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Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles

Fascicule 10 - Témoignages, Séance de l'avant-midi


WINNIPEG, le mardi 21 octobre, 2003

Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 9 h 04 pour étudier l'éducation au sein des communautés minoritaires de langues officielles.

L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Nous sommes très heureux d'être à Winnipeg aujourd'hui.

Avant de commencer la réunion et d'entendre nos témoins, j'aimerais présenter mes collègues.

Le Dr Wilbert Keon est vice-président du Comité des langues officielles. Je suis certain que la plupart d'entre vous connaissent déjà le Dr Keon ou ont entendu parler de lui. Il est un cardiochirurgien au grand coeur, et il est un membre très précieux de ce comité.

[Français]

Je n'ai probablement pas besoin de présenter, dans cette région, madame le sénateur Chaput, notre Franco- manitobaine, une très bonne collègue que nous apprécions beaucoup.

Je vous présente, de la Baie Sainte-Marie en Nouvelle-Écosse, le sénateur Gerald Comeau. De la province du Nouveau-Brunswick, son pays, madame le sénateur Viola Léger, comédienne, que vous connaissez sans doute comme la Sagouine, rôle qu'elle interprète depuis 30 ans.

Le sénateur Léger: Trente ans, je pense.

La présidente: Je vous présente aussi notre assistante, la recherchiste du comité, Mme Marie-Ève Hudon, le greffier du comité, M. Tõnu Onu, et M. Richard Morel, mon adjoint spécial à la recherche. Si vous avez des questions, vous pouvez leur demander.

En commençant, je veux remercier le Centre culturel franco-manitobain.

Ces rencontres à l'extérieur du Canada, ces audiences publiques, si l'on peut dire, sont une première pour un comité parlementaire des langues officielles. Je crois qu'il était temps.

Voici un bref historique sur le Comité des langues officielles. Depuis la Loi sur les langues officielles, celui-ci a toujours été un comité mixte, c'est-à-dire, avec la participation de la Chambre des communes et du Sénat.

Depuis un an, le Sénat a son propre comité. Nous sommes chanceux de tenir ces audiences à l'extérieur d'Ottawa.

Les membres du Comité ont décidé de se pencher sur l'éducation en français dans les communautés en situation minoritaire parce que l'éducation est fondamentale pour la survie.

Le comité est fier de démontrer son intérêt face aux besoins des communautés francophones du Manitoba et de la Saskatchewan, que nous entendrons demain. Aujourd'hui, tous nos témoins sont du Manitoba. Nous aurons des fonctionnaires provinciaux, des représentants communautaires et des délégués du secteur de l'éducation.

Nous commençons tout de suite car vous n'êtes pas venus ici pour m'entendre. Vous êtes ici pour entendre nos témoins. Monsieur Daniel Boucher, qui est de la Société franco-manitobaine, nous fera un survol général de la communauté franco-manitobaine.

M. Daniel Boucher, président-directeur exécutif, Société franco-manitobaine: Il nous fait énormément plaisir de vous accueillir aujourd'hui. Nous sommes honorer de vous avoir dans la communauté et de pouvoir partager nos idées sur l'éducation en français au Manitoba.

Aujourd'hui, je vais vous dresser un portrait de la communauté francophone à partir d'une initiative que nous avons amorcée en 2001.

Je vous demande de m'excuser, parfois cela peut me prendre un peu de temps car j'ai des problèmes d'asthme.

Vous avez devant vous un dépliant qui s'intitule: Agrandir l'espace francophone au Manitoba. Je vais faire la toile de fond, dans ce contexte, pour expliquer où en est rendue la communauté et comment celle-ci a changé. C'est important pour ce que vous allez discuter aujourd'hui ainsi que dans le contexte pancanadien parce que les communautés francophones et acadiennes ont changé énormément.

Nous avons un nouveau visage. Ce n'est pas la même communauté d'il y a 20 ans, 30 ans. C'est une communauté qui a de différentes influences. Il n'y a aucun doute que c'est une communauté qui demeure francophone, forte et vibrante.

Cette communauté a de nouveaux visages. On peut parler d'immigration, de couples exogames. C'est un autre défi avec lequel nous travaillons.

C'est dans ce contexte que nous avons préparé cette stratégie de 50 ans, pas 5 ans, mais 50 ans, pour la communauté francophone du Manitoba.

Cette stratégie est basée sur cinq orientations majeures. Vous les retrouvez dans le dépliant à la page 3. C'est de cette stratégie et de ses orientations dont je vais discuter aujourd'hui. Je tenterai de mettre un peu la table pour les autres présentations.

Si vous allez à la page 8 du dépliant, vous verrez des statistiques qui sont inquiétantes. Nous, la communauté, les avons regardées et nous nous sommes dits qu'il fallait agir. C'est la raison pour laquelle nous avons établi cette stratégie. Nous devons avoir des orientations différentes.

À la page huit, dans le graphique, il y a trois lignes qui vous situent la communauté. Si vous regardez la ligne de la langue parlée à la maison, elle est en décroissance. Cela peut être inquiétant.

D'un autre côté, il y a tout le phénomène des mariages mixtes. Il y a beaucoup de personnes qui sont mariées à des anglophones. La langue parlée à la maison est surtout l'anglais parce que le conjoint ne parle pas français.

Ce que nous avons constaté est que ces parents choisissent nos écoles françaises. C'est encourageant. Nous ne les voyons pas partir. Beaucoup de ces parents envoient leurs enfants à l'école française pour transmettre le français à leurs enfants.

Malgré le fait qu'ils parlent anglais à la maison, de façon générale, ils choisissent quand même la francophonie. C'est très important.

Ce chiffre peut être inquiétant mais, en même temps, ce n'est pas la fin du monde si on le regarde dans ce contexte.

La langue maternelle, encore une fois, est à la baisse. Évidemment, le taux de natalité est à la baisse et nous ne pouvons pas faire grand-chose à ce sujet. C'est le choix des individus. Le taux de natalité est évidemment une grande préoccupation pour nous. D'un autre côté, nous sommes à étudier ce point. Lorsque nous parlons de langue maternelle, il faut faire attention comment nous la définissons.

Deuxièmement, lorsque nous définissons langue maternelle, il y a peut-être des définitions, dans le recensement, qui pourraient être revues. Nous avons tendance à mettre des gens dans des boîtes, dans des cases et cela peut être inquiétant aussi.

Le troisième ligne que vous voyez, celle du haut, est quand même la plus importante. C'est la connaissance du français au Manitoba. Elle est à la hausse. Environ 10 p. 100 de la population, au Manitoba, parle le français et l'anglais. La statistique est très encourageante.

Environ 4,8 p. 100 de ces personnes sont des francophones et les autres sont des anglophones qui ont appris le français. Il y a environ 16 000 à 17 000 étudiants qui sont en école d'immersion. Nous avons 5 000 étudiants dans notre système scolaire francophone. Cela fait quand même plusieurs personnes qui valorisent le français.

Notre objectif est de donner une valeur à la langue française et d'assurer qu'elle continue à grandir et à s'épanouir dans l'avenir.

Je vais, dans ce contexte, retourner aux orientations et vous parler de façon générale des cinq orientations.

La première orientation est la pleine continuité francophone. C'est de renforcer les institutions qu'on a présentement. C'est de se donner des outils pour continuer à s'épanouir comme francophones. Vous allez entendre aujourd'hui des témoins qui vous parleront de concepts tel que la petite enfance. Ils vous parleront de tout le continuum, qui va de la petite enfance au post-secondaire, qui est absolument essentiel pour les communautés comme la nôtre. Ce sont des concepts qui vont faire que notre communauté va continuer à s'épanouir.

Nous voulons aussi renforcer nos acquis. Cela nous prend des ressources. Il ne s'agit pas de calquer ce qui se fait en anglais. Il s'agit de faire des choses pour nous, par nous, dans la communauté francophone. Ce sont des concepts très importants au niveau de la continuité francophone.

Nous devons être en mesure de tailler notre propre avenir. Ce n'est pas une question de traduire mais bien de faire et de créer nos propres orientations.

Nous avons pris du recul pendant plusieurs années. L'assimilation a fait ses ravages. Il est important d'avoir des ressources adéquates pour faire un certain rattrapage. Nous avons beaucoup à faire pour nous amener à un niveau qui fera que notre communauté aura tous les outils possibles pour continuer à s'épanouir. Nous vivons au Manitoba et, comme dans bien d'autres communautés francophones, acadiennes et autres communautés au Canada, nous sommes minoritaires.

Nous ne nous voyons pas comme des victimes. Nous sommes des gens qui font partie d'une grande communauté. Nous sommes très fiers de vivre au Manitoba. Nous sommes partenaires avec la majorité et nous sommes bons partenaires. Il nous faut trouver les moyens de travailler ensemble. Il s'agit d'avoir les moyens de trouver où la communauté de langue minoritaire va pouvoir s'épanouir dans cette majorité. Nous ne changerons pas cette situation et nous n'avons pas l'intention de la changer. Ces concepts sont très importants au niveau d'une communauté. Une communauté qui a sa place, qui prend sa place et qui veut s'épanouir.

La deuxième orientation est de donner le goût du français aux familles mixtes. Je parlais, tout à l'heure, du phénomène d'exogamie. Sept enfants sur dix dans nos écoles françaises sont de mariages exogames. Sept sur dix!

C'est un phénomène dont nous devons tenir compte. Nous ne devons pas nous retourner et l'ignorer. Nous devons trouver les moyens de travailler dans ce contexte. Il y a toutes sortes d'idées qui vont avec ce phénomène. Nous pouvons faciliter davantage — déjà nous en faisons beaucoup —, nous pouvons assister davantage à l'apprentissage du français au conjoint qui ne parle pas le français. Nous pouvons trouver des moyens, à l'intérieur des écoles, pour inclure le parent anglophone sans compromettre toute la question d'une école française. Il y a toutes sortes de façons de regarder cette situation.

Cela prend du temps. Cela prend de la créativité et du courage. Ce n'est pas facile. Nous en sommes rendus là comme communauté. Nous avons fait ces constats. Lorsque nous faisons un constat, il s'agit de le regarder en pleine face et d'agir en conséquence.

Nous voulons donner le goût du français aux mariages mixtes parce que c'est une réalité. Aujourd'hui, c'est sept sur dix mais ce sera probablement neuf sur dix dans moins de dix ans.

Lorsque nous regardons cette situation, nous voulons renforcir notre communauté. Nous voulons nous assurer que ces enfants viendront dans nos écoles, qu'ils étudieront en français au post-secondaire et qu'ils se développeront dans nos communautés au niveau culturel, économique, et cetera. C'est donc important de les avoir et de les inclure dans notre communauté. Ce sont des concepts très importants.

Nous faisons beaucoup de choses dans ces deux premières orientations. La première est importante et la deuxième aussi, au niveau du continuum. Il est important de commencer à un bas âge. Vous entendrez parler des experts tout à l'heure. Je ne suis pas un expert. Je peux vous assurer qu'il est important de prendre en charge nos jeunes au tout début lorsque vient le temps de l'apprentissage du français. Il faut leur donner le goût du français.

Que ce soit dans un mariage mixte ou non, il est important que nous ayons les outils pour le faire et pour les amener dès l'âge de deux, trois ans jusqu'au post-secondaire parce nous avons des institutions extraordinaires dans notre communauté. Il s'agit maintenant de trouver les meilleures façons d'inclure les gens pour qu'ils en fassent partie.

La troisième orientation est le choix des nouveaux arrivants. Nous avons fait énormément de travail à ce niveau au cours des dernières années. Encore une fois, j'en reviens à ce que je disais au début. Nous avons une communauté qui change. Nous avons une communauté qui a changé. Ce n'est plus la communauté homogène que nous avions. Ce n'est plus la communauté de souche franco-manitobaine. C'est une communauté qui est inclusive et qui a différents visages.

C'est important que nous travaillions dans ce contexte et que nous nous adaptions. Ce n'est pas facile. Il n'y a personne qui dit que c'est facile. Mais il faut voir et prévoir. Il faut s'assurer d'avoir les moyens d'inclure et d'accueillir de plus en plus de nouveaux immigrants dans notre province et de francophones de partout à travers le monde.

Nous avons la capacité de le faire. Nous avons les institutions pour le faire. Nous sommes à mettre sur pied une structure d'accueil. Il s'agit, comme communauté, de se donner le mot et de dire que c'est important d'accueillir ces gens.

C'est une orientation que nous avons prise depuis quelques années. D'ailleurs, la Société franco-manitobaine est très fière d'avoir reçu, la semaine dernière, le certificat du mérite civique du ministre de l'Immigration et Citoyenneté Canada pour le travail de la communauté. Nous l'avons reçu au nom de la communauté parce que, depuis quatre ou cinq ans, nous avons fait énormément de travail ensemble dans ce dossier.

La quatrième orientation est le rapprochement avec les personnes bilingues. Nous avons 10 p. 100 de la population, au Manitoba, qui parle les deux langues officielles. Il s'agit de prendre avantage de cette situation. Il s'agit de travailler avec des anglophones qui parlent le français, qui ont le goût du français. Il s'agit de donner une valeur importante au français, donner une valeur à cette langue importante, que ce soit dans l'Ouest canadien, en Acadie ou n'importe où. C'est important que la langue française ait une valeur et qu'elle garde sa valeur.

Beaucoup d'anglophones, qui apprennent le français, peuvent nous aider. Ils peuvent être des alliés pour faire avancer cette belle langue. Pour nous, c'est très important.

Finalement, il y a la sensibilisation des anglophones. Comme je l'ai dit, nous sommes minoritaires. Les francophones représentent 5 p. 100 de la population au Manitoba. Nous devons nous arranger avec la majorité. Cela aide un peu de s'arranger avec eux lorsqu'il y a 95 p. 100 de l'autre côté.

Nous avons développé de bonnes relations avec cette majorité. Certains sont des partenaires. Certains sont des alliés. Ils parlent de la francophonie à leurs amis anglophones. Ils parlent de la francophonie en anglais aux anglophones. Ils leur disent que la francophonie est importante. Toute cette aide est absolument essentielle pour que la communauté s'épanouisse.

J'en reviens à la toile de fond. Elle met un peu la table pour l'ensemble des secteurs et clientèles de notre communauté.

Le secteur de l'éducation est un secteur absolument critique dans notre communauté. Je parlais tout à l'heure du continuum. Il est absolument critique d'appuyer ce point de vue. Je parlais tout à l'heure du post-secondaire. Nous avons une institution post-secondaire extraordinaire au Manitoba. Il s'agit de la faire grandir et de continuer le beau travail que nous avons fait déjà.

Nous avons vraiment besoin davantage de ressources pour faire les choses pour nous et par nous, dans notre communauté. Nous sommes bien partis. Nous avons une bonne réputation, au niveau pancanadien, au Manitoba. La réputation d'être une communauté bien organisée et qui travaille bien ensemble. Nous en sommes très fiers.

Cette toile de fond est vraiment très ambitieuse. Cela fait peur. Il y a des sujets dans cette toile de fond qui ne sont pas des concepts. Nous n'avons jamais parlé de ces sujets dans le passé. Aujourd'hui, la communauté a eu le courage de vraiment dire qu'elle était sa situation. Pour l'avenir, elle veut poser des gestes très concrets vers cette orientation.

