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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 12 - Témoignages du 11 juin 2003


OTTAWA, le mercredi 11 juin 2003

[Traduction]

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles s'est réuni ce jour à 15 h 59 pour discuter de la proposition que le Sénat agrée l'amendement apporté par la Chambre des communes à son amendement 4 au projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux); que le Sénat n'insiste pas sur ces amendements 2 et 3 auxquels la Chambre des communes n'a pas acquiescé, et que le message de la Chambre des communes concernant le projet de loi C-10B, Loi modifiant le Code criminel (cruauté envers les animaux), soit maintenant renvoyé au Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

Le président: Chers collègues, l'ordre de renvoi dont nous sommes saisis aujourd'hui nous oblige à examiner le message qu'a envoyé la Chambre des communes au Sénat sur le projet de loi C-10B. L'ordre de renvoi dont nous avons été saisis hier nous oblige à nous pencher sur la motion de le sénateur Carstairs. Pour plus de clarté, nous avons décidé de traiter de ces deux questions aujourd'hui. Je suis désolé que vous ayez reçu ces documents si tard, mais je n'y pouvais rien.

Le sénateur Stratton: Je serai bref. Étant donné l'heure tardive à laquelle cette séance commence, nous sommes trois ici présents. D'autres sont déjà partis pour remplir d'autres engagements importants. Deux d'entre nous devront partir à 18 h 15 pour d'autres réunions de comités. Par conséquent, si nous avons bien progressé, je demande que la séance soit levée à cette heure-là, si possible.

Le président: Je crois que cela ne posera aucun problème.

Chers collègues, comme vous le savez, le Règlement nous permet de discuter de notre ébauche de rapport à huis clos, si nous le jugeons nécessaire. Toutefois, à moins que vous ne soyez d'avis contraire, j'estime que nos discussions de nature générale devraient être publiques.

Je vous décrirai brièvement comment nous procéderons aujourd'hui. Les amendements 1 et 5 ont été adoptés et nous n'avons donc plus à en traiter. Il s'agissait de changement à la définition de «animal» et un petit changement de forme qui devait être apporté à la version française.

Les amendements 2 et 3 concernant la mort inutile d'un animal et les pratiques autochtones, respectivement, ont été rejetés.

L'amendement 4 sur la défense d'apparence de droit a été modifié par la Chambre des communes.

En vertu de la procédure et de la pratique parlementaire, pour chacun de nos amendements, nous avons trois options. Nous pouvons accepter la proposition faite par la Chambre, nous pouvons la rejeter et insister pour que notre amendement original soit adopté ou nous pouvons proposer un autre libellé pour régler les problèmes qui ont été soulevés. Cette dernière option permettrait bien sûr d'en arriver à un compromis qui, nous l'espérons, serait accepté par la Chambre des communes.

Étant donné que nous devons faire rapport au Sénat au plus tard demain, je suggère que nous passions sans tarder aux questions de fond. Je suggère aussi que nous abordions chaque amendement séparément, en commençant par celui qui m'apparaît le plus facile à régler, l'amendement sur l'apparence de droit. Nous passerons ensuite aux deux autres, la mort inutile d'un animal et les pratiques autochtones.

Je suggère aussi, étant donné que plusieurs sénateurs veulent prendre la parole, que nous limitions nos remarques à cinq ou dix minutes, dans un premier temps. Ainsi, chacun aura la chance de s'exprimer. Nous connaissons toutes les questions en jeu, nous les avons débattues longuement, et nous sommes ici pas tant pour traiter du fond de ces questions, mais bien pour discuter de la réponse que nous avons reçue de l'autre endroit.

J'espérais que le sénateur Jaffer serait là pour diriger la discussion sur chacun de ces amendements et nous expliquer les raisons des changements que le gouvernement a apportés et celle pour laquelle il en a rejeté d'autres. Malheureusement, en raison d'un autre engagement, elle sera en retard. Je propose donc que nous commencions par l'amendement sur l'apparence de droit.

Permettez-moi, honorables sénateurs, de vous rafraîchir la mémoire parce que cette infraction était retirée de la section du Code criminel portant sur les crimes contre les biens, nous avions proposé à l'origine de déplacer aussi la disposition sur l'apparence de droit pour nous assurer que ce moyen de défense puisse être invoqué. Vous vous souvenez sans doute que c'était une question importante pour nos caucus ruraux. Ils tenaient à ce que cette disposition soit déplacée pour plus de certitude quant à son applicabilité. Le ministère de la Justice nous avait dit qu'il s'appliquerait aux termes du paragraphe 8(3). Toutefois, d'autres témoins experts nous ont mis en garde contre la confusion qui pourrait résulter si cette disposition n'était pas aussi retirée de la section sur les crimes contre les biens.

Pour éviter toute confusion, notre comité a recommandé ce qui suit:

182.5 Nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction prévue par la présente partie s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale ou avec apparence de droit.

La Chambre des communes nous a renvoyé notre amendement avec la modification suivante:

182.5 Il est entendu que les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) s'appliquent, dans la mesure où ils sont pertinents, aux procédures relatives à une infraction à la présente partie.

Le sénateur Baker: Je n'ai pas examiné cela, je n'y ai pas non plus réfléchi encore, mais pourquoi est-il nécessaire d'ajouter les mots «dans la mesure où ils sont pertinents»? Cela pose un problème, car le mot «pertinent» peut avoir bien des sens. Vous vous souvenez sans doute que Clayton Ruby avait fait valoir devant notre comité que la défense d'apparence de droit n'était pas pertinente en l'occurrence car les animaux ne constituent pas un bien.

En ajoutant les mots «dans la mesure où ils sont pertinents», le ministère de la Justice veut peut-être nous limiter aux seuls moyens de défense pertinents aux dispositions de cette loi-ci parce qu'il y en a d'autres dans le paragraphe 429(2). Toutefois, le libellé qu'on nous a suggéré dit bien que les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) s'appliqueront, pour plus de certitude.

Quelqu'un sait-il pourquoi on a jugé bon d'ajouter «dans la mesure où ils sont pertinents»? Le reste de cette disposition stipule seulement que les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) s'appliqueront. Il me semble qu'il est évident que si ces moyens de défense ne sont pas pertinents, ils ne s'appliqueront pas.

Monsieur le président, est-ce que quelqu'un pourrait m'expliquer pourquoi on a ajouté «dans la mesure où ils sont pertinents»?

Le sénateur Beaudoin: Pour ma part, je continue de préférer les cinq amendements. Cela dit, je suis prêt à discuter de tout amendement, y compris de la question des Autochtones dont nous serons saisis sous peu. C'est le président et le comité qui devront déterminer si c'est pertinent au 5e amendement.

Cela dit, je crois que nos cinq amendements sont bons. La Chambre des communes a été fortement influencée par le ministère de la Justice, ce qui répond à votre question. Ainsi, quand nous avons insisté pour obtenir une garantie relativement à la défense d'apparence de droit, le ministère de la Justice a toujours dit: «Oui, mais dans la mesure où c'est pertinent.» Nous en avons débattu et nous ne sommes pas de cet avis. Nous avons dit que nous voulions un amendement sur la défense d'apparence de droit tel que nous l'avions exprimé. Je ne vois pas pourquoi nous devrions accepter qu'on modifie à ce que nous avons proposé en matière d'apparence de droit. Cette décision jouit d'un appui solide au sein de notre comité. Vous vous souvenez sans doute que M. Mosley a déclaré sans équivoque «seulement dans la mesure où cette défense est pertinente». Toutefois, nous n'étions pas d'accord.

Je reste convaincu que la défense d'apparence de droit est une bonne chose et je ne vois pas pourquoi nous devrions revenir sur notre position à ce sujet.

Le président: En réponse à votre question, sénateur Baker, lorsqu'on a posé cette question à M. Mosley, il a répondu que le ministère de la Justice suggérerait l'ajout des mots, en français, «dans la mesure où ils sont pertinents» et, en anglais, «to the extent that they are relevant» afin qu'il soit bien clair que tous les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) ne s'appliqueraient pas dans le contexte des dispositions sur la cruauté envers les animaux.

Le sénateur Baker: Je le comprends. Je comprends que l'on veuille ajouter les mots «dans la mesure où ils sont pertinents» parce que le paragraphe 429(2) comprend d'autres moyens de défense. Toutefois, l'inclusion de termes de ce genre dans une loi peut donner lieu à toutes sortes d'interprétation.

C'est précisément l'argument qu'a fait valoir Clayton Ruby, que ce ne devrait pas être jugé pertinent parce que, selon lui, les animaux ne sont pas un bien. C'était là son argument intégral. J'en suis certain, je l'ai écouté très attentivement.

Je ne crois pas, monsieur le président, qu'on puisse ajouter une phrase comme «dans la mesure où ils sont pertinents» sans que cela porte à conséquence. Je ne connais aucun article où cela figure. Faites une recherche dans Quicklaw ou dans Westlaw et vous verrez le résultat. Je vous parie que cette expression ne figure nulle part ailleurs. Il me répugne de le dire, mais j'ai l'impression que c'est une astuce.

Le président: Sénateur Baker, si vous estimez que l'expression «dans la mesure où ils sont pertinents» n'a aucune pertinence dans une section autre que celle des crimes contre les biens, il pourrait s'agir en effet d'une astuce. Toutefois, l'explication de M. Mosley est tout à fait logique.

Le sénateur Baker: Si c'est vraiment pour cette raison qu'on veut ajouter cette précision, monsieur le président, il faudrait formuler cela autrement et ne pas simplement ajouter «dans la mesure où ils sont pertinents». C'est une très mauvaise formulation qui pourrait donner lieu à de fausses interprétations.

Le président: La question de prévoir dans une disposition distincte la défense d'apparence de droit a été soulevée surtout par le caucus rural et nous comprenons pourquoi. Notre amendement a été présenté à la Chambre des communes qui a eu tout le temps voulu pour l'examiner. Elle semble convenir avec le ministère de la Justice que notre évaluation n'est pas tout à fait juste et que c'est celle du ministère de la Justice qui convient.

Le sénateur Baker: Monsieur le président, il y a un autre problème: les mots que notre comité a suggérés sont ceux qui figurent dans la Loi sur les pêches relativement à la protection prévue par les règlements sur les mammifères marins. Je ne vois pas pourquoi le ministère s'opposerait à ce que les mêmes moyens de défense s'appliquent que dans le cas de phoques tués inutilement, qui sont stipulés dans la Loi sur les pêches. C'est là. La formulation est identique.

En quoi cela pose-t-il un problème? Cela n'en pose aucun, monsieur le président, car cela répond aux exigences de la Loi sur les pêches et, ainsi, on ne pourra pas intenter de poursuites aux termes du Code criminel plutôt qu'aux termes de la Loi sur les pêches parce que les moyens de défense prévus au Code criminel diffèrent de ceux prévus par les règlements sur les mammifères marins.

Ces nuances relativement au paragraphe 429(2) donneront lieu à toutes sortes d'interprétation, ce qui, à mon avis, est dangereux. Si ces moyens de défense existent, il est évident qu'ils ne s'appliquent qu'en fonction des faits de la cause. Blesser un phoque dans le cadre de ses activités professionnelles de chasse, c'est toute autre chose que de blesser un animal de compagnie. Le moyen de défense qui s'appliquera dépendra des circonstances de l'affaire.

Je ne suis toujours pas d'accord avec M. Mosley. Je comprends son argument, mais il ne fait qu'ajouter à la confusion. «Dans la mesure où ils sont pertinents» est un argument qu'on pourra faire valoir contre celui qui voudra invoquer la défense d'apparence de droit en vertu de cette loi.

