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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires juridiques et constitutionnelles

Fascicule 15 - Témoignages


OTTAWA, le mardi 23 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles, à qui a été renvoyé le projet de loi S-12, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction, se réunit aujourd'hui à 11 h 02 pour examiner la teneur de ce projet de loi.

Le sénateur George J. Furey (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, permettez-moi d'abord de m'excuser d'être en retard. J'ai été pris dans une autre réunion. Je suis extrêmement désolé de vous avoir fait attendre.

Aujourd'hui, nous reprenons l'étude du projet de loi S-12, Loi prévoyant l'abrogation des lois non mises en vigueur dans les dix ans suivant leur sanction.

Nous accueillons notre collègue, le sénateur Banks, parrain du projet de loi, ainsi que des représentants du ministère de la Justice, MM. Keyes et Ricard.

Je crois savoir que ces messieurs aimeraient commencer par un bref exposé pour résumer l'examen de la question qu'ils ont effectué depuis leur dernière comparution devant notre comité.

M. Daniel Ricard, premier conseiller législatif adjoint, Groupe des services de rédaction, ministère de la Justice du Canada: Honorables sénateurs, j'aimerais d'abord vous remercier de nous avoir invités à nouveau aujourd'hui à vous parler de cet important projet de loi. Vous vous souviendrez que lors de notre comparution en juin dernier, certaines préoccupations avaient été exprimées.

La première étant que le projet de loi devrait renfermer une disposition informant les Canadiens de toute abrogation d'une disposition ou d'une loi. La deuxième préoccupation qui a été soulevée à l'époque portait sur les dispositions partiellement en vigueur. La troisième préoccupation concernait les dispositions amendées récemment. Enfin, nous avons eu une discussion assez longue pour déterminer si l'abrogation devrait se faire d'office ou si elle devrait s'accompagner d'un processus permettant à une disposition de demeurer en vigueur dans certaines circonstances.

Lorsque nous nous sommes rencontrés, nous avions convenu d'examiner les recueils de lois au cours de l'été pour voir exactement combien de dispositions et quel type de dispositions seraient susceptibles d'être touchées par l'entrée en vigueur du projet de loi S-12.

En deux ou trois minutes, j'aimerais résumer les conclusions du travail que nous avons effectué au cours de l'été.

Premièrement, en ce qui concerne la méthodologie, je dois dire que nous nous sommes fiés aux recueils des lois publiques et aux lois codifiées de 1985. Je vous signale également que les lois codifiées englobent toutes les dispositions en vigueur avant 1985 et de nombreuses autres qui ne l'étaient pas.

Cela ne garantit pas nécessairement que nous avons tout examiné. Cependant, ce sont là les deux instruments actuellement en vigueur qui nous permettent, et à qui que ce soit d'autre en fait, de nous tourner vers le passé et de voir ce qui existe.

Après avoir dressé une liste assez longue de dispositions, nous avons entrepris de consulter divers ministères. Cette consultation s'est soldée par la production d'un tableau dont les honorables sénateurs ont reçu copie dans les deux langues officielles.

Avant de vous expliquer ce tableau, je tiens à vous dire que cet exercice a été assez long et a nécessité beaucoup de travail en raison des subtilités et des difficultés qu'implique l'examen de lois déjà adoptées. Souvent, nous avons découvert qu'en apparence, une disposition pouvait sembler modifier une loi en particulier, mais pourtant, à y regarder de plus près, on se rend compte que la modification concerne une autre loi. Il devient alors assez difficile de dresser une liste complète des dispositions ou des lois qui ne sont toujours pas adoptées.

Si vous voulez bien prendre le tableau, je vais vous l'expliquer. Dans la première colonne à gauche, on identifie le ministère visé. Par exemple, le deuxième élément fait référence au ministère de la Justice et au ministère de la Défense nationale. Souvent, il arrive que des dispositions aient des répercussions sur deux ministères.

Dans la deuxième colonne, on trouve les dispositions ou les lois précises compilées dans les recueils mais non encore promulguées. La troisième colonne est un résumé de la nature de la disposition.

Dans la quatrième colonne, vous avez une brève analyse des conclusions.

Il y a essentiellement quatre catégories de résultats.

[Français]

La première catégorie a été de conclure que les dispositions pouvaient être abrogées. Il y en a une vingtaine, je crois, pour lesquelles les ministères responsables ont jugé bon de procéder à leur révocation au motif qu'il n'y avait pas de raison aujourd'hui pour les garder, compte tenu du fait que dix ans avaient passé sans que ces dispositions soient mises en vigueur.

Il y a une autre catégorie qui est identifiée comme affectant les droits des tiers. Je veux juste mentionner que lorsqu'on parle de droits des tiers, ce qu'on vise, ce sont essentiellement les provinces, certains pays étrangers ainsi que l'industrie. Dans certains cas, il y a des lois qui visent à réglementer une industrie quelconque.

La troisième catégorie, c'est lorsqu'on mentionne «autres préoccupations», «other concerns». Habituellement, les dispositions étaient mises dans cette catégorie lorsque les ministères n'étaient pas en mesure de nous donner une réponse sur ce qu'il convenait de faire. Dans certains cas, je présume qu'avec le temps, certains ministères pourraient nous dire qu'il vaudrait mieux abroger, mais pour l'instant, ils préfèrent qu'on laisse les dispositions telles quelles, le temps qu'ils fassent une analyse plus approfondie.

[Traduction]

La dernière catégorie, dans laquelle on ne trouve que quelques dispositions, concerne celles qui ont fait l'objet d'amendements subséquents au cours des dix dernières années. C'est là un problème parce qu'on se retrouve alors avec une des préoccupations qui avaient été relevées en juin. Cette question avait fait l'objet d'une bonne discussion lorsque nous nous sommes rencontrés le 5 juin dernier.

[Français]

Si je peux me permettre d'apporter une correction, je voudrais mentionner que vers le milieu du document, à partir de la page 9 ou 10, lorsqu'on parle de la Loi sur les armes à feu, ce n'est plus le ministère de la Justice qui en est responsable, mais bien le solliciteur général du Canada.