En terminant, je suis certain que vous allez entendre aujourd'hui beaucoup de bonnes idées de mes collègues de la communauté qui vous dresseront un portrait d'un secteur très important, celui de l'éducation. Ils vous donneront un aperçu de l'importance et comment il est critique d'appuyer les communautés dans ce secteur et à tous les niveaux pour que nous soyons en mesure de répondre dans 50 ans. D'arriver dans 50 ans et, que celui ou celle qui fera le rapport, — ce ne sera pas moi — pourra dire que nous avons réussi parce que nous avons posé les gestes et nous avons eu l'appui de gens comme vous. Dans notre cas, nous avons eu l'appui du gouvernement fédéral et celui de la province du Manitoba. Tous ces sujets sont absolument critiques.

Nous voulons des partenaires. Nous voulons travailler avec vous et comptons sur votre appui. Nous savons que nous l'avons de gens comme vous. Alors, je vous remercie beaucoup.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, Monsieur Boucher. Chers collègues, nous avons dix minutes pour une ronde de questions. Je vais commencer par le vice-président du comité, le sénateur Keon.

[Traduction]

Sénateur Keon, j'aurais dû le mentionner tout à l'heure lorsque je vous ai présenté, mais je viens d'apprendre que vous avez été élu président du International Surgical Group. Félicitations.

C'est maintenant à vous de poser des questions.

Le sénateur Keon: Merci, monsieur Boucher, pour cet exposé fort intéressant. Il me semble que l'éducation soit effectivement le principal problème auquel les francophones hors Québec sont confrontés. Les systèmes éducatifs sont extrêmement bons aux niveaux primaire et secondaire. Mes propres enfants ont fait leurs études primaires et secondaires dans le système éducatif de langue française, et c'était excellent.

Cependant, après l'obtention du diplôme d'études secondaires, les francophones n'ont pas facilement accès à l'enseignement postsecondaire. S'ils habitent le Québec, ils peuvent faire des études postsecondaires dans la plupart des domaines, et c'est la même chose à Ottawa. Au Nouveau-Brunswick, ils peuvent faire des études postsecondaires dans beaucoup de domaines. Par contre, s'ils sont ailleurs au Canada, ils ne peuvent vraiment pas faire des études universitaires en français.

Je sais que le ministre Dion essaie de construire des ponts dans le processus éducatif. Je suis au courant des liens qui existent entre l'Université d'Ottawa et certaines autres universités de langue française. Cependant, il me semble que les ressources — particulièrement celles des universités de langue française — ne sont pas utilisées comme elles le devraient, par exemple en offrant des programmes à l'Université du Manitoba, et ainsi de suite.

Pourriez-vous nous dire comment vous pensez qu'on pourrait corriger ce problème?

[Français]

M. Boucher: Je ne suis pas un expert dans le domaine. Madame Gagné, du Collège universitaire de Saint-Boniface, va certainement pouvoir vous parler du côté post-secondaire et mes collègues aussi.

J'aimerais vous mettre dans le contexte. Nous tentons de bâtir une communauté plus large, qui répondra à des besoins lors de l'arrivée au post-secondaire et qui permettront aussi aux gens d'avoir l'occasion d'utiliser le français dans différents domaines, que ce soit la santé, par exemple.

Dans plusieurs domaines, il y a un manque de ressources humaines. Nous voulons former davantage de ressources humaines pour donner des services. Il y a un genre de roue qui se prépare. Nous avons une pénurie de médecins, d'infirmières, et cetera. Les francophones ne sont pas les seuls.

Nous voulons créer des programmes post-secondaires pour nous permettre de répondre à tous ces besoins. Nous avons déjà le Collège universitaire de Saint-Boniface. Je vous donne seulement un exemple, mais il y en a plusieurs autres.

Il nous faut utiliser de façon stratégique nos institutions post-secondaires et notre système scolaire pour arriver à répondre à des besoins spécifiques et des services nécessaires pour notre communauté. Encore une fois, le continuum commence, peut-être un peu tard, mais c'est dans cette optique que nous voulons le faire.

Vous avez raison de dire que l'éducation est centrale et absolument essentielle. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais il faut avoir les ressources nécessaires. N'oubliez pas que nous travaillons dans un contexte minoritaire et nous avons différents besoins. Mes collègues pourront vous donner plus de détails à ce sujet, mais ce n'est pas le même contexte.

Je reviens sur le fait que ce n'est pas le même contexte que de tout simplement prendre le prorata et dire que l'université X reçoit 12 millions et l'université Y reçoit 15 millions et, vous, vous allez recevoir le prorata. Nous avons énormément de développement à faire. Nous vivons dans une situation différente. Nous avons notre propre programmation à développer. C'est la même situation pour notre niveau scolaire et pour la Division scolaire franco- manitobaine. Nous devons faire les choses pour nous, par nous. C'est absolument essentiel.

Le sénateur Comeau: Je poursuis dans le sens du sénateur Keon. La question de l'éducation est absolument essentielle à l'avancement de la communauté. Il y a aussi la question de la communauté même et de l'attitude de celle-ci envers la continuation et la valorisation du français dans la communauté.

Votre communauté franco-manitobaine maintient-elle la valeur du français? Pour être plus spécifique, est-ce que vos stations-service, vos barbiers, vos coiffeurs, les gens de la communauté ont-ils cette attitude que le français offre de la valeur? Lorsqu'ils vont dans les hôpitaux, qu'ils doivent parler en anglais. Lorsqu'ils écoutent la radio ou la télévision, et que c'est presque tout en anglais, où se situe votre communauté franco-manitobaine dans ce contexte?

M. Boucher: C'est une question complexe. La communauté franco-manitobaine a une histoire qui est assez spéciale. Nous avons eu des hauts et des bas. Il y a plusieurs années, les gens disaient que nous ne serions plus ici. Grâce à bien des gens, nous sommes encore ici et grâce à eux, nous continuons à être ici et encore grâce à eux, nous serons encore ici pour bien des années.

Oui, dans un contexte minoritaire, il y a des défis pour la communauté. Il n'y a aucun doute à ce sujet. Mais nous nous donnons de plus en plus d'outils à tous les niveaux, dans tous les secteurs. Il est absolument important de se donner des outils.

Regardons au niveau économique. Il y a cinq ans très peu de choses se passaient à ce niveau. Maintenant, nous avons de plus en plus d'entrepreneurs francophones. Nous avons de plus en plus de gens qui s'affichent dans les deux langues officielles. Nous avons de plus en plus de gens qui font des affaires en français un peu partout, que ce soit au Canada ou à travers le monde. Ils sont fiers de le faire.

Ce sont des concepts qui se développent, qui étaient toujours là, mais qui continuent de se développer. Nous avons une communauté qui a passé des moments difficiles. Je l'ai dit au début, nous ne nous voyons pas comme des victimes. La communauté se prend en main et nous le voyons dans nos villages. Oui, il y a de l'anglais autour de nous, cela fait partie de la vie de tous les jours. Nous ne pouvons l'ignorer. Il n'y a personne qui dit que la vie est parfaite.

De plus en plus de gens voient le français comme un atout important. Avec tous ces gens, dont les anglophones qui ont appris le français et qui l'utilisent, cela vient ajouter à la valeur du français au Manitoba. C'est très important.

À Winnipeg, l'affichage va changer complètement dans les deux prochaines années. Ils vont changer toutes les affiches. Ils vont faire un nouveau système. C'était automatique que ce soit dans les deux langues officielles. Ce n'est plus une question maintenant et les gens l'acceptent.

J'ai été à une rencontre la semaine dernière et nous parlions d'un certain secteur qui allait avoir l'affichage. Ils nous ont montré un exemple, c'était seulement en anglais. Il y a un anglophone qui s'est levé la main et a demandé où était le français.

Ce que je disais tout à l'heure au niveau de notre relation avec la majorité est qu'il y a beaucoup de gens qui donnent de la valeur au français. Le maire de Winnipeg parle le français. Nous avons plusieurs ministres et députés qui parlent le français.

Tout le contexte est vraiment très favorable à la communauté. Nous avons bâti de très bonnes relations, nous nous respectons et nous travaillons très bien ensemble. Nous avons 15, 16 ou 17 municipalités bilingues. C'est quand même assez impressionnant pour le Manitoba. Il y a des régions qui sont fortement anglophones mais elles se déclarent des municipalités bilingues.

Tout cela vient valoriser le français, améliore l'affichage et fera en sorte que la langue dans trois, quatre ou cinq ans sera vue de façon très positive. Elle l'est déjà, mais nous continuons à bâtir.

Le sénateur Comeau: Très impressionnant. Merci, monsieur Boucher.

Le sénateur Léger: Quel plaisir de vous entendre! Je trouve que c'est réaliste aujourd'hui quand vous dites que sept sur dix sont des mariages exogames.

Le graphique, le dernier, où vous montrez que la connaissance du français est en croissance. Je trouve que c'est encourageant parce que c'est la réalité d'aujourd'hui. On ne l'évite pas.

Il est rare de voir sur un graphique de statistiques une ligne en croissance sur la connaissance du français dans les communautés minoritaires. C'est toujours le contraire. Les statistiques nous disent que nous sommes tous assimilés, que nous perdons notre langue. Est-ce que la raison est que l'on ne pose pas les bonnes questions? Est-ce que Statistique Canada n'a pas la vision d'ici 50 ans, comme vous l'avez fait?

Je suis émerveillée. Ce n'est pas plus compliqué que ça. Je trouve très réel que le français soit valorisé. Je suis d'accord avec vous que cela n'effacera pas nos luttes pour ajouter des hôpitaux en français, de faire un pas, mais la réalité est telle quelle.

Hier soir, à la télévision, j'ai vu Madame Morris, je suis tellement émerveillée. Elle a ses sept enfants et ils ont tous marié des anglophones.

Lorsque j'enseignais à Grand-Sault, Nouveau-Brunswick, c'était l'opposé qui arrivait. Les grandes familles anglophones mariaient des francophones ce qui veut dire que les enfants étaient bilingues. Je trouve qu'il y a là une réalité.

En conclusion, on dit que c'est une valorisation du français. Est-il possible que Statistique Canada nous le fasse sentir aussi?

M. Boucher: C'est un très bon point, sénateur Léger. Cela fait partie d'un combat que nous avons eu. J'ai déjà dit que la communauté avait changé. Les réalités ont changé mais, pour être poli, il est temps que Statistique Canada change aussi parce que c'est très difficile.

Je vais vous donner mon exemple. C'est pénible de répondre à ces recensements. Je suis marié à une anglophone. Mes enfants vont se placer à moment donné. Donc, je suis marié à une anglophone italienne et elle ne parle pas beaucoup le français. La langue que nous parlons le plus souvent à la maison est l'anglais.

Je suis le président-directeur exécutif de la Société franco-manitobaine. Dans le recensement, je dois répondre que la langue parlée le plus souvent à la maison est l'anglais. Mais cela n'enlève pas le fait que je fais ce que je fais et je suis ce que je suis. Par contre, cela enlève un peu de mon identité dans le sens que je dois le dire parce que c'est vrai. Je suis un bon Canadien. Nous devons répondre aux questions de façon honnête. C'est pénible de le faire parce que ce n'est pas vraiment la réalité de qui je suis, si vous me comprenez.

C'est ce qui est un peu difficile dans tout cela. Il y a beaucoup de questions qui ne vont pas dans la réalité des sept sur dix, des gens qui font des choix pour le français.

Toutes cela n'est pas compté. Ce qu'ils comptent est la langue parlée à la maison, la langue maternelle. Ils devraient aller dans d'autres catégories qui démontreraient vraiment qui est la communauté, la valeur du français dans celle-ci. Je pense qu'il devrait y avoir des statistiques pour cela.

Le sénateur Léger: Vous pourriez peut-être envoyer votre beau petit livre.

M. Boucher: Je le ferai.

La présidente: Je voudrais prendre la minute qui reste pour, dans un autre ordre d'idées, parler sur le financement de la Société franco-manitobaine. Pas nécessairement comment vous recevez votre financement mais avez-vous votre mot à dire quand vous négociez les programmes de langues officielles en éducation? Est-ce que l'on vous consulte? Je crois qu'il y a des ententes qui s'en viennent.

M. Boucher: Il y a seulement l'entente Canada-communautés. Nous négocions avec le gouvernement canadien. Pour cette entente, c'est la Société franco-manitobaine qui fait les négociations directes avec le ministère du Patrimoine canadien.

Les autres ententes ont toujours été un problème. Le Programme des langues officielles en éducation est négocié entre deux gouvernements. Nous respectons cela.

De l'autre côté, nous avons toujours critiqué, jusqu'à un certain point, quoiqu'il y a eu plus d'ouverture dans les dernières années, le fait que les deux gouvernements ne consultent pas nécessairement la communauté et le système scolaire plus particulièrement sur ses besoins très particuliers.

C'est une consultation qui va quand même assez vite. Je pense qu'il faut être beaucoup plus approfondi. Si nous voulons des programmes pour et par les francophones du Manitoba, il faut les consulter. Alors, c'est un problème.

Il y a aussi la dernière entente, celle du Canada-Manitoba. Ce sont des montants d'argent qui sont négociés et nous n'avons pas eu beaucoup à dire au niveau de la négociation. Les gouvernements gardent de très près leurs responsabilités de négocier et ils font vraiment très attention de la façon dont ils nous consultent.

La présidente: Ce point nous l'entendons souvent lorsque nous rencontrons les francophones des communautés en situation minoritaire. J'ose croire que nous aurons la chance de poser la question à d'autres témoins. C'est un des points qui sera important pour notre rapport. Monsieur Boucher, je vous remercie.

J'ai l'air un petit peu maîtresse d'école mais, que voulez-vous, j'ai enseigné pendant 33 ans de ma vie. Il faut se tenir à notre horaire.

La présidente: Monsieur Jourdain est-il ici? Je vous présente Monsieur Jourdain et Madame Mariette Chartier. Monsieur Jourdain, vous travaillez sur la politique des services en langue française.

C'est peut-être vous qui allez nous clarifier sur les consultations. Vous faites une courte présentation et ensuite nous ferons un échange.

M. Guy Jourdain, conseiller spécial, Secrétariat des services en langue française: Je suis très heureux de comparaître devant le comité pour vous parler de la politique sur les services en français du gouvernement du Manitoba. Je présenterai mon exposé en français.

Avant d'aborder la politique, je voudrais mettre beaucoup d'accent sur le contexte socio-historique qui a mené à son adoption. Cette toile de fond comprend plusieurs éléments qui s'appliquent au domaine de l'éducation.

J'ai fait distribuer des exemplaires de la politique sur les services en français et aussi des copies d'un document qui présente un rappel socio-historique sur la francophonie au Manitoba. Je tiens à préciser que dans ce document, j'exprime mes opinions personnelles. Ce ne seront donc pas nécessairement les opinions du gouvernement du Manitoba.