Le sénateur Beaudoin: Devrions-nous insister?

Le sénateur Baker: Je crois que oui. Je ne vois pas pourquoi nous ne devrions pas insister pour qu'on conserve le libellé que nous avons suggéré, à moins que la Chambre accepte de supprimer les mots «dans la mesure où ils sont pertinents».

Le sénateur Smith: Monsieur le président, je crois savoir que le sénateur Jaffer, qui sera retardée, comptait demander au Sénat de ne pas insister sur cet amendement-ci. Je suis prêt à présenter cette motion à sa place si c'est nécessaire aux fins du compte rendu.

Le président: Nous n'insisterons pas pour que ce changement soit apporté ou n'insisterons pas pour que notre amendement original soit adopté?

Le sénateur Smith: Nous n'insisterons pas sur notre amendement original, qui a été re-formulé. C'est l'article 2, à la deuxième page.

Je ne me ferai pas le porte-parole du ministère de la Justice, mais je crois qu'on préfère cette approche parce qu'on a inclus une mention précise disant: «Il est entendu que les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) s'appliquent dans la mesure où ils sont pertinents.» On évite ainsi le renversement du fardeau de la preuve qui dépend toujours des faits.

M. Mosley a fait valoir un autre point très important du point de vue de la jurisprudence, à savoir qu'il y a toutes sortes de situations où on peut invoquer l'apparence de droit comme moyen de défense. Puis, du jour au lendemain, on se retrouve avec une loi où on en fait une mention précise; cela signifie-t-il que ce moyen de défense ne s'applique pas s'il n'est pas prévu explicitement par la loi? Il nous en a touché quelques mots et il nous a dit que c'était l'une de ses préoccupations. Quoi qu'il en soit, nous pourrions en discuter longtemps, mais c'est là mon interprétation des propos des représentants du ministère. Les membres du comité de la Chambre des communes sont manifestement d'accord avec eux.

Le sénateur Pearson: Notre amendement me plaisait bien. Toutefois, je me demande si je ne pourrais pas accepter ce que la Chambre propose. Il me semble que la défense d'apparence de droit était liée aux biens, n'est-ce pas? Les biens relèvent de la compétence provinciale, et non pas du Parlement du Canada, et les animaux sont un bien.

Le sénateur Beaudoin: Nous avons insisté pour maintenir notre amendement après notre discussion.

Le sénateur Pearson: Je me demande si on ne pourrait pas accepter ce qui nous est suggéré, car je ne crois pas que cela serait très préjudiciable. Nous savons que les animaux sont des biens de même que des animaux, mais pas toujours — ils ne le sont pas quand ils sont sauvages. Je ne dis pas que je suis nécessairement d'accord, je me demande simplement si je ne pourrais pas accepter cette suggestion.

Le président: Avant de céder la parole au sénateur Andreychuk, j'aimerais revenir brièvement à ce qu'a dit le sénateur Smith. Si je ne m'abuse, sénateur Smith, le paragraphe 429(2) est entré en vigueur avant l'avènement de la Charte et la jurisprudence stipule qu'il n'entraîne pas une inversion du fardeau de la preuve. Le ministère de la Justice a jugé que notre amendement entraînerait une inversion de la charge de la preuve s'il ne renvoie pas au paragraphe 429(2).

Le sénateur Smith: C'est aussi ce que je crois.

Le président: Ce serait utile, si les fonctionnaires nous disent vrai.

Le sénateur Baker: Vous dites qu'il serait utile qu'il n'y ait pas d'inversion de la charge de la preuve?

Le président: Normalement, on préfère que le fardeau de la preuve ne soit pas inversé.

Le sénateur Baker: Il y en a des centaines d'exemples dans le Code criminel.

Le président: Certes, mais pour des motifs bien précis. Si les fonctionnaires du ministère de la Justice sont d'avis que, en ne renvoyant pas au paragraphe 429(2), nous provoquons une inversion du fardeau de la preuve, est-ce bien cela que nous voulons? Voilà la question.

Le sénateur Baker: Cela nous ramène à ce qu'a dit le sénateur Pearson il y a un moment. La définition de l'apparence de droit, ainsi que nous en avons discuté en comité, s'applique parfois aux lois, comme l'a indiqué Mme la juge Cameron de la Cour d'appel de Terre-Neuve dans l'affaire R c. Ward. Autrement dit, celui qui croit en toute bonne foi à la véracité de certains faits peut être innocenté.

L'apparence de droit peut être définie de différentes façons, mais il n'en reste pas moins que, si quelqu'un dans le Grand Nord a une méthode particulière de faire les choses, de tuer les animaux, ce moyen de défense pourrait être invoqué. Certains estiment que non, mais je crois plutôt le contraire.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais soulever deux ou trois questions liées à la procédure. Allons-nous déterminer si tous nos amendements sont acceptables pour ensuite en arriver à une décision, ou allons-nous procéder au coup par coup? Cette façon de faire me semble difficile.

Je vous dis ça en partie en tenant compte de ce qui s'est passé au Sénat car nous avons renvoyé ces amendements parce que nous les jugions absolument nécessaires. Nous n'avons pas modifié le projet de loi à la légère. Nous aurions pu inclure bien d'autres amendements sur lesquels nous n'avons pas jugé bon d'insister. Nous avons choisi ce qui nous est apparu comme la meilleure solution d'après les témoignages que nous avons entendus.

La Chambre n'est pas d'accord avec nous ni, semble-t-il, le gouvernement. Nous pourrons lire le procès-verbal des débats de la Chambre pour voir dans quelle mesure la question a été étudiée de nouveau, et j'espère que le sénateur Jaffer pourra nous expliquer pourquoi le gouvernement a agi ainsi.

J'aimerais que nous réfléchissions aux raisons qui nous ont poussés à apporter les premiers amendements, et que nous écoutions ensuite le point de vue des autres pour voir si nous avons modifié notre position. Nous pourrions modifier nos amendements de différentes façons ou nous pourrions nous plier à la volonté de la Chambre des communes. Ni l'une ni l'autre de ces solutions ne me plaît. Je préférerais revoir ces amendements pour déterminer s'ils étaient absolument nécessaires.

Le président: J'abonde dans le même sens que vous, sénateur Andreychuk. Toutefois, nous ne pouvons faire cela en vase clos. Nous devons tenir compte des remarques de l'autre endroit sur les amendements que nous avons proposés. Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de tout refaire depuis le début. Nous sommes tous d'accord pour dire que nous avons eu raison de présenter ces amendements.

Plutôt que de tenir notre discussion en vase clos, je propose d'examiner chaque amendement et d'en discuter. Malheureusement, le sénateur Jaffer n'est pas là, mais nous avons eu des observations d'autres sources et nous avons lu le débat qui s'est tenu à la Chambre.

Nous sommes convaincus du bien-fondé de nos amendements, mais ces autres observations jetteront peut-être un nouvel éclairage sur ces dispositions et nous amèneront peut-être à changer d'avis. Nous devons garder l'esprit ouvert, écouter ce qu'a dit la Chambre et discuter de ce qui nous a amené, à l'origine, à proposer ces amendements.

Le sénateur Andreychuk: C'est ce que je suggérais, mais, mon dilemme, c'est que je voudrais prendre connaissance de toute la discussion avant de trancher. J'ai entendu la motion portant sur le premier amendement, et c'est de cela que je veux parler. Nous savons pourquoi nous l'avons présentée. J'espère que nous entendrons la porte-parole du gouvernement. Vous dites avoir entendu des remarques provenant de diverses sources, mais je ne connais pas vos sources. Je n'ai pu prendre connaissance que du compte rendu.

Le président: Ma seule source, c'est le sénateur Jaffer qui a lu le débat à la Chambre et écouté ce qui a été dit. Je n'ai pas d'autres sources d'information que vous, sauf peut-être ce que m'a dit le sénateur Jaffer pendant une conversation.

Le sénateur Andreychuk: J'espère que nous tiendrons compte de l'opinion des autres — c'est-à-dire de la Chambre et du gouvernement.

Cela dit, j'aimerais faire quelques remarques sur cet amendement-ci, «dans la mesure où ils sont pertinents». Si ma mémoire est bonne, lorsque M. Mosley a appris la nature de notre préoccupation, il a tenté de nous aider en suggérant l'ajout des mots «dans la mesure où ils sont pertinents». Je suis un peu étonnée que cela soit maintenant dans un amendement au projet de loi, parce qu'il voulait simplement faire valoir que, si vous voulez permettre la défense d'apparence de droit, il faut qu'elle soit pertinente à la cruauté envers les animaux. Nous sommes maintenant pris avec cette phrase, «dans la mesure où ils sont pertinents». La pertinence est une question de preuve, et non pas une déclaration — «pertinent» pourquoi, pour qui et à quel moment? Ce n'est pas là le genre de terminologie que j'aime avoir dans le Code criminel et ce n'est pas particulièrement utile pour les autres.

Nous voulions souligner l'importance de la défense d'apparence de droit, surtout dans les régions rurales où c'est devenu une habitude. Nous avons déjà déterminé que ce moyen de défense ne viole par la charte. Les gens connaissent l'existence de ce moyen de défense, ainsi que la forme qu'il a toujours eue. Quand on ajoute ainsi des mots comme «dans la mesure où ils sont pertinents», on ajoute aux preuves à établir et il n'est pas bon de brouiller les pistes dans une procédure criminelle. Si nous tenons compte de l'administration de la justice et pas seulement du contenu, c'est peut-être là l'interprétation que M. Mosley veut donner à ces mots.

Je pense qu'il faut s'attarder davantage à l'administration de la justice. Est-ce que ce sera utile pour ceux qui ont réclamé cette précision, ceux qui comptent sur ce moyen de défense et qui, comme l'a reconnu le gouvernement, ne devaient jamais être assujettis à ces dispositions? Ce libellé ne leur sera pas utile.

Le président: Vous avez raison, sénateur Andreychuk. Dès que nous avons vu ces mots, nous avons exprimé la même préoccupation que le sénateur Baker, à savoir que, si cela ne figure plus dans la section sur les crimes contre les biens, cela n'a peut-être pas de pertinence. Peut-être qu'il faudrait simplement reformuler cela et dire «dans la mesure où ils s'appliquent à une poursuite pour une infraction prévue en vertu de cette Partie».

Le sénateur Andreychuk: Précisément. Nous pourrions ainsi faire comprendre que ce moyen de défense continuera d'exister pour ceux que cela concerne. C'est ce que nous voulons faire. En incluant une expression que je qualifierais de douteuse, tout devient vague. Cela n'aide ni le gouvernement, ni ceux qui comptaient sur ce moyen de défense ni, en dernière analyse, le bien-être des animaux.

Le sénateur Stratton: À l'instar du sénateur Andreychuk, j'estime que nous devrions examiner tous les amendements avant de prendre une décision. Ce serait mieux de procéder ainsi. Le sénateur Nolin sera là demain matin et j'aimerais entendre ses remarques car je sais que cela le préoccupe beaucoup.

Le sénateur Beaudoin: N'oubliez pas les cinq amendements. Nous avons consacré de nombreux mois à leur rédaction et certains sont interdépendants, dans une certaine mesure. Voilà pourquoi je suis contre l'ajout de l'expression «dans la mesure où ils sont pertinents». Cela n'ajoute rien. De plus, ces amendements sont corrélatifs.