[Traduction]

À partir du travail que nous avons effectué au cours de l'été et en nous fondant sur la recherche et l'analyse qui en ont découlé, nous nous sommes penchés sur le projet de loi. Nous estimons aujourd'hui, comme nous l'avons précisé en juin dernier, que le projet de loi vise un objectif très louable. Je ne pense pas que qui que ce soit en conteste les buts.

Cependant, compte tenu des commentaires que nous avons reçus à ce jour, il nous semble que nous devrions trouver un moyen d'offrir aux ministères ou aux ministres qui pourraient avoir des raisons de croire qu'il est dans l'intérêt du Canada de maintenir des dispositions existantes, la possibilité de le faire.

Pour nous, le défi consistait à établir un équilibre entre, d'une part, les objectifs de ce projet de loi, et d'autre part, le fait de donner à ceux qui estimaient important d'exprimer des opinions concernant une disposition en particulier qui, autrement, risquait d'être abrogée, l'occasion de s'exprimer.

Le président: Monsieur Ricard, êtes-vous en train de nous dire que le projet de loi devrait renfermer des dispositions visant à exempter certaines lois ou certaines dispositions que certains ministres voudraient garder?

M. Ricard: Non, je pense que nous pouvons établir un processus permettant de décider si des dispositions devraient être conservées. J'y reviendrai dans quelques minutes.

Soit dit en passant, ce processus existe déjà. La dernière fois que nous nous sommes rencontrés, nous avons eu une bonne discussion sur le processus existant dans le contexte de la Loi corrective. Je dois aussi préciser que le projet de loi C-205, qui a reçu la sanction royale il y a à peine quelques semaines, renferme un tel processus.

Il nous semble que, même si le processus doit être quelque peu modifié, parce que nous ne faisons pas nécessairement face au même problème, nous pouvons tirer d'intéressantes leçons du projet de loi C-205 qui, moyennant peut-être certaines modifications, pourraient être appliquées au projet de loi que nous étudions.

Le président: L'objectif de ce projet de loi est de retirer des recueils toute loi qui n'a pas été utilisée depuis dix ans. Auriez-vous objection à passer au processus dont vous parlez? J'essaie de voir comment nous pourrions l'incorporer.

M. John Mark Keyes, directeur, Orientations et perfectionnement législatif, Groupe de services consultatifs et perfectionnement, ministère de la Justice: Honorables sénateurs, comme M. Ricard l'a mentionné, il existe deux modèles, qui ont tous deux été abordés en juin devant votre comité. Le premier est le processus établi dans la Loi corrective. Le second se trouve dans le projet de loi C-205.

Je vais décrire brièvement chacun de ces processus et ensuite indiquer les leçons que l'on pourrait en tirer pour les appliquer au projet de loi S-12.

Dans les documents qui ont été distribués aux honorables sénateurs, vous trouverez un extrait tiré du guide intitulé: «Lois et règlements: l'essentiel.»

[Français]

Ce guide est intitulé: «Lois et règlements: l'essentiel.» On y trouve deux pages qui décrivent brièvement la nature de ce processus. C'est un programme établi en 1975 et administré par le ministère de la Justice. Il n'y a pas de fondement législatif pour le programme, il est basé sur une entente entre le ministère de la Justice, le Sénat et la Chambre des Communes.

[Traduction]

Le programme vise à présenter, au moment opportun, des amendements qui ne suscitent pas la controverse, sans avoir à attendre que ces lois soient rouvertes dans le cadre du processus normal de révision. L'adoption de ces amendements est assujettie à des critères rigoureux.

Le critère essentiel est que les amendements ne doivent pas susciter la controverse. En outre, les amendements ne doivent pas nécessiter l'engagement de fonds publics. Ils ne doivent pas porter préjudice aux droits de la personne et ne pas créer de nouvelles infractions ni soumettre une nouvelle catégorie de personnes à une infraction existante.

La Section des lois du ministère de la Justice a la responsabilité de réunir les propositions. Elle recueille les amendements proposés auprès de nombreuses sources. Périodiquement, en général chaque année ou tous les deux ans, elle réunit ces propositions dans un document qui ressemble à un projet de loi. C'est ce que l'on appelle les «propositions de modifications diverses.»

Ensuite, le ministre de la Justice dépose ce document à la Chambre des communes et au Sénat. Au Sénat, il est renvoyé à votre comité pour fins d'étude. À la Chambre des communes, il est renvoyé au Comité de la justice et des droits de la personne.

Chaque comité étudie ensuite les propositions déposées pour en évaluer les avantages et plus particulièrement, pour voir si elles respectent les critères, surtout si elles suscitent ou non la controverse. Si un membre de l'un ou l'autre des comités considère qu'une proposition est source de controverse, elle est retirée du document.

Une fois que les comités ont étudié les propositions et fait rapport en conséquence, notre ministère rédige un projet de loi établi à partir des rapports des comités. Essentiellement, on y trouve toutes les propositions qui ont l'appui des deux comités.

Le projet de loi est ensuite déposé par le ministère de la Justice. Il suit les étapes normales au Parlement, même si, en général, il est adopté assez rapidement parce que, essentiellement, les propositions ont déjà été étudiées. En résumé, c'est ce que l'on appelle le Programme de correction des lois.

Le programme ne repose pas sur une base législative et n'englobe que les questions non controversées qui font l'unanimité. Il nécessite également l'adoption d'un autre projet de loi pour que les amendements entrent en vigueur.

Ainsi, nous sommes d'avis que le programme n'est pas véritablement un véhicule permettant d'examiner les préoccupations entourant l'abrogation de dispositions qui ne sont pas entrées en vigueur.

Le deuxième processus est celui qui a été récemment enchâssé dans le projet de loi C-205.

