Aller au contenu
RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité du 
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 15 - Témoignages du 3 juin 2003


OTTAWA, le mardi 3 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 9 h 34 pour examiner la proposition de modification de la Loi sur le Parlement du Canada (commissaire à l'éthique) et de certaines lois en conséquence et Proposition de modification du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes visant à mettre en œuvre le rapport Milliken-Oliver de 1997, déposées au Sénat le 23 octobre 2002.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Il s'agit d'une réunion du Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement. Nous étudions la «Proposition de modification de la Loi sur le Parlement du Canada (commissaire à l'éthique) et de certaines lois en conséquence et Proposition de modification du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes visant à mettre en œuvre le rapport Milliken-Oliver de 1997, déposées au Sénat le 23 octobre 2002.»

Avec très peu de préavis, l'honorable Coulter Osborne, commissaire à l'intégrité de la province de l'Ontario, a accepté de comparaître devant nous, ce dont nous lui savons gré. Monsieur Osborne, je crois comprendre que le préavis a été si court que vous n'avez pas eu l'occasion de préparer un exposé. Peut-être auriez-vous l'obligeance de faire quelques remarques préliminaires, après quoi nous donnerons aux sénateurs l'occasion d'explorer certains problèmes avec vous.

L'honorable Coulter Osborne, commissaire à l'intégrité de l'Ontario: Honorables sénateurs, c'est exact. Comme je n'ai été mis au courant de la présente comparution que très récemment, je n'ai pas de document à soumettre. Je suis ici pour parler des dispositions mises en place en Ontario relativement au Bureau du commissaire à l'intégrité.

C'est un bureau qui, dans l'ensemble des provinces et des territoires, se trouve présent sous une forme ou une autre. En Ontario, il fait partie d'un cadre législatif depuis 1994, année au cours de laquelle un comité auquel siégeaient tous les partis a formulé des recommandations pour une loi qui allait devenir la Loi sur l'intégrité des députés de 1994.

La loi en question me confère le pouvoir de traiter de questions qu'on pouvait généralement qualifier de conflit d'intérêts et de fournir à l'occasion des conseils à des députés relativement à une conduite qu'ils envisagent de tenir. De temps à autre, nous faisons enquête sur des événements qui se sont déjà produits. J'ai laissé entendre que cela avait peut-être quelque chose d'inapproprié si on tient pour acquis que les dispositions législatives ont pour but de changer ou d'approuver la conduite proposée.

Le système ontarien n'est pas nécessairement transposable ici. Les députés de l'assemblée législative sont relativement heureux du fonctionnement du système. Nous tentons de le rendre plus convivial. Nous invitons les députés à présenter des demandes de renseignements à notre bureau. Ils le font parfois à propos de situations dans lesquelles ils ne souhaitent pas faire certaines choses. Parfois, il est plus facile pour eux que ce soit moi, et non eux, qui dise non.

Le volume de travail est constant. J'ignore le nombre réel de plaintes qui sont présentées chaque année pour inconduite ou conflit d'intérêts. Je dirais que, trois ou quatre fois par année, un député en accusera un autre, habituellement un ministre, d'avoir contrevenu à l'une ou l'autre des dispositions de la Loi sur l'intégrité des députés.

La question de savoir jusqu'où je pousse l'enquête dépend des circonstances. Dans des cas où les faits ne sont pas contestés, je me contente d'étudier les documents sur papier.

Lorsque les faits sont contestés ou peuvent l'être, j'interroge les témoins compétents. Ces cas sont relativement rares.

Voilà tout ce que j'avais à dire en guise d'introduction. Si cela vous intéresse, je pourrais aussi vous dire combien coûte le système.

La présidente: Pourquoi ne pas nous le dire, pendant que vous y êtes?

M. Osborne: Notre bureau n'utilise pas plus de ressources qu'il ne faut. J'y travaille en compagnie de deux autres personnes. Sur place, nous nous chargeons aussi de l'application de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. En réalité, il y a deux bureaux. Sur la porte, un écriteau indique qu'il s'agit du bureau de la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes. Vous ne sauriez pas qu'il s'agit du Bureau du commissaire à l'intégrité.

Trois salaires, le mien y compris, sont imputés au budget du Bureau du commissaire à l'intégrité. L'année dernière, les coûts de fonctionnement totaux se sont élevés à environ 665 000 $. Le volet du bureau portant sur l'enregistrement des lobbyistes compte pour 152 000 $. Tous les lobbyistes s'enregistrent en ligne: on n'a donc pas besoin de beaucoup de main-d'œuvre pour s'occuper de cette question.

La présidente: Quels sont les coûts totaux pour le commissaire à l'intégrité?

M. Osborne: Ils s'élèvent à 665 000 $ plus une somme de 15 200 $ à laquelle j'ai fait référence.

La présidente: Vous occupez-vous aussi de la fonction publique ontarienne?

M. Osborne: Non, nous ne nous occupons pas de la fonction publique. De temps à autre, on entend des rumeurs selon lesquelles on nous demandera de nous occuper de la fonction publique, des titulaires d'une charge publique, mais on ne l'a pas fait jusqu'ici.

Le sénateur Rompkey: Comment êtes-vous nommé?

