: La Constitution ne lui a jamais donné ce pouvoir. C'est la Cour elle-même qui se l'est attribué.

Le sénateur Bryden: Là où je veux en venir, c'est que si nous élaborons ce projet de loi comme nous le souhaitons, nous implanterons dans notre système un aide-mémoire qui nous rappellera d'examiner les projets de loi qui contiennent une disposition d'entrée en vigueur et qui ont été adoptés depuis 10 ans, afin de vérifier si nous pouvons les conserver indéfiniment. C'est facile à faire si l'on est averti. On pourrait le faire dès demain. C'est une façon de le rappeler à notre attention.

Le sénateur Beaudoin: Je viens d'entendre dire que le Parlement est suprême. Ce n'est pas le Parlement qui a la primauté au Canada. C'est la Constitution qui est suprême au Canada.

Je n'ai pas la Constitution avec moi, mais je la connais presque par cœur.

Le sénateur Bryden: Je suis d'accord avec vous sur ce point.

Le sénateur Beaudoin: C'est soit l'article 50, soit l'article 52 qui précise que la Constitution est la loi suprême du pays.

Le sénateur Cools: Exactement. Mais cela est différent de la suprématie. La suprématie appartient toujours au peuple, c'est-à-dire à la Reine en Son Parlement au Canada.

Le président: Chers collègues, c'est extraordinaire de débattre de toutes ces questions entre nous, mais je ne pense pas que ce soit le bon moment et le bon endroit pour tenir un tel débat, puisque nous sommes en présence des témoins. Le temps des témoins serait mieux utilisé si nous avions des questions précises à leur poser. Je pense que le sénateur Nolin a une question et ensuite nous donnerons la parole au sénateur Joyal.

Le sénateur Nolin: Ce n'est pas une question. C'est une rectification pour le compte rendu. J'ai induit les témoins en erreur.

[Français]

Le sénateur Nolin: Je voudrais corriger une affirmation que j'ai faite. Effectivement, la Loi sur les juges contient l'article 56.1 qui fait référence spécifiquement à Mme la juge Arbour. Cependant, le temps a fait en sorte que cet article est aujourd'hui caduque puisque la juge Arbour n'est plus juge de la Cour d'appel de l'Ontario.

[Traduction]

Le sénateur Cools: Je vous remercie pour cette précision. Le sénateur Bryden avait présenté cet amendement à la Chambre. Je savais exactement où se trouvait cet amendement, c'est-à-dire dans les articles de la Loi sur les juges qui interdisent essentiellement aux juges de se livrer à une activité autre que judiciaire. C'était une exception à cet article précis qui s'appliquait particulièrement et expressément à la juge Arbour.

Voilà ce que je voulais dire. Il faut souligner que le sénateur Banks nous a rendu un grand service et nous incite à réfléchir et à nous intéresser à beaucoup de questions auxquelles nous n'avions pas pensé auparavant.

J'aimerais soulever un autre point qui me paraît pertinent pour les témoins. Le Parlement adopte les projets de loi qui deviennent ensuite des lois, mais il ne dispose pas de mécanisme pour tenir compte des différentes étapes, ni même pour suivre l'évolution du processus. À mesure que se sont développées les institutions où s'exerce le pouvoir, le gouvernement a grandi au petit bonheur, se dotant de budgets de plusieurs milliers de dollars et d'effectifs fort nombreux. Ce ne fut pas le cas du Parlement. Un des résultats positifs du dialogue que nous avons actuellement sera peut-être l'élaboration d'un mécanisme, au sein de notre système, permettant de suivre l'évolution de ces dispositions ou de dispositions analogues dans différentes lois et de commencer à constituer une sorte de banque d'information qui nous permettrait d'être moins tributaires des autres. Le problème de notre Parlement, plus que toute autre institution du genre dans le monde, c'est qu'il est terriblement tributaire du gouvernement.