Il porte sur le désaveu des règlements. Le document qui vous a été remis comprend également un diagramme décrivant le processus du projet de loi C-205 dans une série de cases. Essentiellement, le processus nécessite la production d'un rapport par le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation recommandant qu'un règlement soit révoqué. Ce rapport est déposé aux deux chambres du Parlement. Si aucun ministre ne soulève d'objections à l'égard de ce rapport dans un délai de 15 jours, il est réputé être adopté. Il devient un ordre émanant des deux chambres, le gouvernement est alors tenu de respecter cet ordre et de prendre les mesures nécessaires pour révoquer le règlement.

Le projet de loi C-205 renferme un processus permettant à un ministre de déposer une objection à ce rapport de révocation. Il prévoit un débat accéléré de la motion s'opposant au rapport et au vote qui sera pris dans les deux chambres. Si l'une ou l'autre des chambres rejette le rapport, les choses s'arrêtent là et le règlement est conservé. Si les deux chambres votent en faveur du rapport, le processus de révocation s'enclenche alors comme si aucune objection n'avait été soulevée.

En résumé, c'est le processus prévu par le projet deloi C-205 que vous voyez d'un côté de la feuille. À l'endos, vous trouverez un diagramme décrivant ce qui, à notre avis, pourrait être applicable au projet de loi S-12. Premièrement, cela commencerait, selon le libellé du projet de loi, par une liste des lois révoquées établie par le ministre de la Justice au début de chaque année. Cette liste pourrait être déposée au cours des cinq premiers jours de séance de chaque chambre au cours de chaque année civile. La liste serait ensuite renvoyée soit aux comités de chaque chambre, soit peut-être à un comité mixte. Ces comités devraient avoir la chance d'examiner la liste et de déterminer si toutes ces lois ou dispositions devraient être révoquées. Ils devraient être également en mesure de déterminer si, pour une raison ou pour une autre, certaines dispositions pourraient être conservées, à tout le moins encore un an.

Les comités feraient alors rapport à leur chambre respective et là encore, tout comme pour le processus du projet de loi C-205, si personne ne s'oppose au rapport, il sera réputé être adopté dans 15 jours de séance. Cela ferait en sorte de révoquer les lois et dispositions qui sont mentionnées dans les rapports des deux chambres. Cela se ferait automatiquement après l'adoption de ces rapports.

En outre, comme dans le projet de loi C-205, la proposition formulée inclut une procédure de contestation du rapport par un ministre de l'une ou un sénateur. Cette remise en question serait mise aux voix, à nouveau, dans le cadre d'une procédure accélérée. Si le résultat de ce vote était négatif, il n'y aurait alors pas de révocation. Par contre, si les deux chambres votent en faveur des rapports, les révocations se feront comme elles se font normalement.

Voilà ce que nous proposons comme processus modelé sur quelque chose qui existe et qui a récemment été adopté. Nous en avons également discuté avec notre ministre et il appuie ce genre d'approche en principe.

Le président: En effet, monsieur Keyes, vous recommandez quelques amendements de fond au projet de loi qui nous est soumis ce matin.

M. Keyes: C'est exact. Il s'agirait d'ajouter une série de dispositions permettant de mettre en place le processus que nous avons décrit ici.

Le sénateur Beaudoin: Je dois dire que je suis en faveur du projet de loi parce que le délai de dix ans semble raisonnable. Si une loi n'est pas entrée en vigueur depuis dix ans, quelque chose ne va pas. Vous êtes d'accord là-dessus, mais vous êtes contre, d'après ce que je comprends, le fait de mettre automatiquement de côté certaines dispositions. Vous avez dit que ces lois ne sont peut-être pas entrées en vigueur pour de bonnes raisons.

J'aimerais voir vos projets d'amendements parce que vous allez modifier le projet de loi si nous sommes d'accord. Si un projet de loi n'est toujours pas entré en vigueur après dix ans, je ne veux pas d'amendement nous obligeant à attendre encore dix ans avant que le projet de loi puisse être révoqué de la façon proposée. Le projet de loi sera peut- être mort.

Le sénateur Cools: Et nous aussi peut-être.

M. Keyes: Puis-je tenter d'apaiser vos inquiétudes? La procédure ne retarderait la révocation que d'un an.

Le sénateur Beaudoin: Un an?

M. Keyes: Oui, seulement un an. L'année suivante, la disposition figurerait à nouveau sur la liste. Là encore, la même procédure devrait être adoptée. Chaque année, il y aurait examen pour voir si les raisons justifiant de la conserver sont toujours valables.

Le sénateur Beaudoin: Prenons l'exemple d'une cause judiciaire. Supposons que le projet de loi concerne des droits acquis, comme dans le Code criminel, que neuf années se sont écoulées et qu'il n'est toujours pas en vigueur. Il faudrait faire quelque chose avec ce projet de loi, mais supposons que personne n'est d'avis qu'il y a toujours des droits acquis, que faisons-nous? Ne pourrions-nous pas le mettre de côté automatiquement? Est-ce que vous voulez qu'il y ait procès chaque fois que nous nous trouvons dans une telle situation? Cela m'inquiète. Vous avez probablement raison de dire que le processus ne devrait pas être entièrement automatique. Cependant, avec les amendements que vous proposez, je veux être certain que le projet de loi ne traîne pas éternellement dans les recueils. Est-ce que vous avez une bonne raison de proposer cela? La seule bonne raison que je vois, c'est un droit. La personne n'a pas prétendu avoir acquis des droits et il existe des circonstances extraordinaires. Ce n'est qu'après 11 ans que l'on voit que le projet de loi n'aurait pas dû être révoqué. Cependant, dix ans, c'est très long, on ne peut pas procéder ainsi éternellement.

M. Ricard: Je comprends ce que vous dites quand vous parlez de créer un processus relativement rapide. Le processus décrit par M. Keyes permet de régler ce problème parce qu'il est relativement simple et efficace, et les deux chambres le comprennent parce qu'il a été adopté dans un autre projet de loi.

N'oubliez pas non plus que nous parlons ici de dispositions qui ne sont pas en vigueur, elles ne confèrent donc aucun droit ni aucune obligation à qui que ce soit.