M. Osborne: On a mis en place un système en vertu duquel on interviewe des candidats au poste. Au bout du compte, tous les partis donnent leur accord. Puis, l'assemblée législative vote sur la nomination. Une fois la nomination approuvée par l'assemblée législative, on arrête les détails proprement dits au moyen d'un décret.

Le sénateur Rompkey: Le poste est prévu par la loi, n'est-ce pas?

M. Osborne: Oui, il s'agit d'un poste prévu par la loi.

Le sénateur Rompkey: L'assemblée législative approuve, puis c'est au tour du gouvernement de le faire. Est-ce ainsi que cela se passe?

M. Osborne: Exactement.

Le sénateur Rompkey: Vous dites qu'on vous a soumis trois ou quatre cas au cours de cette période?

M. Osborne: Trois ou quatre par année.

Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous nous donner une idée de ce qui est arrivé aux trois ou quatre intéressés?

M. Osborne: Eh bien, ça dépend. Dans le dernier cas dont je me suis occupé, j'ai constaté une contravention à la Loi sur l'intégrité des députés relativement à une convention parlementaire. La Loi sur l'intégrité des députés comporte certains commandements: Vous ne pouvez pas faire ceci, vous ne pouvez pas faire cela. On y indique aussi que le fait d'agir en contravention avec une convention parlementaire constitue une infraction aux termes de la loi.

Dans le cas auquel je fais référence, j'ai constaté une contravention, mais j'en suis aussi venu à la conclusion que, compte tenu des circonstances, aucune sanction ne s'imposait.

Le sénateur Rompkey: Depuis combien de temps êtes-vous en poste?

M. Osborne: Depuis septembre 2001. C'est la seule contravention que j'ai constatée depuis.

Le sénateur Rompkey: Vient-on souvent vous voir pour prendre conseil? Vous avez dit il y a un instant que certaines personnes jugeaient plus facile d'obtenir que ce soit vous, et non eux, qui disent non.

M. Osborne: C'est l'aspect de mon travail qui m'a surpris. On vient me consulter tous les jours. Je dirais que, en moyenne, je reçois deux ou trois demandes par jour, parfois plus.

Le sénateur Rompkey: Diriez-vous que vous consacrez plus de temps à la prestation de conseils qu'à la tenue d'enquêtes?

M. Osborne: Oui, nettement plus.

Le sénateur Rompkey: Quel serait le pourcentage?

M. Osborne: Il serait, pour vous donner une estimation très grossière, de 80 pour 20. Une fois une allégation de conflit d'intérêts officiellement déposée, nous obligeons le plaignant, en vertu d'une directive — et non de la loi elle- même —, à présenter une déclaration sous serment. Nous tenons à ce qu'il soit un peu plus difficile de porter plainte, à ce que le système soit un tant soit peu rigide. Le plaignant présente une déclaration sous serment dans laquelle il affirme: «J'accuse un tel d'avoir contrevenu à la Loi sur l'intégrité des députés de telle ou telle façon.»

Puis, nous avons pour objectif de répondre à la plainte dans un délai de dix jours et nous prévoyons dix jours de plus pour une réplique. Ensuite, je dois trouver le moyen de régler la plainte concernée, selon les circonstances initiales.

Le sénateur Rompkey: Madame la présidente, je sais que de nombreuses personnes ont un grand nombre de questions à poser. Je voulais aborder la question de la divulgation des intérêts des conjoints en particulier. La divulgation des intérêts des conjoints est-elle obligatoire?

M. Osborne: Oui.

Le sénateur Rompkey: Que faut-il déclarer?

M. Osborne: La divulgation est en réalité celle du député; ce n'est pas celle du conjoint. Le député doit divulguer son bilan ou celui de son conjoint — les actifs, les passifs et le revenu. Le volet public de la divulgation est minimal. On ne révèle ni les sources de revenu ni les montants.

Le sénateur Rompkey: Que divulgue-t-on?

M. Osborne: On divulgue les comptes de banque, les portefeuilles d'actions, ce genre de choses, en quoi ils consistent et, le cas échéant, les hypothèques.

Le sénateur Rompkey: C'est tout ce à quoi le public a accès?

M. Osborne: Oui. La politique n'est pas particulièrement indiscrète.

Le sénateur Rompkey: Pouvez-vous présenter la justification, les arguments pour et contre? Pourquoi a-t-on décidé d'inclure la divulgation des intérêts des conjoints?

M. Osborne: Je ne peux pas vous le dire avec précision parce que la décision a été prise avant mon entrée en fonction. D'après les comptes rendus des discussions du comité multipartite d'où est issu le projet de loi, l'idée était, je crois, de faire en sorte que la situation financière du député soit parfaitement transparente. On a jugé, je crois, que le fait de laisser le conjoint dans l'ombre aurait pour effet de brouiller le portrait.

La mesure a fait l'objet de très peu de résistance. Chaque année, des députés viennent discuter de leur situation financière. Habituellement, on le fait en octobre. J'ignore si on le fera cette année parce qu'il pourrait y avoir une élection. Sinon, les députés déposent leur déclaration en général le 1er octobre.

