Délibérations du comité sénatorial permanent des
Langues officielles
Fascicule 14 - Témoignages
OTTAWA, le lundi 27 octobre 2003
Le Comité sénatorial permanent des langues officielles se réunit aujourd'hui à 17 h 25 pour étudier le projet de loi S- 11, Loi modifiant la Loi sur les langues officielles (promotion du français et de l'anglais).
L'honorable Rose-Marie Losier-Cool (présidente) occupe le fauteuil.
[Français]
La présidente: Nous recevons aujourd'hui la commissaire aux langues officielles, Mme Dyane Adam. Madame Adam, il nous fait plaisir de vous recevoir à nouveau et je vous demanderais de bien vouloir présenter les personnes qui vous accompagnent?
Mme Adam: Ce projet de loi est très important car il me permettra de clarifier la partie VII de la Loi sur les langues officielles et assurera le respect de l'engagement du gouvernement à l'égard de la promotion du français et de l'anglais. D'ailleurs, cela fait deux ans que je recommande dans mon rapport annuel que de telles modifications soient apportées. Bien sûr, je tiens à souligner et à saluer cette nouvelle initiative du sénateur Gauthier.
Comme nous le savons, ce projet de loi succède au projet de loi S-32, qui avait été présenté en 2001. J'avais comparu le 21 février 2002 devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles afin d'y exprimer mes positions et je suis heureuse de constater que le projet de loi S-11 tient compte des trois recommandations que j'avais formulées à l'époque pour bonifier le projet de loi S-32. Tel que libellé, le projet de loi S-11 clarifie la portée de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Il précise le caractère impératif de l'engagement énoncé en imposant de façon plus explicite une obligation aux institutions fédérales. Il prévoit également le pouvoir d'adopter des règlements d'application afin d'assurer la mise en place d'un régime d'application approprié de la Loi sur les langues officielles et il prévoit un droit de recours en vertu de la partie X de la Loi sur les langues officielles.
Selon moi, la partie VII impose déjà une obligation impérative au gouvernement fédéral. Cependant, tous ne partagent pas cet avis et, à défaut d'unanimité, les tribunaux se sont parfois trouvés devant la responsabilité d'en définir la portée.
L'obligation du gouvernement fédéral sera donc clarifiée par le libellé proposé dans le présent projet de loi. De plus, le gouvernement aura la responsabilité de définir les modalités d'exécution de cette obligation, ce qui nous permet d'espérer qu'un régime approprié sera mis en place et ce, de concert avec les communautés de langues officielles.
Enfin, je crois que le recours aux tribunaux est nécessaire. Lorsqu'une loi impose une obligation, elle doit être assortie d'un pouvoir de réparation permettant aux tribunaux d'en surveiller l'exécution. En effet, si je peux me permettre un parallèle, la reconnaissance à l'article 23 de la Charte du droit à l'instruction dans la langue de la minorité a donné lieu à plusieurs recours afin d'en assurer la mise en œuvre par les gouvernements provinciaux qui n'avaient pas respecté leurs obligations. Si les communautés minoritaires de langues officielles n'avaient pu avoir recours aux tribunaux pour s'assurer du respect de l'article 23 de la Charte, elles n'auraient peut-être pas, encore aujourd'hui, leurs écoles.
[Traduction]
Comme je l'ai déjà souligné, l'heure est venue d'agir. Je constate depuis plusieurs années et ce, avec regret, une certaine stagnation et ambivalence au sein de l'appareil fédéral en ce qui a trait au respect de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
L'appareil fédéral ne sait pas ce qu'on attend de lui et a parfois tendance à agir lentement devant l'ambiguïté. Par le fait même, les communautés de langue officielle se désillusionnent, car elles attendent davantage d'un gouvernement véritablement engagé à favoriser leur épanouissement et leur développement.
Je pense notamment à la décision récente dans l'affaire du Forum des maires de la péninsule acadienne où la Cour fédérale a critiqué les délais de la part du gouvernement.
Il y a, bien sûr, le récent et tant attendu Plan d'action pour les langues officielles du gouvernement. Cependant, celui-ci cible certaines institutions clés alors que toutes les institutions, dans des secteurs variés, doivent être dotées d'une direction claire quant à leurs obligations. C'est pourquoi je suis d'avis que le Plan d'action du gouvernement ne saurait être pleinement réalisé sans une clarification de la portée de la partie VII de la Loi sur les langues officielles. C'est avec le vent dans les voiles que le gouvernement doit passer à l'action en éliminant les ambiguïtés qui freinent et alourdissent l'ardeur de l'administration fédérale.
La voie législative semble la voie appropriée pour corriger la situation. L'adoption du projet de loi S-11, à mon avis, favoriserait une meilleure compréhension des obligations qu'impose la partie VII au gouvernement ainsi qu'une meilleure mise en oeuvre de l'engagement du gouvernement.
Je félicite encore une fois le sénateur Gauthier d'avoir proposé un projet de loi bien étoffé auquel je suis heureuse de donner mon appui. Voici l'occasion idéale pour le gouvernement de démontrer son engagement renouvelé à l'égard du développement des communautés de langue officielle. Comme on le lit si bien d'ailleurs dans le Plan d'action pour les langues officielles, je cite:
Des communautés de langue officielle minoritaire vigoureuse, fières de leur identité et de leur culture, en mesure d'attirer de nouveaux membres constituent un atout pour l'ensemble du pays.
L'adoption de ce projet de loi pourrait, à mon avis, aider ces communautés à relever de nombreux défis et contribuer à renforcer les leviers de développement des communautés de langue officielle. En faisant cela, c'est non seulement les communautés, mais tout le Canada qui en bénéficie.
Il me fera plaisir de répondre à vos questions.
[Français]
La présidente: Je cède maintenant la parole à M. Hilaire Lemoine, de Patrimoine canadien.
M. Hilaire Lemoine, directeur général, Programmes d'appui aux langues officielles, ministère du Patrimoine canadien: Honorables sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier pour cette occasion de vous faire part d'un certain nombre de grandes réalisations de la part de divers secteurs touchant les langues officielles, et également de vous parler du mandat de Patrimoine canadien. Ma présentation ne sera pas du même ordre que celle de Mme la commissaire. Mon exposé fera état d'un certain nombre de succès dans le cadre de la partie VII dans sa version actuelle.
En guise de préambule, j'ai trois commentaires généraux. Premièrement, dans le cadre actuel de la partie VII de la Loi sur les langues officielles, Patrimoine canadien a réalisé d'importants progrès dans le domaine des langues officielles. Deuxièmement, il est important de noter que les communautés minoritaires de langues officielles sont satisfaites du nouveau cadre d'imputabilité et de coordination du plan d'action sur les langues officielles, lequel doit contribuer à un plus grand respect de l'engagement du gouvernement à l'égard de leur vitalité et de leur développement. Troisièmement, Patrimoine canadien doit compter sur de nombreux partenaires pour atteindre ses objectifs. Il ne peut être tenu pour seul responsable de certains champs de compétence appartenant à d'autres paliers de gouvernement.
Passons en revue quelques réalisations inscrites aux grands livres au cours des dix dernières années. Ces réalisations sont bien connues, mais je crois qu'il est important, dans le contexte actuel, de les revoir.
Au niveau de l'éducation, comparons la situation d'aujourd'hui à celle qui existait il y a dix ans. La gestion scolaire existe dans toutes les communautés francophones à l'extérieur du Québec et, bien entendu, au Québec. On compte à l'extérieur du Québec plus de 670 écoles françaises. Le taux d'inscription dans ces écoles est passé de 56 p. 100 d'enfants ayant droit, en 1986, à 68 p. 100 en 2001. Il existe un réseau complet de collèges en Ontario, tels la Cité collégiale, le collège Boréal et ses campus.
[Traduction]
Plus de 14 écoles communautaires ont été construites au Québec pour la communauté anglophone, en plus du développement du Collège Héritage, tout juste de l'autre côté de la rivière, ainsi qu'un réseau d'éducation à distance pour les écoles de plus petite taille.
[Français]
On parle de 20 centres scolaires communautaires.
[Traduction]
Il y a plus de 325 élèves dans les programmes d'immersion. Il y a un budget de 2,7 millions de dollars pour l'éducation en langue française.
[Français]
L'éducation est un bel exemple de partenariat. Au niveau des services offerts à la minorité par les gouvernements provinciaux et territoriaux, il importe de soulever quelques points. Depuis les trois dernières années, il existe un bureau des services en français en Colombie-Britannique ainsi qu'en Alberta.
La huitième conférence des ministres responsables des affaires francophones a eu lieu à Winnipeg, il y a quelques mois. La Saskatchewan annonçait alors une politique sur les services en français. Il y a quelques années, la Loi sur les services en français fut adoptée à l'Île-du-Prince-Édouard. On a vu un appui marqué à la mise en œuvre de la nouvelle Loi sur les langues officielles au Nouveau-Brunswick — entre autre, il y a eu la traduction des arrêtés municipaux à Moncton. Parmi les autres réalisations, notons un appui à la ville d'Ottawa pour l'offre de services, ainsi que la création d'un centre national de formation en santé, qui deviendra le Consortium en santé sous l'égide de Santé Canada.
Au niveau de l'appui au développement des communautés, j'aimerais souligner le fait suivant. Il y a eu, au cours des années, une sensibilisation assez marquée de la part d'un certain nombre de ministères-clés, qui ont un rôle important au niveau des communautés. Ceci a donné lieu à la création de comités ministériels. On en retrouve en santé, en ressources humaines, et en citoyenneté et immigration. Patrimoine canadien a récemment mis sur pied ce genre de comité de concertation avec les deux communautés minoritaires.
Vous avez entendu parler de l'entente multipartite sur la culture avec la Fédération culturelle canadienne française, où tous les secteurs de la culture sont représentés par le biais des différentes agences du portefeuille, qu'il s'agisse du théâtre, des arts médiatiques, des arts visuels, de la chanson ou de la musique. Un réseau francophone d'Amérique relit maintenant 18 radios communautaires francophones et acadiennes dans six provinces et deux territoires. Nous avons trois jeux de la Francophonie canadienne, l'Institut de recherche sur les minorités linguistiques à l'Université de Moncton, 30 ministères et agences désignés comme institutions-clés — le CRTC est le dernier venu. Également, quatorze ministères ont conclut des protocoles de PICLO, ce qui représente environ 60 nouveaux programmes du gouvernement fédéral au service des communautés minoritaires. Ceci représente plus de 40 millions de dollars, depuis juin 2000, dans le cadre de ces ententes PICLO, dont 11 millions de dollars du Patrimoine canadien seulement. Vous voyez donc l'effet de levier obtenu.
Au niveau de la dualité linguistique, autre élément important du mandat du ministère, 82 p. 100 des Canadiens, incluant 91 p. 100 des 18 à 24 ans, appuient la politique sur les langues officielles du gouvernement fédéral. En 30 ans, le pourcentage de Canadiens bilingues est passé de 12 p. 100 à 18 p. 100. Cet accroissement peut sembler modeste. Toutefois, on remarque un progrès beaucoup plus encourageant chez les jeunes. En effet, le taux de bilinguisme a augmenté à 24 p. 100 chez les anglophones de 15 à 19 ans. Ces chiffres nous donnent une idée de ce que l'avenir nous réserve.
Un autre exemple, au niveau de la dualité linguistique, est le travail que fait Canadian Parents for French. Il y a quelques jours, ils ont fait paraître leur dernier rapport intitulé: «L'état de santé de la langue seconde», un mécanisme intéressant pour rappeler aux gouvernements provinciaux et au gouvernement fédéral leur engagement par rapport à ce dossier.
Cet été, plus de 12 villes ont participé à l'événement «Français pour l'avenir», qui regroupait des étudiants, des travailleurs et un certain nombre de compagnies du secteur privé pour mettre en valeur l'apprentissage et la connaissance d'une langue.
Le développement d'un modèle innovateur d'enseignement du français langue seconde a été conçu: le français intensif, qui est une espèce d'alternative à l'immersion.