Je vais vous donner un exemple du type de justification qui me vient à l'esprit quand je me demande pourquoi dix ans ne sont pas suffisants. Il y a de nombreuses lois, la Loi sur les contraventions, par exemple, dont l'entrée en vigueur est tributaire des discussions constantes avec les provinces. Dans certaines provinces, les choses se passent raisonnablement bien depuis un bon bout de temps. Dans d'autres, c'est plus long.

C'est là un exemple où on pourrait prendre un certain nombre d'années, que ce soit cinq, dix ou 15, avant qu'il y ait entente permettant l'entrée en vigueur de certaines dispositions.

On pourrait dire la même chose des ententes et des traités internationaux ou, là encore, parfois, les ministres ou le Parlement pourraient souhaiter attendre que plus de pays ratifient les ententes avant que le Canada ne mette en vigueur un traité en particulier sur son territoire. C'est là le genre d'exemples qui nous ont été proposés pour appuyer un processus nous permettant d'adopter certaines exceptions.

J'aimerais mentionner une autre chose: n'oubliez pas que la responsabilité n'est plus la même ici. Il appartient maintenant au ministre de demander que la disposition soit maintenue. C'est là un changement important qui ne doit pas être passé sous silence.

Je ne suis pas ici pour dire que les exemples donnés par un ministère ou un autre sont bons ou mauvais, mais qu'il semble plutôt y avoir suffisamment de bonnes raisons d'avoir une discussion. Nous tentons de fournir un mécanisme de discussion permettant de déterminer pendant combien de temps une disposition pourrait être conservée. Les comités pourraient ensuite décider s'il existe une raison suffisamment bonne de les garder dans les recueils.

Le sénateur Beaudoin: Mais vous ne pouvez pas faire ça éternellement. Il y a des limites — dix ans, c'est dix ans. Nous avons une telle obligation dans le Code civil du Québec. Vous avez la même chose en common law. Si après 30 ans, il n'y a pas de réclamation ou de demande, vous perdez tout.

Je ne crois pas que cela aille à l'encontre de la Charte des droits. Il faut établir des limites.

Que se passe-t-il après dix ans? Est-ce que vous faites paraître un avis dans le journal indiquant que si personne n'est en mesure de réclamer des droits acquis, le projet de loi va disparaître? Peut-être que si vous aviez un mécanisme de ce genre, je l'accepterais. J'ai une certaine hésitation parce que dix ans, c'est dix ans.

Que ce soit en droit civil ou en common law, après un certain nombre d'années, il y a prescription. Pour moi, un délai de dix ans est raisonnable. S'il n'y a aucune réclamation ou demande, bien dommage, mais les jeux sont faits.

Monsieur le président, je serais prêt à accepter un avis indiquant que le projet de loi n'a pas été mis en vigueur dans les délais prescrits et que le ministre n'a pas été capable de prouver pourquoi il devrait être conservé et que, par conséquent, le projet de loi devrait mourir.

Le président: Avant de donner la parole à d'autres sénateurs, j'aimerais vous poser une question rapide, monsieur Ricard.

Premièrement, merci de nous avoir remis ce document très complet que vous avez préparé et qui décrit les projets de loi et l'étape à laquelle ils en sont. Il ne fait aucun doute que vous avez dû mettre beaucoup de temps et d'efforts pour préparer ce document.

Je remarque que deux lois complètes sont mentionnées. La Loi sur l'Institut canadien des langues patrimoniales n'a pas encore été mise en application et l'analyse démontre qu'elle devrait être révoquée. La seconde est la Loi sur les normes de consommation de carburant des véhicules automobiles. Dans vos notes, vous indiquez «aucune révocation, impact sur des tierces parties.» Pouvez-vous m'expliquer ce que cela veut dire, s'il vous plaît?

M. Ricard: Je ne suis pas la meilleure personne qui puisse vous répondre. Je suis certain que les fonctionnaires de Ressources naturelles Canada pourraient le faire bien mieux que moi.

Cependant, ce que je crois comprendre, c'est que pendant longtemps, l'industrie a accepté de se conformer volontairement à certaines normes. La loi existe et pourra être utilisée si le ministère ou le service estime qu'il est important de le promulguer.

Dans une certaine mesure, on considère que les objectifs de la politique gouvernementale sont atteints autrement qu'en recourant à la promulgation. On considère probablement que c'est un résultat satisfaisant. N'oubliez pas que la loi et le règlement ne sont pas les seuls instruments qui existent pour assurer la conformité, mais qu'ils sont souvent utilisés au besoin.

En fait, j'aimerais renvoyer la question aux fonctionnaires de Transports Canada.

Le sénateur Pearson: Merci d'avoir si bien éclairé notre lanterne au sujet de cette question. Sénateur Banks, je n'étais pas ici lors du dépôt du projet de loi, mais j'écoute aujourd'hui. Je suis certaine que le système ne souffrira plus d'un manque d'efficacité.

Ce qui m'intéresse particulièrement, ce sont des choses comme la Loi de mise en œuvre de la Convention sur les armes chimiques en droit international. Seule une section de cette loi n'est pas encore entrée en vigueur. On prévoit son entrée en vigueur si d'autres pays donnent leur assentiment ou, dans le cas de notre voisin du Sud, le retirent.

Si nous arrivons à trouver le bon amendement pour atteindre l'objectif que vous proposez, je vois qu'il y a certaines raisons de nous assurer que le processus n'est pas automatique. Je sais que dans le cas des conventions internationales, cela prend souvent des années avant qu'il y ait suffisamment de parties intéressées pour qu'elles entrent en vigueur à l'échelle internationale.

J'aimerais savoir ce que vous en pensez. Il me semble qu'en utilisant ce mécanisme une fois par année, les gens pourraient peut-être se sentir pressés. Parfois, les projets de loi ne sont pas adoptés parce qu'il doit y avoir une petite entente entre la province X et le gouvernement fédéral. L'entente repose sur le bureau de quelqu'un. Ce n'est pas par mauvaise intention.

À votre avis, le fait d'amender ce projet de loi exercera-t-il des pressions pour que certaines choses ne tombent pas dans l'oubli?