Il n'y a aucun fait nouveau dont nous pourrions discuter. Nous en avons débattu avec M. Mosley. Rien de tout cela n'est nouveau. La Chambre des communes n'a rien inventé. Il s'agit simplement de la thèse du ministère de la Justice.

Le président: Je suis d'accord. Toutefois, pendant notre examen, nous devons nous rappeler notre obligation de rédiger quelque chose qui sera acceptable sans quoi, le projet de loi mourra au Feuilleton. Ce n'est pas ce que nous voulons. Du moins, je ne crois pas que ce soit ce que la plupart d'entre nous voulons.

Si nous voulons que ce projet de loi soit adopté, nous devons faire des compromis. Ne l'oublions pas pendant que nous discutons de l'opportunité de modifier les amendements qui ont été suggérés par la Chambre.

Le sénateur Grafstein: Chers collègues, je vous présente mes excuses car je sais que vous avez longuement réfléchi à ces amendements, que vous y avez consacré beaucoup d'efforts. Honnêtement, je n'en ai pris connaissance qu'à notre caucus de mardi. Je croyais que les préoccupations des Autochtones avaient été réglées avec la défense d'apparence de droit. Je savais que le sénateur Watt s'en inquiétait et je croyais qu'on avait aussi régler la question des mets rituels.

J'ai donc beaucoup de retards à rattraper. Voilà pourquoi, comme le sénateur Watt, je voulais une journée de plus pour me familiariser avec ces documents. J'ai fait une étude rapide. Je n'ai pas fait la même réflexion que vous tous, et je m'en excuse. Toutefois, la défense d'apparence de droit me pose aussi un problème même si je n'en comprends peut- être pas toutes les ramifications.

Je m'explique. Prenons le cas d'un chasseur autochtone ou d'un rabbin qui pratique depuis 50 ans ou d'un ecclésiastique musulman qui s'adonne à ses pratiques depuis des lustres. Quels seront les effets de cet article sur ces trois personnes? Comme me l'a fait remarquer le président, le fait de tuer un animal constituera pour la première fois une infraction. Nous avons créé une nouvelle infraction. Jusqu'à présent, la défense d'apparence de droit s'appliquait à bien d'autres choses, mais pas au fait de tuer un animal.

Attardons-nous un instant aux limites que le Parlement peut imposer à la liberté de religion. Examinons les limites prévues au Code criminel. Je vous renvoie au Martin's Annual Criminal Code qui dit, et nous devons écouter attentivement: «tous les effets des lois sur les pratiques ou croyances religieuses n'enfreignent pas la garantie prévue au paragraphe 2a)» de la charte, soit la liberté de conscience et de religion. On y dit ensuite: «cette disposition n'empêche pas l'Assemblée législative d'imposer des limites à la pratique de la religion.». Je crois qu'on peut faire valoir que le Parlement a le pouvoir d'imposer des limites à la pratique de la religion ou à l'exercice des droits autochtones, et que cela s'appliquerait ici.

Cela dit, quels sont les effets de la défense d'apparence de droit? Encore une fois, examinons le libellé du Code criminel. Le Code définit les biens, réels ou personnels. Puis, le paragraphe 429(2) dispose que: «nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction visée aux articles 430 à 446 — je présume que cela s'appliquera dorénavant à l'abattage d'animaux — s'il prouve qu'il a agi avec une justification ou une excuse légale et avec apparence de droit.».

Prenons un peu de recul. Cet article indique au chasseur traditionnel qui vit dans le grand Nord, au rabbin ou à l'ecclésiastique musulman que, s'il est traduit devant les tribunaux — et c'est possible, parce qu'aux termes de ce projet de loi, c'est un crime que de tuer un animal — vous aurez un moyen de défense, la défense d'apparence de droit. Toutefois, il incombera au chasseur autochtone, au rabbin ou à l'ecclésiastique de prouver au tribunal qu'ils avaient le droit de faire ce qu'ils ont fait toute leur vie, et cela n'a aucun sens.

L'autre possibilité, c'est de prévoir une exception. Je sais que ce serait un ajout de dernière minute, mais c'est précisément à cela que sert cette chambre de second examen objectif. J'aimerais que vous y réfléchissiez. Dans quelle position se trouvera le chasseur traditionnel? A-t-il l'habitude d'être traduit devant les tribunaux? Peut-il se défendre? Selon le sénateur Baker, il le peut, parce qu'il a un moyen de défense. Mais pourquoi devrait-il être traduit devant les tribunaux pour s'être adonné à des activités qui font partie de son mode de vie traditionnel? Que faisons-nous?

Pourquoi ne pas prévoir une simple exception pour les chasseurs autochtones, les rabbins et les ecclésiastiques afin qu'ils soient aussi bien protégés que les animaux? J'aimerais que tous ces ecclésiastiques soient aussi bien traités qu'un animal et soustraits à l'application de ces dispositions. J'ai rédigé une modification que je pourrais apporter pour les pratiques traditionnelles. Je sais que le ministère me répondrait que ce n'est pas très clair, mais, croyez-moi, il est préférable de laisser les tribunaux déterminer si c'est clair. Mon amendement sera certainement constitutionnel. Il dit simplement «nul ne peut être déclaré coupable d'une infraction au présent paragraphe s'il agit dans le cours de ses pratiques ancestrales ou en vertu de lois religieuses musulmanes ou juives concernant l'abattage rituel ou pour la chasse à des fins de préparation de vêtements ou de nourriture pour consommation humaine.»

Ne serait-ce pas une bonne solution? Sinon, pensez aux conséquences.

Je ne veux pas me lancer dans un long discours politique sur ce sujet, mais j'ai bien l'intention de prononcer un discours au Sénat. J'espère que nous pourrons régler ce problème ici. Monsieur le président, surtout, n'allez pas croire que je critique votre comité. Je m'en veux terriblement parce qu'on m'a dit l'autre jour que cette question avait été réglée. Quand j'ai soulevé cette question, on m'a dit que finalement, le problème reste entier. J'ai demandé qu'on signale au ministre mes préoccupations.

Le président: En fait, sénateur Grafstein, le comité en a déjà discuté. L'amendement que nous avions proposé supprimait l'infraction consistant à tuer que le gouvernement avait mise de l'avant, et nous l'avions réinséré après la mention «cause à un animal de la douleur, des souffrances ou des blessures, sans nécessité». Cela aurait apaisé toutes vos inquiétudes. Cependant, la Chambre a refusé cet amendement.

Le sénateur Grafstein: Ce qui nous ramène à la case départ.

Le président: En effet.

Le sénateur Beaudoin: Ce que vous dites est important. Nous l'avons fait. Nous avons eu cette discussion.

Le président: Tout comme le sénateur Grafstein, je me demande où étaient nos collègues de l'autre endroit lorsque cette discussion a eu lieu.

Le sénateur Grafstein: Ils étaient absents. Je peux vous dire, lorsque je leur ai posé la question aujourd'hui, ils m'ont répondu qu'ils ignoraient le premier mot de tout cela. Sur tout le respect que je dois à l'autre endroit, cela n'a rien de nouveau. On leur a dit qu'on s'en occupait. Ils ne lisent rien et s'imaginent qu'on fait le travail. Puis à la dernière minute, ils nous disent: «Ah, mesdames et messieurs du Sénat, venez à notre secours». C'est ce qui est arrivé. C'était un cri du cœur.

Le président: Nous devons procéder de façon plus ordonnée. Je ne vais pas étouffer le débat sur les amendements que nous proposons, mais peut-on voir d'abord si quelqu'un a quelque chose à dire au sujet de l'apparence de droit?

Le sénateur Cools: Monsieur le président, je pense que nous devrions d'abord décider de la marche à suivre.

Le président: Sénateur Cools, j'ignore où vous étiez lorsque j'ai commencé. J'ai déjà exposé la façon de procéder. Nous avons décidé que nous discuterions de chaque amendement. Chacun aura la chance de se prononcer, puis nous verrons ce que nous en ferons. Voilà comment nous allons procéder.

Le sénateur Cools: Ce n'est pas ce que je voulais dire lorsque je parlais de la façon de procéder. Ce que je dis, c'est que je croyais avoir compris ce que vous disiez: Nous allons discuter de tout cela et voir où en est la réflexion du comité. Je suis convaincue d'avoir entendu le sénateur Smith dire qu'il proposait un amendement pour qu'il n'insiste pas. Il me semble qu'on conclut hâtivement avant même de savoir ce que le comité veut faire. C'est de cela dont je parle.

Le président: Le sénateur Smith l'a dit, mais sans insister. Il a attendu et écouté les autres avant d'aller plus loin. Je ne vois pas le problème.

Madame Cools, avez-vous quelque chose à dire au sujet de l'apparence de droit?

Le sénateur Cools: Oui. Vous avez dit qu'il fallait faire le point, et je pense que c'est une bonne idée.

Le sénateur Grafstein a soulevé une objection intéressante. Elle a trait à ce que disait le sénateur Beaudoin. On veut maintenant savoir ce que le comité pense de l'amendement n 4, n'est-ce pas? Cependant, nous devons nous rappeler que c'est collectivement que nous sommes parvenus à cet amendement sur l'apparence de droit et la justification.

L'amendement vise à réduire ou à modifier l'interdiction générale de tuer, qui était le premier amendement à la première version du projet de loi. Nous voulions «unir», si je puis dire, ces amendements. Il faut en discuter en tandem.

Il ne s'agit pas de savoir ce que nous allons accepter de l'autre endroit. Ces amendements sont corrélatifs. Ce que nombre d'entre nous avions compris au moment du vote sur le rapport, c'est que ces amendements, s'ils étaient proposés ensemble, auraient pour effet de protéger la religion israélite et islamique et également protéger les milieux scientifiques et agricoles, les chasseurs et les autres.

Je tiens à signaler cela parce que ce que nous voulions faire, dans notre sagesse, c'était de supprimer ou de modifier cette interdiction générale de tuer et d'amoindrir le risque que ces personnes s'exposent à des procédures judiciaires.

C'est ce que j'avais compris. Je voulais nous rafraîchir la mémoire.

La question est celle-ci: y a-t-il de nouveaux renseignements ou de nouveaux événements qui nous amèneraient à modifier l'approche que nous avons adoptée il y a quelques semaines? En ce qui me concerne, il faudra me présenter des arguments très solides pour me convaincre que l'approche dont nous avons convenue après des mois et des mois de réflexion et de débat n'était pas bien inspirée. Voilà ma position.

Mais j'ai l'esprit ouvert. J'attends qu'on formule les arguments — surtout des banquettes ministérielles — pour me prouver pourquoi, moi qui suis membre du comité qui a proposé cet amendement, je devrais changer d'avis et prendre une position contraire.

Lorsqu'on demande à un président, à un comité ou à une chambre de prendre une position contraire, c'est parce qu'il s'agit d'une question très importante. En principe, les comités et les chambres ne changent pas d'avis pour un rien. Il ne suffit pas simplement de dire: «Ah bon, il y a quelqu'un à la Chambre des communes qui n'est pas d'accord. Nous allons donc faire autre chose.»

Lorsqu'on demande à une chambre du Parlement de changer d'avis, c'est parce que c'est sérieux.

Le président: Permettez-moi pendant un instant de résumer ce que j'entends au sujet du premier amendement? Je suis d'accord avec vous, sénateur Cools, pour dire qu'il y a un lien. Si nous étudions ces amendements individuellement, nous pourrons à la fin les réunir de nouveau et voir si cela nous convient.