J'aborde immédiatement le rappel socio-historique. Je vais remonter assez loin car il est important de bien comprendre ces faits. La communauté francophone au Manitoba est une communauté profondément enracinée. La présence française au Manitoba remonte à 1731. Pierre de la Vérendrye et ses fils ont été les premiers explorateurs européens à venir dans l'Ouest canadien. Par la suite, les Français ont installé un réseau de forts dans l'Ouest canadien pour faire la traite des fourrures avec les autochtones.

Après le Régime français, une fois que le Régime anglais a débuté, ils ont créé, à Montréal, une compagnie de traite des fourrures qui s'appelait la Compagnie du Nord-Ouest. Elle avait été créée par des hommes d'affaires anglais et écossais. Ils avaient, à cette époque, recruté leur main-d'œuvre dans la vallée du Saint-Laurent.

Ils ont donc recruté les francophones catholiques qui venaient, ici, dans l'Ouest, faire la traite des fourrures avec les autochtones. On les appelait les coureurs des bois ou encore les voyageurs. Ils étaient de jeunes hommes vigoureux qui ont rencontré de jeunes femmes autochtones. Je n'ai pas besoin de vous faire un dessin. Vous savez ce qui est arrivé.

C'est de cette façon qu'est née la nation Métis. Ces enfants qui étaient issus de ces unions entre voyageurs, coureurs des bois et femmes autochtones. Avec les années, cette population métisse a acquis sa propre identité, son propre sens d'appartenance.

Au moment où le Manitoba est entré dans la Fédération canadienne en 1870, les Métis formaient l'immense majorité de la population dans les Prairies et au Manitoba. La moitié de la population au Manitoba était francophone. Nous avions une population mixte dont une moitié était francophone et l'autre moitié anglophone. Louis Riel et le père Noël Ritchot et d'autres ont négocié avec Ottawa pour que ce caractère bilingue et biculturel du Manitoba soit protégé dans la Constitution provinciale et qu'il se perpétue.

Donc, en 1870, dans la Loi sur le Manitoba, on a incorporé deux dispositions qui visaient à protéger la population francophone de la province. L'article 22, protégeait la confessionnalisme des écoles et, à cette époque, la foi et la langue étaient reliées de près. On disait: «Qui perd sa foi perd sa langue. Qui perd sa langue perd sa foi».

Alors, on croyait à l'époque qu'en protégeant les écoles catholiques, on protégeait l'enseignement en français. Cependant, des causes portées devant les tribunaux par la suite ont démontré que ce n'était pas le cas.

L'article 22 protégeait la confessionnalisme des écoles. L'article 23 faisait du français une langue officielle à l'Assemblée législative et devant les tribunaux au même titre que l'anglais. On avait une base très solide en 1870 pour que le français continue à être une langue extrêmement présente dans la vie publique au Manitoba.

D'ailleurs, en 1871, l'année suivant l'entrée du Manitoba dans la Fédération canadienne, l'Assemblée législative du Manitoba avait adopté une loi qui créait un double réseau d'écoles confessionnelles. Il y avait un réseau d'écoles catholiques dans les paroisses ou les villages catholiques et francophones, et également un réseau d'écoles protestantes de langue anglaise. Ce réseau a existé pendant une vingtaine d'années.

Durant cette période de 20 ans, il y a eu des changements démographiques profonds. Beaucoup d'immigrants de l'Europe de l'Est et de l'Europe centrale sont venus s'installer au Manitoba — des Mennonites, des Polonais, des Ukrainiens, et cetera — de sorte que le poids démographique des francophones a beaucoup diminué.

En 1890, le gouvernement provincial de l'époque a adopté des lois carrément anti-françaises. Une première loi abolissait la confessionnalisme des écoles et créait un seul réseau d'écoles non confessionnelles où la seule langue d'enseignement permise était l'anglais. Le statut du français dans les écoles publiques du Manitoba était carrément aboli.

En même temps, la même année, on a adopté une loi qui s'appelait en anglais «The Official Language Act», et je dis «Language» au singulier, parce qu'on abolissait le statut officiel du français devant l'Assemblée législative et devant les tribunaux. On faisait de l'anglais la seule langue officielle au sein des institutions législatives et judiciaires au Manitoba.

Je tiens à préciser — c'est un élément que j'ai oublié tout à l'heure — que lorsqu'on a créé le Manitoba en 1870 et qu'on a incorporé dans la Constitution provinciale des garanties pour protéger les francophones, on voulait faire du Manitoba sur le plan constitutionnel la province sœur du Québec. On voulait avoir la même protection des minorités à la fois au Manitoba et au Québec.

Je vous ai parlé de la loi qui, en 1890, a aboli les écoles confessionnelles. Cette loi a été contestée devant les tribunaux pendant les années 1890. L'affaire est allée à Londres au comité judiciaire du Conseil privé à deux reprises et le gouvernement conservateur fédéral de l'époque, en 1885, avait présenté un projet de loi réparatrice pour restituer les droits et privilèges des catholiques et des protestants au Manitoba.

Malheureusement, cette loi n'a jamais été adoptée et l'élection fédérale de 1896 s'est faite sur le thème de la question des écoles au Manitoba et Wilfrid Laurier, qui était le nouveau chef du Parti libéral à l'époque, a fait la campagne sur l'autonomie provinciale en matière d'éducation. Les Libéraux ont gagné cette élection en 1896.

Laurier a envoyé un de ses ministres québécois, Israël Tartre, négocier avec le Premier ministre libéral du Manitoba de l'époque, M. Greenway. Un compromis est né; le compromis Laurier-Greenway.

Ce compromis permettait l'enseignement bilingue mais pas seulement l'enseignement en anglais et en français, mais aussi en anglais et en polonais, en anglais et en allemand, en anglais et en ukrainien. On mettait le français sur le même pied que plusieurs autres langues.

On permettait l'enseignement de la religion, mais à l'extérieur des heures normales de classes, donc à 3 h 00 ou à 3 h 30 quand l'école terminait officiellement. Ensuite, on prenait une demi-heure pour enseigner le catéchisme.

Le compromis Laurier-Greenway, c'est appliqué pendant 20 ans. En 1926, durant la première Guerre mondiale, le gouvernement de l'époque a aboli le compromis Laurier-Greenway et est revenu à cette idée d'un seul réseau d'écoles non confessionnelles où l'anglais était la seule langue d'enseignement permise et où l'emploi de toute autre langue était interdit.

À ce moment, l'enseignement en français devait se faire illégalement et dans la clandestinité. Les institutrices qui, pour la plupart, étaient des religieuses, enseignaient en français au risque de perdre leur brevet d'enseignement. Lorsque les inspecteurs allaient dans les écoles, les enfants devaient cacher leurs livres français.

Ce fut une période de grande noirceur pour les francophones au Manitoba et durant cette période, évidemment, un taux d'assimilation assez prononcé et des réflexes de mentalité de minoritaires se sont développés au sein de la population. Les gens ont développé le réflexe que tout ce qui se rattachait à la loi, aux tribunaux, au gouvernement, aux écoles se passait en anglais. Le français était relégué à la vie religieuse et à la vie familiale.

Cette période de grande noirceur a duré jusqu'aux années 50 ou 60. À partir des années 50, on a commencé, graduellement, à permettre à nouveau l'enseignement en français mais seulement pendant un nombre limité d'heures et seulement au niveau élémentaire.

Il a fallu attendre à la fin des années 60 pour qu'il y ait un renouveau véritable. Ce renouveau s'est fait en même temps que la Commission Laurendeau-Dunton, sur le bilinguisme et le biculturalisme et en même temps que l'adoption de la Loi sur les langues officielles par le Parlement du Canada. Il y a eu, en même temps, un appui renouvelé de la part du gouvernement fédéral aux minorités francophones à l'extérieur du Québec.

Au Manitoba, en 1970, le gouvernement néo-démocrate du pemier ministre Schreyer a adopté la Loi 113 qui faisait du français une langue officielle d'enseignement, au même titre que l'anglais. Cette loi fut un point tournant.

En 1979, il y a eu la fameuse affaire Forêt dont vous avez sans doute entendu parler. Dans cette affaire, la Cour suprême déclarait inconstitutionnelle la Loi de 1890 qui avait aboli le statut officiel du français devant les institutions législatives et judiciaires. Depuis 1979, le français est redevenu une langue officielle à l'Assemblée législative et devant les tribunaux au Manitoba.

En 1982, l'entrée en vigueur de la Charte canadienne des droits et libertés fut un autre point tournant. Depuis 1982, l'article 23 de la Charte garantit le droit à l'éducation dans la langue de la minorité. C'est un droit constitutionnel. Pour nous, ce fut un gain absolument exceptionnel qui déboucha sur la création de la Division scolaire franco-manitobaine en 1994.

En 1983-1984, nous avons connu au Manitoba une période extrêmement difficile sur le plan des relations entre la population francophone et la population anglophone. Nous avons connu une crise linguistique. Je n'ai pas le temps de vous donner tous les détails. Essentiellement, un projet de résolution avait été présenté à l'Assemblée législative pour éliminer la nécessité pour le gouvernement de traduire toute une série de vieilles lois désuètes. En échange, on a garanti aux francophones du Manitoba le droit constitutionnel à des services en français de la part du gouvernement provincial.

Un tollé de protestations fut soulevé. Il y eut des tensions énormes entre francophones et anglophones. Finalement, ce projet de loi n'a jamais été adopté. L'affaire s'est retrouvée devant les tribunaux. En 1985, la Cour suprême du Canada a rendu une décision dans ce qu'on appelle le Renvoi sur les droits linguistiques au Manitoba.

Dans cette décision, la Cour suprême disait que les lois unilingues anglaises du Manitoba étaient déclarées invalides. Pour éviter le chaos juridique, elles seraient imputées valides pendant la période minimum nécessaire pour la traduction de ces lois et leur réadoption dans les deux langues. Depuis 1988 au Manitoba, toutes nos lois sont bilingues. Depuis 1990 ce sont nos règlements qui le sont.

Cette toile de fond, que j'ai présentée, nous amène à l'adoption de la Politique sur les services en français en 1989. En 1989, le gouvernement de l'époque a cru opportun, étant donné les tensions qu'on avait connues en 1983-1984, de procéder avec prudence. Plutôt que de garantir les services en français dans un texte constitutionnel ou dans un texte législatif, le gouvernement de l'époque a pensé qu'il serait plutôt opportun de garantir ces services dans une politique, celle de la Politique sur les services en français. Cette politique était basée sur le concept des régions désignées bilingues. Je vous ai fait remettre une version révisée de cette politique qui remonte à 1999.

J'attire votre attention sur la carte géographique qui se trouve dans la politique. Sur cette carte, vous allez voir les régions désignées bilingues. Elles figurent en rose. Ce sont les régions où on voit la vie en rose.

La politique a permis dès progrès considérables au cours des années 90 mais vers 1995, le gouvernement trouvait un certain nombre de lacunes dans la politique et dans sa mise en œuvre. Une étude a été commandée pour voir comment améliorer la politique.

Le gouvernement a demandé au juge Richard Chartier de la Cour provinciale du Manitoba de faire une étude sur la politique. Le juge Chartier a rendu public son rapport en mai 1998. Nous l'appelons communément le Rapport Chartier.

Dans son rapport, le juge Chartier dit que les mécanismes de prestation des services en français ne conviennent pas bien à la réalité des francophones au Manitoba. Dans la politique initiale, il était prévu que dans certaines communautés, où l'écrasante majorité de la population est anglophone, on était censé offrir des services en français pour les villages francophones environnants.

Ces services en français devaient être offert à partir de Steinbach ou de Portage-la-Prairie, qui malgré son nom français, est une communauté très fortement anglophone.

À cause du réflexe de minoritaire cela n'a pas marché. Lorsque les francophones se rendaient dans ces communautés très fortement anglophones, il y avait un déclic qui se faisait dans leur tête. Ils se disaient que cela ne servait à rien de parler le français dans ces communautés et qu'ils seraient mal reçus. Ils seraient reçus comme des chiens dans un jeu de quilles. Ils laissaient tomber et ils parlaient anglais.

Le juge Chartier disait qu'il fallait établir des centres de services provinciaux dans les localités à forte concentration francophone. En plus s'assurer que, dans ces centres de services, tout le personnel parle les deux langues. De sorte que lorsqu'un citoyen francophone se présente à ce centre, on ne lui dise pas, que l'employé bilingue est parti en vacances ou que celui-ci prend sa pause-café. Ce sont les principes fondamentaux du Rapport Chartier.

Un autre principe intéressant de ce rapport est qu'en ayant des centres de services bilingues, où tout le personnel parle couramment les deux langues officielles, on peut faire du français la langue de travail au sein de ces centres. Ce qui n'est pas le cas dans beaucoup de milieux au Manitoba.

Les principes du Rapport Chartier ont été repris dans d'autres domaines. Nous avons un centre de santé, établi à Saint-Boniface, il y a quelques années, où tout le personnel est bilingue. Le français devient donc la langue de travail.

La situation actuelle est que nous avons accompli des progrès énormes depuis l'adoption de la politique en 1989. Par contre, il nous reste encore beaucoup de chemin à faire. Nous avons des défis de taille à relever. Je vous en mentionne quelques-uns.

D'abord, il y a la dispersion de la population. Vous avez vu la carte tout à l'heure. Il y a des régions désignées bilingues aux quatre coins de la province, surtout dans le sud, bien sûr. Pour nous, comme gouvernement, il est très difficile de recruter et de retenir du personnel bilingue qualifié.

Ensuite, il y a la diversité de la population à laquelle M. Boucher faisait allusion tout à l'heure. Nous avons des Franco-manitobains de souche, y compris une population métisse et des francophones d'ailleurs au Canada. Nous avons des immigrants d'un peu partout dans le monde. Nous avons besoin de services qui sont adaptés aux besoins de notre population. M. Boucher disait que nous ne pouvions pas se satisfaire d'un simple calque de ce qui se fait en anglais. Il faut l'adapter à notre réalité.

Nous avons besoin de rattrapage pour atteindre une égalité réelle. Par égalité réelle, je veux dire une égalité des résultats et non pas une égalité des moyens ou des ressources. C'est un principe qui est particulièrement important dans le domaine de la petite enfance. Nous voulons donner à nos jeunes enfants dès le départ une base extrêmement solide qui permettra de contrer les effets de l'assimilation.

Pour être en mesure de relever ces défis avec succès, il nous faut compter sur un appui financier durable — je mets l'accent sur le mot durable — de la part du gouvernement fédéral. Nous devons sortir de l'ornière actuelle où le gouvernement fédéral donne un coup de pouce pendant quelques années et ensuite se retire.

Le plan d'action sur les langues officielles, le plan Dion, constitue un excellent premier pas dans la bonne direction. À moyen terme, il faudra toutefois assurer la pérennité des programmes d'appui fédéraux.

La présidente: Je vous remercie. Chers collègues, cette présentation ainsi que celle qui suivra, sont des présentations purement d'informations. Les documents distribués vont être très utiles à ce comité. Si vous le permettez, nous allons passer à la prochaine présentation.

Monsieur Jourdain, avec votre permission, si des membres du comité ont des questions très précises sur la Politique des services en français au Manitoba, je leur demanderais de vous les faire parvenir ou de les faire parvenir au greffier. Nous resterons en communication avec vous.