M. Ricard: Pour l'instant, il n'existe aucun mécanisme qui force qui que ce soit à expliquer pourquoi une disposition ou une loi n'est pas en vigueur dix ans après avoir été adoptée. Comme je l'ai dit tout à l'heure, le projet de loi S-12 impose un changement de responsabilité. L'idée est que la disposition en question serait automatiquement révoquée à moins que le ministre responsable dépose une motion indiquant pourquoi, à son avis, il est important de la conserver.

Comme M. Keyes l'a dit tout à l'heure, la prolongation est pour une période d'un an, et ensuite le processus s'enclenche à nouveau l'année suivante. Je pense que, au fil des ans, cela deviendra de plus en plus difficile. Si vous comparez le projet de loi S-12, même avec l'amendement, à la situation actuelle, je pense que cela change certainement beaucoup les responsabilités.

Le sénateur Joyal: Votre explication du projet deloi C-205 porte essentiellement sur l'aspect réglementation d'un projet de loi et n'aborde pas du tout les pouvoirs habilitants. Il existe une différence marquée entre les deux procédures: celle mise en place avec le projet de loi C-205, la seconde par le projet de loi S-12. En vertu du projet de loi C-205, d'après ce que j'ai lu et saisi de votre explication, un règlement est biffé d'une loi après production d'un rapport rédigé selon une procédure bien précise. Dans le cas du projet de loi à l'étude, il y a un règlement. Nous savons qu'il existe un comité mixte des deux chambres et que le processus est constant. Le système dispose d'un mécanisme intégré pour examiner les règlements qui deviennent désuets et il s'agit d'un processus accéléré. C'est certainement une bonne façon de procéder.

Le projet de loi à l'étude vise, d'après ce que je comprends, l'établissement d'un mécanisme automatique pour supprimer certaines lois qui ne sont pas entrées en vigueur depuis au moins dix ans. Votre objection est qu'il n'y a pas de mécanisme de sauvetage tel que, si un ministre devrait protester que le projet de loi ou les dispositions du projet de loi doivent être conservés, il serait valide pour seulement un an. Ainsi, on revient au point de départ chaque année, et ce, indéfiniment. Autrement dit, le système ferait en sorte qu'après un délai de dix ans, le projet de loi serait à nouveau «en piste» chaque année avec des arguments différents militant en faveur de la validité du projet de loi.

Je comprends ce que veut dire le sénateur Pearson lorsqu'elle a parlé des projets de loi qui ont des répercussions à l'échelle internationale auprès de gouvernements étrangers comme la mise en œuvre d'instruments internationaux et des conditions externes qui sont immédiatement hors d'atteinte pour le Canada. Je comprends que l'on veuille un mécanisme de sauvetage dans ce contexte. Cependant, en avoir un pour les lois habituelles, c'est autre chose, et je suis moins convaincu que ce projet de loi n'est pas approprié. Il n'est pas nécessaire d'avoir un mécanisme complémentaire qui soit, en un sens, parallèle à celui du projet de loi C-205, lequel porte essentiellement sur les règlements. Le sénateur Banks est certainement disposé à améliorer son projet de loi et je vois que nous avons des piles d'amendements qui ont été proposés après les audiences avec votre ministère. Ne pourrions-nous pas atténuer votre inquiétude en ajoutant une disposition au projet de loi à l'étude portant sur certaines circonstances exceptionnelles? Cela vous conviendrait-il?

M. Ricard: Nous donnons le projet de loi C-205 comme exemple d'approche à utiliser. À notre avis, l'avantage du projet de loi C-205 est que, bien qu'il porte sur un ensemble différent de questions, il pourrait être modifié ou adapté pour être utilisé dans le contexte du projet de loi S-12. Nous proposons cela parce qu'il semble y avoir des avantages à utiliser des mécanismes semblables plutôt qu'une myriade de mécanismes différents.

Cependant, l'idée derrière tout cela est plus importante que le mécanisme, c'est que nous avons besoin d'une approche équilibrée qui exerce de la pression sur les ministres pour les inciter à venir expliquer pourquoi, à leur avis, une disposition devrait être conservée, tout en leur donnant la chance de justifier leur position.

L'exemple de l'entente internationale est un exemple que nombre d'entre nous pouvons comprendre. Comme je l'ai dit tout à l'heure, d'autres exemples nous ont été donnés qui ne nous étaient peut-être pas aussi familiers, mais qui pouvaient être tout aussi importants. Je m'inquiète quand quelqu'un dit que l'on pourrait avoir une exception pour les ententes internationales mais pas pour d'autres dispositions. Il me semble que quel que soit le problème, que ce soit des ententes internationales ou autre chose, on devrait donner l'occasion à une personne qui a des arguments suffisamment convaincants de venir parler de la question, que ce soit en utilisant l'exemple décrit dans le projet de loi C-205, ou d'autres moyens. Je suppose que nous pourrions discuter de cette question plus en détail, mais en soulignant qu'il s'agit d'établir un équilibre entre les objectifs d'une part, et les réalités pratiques d'autre part.

Le sénateur Joyal: Quel est l'objectif du projet deloi C-205? Lorsque le comité mixte rédige un rapport déposé à la Chambre, le ministre doit ensuite faire connaître sa réaction. Le rapport provoque une réaction, mais qu'est-ce que fait le projet de loi? Le projet de loi provoque aussi une réaction, mais n'offre pas la même occasion de sauvegarder la loi ou la disposition. C'est ainsi que je comprends votre explication. En vertu du projet de loi S-12, un ministre peut sauver le règlement s'il a suffisamment de temps pour faire connaître son argumentation et si le projet est mis aux voix. Ainsi, il y a un mécanisme de sauvetage, mais il y a aussi une réaction qui est provoquée, par le comité.

La réaction est provoquée par le temps. Dans un cas, un comité étudie l'enjeu et en vient à une conclusion. En vertu du projet de loi que nous étudions, le mécanisme de réaction, c'est l'année civile — tournez la page et vous pouvez vous retrouver dans l'année où on peut entreprendre le processus.