En terminant, je vous parlerai de l'évaluation de nos programmes. Certains membres du comité nous ont demandés si le ministère du Patrimoine canadien évaluait ses programmes. Je suis heureux de vous dire que cela fait deux ans que nous sommes dans un mode d'évaluation. On nous examine de tous bords, tous côtés: une évaluation majeure des programmes d'éducation, une évaluation de nos programmes d'appui aux communautés et une autre, présentement en cours, des services des gouvernements provinciaux aux communautés.
Les questions posées dans ces évaluations sont: nos programmes sont-ils toujours pertinents? dans quelle mesure ont-ils atteint les résultats escomptés? les programmes utilisent-ils les meilleurs moyens pour montrer l'efficacité des résultats atteints? Ce sont des évaluateurs de l'extérieur du ministère qui effectuent ces évaluations.
Plus de 1 200 participants, groupes ou organismes communautaires y ont participé. Il y a eu des groupes témoin et un certain nombre de constats. Je vous enverrai une copie de cette évaluation. Il ressort de cette évaluation que les programmes ont permis de faire un réel progrès tant en éducation et en matière de service qu'en développement communautaire.
Les bénéficiaires reconnaissent que, sans l'appui des programmes du ministère du Patrimoine canadien, il aurait été impossible de maintenir la vie du milieu en situation minoritaire et de faire des progrès en éducation, tant dans la langue de la minorité qu'en enseignement de langue seconde. Les évaluateurs ont aussi mentionné que des améliorations sont également nécessaires pour préciser davantage les objectifs à atteindre et mieux mesurer les progrès réalisés.
En conclusion, honorables sénateurs, j'ai tenté, aujourd'hui, d'illustrer que, dans sa forme actuelle, la partie VII permet d'atteindre des résultats très évidents. Elle permet de changer les cultures et d'établir des relations continues et structurantes entre les communautés, les ministères et les différents paliers du gouvernement, qui sont là pour servir les communautés.
[Traduction]
La présidente: Et nous accueillons maintenant Mme Monnet, secrétaire adjointe aux Langues officielles, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
[Français]
Mme Diana Monnet, secrétaire adjointe, Direction des langues officielles, Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada: Honorables sénateurs, je vous remercie de votre invitation pour discuter du projet de loi S-11, visant à modifier la Loi sur les langues officielles afin de prescrire le caractère exécutoire de l'engagement du gouvernement à l'égard des communautés minoritaires de langues officielles.
Je comprends que l'objectif consiste à renforcer l'engagement du gouvernement du Canada face à la dualité linguistique. Le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada est solidaire de l'objectif qu'il appuie depuis longtemps par ses actions, et avec des actions de plus en plus ciblées depuis quelque temps.
D'emblée, je tiens à souligner que je laisse au ministère de la Justice du Canada le soin de commenter à propos du caractère déclaratoire ou exécutoire de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Permettez-moi de vous décrire comment l'appui du Secrétariat envers la partie VII se manifeste concrètement. Le Conseil du Trésor est responsable pour les parties IV, V et VI, mais il contribue également à la réalisation de la partie VII à titre d'agence centrale.
Premièrement, le Secrétariat appuie l'engagement du gouvernement d'écrire la partie VII par l'examen qu'il fait des présentations qui lui sont soumises par les institutions pour l'approbation du Conseil du Trésor. La direction des langues officielles, de concert avec les analystes des secteurs de programmes du Secrétariat, examine l'analyse d'impact, effectuée par les institutions, de leurs initiatives, afin de voir à l'optimisation des considérations de langues officielles, de poser des questions, et même de recommander des conditions à l'octroi des fonds, notamment, en ce qui a trait aux services au public, à la langue de travail, à la représentation équitable, mais également au développement des communautés de langues officielles vivant en situation minoritaire.
Souvent, notre travail débute avant que les présentations parviennent au Conseil du Trésor, car nos conseillers communiquent régulièrement avec les responsables dans les ministères et avec leurs collègues au sein du Secrétariat du Conseil du Trésor. Dès lors, ils peuvent intervenir à l'étape du développement de la présentation.
[Traduction]
Le Plan d'action pour les langues officielles a prévu une allocation de 14 millions de dollars pour les cinq prochaines années afin de mettre en oeuvre le Programme d'innovation pour les langues officielles qui vise à financer des activités ciblées mises de l'avant par les institutions fédérales et les conseils régionaux afin d'améliorer les programmes de langues officielles.
Bien que le Programme d'innovation ne finance pas directement les communautés linguistiques en situation minoritaire, cette année, dans le cadre du Fonds régional pour les partenariats, un bon nombre des projets recommandés ont tenu compte ou ont impliqué des communautés linguistiques en situation minoritaire.
On a attiré l'attention sur cet aspect en indiquant clairement que la consultation ou la participation des communautés ajouterait de la valeur aux projets présentés.
[Français]
L'engagement du gouvernement du Canada de favoriser l'épanouissement des minorités de langues officielles et de promouvoir le français et l'anglais dans la société canadienne est explicitement énoncé dans la loi.
Tous les ministères doivent procéder à une évaluation continue de leurs programmes et de leurs services en vue de découvrir des possibilités d'améliorer le service offert aux Canadiens, y compris les modes différents ou novateurs de prestation de services.
Les ministères doivent examiner attentivement l'incidence que pourrait avoir un nouveau mécanisme de prestations de services sur les obligations et engagements en matière de langues officielles, avec un accent sur les communautés.
[Traduction]
Le 1er avril 2002, le Conseil du Trésor a adopté une Politique sur les différents modes de prestation de services. Cette politique, qui comporte un volet intégré et important de langues officielles, démontre un engagement ferme du gouvernement du Canada de renforcer le respect de l'esprit et de l'intention de la Loi sur les langues officielles.
En outre, avant toute décision d'adopter un mécanisme différent de prestation de services pouvant avoir une incidence sur le développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire, des consultations approfondies doivent être menées auprès de celles-ci.
Cette remarque est incluse dans l'annexe C de la politique sur les différents modes de prestation de services. De plus, l'annexe comporte cinq principes directeurs à l'appui des objectifs spécifiques devant être traités dans l'analyse de cas pour assurer le respect des langues officielles du Canada.
Un guide stratégique qui sert de complément à la politique du Conseil du Trésor a été élaboré pour diriger les efforts des institutions dans l'analyse de cas et pour les aider à établir leur plan de consultation.
Les institutions doivent, entre autres, veiller à atteindre une participation générale et représentative de toutes les parties directement touchées par la question, notamment les communautés de langue officielle en situation minoritaire, et elles doivent amener les participants à prendre part au processus très tôt afin de leur donner véritablement la possibilité d'influer sur les décisions avant qu'elles ne soient prises.
[Français]
Dans le cadre de leur mandat, les champions des langues officielles sont appelés à exercer un leadership auprès de la haute direction de leurs institutions, pour promouvoir l'intégration des langues officielles dans toutes les activités stratégiques de leurs institutions. Outre les responsabilités relatives aux services au public, la langue de travail et la participation équitable, les champions veillent aussi à faire en sorte que les orientations de leurs institutions prennent en compte l'appui au développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire. En mettant à profit toutes les ressources de leurs organisations, les champions visent à sensibiliser leurs institutions à l'importance du respect des droits et des obligations reconnues en vertu de la loi, et aux aspirations des communautés.
La communauté minoritaire locale est invitée aux réunions annuelles des comités consultatifs qui sont présidées par le Conseil du Trésor et des sociétés d'État, et également aux réunions des champions. Quatre fois par année, une communauté locale est invitée à une de nos réunions. Ces communautés nous font part, lors de ces visites, de leurs objectifs et de leurs défis. Elles font des présentations aux champions et aux directeurs des langues officielles.
De plus, 13 conseils régionaux de hauts fonctionnaires mènent leurs activités selon les conditions et les exigences locales. Ils sont constitués de cadres supérieurs et, à des divers degrés, ils sont tous engagés dans des activités de partage d'information et d'appui. Les conseils comprennent un certain nombre de comités, y compris le Comité sénatorial permanent des langues officielles, dont le mandat touche toutes les parties de la loi, notamment l'appui au développement des communautés de langues officielles en situation minoritaire.
Nous comptons beaucoup sur eux et nous le ferons davantage à l'avenir afin d'obtenir un son de cloche relatif aux défis et aux besoins des communautés. Le Secrétariat du Conseil du Trésor est responsable des politiques découlant des parties IV, V et VI de la Loi sur les langues officielles, mais, en vertu de son autorité découlant de la Loi sur la gestion de finances publiques, il a voulu s'assurer que les objectifs de la partie VII soient pris en compte par les institutions fédérales lorsqu'elles octroient des fonds aux organismes bénévoles non gouvernementaux. Cette politique encourage la promotion des deux langues officielles dans la société canadienne en prévoyant que l'octroi de fonds aux organismes en question est assujetti à des conditions face aux langues officielles et face aux besoins des minorités, en ce qui a trait aux services et aux communications offertes au public.
En conclusion, et sans toutefois me prononcer sur l'appui ou le rejet du projet de loi S-11, il est difficile de prévoir ce que ce projet de loi ajouterait au travail et aux grands objectifs du Secrétariat du Conseil du Trésor en termes de projets, d'analyses et de coordination, sans une analyse d'impacts, sans une idée des balises, et sans déterminer comment le gouvernement entendrait réaliser et évaluer ses obligations par rapport à d'autres priorités, à d'autres obligations. Je peux néanmoins vous assurer que, dans toute la mesure du possible, la volonté du Secrétariat du Conseil du Trésor de voir à l'épanouissement des communautés de langues officielles en situation minoritaire est ferme et qu'elle le resta à l'avenir.
Le sénateur Comeau: Pour plusieurs d'entre nous, la partie VII est exécutoire et non pas juste une bonne intention. Cela clarifiera le désir des parlementaires, au moment où le projet de loi a été conçu et présenté. D'après ce que je peux voir, les présentations de M. Lemoine et de Mme Monnet clarifient surtout le travail du Secrétariat du Conseil du Trésor. Bon nombre d'entre nous sommes contents du travail fait par Patrimoine canadien, et des grands progrès réalisés ces dernières années par Patrimoine canadien et par le Secrétariat du Conseil du Trésor.
Par contre, Mme Adam a apporté un très bon point. Si ce n'avait été de l'article 23 de la Charte, probablement que nous n'aurions pas encore accès à nos écoles, qui sont encore absentes dans plusieurs régions du pays. C'est très récent. Cela démontre la raison possible pour laquelle les parlementaires de l'époque auraient voulu que la partie VII ne contienne pas de bonnes intentions, mais plutôt du mordant.
J'étais député à cette époque et j'avais déjà cette impression. Nous aurions dû poser des questions un peu plus sévères. À cette époque, les députés avaient l'impression que c'était exécutoire, impératif; c'est ce que nous essayons maintenant de faire avec le projet de loi.
Madame Monnet, avez-vous fait une évaluation préliminaire des coûts des implications, advenant le cas où le projet de loi devenait réalité?
Mme Monnet: En termes de coûts, non. On a essayé de voir en termes de responsabilités du Secrétariat du Conseil du Trésor. Je dois avouer qu'il nous reste beaucoup de questions.
Le sénateur Comeau: Cependant, si tous les départements sont assujettis à la partie VII de la loi qui les oblige à répondre comme si c'était obligatoire ou impératif, il ne devrait pas y avoir de coûts supplémentaires, n'est-ce pas? Si tous les départements qui font des évaluations annuelles font bien leur travail, il ne devrait pas y avoir de coûts supplémentaires. Le projet de loi serait un autre outil pour clarifier que l'on reconnaît maintenant que c'est obligatoire. Étant donné que vous avez si bien votre travail dans le passé, vous n'avez pas à vous inquiéter.
Mme Monnet: Je n'ai pas dit que je m'inquiétais, mais on n'a pas commencé à calculer les coûts en termes de suivi, à savoir quels seraient les barèmes ou les balises. On n'est pas encore rendu à ce point. Il faudrait voir comment on mettrait en œuvre la loi une fois proclamée, si c'était le cas.
Le sénateur Comeau: Ce serait surtout après que les règlements seraient en ordre et clarifiés.