Madame Chartier, vous allez nous entretenir sur les Enfants en santé au Manitoba. J'espère que tous les enfants du Manitoba sont en santé.

Mme Mariette Chartier, Enfants en Santé Manitoba: Il me fait énormément plaisir d'être ici, au nom d'Enfants en santé. Je vous ai préparé une courte présentation. Si vous voulez bien regarder l'écran.

Je voudrai passer quelques minutes pour vous expliquer la structure organisationnelle d'Enfants en santé et aussi aborder quelques concepts derrière notre démarche.

L'organisme, Enfants en santé, existe depuis 1994. Auparavant, il existait sous le nom de Secrétariat de l'enfance et de la jeunesse. En 2000, le nom a changé pour Enfants en santé. En anglais, on dit Healthy Child Manitoba.

Enfants en santé fut créé pour rassembler tous les ministères afin de se pencher sur la question des enfants. Pour le gouvernement provincial, la question de l'enfant est très importante. Ils ont décidé de rassembler leurs forces pour pouvoir se concentrer sur la question des enfants, des jeunes et de leurs familles.

La mission d'Enfants en santé est essentiellement pour le bien-être des enfants et des familles. Nous voulons être le lien entre les ministères et la communauté. Nous voulons travailler très étroitement avec les communautés. C'est très important, surtout lorsque nous parlons de la communauté francophone.

Nous voulons aussi mettre l'accent sur la petite enfance. MM. Jourdain et Boucher en ont parlé. Je vais vous en parler davantage. La recherche nous confirme que la petite enfance est extrêmement importante. Nous ne pouvons plus le nier. Le développement du cerveau se fait beaucoup dans les premières années de vie. Que l'on pense au niveau langagier ou celui de la «littéracie», c'est extrêmement important. Nous nous devons de garder cette réalité en tête.

Au début, nous soupçonnions que les parents étaient les êtres les plus importants pour l'enfant. Maintenant, nous le prenons pour acquis et les recherches démontrent que nous devons supporter les familles.

Ce qui est moins évident est que l'éducation de la mère est un facteur important pour le développement de l'enfant. Nous devons souligner que, dans ce contexte, l'éducation est importante aussi.

Enfants en santé est géré par un conseil ministériel de huit ministres. Je crois que cette gouvernance ne se fait pas ailleurs au pays. Leur but est de travailler ensemble sur la question des enfants. C'est une structure très puissante et qui fonctionne très vite. Nous avons tous les ministères qui sont importants à l'enfant. Enfants en santé est dirigé par M. Sale, le ministre de l'Énergie, de la Science et de la Technologie.

Cet après-midi, M. Sale nous parlera ainsi que deux ministres du Conseil. La gestion d'Enfants en santé est faite par les ministres de l'Éducation et Jeunesse, de la Santé, des Services à la famille et Logement, de la Justice, des Affaires autochtones et du Nord, du ministre de la Culture, Patrimoine et Tourisme, et celui de la Situation de la femme. Tous ces ministères se préoccupent de l'enfance et ils travaillent tous autour de la même table.

Lors de l'entente fédérale-provinciale-territoriale, les ministres se sont assis autour de la table et ils ont développé un plan global. L'argent a été réparti entre les différents ministères pour travailler à la question des enfants. Nous avons travaillé d'une façon intégrée. Le rapport est dans votre trousse, il vous situe le travail fait à cette étape.

Enfants en santé est une équipe de 30 personnes qui travaillent très étroitement avec la communauté. Nous travaillons avec les écoles, les centres de santé, les centres communautaires. Pour la communauté francophone, nous travaillons avec la Division scolaire franco-manitobaine, avec la Fédération provinciale des comités de parents, avec le Centre de santé de Saint-Boniface, avec le Collège universitaire de Saint-Boniface et avec les chercheurs du Collège de Saint-Boniface.

Nous nous penchons beaucoup sur la recherche. Nous pensons que c'est très important de développer nos politiques à partir des recherches qui sont faites. Nous avons travaillé avec Développement et ressources humaines Canada sur un rapport. Ce rapport est extrêmement intéressant et facile à lire. Il parle de la recherche que nous avons faite sur les familles.

Nous nous basons sur cette recherche et nous avons réalisé que lorsque nous travaillons sur la question des enfants, nous ne pouvons pas juste parler de l'enfant isolé. Nous devons parler de tout le milieu. Tous ces facteurs sont présents lorsque nous pensons aux enfants francophones.

La famille est naturellement très proche de l'enfant et nous travaillons avec celle-ci. Il y a aussi le milieu élargi, les garderies, les écoles et aussi toute la collectivité.

Sénateur Comeau, vous avez parlé des signes, des panneaux, de l'attitude. Ces facteurs sont importants dans la vie de l'enfant et dans le développement de la langue.

Ce que nous voulons, à Enfants en santé, pour tous les enfants du Manitoba et pour les enfants francophones, c'est d'abord le développement physique et émotionnel au sein de la famille, la sûreté et la sécurité dans les garderies et les écoles, la capacité d'apprendre, pour qu'ils deviennent, éventuellement, le résultat final, socialement engagés et responsables au sein de leur communauté.

Nous utilisons, à Enfants en santé, toute une gamme d'approches qui sont axées sur les parents et les enfants, le développement en santé des adolescents, les écoles en santé, la prévention de l'ensemble des troubles causés par le syndrome d'alcoolisme fœtal (ETCAF) et plusieurs autres.

Lorsque nous considérons le bien-être des enfants — MM. Boucher et Jourdain en ont parlé — nous ne pouvons penser à une étape en particulier. Dès la naissance, nous devons penser à l'éducation de l'enfant jusqu'à son adolescence. En se préoccupant de l'éducation post-secondaire, c'est vraiment à toute leur vie que nous devons penser.

Les programmes que nous envisageons visent toutes ces périodes. Certaines périodes sont critiques: la naissance, l'entrée à l'école et la période de transition à l'adolescence. Elles sont toutes très importantes. Ces enfants et ces familles ont besoin d'un soutien financier et communautaire. C'est ce que nous faisons à Enfants en santé. Si nous pensons à l'âge scolaire, nous devons aussi penser à l'âge préscolaire.

La prochaine diapositive est très claire. Nous dépensons en santé, éducation et aide sociale de plus en plus d'argent à mesure que les gens vieillissent et le développement du cerveau va en déclinant. Où mettons-nous notre argent et puis que veulent dire ces informations? Nous avons l'occasion vraiment de faire de bons choix pour nos enfants.

Finalement, ma dernière diapositive, nous montre un casse-tête où tous les morceaux se mettent ensemble. Je voulais vous la montrer parce que c'est ce qui arrive lorsque tous les ministères travaillent ensemble. Nous n'avons pas l'enfant en petits morceaux, nous avons tout le casse-tête ensemble.

Nous avons des programmes qui travaillent avec les parents, d'autres qui travaillent avec l'éducation et des programmes de garde de jour. Nous travaillons d'une façon unie et les programmes sont interreliés.

Il est important de souligner que nous travaillons avec les coalitions régionales et communautaires. Nous voyons la communauté francophone comme une coalition en soit et nous voulons travailler avec eux.

L'accent est sur la petite enfance parce que nous voulons que les enfants soient prêts à apprendre quand ils arrivent à l'école. Certains enfants ont plus d'obstacles que d'autres, nous devons le reconnaître. Nos enfants francophones ont plus d'obstacles parce qu'ils vivent dans un milieu minoritaire.

Nous savons que l'environnement langagier a des effets sur la «littéracie», il n'est pas favorable, en grande partie, pour nos enfants. Ils ont des obstacles en partant. Nous devons vraiment travailler avec la communauté francophone pour égaliser ce terrain.

Pour conclure, je voulais juste vous laisser savoir qu'Enfants en santé a la structure en place pour répondre aux besoins de la jeunesse franco-manitobaine. Nous sommes prêts à le faire. Nous supportons les comités et travaillons avec eux pour mettre tous les enfants sur un pied d'égalité et pour les préparer à la vie scolaire.

La présidente: Je vous remercie beaucoup, madame Chartier. Je remarque que deux personnes vous accompagnent.

[Traduction]

Mme Chartier: Je suis accompagnée ce matin par Leanne Boyd, et par la directrice d'Enfants en santé Manitoba, Jan Sanderson.

[Français]

La présidente: Je vous remercie pour votre présentation. Si vous regardez l'ordre du jour, vous remarquerez que nous avons pris votre casse-tête. Nous recevons des témoins qui nous parleront de chaque morceau du casse-tête: la petite enfance, l'enseignement post-secondaire, les adolescents à l'école. Nous avons jugé bon d'entendre Enfants en santé parce qu'il faut être en santé pour que l'éducation soit favorable. Chers collègues, nous reprenons avec la présidente du Comité de parents de la Société francophone, Madame Diane Dornez-Laxdal. Elle est accompagnée de la présidente de la Division scolaire, Madame Yolande Dupuis. Madame Hélène D'Auteuil, ainsi que Monsieur Louis Druwé, sont ici pour aider à répondre aux questions.

Mme Diane Dornez-Laxdal, Fédération provinciale des comités de parents du Manitoba: Au nom de la Fédération provinciale des Comités de parents du Manitoba et de la Division scolaire franco-manitobaine, nous souhaitons la bienvenue aux membres du Comité permanent sénatorial sur les langues officielles. Nous collaborons étroitement au développement global de la petite enfance francophone du Manitoba. Nous vous remercions de l'opportunité que vous nous offrez de vous parler des besoins, des enjeux, de notre vision et des recommandations relatifs à ce dossier.

Nous nous intéressons aux politiques publiques au Manitoba et au Canada, particulièrement en matière de santé, éducation et services à la famille. La population, les gouvernements et les milieux d'affaires s'intéressent de plus en plus aux questions du développement global de l'enfant. On parle de plus en plus d'investissements dans l'avenir. Pour citer le président du Comité ministériel pour Enfants en santé Manitoba, le ministre Tim Sale: «Si nous faisons bien des les choses pour nos enfants, nous aurons bien fait les choses pour tout le monde». En effet, pourquoi ne pas partir du bon pied, au lieu d'essayer de se rattraper quand il est trop tard. Agissons là où ça compte le plus!

Les enfants de 0 à 5 ans possèdent une capacité d'apprendre qui est à son plus fort. Tout se joue avant l'âge de cinq ans. Cette ouverture s'estompe peu à peu pour se stabiliser à l'âge adulte. N'est-ce pas qu'il faut en profiter quand c'est le temps?

La recherche est unanime depuis une décennie: un dollar investi dans un service préscolaire de qualité peut en épargner sept dans l'avenir. Il peut épargner des coûts en santé, justice, éducation, services sociaux, et cetera. Le gouvernement du Manitoba a été un des premiers à comprendre cette réalité. Il a créé le Comité ministériel pour Enfants en Santé. Le Comité réunit sept ministres dont la raison d'être rejoint le développement global de l'enfant.

Investir dans la petite enfance, ça fait du bon sens dans toute société. Mais quand on est en situation minoritaire, c'est un investissement essentiel. Le préscolaire est la porte d'entrée dans la communauté, la porte d'entrée dans l'école.

En 1994, le Manitoba créait la Division scolaire franco-manitobaine pour se conformer à un jugement de la Cour suprême du Canada. La DSFM a reçu le mandat de gouverner les écoles françaises. Dix ans plus tard, nous n'avons pas changé le fait que la majorité des ayants droit n'y inscrivent pas leurs enfants. Nous n'avons que 4 500 élèves.

C'est une situation historiquement complexe. Nous avons changé les structures, mais nous n'avons pas changé les valeurs et les mentalités. La DSFM ne dispose pas des ressources pour répondre adéquatement à ses obligations constitutionnelles et légales. Ceci est critique pour le recrutement.

Mais l'école n'est pas seule à tout faire. Nous nous sommes rendus à l'évidence que c'est au moment de la naissance d'un premier enfant que les décisions se prennent. C'est alors que les parents choisissent la langue du foyer, leur communauté d'adhésion et l'école de leur enfant. Il est impératif d'être présent à ce moment critique pour sensibiliser les parents.

La situation se complique quand les parents ne sont pas tous les deux des francophones. Près de 70 p. 100 des enfants francophones au Manitoba sont issus de familles exogames, et ce taux va en augmentant. Pour ces couples, le choix de l'école française est loin d'être évident, d'autant plus que dans 85 p. 100 des cas, l'anglais est la langue du foyer. Vous voyez que je répète des choses qui ont été dites déjà.

Il y a un potentiel caché dans l'exogamie. Elle pourrait doubler les effectifs francophones, au lieu de les éroder. La recherche intensive des 30 dernières années, dans le domaine de l'enseignement d'une langue seconde, démontre clairement que les enfants peuvent développer un bilinguisme jugé additif si le développement de la langue et de la culture françaises reçoivent l'appui nécessaire à la maison et en garderie/pré-maternelle. Il faut être équipé cependant pour faire le travail.

L'enjeu, vous le voyez bien. Si nous n'intervenons pas immédiatement auprès des parents de jeunes enfants, si nous ne les intéressons pas à la vie en français et à l'école française, l'horizon se rétrécit pour l'avenir de nos communautés.

Les besoins sont pressants! Une gamme complète et cohérente de programmes et de services en français, visant à répondre aux besoins de nos enfants francophones dans toutes les dimensions de leur développement, est essentielle. Nous voulons que nos enfants bénéficient d'une chance de réussite scolaire égale à celle des enfants de la majorité pour qu'ils soient bien préparés à intégrer l'école française et à obtenir des résultats équivalents à ceux de leurs camarades anglophones. Nous voulons qu'ils puissent participer à une vie communautaire en français.

Je veux vous parler des principes fondamentaux qui guident nos actions. Premièrement, la communauté centrée sur l'enfant. Cela prend tout un village pour élever un enfant. Un engagement des partenaires, parents, organismes, institutions, gouvernements, à partager une vision commune et à développer une approche compréhensive et une planification cohérente, est essentiel. Le dossier de la petite et jeune enfance doit devenir une priorité de la communauté entière.

Deuxièmement, l'école, centre de la vie française. L'étude sur la petite enfance (McCain et Mustard, 1999) démontre, hors de tout doute, la nécessité de services à l'enfance de qualité pleinement intégrés aux structures communautaires. Dans beaucoup de nos communautés, l'école française est le principal foyer de la vie en français. Elle est un lieu de rassemblement et de socialisation. C'est en elle que la vie française trouve son principal point d'ancrage, d'où vient l'importance d'y établir nos services et programmes à la petite enfance. L'école est aussi une structure solide qui leur assurerait un encadrement plus permanent.

Troisièmement, des programmes et des services de qualité permanents, universellement disponibles et accessibles. Des programmes éducatifs et culturels et des services sociaux et en santé de qualité répondant aux différents besoins des enfants et des parents sont essentiels. Ils doivent être disponibles et accessibles à tous les ayants droit où ils résident et quels que soient leur statut socioéconomique, leur religion ou leur culture. Le développement d'une programmation- cadre rehausserait la qualité des services et permettrait une programmation plus cohérente et uniforme à travers la province. Pour le faire, l'obtention d'un financement permanent et durable est prioritaire.