Par conséquent, comment pouvons-nous nous assurer que le mécanisme déclencheur est approprié et qu'il n'est déclenché que pour la bonne raison comme l'examen des ententes internationales?

C'est, à mon avis, ce que nous devons prendre en compte si nous voulons atteindre les objectifs du sénateur Banks. Nos recueils renferment des lois ou des dispositions qui ne sont pas encore entrées en vigueur. Je partage les opinions du sénateur Beaudoin; je pense que dans une société libre et démocratique, les citoyens doivent savoir à quoi ils sont tenus. Ils doivent connaître leurs obligations et ce à quoi ils doivent s'attendre. Il ne doit pas y avoir de lois qui leur pendent toujours au-dessus de la tête et qui pourraient avoir des répercussions sur eux à tout moment. Le Parlement doit légiférer pour quelque chose — c'est une question de philosophie de base. Nous ne légiférons pas seulement pour accumuler des piles et des piles de lois, ou pour imposer plus d'obligations aux citoyens. Ce n'est pas le rôle du Parlement. Lorsque nous légiférons, c'est parce que nous avons un objectif spécifique en tête et des besoins spécifiques à combler.

Je crois que le projet de loi du sénateur Banks permet d'atteindre un objectif démocratique fondamental. Il est essentiel pour nous assurer d'atteindre un équilibre entre son objectif, que nous partageons autour de cette table, et le système adéquat permettant de tenir compte de certaines circonstances particulières. Je ne vois pas de contradiction comme telle entre les projets de loi C-205 et S-12 — sauf que dans le projet de loi S-12, nous devons donner la possibilité de sauver un projet de loi ou une disposition qui mérite un tel sort. Cependant, comme dans le projet de loi C-205, les ministres doivent donner des explications, après quoi le projet de loi est mis aux voix.

C'est un processus très lourd. C'est le processus législatif. C'est la raison pour laquelle j'estime que si vous nous présentez des suggestions sur la façon de compléter cela tout en respectant l'objectif du projet de loi, nous serions certainement convaincus que l'objectif du projet de loi que nous étudions a été atteint.

Je ne sais pas si je simplifie trop les choses, mais c'est ainsi que j'essaie de les comprendre.

M. Ricard: À mon avis, le mécanisme déclencheur du projet de loi C-205 est tout à fait différent de celui du projet de loi S-12, en ce sens que le projet de loi C-205 prévoit l'instigation d'un mécanisme — il y a un comité mixte permanent qui examine les règlements et ainsi de suite. Dans le contexte du projet de loi S-12, le simple passage du temps constitue l'effet déclencheur. Pour ce qui est des règlements, c'est un mécanisme très proactif; dans le projet de loi S-12, c'est certainement plus réactif. Avec le temps, on en arrive à un point où il y a inclusion automatique d'une disposition sur la liste. Une fois qu'elle est sur cette liste, cependant, peu importe comment elle y est arrivée, les protections qu'a décrites le sénateur Joyal en regard du projet de loi C-205 sont également englobées dans la proposition que nous présentons. Le rapport est déposé auprès de chaque comité de chaque chambre, le comité l'examine, fait son rapport, et cetera. Même si le mécanisme déclencheur peut être différent, une fois qu'il est engagé...

[Français]

Le processus devient, somme toute, assez similaire.

M. Keyes: Le résultat aussi est similaire. C'est l'abrogation d'un règlement, d'une loi.

Le sénateur Joyal: En fait, il n'y a pas de contradiction fondamentale entre l'effet recherché et la mise en place d'un système. Il s'agit de voir comment, à l'intérieur du fonctionnement, on donne la chance de sauver ce qui doit être sauvé, s'il y a lieu de le sauver. Et s'il y a lieu de le sauver, il faut qu'il y ait une volonté parlementaire de le sauver.

M. Ricard: Tout à fait.

Le sénateur Joyal: Ce n'est pas seulement le fait que le ministre dise: «Non, j'envoie une lettre, je suis d'accord, je garde cela.» On sait ce qui arrivera: dans la plupart des cas, la lettre sera signée.

[Traduction]

Le gouvernement est toujours hésitant à ne pas conserver quelque chose dans des livres. On présume que cela pourrait être utile un jour. Mettons ça au sous-sol; ça pourrait nous servir un jour. Il y a quelque chose dans ce projet de loi qui satisfait mes instincts démocratiques et ma perception du rôle du Parlement qui est plus qu'instinctive.

Comment pouvons-nous nous assurer, comme c'est le cas dans le projet de loi C-205, que nous avons un mécanisme de sauvetage? Je vous adresse également cette question.

[Français]

M. Ricard: Pouvez-vous répéter, s'il vous plaît?

Le sénateur Joyal: Comment voyez-vous la possibilité d'améliorer ou d'ajouter au projet de loi S-12 pour qu'on ait une capacité de conserver une loi ou une disposition d'une loi qui s'avérerait utile à garder dans les Lois du Canada?

M. Ricard: Pour l'instant, c'est le modèle dont M. Keyes parlait tantôt, un modèle qui ressemble beaucoup à celui utilisé à des fins réglementaires.

Je profite de l'occasion pour revenir à ce que vous disiez tantôt, qu'il ne devrait pas être suffisant pour un ministre d'écrire une lettre. Dans l'exemple que nous vous soumettons, le ministre devrait convaincre, parce que la motion que le ministre déposerait ferait l'objet d'un vote. Si la motion est rejetée, le rapport du comité est adopté, ce qui voudra dire que la disposition sera abrogée à la fin de l'année.

C'est un mécanisme qui, encore une fois, met de la pression sur le gouvernement pour expliquer les raisons qui justifieraient un délai additionnel. C'est une question de trouver l'équilibre.

Le sénateur Joyal: Est-ce qu'il y aurait une contradiction fondamentale à ce qu'on amende le projet de loi C-205 plutôt, et qu'on ajoute qu'après dix ans les statuts ou les dispositions qui ne sont pas adoptés ou proclamés sont automatiquement référés au comité qui en fait rapport? Je m'excuse parce que je n'ai pas lu la loi ce matin.