Je crois comprendre que vous préférez l'amendement qu'on a proposé au nôtre, qui est celui proposé par la Chambre des communes. Si nous supprimons la mention «dans la mesure où ils sont pertinents», nous pourrions donner notre accord. Cela nous permettrait de faire ce que nous voulions faire. Est-ce que je me trompe? Je crois que le sénateur Baker est d'accord.

Je vais vous donner lecture de l'amendement des Communes. Je vais y apporter les changements que je crois avoir entendus, et je lis: «Il est entendu que les moyens de défense prévus au paragraphe 429(2) s'appliquent, dans la mesure où ils sont pertinents, aux procédures relatives à une infraction à la présente partie.»

Le sénateur Cools: Non.

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est plus pareil.

Le président: Nous n'avons fait que supprimer la mention «dans la mesure où ils sont pertinents».

Le sénateur Beaudoin: Nous étions tous d'accord pour supprimer la mention «dans la mesure où ils sont pertinents». Nous étions tous d'accord là-dessus.

Le sénateur Joyal: Procédons plus simplement. Le sénateur Pearson a mis le doigt sur le problème. Lorsque ce projet de loi nous a été soumis, vous vous souvenez que nous nous étions opposés au fait que les animaux étaient retranchés de la section sur les biens et placés dans une autre. Nous nous sommes tous d'abord débattus avec les conséquences de cette initiative parce que cela ne s'est jamais vu auparavant dans le Code criminel. Bon nombre d'entre nous avons interrogé le ministère de la Justice à ce sujet.

Bien sûr, si vous créez une nouvelle catégorie dans le Code criminel, il y a des conséquences. Si vous invoqué un moyen de défense comme l'apparence de droit qui s'appliquait aux biens, celui-ci ne s'applique pas automatiquement à la nouvelle catégorie.

Quand la Chambre des communes décide de revenir aux catégories intermédiaires des non-biens c'est parce qu'elle veut qu'on fasse un usage limité de la défense de l'apparence de droit parce que celle-ci ne s'applique plus aux biens. La Chambre a été parfaitement cohérente. Je comprends pourquoi elle a apporté cette modification. C'est parce qu'elle veut rétablir le lien entre la question des biens et la défense. C'est essentiellement pour cette raison.

Nous devons être cohérents nous aussi. Si nous admettons cette approche, il faut l'admettre intégralement. Si nous maintenons notre position, nous devons la maintenir intégralement dans les amendements que nous proposons. Le sénateur Pearson n'est pas avocate, mais elle a en fait très bien compris la situation parce que c'est exactement ce que nous avons fait. Nous n'étions pas d'accord avec la nouvelle catégorie parce qu'elle créait une nouvelle infraction.

Nous avons décidé de limiter cette nouvelle infraction dans le sens que vous et d'autres sénateurs ont proposé, monsieur le président. Le sénateur Cools a proposé qu'on élimine le fait de tuer un animal. Nous avons modifié tous nos amendements en conséquence. J'avais un amendement visant à exclure la chasse légitime, le piégeage, la pêche et la recherche scientifique conduite dans le respect des normes généralement admises, les pratiques agricoles raisonnablement et généralement admises ou l'abattage. Le mot «abattage» avait trait à la question de la pratique religieuse.

Lorsque nous avons décidé d'amender cette disposition dans le sens que vous proposez, j'ai retiré ces éléments de l'amendement. Nous avons été cohérents, mais le gouvernement a voulu revenir à son approche. Il est cohérent lui aussi; je ne conteste pas la cohérence de l'approche du gouvernement. Il faut faire l'un ou l'autre, et non pas un petit peu de celui-ci et un petit peu de celui-là.

Le sénateur Beaudoin: Nous pourrions nous en tenir la nôtre.

Le sénateur Cools: Il se peut que nous soyons obligés de le faire.

Le sénateur Joyal: Au sujet des amendements du sénateur Baker, nous devrions nous pencher sur chaque amendement du gouvernement puis décider ensuite si nous maintenons notre approche — qui était une approche cohérente — ou si nous sommes d'accord avec le gouvernement pour rétablir la structure du projet de loi original.

Le président: Sénateur Joyal, nous devrions peut-être discuter du deuxième amendement, qui porte sur l'infraction consistant à tuer.

Alors je pose la question: Si nous rétablissons l'amendement que nous avions proposé à l'origine — à savoir, supprimer intégralement cette infraction — afin de respecter le principe du ministère de la Justice relativement aux blessures mais sans inclure le fait de tuer, et qu'on ajoute aussi l'idée de tuer sans nécessité, est-ce que l'article 182(5) que proposent les communes, sans la mention «dans la mesure où ils sont pertinents», vous semble raisonnable?

Le sénateur Joyal: Sûrement si l'on exclut la mention «dans la mesure où ils sont pertinents».

Le président: Nous supprimerions cette mention.

Le sénateur Joyal: Nous la supprimerions; aucun doute à ce sujet.

Le président: Si nous la supprimons, est-ce que le reste du texte concorde avec notre intention originale qui consistait à éliminer «l'infraction consistant à tuer»?

Le sénateur Joyal: Il faudra que je relise le texte. Je parle en tant qu'avocat. Je m'en voudrais de vous donner un avis au pied levé sans avoir comparé les deux textes pour bien comprendre comment ils étaient interprétés auparavant dans l'article original.

Je vais demander aux sénateurs Baker, Grafstein, Smith, Beaudoin et Andreychuk de se pencher sur la question pour que nous soyons bien sûrs de notre décision de rétablir un libellé différent pour garantir une protection que nous avions exprimée à l'origine.

Le président: J'ai mentionné cela parce que le fait est que, si nous voulons que ce projet de loi soit adopté, mais non un compromis qui modifie l'intention des amendements que nous avions formulés à l'origine. Par exemple, supprimer la mention «dans la mesure où ils sont pertinents» nous convient si nous revenons à notre amendement original où nous supprimions intégralement la disposition relative «au fait de tuer». Cela constitue dans mon esprit un petit compromis, et non une compromission, envers la Chambre basse.

Le sénateur Joyal: Je suis d'accord avec votre approche. Mais j'aimerais être absolument convaincu que le libellé, tel que vous l'avez modifié, aura exactement le même effet qu'avait notre libellé original. Je devrais réfléchir à cela de nouveau pour m'en assurer.

Le sénateur Grafstein: Ce serait bien si on avait ça sur papier.

Le sénateur Joyal: Nous pouvons le faire. Il nous reste une autre séance. Nous aurons le temps d'ici la prochaine séance.

Le président: Nous pourrions peut-être porter notre attention pendant quelques instants selon un ordre quelconque mais par rapport sur le deuxième amendement. Je ne dis pas à l'alinéa 182.2c), la «disposition relative au fait de tuer un animal», que nous avons retranchée et reformulée dans un article précédent.

Le sénateur Beaudoin: L'expression était-elle «sans nécessité»?

Le président: Si l'on me permet de rafraîchir la mémoire des honorables sénateurs, on supprimait le principe selon lequel le fait de tuer un animal constituait une infraction. Comme vous savez, il y avait dans l'ancienne disposition deux cas où le fait de tuer un animal constituait une infraction: les animaux que l'on possède pour en faire un usage commercial et ceux que l'on conserve comme animaux de compagnie. Cependant, ce n'était pas un crime que de tuer un animal sauvage. Bien sûr, il y avait des régimes provinciaux qui réglementent les époques où l'on pouvait tuer certains animaux sauvages, mais ce n'était pas un crime.

La disposition originale disait que c'était une infraction que de tuer un animal. Si vous alliez tuer un orignal et qu'on vous arrête, vous aviez commis une infraction. Vous pouviez ensuite en vous fondant sur l'étape suivante prouver que vous aviez une excuse légitime pour ce faire. Les fonctionnaires du ministère de la Justice nous ont dit que l'excuse légitime aurait eu la forme de permis de chasse provinciaux ou de pratiques reconnues en common law ou quelque chose d'autre.

Vous vous en souvenez, nous avions longuement discuté de l'affaire La Reine c. Jorgensen, où le propriétaire d'un magasin en Ontario vendait du matériel pornographique qu'avait approuvé le Bureau de la censure de l'Ontario, qui lui avait donné la permission de le vendre et lui avait délivré un permis pour ce faire. Cependant, il a été arrêté, et le juge Sopinka dans cette affaire avait dit qu'il ne fallait pas se présenter devant le tribunal en agitant des excuses provinciales pour commettre des infractions fédérales comme celles du Code criminel parce que c'est inadmissible.

Les fonctionnaires de la Justice nous ont répondu, du moins dans un cas dont je me souviens, que le juge ne parlait que de matériel pornographique. La Cour suprême du Canada s'exprime rarement sur un sujet aussi étroit. Elle parlait d'un principe, par exemple, si un chasseur à Terre-Neuve tue un orignal et qu'il est arrêté, il va se retrouver dans de beaux draps s'il invoque son permis provincial comme excuse légitime. Le procureur citera l'arrêt La Reine c. Jorgensen, et personne ne dira que cet argument a trait à la pornographie et qu'il n'a rien à voir avec la chasse à l'orignal. Il s'agit du principe selon lequel l'utilisation d'un permis provincial peut servir d'excuse légitime pour enfreindre une loi fédérale, en l'occurrence, le Code criminel.

Les Communes ont décidé de faire quelque chose à ce sujet. J'ai pris connaissance des débats et, je vous dirai franchement, qu'on n'y a pas accordé beaucoup d'attention. On a dit peu de choses, et on a simplement éliminé notre amendement pour reprendre le libellé initial.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce qu'ils ont dit pourquoi?

Le président: Il y a plusieurs raisons. Je vais vous les donner. On a dit que c'était pour donner plus de certitude à la loi; que l'expression «sans excuse légitime» est bien comprise en jurisprudence; que la Cour suprême du Canada a statué qu'il s'agit d'une expression générale et souple qui doit être comprise dans le contexte de l'infraction commise; que la mention «excuse légitime» est suffisamment vague pour englober les raisons communément admises pour tuer un animal, par exemple la chasse; qu'il y a un terme qui existe en ce moment dans l'infraction consistant à tuer les animaux que l'on garde, à savoir, ceux dont on fait un usage commercial ou les animaux de compagnie; et que les tribunaux n'ont pas eu de mal à interpréter son contenu et sa portée. Mais c'est ce qui suit qui est important. Les Communes ont dit que l'emploi de la mention «tuer sans nécessité» était illogique et sèmerait la confusion. La mention «sans nécessité» a été interprétée par la magistrature dans le contexte de la douleur. Je ne comprends pas cette logique; elle m'échappe et je ne la comprends pas.

Le sénateur Beaudoin: Si c'est logique...

Le président: Dans mon esprit, en ce qui me concerne, le terme «blessure» comprend la mort parce que la blessure ultime, c'est la mort. Les Communes n'en étaient pas convaincues, nous avons donc ajouter cette mention. Les Communes disent maintenant que c'est illogique d'employer la mention «sans nécessité». Une mort sans nécessité est illogique. Voulez-vous me dire ce que nous devons faire maintenant?

Le sénateur Joyal: Je vais redire ce que j'ai dit. Nous avons été logiques dans notre approche et c'est la raison pour laquelle nous avons approuvé votre amendement, monsieur le président, avec tout le respect que je dois aux sénateurs membres du comité, et que nous l'avons clarifié. Nous avons été logiques dans la rédaction de nos amendements. La Chambre des communes a pris une décision après un débat très court. Il y a eu une intervention de M. Paul Macklin, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, et des interventions de représentants de l'Alliance, du Bloc et des progressistes-conservateurs; et ce fut tout. Si je résume, le porte-parole de chaque parti a énoncé sa position, mais ce n'était pas une étude comme celle que nous faisons sur ce projet de loi.