Le sénateur Joyal: J'aimerais pour commencer dire au sénateur Bryden qui a le mérite de siéger au Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation, que c'est là ce que le Sénat fait le mieux. Ma remarque ne se veut absolument pas critique envers l'autre endroit, mais c'est certainement un exercice démocratique qui est très important pour nous tous parlementaires.

Ma question reprend le point soulevé par le sénateur Bryden qui concerne le traitement que notre comité a réservé aux lois correctives par le passé. Je pense que le sénateur Beaudoin et le sénateur Nolin ont participé au dernier exercice que nous avons fait et je crois que l'attaché de recherche présent aujourd'hui y avait également participé. Nous avons reçu un rapport concernant diverses lois et une recommandation de les invalider, de les éliminer de notre recueil des lois. Chaque loi fait l'objet d'une détermination. Nous n'avons aucune objection à éliminer ou supprimer automatiquement certaines d'entre elles. En revanche, nous nous objectons à l'annulation de certaines autres. Pour d'autres encore, nous demandons à l'administration de nous fournir des informations supplémentaires avant de consentir à leur suppression.

Je me souviens très bien d'avoir eu en main d'énormes piles de documents d'analyse. Par conséquent, lorsque nous prenons position sur un rapport, nous savons exactement ce que nous faisons, parce qu'on nous a fourni les raisons et que nous pouvons nous-mêmes décider si ces raisons nous paraissent valables. C'est un exercice courant. Je me souviens très bien d'avoir levé la main au sujet de deux textes de loi pour lesquels je souhaitais obtenir des informations supplémentaires.

Le processus me paraît satisfaisant, puisque nous savons ce que nous faisons. Ce n'est pas automatique. J'ai soulevé cette question la semaine dernière — l'article 2 est une clause de péremption automatique. Je ne sais pas exactement comme ça se dit en anglais.

[Français]

Le seul fait du passage du temps fait qu'automatiquement la disposition devient caduque ou inopérante. C'est là où le point soulevé par le sénateur Bryden est important. Si nous pouvons, dans le cadre de l'article 2, prévoir un mécanisme de la même manière.

[Traduction]

Les lois correctives expliquent pourquoi c'est utile ou non, pourquoi un article de telle ou telle loi traite de notions de caractère international ou interprovincial, mais nous permettent de donner notre accord.

[Français]

C'est l'aspect automatique qui préoccupe le sénateur Smith.

[Traduction]

Il y a d'autres aspects qui préoccupent le sénateur Smith et le sénateur Bryden, notamment le fait que nous intervenons parfois en connaissance de cause, mais parfois sans avoir les informations nécessaires.

C'est pourquoi, je pense que l'objectif du projet de loi est valable, mais nous devons nous assurer que l'approche que nous adoptons pour la mise en œuvre de l'objectif de la loi tienne compte des aspects que vous avez soulevés dans les trois premiers points de vos remarques préliminaires. Nous avons réglé le cas du quatrième. Je crois que l'auteur du projet de loi a accepté de s'en charger.

Nous devrions peut-être, pour notre prochaine réunion, demander à nos recherchistes de nous présenter l'approche que nous devrions suivre pour les lois correctives afin de pouvoir définir cette approche dans le projet de loi et de répondre ainsi aux préoccupations soulevées par le sénateur Smith et le sénateur Bryden. Ce serait utile pour nous afin de nous aider à passer à la prochaine étape de nos discussions.

Le sénateur Nolin: Pour ce qui est des lois correctives, j'aimerais rappeler, si vous le permettez, que notre comité a adopté certaines règles concernant les projets de loi de nettoyage. Ces projets de loi ne traitent de rien de significatif. Cependant, il est question maintenant de droits fondamentaux. Je crois que le gouvernement a toutes sortes de bonnes raisons d'appliquer dans certains cas une stratégie consistant à ne pas mettre certaines lois en vigueur. Je comprends votre argument. Nous pouvons demander au ministère de la Justice de fournir au comité des explications relativement à la non-application de certains articles.