Finalement, l'harmonisation des services préscolaires et scolaires. Le travail accompli au niveau préscolaire a des retombées directes au niveau scolaire. Le développement de liens étroits entre les services préscolaires et scolaires permettra un passage plus harmonieux d'un palier à l'autre pour les enfants et les parents parce que la programmation et les actions seront concertées, cohérentes et continues.

Notre vision se porte sur les Centres de la petite enfance. Projet envisagé au Manitoba français, une initiative de la Division scolaire franco-manitobaine et de la Fédération provinciale des comités de parents du Manitoba, vise l'établissement de Centres de la petite enfance dans chacune de nos écoles communautaires francophones. Ce projet vient actualiser, en partie, la récente décision de la Cour suprême dans l'arrêt Arsenault-Cameron, qui définit davantage la place privilégiée réservée à l'école française en milieu minoritaire.

Le rapport du CIRCEM, qui est le Centre interdisciplinaire de recherche sur la citoyenneté et les minorités, ce rapport s'intitule: «Une vision nationale: La petite enfance — porte d'entrée à l'école de langue française», identifie les raisons qui justifient ce rôle pivot de l'école autour duquel doivent se développer les services à la petite enfance: durabilité et protection constitutionnelle, universalité, point d'ancrage de la vie française et continuité entre les services.

Afin d'atteindre notre vision de l'établissement de Centres de la petite enfance dans chacune de nos écoles, nous proposons des programmes et des services dans les domaines de la «littéracie» et de la «numéracie».

Les enfants explorent leur environnement et construisent très tôt les fondements sur lesquels repose leur développement de la «littéracie» et de la «numéracie». Les rôles du parent et de l'environnement sur ce développement sont bien documentés. Au préscolaire, l'enfant prend conscience du monde qui l'entoure selon les expériences vécues. L'impact important qu'a le contexte langagier anglo-dominant sur le développement de la «littéracie» doit être contré.

L'éducation et la sensibilisation des parents par la formation et le soutien de ceux-ci sont des éléments clés dans nos Centres de la petite enfance puisque le rôle parental est un facteur déterminant dans le développement du jeune enfant.

L'appui aux familles exogames par des stratégies d'accueil, d'appui et de prise en charge sont mises en place pour aider celles-ci dans la transmission du français à leurs enfants. Il est essentiel d'assurer l'égalité de chances avant même l'entrée à l'école si nous voulons atteindre l'égalité des résultats dans nos écoles françaises.

La formation des intervenants est très importante. Les intervenants au préscolaire doivent avoir une très bonne connaissance des recherches actuelles sur l'apprentissage chez le jeune enfant afin de livrer une programmation qui s'inspire des pratiques exemplaires et qui demeure à la page au niveau des connaissances et des défis particuliers à la situation des minorités.

La vitalité linguistique et culturelle par la création de milieux de vie préscolaires francophones est vitale à l'épanouissement linguistique et culturel des enfants et des parents. Vivant dans une ambiance de forte «francité familiopréscolaire», les enfants et les parents ont des compétences en français plus élevées, une identité plus forte et désirent et sont prêts à intégrer le système scolaire francophone.

Le dépistage, les interventions précoces et les services multidisciplinaires sont d'autres domaines importants. Nous savons combien il est important de dépister le plus tôt possible les difficultés qu'ont certains enfants tant sur le plan langagier, de la motricité, de la santé physique et autres pour assurer les interventions requises et pour augmenter les chances de réussite. Ce dépistage devient d'autant plus important tenant compte de la réalité démographique de nos communautés et de la pénurie de services en français disponibles.

À l'heure actuelle, l'offre de services n'est pas organisée sur une base linguistique mais sur une base communautaire. Or, lorsque l'aspect langagier n'est pas de nature structurelle, le service en français dépend de facteurs aléatoires. La pénurie de spécialistes qui oeuvrent en français est particulièrement problématique.

Les programmes et les services préscolaires en milieu minoritaire francophone sont, certes, la responsabilité des communautés francophones, mais ils sont aussi la responsabilité des gouvernements qui doivent encadrer les initiatives et leur donner les ressources nécessaires.

La Commission nationale des parents francophones rappelle la responsabilité constitutionnelle des gouvernements dans ce dossier. Elle invoque le principe de la réparation, selon lequel il faut réparer les injustices, du passé, causées à la francophonie canadienne en lui donnant accès à un environnement propice à son épanouissement.

Au niveau provincial, il est de toute urgence que le gouvernement du Manitoba fasse le lien entre sa Politique des services en français et la prestation équitable de programmes et services en français au niveau de la petite enfance.

Le gouvernement provincial, en collaboration avec le gouvernement fédéral, devrait procéder dès que possible à la mise sur pied des Centres de la petite enfance dans les écoles de la DSFM. Depuis deux ans, Enfants en santé Manitoba, la FPCP et la DSFM discutent du projet. Celui-ci a fait l'objet aussi de discussions à plusieurs reprises au niveau d'un comité intersectoriel. Nous souhaitons que ce projet soit implanté dans les plus brefs délais. Avec l'appui d'Enfants en santé Manitoba, une Coalition francophone de la petite enfance fut récemment mise sur pied qui coordonne toutes les dimensions reliées au projet.

Il va sans dire que la dimension «immobilisation» figure de façon importante au modèle. Inutile de parler d'un modèle basé sous le toit de nos écoles si les espaces ne sont pas disponibles. Comme le dit bien le rapport de la FCE, «Une vision nationale: La petite enfance...»:

La seule avenue qui semble s'offrir à la francophonie canadienne dans cette perspective est celle d'une intégration beaucoup plus poussée de services à la petite enfance à l'école. Celle-ci dispose de plusieurs atouts: elle dispose d'une protection constitutionnelle, qui assure sa stabilité et sa durabilité; il y a des écoles de langue française dans presque toutes les communautés francophones et elles y sont accessibles à tous leurs membres qui ont droit à l'éducation en français; les écoles françaises sont des institutions entièrement de langue française, qui offrent des services en français, gérés par les francophones; et elles sont ainsi des institutions qui leur appartiennent entièrement et qui leur sont redevables. L'intégration des services à la petite enfance à l'école assurerait par ailleurs la continuité attendue avec les services offerts aux autres paliers d'éducation De plus, elle favoriserait l'atteinte de l'objectif fondamental d'équité clairement énoncé lors des forums, soit l'équivalence des résultats d'apprentissage pour les élèves francophones de milieu minoritaire par rapport aux élèves anglophone de milieu majoritaire.

Une telle approche ne réduit en rien la forte implication des parents jugée nécessaire dans la planification et la gestion des services aux jeunes enfants.

En terminant, permettez-nous de citer le rapport de recherche de la Fédération canadienne des enseignants et des enseignantes sur la petite enfance intitulé: «Une vision nationale: La petite enfance — porte d'entrée à l'école de langue française»

L'éducation reçue en bas âge permet de faire vivre aux enfants des expériences qui forment le premier maillon de leur éducation. Ce qu'ils apprennent à cette étape de leur vie influencera grandement le succès de leurs apprentissages futurs, de leur développement personnel et leur participation à la société. [...] L'éducation préscolaire s'avère particulièrement importante en milieu minoritaire. Tant en ce qui concerne les jeunes eux- mêmes, et plus particulièrement dans la perspective de leur intégration à l'école de langue française, qu'en ce qui touche le développement des communautés auxquelles ils appartiennent, les services à la petite enfance sont devenus un lieu obligé de développement institutionnel de la francophonie canadienne. Nos travaux le confirment.

Pour le Manitoba, la mission que le gouvernement s'est donné en matière de petite enfance est un choix de société. Nous l'encourageons à faire le virage, en privilégiant d'abord sa clientèle francophone. Car pour le Manitoba français, cette orientation n'est pas tant un choix qu'une nécessité. Le développement de la petite enfance est un projet de société, parce que l'enjeu est l'avenir de nos écoles et de nos communautés.

La présidente: Madame Dupuis, dans sa présentation, nous entretiendra des conseils scolaires.

Mme Yolande Dupuis, présidente, Division scolaire franco-manitobaine: Vous êtes prêts à passer à la période de questions sur ce document qui est la position des parents. C'est une présentation conjointe sur le préscolaire.

Le sénateur Chaput: Le projet conjoint s'intitule: «Centres de la petite enfance» et vous travaillez conjointement avec Enfants en santé Manitoba.

Nous avons la Politique des services en français au niveau provincial. Nous avons toujours espoir que cette politique se traduira concrètement. Cela veut dire des services à notre portée, une offre active et aussi de l'argent relié à ce projet.

Avez-vous commencé à discuter avec la province du Manitoba et certaines instances fédérales pour savoir d'où proviendra le financement pour les Centres de la petite enfance? En êtes-vous rendus à discuter de financement? Y a-t-il des discussions à cet effet?

En regardant le document, «Les enfants et les familles d'abord», présenté par Enfants en santé Manitoba, je vois que, depuis l'an 2000, beaucoup d'argent provient du fédéral pour le développement du jeune enfant. Le Canada a accordé 11,2 millions de dollars en 2001-2002, 14,8 millions de dollars en 2002-2003; 18,5 millions de dollars en 2003- 2004.

Il y a donc beaucoup de programmes. Avez-vous vu, concrètement des répercussions par rapport à ces argents? Est- ce que nous les verrons par l'entremise des Centres de la petite enfance? Qu'en pensez-vous?

Mme Hélène d'Auteuil, Fédération provinciale des comités de parents du Manitoba: Je peux commencer et M. Louis Druwé poursuivra. Le partenariat qui existe présentement au niveau communautaire, c'est-à-dire entre la Fédération et la Division scolaire, et au niveau du gouvernement, est sans doute très important. Depuis déjà deux ans, nous tentons de développer ce partenariat et il devient de plus en plus solide. Nous sommes justement arrivés au stage où nous voudrions obtenir l'obtention de fonds pour la mise sur pied de nos Centres de la petite enfance.

Ceci ne veut pas dire qu'il n'y a pas eu d'argent pour le préscolaire au Manitoba. Il y en a eu des fonds qui ont été distribués. Il y a eu la mise sur pied de deux garderies préscolaires et scolaires et dans notre communauté francophone. Nous avons reçu des subventions pour une garderie scolaire à Île-des-Chênes. Nous avons reçu des subventions pour deux places en pouponnière. C'est un nouveau développement pour la communauté francophone.

Le Centre de ressources éducatives à l'enfance a aussi reçu des argents pour développer ces programmes face à la famille et face à l'enfant. Donc, il y a eu des sommes d'argent. On ne peut pas dire que la communauté francophone n'a rien reçu.

Cependant, nous voudrions obtenir des sommes beaucoup plus importantes pour avancer avec notre projet des Centres de la petite enfance.

M. Louis Druwé, Division scolaire franco-manitobaine: J'aimerais ajouter que, présentement, plusieurs programmes sont disponibles en anglais et ne le sont pas en français. Nous soulignerons souvent le manque de personnel formé et la question du recrutement et cetera.

Il y a des besoins au niveau de la formation et du recrutement dans toute la gamme de services que nous mettons de l'avant. Pour les Centres de la petite enfance, qui est vraiment un travail de collaboration avec Enfants en santé Manitoba, cela demandera un investissement assez considérable de la province. Je suppose que la collaboration se fera avec le fédéral parce que nous parlons de services, de personnel et d'immobilisation.

Nos écoles qui ont l'espace permettent l'implantation plus facilement. Dans beaucoup de nos écoles, nous devrons prendre en considération la construction d'espace pour accommoder tous les services que nous voulons englober dans notre concept «parapluie» des Centres de la petite enfance. Concept qui regroupe tous les services reliés à la petite enfance et aux jeunes familles.

La présidente: J'aimerais qu'on continue sur la question de financement. Le plan d'action du ministre Dion a comme priorité la petite enfance.

Avez-vous des programmes dans ce plan d'action? Êtes-vous satisfaits de ces investissements? Quelqu'un pourrait-il commenter ce programme du fédéral?

M. Druwé: Nous n'avons pas beaucoup d'information concrète par rapport à l'implantation du plan Dion. Il y a eu des déclarations de nature politique et des déclarations de hauts fonctionnaires. Nous sommes un peu dans le noir ou le gris face à la traduction concrète de ce plan. Nous aurions besoin de beaucoup plus d'informations.

Nous n'avons pas été beaucoup consultés dans la façon que ces argents seraient utilisés au niveau communautaire, au niveau de la petite enfance. Ce que nous comprenons est que beaucoup de ces argents sont destinés à des organismes nationaux. Notre préoccupation est de savoir si cela se traduira par des plans concrets au niveau régional et local.

Pour le moment, nous ne fondons pas nos espoirs sur le Plan Dion. Essentiellement, nous avons besoin de plus d'informations. Nous n'avons pas eu d'indication, même dans les généralités que nous avons reçues, que le Plan Dion s'appliquerait à appuyer un projet comme celui que nous avançons.

La présidente: Si nous voulons vraiment savoir au sujet du financement nous pourrons aller chercher l'information. Nous avons parlé du Plan d'action. Quelqu'un peut-il parler des PLOE; programmes de langues officielles en éducation? Sentez-vous que vous avez votre part des différents programmes? La petite enfance a-t-elle sa part?

Mme d'Auteuil: L'enveloppe des Programmes de langues officielles en enseignement contient des argents pour le développement communautaire. C'est une petite enveloppe et la Fédération a eu accès à certains fonds. Il y a près d'une dizaine d'années nous avons eu des fonds pour un projet de préparation à l'école française en francisation.

Cette somme est appréciée. Je dirais que c'est environ 80 000 dollars par année. Lorsque nous parlons de Centres de la petite enfance, nous ne parlons pas simplement de 80 000 dollars par année. Il faut absolument agrandir l'enveloppe pour l'éducation préscolaire.

Le sénateur Comeau: Je voudrais revenir à votre première recommandation qui touche la question de «réparation». Lorsque je vois les mots «réparation pour corriger les injustices du passé», tout de suite, cela me sonne la cloche qu'il y a victime. J'ai toujours une inquiétude avec le concept d'être une victime parce que nous avons tendance à vouloir blâmer les autres et blâmer le passé.

Allez-vous sérieusement considérer d'utiliser un autre moyen ou une autre manière d'exprimer ce concept?

Je suis entièrement d'accord qu'il y a eu dans le passé des injustices. Nous avons eu une présentation ce matin qui l'a très bien décrit. Venant de la province de la Nouvelle-Écosse, mes parents et moi-même, dans mon enfance, avons vécu le concept qu'il n'y avait pas de fonds destinés pour les écoles francophones. Heureusement, les religieux et les religieuses ont pu nous apprendre le français à l'école.

J'ai toujours un peu d'hésitation avec le mot «réparation pour les injustices du passé». Avez-vous considéré cette approche deux fois avant de l'utiliser?

M. Druwé: L'expression «réparation des injustices du passé» découle des jugements de la Cour suprême et de la jurisprudence autour de ces décisions; contrer l'assimilation, «réparation des torts historiques». Ce sont des expressions qui ont été utilisées dans les jugements ou à la Cour suprême. Nous les utilisons.