Il faut que l'on comprenne pourquoi cet amendement a reçu notre aval, et nous voulons être fidèles à notre logique en ce qui concerne la capacité qu'a une personne d'utiliser des animaux sans risque de poursuites au-delà de ce qui est normalement admis dans le milieu scientifique, dans l'industrie agricole, dans la pratique religieuse ou dans la chasse et le piégeage. Ou bien l'on admet une approche ou on admet l'autre. Il est difficile d'apporter de petites révisions. Si j'ai bien compris ce qu'on a dit à l'autre endroit, on n'a pas tenu compte des nombreux arguments que nous avons avancés pour défendre notre approche.

Je dis cela avec le plus grand respect envers l'autre endroit. Cependant, le projet de loi original a été adopté en moins d'une semaine, et il y a six mois que nous en débattons les divers aspects. Il est compréhensible que son approche ait été un exercice un peu moins douloureux que celui que nous avons vécu pour comprendre ce que nous faisons aujourd'hui. Je vais vous en donner d'autres exemples lorsque nous discuterons des questions relatives aux Autochtones.

Le président: Sénateur Grafstein, pour revenir à ce que vous disiez, si l'on met cela dans un autre article et qu'on utilise des termes comme «sans nécessité», on se trouve à importer tous les moyens de défense qui ont été énoncés par le juge Lamer dans le célèbre arrêt Menard, et cela protégerait les groupes comme ceux que le sénateur Joyal a mentionnés.

Le sénateur Grafstein: Expliquez-moi les trois ou quatre étapes qui me conduiraient à cette même conclusion. J'ai lu un amendement, et cet amendement traite des Autochtones; l'amendement précédent traitait de l'abattage, mais il a été retiré. Expliquez-moi ces étapes pour que je puisse bien comprendre qu'on exempte l'abattage rituel.

Le sénateur Jaffer: Cela nous ramène à l'apparence de droit.

Le sénateur Baker: Tout le monde pensait que la correction qui avait été apportée aurait tout réglé. Cependant, cette correction a été retranchée, vous avez parfaitement raison de dire qu'elle a été retranchée. Il n'y a plus de protection.

Le sénateur Grafstein: Quels sont les mots qui ont été retranchés... les deux étapes? Donnez-moi simplement les termes.

Le sénateur Baker: Le président peut expliquer exactement ce que nous avons proposé: l'amendement numéro 2.

Le sénateur Jaffer: J'invoque le Règlement, je sais que le sénateur Joyal n'essaie pas du tout d'exclure qui que ce soit, mais il y a d'autres personnes qui sont intervenues. Svend Robinson, Tom Wappel, John Bryden et Peter MacKay sont également intervenus. Il est vrai que le débat a été court, mais je tiens à dire cela pour mémoire.

Le président: Nous reviendrons à vous, sénateur Grafstein. Cependant, avant de commencer aujourd'hui, le sénateur Jaffer, nous avons dit que nous allions vous demander d'expliquer la position du gouvernement concernant le rejet de ces amendements, ainsi que l'acceptation des deux autres. Si le comité le veut bien, maintenant que le sénateur Jaffer est des nôtres, nous pourrions peut-être le faire.

Le sénateur Jaffer: Je vous fais toutes mes excuses de n'être pas arrivée plus tôt. Je devais m'occuper d'une urgence.

En ce qui concerne la révision grammaticale, cela ne pose pas de problème. Elle a été acceptée par les deux Chambres. Je ne vous ferais pas perdre de temps avec cela. La définition de l'animal a été acceptée.

Je vais commencer par le sujet dont il est question maintenant, la «mort sans nécessité». Mon explication sera brève parce que nous avons beaucoup à faire et que vous avez déjà entendu le sénateur Carstairs hier. Je ne veux pas répéter intégralement ce qu'elle a dit.

Essentiellement, la Chambre estime que l'adjonction des deux moyens de défense — la douleur et la souffrance — n'est pas pertinente en ce qui concerne la définition, et elle estime que l'amendement fait planer une incertitude relativement au sens de la disposition. La mention «sans excuse légitime» est bien connue en droit, et c'est la raison pour laquelle on l'utilise dans le projet de loi. En outre, la portée de la signification n'est nullement limitée. Voilà pourquoi la Chambre estime que cela sème la confusion et que notre amendement n'est pas aussi clair que notre comité le croyait.

Je ne crois pas pouvoir ajouter quoi que ce soit à la disposition de non-dérogation concernant les Autochtones. Le comité connaît la position du gouvernement. Il sait que notre comité va se pencher là-dessus. Une fois que nous aurons étudié ces dispositions, le gouvernement s'engage à l'ajouter à tous les projets de loi — et je ne prétends pas parler au nom de notre comité — vous, mais c'est la position du gouvernement et vous la connaissez.

En ce qui concerne l'apparence de droit, la Chambre maintient son principe. Elle estime que le libellé de notre comité ne couvre pas toute la jurisprudence. Le gouvernement est d'avis qu'il ne couvre pas la jurisprudence actuelle. Je vous rappelle à tous que l'apparence de droit nous préoccupait beaucoup. L'une des raisons pour lesquelles nous voulions en faire mention, c'était pour nous assurer que les juges comprennent bien que nous tenons à l'apparence de droit et que nous voulons qu'elle soit mentionnée dans ce projet de loi, parce que, si elle n'y est pas, les juges vont penser que le législateur n'en voulait pas. Cela nous préoccupait, vous vous en souvenez. La Chambre dit que nous avons formulé un nouveau libellé et que cela portera le juge à croire que nous avons modifié la définition de l'apparence de droit. Voilà pourquoi elle préfère le libellé qu'elle avait proposé.

Le sénateur Baker: Donc, si on a changé ce qu'on appelle «l'apparence de droit» — soit la justification légale ou l'excuse ou l'apparence de droit, qui a été interprétée en jurisprudence comme signifiant la justification légale ou l'apparence de droit ou l'excuse légale — c'est parce qu'on a donné au mot «et» le sens de «ou».

La Chambre des communes dit que la raison pour laquelle vous voulez ajouter le paragraphe 429(2), c'est pour couvrir la jurisprudence — et non la loi. Est-ce ce que vous dites? C'est pour que les juges sachent et que les avocats sachent que c'est ce que dit en ce moment la jurisprudence en ce qui concerne le paragraphe 429(2), et que les moyens de défense qui sont mentionnés s'appliqueront aux causes futures en ce qui concerne cet article.

C'est une raison tout à fait différente de celle que j'avais cru comprendre, soit qu'il s'agissait d'une raison totalement différente, c'est-à-dire la mention «dans la mesure où ils sont pertinents», et que la Chambre ne voulait pas qu'on définisse ce moyen de défense qu'est la justification légale, l'excuse ou l'apparence de droit. Première nouvelle; je n'avais jamais entendu parler de ça. C'est ce qu'on a proposé au début de nos délibérations, mais je n'avais pas compris qu'il s'agissait de la raison qu'avait invoquée la Chambre des communes. Je trouve ça intéressant.

Le sénateur Jaffer: Je peux me tromper. Je vais vérifier de nouveau si vous le voulez, mais c'est ce que j'ai compris.

Le sénateur Baker: J'imagine qu'il y a peut-être une certaine logique à cela. Cependant, il y a d'autres éléments qui s'y opposent. Cela dit, c'est sûrement une meilleure excuse que celle que j'ai entendue auparavant pour justifier le changement.

Le sénateur Jaffer: Il y a une chose dont je n'ai pas parlé en ce qui concerne l'apparence de droit. Si je n'en ai pas parlé — et j'aurais dû — c'est que la dernière fois où nous en avons discuté, j'ai parlé du fardeau inversé de la preuve que l'on créait. Cela est très préoccupant. Avec le libellé qu'on a maintenant, l'intimé doit prouver qu'il exerçait son droit.

Il y a deux façons de faire; le procureur doit démontrer qu'il a des preuves. Avec notre libellé à nous, on inverse le fardeau de la preuve; et nous nous inquiétions tous vivement de l'inversion de la charge de la preuve — on ne voulait pas qu'on traîne les gens devant les tribunaux — c'était donc l'autre raison.

Le sénateur Baker: Le seul problème avec ça, bien sûr, c'est que dès qu'il y a voies de fait, en vertu de la section 270 du Code criminel, on tâche de voir s'il y a mens rea; et ce principe s'applique à pratiquement toutes les infractions. Par conséquent, il y a inversion du fardeau de la preuve — et c'est une bonne chose dans ces cas-là — parce qu'autrement, il n'existerait aucun moyen de défense. Vous comprenez ce que je dis.

Le sénateur Beaudoin: Ce n'est pas toujours en vertu de la Charte; il faut se le rappeler.

Le sénateur Jaffer: Je ne parle pas de la Charte.

Le président: Avez-vous d'autres observations, honorables collègues?

Le sénateur Cools: J'ai entendu d'une source privée que le gouvernement — et je ne suis pas trop sûre de qui il s'agit quand on parle de la Chambre des communes et quand on parle du gouvernement — que ces mots ont été inclus pour une raison différente de celle que vient de mentionner le sénateur Jaffer. On m'a dit qu'on a ajouté ces mots parce que le paragraphe 429(2) englobe d'autres sections du Code criminel et d'autres dispositions qui ne sont peut-être pas pertinentes ici. Avec la mention «dans la mesure où ils sont pertinents», on excluait des éléments non pertinents du paragraphe 429(2). Donc, on m'a dit à moi quelque chose d'entièrement différent.

Le sénateur Jaffer: Clarification, vous avez raison. C'est également une raison. Il pourrait y avoir d'autres moyens de défense où l'on n'utiliserait pas ces mots. Vous avez raison de dire ce que vous dites; cela fait également partie de la raison.

Le sénateur Cools: Bien. Dans un sens, nous essayons de comprendre ce qui motivait la Chambre des communes lorsqu'elle nous a envoyé ce message. Le problème, c'est qu'il n'y a personne ici de la Chambre des communes pour nous l'expliquer. Je trouve cela très curieux. Je sais que vous soutenez le gouvernement — et c'est le cas de la plupart d'entre nous ici — mais il y a une différence entre le gouvernement et la Chambre des communes. Peut-être qu'un autre jour, monsieur le président, lorsque nous ferons ce genre de choses, il serait bon de faire venir ici un député pour nous expliquer les motivations de la Chambre des communes.

Le sénateur Andreychuk: Il me semble que l'on a intégré cet article dans le projet de loi parce que nous voulions faire une distinction avec les droits de propriété. Eux, de leur côté, veulent s'assurer que les mêmes moyens de défense continuent d'exister. C'est un argument très pertinent, parce que nous ne voulons pas emprunter cette voie si ça peut faire du tort. Le problème, c'est que nous n'aurions soi-disant pas résolu leur problème; et nous ne pouvons pas accepter leurs solutions, parce que cela semble ouvrir toutes sortes de nouveaux horizons.

Je me demande si nos conseillers juridiques ne pourraient pas examiner le libellé employé lorsque l'on précise qu'il ne s'agit plus d'une infraction contre les biens — puisque c'est ce que nous faisons — tout en s'assurant que les moyens de défense demeurent. Je n'y avais pas pensé. Nous avons jusqu'à demain pour y réfléchir, mais ce serait une bonne solution si nous cherchons à trouver un compromis pour cet article, en tenant compte de ce qui préoccupe la Chambre tout en conservant l'intégrité de l'objectif de notre amendement. Pourrions-nous trouver une formulation différente?