Le sénateur Joyal: L'article 2 se lit comme suit:

Le ministre de la Justice fait déposer devant chaque chambre du Parlement, dans les cinq premiers jours de séance de celle-ci au cours de chaque année civile, un rapport énumérant les lois fédérales — ou les dispositions de ces lois — devant entrer en vigueur à une date fixée par proclamation ou décret [...]

Les mots importants sont «un rapport énumérant les lois [...]» Une liste semblable à celle que vous avez fournie aujourd'hui ne me permettrait pas de savoir ce que je sais en tant que législateur. C'est très clair d'après toutes les questions qui vous ont été posées à vous et vos collègues, madame MacCormick, au sujet de la non-proclamation de lois telles que la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles ou la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales. Avant d'abolir ces deux lois, j'aimerais en connaître la portée et savoir pourquoi les différents ministres titulaires n'ont pas, au cours des 10 dernières années, promulgué la Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales. C'est une question importante au Canada. Nous savons tous que les langues patrimoniales constituent une question de nature délicate pour les peuples autochtones au Canada. Je n'aimerais pas qu'une loi comme celle-là soit automatiquement abrogée tout simplement au bout de 10 ans.

Le rapport devra contenir toute une liste de raisons — il y aura par exemple un amendement. Le rapport doit être détaillé et contenir des remarques expliquant pourquoi certains projets de loi, articles ou dispositions n'ont pas été promulgués. Nous pourrions ainsi nous appuyer sur le rapport pour donner une réponse favorable ou défavorable. Le libellé de l'article 2 pose problème.

[Français]

C'est une clause de péremption automatique.

[Traduction]

C'est automatique. Au bout de dix ans, crac. Le sénateur Beaudoin s'inquiète au sujet du Code criminel et je crois que c'est une préoccupation tout à fait justifiée. Il faut donc prévoir un processus obligatoire qui nous fournirait les informations dont nous avons besoin. Vous avez un vaste recueil de lois et vous savez quels sont les ministres responsables de ces projets de loi. Au fil des années, ils peuvent certainement fournir des explications qui nous permettront de décider ce qu'il faut faire. De cette manière, l'approche sera beaucoup plus satisfaisante. L'objectif de nettoyer la loi est atteint, mais nous le faisons de manière éclairée et respectueuse pour l'objectif qui nous permet de prendre une décision nous-mêmes.

Le président: Sénateur Joyal, votre remarque est très pertinente. Il y a plusieurs façons différentes d'aborder ce problème. Une d'entre elles consiste à première vue à intégrer une date de fin de validité dans la loi. On pourrait parler aussi de date de péremption, ou, comme on dit au supermarché «à utiliser avant le [...]». Nous pouvons et nous devrions explorer toutes ces avenues. Il est également important, dans les commentaires que vous avez faits, que les experts du ministère de la Justice chargés des lois correctives viennent nous donner des informations et nous expliquer où tout cela va nous mener.

Le sénateur Bryden: J'ai une question supplémentaire. Il pourra arriver, comme dans le cas de l'autre processus que nous appliquons, que nous soyons confrontés à des textes de loi totalement oubliés et sans pertinence aucune. Des gens comme vous conviendraient que ces lois ne sont plus pertinentes. Dans d'autres cas, vous devrez, vous ou d'autres représentants du ministère, nous donner de bonnes raisons de conserver certains textes de loi.

Entre ces deux pôles, il y aura peut-être aussi des cas où vous demanderez ou bien nous demanderons au ministère de la Justice d'expliquer pourquoi la limite de 10 ans ne devrait pas s'appliquer à tel ou tel article et, faute d'explications, la limite s'appliquera. C'est une façon de faire avancer les choses. Cette approche permet de savoir exactement quand cela devrait fonctionner et quand l'application devrait être repoussée.

Il y a aussi le cas où une administration nouvelle ou différente chercherait à ne pas soulever la question au Parlement, préférant laisser la loi tomber dans l'oubli pour ne pas avoir à débourser certaines sommes ou pour d'autres raisons. Dans ce cas, les représentants du gouvernement devraient tout au moins se présenter devant nous et nous expliquer leurs intentions.