En vertu de la loi, je dois les interviewer tous. Je mène 103 interviews. Nous tentons de les réaliser en octobre et en novembre. Certains députés sont accompagnés par leur conjoint à cette occasion. Dans certains cas, c'est une bonne idée parce que les députés n'ont souvent aucune idée de leur situation financière.

Le sénateur Rompkey: Vous voulez dire que c'est la femme qui paie les factures?

M. Osborne: Exactement.

Le sénateur Rompkey: Le député touche son chèque et le dépose à la banque. Ça me dit quelque chose.

La présidente: À titre d'éclaircissement, votre code est également inscrit dans la loi?

M. Osborne: Oui, tout est prévu par la loi.

Le sénateur Di Nino: C'est l'une des questions qui suscite de l'intérêt parmi nous parce que nous sommes tous touchés; la question concerne les gens avec qui nous faisons affaires et notre famille. Il y a une multitude de questions que nous aimerions poser.

L'une des questions que je me pose concerne la définition d'«association», «membres de la famille», «parents» et ainsi de suite. Avez-vous une expérience de ces questions susceptibles de jeter un certain éclairage à ce propos? Un frère n'est pas une femme; une sœur n'est pas considérée comme un conjoint. Comment le code s'appliquerait-il à une action susceptible de profiter à un membre de la famille, à un associé, à un partenaire ou je ne sais trop quoi?

M. Osborne: L'unité familiale visée par les dispositions touchant la divulgation contenues dans la loi est relativement facile à circonscrire. Elle comprend les enfants à charge.

Le sénateur Di Nino: Pour les fins de la divulgation.

M. Osborne: L'unité familiale comprend le conjoint, et la définition qui figure dans la Loi sur l'intégrité des députés est celle de la Loi sur le droit de la famille de l'Ontario. Il faut qu'il y ait eu cohabitation pendant une période de trois ans.

Le sénateur Di Nino: Oui, pour les fins de la divulgation. Je veux parler des conflits d'intérêts.

M. Osborne: Pour les fins des conflits d'intérêts, on n'établit aucune distinction entre les membres de la famille et quiconque ayant pu bénéficier de la conduite du député ou d'une décision prise par un député. À titre d'exemple, l'article 2 de la loi porte que le député ne doit pas prendre une décision ni participer à celle-ci dans l'exercice de sa charge s'il sait ou devrait raisonnablement savoir, en prenant cette décision, qu'existe la possibilité de favoriser son intérêt personnel ou de favoriser de façon irrégulière celui d'une autre personne. La disposition s'applique donc au beau-frère tout autant qu'au voisin d'à côté.

Le sénateur Di Nino: Comment concilie-t-on ces exigences avec la responsabilité du député vis-à-vis de ses commettants? Imaginons qu'il y a, dans la circonscription du député, une société qui fabrique des machins. Le député ouvre des portes à la société en question pour qu'elle puisse vendre ses machins à l'assemblée législative, et la société verse des fonds à sa campagne ou dépêche des personnes pour accrocher ses pancartes et ainsi de suite. Depuis que vous êtes en poste, a-t-on débattu des questions de cette nature ou y a-t-on été confronté?

M. Osborne: La réponse est oui. De façon assez détaillée, je peux vous dire que, à l'article 5, on dit que la loi n'interdit pas les activités qu'exercent normalement les députés pour le compte des électeurs conformément aux conventions parlementaires ontariennes. La loi n'avait pas pour but d'ériger des barrières entre le député et ses commettants.

Pour en venir au volet difficile de votre question, j'étudie présentement une plainte qui a été rendue publique, même si je n'ai pas l'intention de mentionner de noms. Un des partis d'opposition s'est plaint du recours à des partenariats publics-privés, à des partenariats avec le secteur privé, pour la construction de deux hôpitaux, dont un ici. La deuxième partie de la plainte porte sur le fait qu'un certain nombre de compagnies de construction qui pourraient soumissionner ou ont peut-être soumissionné — je n'ai pas tous les détails, je viens d'être saisi de la plainte — pour ces projets de construction ont fait des dons dans le cadre de campagnes. On a donc affaire à une sorte d'argument portant sur le versement d'une contrepartie. C'est la première plainte de cette nature dont je suis saisi.

Hier, j'ai écrit au chef du parti en question pour l'informer du fait que les partenariats entre les secteurs public et privé dans le cadre d'importants projets de construction relèvent de la politique gouvernementale. Cela n'a rien à voir avec la Loi sur l'intégrité des députés. J'ai donc disposé au moins de cet élément de la plainte.

Le sénateur Di Nino: À votre avis, faut-il s'attaquer à ce problème puisque nous avons été témoins, depuis que la politique existe, ou presque, d'un certain nombre d'accusations portées contre des députés fédéraux et, à coup sûr, provinciaux disant: «Vous venez en aide à votre ami parce qu'il vous a fait un don considérable.» Y a-t-il, à votre connaissance, une façon de tenter de viser ce genre de situation?

M. Osborne: Je ne sais pas. Cela mérite réflexion. Le problème s'est posé en Colombie-Britannique à quelques reprises. Il s'est posé il y a environ un an, à propos de la ministre de la Santé. Dans la décision qu'il a rendue à ce sujet, le commissaire l'a exonérée. Ted Hughes, qui était le commissaire de la Colombie-Britannique, s'est intéressé à l'argument du versement de contrepartie, ou des dons de campagne, d'actions prises par la députée, la ministre du Cabinet, à la suite, a-t-on pensé, d'une contribution à une campagne.