Je ne pense pas que nous puissions nous satisfaire de l'expression «dans la mesure où ils sont pertinents». L'idée est bonne. Il y a beaucoup de formulations possibles. Alors, peut-on trouver un terrain d'entente?

Le président: À ce sujet, sénateur Jaffer, avant que vous arriviez, le sénateur Baker parlait précisément de ce libellé. On s'est demandé si, maintenant que ce moyen de défense était retranché de la section sur les biens, alors l'expression «dans la mesure où ils sont pertinents», pourrait en fait ne pas s'appliquer et n'avoir rien à faire là. Cela préoccupait le sénateur Baker.

En ce qui concerne la clause de non-dérogation, peut-être pourrions-nous commencer avec le sénateur Jaffer si elle a quelque chose à dire à ce sujet, puis nous pourrons passer au sénateur Watt.

Le sénateur Jaffer: Je pense n'avoir rien à ajouter et je ne veux pas revenir sur ce que j'ai déjà dit au sujet de la clause de non-dérogation. J'ai expliqué la position du gouvernement; je n'ai rien d'autre à ajouter.

Le sénateur Beaudoin: En ce sens, il nous faut l'étudier. Elle vient du Sénat. C'est un problème très complexe, cela ne fait aucun doute.

Est-ce que cela veut dire que nous n'allons pas examiner le quatrième ou le cinquième amendement parce qu'il nous faudra étudier la clause de non-dérogation? Est-ce que ça n'est qu'après que nous allons traiter de cette question? Faut- il répondre à cette question?

Le président: Sénateur Beaudoin, nous pouvons poser cette question, et entendre ce que le sénateur Watt et les autres sénateurs autochtones qui sont présents ont à dire.

Je vais rapidement préciser ce que disait le sénateur Beaudoin. Une des choses qui nous préoccupaient au sujet de l'amendement de non-dérogation, c'était d'en traiter au coup par coup. Notre comité n'a pas reçu le mandat de l'étudier intégralement et d'essayer de trouver une solution ponctuelle — soit par une loi autonome ou par tout autre moyen dont nous disposons.

Le sénateur Beaudoin se demande maintenant — du moins c'est la façon dont j'ai interprété sa question — si nous pouvons mettre de côté l'amendement de non-dérogation parce que celui-ci a été renvoyé à notre comité, ou si nous devrions insister pour y donner suite?

Le sénateur Beaudoin: En d'autres mots, le comité doit envoyer un message, c'est certain. Maintenant, qu'allons- nous dire au sujet de la clause de non-dérogation? Si nous avons l'intention de mener une étude, nous pouvons peut- être attendre celle-ci et mettre de côté les autres questions.

Le sénateur Watt: Pour combien d'années?

Le sénateur Beaudoin: Non, nous ne sommes pas obligés. Peut-être que ce n'est pas la meilleure démarche à suivre. Peut-être devrions-nous le faire de toute façon. C'est pour cela que j'ai posé la question.

Le président: La Chambre des communes nous a dit ne pas être d'accord avec l'amendement pace qu'il n'était pas clair et qu'il était difficile de savoir si l'objectif était de créer un critère de responsabilité différent pour les Autochtones. La Chambre a également signalé que l'expression «pratiques traditionnelles» n'était pas claire, ni la façon dont les forces de l'ordre devraient pouvoir agir en conséquence.

Le sénateur Watt: Honorables sénateurs, je suis heureux que nous puissions participer à cela. Je pense que c'est important. D'un autre côté, peut-être est-ce important pour vous mais pas vraiment pour moi. Laissez-moi m'expliquer.

Contrairement aux faits. Il n'y a rien de concret. Ce n'est pas fondé sur la vie quotidienne et la réalité des gens. Toute cette notion que le gouvernement préconise est complètement déconnectée. Elle est déconnectée de la réalité des gens.

Est-ce que vous me suivez? Sinon, je vais faire de mon mieux pour essayer d'être plus clair. Je ne dis pas que je ne suis pas d'accord avec ce qui est proposé. Je préférerais que les gens restent en dehors des tribunaux, mais ce n'est pas ce qui compte.

Je pense avoir participé. J'ai entendu les témoins du ministère de la Justice. Ils nous ont proposé des orientations claires, d'après ce que j'ai compris. Ils ne veulent pas que vous traitiez du concept de l'exemption totale, ni que vous envisagiez un système à deux vitesses. Que vous reste-t-il comme solution? La seule chose que vous pouvez faire, c'est de préparer votre défense si jamais vous êtes poursuivi en justice. J'ai avalé cela. J'ai accepté cela. C'est ce qui compte aujourd'hui.

Maintenant, au sujet de la clause de non-dérogation, que voulez-vous dire? La Constitution est déjà très claire à ce sujet. L'article 25 décrit la clause de non-dérogation. Cependant, le gouvernement ne souhaite pas que vous y ayez recours dans cette mesure législative, parce qu'il s'inquiète de l'exemption. Que faut-il faire?

Honorables sénateurs, la seule recommandation que je peux faire, c'est que si vous avez l'intention d'avoir une discussion sur cette clause de non-dérogation et espérez rectifier cela à ce moment-là, il vous faudra attendre 100 ou 125 ans. C'est une question qui existe depuis 1995. Ça n'a rien de nouveau, sénateur. Bien avant que vous arriviez, nous étions aux prises avec cette question; et c'est toujours le cas aujourd'hui.

Pour cette raison, honorables sénateurs, gardez vos positions. Ne changez pas une virgule et gardez vos positions. En tant que membres du comité, vous prenez des décisions à partir de votre propre conscience. C'est tout ce que je peux dire, honorables sénateurs, parce qu'il n'y a rien à ajouter.

Le président: Pour la gouverne des honorables sénateurs qui n'ont pas participé à ce débat, la clause de non- dérogation vise à faire en sorte que la loi ne déroge à aucun des droits des Autochtones, ni qu'elle n'abroge ceux-ci, tout en reconnaissant le droit du gouvernement — ou plutôt, l'obligation — de réglementer l'exercice de ces droits. La disposition nous permet également de nous assurer qu'en réglementant l'exercice de ces droits, le gouvernement ne fait pas en coulisses ce qu'il n'a pas le droit de faire en vertu de la Constitution, sur la scène.

Même si, parfois, la limite est floue, les membres du comité avait bien compris que l'objectif de l'amendement était de faire en sorte que les droits des peuples autochtones ne soient pas bafoués, tout en faisant attention de ne pas empiéter sur le droit du gouvernement de réglementer l'exercice de ces droits.

Le sénateur Beaudoin: Vous avez répondu à ma question en ce qui concerne les Autochtones. Cependant, nous avons dit que l'amendement proposé par le sénateur Joyal était acceptable pour notre comité et notre rapport, bien que l'étude que nous allons faire ira bien au-delà de ça. Il n'y a aucune comparaison possible. Nous avons résolu un problème. Et nous l'avons bien fait. Certains étaient d'accord, d'autres non, mais ça a été fait et bien fait. C'est pourquoi nous pouvons conserver notre amendement pour notre rapport, demain. Si j'ai bien compris le sénateur Watt, c'est ce qu'il voulait.

Le président: Je vais vous résumer les préoccupations que j'ai entendues lors du débat à la Chambre des communes au sujet de notre amendement. Ils ont pensé que l'article n'était pas nécessaire en raison du droit des personnes autochtones de porter plainte en vertu de l'article 35 de la Charte. Ils étaient d'avis qu'il n'y avait pas de risque de poursuite. Ils ont pensé que notre amendement créait beaucoup de «confusion», qu'il imposait au contraire un fardeau aux Autochtones. Ils ont dit qu'en vertu de l'amendement proposé, les Autochtones pourraient se tourner vers n'importe qui pour exercer leurs droits, et ils ont soulevé le fait que les pratiques traditionnelles n'étaient pas définies, ce qui créait de la confusion.

Le sénateur Joyal: J'ai lu les arguments qui ont été avancés. Honnêtement — et je peux parler librement à ce comité — voilà ce qu'ils ont fait: Ils n'ont regardé que les questions que nous avons soulevées à cette table lorsque nous discutions des amendements. Lors d'un processus intellectuel honnête, vous cherchez à savoir ce que certaines choses veulent dire, et vous trouvez une réponse. Nous étions satisfaits des réponses que nous avons trouvées. Lors de l'étape du rapport et à la troisième lecture, des questions ont été posées, et nous y avons répondu.

Essentiellement, ils n'ont regardé que les questions sans tenir compte des réponses. Ils ont simplement fait une liste des questions soulevées à cette table, comme si, lorsque vous discutez de quelque chose et soulevez des questions, vous tirez la conclusion que ça n'est pas valable. J'ai trouvé cette façon de présenter les choses à la Chambre des communes plutôt étrange.

Ils ont aussi dit que cet amendement n'était pas nécessaire, parce que si les Autochtones ne sont pas satisfaits, ils peuvent invoquer l'article 35 devant les tribunaux. Ils ont parlé de l'inversion de la charge de la preuve. J'ai écouté le débat hier et honnêtement, j'aurais pu pleurer. Lorsque vous avez un processus de discussion ouvert et juste — comme ce que nous avons ici —, vous participez avec l'intention d'apprendre quelque chose, d'écouter, d'essayer de comprendre de bonne foi, consciencieusement, et de trouver la bonne solution. Lorsque j'ai lu cette liste, je me suis dit que ce n'était pas la bonne façon de s'adresser à une personne intelligente.

De plus, lorsque j'ai lu les questions qu'ils posaient, «Qu'entend-on par pratique traditionnelle? Nous ne savons pas ce que ça veut dire.» Voici les faits: dans la Loi sur les parcs nationaux du Canada, au paragraphe 17(3), on parle des fins traditionnelles des peuples autochtones à deux reprises. Dans la Loi canadienne sur l'évaluation environnementale, le paragraphe 2(1) en parle également deux fois. Cette expression figure dans les règlements administratifs de l'Office national de l'énergie. De plus, la Loi sur les armes à feu comprend également l'expression «tradition», dans la définition du mot «aîné». Un «aîné», dans le contexte de la culture autochtone. Qu'est-ce que ça veut dire? Un aîné, c'est une personne autochtone qui est membre d'une collectivité autochtone et considérée par les membres de la collectivité autochtone comme possédant une vaste connaissance de la culture et des traditions de la collectivité. Dans d'autres règlements de la Loi sur les armes à feu, on définit une collectivité autochtone comme une collectivité traditionnelle de tout peuple autochtone possédant une culture distincte qui comprend la pratique de la chasse ancestrale. Cela figure dans la Loi sur les armes à feu.

J'ai eu une discussion avec un représentant du ministère de la Justice, le secrétaire parlementaire du ministre de la Justice, qui est responsable du registre des armes à feu. Nous savons tous la bataille que nous avons faite à cette table, et je n'étais pas membre de ce comité lorsque la Loi sur les armes à feu a été modifiée pour protéger les Autochtones. Le message de la Chambre des communes hier montre qu'étant donné qu'il y a un test de responsabilité différent pour les personnes autochtones, et comme ces pratiques traditionnelles ne sont pas claires, ils ne savent pas comment mettre en application cette mesure. S'ils ne peuvent pas mettre en application la Loi sur les armes à feu parce qu'ils ne connaissent pas ce concept, je ne vois pas comment ils pourront mettre en application ce projet de loi. C'est le même ministère.