Le sénateur Nolin: Ce ne serait vraiment pas une loi «d'intérêt national».

Le sénateur Bryden: Est-ce que cela vous paraît raisonnable?

Le sénateur Joyal: Cela répondrait à la préoccupation que vous avez exprimée dans vos trois premiers points, et à l'objectif du projet de loi que propose le sénateur Banks et répondrait également au souci que nous partageons tous autour de cette table de trouver un mécanisme qui réponde à votre préoccupation et satisfasse l'objectif général du projet de loi.

Mme MacCormick: La logique des catégories fonctionne. J'ai de la difficulté à comprendre personnellement les critères qui s'appliqueraient pour permettre de protéger automatiquement certains textes de loi de la guillotine, si l'on peut dire. Vous avez parlé des cas qui devraient être éliminés automatiquement parce qu'ils ne peuvent être justifiés; je ne comprends pas exactement quels seraient les critères qui justifieraient une exemption automatique. Je pense que l'on peut trouver des justifications pour certains cas particuliers, selon les dispositions, mais cela signifie qu'il n'y a pas de moyen terme.

Le sénateur Joyal: Nous essayons tout simplement de trouver un mode de classification afin de placer les différentes lois et dispositions dans des catégories et de trouver une façon cohérente et systématique de le faire, afin que quiconque — ce pourrait être d'autres sénateurs — se penche sur la question comprendrait immédiatement de quoi il en retourne, comme nous le faisons avec les lois correctives. C'est très facile de comprendre l'approche que nous avons adoptée. Vous n'avez peut-être pas pris part à ces discussions, mais je pense que nous pourrions revenir la prochaine fois sur la marche à suivre afin de nous assurer que c'est un bon modèle que nous pourrions utiliser.

Le sénateur Beaudoin: La prochaine fois, nous devrions revenir sur un point que nous devons régler, à savoir que l'exécutif ne doit pas disposer d'une latitude éternelle. Cela va à l'encontre du principe essentiel de notre régime parlementaire. Comme je l'ai dit au début, le pouvoir devrait quelque part imposer une limite au pouvoir. L'exécutif ne dispose pas d'un pouvoir total. C'est bon que l'exécutif soit important et solide, mais la latitude de l'exécutif, qu'il s'agisse d'un pouvoir délégué ou non, n'est pas infinie. Il faut faire quelque chose et s'il n'existe aucune jurisprudence en la matière, le moment est peut-être venu de créer notre propre précédent.

Nous représentons le pouvoir législatif; et je pense que nous avons la possibilité de moderniser notre Constitution dans ce domaine, afin d'imposer des limites au pouvoir d'action de l'exécutif et du législatif.

Le sénateur Joyal: Nous devrions peut-être alors nous demander s'il serait approprié d'ajouter une disposition de déclaration d'objet au projet de loi, en fonction de l'étude que nous allons faire de la cause du syndicat des pompiers afin de vérifier s'il existe un principe fondamental à notre régime de gouvernement, tel que reconnu dans le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867. Nous allons en principe avoir un régime analogue à celui de la Grande-Bretagne. Le préambule de la Loi constitutionnelle de 1867 reconnaît les principes constitutionnels. Je devrais lire le jugement concernant le syndicat des pompiers, tout en gardant à l'esprit le contexte canadien, comme vous l'avez dit, afin de définir ce que nous pourrions ou devrions faire si nous en concluons que nous devons l'inscrire quelque part dans le projet de loi.

Le sénateur Beaudoin: Je suis certain qu'il nous faudra rédiger un article à ce sujet.

Le président: Merci à tous les sénateurs et témoins. Merci d'être venus ce matin. Nous aurons d'autres audiences et nous accueillerons d'autres fonctionnaires du ministère. Nous pourrons en effet faire encore appel à l'un ou l'autre d'entre vous. Merci d'avoir pris le temps de venir ce matin pour donner votre point de vue.

La séance est levée.


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