Mme Monnet: C'est un peu prématuré pour nous de commencer à calculer les coûts.
Le sénateur Comeau: Vous n'avez pas dit que vous étiez contre. Je comprends bien aussi que M. Lemoine a simplement évalué le travail que Patrimoine canadien fait à l'heure actuelle.
M. Lemoine: Effectivement, le travail qui est fait dans le cadre actuel de la partie VII.
Le sénateur Chaput: Je me sens comme si je prêchais à des convertis. Le Secrétariat du Conseil du Trésor, le Commissariat aux langues officielles et Patrimoine canadien ont été des alliés qui nous ont aidé à faire une promotion des deux langues officielles du Canada.
Monsieur Lemoine, je suis toujours émerveillée de voir tout le travail accompli au niveau interministériel par les ministères fédéraux, en dépit du fait que l'article n'est pas «exécutoire» dans le sens du mot tel qu'on le comprend.
D'après moi, le projet de loi du sénateur Gauthier ajoute ce qu'on devrait voir dans cet article. On responsabilise encore plus les ministères fédéraux ainsi que les institutions fédérales. Ils ont une responsabilité et ils doivent être imputables. On a modifié un mot dans les responsabilités de Patrimoine canadien lui permettant d'avoir plus de mordant, d'avoir le marteau qu'il fallait et que l'on avait pas dans le passé. Je sais que vous avez travaillé d'arrache- pied.
On a souvent entendu dire qu'il n'y avait pas d'obligation dans la loi. Mais je considère que l'ajout de la partie VII est un outil qui vous aidera encore plus à faire le travail que vous devez faire. Patrimoine canadien viendra vous appuyer dans le travail que vous faites avec les autres ministères fédéraux lorsque vous aurez à les convaincre de participer à l'épanouissement de façon très concrète.
Voyez-vous également le projet de loi S-11 comme étant un outil additionnel pour pouvoir accomplir un meilleur travail? Dans les ministères, dans les emplois et partout, la personne fait la différence. Tant qu'on a la bonne personne, ça va, mais le jour où cette personne quitte, on a besoin d'une loi exécutoire au cas où on n'aurait pas la bonne personne. J'aimerais vos commentaires.
M. Lemoine: Le ministère du Patrimoine canadien a toujours adopté une approche davantage incitative que coercitive avec les ministères et les gouvernements provinciaux et territoriaux. La raison est assez simple. Au début de ma présentation, je disais qu'on travaillait avec des partenaires. Certains d'entre eux ont une responsabilité constitutionnelle au sein de leur propre juridiction. C'est à eux, finalement, de livrer les services en éducation.
On a constaté qu'au cours des cinq ou huit dernières années, l'approche qu'on a préconisée auprès des ministères a nécessité énormément de patience et de «tordage de bras», si je puis dire. Je pense qu'on peut parler franchement ici. Cette approche a résulté en ce que j'appellerais des résultats durables. Il n'est pas simple de changer les cultures dans les ministères, et cette approche a permis de le faire. Le jour où on aura changé la culture, peu importe qui sera au ministère, je pense que la culture va demeurer et c'est un peu l'approche qui nous a guidés depuis le début.
Bien sûr, l'arrivée du cadre d'imputabilité nous apporte un nouvel appui et renforce notre capacité d'action. Cela nous met en relation directe avec des ministères qui seront des ministères centraux. Nous croyons que cette aide vient appuyer l'approche que nous avons adoptée jusqu'à maintenant et nous croyons que cela va nous aider.
Je tiens à voir ce qui s'est fait et la façon dont cela s'est fait. Il faut attribuer une bonne part des résultats à l'approche qui a été adoptée.
Mme Adam: J'aimerais faire un commentaire. Je pense que l'approche que Patrimoine canadien a adoptée est révélatrice, justement, de la situation dans laquelle se trouve l'appareil fédéral, c'est-à-dire que la reconnaissance n'est pas partagée par l'ensemble des institutions fédérales à l'effet qu'ils ont l'obligation d'agir dans ce domaine. Étant donné que Patrimoine canadien a la responsabilité de coordonner l'effort des institutions en matière de développement des communautés et de promotion de la dualité linguistique, il se trouve dans une situation où il doit utiliser davantage l'incitatif, puisqu'il n'y a pas une reconnaissance de la part des institutions.
À ce moment-là, le danger serait d'être perçu comme étant plus coercitif. À mon avis, Patrimoine canadien serait drôlement mieux outillé pour travailler avec les institutions fédérales dans son rôle de coordonnateur, parce qu'on aurait réglé une chose en partant: toutes les institutions fédérales sont obligées d'agir par rapport aux objectifs de la loi. Patrimoine canadien pourrait s'asseoir avec ces institutions et voir comment elles s'y prendront, dans le cadre de leurs programmes et de leurs activités. À ce moment-là, on éliminerait cette dimension et Patrimoine canadien n'aurait plus besoin de courtiser ni même d'inventer des programmes comme PICLO pour encourager les ministères à investir.
On vous donne 50 sous, vous nous donnez 50 sous. Je peux comprendre que cette approche soit utilisée dans d'autres paliers du gouvernement, mais au sein de l'appareil fédéral, cela me pose des problèmes.
[Traduction]
Le sénateur Keon: Madame Adam, j'en conclus, d'après votre exposé, que vous appuyez entièrement le projet de loi S-11. Est-ce exact?
Mme Adam: Oui.
Le sénateur Keon: Monsieur Lemoine, je ne suis pas certain si vous appuyez entièrement le projet de loi. Y a-t-il quelque chose dans la partie du paragraphe 43(1) modifié qui vous préoccupe?
M. Lemoine: Je préfère ne pas répondre pour le moment, parce que mes collègues du ministère de la Justice se penchent sur cette question particulière.
Le sénateur Keon: Je comprends. Merci.
[Français]
Le sénateur Léger: Je ne comprends pas pourquoi le Secrétariat du Conseil du Trésor et Patrimoine canadien ne peuvent pas se prononcer maintenant. Le Secrétariat du Conseil du Trésor n'a pas élaboré de budget et Patrimoine canadien nous parle de tout le travail accompli. Personne ne questionne le travail accompli, mais je suis surprise.
Pourquoi ne peut-on pas être plus clairs?
Mme Monnet: Tout à l'heure vous aurez une clarification sur la prise de position de Justice Canada en ce qui concerne le projet de loi. Hilaire et moi avons essayé de démontrer que, même sans obligation, beaucoup de choses se font et il y en aura encore d'autres à l'avenir. Nous mettons beaucoup l'accent sur cela car nous croyons que c'est très important pour les ministères. Un mouvement s'amorce et on y tient.
Le sénateur Léger: Dois-je conclure que le projet de loi S-11 vous aiderait? En d'autres mots, est-ce que cette loi aiderait les institutions à rendre la loi exécutoire?
M. Lemoine: Je vais faire un commentaire qui répondra en partie à votre question. Nous sommes d'avis que le cadre d'imputabilité mis en place par le gouvernement nous aidera définitivement. Nous sommes également d'avis qu'il est probablement plus facile de faire un changement de culture — et j'insiste beaucoup là-dessus — au niveau de l'appareil fédéral, si on est capable de le faire avec une approche qui est davantage une approche incitative. Ce que j'ai voulu essayer d'illustrer, c'est que jusqu'à maintenant, il y a un certain degré de preuve qui démontre qu'effectivement, il y a eu des progrès. Et on mise énormément sur le nouveau cadre d'imputabilité qui renforce les obligations, qui rappelle, bien sûr, les responsabilités de tous les ministères, qui renforce également les mécanismes de reddition de compte de ces ministères et, comme je le disais tantôt, qui fournit à l'appareil fédéral un ensemble de mesures et de gros partenaires, comme on les appelle au ministère du Patrimoine canadien. Je reviens au ministère de la Justice, au Conseil du Trésor et au Conseil privé pour nous appuyer dans notre approche. Nous aimerions voir le résultat de ces nouveaux mécanismes avant d'en dire plus.
Le sénateur Léger: Ce que je souhaite, c'est que le projet de loi S-11 vous appuie dans votre démarche. Je ne veux pas effacer l'approche incitative, comme vous avez dit. J'espère que le projet de loi S-11 vous aidera à aller plus loin.
Mme Adam: J'aimerais rappeler au sénateur que le cadre d'imputabilité du plan d'action des langues officielles concerne un certain nombre d'institutions fédérales. La Loi sur les langues officielles s'applique à l'ensemble des institutions fédérales. On parle beaucoup de ministères, mais on oublie que plus de 150 agences, ministres et institutions sont assujettis à la Loi sur les langues officielles. Pour moi, c'est également important que l'ensemble de l'appareil fédéral soit mobilisé sur la question. On parle de Postes Canada, de VIA Rail, bref, on parle d'agences qui ne sont pas nécessairement des ministères, qui ne sont pas nécessairement près de l'employeur, comme le Conseil du Trésor. Selon moi, on doit véritablement donner des signaux clairs à l'ensemble de l'appareil fédéral. C'est cela l'avantage du projet de loi S-11.
Le sénateur Beaudoin: Ma question s'adresse à Mme Monnet et à M. Lemoine. Je lis le projet de loi de mon collègue, et je ne vois pas comment on ne doit pas conclure que tout est exécutif. Si ce texte de l'article 43 n'est pas exécutif, il n'y aura jamais rien sur la planète qui sera exécutif. Le ministre de Patrimoine canadien prend les mesures nécessaires pou assurer la progression vers l'égalité du statut et de l'usage du français et de l'anglais, et cetera. Quelle est votre réaction? Je vais poser la même question à mes collègues du ministère de la Justice. Ils ont aussi un point de vue intéressant. Mais quel est le vôtre? Il me semble que c'est nettement exécutoire.
M. Lemoine: Encore une fois, je préférerais laisser à nos collègues du ministère de la Justice le soin répondre à cette question.
La présidente: Sur ce, je pense que nous nous devons de terminer cette partie de la table ronde avec le sénateur Gauthier.
Le sénateur Gauthier: J'ai un commentaire. Je suis au niveau du «pourquoi» de la question. Les fonctionnaires sont au niveau du «comment» de la question. Madame Adam, je vous exclus.
Quand on parle d'institutions fédérales, on ne parle as seulement des ministères. Dans les agences fédérales, il y a un plus grand nombre de fonctionnaires qui sont soumis à la loi de Mme Monnet qu'il y en a dans la fonction publique. Et c'est cela qui m'embête un peu. Au ministère du Patrimoine canadien, ça va, ces gens on les voit à tous les jours. Au Conseil du Trésor, là aussi, on a assez facilement accès. Là où on n'a pas accès, c'est aux institutions fédérales, soumises à la Loi sur les langues officielles, qui disent qu'elles ne sont pas liées à la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Des preuves, je peux vous en donner tant que vous voulez.
C'est l'exemple à donner aux ministères et aux agences, mais surtout à ce qu'on appelle les hérétiques institutionnels, les gens qui ne sont pas soumis au Conseil du Trésor, qui ont une agence indépendante du gouvernement et du Parlement canadien, et qui répondent quand ils veulent aux questions qu'on leur pose. C'est ce qui permet à l'Agence canadienne d'inspection des aliments de faire ce qu'ils ont fait dans la péninsule du Nouveau-Brunswick, de déménager et de changer les postes à volonté, et dire qu'ils ne sont pas soumis à la loi.
Maintenant, voici ma question au niveau du «comment». Je reconnais qu'au niveau des ministères, il y a un effort sérieux qui a été fait. Je connais bien M. Lemoine et Mme Monnet. Je sais qu'ils sont sincères quand ils parlent. Il faut comprendre qu'on veut donner l'exemple au niveau fédéral, en mettant clairement dans la loi des indications qu'on ne peut pas suivre l'esprit de la loi. Et je ne démordrai pas de ça. J'étais ici en 1988. Ce fut ma conclusion comme critique des langues officielles à l'époque, que la partie VII de l'article 41 était exécutoire. Depuis ce temps, je peux vous montrer ma correspondance, j'en ai beaucoup. Tous les ministres de la Justice m'ont dit que c'était déclaratoire. Les ministères qui entendent dire par la ministre de la Justice — un ministère assez supérieur, du moins c'est ce qu'ils pensent — que la loi n'est pas exécutoire, que c'est une déclaration de principe, eh bien, un instant! C'est là que je pense faire œuvre de pionnier en disant «non!». On va essayer de mettre du mordant dans cette loi. Et c'est ce que j'ai fait avec le projet de loi S-11.