Je suis ouvert à la négociation, monsieur le président. Je partage les inquiétudes du sénateur Beaudoin. Nous voulons bien faire les choses dans cette clause de non-dérogation. Je me demande aussi si nous devrions faire cela maintenant ou plutôt attendre notre étude. Que va-t-il se passer? Y aura-t-il prorogation? Le comité sera-t-il dissous? Va-t-il falloir retourner à la case départ? En attendant, ça sera dans le Code criminel. Comme l'a dit le sénateur Baker, les communautés autochtones vont se battre et, quoi qu'il en soit, elles pourront toujours invoquer l'article 35 devant les tribunaux et prouver qu'elles ont ces droits constitutionnels.

J'espérais que le message de la Chambre des communes allait me convaincre, mais je dois admettre que la lecture des arguments contenus dans ce message ne m'a pas convaincu du tout. Si je dois renvoyer un message à la Chambre des communes, ce serait préférable que je ne le rédige pas aujourd'hui. Je prendrai 24 heures pour me calmer parce que je voudrais dire à la Chambre des communes ce qu'elle peut faire des pratiques traditionnelles, monsieur le président.

Le sénateur Andreychuk: J'avais certaines inquiétudes au sujet de cet article et je les avais mentionnées parce que le gouvernement n'a toujours pas l'air de comprendre. J'ai entendu beaucoup de beaux discours de la part de toutes sortes de députés. Nous disons tous vouloir permettre aux Autochtones d'exercer leurs droits, mais nous ne le faisons pas en pratique. Je m'en plains depuis 10 ans. J'ai répété la même chose à maintes reprises. Je n'ai pas fait comme le sénateur Watt. J'ai travaillé avec les Autochtones. Mes pires moments comme avocate étaient quand les Autochtones venaient devant les tribunaux pour se défendre. Cela m'inquiète de voir une disposition qui pourrait faire que plus d'Autochtones passent devant les tribunaux parce que, d'habitude, ceux qui le font n'ont pas accès à l'aide des dirigeants autochtones. D'habitude, ce sont des gens qui subsistent grâce à leurs droits de récolte et qui habitent tellement loin de la ville qu'ils ne savent même pas ce qu'est un tribunal. S'ils croisent par hasard un agent d'exécution de la loi, ils sont obligés de se conformer aux formalités.

C'est pourquoi je conteste chacun de ces articles. Je les conteste pour bien des raisons. Nous nous étions entendus ici pour dire que nous n'avions pas vraiment besoin d'articles de non-dérogation. C'est ce qui est malheureux dans notre société. C'est ce que disait la Commission royale sur les peuples autochtones. Nous avions créé cette commission simplement pour dire que nous n'avions pas fait ce que nous aurions dû faire selon la Constitution et que nous allions nous amender à l'avenir. Cela a causé plus de problèmes que le contraire. Je ne suis pas certaine d'être en faveur des clauses de non-dérogation parce que cela semble être un moyen de contourner les droits fondamentaux des Autochtones.

Je vais continuer à contester ces articles parce que je pense que c'est notre devoir de le faire. J'en ai parlé non seulement au comité, mais aussi au Sénat, ce qui m'a valu des critiques de la part de mes collègues. Je suis tout à fait prête à l'accepter.

Selon moi, nous ne devons pas nous laisser dissuader de faire ce que nous faisons. À mon avis, nous ne devons pas songer à adopter une clause de non-dérogation à cause d'une étude quelconque. On nous a trop souvent parlé d'études qui n'aboutissent à rien. Je ne veux pas revenir sur de l'histoire ancienne, mais le Comité des droits de la personne va étudier la question des femmes sur les réserves. Nous devions le faire au Comité des peuples autochtones il y a quelques années. Qu'est-il arrivé à cette étude? Elle est restée en plan. Cette étude a disparu à cause de prorogations. Je ne pense pas que nous puissions empêcher quoi que ce soit à cause d'études quelconques.

D'autre part, nous devons nous assurer que l'on répond à nos préoccupations. Ce que je trouve curieux, ce n'est pas que les communes ne nous aient pas compris. Ce n'est pas ce qui me dérange. Ce qui m'attriste, c'est que les gens au ministère de la Justice et les députés ne savent pas ce que font les Autochtones, comment ils vivent et où ils habitent. C'est vraiment malheureux qu'ils nous disent encore que l'on n'a pas besoin de cet article parce qu'ils ne comprennent pas ce que sont les droits de récolte.

J'ai déjà signalé qu'un jeune agent d'exécution de la loi âgé de 18 ans ne saurait pas comment interpréter la disposition du projet de loi. Dans quelle mesure peut-il permettre aux Autochtones d'exercer pleinement leurs droits? Je n'ai jamais pensé un seul instant que les députés ne seraient pas au courant. De toute évidence, ils n'ont jamais rien lu là-dessus. Je ne sais pas à quoi ressemblent leurs circonscriptions. Quant à moi, je ne serais pas ici si je ne comprenais pas ce que sont les droits des Autochtones.

Nous ne devons pas refuser de poser des questions. Cela fait partie de nos responsabilités. Nous devons faire la part des choses. Nous devons songer à ajouter une clause de non-dérogation quelconque. J'espère que nous y réfléchirons d'ici demain.

Le sénateur Watt: Qu'est-ce que cela veut dire?

Le sénateur Andreychuk: Cela veut dire que nous réunirons tous les articles. Nous avons un processus pour cela.

Le sénateur Watt: Monsieur le président, je voudrais revenir au sujet du débat. On avait proposé une motion à propos de la clause de non-dérogation. Je ne pense pas que ce soit nécessaire de nous faire de souci à ce sujet. Ce n'est pas là qu'est le problème. Nous étudions le projet de loi C-10B. C'est le sujet de nos délibérations.

La motion présentée par le sénateur Carstairs au Sénat renvoyait la clause de non-dérogation au comité. Nous ne devons pas nous en préoccuper parce qu'elle n'est même pas là. Nous traitons maintenant du projet de loi C-10B. Faisons-le. Ne perdons pas de vue la possibilité de rectifier la situation grâce à une clause de non-dérogation. Je ne suis pas d'accord là-dessus. J'ai un peu les mêmes idées que vous au sujet de cet article de non-dérogation, sénateur Andreychuk. Cela sème la confusion parmi ceux qui essaient d'administrer le système.

Je pense que nous devons nous pencher directement sur toutes ces questions. S'il y a une loi qui s'applique à ma situation, je veux savoir comment.

Le président: À la décharge du sénateur Carstairs, je dois dire qu'elle s'était engagée à renvoyer la question à notre comité. Elle l'a fait. Elle n'est pas à blâmer si cette étude ne nous est pas parvenue. Elle a été retardée.

Le sénateur Watt: Ce n'est pas le problème. Je m'excuse, mais ce n'est pas de cela que nous discutons maintenant.

Le président: Vous avez noté, et je pense qu'il faut le souligner, que, si cette question n'a pas été renvoyée à notre comité, c'est parce que d'autres voulaient en discuter au Sénat. D'après ce que vous dites, sénateur Watt, que l'étude soit renvoyée à notre comité ou non, et cela revient à ce que disait le sénateur Joyal au sujet de notre emploi du temps d'ici là, vous ne voulez pas que nous laissions tomber cet amendement à cause du renvoi.

Le sénateur Watt: Pas du tout.

Le sénateur Beaudoin: Je suis tout à fait d'accord. Nous devrons nous occuper de ce cinquième amendement. Peu importe ce qui arrive, relativement à notre mandat pour demain, il est certain que nous recevrons cette étude. De toute façon, la portée de l'étude est beaucoup plus vaste que le cinquième amendement. Nous n'avons pas le choix. Nous devons nous en occuper. La question de l'étude est tout à fait distincte. Je suis d'accord avec tout ce qu'on a dit jusqu'ici.

Le sénateur Watt: Monsieur le président, je ne veux pas commencer à critiquer ma bonne amie le sénateur Andreychuk. Je voudrais cependant qu'elle nous explique un peu mieux ce qu'elle voudrait voir ici. Peut-elle nous donner un peu plus de détails sur ce qu'elle envisagerait comme solution de rechange?

Le sénateur Andrychuk: J'ai déjà signalé au Sénat mes inquiétudes au sujet de l'administration de cette disposition. Ce que je voulais dire au gouvernement, c'est qu'il doit comprendre à quel point, même selon la loi actuelle, la loi est difficile à administrer sur place. Cela cause beaucoup de problèmes. Je m'inquiète toujours non seulement de la loi même, mais aussi de l'administration de la justice. Nous pouvons adopter toutes les lois que nous voulons, mais ce qui compte, c'est la façon dont elles seront administrées dans les petites localités et les villages du coin de pays que je représente ici.

Comme je l'ai dit au Sénat, je n'ai pas voté contre le projet de loi. Je ne le ferai pas. J'ai soulevé certaines inquiétudes. Je m'inquiète encore de la façon dont les droits seront protégés selon les traités et selon la Constitution. Les mots «dans une zone» ne semblent pas avoir la même connotation en français qu'en anglais. Si nous maintenons nos amendements, je voudrais que l'on fasse quelque chose à ce sujet. Si nous ne pouvons pas trouver un meilleur libellé, je m'en contenterai vu que je l'ai déjà fait. J'espère que cela explique ma position.

Le sénateur Joyal: C'est pour cela que nous avons cette discussion. C'est vraiment le rôle essentiel du Sénat de réfléchir deux fois à toutes ces choses. C'est important de le faire. La plupart des membres du comité participeront à cette discussion d'une façon ou d'une autre au cours des mois ou des années à venir.

Je sais que le sénateur Nolin n'est pas ici, mais il a prononcé un discours énergique au Sénat cette semaine et la semaine dernière quand nous discutions de la proposition du gouvernement. Le sénateur Carstairs s'est vraiment efforcée d'obtenir l'autorisation de présenter cette proposition au nom du gouvernement. Il faudrait que le compte rendu en fasse état et signale qu'il s'agit d'une étude vraiment globale parce que, comme le sénateur Nolin l'a dit, nous voulons réexaminer le processus qu'utilise le ministère de la Justice pour rédiger les projets de loi qui peuvent avoir des conséquences pour les Autochtones, afin que les mesures reflètent vraiment leur situation. Nous n'essayons pas de réparer de façon rétroactive une omission ou quelque chose qui nuit à la culture des Autochtones.

Le sénateur Andreychuk a bien raison de dire que les questions qui touchent les Autochtones découlent d'une culture et d'une civilisation différente et plus ancienne que la nôtre. Nous essayons de leur imposer des concepts qui ne correspondent pas à leur propre réalité.

Comme l'a si bien dit le sénateur Andreychuk, nous voulons que la justice soit bien administrée dans de tels cas. Nous voulons que, quand le ministère de la Justice rédige des projets de loi qui touchent nettement aux droits des Autochtones, il garantisse que les dispositions de ces mesures sont conformes aux normes de la Cour suprême du Canada. Notre ami le sénateur Beaudoin connaît aussi bien que vous l'affaire Sparrow. Le pire qui puisse arriver, c'est que nous soyons sur la défensive. C'est la pire situation possible pour moi parce que, un jour ou l'autre, pour toutes sortes de raisons, nous oublierons de nous en occuper à cause d'un autre débat et nous le regretterons plus tard.

Le rôle du Sénat doit être de prêter une attention particulière aux droits des minorités, surtout aux droits des Autochtones, à cause de l'attitude adoptée par un gouvernement après l'autre au Canada. Je veux trouver une solution. Nous devons maintenant prendre une décision, pas dans un monde idéal, mais dans le monde d'aujourd'hui.