[Traduction]

C'est la Loi des textes réglementaires, et je me demande s'il pourrait être légalement correct d'inscrire la loi et non le règlement dans les textes réglementaires. Je ne veux pas me prononcer là-dessus parce que je n'ai pas les textes réglementaires sous les yeux.

[Français]

Je ne veux pas dire une énormité juridique. Est-ce que cela ne serait pas la façon de le faire?

[Traduction]

Autrement dit, on prendrait les clauses du projet de loi du sénateur Banks pour les ajouter aux textes réglementaires et en faire une nouvelle section. Au lieu d'un projet de loi autonome, il s'agirait d'une modification à des textes réglementaires qui inclurait les dispositions des lois selon le mécanisme du projet de loi C-205 après dix ans. Je vous offre quelque chose.

[Français]

M. Ricard: On pourrait certainement regarder cette option. Je remarque d'emblée, que dans le cas du projet de loi C- 205, on parle essentiellement de règlement, alors que dans le cas du projet de loi S-12, on parle de loi. Il s'agirait de voir si l'on peut regrouper tout cela. Il faudrait voir.

[Traduction]

Le sénateur Joyal: Notre attaché de recherche me remet la loi. Bien sûr, c'est une loi visant à modifier la Loi sur les textes réglementaires. Nous comprenons ce que l'on entend par «textes réglementaires.»

[Français]

Ce sont les textes réglementaires.

[Traduction]

Ce n'est pas la loi ou des dispositions. Essentiellement, ce sont les instruments. Je vais devoir me pencher à nouveau sur cette question.

Le sénateur Bryden: J'ai eu l'extraordinaire chance de siéger au Comité mixte permanent du Sénat et de la Chambre des communes sur l'examen de la réglementation pendant plusieurs années.

Le projet de loi C-205 constitue l'assise juridique d'un processus qui existait déjà par le biais d'un autre instrument. Les conseillers juridiques du comité mixte ont travaillé fort pour que l'on ait une base réglementaire permettant de régler des différends avec des ministères et des sous-ministres qui n'étaient pas d'accord au sujet de l'interprétation à donner à l'application des règlements. Un certain nombre de ces cas, je crois, dont il est question dans la partie qui porte sur la révocation des règlements, tiennent au fait que les règlements sont révoqués parce qu'ils ne sont pas utilisés ou parce qu'ils sont trop vieux.

Le rapport du Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation dit essentiellement que le comité a travaillé pendant sept ans avec le ministère pour l'amener à ajuster la réglementation pour la rendre conforme à la loi habilitante. Le comité n'a pas été capable de prendre une décision.

Par conséquent, il présente un rapport à la Chambre des communes. Cela est intégré à la loi. Le rapport est présenté à la Chambre des communes, qui peut aller de l'avant. Le rapport est adopté par la Chambre des communes et les mesures recommandées par le comité sont acceptées. Normalement, on veut révoquer le règlement. C'est la sanction qui est imposée.

Il y en a des masses chaque fois que l'on assiste à la réunion du comité. Certains ont cinq, six ou sept ans. La discussion se poursuit depuis tellement longtemps. Un moment donné, on envoie une lettre ultime au ministre lui indiquant qu'à moins qu'il soit d'accord avec le comité, ce dernier révoquera le règlement parce que le ministère ne respecte pas la loi.

Je trouve que le tableau que vous avez conçu pour montrer la situation réelle est très instructif. Mais quand on va au-delà du tableau, c'est beaucoup plus compliqué. Beaucoup de choses importantes se produisent avant même que l'on en soit rendu au tableau.

Si vous passez maintenant au processus proposé pour la révocation dans le graphique, le sénateur Joyal a raison de dire que c'est le comité mixte permanent qui déclenche le mécanisme. Le mécanisme du projet de loi S-12, c'est le temps — une loi est trop vieille.

Je ne crois pas que l'on puisse mettre l'avant-projet de loi du sénateur Banks dans la catégorie générale de la Loi des textes réglementaires parce qu'il s'agit de révoquer des lois qui existent. Le graphique prévoit une certaine possibilité d'agir. Le ministre est avisé. Le ministre dispose d'un délai fixe pour réagir. S'il ne le fait pas, le système suit alors son cours.

Il n'est même pas nécessaire de clore le débat ici. On dispose d'un délai précis pour débattre de la question. Ensuite, ça passe ou ça casse.

Présumément, s'il y avait une bonne explication, une loi n'apparaîtrait pas nécessairement sur la liste de l'année suivante parce que les gens sont d'accord pour dire qu'elle est là pour une bonne raison et qu'elle peut y rester. Peut- être pourrions-nous couvrir ce que l'on entend faire en rédigeant les dispositions de sauvetage et la procédure décrite dans ce graphique en l'intégrant au projet de loi du sénateur Banks.

Est-il possible de ramener cela dans une loi qui existe déjà? Il n'y a rien de mal à ce qu'un projet de loi qui porte spécifiquement sur cette question devienne trop vieux sans avoir reçu la sanction royale, de façon à ne pas causer d'incident diplomatique ou international.

Monsieur le président, nous avons ici vraiment l'occasion de tirer profit de la préoccupation du sénateur Banks, de son projet de loi et de votre préoccupation pour nous assurer que rien n'est éliminé par inadvertance simplement parce que tout est regroupé sous le même parapluie. Faisons en sorte que le mécanisme déclencheur soit un certain nombre d'années et incluons la disposition de sauvetage. C'est peut-être ce que vous proposez ici aujourd'hui.

Je ne crois pas qu'il soit nécessaire de nous rendre jusqu'en haut du graphique. Le ministre de la Justice établit sa liste, laquelle active le déclencheur et vous avisez les ministres.

Le président: Vouliez-vous réagir à cela, monsieur Ricard?