Je ne poserai pas de questions, je n'en ai pas. Madame Adam, votre témoignage a été très bon. Madame Monnet, Monsieur Lemoine, je vous remercie. Je ne suis pas au niveau du «comment», mais du «pourquoi».
La présidente: C'est à mon tour de vous remercier et tout de suite, nous allons passer aux autres membres de notre table ronde, qui nous viennent du bureau du Conseil privé et du ministère de la Justice.
Le sénateur Lapointe: Je veux m'excuser pour mon retard. Je quittais le Sénat quand on m'a dit qu'il y aurait un deuxième vote. Je ne voulais pas quitter parce que le deuxième vote était serré, 35 à 27. Je veux donc m'excuser d'être arrivé en retard.
[Traduction]
Mme Anne Scotton, directrice générale, Langues officielles, Bureau du Conseil privé: Je suis à la fois heureuse et honorée d'être ici en présence de sénateurs qui partagent un intérêt aussi vif que nous, au Bureau du Conseil privé, pour cette question.
[Français]
J'aimerais, tout d'abord, vous parler du plan d'action en matière de langues officielles, tel qu'annoncé au mois de mars de cette année.
Le plan d'action du gouvernement du Canada prévoit des investissements de 751 millions de dollars dans trois domaines prioritaires Premièrement, en éducation, cet investissement visera le financement de l'enseignement de la langue minoritaire afin d'appliquer l'article 23 de la Charte des droits et libertés. D'autre part, il visera l'enseignement de la langue seconde afin d'aider les jeunes Canadiens à profiter de la dualité linguistique du pays. Cet enseignement constitue un atout pour le marché du travail et la mobilité de la main-d'œuvre.
Deuxièmement, dans le développement des communautés, cet investissement visera à améliorer l'accès aux services publics dans les deux langues officielles, surtout dans les domaines de la santé, du développement des jeunes enfants, de la justice, de la nouvelle économie et de l'immigration, en mettant l'accent sur certaines initiatives que les communautés réclament avec diligence. Plusieurs ministères et organismes contribuent à ce plan d'action, dont Santé Canada, DRHC, Industrie Canada, Citoyenneté et Immigration et, pour ne pas oublier un des partenaires-clés, Patrimoine canadien.
La troisième contribution est probablement l'une des composantes les plus importantes: une fonction publique exemplaire. Une partie du plan vise la prestation de services aux Canadiens dans les deux langues officielles, la présence de Canadiens de langue française et anglaise au gouvernement fédéral, et l'utilisation des deux langues officielles en milieu de travail.
J'aimerais vous parler d'un outil permettant de relier les éléments-clés, une sorte de guide d'application générale, un instrument qui décrit, en un seul document, les rôles et responsabilités en matière de langues officielles et qui coordonne les différents intervenants.
Pourquoi un tel cadre d'imputabilité? Lors de consultations auprès de nombreux intervenants, dont les membres de ce comité, le gouvernement a conclu qu'il fallait clarifier les obligations et les engagements des institutions fédérales; qu'il fallait développer une approche plus cohérente pour assurer la mise en œuvre de l'ensemble du programme des langues officielles.
Le cadre d'imputabilité a été conçu pour appuyer les institutions ayant des responsabilités législatives prévues par le Conseil du Trésor, le ministère du Patrimoine canadien et la Loi sur les langues officielles. Ce cadre a également été conçu pour demander au ministère de la Justice et au Bureau du conseil privé de donner aux institutions des conseils plus élaborés et plus soutenus sur les droits linguistiques, et d'assurer une meilleure coordination horizontale. Le but est de favoriser un travail d'équipe afin que les fonctionnaires soient mieux sensibilisés aux exigences de la loi, qu'ils soient en mesure de tenir compte des langues officielles au tout début du processus d'élaboration des politiques et des programmes, et qu'ils soient capables d'évaluer les impacts potentiels de leurs initiatives sur les minorités linguistiques.
Que contient ce cadre d'imputabilité et de coordination? Brièvement, les articles 3 à 10 décrivent ce que le terme «imputabilité» signifie au terme des parties I à V de la Loi sur les langues officielles. Ces parties concernent, entre autre, les débats et les travaux parlementaires, les actes législatifs et l'administration de la justice. Elles créent des droits donnant ouverture à un recours judiciaire. Aux articles 11 à 15, il est question des dispositions ayant trait à l'équité d'emploi, à l'avancement dans les institutions fédérales ainsi qu'à la représentation de leur main-d'œuvre. On y décrit le rôle du Conseil du Trésor de même que celui du Commissaire aux langues officielles et des comités parlementaires chargés de veiller au respect de ces dispositions.
Les articles 16 à 31 concernent la partie VII de la Loi et referment les éléments fondamentaux du cadre: l'engagement solennel mentionné plus tôt, les modalités d'exécution incluant le rôle de toutes les institutions à l'égard des communautés de langues officielles en situation minoritaire, les institutions visées dans le cadre des responsabilités de 1994 et le rôle de Patrimoine canadien et du Conseil du Trésor. Le tout est décrit de façon claire, en un seul document facile à utiliser.
Les articles 31 à 45 font état de la coordination horizontale et de la communication. L'article 32 indique que le cadre conserve intacte les responsabilités législatives de chaque institution fédérale, dont les responsabilités de Patrimoine canadien et du Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada.
Les articles 33 et suivants décrivent les mécanismes d'appui et les nouvelles responsabilités, dont celle du ministre responsable des langues officielles, secondé par ses collègues, par le comité des sous-ministres et, évidemment, par la direction des langues officielles au sein des affaires intergouvernementales du Bureau du conseil privé.
J'attire votre attention, notamment, sur les modalités d'exécution décrites à l'article 17 du cadre. Ces modalités demandent aux institutions de tenir compte des langues officielles dans toute leur planification. On parle de sensibilisation des employés aux besoins des communautés minoritaires. On parle également d'une analyse des incidences possibles de leurs politiques et programmes à toutes les étapes, de consultation de tous les publics intéressés. On précise également la nécessité de démontrer comment les besoins des communautés ont été étudiés et pris en considération.
L'existence d'un cadre à l'intention de toutes les institutions et le fait qu'il apparaît sous un seul document accessible démontre clairement l'importance que le gouvernement accorde à la dualité linguistique. Utiliser ce cadre et partager cette information permettra à une compréhension commune et des mesures se renforçant mutuellement dans tout l'appareil gouvernemental.
Le cadre a pour but d'informer non seulement les fonctionnaires, les employés du gouvernement de tous les niveaux, mais également les Canadiens et, plus particulièrement, les communautés de langues officielles en situation minoritaire. En plus de rappeler à tous les responsabilités qui leur incombent en vertu de la loi, le cadre en ajoute de nouvelles afin de mieux intégrer la dimension «langues officielles» à la planification. Il vise aussi à faciliter la participation aux efforts de coordination horizontale et à une évaluation coordonnée du plan d'action. Le cadre décrit la tâche des différents acteurs qui se partagent le rôle de coordination: le ministre responsable, ses collègues, un comité de sous-ministres. Il facilite la promotion d'une culture d'échange d'information et de solution entre les ministères et les organismes gouvernementaux.
Nous sommes toujours à la recherche de leçons apprises pouvant être partagées.
Les consultations ministérielles qui ont eu lieu le 6 octobre dernier à Ottawa sont un exemple de dialogue de haut niveau qui doit s'établir entre communautés linguistiques.
Ces consultations et la transparence qui en découle respectent les paramètres d'une bonne gouvernance telle que demandée par la gestion axée sur les résultats du gouvernement du Canada. La stratégie s'articule autour des résultats pour les Canadiens et l'engagement d'avoir les intérêts des citoyens à l'esprit lors de la planification, de la mise en œuvre et de l'évaluation des initiatives.
Le cadre d'imputabilité et de coordination a des implications non seulement pour le ministre responsable des langues officielles, le Bureau du conseil privé, le ministre de la Justice, la ministre de Patrimoine canadien et la présidente du Conseil du Trésor, mais aussi pour d'autres joueurs et pour l'ensemble de l'appareil gouvernemental.
Cela veut dire que le gouvernement sera surveillé d'encore plus près. Cette nouvelle transparence facilitera l'engagement des communautés, des comités parlementaires, des députés de l'arrière-ban et nourrira un dialogue continu avec la commissaire aux langues officielles.
Dans l'ensemble l'imputabilité du gouvernement est maximisée pour l'élaboration du cadre de gestion et de responsabilisation axée sur les résultats et est applicable à tout le plan d'action en plus des cadres individuels des ministères impliqués. Loin de dédoubler les fonctions de surveillance dans chaque ministère sectoriel, ce cadre global mettra en lumière les interactions entre toutes les parties du plan d'action et, dans son ensemble, il représente une concertation d'efforts et d'imputabilité et un appui mutuel.
Me Marc Tremblay, avocat général et directeur, Groupe du droit des langues officielles, ministère de la Justice: Honorables sénateurs, les témoins du ministère du Patrimoine canadien, du Secrétariat du Conseil du Trésor et Mme Scotton du Bureau du conseil privé qui nous ont précédés aujourd'hui en ont déjà dit long sur les moyens importants déployés par le gouvernement du Canada pour assurer la mise en œuvre de l'engagement législatif prévu à la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
À titre de conseillers juridiques du gouvernement du Canada Me Warren Newman et moi-même n'aurons pas beaucoup à rajouter à ce qui a été dit. Nous allons nous limiter à fournir certains renseignements contextuels pour ensuite tenter de répondre à vos questions au meilleur de nos connaissances selon les limites de nos attributions.
Il est utile de préciser et de rappeler que Me Newman et moi-même sommes comparus devant le Comité sénatorial permanent des affaires juridiques et constitutionnelles en mars 2002, au moment où ce comité étudiait la version antérieure du projet de loi S-11, c'est-à-dire le projet de loi S-32.
Lors de cette comparution, Me Newman a abordé l'origine législative des droits linguistiques et a situé la partie VII de la Loi sur les langues officielles dans son contexte historique. Pour ma part, j'ai présenté les prises de position du procureur général du Canada à l'égard de la partie VII.
Nous ne jugeons pas utile de réitérer nos propos aujourd'hui. Nous avons remis des copies de nos notes d'allocutions au greffier afin qu'elles puissent appuyer les travaux du comité. J'aimerais ajouter que le ministre de la Justice, l'honorable Martin Cauchon, est également comparu devant ce même comité sénatorial pour réitérer la position du gouvernement sur la portée juridique de la partie VII. Le ministre s'est exprimé ainsi et je vais citer un passage de son allocution qui résume la position du gouvernement:
Il suffit de lire la loi dans son ensemble pour voir que l'intention du législateur était de distinguer les cinq premières parties de la loi qui renferment des droits et obligations précis de la partie VII qui énoncent un engagement gouvernemental.
[...]
Cette intention ressort de trois façons. D'abord, le vocabulaire utilisé, à la partie VII, est un langage d'appui et de promotion couché en termes généraux. Ce qui contraste nettement avec celui utilisé aux parties I à V de la loi qui, elles, créent des droits et des obligations de résultat à l'égard de circonstances très précises.
Ensuite, alors que le Parlement a jugé opportun de reconnaître le caractère particulier des cinq premières parties de la loi en prévoyant à, l'article 82, une clause de primauté précisant que les dispositions des parties I à V l'emportent sur les dispositions incompatibles de toute autre loi fédérale; la partie VII, elle, n'est pas assujettie à cette même clause. Enfin, le recours judiciaire établit à la partie X de la loi se limite aux parties I, II, IV et V.