Je me pose toujours la même question que le sénateur Andreychuk: est-ce préférable de faire telle chose ou de ne pas le faire? Je préfère prendre le risque de protéger les Autochtones, surtout par opposition à l'autre approche ou solution générale qu'on a proposée.

Le sénateur Grafstein: Comme d'autres membres du comité, j'ai soutenu à maintes reprises que nous nous efforçons comme législateurs de maintenir la suprématie du Parlement comme principe constitutionnel. D'autre part, nous ne voulons pas que les tribunaux empiètent constamment sur les pouvoirs du Parlement parce que nous avons adopté des lois qui manquaient de clarté.

Un rapport comme celui-ci qui nous vient de l'autre chambre alors que les députés n'ont pas examiné les questions aussi attentivement que nous pouvons le faire nous-mêmes, et je le signale tout à fait respectueusement, réduit le respect du public pour le Parlement. Le résultat est d'obliger les Autochtones à maintenir leur mode de vie traditionnel en s'adressant aux tribunaux. Ils doivent demander aux tribunaux de maintenir leur mode de vie traditionnel. Comme l'a dit le sénateur Andreychuk, cela ternit la réputation des tribunaux et de l'administration de la justice parce que l'on ne tient pas compte des principes du droit. Les Autochtones doivent dire: «C'est notre mode de vie. Nous devons constamment aller le prouver devant les tribunaux.» Pourquoi?

Il s'agit de l'inversion la plus insidieuse du fardeau de la preuve que d'obliger les Autochtones à changer ce qu'ils font à leur aise depuis des centaines ou des milliers d'années et de leur faire craindre qu'un agent de la GRC puisse arriver et les taper sur l'épaule en disant: «Au fait, nous voudrions que vous vous présentiez devant le tribunal, puisque nous surveillons vos activités et nous croyons qu'elles vont à l'encontre de la loi.»

Ceci ternit l'image de la justice. Je me demande quelle était l'attitude du ministère de la Justice relativement à ce projet de loi. Je n'arrive pas à la comprendre. Je tenais à le déclarer, monsieur le président, puisque je crois qu'il y a des gens ici qui vont transmettre ces préoccupations au gouvernement, et peut-être se dire: «Je crois qu'il est temps qu'on réfléchisse sérieusement à ce que nous faisons là.» Ce n'est pas la première fois que nous l'avons fait.

Quand j'étais membre de ce comité, et j'étais fier d'y siéger, j'ai soulevé cette question à plusieurs reprises. On m'a dit par la suite qu'on avait besoin de moi ailleurs. Maintenant que je suis de retour pendant un moment de temps libre, j'ai décidé de faire cette publicité à nouveau.

Le sénateur Smith: Du point de vue de la procédure, je me demande si nous pouvons faire grand-chose de plus cet après-midi. Le sénateur Grafstein a soulevé la question de l'état d'esprit général au ministère de la Justice. C'est tout à fait juste. Il y aura une autre séance demain. Je ne vois pas pourquoi le fonctionnaire compétent ne serait pas là. Le temps est précieux. Nous leur avons déjà renvoyé la balle une fois en proposant des modifications à leur projet de loi; le faire une deuxième fois ne serait pas tout à fait habituel. Ce n'est pas sans précédent, mais ce n'est pas l'usage. Il y aura encore refonte du texte. À mon avis, il conviendrait d'inviter le ministre ou le président du comité. Je ne suis pas certain du protocole à cet égard, mais si on veut connaître leur état d'esprit, le temps presse et il faudrait les faire venir et leur poser des questions.

Je tiens à m'excuser dans une certaine mesure d'avoir été absent pour une intervention chirurgicale pendant que le comité se penchait sur ces articles. Je ne suis pas aussi au courant de toutes les nuances et des heures que vous y avez consacrées, puisque c'était pendant mon absence.

Le président: Je me propose, sénateur Smith, de synthétiser ce soir toutes les idées qui ont été exprimées ici ce soir, d'une façon cohérente, pour que nous puissions les réévaluer demain matin, en gardant certaines choses à l'esprit. Premièrement, je crois que personne n'a laissé entendre que nous devrions nous écarter de façon importante des recommandations que nous avons faites au départ. Il faut tenir compte de cela, étant donné que nous risquons d'étouffer ce projet de loi si nous continuons à nous renvoyer la balle sans cesse. C'est quelque chose dont ce comité doit tenir compte — probablement pas à ce stade-ci, mais il faudra en tenir compte. Reste à voir l'importance que nous y attacherons, il n'en demeure pas moins que c'est quelque chose dont nous devrions tenir compte.

Nous allons également parler aux fonctionnaires ce soir pour voir si l'un de nos conseillers juridiques devrait venir parler de la question qu'a soulevée le sénateur Joyal concernant l'apparence de droit, et nous dire comment, si nous supprimons la disposition concernant la pertinence, cela cadrerait avec l'autre modification que nous avons proposée.

Deuxièmement, il se peut bien, sénateur Smith, que ce soit une bonne idée de faire venir quelqu'un comme le ministre pour écouter nos préoccupations en personne. Si nous allons renvoyer le projet plus ou moins selon les mêmes motifs, cela pourrait au moins provoquer encore le débat sur le pourquoi de notre position et sur le fait que ce n'est pas simplement une démarche de confrontation.

Le sénateur Joyal: Je suis tout à fait d'accord, monsieur le président. Et je vois le sénateur Smith qui fait signe que oui. Nous devrions essayer de concilier l'attitude des deux Chambres. Les deux Chambres ont pris position là-dessus, et nous devons suivre le règlement de la Chambre. Le règlement de la Chambre, comme on l'a dit cet après-midi à la Chambre, prévoit une conférence.

Le président: Ce serait notre première conférence depuis 1947, sénateur Joyal.

Le sénateur Joyal: Je le sais. Cependant, si vous lisez La procédure et les usages de la Chambre des communes de Marleau et Montpetit — la bible de la procédure — les pages 674 à 676 expliquent la procédure que reconnaît la Chambre elle-même. C'est une procédure officielle. Si nous voulons régler ce différend dans le respect de la souveraineté de chaque Chambre, il existe une procédure par laquelle, si nous insistons pour que ces amendements-là soient apportés au projet de loi, nous pourrons nous entendre à l'amiable, comme l'avait suggéré le sénateur Smith et vous-même.

Le président: Je ne voulais pas laisser entendre qu'il y avait une limite au nombre de messages qu'on pouvait envoyer de part et d'autre avant de tenir une conférence, le cas échéant. Ce que je dis, c'est qu'il faut se rappeler qu'à défaut de s'entendre, le projet de loi tombera à l'eau.

Le sénateur Andreychuk: Cette conférence-là pourrait être notre dernier recours. Nous avons eu des entretiens avec les fonctionnaires du ministère, et le ministre devrait évidemment déjà savoir qu'il y a ce problème entre les deux Chambres. Le ministre, et le gouvernement qui a une majorité dans les deux endroits, doivent comprendre que ce n'est pas bon pour le Parlement.

Personne n'a dit que nous ne sommes pas en faveur de l'objectif du projet de loi. Le sénateur Joyal dit que nous avons une différence d'approche. Comme le ministre a beaucoup de pain sur la planche, je ne suis pas certaine qu'il comprenne tout à fait pourquoi il y a cette différence. La différence prend la forme d'amendements plutôt que d'approches. Si le ministre savait cela, nous saurions où nous en sommes.

Je ne vois pas l'utilité de se renvoyer des amendements jusqu'à la tenue d'une conférence. À mon avis, le ministre peut nous sortir de l'impasse. Donc, je recommande vivement d'avoir des entretiens ce soir.

Le sénateur Cools: Entre le ministre et nous.

Le président: Je tiens à ajouter ce qui suit. On m'a fait savoir que normalement des fonctionnaires du ministère de la Justice seraient présents. Or, selon l'avis de convocation, la séance devait être à huis clos. Manifestement, elle ne l'est pas, mais cela les a sans doute menés à croire qu'on ne les aurait pas laissé entrer.

Nous allons essayer ce soir de faire venir le ministre et des fonctionnaires demain. Nous commencerons à 10 h 45 demain matin.

Le sénateur Beaudoin: Est-ce qu'on pourrait commencer à 9 heures ou à 10 heures? Nous avons fort à faire.

Le président: Le problème, sénateurs, c'est que l'heure est déjà fixée. À moins qu'on s'entende pour commencer plus tôt...

Le sénateur Grafstein: Monsieur le président, ce comité se retrouve dans une position inacceptable. On a ajourné le débat, nous devons assister aux séances du comité, et nous avons deux jours. C'était bien aimable de votre part l'autre jour au Sénat de dire que nous prendrons le temps qu'il nous faut. Je crois que si nous pouvons faire des efforts extraordinaires afin de nous permettre 45 minutes de plus demain matin, cela nous donnerait le temps de réfléchir. J'espère que le ministre viendra en parler, parce que je ne crois pas que les fonctionnaires soient capables de répondre à cette question.

Le président: Peut-être que des sénateurs plus anciens pourraient me venir en aide. Y a-t-il quelque chose qui nous empêcherait, avec le consentement du comité, de commencer plus tôt?

Le sénateur Stratton: Il faut l'autorisation des whips des deux côtés.

Le président: Êtes-vous d'accord, sénateur Stratton? Je parlerai au sénateur Rompkey. Nous envisagerons 10 heures, mais cela dépendra de la disponibilité de cette pièce. Je doute que qui que ce soit l'ait réservée pendant une heure ou 45 minutes. Si tel est le cas, nous trouverons une autre pièce et nous vous le ferons savoir par courriel.

Le sénateur Cools: Je suis très curieuse. Vous dites que vous allez y réfléchir ce soir, mais le délai est extrêmement court. Nous devons être prêts à faire rapport demain à 13 h 30. J'essaie de comprendre quelles sont les décisions que vous pouvez vraiment prendre ce soir. Ne faudrait-il pas les prendre maintenant, puisque le délai est très court?

Le président: Si nous nous limitions en prenant les décisions ce soir, on dirait que nous n'avions pas l'esprit ouvert demain en rencontrant les fonctionnaires. Vous dites que 13 h 30 est l'heure limite pour faire notre rapport. Ce n'est pas vraiment le cas. Il suffit de le déposer avant l'ajournement demain.

Le sénateur Cools: Le séance se terminera à 13 h 30. Il faudra lever la séance à 13 h 30. Toutes les décisions doivent être prises avant 13 h 30, même si le rapport est déposé une heure plus tard.

Je dois également vous rappeler, sénateurs, que les fonctionnaires du ministère de la Justice n'ont rien à voir avec ceci. Il s'agit d'un message de la Chambre des communes, et non du gouvernement. Nous pourrions parler au ministre parce que le ministre est un membre de la Chambre des communes. Par contre, sur le plan constitutionnel, n'oublions pas qu'il ne s'agit pas d'une proposition entre le gouvernement et nous. C'est entre la Chambre des communes et nous maintenant. Il faut agir avec prudence, donc il ne s'agit pas simplement de convoquer les fonctionnaires du ministère de la Justice.

Le président: Permettez-moi d'éclaircir ce malentendu. J'ai utilisé le mot «fonctionnaire.» Je n'avais pas l'intention d'utiliser ce mot-là. Je pensais plutôt aux membres de la Chambre des communes — que ce soit le ministre ou le secrétaire parlementaire, ou tout autre membre qui voudrait venir nous parler.

La séance est levée.


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