En Ontario, on entend des rumeurs constantes à ce sujet, non seulement parce qu'une élection est imminente, mais aussi parce qu'on assiste à une course au leadership au cours de laquelle un certain nombre de contributions ont été faites. Je n'ai encore rien entendu d'officiel à ce sujet, mais j'ai entendu de nombreux propos officieux.

L'absence de dispositions législatives — je sais que la question fait ici la manchette — qui régissent les contributions des campagnes m'apparaît malsaine. D'éventuelles contributions à une campagne devraient être versées de façon suffisamment ouverte pour que le ministre du Cabinet, par exemple, ne soit pas pris au piège au cas où plus tard, telle société ou entreprise de construction, peu importe, se trouve avantagée par telle ou telle disposition législative. Quant à savoir comment procéder, je n'en ai aucune idée, à moins de procéder à une réforme en profondeur dans ce domaine particulier.

La présidente: Dans le même ordre d'idées, vous avez parlé d'activités qu'exercent «normalement» les députés pour le compte des électeurs. Comment les définissez-vous «normalement» par rapport à «anormalement»? Comment peut- on définir ce genre de mesures? Ne devrait-il pas mieux énoncer clairement quel type de relations sont prohibées ou visées?

M. Osborne: Je ne pense pas parce que le spectre des relations est énorme. Laissez-moi vous donner un exemple. Le ministre des Finances de l'Ontario de l'époque a été accusé d'avoir contrevenu à cette disposition. Comme vous le savez, les politiciens aiment les séances de photo.

Des voix: Oh, oh.

M. Osborne: C'est choquant, d'accord, mais c'est la vérité. Il y a quelques années, le gouvernement versait des chèques de 100 $ aux familles avec enfants. Avec l'aval du ministre, je pense, la société Sears a décidé de remettre un bon d'achat de 115 $ aux personnes ayant reçu ce chèque qui se rendaient dans ses magasins. C'était à l'époque de Noël. On entendait en faire l'annonce dans la boîte d'un camion Sears devant un magasin Sears avec le ministre et le vice-président de Sears. C'est ce qu'on a fait. Tout de suite après, certains se sont plaints du fait que le ministre encourageait anormalement les intérêts commerciaux de Sears par rapport à ceux de La Baie ou d'un autre établissement. Heureusement, avant son apparition éclair, le ministre a informé d'autres détaillants du projet et les a encouragés à prendre le train en marche: il n'y avait donc rien d'anormal. Dans cette décision, je me suis arrêté à ce que signifie le mot «anormalement». Si on va trop dans les détails, si les règles sont trop détaillées, on ne peut prévoir la vaste diversité de circonstances qui ne manqueront pas de se présenter. Je pense que c'est pour cette raison que je me suis intéressé à la question de cette façon.

La présidente: Je vous remercie. Pardonnez-moi mon interruption.

Le sénateur Di Nino: À la lumière de votre expérience personnelle et du dialogue que vous avez avec des collègues de partout au pays, avez-vous des perles de sagesse dont vous pourriez nous faire part concernant les écueils que nous devrions tenter d'éviter, les domaines où nous pourrions améliorer les dispositions législatives ou des brèches que nous devrions tenter de colmater?

M. Osborne: La procédure doit inspirer confiance au public. Des citoyens raisonnablement bien informés doivent savoir que le commissaire à l'éthique, peu importe comment on l'appelle, est un haut fonctionnaire du Sénat ou du Parlement, selon le cas, sans allégeance à un parti donné. Le processus de nomination est important, et c'est là que les problèmes se sont posés.

Le sénateur Di Nino: L'indépendance et l'intégrité de l'intéressé!

M. Osborne: La candidate ou le candidat doit être indépendant et considéré comme tel, sinon les citoyens ne prêteront nulle foi aux décisions rendues. Malheureusement, nous en avons été témoins ici. Voilà l'élément le plus important. Il faut choisir avec soin la personne choisie pour exercer cette fonction ou ces fonctions, selon le cas. Le système devrait être convivial, et on devrait veiller à ce que les personnes touchées par le code ou les dispositions législatives se sentent à l'aise. Il ne devrait pas y avoir de confrontations. Par conséquent, il faut quelqu'un que les députés respectent et qui comprend que les personnes qui choisissent la vie publique rencontrent les problèmes qu'il faut régler de façon raisonnable, et non rigide. La politique étant ce qu'elle est, on recevra des plaintes déposées pour des motifs politiques; cela ne fait aucun doute. Il importe que le titulaire du poste ait un instinct et un sens pratique qui lui permettent de démêler ce qui est bien de ce qui est mal, ce qui est possible de ce qui ne l'est pas.

Le sénateur Stratton: En ce qui concerne la confiance du public, vous avez dit que, en Ontario, il s'agit d'une entente multipartite — essentiellement, tous les partis de l'assemblée législative ont convenu de la nomination de l'intéressé.