Notre intention n'est pas de se plaindre. Nous voulons aller chercher nos parents francophones que nous avons perdus, par exemple, dans les couples exogames. Nous voulons aller récupérer tous les ayants droit.

Au Manitoba, dans le système éducatif, nous avons près de 5 000 élèves. Mais plus de 15 000 sont éligibles. Nous aimerions aller les chercher et les accueillir dans notre système. C'est dans un sens proactif que nous voulons contrer les effets des dernières années, pour aller réinviter les gens et les accueillir.

Le sénateur Comeau: Je pense qu'il y a des tentatives semblables sur l'Île-du-Prince-Édouard pour aller chercher les Acadiens qui sont anglicisés mais qui sont des ayants droit.

M. Druwé: C'est exact.

Le sénateur Comeau: Possiblement, dans le futur, cela se passera en Nouvelle-Écosse.

Pour le financement c'est souvent la stabilité et la durabilité du financement qui est important. Bien sûr, les montants sont importants aussi.

Ai-je bien lu les commentaires que vous avez faits dans votre présentation?

Mme Dupuis: Que ce soit à la Division scolaire et pour les Centres de petite enfance, c'est ce que nous regardons la stabilité et la durabilité pour l'éducation.

Mme Dornez-Laxdal: C'est toujours à long terme que nous regardons.

Le sénateur Comeau: Ce matin, durant une présentation, on parlait de 50 ans. Si l'on parle de 50 ans, je suis entièrement d'accord qu'il faut examiner à plus long terme. Nous nous dirigeons peut-être vers du financement à long terme.

Mme Dornez-Laxdal: J'aimerais revenir au plan Dion. Dans une catégorie, on parle d'alphabétisation. Nous, ce qui nous intéresse, c'est la francisation et la francisation, ce n'est pas l'alphabétisation. La francisation au niveau de «littéracie» et de «numéracie», ce n'est pas l'alphabétisation.

Des argents sont remis pour l'alphabétisation et ensuite nous avons de la difficulté à y accéder parce que ce que nous recherchons n'entre pas nécessairement dans leur catégorie. Nous devons faire toutes sortes de gymnastiques pour justifier ce que nous demandons par rapport à ce qui est offert. Parfois, c'est juste dans la définition des choses. Cela ne vise pas nécessairement la réalité d'un francophone.

Le sénateur Comeau: Pourriez-vous nous envoyer plus d'informations à ce sujet?

Mme Dornez-Laxdal: C'est un exemple.

Le sénateur Comeau: C'est un exemple, mais c'est important pour nous de voir les moyens par lesquels nous pouvons améliorer le plan Dion. C'est un exemple très concret.

Le sénateur Léger: Qu'entendez-vous par le mot «pouponnières»? Vous dites que vous en avez eu deux.

Mme d'Auteuil: Dans nos garderies, pour la francophonie manitobaine, nous n'avons que deux places en pouponnières qui sont subventionnées. Nous parlons d'enfant de 0 à deux ans.

Le sénateur Léger: La formation et le recrutement, c'est comme lorsque nous parlons de santé. Il n'y a pas de médecins, les infirmières ne sont pas là. Par où allez-vous commencer?

M. Druwé: Dans le programme des Centres de la petite enfance, élaboré conjointement avec d'autres gens, une programmation vise nos besoins et les objectifs que nous nous donnons comme communauté. Nous y avons rattaché des argents pour donner de la formation aux intervenants et aux intervenantes.

La formation continue est importante et le recrutement aussi parce que nous n'avons pas assez de gens qui s'intéressent au domaine de la petite enfance pour y faire carrière. Une formation initiale est donnée au Collège universitaire. Il y a aussi la question de la formation continue reliée aux besoins spécifiques du projet que nous proposons. La formation et le recrutement sont toujours des préoccupations.

La présidente: Vous avez mentionné que vous avez 4 500 enfants qui étaient dans les programmes de la petite enfance en français. Quinze mille enfants sont éligibles?

M. Druwé: Non, dans la Division scolaire franco-manitobaine, de la maternelle à la 12e année, nous avons à peu près 4 500 élèves. Dans les Centres de la petite enfance, je vais laisser Mme d'Auteuil vous donner ces chiffres.

Mme d'Auteuil: Je vais me baser sur nos pré-maternelles. Nous avons environ 400 jeunes enfants de trois et quatre ans par année pour le programme français et de francisation.

La présidente: La raison de ma question, je viens d'en parler tout à l'heure en entrevue avec Radio-Canada, si les parents, que ce soit au niveau de la maternelle ou même au niveau du secondaire, ne choisissent pas la section francophone, vous pourriez dire que des services connexes sont manquants. Je parle d'orthophonie ou bien de psychologue scolaire. Si ces spécialistes n'existent pas dans le système francophone, ils existent dans l'autre système. Alors, comme parents, on va choisir le meilleur, c'est certain. Est-ce un manque dans vos écoles?

Mme d'Auteuil: Au niveau préscolaire, nous avons certains services et nous avons besoin de les solidifier. Le service de dépistage précoce en orthophonie et le service social manquent dans nos écoles. Nous avons de la difficulté à avoir un service d'infirmière francophone dans nos Centres. Nous avons des mini-centres de familles dans nos communautés et nous voulons amener et attirer des services en français pour nos jeunes familles. Nous avons de la difficulté à avoir une infirmière qui peut être bilingue francophone.

La présidente: C'est peut être un manque de ressources humaines.

M. Druwé: En réalité, nous avons très peu de services intentionnellement mis en place pour la petite enfance. Quand nous avons ses services, c'est de nature aléatoire. La personne en place est bilingue. Elle peut quitter le lendemain. La très grande majorité des services disponibles, que ce soit des services médicaux, paramédicaux, incluant l'ergothérapie, la physiothérapie et évidemment tous les domaines de médecine spécialisée dont l'orthophonie — très importante au préscolaire — sont offerts en anglais à peu d'exceptions près.

Avec le Centre de la petite enfance, un des éléments de la proposition — parce que nous ne sommes pas allés dans tous les détails — est que nous voudrions développer une équipe de spécialistes centralisée, au lieu que toutes les régions de la province tentent de trouver du personnel bilingue, ce qui n'arrivera jamais au Manitoba. Même en anglais, ils ont de la difficulté à recruter des spécialistes.

Nous proposons d'avoir une équipe volante qui pourrait faire le tour de nos communautés, ce qui permettrait de desservir nos jeunes enfants et leurs familles. Ce projet est possible à réaliser.

Avec le système actuel, chaque région, avec les ministères et les services du gouvernement, tente de recruter du personnel bilingue et c'est quasi impossible. Notre projet proposerait une solution à cette défaillance.

La présidente: Au niveau de la justice, je sais qu'il existe des juges ambulants. Y a-t-il des projets pilotes pour la petite enfance à cet effet?

M. Druwé: Nous avons un programme dans le domaine de l'orthophonie préscolaire pour six de nos écoles en milieu rural. Un office régional de santé, au lieu de se charger d'offrir les services, nous donne un certain montant de leur budget pour les services de notre équipe d'orthophonistes scolaires. Nous avons augmenté le temps pour qu'ils desservent aussi la population préscolaire. C'est un début de modèle en place et nous voudrions le répandre.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Au Canada, il y a certainement des services qui ne peuvent pas être offerts à certains endroits parce que la population est trop peu nombreuse. Vous venez de mentionner un de ces cas. On ne peut pas offrir des services de chirurgie cardiaque adéquats au Manitoba, qu'on soit anglophone ou francophone, parce que la population est trop peu nombreuse.

Ce qui me dérange, c'est que vous envoyez vos enfants à Edmonton ou à Toronto. Pourquoi ne les envoyez-vous pas à Montréal?

[Français]

Mme Dornez-Laxdal: La politique du Québec faisait que l'on se refermait plus sur soi-même et on était plus intéressé à faire venir des gens de d'autres pays francophones que de s'intéresser aux autres provinces où il y avait des francophones.

Nous le voyons au niveau universitaire surtout. Mme Raymonde Gagné vous en parlera. C'est une attitude qui est en train de changer. Nous espérons que cela ouvrira des portes.

Je sais que la Commission nationale des parents regarde beaucoup ce qui se passe au niveau du préscolaire au Québec. Tous les argents qu'ils investissent en petite enfance est un modèle que nous voudrions calquer. Ce n'est que récemment que le Québec s'ouvre aux autres provinces pour nous permettre de les examiner. C'est un début.

M. Druwé: Il existe une initiative nationale pour les communautés hors Québec qui s'appelle Santé en français et qui est pour la francophonie minoritaire et majoritaire. Cette initiative est pour les communautés de l'est à l'ouest du pays. Depuis deux ans, elle identifie les besoins et commence à générer des solutions créatives pour répondre aux besoins des communautés francophones hors Québec. Elle en est qu'à ses débuts.

Nous venons d'avoir, il y a quelques semaines, le premier colloque annuel avec des représentants de partout au pays pour voir comment nous pouvons collaborer davantage et utiliser les ressources d'un coin du pays pour un autre coin du pays. La réflexion a commencé à ce sujet mais nous en sommes dans les débuts.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Lorsque nous essayons d'offrir des services en français, que ce soit dans le domaine de l'éducation ou de la santé et ainsi de suite, nous transposons un service dans une collectivité où il y a une masse critique de francophones. Cependant, nous ne faisons pas assez d'efforts pour utiliser les ressources de la province de Québec. C'est encore plus grave dans le domaine de l'éducation parce que, même s'il y a des programmes superbes au niveau primaire, les jeunes sont tout simplement laissés à eux-mêmes à 16 ans ou à 18 ans alors qu'ils pourraient facilement poursuivre leurs études à Laval ou à l'Université de Montréal. Au lieu de cela, ils vont à Toronto ou à l'Université du Manitoba ou à l'Université de la Colombie-Britannique et changent complètement leur orientation linguistique.

Mme Dornez-Laxdal: Je suis certaine que Mme Raymonde Gagné pourra vous donner une réponse plus pertinente, surtout étant donné que vous parlez du niveau universitaire.

[Français]

Suite à mon expérience avec des enfants d'âge universitaire, le Québec ne reconnaît pas les acquis de nos jeunes qui ont suivi un cours d'une année dans notre système universitaire. Au Québec, l'existence de cégep fait qu'ils doivent toujours étudier un peu plus longtemps pour pouvoir entrer à leurs universités.

C'est un genre de nationalisation de nos universités que nous avons besoin.

Le sénateur Keon: C'est vrai.

Mme Dornez-Laxdal: C'est un problème aussi bien anglophone que francophone. Peut-être payons-nous plus le prix justement parce que nous sommes minoritaires et que nous n'avons pas accès à autant d'universités.

Le sénateur Comeau: Ma théorie est que le précédent gouvernement du Québec ne voulait pas avouer l'existence des francophones de l'extérieur de sa province parce que cela créait l'impression que le Canada avait des francophones autres qu'au Québec.

Avec un nouveau gouvernement au Québec, nous devrions examiner si une ouverture se forme pour nos francophones afin d'avoir accès à ces services au Québec. Nous devrions le faire maintenant.

Un autre avantage en le faisant à long terme est que le Québec, les Québécois, la population québécoise verraient qu'il existe des francophones un petit peu partout au Canada. Lorsque je dis aux gens que je viens de la Nouvelle- Écosse et que je parle le français, ils sont étonnés. Nous pourrions examiner ce point dans nos recommandations.

Le sénateur Léger: Vous avez parlé d'équipe volante. La partie francophone du Manitoba se trouve environ à — je vais dire des chiffres sans les connaître — cent kilomètres à la ronde de Winnipeg. Votre équipe volante va-t-elle s'appliquer dans les régions plus éloignées?

M. Druwé: La moitié de nos effectifs, de nos élèves et de nos familles, sont dans la région urbaine, à Winnipeg ou dans les environs près de Winnipeg. L'autre moitié est éparpillée. La région la plus éloignée est Saint-Lazare à quatre heures de route. La distance est d'environ 700 à 800 kilomètres.

Notre équipe ambulante se promènerait un petit peu partout dans la province. Les distances sont énormes et la logistique pose un grand défi.

Le sénateur Léger: Vous avez dit 50 p. 100 dans la région urbaine. Je croyais que c'était environ 85 p. 100. L'autre 50p. 100 est en dehors de Winnipeg. C'est beaucoup.

M. Druwé: C'est exact.

Le sénateur Léger: Votre équipe volante volerait aussi loin?

M. Druwé: Oui, elle le fait présentement au niveau scolaire. Il y a des gens qui vivent dans leur voiture.

La présidente: Madame Dupuis, présidente de la Division scolaire, nous fera un exposé. Ensuite, je demanderais à Monsieur Auger, directeur général adjoint de la Division scolaire franco-manitobaine de nous faire sa présentation.

Mme Yolande Dupuis, présidente de la Division scolaire franco-manitobaine: La Division scolaire franco-manitobaine désire répondre à l'invitation et communiquer au Comité sénatorial permanent des langues officielles son point de vue sur la question proposée dans la lettre reçue du greffier du Comité.

Notre mémoire ne constitue pas une analyse complète et détaillée de tous les enjeux relatifs à l'éducation française dont se préoccupe la division scolaire. Plusieurs autres documents ont déjà été préparés à cet effet. Nous aborderons dans ce mémoire les questions proposées en faisant référence à quelques thèmes fondamentaux qui sont étroitement liés à notre mission et à la vitalité de la communauté francophone du Manitoba.

La Division scolaire franco-manitobaine, consciente de son rôle unique au Manitoba, au Canada et dans un monde en perpétuel changement, a pour mission: d'assurer une formation de qualité à sa population estudiantine francophone du Manitoba en promouvant le développement de personnes autonomes, épanouies, compétentes, sûres de leur identité, fières de leur langue et de leur culture; d'établir un projet éducatif communautaire, géré par les parents francophones du Manitoba, et qui reflète les intérêts et les valeurs du milieu franco-manitobain.

Notre vision est de voir l'élève enrichi par la langue et la culture françaises; l'élève fier d'être engagé au développement de la communauté francophone du Manitoba. L'élève reçoit une formation de qualité l'habilitant à envisager son avenir avec confiance. L'élève a une bonne estime de soi; l'élève est aimé et valorisé; l'élève est respecté et respectueux des autres.

L'orientation pédagogique de la DSFM est animée par la croyance que tout élève est capable d'apprendre à sa façon, qu'il ou elle a droit à un programme qui respecte son rythme d'apprentissage et les talents qui lui sont propres. Elle cherchera par tous les moyens, dans la limite de ses ressources, à créer dans ses écoles un climat de sérénité, de respect et d'engagement au travail scolaire, consciente que l'élève d'aujourd'hui est l'adulte de demain.

La DSFM reconnaît que l'élève est un apprenant à vie. Elle préconise donc une pédagogie centrée sur l'élève qui permet à chacun et à chacune d'apprendre à apprendre et de devenir un apprenant autonome.

La DSFM veut offrir à tous ses élèves les outils qui permettront à chacun et à chacune de se développer harmonieusement et de connaître le succès.