Le Parlement a donc choisi de ne pas assujettir l'engagement de la partie VII au recours judiciaire de la même manière que les autres parties de la loi. Pour toutes ces raisons, mon ministère est d'avis, depuis l'entrée en vigueur de la partie VII, que cette partie de la loi n'est pas justiciable, c'est-à-dire qu'elle ne peut faire l'objet d'un recours devant les tribunaux.
Le ministre Cauchon ajoutait que cette conclusion ne signifiait pas que la partie VII ne reste qu'un vœu pieux, une coquille vide ou qu'il n'existe aucun recours efficace à l'égard de la mise en œuvre de cette partie de la Loi sur les langues officielles. En effet, cette partie de la loi lie le gouvernement et des recours parlementaires, administratifs et gouvernementaux existent pour en assurer le respect.
Toujours en avril 2002, le ministre de la Justice indiquait que le gouvernement explorait des outils additionnels pour nous permettre de mieux exploiter le potentiel de l'article 41 et de l'ensemble de la partie VII. Depuis ce moment, il y a évidemment eu des développements importants. D'abord, le gouvernement du Canada a lancé son plan d'action pour les langues officielles au mois de mars 2003.
Comme Mme Scotton l'indiquait dans son allocution, le plan d'action comporte un cadre d'imputabilité et de coordination en langues officielles dont l'objet est de mieux exploiter le potentiel de l'article 41 et de l'ensemble de la partie VII pour représenter l'expression employée par le ministre Cauchon.
Le ministère de la Justice a un rôle important à jouer en ce qui a trait à la mise en œuvre de ce cadre, de concert avec les autres ministères qui ont comparu devant vous aujourd'hui, pour assurer une meilleure coordination des dossiers de langues officielles et un meilleur processus décisionnel.
Les membres de ce comité savent qu'il y a également eu certains développements au niveau de la jurisprudence des tribunaux depuis notre comparution en mars 2002. Mme Adam a fait allusion, de même que certains membres du comité, à la décision du forum des maires de la péninsule et de l'Agence canadienne de l'inspection des aliments rendue le 8 septembre dernier.
Pour l'instant, ce que je vous indiquerais à ce niveau c'est que le procureur général du Canada est d'avis qu'il est nécessaire d'obtenir des clarifications de la Cour d'appel fédérale quant à la portée juridique de la partie VII et du jugement de la Cour de première instance. Un avis d'appel a été déposé le 8 octobre dernier et ce dossier nous offre l'occasion d'obtenir les clarifications tellement attendues quant à la portée de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Le rôle du procureur général du Canada dans un dossier comme celui-ci est de s'assurer que les institutions fédérales soient en mesure de déterminer avec certitude ce qu'exige la partie VII de la Loi sur les langues officielles. Il s'agit d'un débat juridique qui ne diminue d'aucune façon l'engagement du gouvernement du Canada à favoriser l'épanouissement des collectivités de langues officielles au Canada.
D'ailleurs, le nouveau cadre d'imputabilité consigne très clairement les responsabilités des ministres et des fonctionnaires à l'égard de la partie VII. Puisque ce dossier est devant les tribunaux, et par respect pour le processus judiciaire, nous ne sommes pas en mesure de discuter de cette affaire de façon approfondie.
À titre de conseillers juridiques du gouvernement du Canada et de fonctionnaires, nous sommes également sujets à certaines contraintes et nous ne sommes donc pas habilités à offrir des conseils juridiques au comité sur l'effet possible du projet de loi ni à commenter sa désirabilité. Sujet a ces limites, il nous fera plaisir de répondre à vos questions.
Me Warren J. Newman, avocat général, Section du droit administratif et constitutionnel, ministère de la Justice: Honorables sénateurs, comme Me Tremblay l'a signalé, j'ai déjà déposé devant un autre comité sénatorial un document, des notes de présentation lors de ma dernière comparution. C'est une série de notes qui portent sur la Loi sur les langues officielles dans son ensemble. J'essaie de situer la partie VII à l'intérieur du cadre législatif dans lequel la loi a été adoptée.
J'étais là également à l'époque du projet de loi C-72 comme chargé de projet de la Loi sur les langues officielles. J'ai essayé de porter un regard à la fois historique et juridique sur cette loi si importante.
Ceci dit, je suis ici pour répondre, avec mes collègues, à vos questions. J'aimerais profiter de ma courte intervention au préalable pour revenir, avec votre permission, sur deux questions qui ont été posées à nos collègues du secrétariat du Conseil du Trésor et du ministère du Patrimoine canadien. Le sénateur Gauthier avait dit à juste titre, qu'il y avait des questions qui portaient sur le «comment» et d'autres sur le «pourquoi». Il y a des questions qui relèvent des fonctionnaires de l'autre administration, qui sont surtout des questions du «comment»: comment mettre en œuvre une politique, législative ou autre, arrêtée par les élus et les représentants du Sénat?
Les questions de «pourquoi» portent sur la volonté politique et sur des questions qui sont réellement du ressort des hommes et des femmes politiques. C'est pourquoi je tiens à rappeler le principe de la neutralité et de l'impartialité de la fonction publique. Pour que les fonctionnaires puissent exercer leur rôle auprès des politiciens et des politiciennes, il faut absolument que les fonctionnaires soient en mesure de les conseiller, mais pas nécessairement de prendre parti, surtout pas sur la place publique, de toute manière, sur leurs propres visées par rapport à des projets de loi. Nous ne sommes, après tout, que des instruments de la volonté politique. Cela dit, nous pouvons passer aux questions.
Le sénateur Beaudoin: J'ai le plus grand respect pour les juristes, étant moi-même un juriste et ayant travaillé au ministère de la Justice. Je comprends votre point de vue et je le respecte totalement. Il y a une chose que j'ai toujours dite à ce comité, et il faut le redire: la Loi sur les langues officielles c'est une loi supérieure aux autres et les autres lois doivent s'y conformer.
Mais ce qu'on oublie de dire, c'est qu'il y a quelque chose au-dessus de la Loi sur les langues officielles: la Constitution du Canada. C'est l'article 16 de la Charte des droits et libertés qui dit cela. Je n'ai que du bien à dire de la Loi sur les langues officielles, mais ce n'est pas la Constitution. La Constitution va plus loin que la Loi sur les langues officielles. Et selon l'article 16, je le répète, les deux langues officielles sont égales.
L'article 16 dit très clairement qu'on doit aller vers l'égalité des deux langues officielles. La Constitution étant supérieure à la loi, qui est déjà très supérieure aux autres lois, je suis bien obligé d'admettre que même le Parlement fédéral et le cabinet fédéral sont obligés de suivre la Constitution. Ce n'est pas moi qui dit cela, c'est dans notre système constitutionnel canadien depuis 130 ou 140 ans.
Je me dis que si les deux langues sont officielles, si elles sont égales, nous devons traduire cette égalité dans nos lois à nous, et nous sommes obligés de veiller à ce que les deux langues soient officielles. J'ai donné beaucoup d'opinions quand j'étais en poste au ministère de la Justice, et on donne une opinion à notre ministre. C'est très bien, et le ministre fait la partie politique de cela. C'est ce qu'il faut faire à un moment donné. Ce que vous nous dites, c'est très bien dit, c'est très bien fait, mais il faut aller plus loin que cela. Je n'ai pas peur d'aller plus loin que cela. Je trouve que c'est mon rôle de sénateur de dire ce que je pense. Je pense que quand les deux langues ne sont pas égales en pratique, on fait une erreur. On est obligé de tout faire pour leur donner l'égalité. C'est beaucoup, l'égalité des deux langues officielles.
Quand je lis l'article 41, je ne dis jamais l'insulte qu'il est là pour ne rien dire. C'est là pour une raison: il faut au moins viser l'égalité des deux langues officielles. C'est cela qu'il faut maîtriser. C'est la Constitution d'un pays. Il n'y a jamais rien de parfait, mais il faut tendre vers l'égalité. C'est comme l'égalité des hommes et des femmes. La Constitution dit qu'ils sont égaux; s'ils ne le ne sont pas, il faut les rendre égaux. C'est aussi simple que cela.
Les deux langues sont égales; il faut les rendre égales en pratique. Je ne peux pas ne pas être d'accord avec ce que fait le sénateur Gauthier. Il est question, dans le projet de loi S-11, d'aller vers l'égalité. Je dis: tant mieux. Son projet de loi est intéressant. Le moins qu'on puisse dire, c'est qu'on veut l'égalité des deux langues, et là où elle n'est pas égale, il faut la rendre égale. N'oubliez pas cela. Tout ce qui est langue officielle au niveau fédéral tombe sous la Constitution, qui est au sommet de tout cela, plus haut encore que la Loi sur les langues officielles. D'après moi, on n'a pas le choix, il faut tendre vers cela. Je comprends que les hommes politiques n'arrivent pas toujours, en pratique, à aller jusque-là, mais je suis bien obligé, en tant que juriste, de dire qu'il ne faut pas avoir peur de le faire. Il faut aller vers l'égalité.
Un projet de loi comme celui du sénateur Gauthier est certainement acceptable et apporte quelque chose. Il obéit à l'article 16 de la Charte des droits et libertés. On n'a pas le droit d'aller contre la Constitution. Il faut aller dans le sens de la Constitution. Les gens disent que cela n'a pas de bons sens, qu'on ne peut pas changer cela en un an, deux ans ou trois ans. Je donne raison aux fonctionnaires à ce sujet. C'est sûr que ce n'est pas possible. Toutefois, il faut aller dans le sens de la possibilité.
On a fait le même débat au sujet des Territoires du Nord-Ouest. Je sais bien que demain matin, on n'aura pas des territoires parfaitement bilingues. La perfection n'existe pas. Je sais toutefois qu'il faut aller dans cette direction. L'égalité entre les hommes et les femmes, c'est le plus bel exemple. Il est certain que les femmes n'ont pas été traitées justement pendant des siècles et des millénaires, mais c'est fini. On était des barbares à cette époque, mais maintenant, on commence à être moins barbare et on pratique l'égalité.
M. Newman: Je crois que nous sommes d'accord avec le sénateur Beaudoin. L'égalité des langues est protégée par l'article 16 de la Charte et plus précisément par le premier paragraphe de l'article 16 au niveau des institutions fédérales. Le paragraphe trois, qui porte sur la progression vers l'égalité, se lit comme suit:
La présente Charte (la Charte des droits) ne limite pas le pouvoir du Parlement et des législatures de favoriser la progression vers l'égalité de statut ou de l'usage du français et de l'anglais.
La Loi sur les langues officielles de 1988 permet de faire deux choses. Elle permet de respecter le paragraphe 16(1) de la Charte, surtout au niveau des cinq premières parties de la loi. Cela va aussi dans le sens d'une progression vers l'égalité des langues officielles dans d'autres domaines. Certains domaines relèvent du gouvernement fédéral et d'autres nécessitent une collaboration étroite avec les instances provinciales, municipales et territoriales.
La partie VII de la Loi sur les langues officielles va dans le sens de la progression vers l'égalité du français et de l'anglais. À savoir s'il faut bonifier la partie VII davantage avec d'autres dispositions, c'est, d'après moi, une question qui relève des instances politiques.
Me Tremblay: J'ajouterais que la partie VII actuelle est effectivement une manifestation de la mise en œuvre du paragraphe 16(3) de la Charte, cette notion d'habilité à ajouter au minimum constitutionnel. La raison d'être du paragraphe 16(3) était un rappel du constituant aux législateurs que lorsqu'on a édicté les articles 16(1), 17 et suivants de la Charte, on ne désirait nullement empêcher la progression par voie de mesures législatives additionnelles dans les champs de compétence de chacun.
La partie VII — elle est dans la loi — s'inscrit dans cette continuité de mesures législatives qui visent la progression vers l'égalité de statut. Par contre, la distinction avec le paragraphe 16(1) qui constitutionnalise la déclaration d'égalité de statut des langues officielles énoncée à l'origine en 1969 est importante et Me Newman y a fait allusion. Dans cette déclaration, il est dit que le français et l'anglais sont les langues officielles du Canada, ils ont un statut de droits et de privilèges égaux.