M. Osborne: C'est comme ça que les choses se passent et c'est comme ça que j'ai accédé à mon poste, mais je devrais faire un léger mea culpa. Ce n'est pas tout à fait comment je suis arrivé au poste que j'occupe aujourd'hui, mais on a communiqué avec moi à l'époque où je faisais toujours partie de la Cour d'appel de l'Ontario. Comme je songeais à la retraite, j'ai manifesté de l'intérêt pour le poste, mais je ne croyais pas opportun de me prêter à une série d'entrevues d'emploi. Le gouvernement et l'opposition ont donné leur accord, mais pas le NPD. Il ne s'est pas opposé à moi, mais il s'est dit d'avis qu'on aurait dû suivre la procédure d'entrevue. Il a donc voté à l'assemblée législative, et me voilà.

Le sénateur Stratton: Que dit la loi? Exige-t-on l'accord de tous les partis, ou est-il suffisant qu'une majorité de députés consente à la nomination?

M. Osborne: En fait, cela ne fait pas partie des lois; c'est dans les règlements.

Le sénateur Stratton: Cela fait partie des règlements. Que dit-on dans les règlements? Nous tenons à l'établir clairement. Exige-t-on le consentement de tous les partis ou simplement celui de la majorité?

M. Osborne: Il suffit de l'accord d'une majorité à l'assemblée législative.

Le sénateur Stratton: Par conséquent, l'accord de tous les partis n'est pas nécessaire.

M. Osborne: Non, même si, en pratique, on tente d'arriver à un consensus.

Le sénateur Stratton: Du point de vue pratique, pensez-vous qu'il serait important d'obtenir, dans la mesure du possible, l'accord de tous les partis dans l'intérêt de la confiance du public?

M. Osborne: Oui, certainement.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie. À votre connaissance, le gouvernement ou les partis ontariens ont-ils envisagé une réforme du financement électoral? Y a-t-il des propositions sérieuses en ce sens?

M. Osborne: À ma connaissance, non. Il y a un petit trou noir entre notre bureau et cette question. À ce que je sache, rien de sérieux n'a été entrepris.

Le sénateur Stratton: J'ai une dernière question concernant les plaintes. Depuis votre entrée en fonction, nous avez- vous dit, vous n'avez constaté qu'une contravention mineure parmi l'ensemble des affaires que vous avez traitées, c'est- à-dire une pour 12 ou environ.

M. Osborne: Oui.

Le sénateur Stratton: Sous votre gouverne, aucune sanction pour plainte frivole n'a donc été portée? Je suis curieux. Automatiquement, nous pensons que le monde est politique et que des gens l'utiliseront pour des matchs de football politiques. Comment vous y prenez-vous pour empêcher les plaintes frivoles?

M. Osborne: J'ai soumis une liste d'amendements de la loi à l'assemblée législative, et celle-ci en fait partie. Rien ne décourage le dépôt de plaintes frivoles. Cependant, la loi contient une disposition selon laquelle je suis habilité, lorsque la plainte est manifestement sans fondement, à la rejeter «sans convocation de l'intimé», pour reprendre le jargon des tribunaux. Aucune sanction financière n'est prévue en cas de plainte frivole, même s'il importe de se rappeler qu'en Ontario, au contraire de la situation observée dans certaines provinces, les citoyens ne peuvent pas porter de plaintes.

Il existe un dispositif de filtrage en vertu duquel la plainte doit être portée par un autre député. Comme je l'ai indiqué plus tôt, nous exigeons que la plainte fasse l'objet d'une déclaration sous serment, ce qui constitue un mécanisme de contrôle mineur. Un certain nombre de décisions l'ont établi clairement. Il a fallu un peu de temps, mais il apparaît maintenant que les articles de journaux de quelque facture que ce soit ne constituent pas une preuve pouvant être citée à l'appui d'une plainte. Il y a un certain nombre d'années, on a essuyé un barrage de plaintes fondées sur un article de l'Ottawa Citizen, ou je ne sais trop plus quel quotidien. En ce sens, les exigences relatives à la preuve ont en quelque sorte doté le système d'un frein salutaire.

Le sénateur Stratton: Allez-vous effectivement proposer un amendement pour réguler cette pratique?

M. Osborne: L'amendement fait partie d'une liste, et on trouve dans la loi un certain nombre de petits éléments. L'un par exemple limite les activités de bienfaisance des députés. Dans les décisions, on a apporté des changements. Le gouvernement a convenu avec moi que la disposition devait être modifiée. Cependant, rien n'a été fait. On s'est rendu en première lecture, puis tout s'est arrêté — depuis, c'est le calme plat. Il y a aussi quelques éléments de régie interne, et je souhaitais simplement porter cette question à l'attention du gouvernement. Je dois aborder ces questions par l'entremise du président de l'assemblée. L'un des inconvénients qu'il y a à être indépendant, c'est qu'on ne peut compter sur un ministre pour s'occuper de ce genre de questions.

Le sénateur Stratton: Seriez-vous disposé à nous faire part des amendements que vous recommandez?

M. Osborne: Oui, certainement.

Le sénateur Cordy: Merci, monsieur Osborne. Vos commentaires sont des plus utiles. Comment vous y prenez-vous pour décourager le dépôt de plaintes frivoles? Est-il possible d'adopter une règle qui décourage le dépôt de telles plaintes, ou cela fait-il partie des règles du jeu?