L'histoire de l'éducation française au Manitoba a déjà fait l'objet de plusieurs écrits. L'enseignement du français a été interdit en 1890 et au cours des années, les politiques assimilatrices des gouvernements se sont succédées. Mais les membres de la communauté francophone du Manitoba n'ont jamais cessé de lutter contre les injustices et de revendiquer leurs droits.

En 1988, la Société franco-manitobaine a tenu les «États généraux de la francophonie manitobaine». C'était l'occasion pour la communauté de faire le point sur la situation présente et de préparer l'avenir. Environ 700 personnes ont participé aux audiences publiques et c'est de loin dans le domaine de l'éducation que ces personnes ont choisi de s'exprimer le plus souvent quand ils voulaient parler de leurs préoccupations et de leurs attentes pour l'avenir. La création d'une division scolaire française homogène était le thème qui revenait avec le plus de fréquence dans les discussions.

Ce qui était un rêve en 1988 est devenu une réalité quelques années plus tard avec la mise sur pied de la DSFM. À la rentrée scolaire de septembre 1994, la DSFM accueillait ses premiers élèves.

Il y avait à ce temps-là 4 264 élèves, regroupés dans 20 écoles. Depuis, trois autres écoles se sont jointes à la DSFM: l'École Jours de Plaine à Laurier en 1995, l'École communautaire Gilbert-Rosset à Saint-Claude en 1988 et l'École Roméo-Dallaire à Saint-James, Winnipeg, en 2002. En septembre 2003, on comptait 4 473 élèves inscrits aux niveaux de la maternelle au secondaire 4 dans les écoles de la DSFM, soit une augmentation de 5 p. 100 par rapport à septembre 1994.

Depuis toujours, la minorité francophone du Manitoba a dû revendiquer, lutter et traiter l'éducation comme un défi. Depuis la mise sur pied de la DSFM, de plus en plus on fait référence aux succès qui ont pu être réalisés au sein de cette nouvelle division scolaire. Il y a 15 ans environ, les membres de la communauté rêvaient d'un système scolaire qui, entre autres, faciliterait les rencontres sportives et culturelles entre les élèves des différentes écoles françaises dans la province. Aujourd'hui, les rencontres entre les élèves, les rencontres pédagogiques entre les enseignants, la maternelle à temps plein, la phase d'accueil, un plus grand choix de cours au niveau secondaire, et bien d'autres activités pédagogiques et culturelles font partie du fonctionnement normal de notre vision scolaire.

Les statistiques sont troublantes. Il est indéniable que la continuité linguistique et culturelle des minorités linguistiques francophones du Canada n'est pas acquise. Le renouvellement, le développement et l'épanouissement de ces communautés ne sont pas assurées.

Les données fournies par Statistique Canada lors du recensement de 2001 démontrent que cette déclaration du sénateur Simard s'applique bien au Manitoba. Malgré les succès obtenus durant les dernières années, on doit reconnaître que nous n'avons pas encore enrayé l'érosion de la communauté francophone. Les effets cumulatifs des injustices du passé continuent à se faire sentir.

Et ici, nous examinons d'abord le nombre de personnes qui identifient le français comme leur langue maternelle au Manitoba, langue apprise en premier lieu à la maison dans l'enfance et encore comprise au moment du recensement.

On remarque qu'il y a environ 3 400 répondants de plus au Canada, mais on voit une diminution d'environ 3 325 au Manitoba.

Les données relatives à la transmission du français de générations en génération sont aussi inquiétantes. Le tableau démontre que, dans les familles exogames, le français est transmis à seulement 15,9 p. 100 des enfants. Or, ces familles comptaient, en 2001, 67,9 p. 100 du total de nos enfants âgés de 22 ans et moins. De plus, le nombre de ces familles ne cesse d'augmenter.

Regardons ensuite la langue d'usage à la maison. Voici ce que nous disent les recensements du Canada sur la proportion de francophones qui parlent le français ou l'anglais le plus souvent à la maison.

Toutes les mesures statistiques pointent dans la même direction. Comme le disait le sénateur Simard, le renouvellement, le développement et l'épanouissement de notre communauté ne sont pas assurés.

Parlons maintenant de l'accessibilité et du recrutement. Comme indiqué plus tôt, 4 473 élèves étaient inscrits dans les écoles de la DSFM au début de la présente année scolaire. Or, le recensement de 2001 indique qu'il y avait 17 605 élèves ayants droit au Manitoba. Ce grand écart entre le nombre réel et le nombre potentiel d'élèves inscrits dans nos écoles est certainement dû à plusieurs facteurs. Certains élèves ayants droit ne fréquentent pas une école française tout simplement parce qu'il n'y a pas d'école française dans leur communauté ou à proximité. Voilà une question troublante d'accessibilité qui exige des solutions urgentes si on veut récupérer une plus grande partie de notre effectif scolaire cible.

Entre autres, il faudrait donner suite au rapport présenté en 2001 par la Commissaire aux langues officielles, Madame Dyane Adam, intitulé «Droits, écoles et communautés en milieu minoritaire: 1986-2002, Analyse pour un aménagement du français par l'éducation», réalisée par Mme Angéline Martel.

Par ailleurs, il y a aussi la question d'exclusivité qui n'est pas encore réglée au Manitoba. En effet, il y a des écoles ne faisant pas partie de la DSFM qui offrent toujours un programme de français langue première. La DSFM croit que selon la Charte canadienne des droits et libertés et selon les décisions de la Cour suprême, l'offre d'un programme français revient exclusivement à la commission scolaire francophone.

Comme on l'a vu précédemment, la mise sur pied de la DSFM a été voulue par la communauté francophone du Manitoba. La DSFM a été créée grâce au travail acharné des membres de la communauté et de ses chefs de file. Ceux- ci avaient déjà compris ce qui allait être confirmé plus tard par la Cour suprême du Canada dans l'arrêt Arsenault- Cameron: «L'école est l'institution la plus importante pour la survie de la minorité linguistique officielle, qui est elle- même un véritable bénéficiaire en vertu de l'article 23».

L'école au centre de la communauté est un concept qui est repris par Angéline Martel dans l'étude déjà citée. Et je cite:

Récemment, le jugement de la Cour suprême du Canada en faveur des parents de Summerside a rappelé l'importance de l'école dans le développement des communautés minoritaires. Or, cette étude démontre l'importance de renforcer les effectifs des communautés par l'éducation en français de l'effectif scolaire cible. L'école est au centre de la communauté et lorsqu'elle est ainsi perçue, elle incite les parents de l'effectif cible à y recourir. Elle doit se nourrir au sentiment d'appartenance à la communauté et y contribuer en retour.

Si l'école est au centre de la communauté, elle ne peut à elle seule tout faire. Des services préscolaires complets sont indispensables pour bien intégrer le nombre maximum de jeunes de l'effectif scolaire cible à la francophonie. Les initiatives destinées à la petite enfance devraient donc être étroitement liées au système des écoles de la DSFM.

Comme nous l'avons vu plus tôt dans la présentation faite par la FPCP et nous-mêmes, vous avez des renseignements à ce sujet.

Le Collège universitaire de Saint-Boniface (CUSB) est un des principaux partenaires de la DSFM. Les élèves diplômés de la DSFM qui désirent poursuivre des études post-secondaires en français au Manitoba se dirigent au CUSB. La grande majorité de nos enseignants reçoivent leur formation initiale à la Faculté d'éducation du CUSB.

La vitalité de la communauté francophone au Manitoba repose donc en grande partie sur ce qui a été appelé une complétude institutionnelle en éducation. Je cite:

Complétude institutionnelle en éducation. Une école de qualité pourra se réaliser si elle s'inscrit dans le continuum de l'éducation «tout au long de la vie». Une complétude institutionnelle au niveau de l'éducation est nécessaire pour répondre, en particulier, aux besoins de la petite enfance, par des services de garderie, de pré- maternelle et de maternelle mais aussi plus tard aux besoins en éducation post-secondaire.

Il est important de bien comprendre que les besoins des divers partenaires de notre communauté sont complémentaires et aussi distincts. Par conséquent, la DSFM et ses partenaires ne devraient pas être placés en compétition les uns contre les autres lorsque les divers paliers du gouvernement tentent de leur attribuer des ressources financières adéquates.

Pour que l'école soit véritablement le centre de la communauté, et pour qu'elle soit ainsi perçue par tous les parents, il est nécessaire d'offrir un programme de francisation ou de refrancisation pour certains parents dans plusieurs localités de la province. Les données statistiques sur les familles exogames démontrent bien l'importance d'offrir des programmes de francisation. En effet, nous savons que le niveau de transfert linguistique de génération en génération est beaucoup plus élevé dans ces familles lorsque le parent non-francophone parle le français. Nous savons aussi que plusieurs parents francophones pourraient profiter d'un programme de refrancisation adapté à leurs besoins et offert dans leur milieu. Lorsqu'on tente de trouver des moyens pour répondre à ces besoins, il faut reconnaître que la dispersion géographique de notre division scolaire présente des défis uniques que l'on ne retrouve pas dans les autres divisions scolaires de la majorité.

Notons d'abord la pénurie de professionnels disponibles pour offrir des services en français dans les domaines spécialisés tels que l'orthophonie, l'ergothérapie, et cetera. Cette pénurie représente pour nous un sérieux problème de recrutement.

Il est essentiel que nos enseignants aient accès à un programme de formation initiale et continue qui répond à leurs besoins. Un tel programme devrait comprendre tous les thèmes familiers que l'on retrouve dans les programmes de formation des enseignants.

Cependant, les enseignants qui oeuvrent dans les écoles en milieu minoritaire ont aussi besoin de programmes qui nourrissent leur engagement pour la langue et la culture françaises. Dans les régions plus éloignées surtout, il faudrait trouver des moyens pour mieux appuyer ceux qui ont la lourde tâche de promouvoir l'importance du français et la fierté d'être francophone.

L'élaboration des programmes est une responsabilité de gestion essentielle reconnue dans la jurisprudence. Pour la minorité, une programmation distincte et spécifique à ses besoins est essentielle pour refléter les réalités et les repères du milieu minoritaire, dans le sens de l'égalité des résultats. Or, parmi 18 programmes d'études établis par le Ministère pour nos écoles, tous sauf quatre sont communs avec le système d'immersion française.

Compte tenu des buts visés par la programmation et du droit de la DSFM de gérer son programme d'éducation, il serait souhaitable qu'il y ait un partenariat entre la DSFM et le Bureau de l'éducation française pour le développement de tous les aspects de la programmation, que ce soit programmation cadre, l'élaboration de programmes et d'implantation et révision des programmes, grille-horaire.

Il n'existe pas assez de matériel didactique disponible pour l'enseignement et l'apprentissage en français, langue première. Lorsqu'on examine le catalogue du Centre des manuels scolaires du Manitoba, on constate qu'il y a beaucoup plus de matériel didactique disponible pour les clientèles de l'immersion française et du français de base par rapport au programme de français, langue première. Notons en particulier qu'il n'y a aucun matériel pour la Phase d'accueil, même si c'est une obligation légale et que la DSFM comptait en 2002-2003 un total de 760 élèves inscrits à ce programme, soit 17 pour cent de ses effectifs.

Afin de pouvoir rejoindre de façon efficace toutes nos clientèles dans toutes les régions de la province, la communauté francophone du Manitoba devrait pouvoir avoir accès à un système de vidéo-conférence intégré. Une infrastructure technologique bien développée et soutenue permettrait aux divers partenaires de la communauté de mieux répondre à leurs besoins, tels que: la formation d'éducatrices en jeune enfance, les cours à distance au niveau des études secondaires, la formation continue des enseignants, la francisation et la refrancisation des parents, les cours aux adultes, les réunions à distance de divers organismes, et cetera.

Plusieurs divisions scolaires de la majorité possèdent déjà les divers systèmes technologiques qui répondent à leurs besoins. Cependant, la nature même de notre division scolaire, qui s'étend sur un vaste territoire, exige une solution beaucoup plus complexe et coûteuse.

On peut conclure qu'il reste encore beaucoup à faire, surtout lorsqu'on se rappelle ces mots de la Commissaire aux langues officielles, et je cite: «Bref, pour concurrencer à chances égales, l'école de la minorité devra vraisemblablement, dans nombre de cas, être meilleure que celle destinée à la majorité».

J'en suis rendue au programme des langues officielles dans l'enseignement. Dans son rapport déjà cité, le sénateur Simard fait la recommandation suivante:

Nous recommandons au gouvernement du Canada qu'il se donne les moyens de ses obligations législatives et constitutionnelles en matière d'éducation; en liant le transfert des crédits aux provinces à la pleine réalisation des obligations dictées par l'article 23 de la Charte canadienne des droits et libertés; en reformulant la finalité et les paramètres du Programme des langues officielles dans l'enseignement (PLOE); en accroissant les fonds consacrés à l'éducation en français en milieu minoritaire à un niveau suffisant pour remédier à l'érosion des communautés francophones et acadiennes.

Nous appuyons le contenu de la recommandation du sénateur Simard.

Dans l'arrêt Arsenault-Cameron, la Cour suprême du Canada a confirmé l'aspect réparateur de l'article 23 de la Charte. Selon la Cour:

Une interprétation fondée sur l'objet des droits prévus à l'article 23 repose sur le véritable objectif de cet article qui est de remédier à des injustices passées et d'assurer à la minorité linguistique officielle un accès égal à un enseignement de grande qualité dans sa propre langue, dans des circonstances qui favoriseront le développement de la communauté.

En réalité, les répercussions des injustices passées continuent à se faire sentir. Les succès obtenus durant les dix premières années de notre existence n'ont pas encore réussi à renverser l'érosion progressive de notre communauté.

Dans l'arrêt Mahé, p. 372, la Cour suprême du Canada a déclaré:

En outre, comme l'indique le contexte historique dans lequel l'article 23 a été adopté, les minorités linguistiques ne peuvent pas être toujours certaines que la majorité tiendra compte de toutes leurs préoccupations linguistiques et culturelles. Cette carence n'est pas nécessairement intentionnelle: on ne peut attendre de la majorité qu'elle comprenne et évalue les diverses façons dont les méthodes d'instruction peuvent influer sur la langue et la culture de la minorité.

Nous croyons que nous devons être à la table de négociations concernant le Programme des langues officielles dans l'enseignement car nous sommes les mieux placés pour faire connaître nos besoins et notre point de vue sur les meilleurs moyens pour y répondre.

Nous croyons qu'il faut faire une distinction entre l'enseignement du français, langue première, et l'enseignement du français, langue seconde, à l'intérieur du PLOE. Ces deux programmes s'adressent à des besoins différents et à une clientèle différente. Il faudrait envisager une entente fédérale-provinciale dont l'objet serait la pleine réalisation de la mission évoquée par l'article 23 de la Charte.

Nous croyons fermement que la vitalité de la communauté francophone du Manitoba dépend en grande partie de notre capacité à renouveler notre jeunesse et à former les leaders de demain. Ceci fait partie intégrale de la mission de la DSFM.

Pour réaliser sa mission, la DSFM a besoin d'une allocation adéquate de ressources. Il y a lieu de fournir des appuis financiers supplémentaires à notre système scolaire. Ceux qui avaient cinq ans, l'âge d'entrée dans les classes de maternelle en 1982, l'année de l'adoption de la Charte canadienne des droits et libertés, ont aujourd'hui 26 ans. Certains d'entre eux ont déjà des enfants. Il y a une urgence d'agir.