Dans l'arrêt Beaulac, la Cour suprême a indiqué que cette disposition s'appliquait aux droits existants, aux dispositions de la Constitution qui créent des droits. La cour nous dit que lorsque nous instaurons le bilinguisme institutionnel, devant les tribunaux, par exemple, il s'agit de l'accès égal à des services de qualité égale. La Cour suprême nous dit de ne pas lier ces deux dispositions. Elle nous dit que les liens qui avaient été établis entre ces deux dispositions sont fautifs, qu'elles sont deux dispositions distinctes. En les lisant, on en vient à la conclusion que si on n'atteint pas maintenant l'égalité parfaite à laquelle vous avez fait allusion, on est en violation de la Constitution. Puisqu'il y a cette distinction entre les deux dispositions, lorsqu'il existe un droit linguistique, c'est l'égalité réelle, nous dit la cour et c'est l'égalité maintenant.
Par contre, lorsqu'il est question de progression, d'autres tribunaux ont traité du fait que cette habilitation n'était pas attributive de droit, qu'il n'y avait pas une obligation de le faire. Puisque c'est une habilitation et que l'on vise à atteindre l'égalité, il est implicite que nous ne sommes pas rendus là encore. Quand nous prenons les mesures qui visent à atteindre cet objectif louable et noble qui est l'égalité de statut, nous y allons étape par étape avec des mesures progressives.
Il est important de bien distinguer ces deux dispositions. Les parties de la Loi sur les langues officielles qui créent des droits créent des droits qui sont maintenant exécutoires. Elles doivent maintenant résulter en une application égale, un accès égal à des services de qualité égale; c'est ce que la Cour suprême a indiqué. Il faut tenir cela de façon distincte et séparée des pouvoirs qui sont attribués. C'est dans cet esprit que le projet de loi S-11 se situe.
Le sénateur Beaudoin: Vous dites que l'on n'a pas l'égalité parfaite, c'est vrai. La perfection n'existe pas, mais on doit viser à l'égalité parfaite. Je dis qu'on a une obligation. Si on est obligé, cela veut dire que la loi l'exige et si la loi l'exige, la loi est exécutoire. On n'en sort pas.
Je n'ai vu personne qui a réussi à prouver que ce n'était pas cela. Une exigence, c'est une exigence. On ne l'a pas tout de suite, je suis d'accord avec vous et cela va prendre des années. Je fais toujours la comparaison avec l'égalité des hommes et des femmes parce que cela va prendre encore quelque temps, malheureusement. Mais nous avons fait des progrès immenses.
D'après moi, politiquement, une des choses les plus importantes au Canada c'est l'égalité des langues officielles. C'est ce qui va rester dans l'héritage de certains premiers ministres. C'est politique, mais parfois, la politique ce n'est pas mauvais.
La présidente: Me Newman, lorsque vous êtes allé devant le Comité des affaires juridiques et constitutionnelles au sujet de l'article 41, vous avez parlé de la portée de l'expression «s'engage». Lorsque l'on dit que le gouvernement fédéral «s'engage», est-il plus ou moins obligé?
M. Newman: « Le gouvernement s'engage », à l'article 41, doit être lu à l'intérieur du cadre de la loi. Si on regarde les premières cinq parties de la loi, chaque fois qu'on veut créer une obligation stricte de droit, on dit qu'il incombe aux institutions fédérales de faire telle ou telle chose. En anglais, on dit: «it is the duty of Federal Institutions». Lorsque nous arrivons à la partie VI et VII, parce que les deux renferment des engagements, nous avons un libellé différent des cinq premières parties de la loi.
Encore une fois, il faut lire le mot « engagement » en gardant à l'esprit que c'est les premières cinq parties de la loi qui sont visées par la clause de primauté de la loi. De plus, ces parties de la loi, sauf la partie sur l'administration de la justice, sont assujetties au recours judiciaire de la partie X de la loi.
Donc, si on lit l'engagement dans ce contexte — «commitment» ou «undertaking» en anglais —, il faut que le gouvernement entreprenne de poursuivre la voie vers l'égalité, non seulement en collaboration avec les ministères fédéraux et la coordination au sein de ces ministères, mais dans le but de produire des résultats dans la société canadienne en entier.
C'est un engagement politique, mais une politique renfermée dans un texte de loi qui fait en sorte que c'est un engagement solennel, un engagement permanent qui ne changera pas au gré des gouvernements, mais qui est solidement ancré dans une loi qui est elle-même quasi constitutionnelle.
Il est difficile de parler du terme «engagement» outre ces précisions. Je ne crois pas que ce terme implique le même genre d'obligation dont il est question dans les premières cinq premières parties de la loi. La partie VII de la loi renferme, néanmoins, certaines obligations, dont l'obligation de déposer un rapport annuel sur les progrès accomplis. Il s'agit certes de devoirs et d'obligations qu'il faut faire respecter. D'ailleurs, il faut faire respecter l'engagement ou veiller au respect de l'engagement. Cela se fait par le biais du premier intervenant qui est le ministère du Patrimoine canadien, avec le cadre d'imputabilité du gouvernement et des agences centrales; et par le biais du Commissariat aux langues officielles, de la commissaire qui est dotée de plusieurs pouvoirs de vérification et de suivi au nom du Parlement. Votre comité parlementaire a également un rôle à jouer en vertu de la Loi sur les langues officielles pour bien veiller au respect et à la mise en œuvre de l'engagement.
C'est ainsi que je saisis le terme dans le cadre de la partie VII de la Loi sur les langues officielles.
Le sénateur Gauthier: Ma question s'adresse à Mme Scotton. Les institutions fédérales soumises à votre cadre d'imputabilité comprennent combien de fonctionnaires?
Mme Scotton: Dans l'ensemble des institutions fédérales?
Le sénateur Gauthier: Oui. On en compte 300 000 ou 350 000?
Mme Scotton: On en compte 300 000 ou 350 000. Tous les fonctionnaires sont visés.
M. Tremblay: L'expression «institution fédérale» fut utilisée par les décideurs politiques lorsqu'ils ont adopté le cadre d'imputabilité. Cette expression se retrouve dans la Loi sur les langues officielles et est définie par la loi. Elle inclut toute une variété de ministères, d'organismes, de sociétés d'État, de conseils qui exercent des pouvoirs législatifs, ce qui inclut, par voie d'application, d'autres lois.
Le sénateur Gauthier: Au total, combien y a-t-il de fonctionnaires soumis?
M. Tremblay: Je ne suis pas en mesure de dire combien de fonctionnaires travaillent, de façon large et libérale, pour l'État largement défini. Ils sont nombreux.
Le sénateur Gauthier: Ma prochaine question s'adresse à M. Newman. En ce qui concerne la partie VII, nous avons fait le tour de la question à plusieurs reprises. Le libellé que vous utilisez est le même que celui utilisé par l'article 36 concernant la péréquation: «les gouvernements fédéral et provinciaux s'engagent à promouvoir l'égalité des chances». On pourrait intituler l'article «Langues officielles et disparités ou inégalités régionales», et ce serait probablement la même chose. Nous retrouvons presque le même libellé.
Vous avez indiqué qu'il faut une volonté politique. Je suis également de cet avis en ce qui a trait à la politique et au pourquoi de la question.
Un des problèmes, pour un profane du droit comme moi et bien d'autres, est de comprendre le jargon juridique.
À l'article 36, vous utilisez le libellé. Combien de milliards de dollars sont dépensés annuellement en péréquation? Si la volonté politique ne s'exerçait pas et que l'on coupait les paiements de péréquation à certaines des provinces qui ont droit à ces paiements, les esprits risqueraient fort de s'échauffer. Une telle situation serait plutôt néfaste pour le Canada. Lorsqu'on parle de péréquation linguistique et d'égalité, tel que soulevé par le sénateur Beaudoin, comment se fait-il qu'il n'en soit pas de même?
L'égalité n'est pas interprétée de la même façon. Pourtant, en 1988, alors que M. Warren et moi-même étions présents, on nous dit que la volonté politique est un langage politique. Ce principe fut, bien sûr, adopté par des politiciens. Toutefois, un engagement est un engagement.
M. Newman: Permettez-moi de vous renvoyer à la page 10 du document que je vous ai remis, où l'on traite de l'article 36 de la Loi constitutionnelle de 1982 pour illustrer le terme «engagement». Évidemment, l'engagement pris à l'article 36, selon les auteurs éminents, dont le sénateur Beaudoin et le professeur Hogg, indique, même à l'intérieur de la Constitution, que l'on ne peut obliger les gouvernements à dépenser et le Parlement à octroyer des fonds selon l'interprétation donnée à l'article 36, car qu'il s'agit d'un engagement de principe, tel que stipulé au paragraphe 36(2). Le Parlement et le gouvernement du Canada prennent l'engagement de principe de faire des paiements de péréquation. Cela ne veut pas dire que les paiements ne seront pas effectués. Comme vous l'avez indiqué, des milliards de dollars sont dépensés pour faire respecter cet engagement. Il n'en reste pas moins que, d'après l'état de droit actuel et la jurisprudence, on ne peut invoquer l'article 36 devant les tribunaux pour forcer le Parlement ou les législateurs provinciaux à dépenser davantage ou à ne pas reculer lorsqu'il y a déficit budgétaire. Il s'agit donc d'un engagement à l'intérieur de la Constitution.
Le sénateur Gauthier: Je suis entièrement d'accord. Toutefois, je suis politicien, et je ne comprends pas. Le Forum des maires de la péninsule acadienne a dû comparaître devant les tribunaux. On a alors indiqué que, selon l'esprit de la loi et de l'article 41, il existe des obligations envers les minorités. On a indiqué qu'il doit y avoir consultation lorsque des postes sont abolis ou que l'on nous empêche de parler notre langue. La Cour fédérale, en première instance, en invoquant probablement l'article 18,1, a donné raison — car il est possible d'invoquer l'article 18,1 — et les tribunaux ont rendu un jugement d'aller en appel de cette décision, comme vous l'avez fait avec la contravention autrefois et comme vous l'avez fait avec bien d'autres choses. Je ne vous blâme pas. Toutefois, le commun des mortels, dont je suis, ne comprend pas que soudainement vous vous acharniez à questionner quatre ou cinq postes à la péninsule. C'est du principe dont il est question. Le juge Blais a été clair et précis, et vous allez en appel.
Le sénateur Beaudoin: Ils ont le droit.
Le sénateur Gauthier: On demande des clarifications. Ce sont les mots qui furent utilisés: «nous avons besoin de clarification», en vertu de l'article 41, de l'article 18,1, ou de la décision du juge Blais.
La présidente: J'aimerais ajouter un point que personne a soulevé. Quelle est la raison pour laquelle le ministère de la Justice et les autres ministères ne semblent pas s'entendre pour dire que l'article 41 est exécutoire? Est-ce une question de coûts? Le sénateur Gauthier a mentionné l'argent. Est-ce un manque de flexibilité? Quelle est la raison?
M. Tremblay: Je vais commencer avec la question du Forum des maires. Par respect pour les tribunaux, je dois être prudent dans mes propos à l'égard de ce qui a été dit devant les tribunaux.
Le sénateur Beaudoin: Vous avez le droit de parler, vous êtes au Sénat.
M. Tremblay: Effectivement, j'ai indiqué que le procureur général du Canada allait chercher des clarifications de ce jugement pour les mêmes raisons. On rejoint plusieurs interventions faites aujourd'hui, y compris celles de Mme Adam. On dit qu'on veut clarifier la portée de la partie VII. Une façon de le faire, c'est que le Parlement adopte un langage pour venir clarifier ce qui autrement ne le serait peut-être pas. C'est le projet de loi que vous étudiez aujourd'hui. C'est aux politiciens de discuter des avantages de l'adopter.
Une autre façon de clarifier les lois est de faire appel aux tribunaux. Il y a une hiérarchie de tribunaux: les tribunaux de première instance, les cours d'appel et la Cour suprême du Canada. C'est tout à fait légitime pour le gouvernement d'aller obtenir un jugement qui clarifierait ces questions.