M. Osborne: On pourrait ajouter des règlements donnant au commissaire le pouvoir de faire face aux plaintes frivoles et vexatoires, un peu comme les tribunaux sont autorisés à rejeter les actions en justice jugées frivoles et vexatoires.

Jusqu'à un certain point, on doit compter sur les parlementaires pour ne pas présenter un nombre indu de plaintes frivoles. Inévitablement, certaines seront motivées par des intérêts politiques, mais cela ne signifie pas nécessairement qu'elles sont frivoles. Comme je l'ai indiqué, vous pourriez envisager une sanction monétaire au cas où une plainte serait jugée exagérément frivole, à moins que vous ne préfériez un autre adverbe.

Le sénateur Cordy: Pour revenir à la question abordée par le sénateur Rompkey, pourriez-vous nous dire de façon plus précise ce à quoi le public a accès une fois qu'un député vous a présenté sa déclaration financière?

M. Osborne: Au moment de l'arrivée des députés, nous recevons une déclaration financière comprenant la situation financière de l'intéressé, celle de son conjoint et de ses enfants, le cas échéant. Au moment de la réunion, nous préparons d'avance les déclarations publiques, à supposer que la situation financière soit simple, puis nous la montrons au député et nous lui demandons s'il la juge exacte et satisfaisante. Presque toujours, la réponse est «oui», à moins qu'un actif manque ou que l'intéressé ne se soit dessaisi d'un intérêt entre-temps. Nous modifions la déclaration, nous envoyons la nouvelle version à l'intéressé par télécopieur pour lui demander si elle est correcte. Le cas échéant, il doit nous en informer. L'article 21, «État de divulgation publique», si vous voulez consulter votre sommaire de la loi, se lit comme suit:

(2) L'état de divulgation publique:

a) précise la source et la nature, mais non la valeur, du revenu et des éléments d'actif et de passif visés au paragraphe 20(2)...

C'est l'état de divulgation restreinte.

b) donne les nom et adresse de toutes les personnes qui ont un intérêt dans ces éléments d'actif et de passif;

Ici, il est question de l'identification des beaux-frères qui sont associés et ainsi de suite.

c) énumère tous les contrats conclus avec le gouvernement de l'Ontario qui figurent dans l'état de divulgation restreinte...

d) donne la dénomination sociale des compagnies membres d'un même groupe qui figurent dans l'état de divulgation restreinte...

Puis, il est question des dons.

Le sénateur Cordy: Si, par exemple, l'intéressé a deux maisons, en précisant la valeur?

M. Osborne: Non.

Le sénateur Cordy: Y énumère-t-on les biens immobiliers?

M. Osborne: Une résidence principale, un chalet.

Le sénateur Cordy: S'il y a des actions, en dresse-t-on la liste?

M. Osborne: On n'en préciserait pas la valeur.

Le sénateur Cordy: Énumérerait-on les sociétés?

M. Osborne: Non.

Le sénateur Cordy: C'est plutôt vague.

M. Osborne: C'est plutôt dépourvu d'informations.

Le sénateur Cordy: Vous avez dit que les personnes qui portent plainte doivent présenter une déclaration sous serment. Remet-on la déclaration tout entière aux répondants ou aux «cibles» — pour reprendre votre terme? Reçoivent-ils une copie de la déclaration sous serment qui a été faite?

M. Osborne: Oui, selon la procédure, les plaignants nous feront parvenir les documents, y compris la déclaration sous serment et, habituellement, certaines pièces d'appoint, et ils doivent aussi soumettre les documents au président de l'assemblée, de façon que l'allégation devienne un document public. Je la reçois ensuite et la transmets immédiatement à l'intimé.

Le sénateur Cordy: L'intimé sait exactement qui est l'auteur de la plainte?

M. Osborne: Oui. L'un des problèmes que nous avons, c'est qu'il n'est pas rare que les médias soient mis au courant de la plainte avant moi, mais, que voulez-vous, c'est la vie.

La présidente: Je tiens à préciser que la comparaison entre tous les codes provinciaux se trouve dans le code provisoire qu'on a fait circuler cette semaine et — j'ai reçu le mien lundi — après l'annexe, et également dans la reliure noire que nous avons tous reçue au moment du début de notre étude. Nous avons tous la comparaison. J'ai ici un exemple de l'état de divulgation publique de George Smitherman, et on y trouve des éléments sous les rubriques «Revenus», «Actifs», «Dons et avantages personnels», «Passif», «Offre» et«Postes d'administrateur».

M. Osborne: Ce sont les passifs qui m'inquiètent. Rares sont ceux que leurs actifs mettront dans l'embarras. Tout est dans les passifs.

Le sénateur Cordy: Vous avez dit que seuls les députés sont habilités à déposer des plaintes, ce qui, dans les faits, décourage un tant soit peu le dépôt de plaintes frivoles. Les citoyens devraient-ils être habilités à déposer des plaintes?