La présidente: Ce mémoire va susciter beaucoup de questions.

Le sénateur Comeau: Ça me surprend que vous n'êtes pas plein partenaire de la discussion sur le programme des langues officielles dans l'enseignement. C'est le Ministère qui fait les négociations avec Ottawa dans ce domaine et vous n'êtes pas là directement à la table comme partenaire. Je trouve ça étonnant cette façon de procéder.

M. Gérard Auger, Division scolaire franco-manitobaine: Nous sommes étonnés aussi et sommes heureux que vous le souligniez. Nous en parlons dans notre mémoire. Nous devrions avoir l'occasion d'être à cette table et de dire nos besoins pour faire notre travail.

Le sénateur Comeau: En réalité, le but de tout ceci, est pour répondre à l'article 23 de la Charte. La raison d'être des conseils scolaires est que la communauté puisse avancer, faire la réparation du passé et regarder pour le futur.

Je ne sais pas. C'est simplement étonnant. Nous devrions peut-être examiner quelle est l'histoire de cela.

Mme Dupuis: Au départ, le Bureau d'éducation française du Manitoba, qui avait été mis sur pied pour la question d'immersion, négocie avec la province. Rien n'a été changé lors de l'arrivée de la gestion scolaire des francophones en minorité. Les formules n'ont pas été rajustées depuis sept ans.

Le sénateur Comeau: Les formules, voulez-vous dire le montant du financement?

Mme Dupuis: C'est exact.

Le sénateur Comeau: Au tout début, avant la formation des conseils, il devait y avoir une agence provinciale qui s'en occuperait. J'aurais dû penser que, avec la création des conseils, ce changement aurait lieu sous peu et que vous alliez être à la table des négociations. C'est une lacune et nous devrions l'examiner de près.

Mme Dupuis: Nous l'apprécierions. Nous avons envoyé plusieurs lettres. Nous avons demandé d'être à la table des négociations.

Le sénateur Comeau: Avez-vous eu l'occasion d'examiner le plan Dion? Ce plan touche-t-il à l'éducation?

M. Auger: Nous avons entendu le ministre Dion parler à Toronto dernièrement, mais ce n'était que sur les grandes lignes de son programme. Nous n'avons pas les détails et les enjeux de ce plan.

La présidente: Moi, je voudrais revenir sur l'accessibilité et le recrutement. Vous dites que des ayants droit ne fréquentent pas l'école française parce qu'il n'y en a pas dans leur communauté ou à proximité.

Ce manque est-il du fait que la Division scolaire francophone n'a pas jugé bon d'en implanter? L'arrêt Arsenault- Cameron dit qu'il doit y avoir des écoles françaises partout, dépendamment du nombre. N'y a-t-il pas de demande? Les parents ne veulent-ils pas d'écoles françaises?

M. Auger: C'est une question assez complexe avec plusieurs réponses. Par exemple, nous venons juste d'ouvrir une école dans la communauté de Laurier. C'est de peine et de misère, que nous avons réussi la semaine dernière, à entamer les premières démarches pour la construction de l'école.

Nous souhaiterions agrandir nos espaces dans une communauté à l'intérieur de la ville urbaine dans la région de Saint-James-Assiniboia. Nous sommes présentement en pourparlers avec le ministère de l'Éducation pour trouver les ressources nécessaires pour l'agrandissement de nos espaces scolaires dans cette région.

La région Saint-James-Assiniboia est à l'extrême ouest du Manitoba et de la ville de Winnipeg, voisine des communautés comme Saint-François-Xavier, Élie et d'autres communautés qui étaient traditionnellement des communautés très francophones où, aujourd'hui, on ne retrouve pas d'écoles françaises.

Pour nous, l'espoir est d'agrandir nos espaces et d'attirer des ayants droit qui demeurent dans ces régions et qui n'ont pas accès à une école.

Mme Dupuis: Nous avons ouvert l'école en 2002 à Saint-James. En septembre 2003, les inscriptions ont doublé. Nous sommes passé de 23 à 46 écoles. Nous voulons négocier pour une autre école parce que la division cédante, celle de la majorité, a 14 écoles qui sont vides. Nous essayons d'en avoir une.

En 2004, nous allons ouvrir une école à Brandon, en dehors de notre territoire. La demande a été faite depuis quelques années. Nous avons eu des rencontres avec les parents de Brandon. Nous tentons de négocier pour voir quel édifice nous pourrions partager avec eux.

L'année dernière, une demande a été faite de la part de parents de Portage-la-Prairie. Cela prend quelques années avant de mettre ces projets sur pied.

La présidente: Nous sommes privilégiés car, cet après-midi, nous allons recevoir les responsables du gouvernement, le ministère de l'Éducation, le ministère des Finances.

Comment recevez-vous votre budget à l'intérieur de districts scolaires francophones? Est-ce toute l'enveloppe du ministère de l'Éducation ou est-ce un budget global? Y a-t-il un octroi de base et ensuite, par inscription d'élèves?

M. Auger: Le financement des commissions scolaires au Manitoba est un système assez complexe et encore plus complexe pour la DSFM. Par exemple, si nous avons 50 élèves dans la Division scolaire Louis Riel, sur un total de 16 000 élèves, à la fin de l'année, cette commission scolaire doit nous remettre 50 divisé par 16 000 fois le montant de taxes scolaires qu'ils ont prélevé.

Si chaque commission scolaire a une taxe foncière différente, revenu d'impôt différent, c'est difficile pour nous d'estimer d'année en année le budget de fonctionnement que nous recevrons du système de taxe scolaire.

,Nous recevons un octroi de base pour chaque élève de la division scolaire comme les autres commissions, divisions scolaires cédantes ou les autres divisions scolaires du Manitoba. C'est complexe.

La présidente: C'est très complexe. Est-ce équitable, selon vous?

M. Auger: Ce n'est pas équitable. Nous ne sommes pas capables de rencontrer les exigences de l'article 23, le devoir que nous devons faire au Manitoba.

Depuis quelque temps, le ministre de l'Éducation nous consulte et nous avons choisi ensemble de nommer quelqu'un pour venir se pencher sur cette question. C'est intéressant pour nous parce que le ministre, au départ, déclarait qu'il n'y avait pas de problème de sous-financement de la Division scolaire franco-manitobaine.

Malgré ce fait, M. Jean Comtois, de l'Ontario, est venu et a fait une étude sur les opérations de la division scolaire pour voir où le gouvernement peut nous venir en aide.

[Traduction]

Le sénateur Keon: C'était un très bon exposé. Je vais retourner à ce dont je parlais précédemment. Corrigez-moi si je me trompe, mais il me semble que votre programme d'études est essentiellement un programme anglais que vous offrez en français.

Nous avons au Canada, dans la province de Québec, un système éducatif superbe. Il n'est pas seulement bon; il est superbe. C'est peut-être le meilleur au Canada. Il me semble que si les francophones hors Québec veulent un système éducatif viable, ils devraient adopter le système québécois. Je n'ai jamais compris pourquoi ils ne le font pas parce que, en définitive, ils perdent la continuité dans leur système éducatif.

Je suis moi-même né au Québec il y a déjà longtemps, et rien de ceci ne s'applique. Cependant, pour un jeune francophone au Canada, il y a des ressources superbes qui leur permettent de terminer leurs études en français, dans n'importe quelle discipline qu'ils choisissent. Ils n'ont qu'à aller au Québec pour les niveaux plus avancés.

Des témoins précédents ont signalé que votre programme d'études ne correspond pas à celui du Québec, ce qui fait qu'il est trop difficile pour les étudiants de poursuivre leurs études à l'Université de Montréal ou à Laval. Par conséquent, ils vont dans une université de langue anglaise.

Premièrement, ai-je raison? Si oui, songez-vous à essayer de changer cela?

La présidente: Sénateur Keon, je peux dire que c'était presque là ma prochaine question concernant l'expérience du Nouveau-Brunswick. Je vais d'abord laisser répondre les témoins.

[Français]

M. Druwé: La responsabilité, pour les curriculum et les programmes d'étude, relève des gouvernements provinciaux et ceux-ci tiennent assez férocement à leur territoire.

Au cours des années, nous avons fait un peu de chemin sur la revendication de partenariats avec d'autres provinces. Il existe le protocole de l'ouest, et le protocole pancanadien avec le conseil des ministres canadiens en éducation. Des initiatives, des débuts de partenariats se font. Toute la question, de curriculum et d'agenda éducatif, est encore très provinciale. Nous souhaiterions beaucoup plus d'échanges et beaucoup plus de partenariats. Une économie est à faire et nous devons nous mettre d'accord sur les grands objectifs.

Les finalités en éducation, dans l'ensemble, peuvent être les mêmes avec des spécificités locales. Nous revendiquons plus d'autonomie dans l'élaboration de nos programmes afin d'aller chercher nos partenaires et, ensemble, avec une économie de temps, une économie de financement, arriver à des programmes qui répondent à nos besoins de façon efficace. C'est un dilemme auquel nous faisons face. Vous l'avez bien soulevé.

M. Auger: Nous ne voulons pas non plus devenir une succursale du Québec. Nous voulons développer nos propres ressources et nos propres programmes d'études.

Il existe quand même au Manitoba une université, qui s'appelle le Collège universitaire de Saint-Boniface, qui répond à beaucoup de besoins de nos jeunes étudiants. Nous avons des étudiants qui vont étudier à Moncton par la correspondance des systèmes scolaires.

Nous avons des jeunes qui sont allés étudier le droit ou tout autre discipline à l'Université de Moncton et qui prennent des degrés au Collège de Saint-Boniface.

Nous venons d'entamer un partenariat avec la Commission scolaire de Sherbrooke et ce, à leur demande. C'est un partenariat entre directeurs généraux avec l'aide de la présidente des commissions scolaires pour voir exactement quelles sont les ressources que nous avons en commun.

Ils s'intéressent à savoir comment nous réussissons à survivre dans un milieu minoritaire. Ils trouvent que nous pourrions leur apprendre beaucoup. De notre côté, nous serons heureux de connaître leur expertise au niveau des ressources humaines et autres et ce qu'ils ont à nous offrir.

[Traduction]

Le sénateur Keon: Vous n'avez pas mentionné l'Université d'Ottawa, qui fait partie du réseau. L'Université d'Ottawa, qui est mon université, offre également d'excellents programmes d'études en français.

M. Auger: Oui.

Le sénateur Keon: Cependant, ce sont des programmes d'études en anglais qu'on traduit en français, sauf dans le cas de la faculté de droit. Par contre, lorsque les étudiants sortent du système éducatif au Québec, ils sont francophones pour la vie. Il pourrait être intéressant de chercher à offrir des programmes d'études du Québec aux collectivités francophones.

M. Auger: Je suis heureux que vous appréciiez le système éducatif au Québec. Le Manitoba a également un bon système. Je signalerai cependant que tous les programmes en sciences sociales sont un exemple de programmes qui sont offerts au Québec et qui ne seraient pas nécessairement utiles pour nous.

[Français]

Les sciences humaines, l'histoire, la géographie, sont des programmes spécifiques au Québec. Pour nous, dans l'Ouest, ces programmes sont importants.

La présidente: Je suis contente que vous le mentionner, M. Auger, parce que nous en avons fait l'expérience au Nouveau-Brunswick. Dans les années 80, lorsque j'enseignais au Nouveau-Brunswick, nous avions besoin de matériel didactique, traduit de l'anglais au français. Nous étions pratiquement la succursale du Québec. Les meilleurs vendeurs nous arrivaient du Québec pour acheter le matériel didactique pour le Ministère de l'Éducation.

Avec l'Université de Moncton le Collège d'Acadie, nous avons commencé à publier notre propre matériel didactique. Aujourd'hui, vous pouvez aller dans les écoles au Nouveau-Brunswick et voir du matériel scolaire qui a été fait, produit par les gens de chez nous. Je vous encourage. Avec l'Université de Saint-Boniface, vous pourriez faire du matériel scolaire qui colle à votre réalité.

Le sénateur Léger: Pourriez-vous développer un peu plus sur le sujet de l'immersion? Les moyens alloués ou donnés pour l'immersion sont-ils plus importants que pour le français des francophones? Est-ce les parents qui doivent payer? Est-ce que le gouvernement donne plus de moyens à l'immersion qu'à l'enseignement en français?

M. Auger: La Politique des langues officielles et les argents qui sont offerts aux provinces pour l'enseignement de la langue française en milieu minoritaire ne sont pas distincts. La clientèle de l'école d'immersion reçoit les mêmes argents que l'école française. Ce n'est pas qu'ils en reçoivent plus, c'est qu'à certains moments ils sont plus nombreux.

Mme Dupuis: Dans certaines de nos régions, il existent des écoles d'immersion établies, des écoles assez importantes. Dans l'est de la province, il y a une importante école d'immersion.

En 1994, nous avons pu établir une école française sans gymnase. Nous sommes dans un ancien centre communautaire qui a été refait. C'est assez bien.

Les jeunes arrivent au secondaire et voient ces écoles qui contiennent environ mille élèves. C'est tentant pour ces jeunes. Certains d'entre eux restent avec nous jusqu'au secondaire 4. Il est difficile pour nous d'offrir les cours à distance ou les cours qu'ils ont besoin pour réussir. L'aspect de la grosse école du coin joue encore dans la décision des parents et des enfants.

Le sénateur Léger: Pour le gouvernement aussi?

La présidente: Nous verrons cet après-midi.

M. Auger: Aujourd'hui, nous sommes ici pour parler des écoles françaises mais il n'y a pas vraiment de regroupement pour représenter les gens qui oeuvrent dans les milieux d'immersion, qui sont des collaborateurs importants à tout le projet du Manitoba qui est de récupérer la francophonie au Manitoba.

L'Association manitobaine des directeurs d'écoles d'immersion serait le seul organisme qui pourrait parler de l'immersion. Si vous avez la chance, je vous souhaiterais de les rencontrer.

La présidente: J'aimerais échanger avec quelques-uns sur les programmes ou sur le matériel didactique.

Le sénateur Comeau: Vous avez fait mention dans votre rapport de l'exclusivité. Il existe, apparemment, des écoles qui offrent des programmes en langue première. Voudriez-vous m'expliquer, très brièvement, qu'est-ce que c'est?

M. Auger: Dans les autres provinces, toute l'éducation française est faite par la division scolaire francophone de la province. Au Manitoba, nous avons choisi de faire des votes par communauté. Dans certaines communautés, des situations assez bizarres se sont développées.

Aujourd'hui, nous avons sept communautés où nous retrouvons des écoles qui se disent francophones. Elles sont reconnues par le ministère, par le Bureau d'éducation française comme étant des écoles francophones mais elles ne relèvent pas de la DSFM. Elles offrent un programme différent de la DSFM. Ces programmes ne donnent seulement que la moitié des cours de l'enseignement en français. C'est une question qui revient dans notre bref.

Le sénateur Comeau: Le Manitoba est donc la seule province à agir de cette façon?

M. Auger: Oui, c'est la seule province.

La séance est levée.


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