M. Ricard: Seulement pour dire que ce que vous décrivez ici est tout à fait conforme à notre proposition d'aujourd'hui, c'est-à-dire essentiellement de proposer un amendement. Il y a d'autres questions au sujet desquelles nous avons proposé des ébauches de texte. Dans ce cas-ci, nous avons choisi de ne pas le faire parce que nous voulions avoir une discussion plus large. Cependant, si le comité le désire, nous pouvons rédiger un texte qui respectera les paramètres de ce que l'honorable sénateur vient tout juste de décrire et qui se reflétera dans le document que nous avons distribué, nous nous ferons un plaisir de le faire.

Le sénateur Joyal: J'écoutais le sénateur Bryden décrire comment les choses traînent pendant des années et des années au Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation. C'est le facteur temps qui crée tant d'impatience et qui fait que le comité rédige un rapport sur cette question.

Je me souviens très bien, tout comme mes collègues autour de la table, lorsque nous avons décidé d'adapter la Loi sur les langues officielles, mesure qui a été provoquée par la réévaluation de la loi par le Comité mixte permanent sur l'examen de la réglementation. Il y a eu des discussions entre les ministères pendant des années.

Nous savons comment le gouvernement pense parfois. On attend l'arrivée d'un nouveau ministre de sorte que les gens vont oublier le problème. Essentiellement, le temps tue tout. Je crois que le facteur temps est l'élément essentiel qui sous-tend le travail du Comité sur les textes réglementaires. C'est la même chose avec ce projet de loi. À vrai dire, il n'y a pas tellement de différences entre les deux.

Le sénateur Andreychuk: Nous n'envisageons pas une exemption pour l'ensemble du travail du gouvernement, n'est- ce pas? Certes, la plupart des lois et règlements doivent entrer en vigueur dans un délai de dix ans. Est-ce que nous allons créer des exemptions pour les cas peu communs?

Je suis entrée durant la discussion sur les traités internationaux. On impose des délais aux traités plus souvent maintenant. Il y a certains vieux dossiers qui remontent à la surface lorsqu'il y a suffisamment de pays signataires. Aujourd'hui, la majorité des traités imposent des limites de temps. L'avenir nous dira ce qui en est.

Par contre, si vous deviez examiner des conventions internationales en sachant qu'il n'y a pas de limite de temps pour les faire respecter, est-ce que vous ne l'intégreriez pas dans le projet de loi suivant? Autrement dit, on exempterait la loi pertinente du projet de loi S-12. Il me semble que ce serait une autre façon de procéder. Un instrument international peut être assorti d'un délai de mise en œuvre inconnu — cinq ou dix ans ou un autre délai — et une partie autre que le Canada pourrait être l'élément déclencheur. Ne feriez-vous donc pas de ce cas une exception au projet de loi S-12? Vous pourriez intégrer cela dans le projet de loi. Il me semblerait que ce serait plus proactif que de dire que nous avons eu certains dilemmes dans le passé. J'espère que nous intégrerons des exceptions aux projets de loi futurs plutôt que d'avoir des exemptions d'office. Ainsi, le mécanisme déclencheur serait plus responsable. Cela respecterait le droit du public de savoir ce que l'on attend de lui. Dix ans, c'est long dans la vie d'une personne, d'un gouvernement et d'un Parlement. J'espérais que cela irait dans l'autre sens. N'avez-vous pas réfléchi à cela?

M. Ricard: Merci, sénateur. Vous avez raison de nous rappeler à tous que le projet de loi S-12 porterait sur un petit nombre de lois ou de dispositions dans l'absolu. C'est quand même un nombre important, mais relativement parlant, ce n'est pas si mal.

La dernière fois que nous avons comparu devant le comité, en juin, ceux d'entre vous qui étaient présents se souviendront sans aucun doute de la discussion visant à déterminer dans quelle mesure la réponse n'était pas le projet de loi S-12, mais plutôt la modification de la disposition sur l'entrée en vigueur de chaque élément de la loi de façon à ce qu'on ne laisse pas la porte ouverte à n'importe quoi. Il y a eu une bonne discussion sur cette question, qui était une approche légèrement différente de celle que vous proposez maintenant.

La suggestion qui est faite maintenant est essentiellement d'avoir une clause nonobstant. Par exemple, on ajouterait au projet de loi «nonobstant le projet de loi S-12, ce projet de loi peut rester dans les recueils pendant de nombreuses années», ou un libellé semblable.

Le sénateur Andreychuk: Il faudrait prouver pourquoi c'est une exception, le Parlement en serait saisi et rendrait ensuite une décision.

M. Ricard: Cela se ferait au moment du dépôt du projet de loi.

Le sénateur Andreychuk: Exactement.

M. Ricard: Là encore, je n'ai pas la liberté de parler de cela aujourd'hui parce que nous n'en avons pas discuté à l'interne. Si votre comité veut que nous poussions notre étude, nous serons heureux de le faire et de vous faire rapport à nouveau.

Le sénateur Banks: J'espère que le comité acceptera que je prenne un peu de temps pour réfléchir à ce dont nous avons parlé aujourd'hui, pour étudier la question comme il se doit. J'ai beaucoup de choses à dire, mais j'aimerais être éclairé par ce que nous avons entendu aujourd'hui.

Le président: Je n'y vois aucun problème, sénateur Banks.

[Français]

Le sénateur Beaudoin: J'abonde dans le même sens. Je n'ai pas pu étudier à fond les textes qu'on nous a préparés ainsi que le plan. Il y a certainement quelque chose d'intéressant dans cela. J'aimerais relire les explications fournies par le sénateur Joyal.

On peut toujours proposer des amendements, mais à un moment donné il faut y réfléchir en profondeur. J'aimerais peut-être attendre à la prochaine séance pour donner mon avis final.

[Traduction]

Le président: J'en prends bonne note.

Le sénateur Banks: J'ai discuté en détail d'un certain nombre d'amendements avec les témoins d'aujourd'hui, et avec lesquels nous sommes d'accord. Nous devons en discuter plus en détail.

Le président: Ce n'est pas un problème, sénateur Banks.

Au nom du comité, je remercie MM. Ricard et Keyes d'avoir comparu aujourd'hui.

La séance est levée.


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