M. Osborne: Je pense qu'ils peuvent le faire. Périodiquement, nous recevons une demande de renseignements de la part du public concernant ce qu'un député a fait, et nous répondons toujours que nous ne sommes pas habilités à recevoir des plaintes émanant directement du public, mais que leur façon de faire dans un tel cas est de s'adresser directement à un député. Si aucun des députés du «mauvais» parti ne siège dans leur lieu de résidence ou d'affaires, je ne sais trop, nous leur indiquons où se trouve le député de l'opposition le plus proche et, habituellement, les choses en restent là. C'est comme ça. Nous ne coupons l'herbe sous le pied de personne. Nous disons aux plaignants comment aller de l'avant s'ils le souhaitent.

Le sénateur Hubley: Nous avons un code de conduite à l'intention des parlementaires qui s'adresse à la fois aux députés et au Sénat. Le premier ministre a un code de plus qui s'applique aux ministres de la Couronne. Les députés et les ministres de la Couronne sont-ils visés par la même loi, ou y a-t-il des codes additionnels pour les ministres de la Couronne?

M. Osborne: En Ontario, tout est dans la Loi sur l'intégrité des députés. Des sections particulières de la Loi concernent les ministres de la Couronne. À l'époque où Bob Rae était premier ministre, outre les dispositions législatives, il a émis une directive portant sur la conduite des membres de son Cabinet. Cette situation a causé des remous parce que personne ne savait ce qui était acceptable et ce qui ne l'était pas; depuis, on a renoncé à cette approche.

Le sénateur Hubley: Que se passerait-il si une accusation était portée et que vous en veniez à la conclusion que l'acte incriminé contrevient au Code criminel? Jusqu'à quel point une accusation doit-elle être grave avant qu'elle passe de votre service au domaine public?

M. Osborne: Il y a dans la loi une disposition qui porte ce qui suit: Dès qu'une accusation est portée au pénal, mon enquête arrête. Elle est, dans les faits, suspendue, mais je n'ai jamais été confronté à ce qui se passerait par la suite.

Si j'en viens à la conclusion qu'il y a des motifs raisonnables et probables de croire qu'une activité puisse être de nature criminelle, je suis tenu de mettre un terme à mon enquête et de m'en remettre aux autorités compétentes.

Le sénateur Hubley: Cela s'est-il déjà produit?

M. Osborne: Non, pas à ma connaissance. Depuis mon entrée en fonction, en tout cas, ça ne s'est jamais produit.

Le sénateur Hubley: Je vais vous inviter à faire un commentaire. Le Code de déontologie des sénateurs sera nécessairement le reflet de notre mandat. Ce dernier consiste à aider le gouvernement et à le conseiller relativement à toute question ou toute décision concernant la politique gouvernementale. Nous avons affaire à un groupe différent ayant un mandat différent.

Quels sont les éléments que nous devrions prendre en considération au moment où nous élaborons notre code, étant donné que nous n'avons pas de circonscription à proprement parler? Nous représentons l'ensemble des Canadiens, mais notre mandat est de fournir des conseils. Croyez-vous que le fait que nous n'avons directement affaire ni au public ni à des groupes de personnes soit problématique au moment où nous élaborons notre code?

M. Osborne: Il faudrait en tenir compte. Cette situation milite en faveur de l'adoption d'un code distinct ou de dispositions législatives différentes pour le Sénat et la Chambre des communes.

La première décision, me semble-t-il, est de savoir si vous allez vous engager sur la voie d'un code ou de dispositions législatives. Les deux possibilités ont des avantages, même si je me demande quelle différence cela ferait pour le public, tant et aussi longtemps que le code est accessible et qu'il ne constitue pas un document secret. De toute évidence, il faudrait adapter le code ou les dispositions législatives aux circonstances, compte tenu de l'entité que le code ou les dispositions législatives visent à réglementer.

Le sénateur Joyal: À ce stade-ci, je m'inquiète de la structure juridique de votre loi, que je trouve très judicialisée. En même temps, on y trouve des zones grises ouvertes aux pouvoirs discrétionnaires des intéressés. Je fais particulièrement référence à l'article 34 de la loi. On y lit:

Si le commissaire fait une enquête en vertu du paragraphe 31(1) ou (2) et constate que le député a contrevenu à l'un ou l'autre des articles ou qu'il a contrevenu aux conventions parlementaires ontariennes.

Le sens de l'expression «conventions parlementaires ontariennes» me laisse perplexe. En d'autres termes, vous avez non seulement le mandat de faire respecter les diverses dispositions de la loi, mais aussi la responsabilité de veiller à ce qu'aucune convention parlementaire ontarienne ne soit violée. Qu'entend-on par «conventions parlementaires» dans la loi?

M. Osborne: C'est une bonne question. Elle a été soulevée au cours d'affaires récentes dont je me suis occupé. Que veut dire «conventions parlementaires»?

L'expression vise à élargir la portée de la loi, de façon qu'elle ne concerne pas que les délits d'initié ou le fait de préférer d'une façon inadéquate les intérêts du député ou ceux d'une autre partie. La loi s'applique aux cas où le député a une conduite non conforme à ce qu'on attend normalement d'un parlementaire.

J'ai utilisé une définition combinée tirée du Black's Law Dictionary pour faire face au problème. L'expression s'applique à des conduites inadéquates qui, techniquement, ne sont pas visées par les dispositions précises de la loi où on précise ce que les députés peuvent et ne peuvent pas faire.