Examinons maintenant ce que le gouvernement du Canada a signalé comme intention lorsqu'il a adopté son cadre d'imputabilité. L'objectif de Mme Scotton est de s'assurer que la partie VII soit bien comprise: que les besoins des communautés soient bien compris, qu'on fasse de la surveillance et qu'on identifie des enjeux dans une institution fédérale. Au niveau du noyau des institutions centrales telles que Patrimoine canadien, le Secrétariat du Conseil du Trésor du Canada, le ministère de la Justice et le Bureau du conseil privé, une fois qu'on a identifié les enjeux par le biais de travaux en comités, de la commissaire aux langues officielles, des médias et des contestations judiciaires, bref, par toute une gamme de mesures, ce cadre d'imputabilité permet de remettre la question là où elle devrait être, dans les mains des politiciens qui doivent décider de la mise en œuvre de cet engagement.
Des prévisions sont faites à savoir comment on va agencer les consultations. C'est l'aspect coordination: comment ramener l'information à la table, et ensuite, comment faire monter ces questions d'abord vers un comité de très hauts fonctionnaires, des sous-ministres et, ultimement, jusqu'aux ministres responsables au titre du gouvernement pour la mise en œuvre de cet engagement. C'est la réponse essentiellement à vos deux questions.
On veut obtenir des clarifications, et le cadre d'imputabilité et les moyens de mise en œuvre qui ont été choisis par le gouvernement nous offrent, en attente de ces clarifications à tout le moins, des façons de s'assurer que l'intention du Parlement soit respectée, en l'occurrence dans le contexte de la mise en œuvre de la partie VII.
La présidente: Je remercie MM. Newman et Tremblay ainsi que Mme Scotton. Puisque notre prochain témoin, M. Colvin, doit prendre l'avion à 20 h 15, je l'invite dès maintenant à prendre la parole.
Le sénateur Beaudoin: J'aimerais avant apporter une correction sur un point. Quand on dit que la cour ne peut pas dire qu'ils doivent payer, c'est inexact. Pour la péréquation, la cour peut dire qu'ils sont obligés de payer, mais la cour ne peut pas dire le montant.
La présidente: Monsieur Colvin, nous vous écoutons.
M. Tory Colvin, président, Fédération des associations de juristes d'expression française de common law: Je vous remercie de m'avoir invité. Je dois justement plaider en français demain matin devant un tribunal de Kitchener. J'ai une petite présentation, mais nous pouvons procéder directement aux questions si vous préférez. J'ai déjà fait deux présentations devant votre comité, la plupart des sénateurs sont assez bien au courant de la position de notre fédération et des associations de juristes à travers le pays.
Le sénateur Beaudoin: En ce qui concerne les juristes au Canada, nous sommes divisés sur un seul point: l'engagement. Certains juristes disent qu'à l'article 36, le gouvernement s'engage à faire la péréquation. Beaucoup de juristes disent que cela veut dire que la cour peut dire qu'il y a une obligation, mais qu'elle ne peut pas dire le montant, parce que cela relève du Parlement et des législateurs. Pourtant, elle pourrait dire qu'il y a obligation de donner quelque chose mais que cela doit être décidé par le Parlement. Il y a des juristes qui disent que c'est ce que cela veut dire. D'autres disent que ce n'est pas assez clair, que ce n'est donc pas une obligation. J'aimerais connaître votre opinion à ce sujet.
M. Colvin: Une obligation veut simplement dire que vous êtes obligé d'agir. L'article 41 tel que rédigé est-il obligatiore? À mon avis, oui. C'est une obligation, ce qui veut dire qu'il faut agir.
Le sénateur Beaudoin: Mais la cour ne peut pas aller plus loin que cela?
M. Colvin: Non, à moins peut-être — et je dis bien peut-être — que la façon d'agir rende nulle l'obligation d'agir.
Le sénateur Comeau: La commissaire aux langues officielles nous a dit ce soir que c'était exécutoire. Des représentants du procureur général nous disent qu'il faudrait que ce soit présenté devant la cour pour enfin le déterminer. Il existe deux manières de régler le problème: aller devant la cour ou bien adopter le projet de loi proposé par le sénateur Gauthier. La manière la plus facile serait d'appuyer le projet de loi du sénateur Gauthier, qui clarifie toute la question.
Des améliorations pourraient-elles être apportées au projet de loi du sénateur Gauthier, lesquelles répondraient au besoin de rendre l'article 41 obligatoire?
M. Colvin: Je crois que c'est la solution. Nous avons appuyé le dernier projet de loi du sénateur Gauthier. Certaines modifications ont été proposées et elles sont excellentes. Nous les appuyons. Devons-nous aller devant les tribunaux et le plaider? Je suis avocat, alors plus on plaide devant les tribunaux, plus on est rémunéré.
Le sénateur Comeau: C'est la raison pour laquelle cela ne m'intéressait pas tellement d'aller devant les tribunaux. Ce serait une belle marque de respect envers les communautés en situation minoritaire au Canada que le gouvernement dise un bon jour qu'il appuie ce projet de loi. Plutôt que de réagir, nous sommes proactifs, et le sénateur Gauthier a un excellent projet de loi.
M. Colvin: Tout à fait. Si ce projet de loi devient loi, lorsque nous plaiderons les causes linguistiques pour protéger les minorités et protéger les droits acquis, au lieu d'avoir comme adversaire Justice Canada, nous les aurons comme alliés qui plaident de notre côté.
Le sénateur Comeau: Quelle belle parole! Vous m'avez convaincu de l'utilité de ce projet de loi et je vais l'appuyer.
Le sénateur Gauthier: Vous êtes allé devant les tribunaux avec la Loi sur les contraventions. Vous avez gagné. Félicitations. C'est un développement qui a été important pour nous, en Ontario. Pourquoi n'avez vous pas rejoint le forum des maires de la péninsule acadienne lorsqu'ils ont plaidé devant la Cour fédérale concernant l'article 41? Y a-t-il une raison?
M. Colvin: Je dois admettre ne suis au courant de cette cause seulement depuis quelques jours. Un de mes collègues en parlait. Dans les semaines qui viennent, j'ai l'intention d'examiner cette cause de plus près, et nous pourrions demander un statut d'intervenant. Je regrette, c'est par ignorance de ma part. Je m'en excuse.
Le sénateur Gauthier: Je serais bien heureux si vous le faisiez. J'étais ici en 1988 lorsqu'on a adopté la loi actuelle. Je me souviens d'une question posée au ministre responsable, Lucien Bouchard, qui était ministre secrétaire d'État, responsable de ce projet de loi. On lui avait demandé que signifiait le mot «engage» quand on dit: le gouvernement «s'engage à». Il avait répondu que cela créait des obligations pour le gouvernement. J'ai dit: c'est très bien, c'est ce que je veux. Mais la guerre n'était pas finie; cela a repris de plus belle avec le ministère de la Justice qui disait que c'était déclaratoire.
La présidente: Monsieur Colvin, nous vous souhaitons bonne chance. Nous prenons une pause de cinq minutes. Ensuite, M. Arès fera sa présentation.
(La séance est suspendue.)
(La séance reprend.)
La présidente: Nous recevons maintenant M. Georges Arès, président de la Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada.
M. Georges Arès, président, Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada: Honorables sénateurs, permettez-moi tout d'abord de vous remercier de votre invitation à comparaître devant vous aujourd'hui. Je débuterai en lisant certains extraits de notre texte de présentation, et je ferai ensuite quelques commentaires suite aux propos tenus de la part des témoins entendus plus tôt aujourd'hui.
Tout d'abord, parlons du plan d'action du gouvernement fédéral. Ce plan d'action vient se greffer à la politique du gouvernement fédéral sur les langues officielles. Il constitue un instrument précieux qui a déjà commencé à transformer notre façon de travailler avec le gouvernement fédéral, et nous travaillons actuellement avec le gouvernement à sa mise en œuvre. Cependant, le plan d'action n'a pas la force d'une garantie législative. C'est cette garantie que nous apporte le projet de loi à l'étude présentement.
Je ne veux pas diminuer l'importance du plan d'action pour les langues officielles. Comme le mentionne régulièrement la commissaire aux langues officielles, il est important de changer l'approche du gouvernement fédéral dans le domaine des langues officielles, et le gouvernement doit encourager les provinces et territoires à faire de même. Cependant, l'ensemble de la politique gouvernementale sur les langues officielles doit reposer sur de fortes assises législatives pour en assurer la pérennité.
La fédération perçoit ces deux instruments comme étant complémentaires. Le projet de loi S-11 renforce l'application du plan d'action et nous permet de croire qu'il contribuera au développement des communautés pour les années à venir.
Tel qu'indiqué dans chacune de mes interventions depuis quelques années, voilà plus de 25 ans que la fédération réclame de la part du gouvernement fédéral une véritable politique de développement global de nos communautés.
À ce point-ci, permettez-moi de faire certains commentaires sur les propos entendus. J'apprécie la teneur des propos exprimés par l'honorable sénateur Gauthier. Certains parlent du comment et d'autres du pourquoi.
Pourquoi ne devrait-il pas y avoir une politique globale de développement de nos communautés, solidement ancrée dans la législation de ce pays? Je me pose la question à savoir pourquoi certains ne veulent pas que nos communautés soient développées le plus possible par le gouvernement fédéral? Je reconnais que le ministère de la Justice prétende que la formulation de la partie VII soit déclaratoire et non exécutoire. Cela revient à une question de volonté politique. Mais où est la volonté politique? Si des changements doivent être apportés à la partie VII, effectuons ces changements et démontrons la volonté politique.
Le plan d'action du gouvernement fédéral est comme une admission que la partie VII doit être exécutoire et qu'elle ne l'était pas, selon l'avis des ministres de la Justice. Avec le plan d'action, on admet qu'elle doit être exécutoire. Nous avons besoin de plus que ce que contient la loi pour assurer le développement de nos communautés. Par conséquent, on a développé le plan d'action et on s'attarde à la mise en œuvre. Toutefois, ce plan d'action demeure très fragile. Il s'agit d'une une volonté politique qui n'est pas assez bien ancrée pour l'avenir.
Dans le cas d'un changement de gouvernement, qu'arrivera-t-il si un ministre ne se montre pas aussi sympathique ou favorable que ce présent gouvernement? Voilà la source de nos inquiétudes. Pourquoi ne pas aller jusqu'au bout et reconnaître que le plan d'action est une actualisation de l'article 41, qu'il est nécessaire pour le développement des communautés de langues officielles dans ce pays, qu'il doit être ancré pour l'avenir par une modification à la Loi sur les langues officielles, telle que proposée par l'honorable sénateur Gauthier. Où est l'obstacle? Seule la volonté politique. Ce n'est pas le ministère de la Justice qui viendra poser une telle restriction, mais la volonté politique.
La volonté politique est là pour dire que ce qui existe est insuffisant, parce que le développement des communautés ne se fait pas assez bien. Je reconnais que certains progrès ont été accomplis. Toutefois, ne serions-nous pas plus avancé aujourd'hui si nous avions eu une politique globale, ancrée dans la loi, dès 1988 ou même avant cela, avec toute la force du gouvernement fédéral, avec la volonté politique qui descend dans les ministères et qui met en œuvre une politique globale de développement de nos communautés?
En conclusion, nous croyons que cette question est complémentaire.
Le plan d'action est très important et le cadre d'imputabilité l'est aussi, mais il faut aller plus loin et il faut s'assurer que ce soit dans la loi pour les années à venir, afin que ce ne soit pas assujetti à des volontés politiques.
M. Dion l'a dit assez clairement lors d'un discours qu'il a prononcé à Toronto l'année dernière, à savoir qu'il est préférable que les gouvernements agissent plutôt que de se faire porter devant les tribunaux. Je souscris entièrement à cela. Mais il est parfois nécessaire d'aller devant les tribunaux. Mme Adam y a fait référence lorsqu'elle a parlé de l'article 23 concernant la gestion scolaire, en disant que si cela n'avait pas été écrit dans la Charte des droits et libertés, on ne l'aurait pas. Le sénateur Comeau y a fait allusion aussi.
Il est important que ce soit écrit. C'est pour cette raison que les gouvernements font des lois: pour assurer des choses qui ne sont pas faciles à changer. Cela démontre entièrement la volonté politique du gouvernement. Alors si la volonté politique est là, allez de l'avant. Cela va régler les choses une fois pour toutes. Il n'y aura plus lieu d'avoir des opinions du ministère de la Justice disant que ce n'est pas exécutoire, mais plutôt déclaratoire. Il y aura quelque chose de nouveau. Ils pourront se pencher là-dessus.
Le sénateur Comeau: Je voulais savoir, ce soir, s'il nous fallait agir quant au projet de loi S-11. D'après ce que j'ai pu comprendre du témoignage des fonctionnaires, leur interprétation est que ce n'est pas exécutoire, alors on va le rendre exécutoire avec le projet de loi S-11. Point final. C'est une question politique, maintenant. C'est à nous, les politiciens, de voir à cela. Il est temps que ce soit exécutoire, et c'est tout.
La présidente: Quelqu'un d'autre veut-il ajouter quelque chose?
Le sénateur Chaput: Vous l'avez très bien expliqué, monsieur Arès et je vous en remercie. Cela vient appuyer ce que les communautés francophones de l'Ouest du Canada nous ont dit. On revient d'une tournée dans l'Ouest du Canada. Autant ils apprécient et sont contents du plan Dion, — qui se veut un autre appui — autant ils ont certaines inquiétudes à savoir si cela peut continuer? De la façon dont vous l'avez expliqué, je suis complètement d'accord et cela apaise les inquiétudes des communautés.
Le sénateur Léger: C'est incroyable comment on peut avoir deux interprétations. Monsieur Arès, il me semble que vous êtes dans le concret, et c'est l'exécutoire, autant qu'on peut le faire. C'est le concret. Mais quand on en vient à des lois, on dirait que cela devient très loin de la réalité ou de l'application. Pourquoi?
Vous, en d'autres mots, vous le vivez, mais c'est comme si nous ne vivions pas nécessairement la réalité que nous connaissons. Est-ce cela?
M. Arès: Je n'ai pas compris. Y a-t-il une question?
Le sénateur Léger: En d'autres mots, trouvez-vous qu'il y a une différence ou un écart entre ce qu'on vit et ce qu'on va légiférer?
M. Arès: Certainement qu'il y a un écart entre les deux; surtout dans les communautés de l'Ouest canadien, en Nouvelle-Écosse ou dans les Territoires. Les situations que vivent ces communautés sont très difficiles. Si on veut légiférer certaines choses, cela prendra plus qu'une législation, cela prendra aussi une volonté politique d'agir, afin de venir en aide à ces communautés. Il n'est pas évident dans tous les cas que cet appui est manifeste. Cet appui ne s'est pas beaucoup manifesté dans le passé, à l'exception de certains ministères, dont le ministère du Patrimoine canadien. On peut voir que certains ministères commencent à réaliser qu'ils doivent faire certaines choses, mais ce n'est pas facile de leur faire comprendre cela. Parfois, ce serait nécessaire d'amener un ministère devant un tribunal pour obtenir une directive d'un juge et d'ordonner à ce ministère de faire son devoir. Parfois, certaines gouvernements et certains ministres veulent avoir une directive d'un tribunal et ils se cachent derrière cela. Cela a peut-être été le cas dans certaines provinces lorsqu'il y a eu la question de la gestion scolaire. Cela se défend plus facilement auprès de la population s'il y a une décision d'un tribunal. Parfois, ce serait très utile d'avoir une décision d'un tribunal pour faire avancer les choses. C'est une autre raison pour laquelle il devrait y avoir un certain recours judiciaire sous la partie VII de la Loi sur les langues officielles: certains ministres pourraient se réfugier derrière une décision d'un tribunal et dire qu'ils n'ont pas d'excuse.
Le sénateur Léger: Pourriez-vous m'éclairer un peu? La législation dont on vient de parler, si je comprends bien, n'est pas suffisante? Il faut une volonté politique. Ensuite, il y a les tribunaux. Je croyais qu'avec la loi le but était atteint, mais il semble qu'on puisse avoir une loi et que la volonté politique ne l'applique pas?
M. Arès: Mais la volonté politique change, et c'est pour cette raison que nous avons besoin des deux.
Le sénateur Léger: Mais la législation ne change pas.
M. Arès: Justement, c'est ce pourquoi nous avons besoin de la législation. La volonté politique peut changer, et elle change souvent. Nous le savons. Nous avons donc besoin des deux. Nous pouvons avoir une bonne législation, mais si nous n'avons pas la volonté politique, cela ne va pas aller bien loin.
Le sénateur Léger: Parce que la volonté politique ne va pas exécuter la législation?
M. Arès: Justement, oui. Ou encore ils vont avoir une interprétation qui fera que ce n'est pas appliqué en profondeur.
Le sénateur Gauthier: Depuis combien d'années êtes-vous êtes président de la Fédération des communautés francophone et acadienne du Canada?
M. Arès: Depuis trois ans.
Le sénateur Gauthier: Je vous offre mes félicitations les plus sincères. Vous faites un bon travail. J'ai une question pointue. Le forum des maires de la péninsule acadienne, en première instance, a eu raison, mais on a interjeté appel de la décision du juge Blais. Est-ce que la Fédération a considéré de demander le statut d'intervenant dans cette cause? C'est le cœur du problème, d'après moi. Il s'agit de savoir comment interpréter la volonté, justement, de la loi et de l'article 41. On s'est servi de l'article 18(1) pour aller devant le tribunal, mais dans le fond, c'est l'article 41 qui est en jeu; c'est-à-dire le devoir et l'obligation des ministères de veiller à consulter et à travailler avec les communautés de langues officielles. La Fédération va-t-elle intervenir?
M. Arès: Nous ne nous sommes pas encore penchés sur cette question. Nous n'avons pas de conseiller juridique, pour l'instant, puisque nous l'avons perdu au profit de la commissaire aux langues officielles. Je crois qu'il faudra s'informer et obtenir des avis juridiques sur cette cause. Comme vous dites, c'est au cœur de la question et nous voudrons certainement intervenir. Je pense que nous pouvons aller devant les tribunaux si nous voulons, mais j'accepte ce que M. Dion a dit, à savoir qu'il est préférable que les gouvernements agissent. Que le gouvernement agisse et qu'on n'attende pas que la cause des maires aille en appel pour faire agir la Cour suprême! Agissons maintenant! La volonté politique, il faut la mettre de l'avant et de cette façon, nous n'aurons pas besoin d'aller devant les tribunaux.
C'est une bonne réponse à faire à M. Dion. Lorsque je lui ai demandé pourquoi l'article 41 ne devrait-il pas être exécutoire, il m'a répondu que cela coûterait des milliards de dollars et que nous serions toujours devant les tribunaux. Mais si la volonté politique agit, nous n'aurons pas besoin d'aller devant les tribunaux.
Le sénateur Gauthier: Il y a eu 550 causes depuis la proclamation de l'article 15 de la Constitution du Canada. Depuis 1982, il y a eu 23 ou 24 causes devant les tribunaux concernant l'article 23; au sujet de l'article 16, seulement 5 causes. Qui en a abusé? Certainement pas les communautés de langues officielles!
M. Arès: Non, ce n'est pas dans notre intérêt d'aller constamment devant les tribunaux. Ce n'est pas ce que nous voulons. Nous voulons travailler avec les gouvernements en place.
Je donne comme exemple le travail effectué avec le gouvernement de l'Alberta. Une fois que le gouvernement de l'Alberta a accepté la décision de la Cour suprême dans la cause Mahé, nous avons très bien travaillé avec ce gouvernement pour la mise en œuvre de la gestion scolaire. Cela a été la meilleure mise en œuvre de gestion scolaire au pays. C'est de cette façon que nous voulons travailler avec le gouvernement de l'Alberta. Cela fait presque dix ans qu'il n'y a pas eu de chicane avec ce gouvernement. C'est la façon de travailler avec les gouvernements, plutôt que de les porter constamment devant les tribunaux.
Parfois, nous sommes obligés d'avoir recours aux tribunaux parce que nous faisons face à un mur politique. Il faut alors utiliser l'autre option que nous avons dans une démocratie, celle d'aller devant les tribunaux pour assurer que le gouvernement agit de la façon dont il doit agir.
Nous préférons travailler avec les gouvernements. Nous avons travaillé de très près avec M. Dion pour développer le plan d'action. Il nous a donné de très bonnes opportunités de fournir des avis sur la façon de procéder. Nous avons bien travaillé avec M. Dion et nous apprécions beaucoup cela. Ce n'était pas nécessaire de porter le président du Conseil privé devant les tribunaux pour qu'il développe un plan d'action. C'est notre méthode de travail préférée, mais si c'est nécessaire, nous allons devant les tribunaux.
Sénateur Gauthier: Je suis de l'Ontario, vous êtes de l'Alberta. Vous êtes allés plus vite que nous avec la cause Mahé. Cela a pris 15 ans, en Ontario, avant que l'on ait la gestion. Nous l'avons eu en 1997, après 15 ans de délai, d'assimilation. Il y a toutes sortes de problèmes parce que nous n'avons pas sur place nos institutions, nos établissements d'enseignement. Avons-nous les moyens de nos ambitions? Nous n'avons pas d'argent. Cela prend des goussets profonds pour aller devant les tribunaux.
Les communautés ont un programme de contestation judiciaire à Winnipeg qui fait un bon travail. On a toutes sortes de problèmes actuellement au niveau de la télévision française, de la diffusion, des télévisions éducatives, de l'accès à la justice dans les deux langues officielles. Les lois fédérales comme la Loi sur les faillites et la Loi sur le divorce sont des lois fédérales, mais d'application provinciale.
Il est difficile pour une personne devant une situation triste comme un divorce ou une séparation d'aller devant le tribunal et dire qu'elle veut parler français. Essayez cela dans certains endroits au Canada. On va vous répondre que c'est impossible. En Ontario, on a certaines garanties d'accès aux tribunaux dans les deux langues officielles dans certaines régions désignées. On va dire: «oui, monsieur Arès, vous pouvez entamer une procédure en divorce, mais on s'excuse, le juge francophone ne sera disponible que dans deux ou trois mois. Vous avez trois petits et vous êtes dans une situation critique. Si vous acceptez de plaider votre cause en anglais, on va vous faire passer la semaine prochaine.» Cela arrive souvent au Canada. L'accès à l'égalité c'est cela, pas plus mais pas moins.
M. Arès: Je comprends. Dans le plan d'action du gouvernement fédéral, nous aurions aimé voir plus d'investissements; 751 millions de dollars, c'est beaucoup, mais sur cinq ans, cela ne l'est pas. D'après moi, ce qui est le plus important, c'est l'espoir que nous mettons dans le cadre d'imputabilité du plan d'action. Ce qui est le plus important, c'est de ressentir la volonté politique de nous aider, pas seulement chez les politiciens et politiciennes mais chez les fonctionnaires à tous les niveaux et dans toutes les régions. Avec la volonté politique de nous aider, tout changera. Nous pourrons bien travailler avec tous les ministères, les fonctionnaires et les ministres, et les fonds suivront par la suite.
Combien de gens savent que le gouvernement de l'Alberta a dépensé 30 millions de ses propres dollars pour agrandir et améliorer les écoles françaises en Alberta? Cela vient du fait que nous avons bien travaillé avec ce gouvernement depuis une dizaine d'années. Le ministre Klein est prêt à investir des fonds de son propre gouvernement. C'est du jamais vu en Alberta! Si nous pouvons développer cette volonté politique à tous les niveaux, les fonds vont suivre. C'est ce qui est le plus important pour nous.
Le cadre d'imputabilité du plan d'action est très important en ce qui a trait au changement d'attitude. Ce n'est pas facile, et cela ne se fera pas du jour au lendemain, nous n'avons pas cet espoir. Il faut commencer à y travailler. Avec le Conseil privé, nous allons travailler fort à la mise en œuvre du plan d'action.
La présidente: Je tiens à remercier les témoins qui sont venus. Je vous remercie de votre disponibilité, chers collègues.
La séance est levée.