Le sénateur Joyal: L'expression m'a plongé dans la perplexité puisque, comme vous le savez, une convention, par définition, n'est pas exécutoire devant un tribunal. Il est peut-être légitime de régir le comportement, mais ce n'est pas exécutoire en droit. La Cour suprême a statué à ce sujet, en particulier, dans l'affaire du rapatriement de la Constitution, célèbre cas concernant la nature contraignante d'une convention.

Cette situation me laisse perplexe dans la mesure où il s'agit d'un élément de la loi qui demeure très ouvert. Par ailleurs, les sanctions prévues par la loi sont très lourdes.

La première pénalité est une réprimande. La deuxième est une suspension du droit du député de siéger et de voter à l'assemblée pendant une période déterminée ou jusqu'à ce qu'une condition imposée par le commissaire soit remplie, ce qui est sérieux puisqu'on interdit à des personnes d'exercer leur droit et leur obligation de voter, ou encore le siège du député est déclaré vacant. Par conséquent, on a affaire à une liste de pénalités très sévères en cas de contravention à l'une des dispositions de la loi ou d'une convention parlementaire.

Je comprends la philosophie de la loi, qu'on présente dans le préambule. Nulle part on ne fait mention des normes éthiques, sinon dans les dispositions précises. Vous exercez donc un pouvoir très important, soit celui de recommander, en dernière analyse, qu'un siège soit déclaré vacant, ce qui, au regard de la loi électorale, est associé à une très grave contravention. Au Sénat, c'est l'équivalent de la pénalité imposée à des personnes reconnues coupables d'un acte criminel infâme. On trouve deux liens très graves avec le Code criminel concernant ce que la personne a fait.

Je cherche à comprendre la gradation des pénalités et ce que le système cherche à accomplir. Veut-il, en imposant de telles pénalités, avoir un effet dissuasif tel que tous les députés se sentiront obligés de se conformer aux dispositions autant qu'ils le peuvent? On pourrait le penser relativement à la convention parlementaire.

Cette dernière n'est pas codifiée. Elle ne fait pas partie des normes éthiques pouvant être énoncées dans le préambule. La décision relève de vos pouvoirs discrétionnaires.

M. Osborne: Il existe un certain parallèle entre la convention parlementaire et la common law. Il s'agit d'une situation en évolution. Ce qui constitue un comportement acceptable ou inacceptable de la part d'un parlementaire évoluera au fil du temps. Les normes ne sont pas constantes.

L'autre aspect qu'il convient de noter, c'est qu'il existe un parallèle avec la clause nonobstant de la Charte. Si je recommande l'imposition d'une pénalité, disons la perte du siège du député, ce que je n'ai jamais envisagé, même de loin, c'est l'Assemblée qui a le dernier mot. En effet, le paragraphe 34(3) porte ce qui suit:

Si le commissaire recommande qu'une pénalité soit imposée, l'Assemblée peut soit accepter cette recommandation et ordonner l'imposition de la pénalité, soit rejeter cette recommandation, auquel cas aucune pénalité n'est imposée.

La présidente: Cependant, elle ne peut pas la modifier.

M. Osborne: Non, elle ne peut pas la triturer. À ce stade, il y a un verdict de culpabilité, pour reprendre une expression judiciaire, mais aucune pénalité n'est imposée parce que l'assemblée législative n'a pas jugé bon d'agréer ma décision.

Le sénateur Joyal: Je sais qu'il est difficile de se prononcer sur ce point, mais pourquoi, à votre avis, n'a-t-on pas prévu de sanctions financières?

M. Osborne: Je ne sais pas. Je ne suis pas du tout au courant de cette question.

Le sénateur Joyal: La Loi sur le Parlement du Canada comporte des ...

M. Osborne: J'en suis conscient. J'en ai fait le constat à la lecture de certains documents que j'ai parcourus hier après avoir appris que j'allais être ici aujourd'hui.

Je ne peux pas répondre à votre question. De toute évidence, on y a pensé à l'époque de l'élaboration du projet de loi. Quant à savoir pourquoi on a rejeté cette idée, je n'en ai aucune idée.

Le sénateur Joyal: L'autre élément qui me surprend et est propre au système ontarien, c'est l'intervention du Président de l'assemblée, ce qui, si je comprends bien, ne correspond pas exactement aux propositions du gouvernement. Le Président de l'Assemblée législative de l'Ontario a un rôle à jouer dans la mesure où il reçoit une copie d'une éventuelle plainte. En effet, le paragraphe 30(3) se lit comme suit:

Le député qui présente la demande en remet promptement une copie au président, qui fait déposer la demande devant l'Assemblée. Si celle-ci ne siège pas, le président la fait déposer dans les 10 jours qui suivent le début de la session suivante.

Les rapports que vous présentez, vous les remettez au président. Pourquoi cette intervention du Président dans le modèle ontarien?

M. Osborne: Je pense qu'on était à la recherche d'une sorte de terrain neutre. Il fallait déposer les documents quelque part, et on ne voulait pas désigner un ministère ou un bureau de l'assemblée particulier à cette fin. Je pense que, par défaut, on a choisi de déposer les documents et autres éléments du genre devant le Président.

Le même raisonnement s'applique aux états de divulgation. On les dépose auprès du Président de façon que les citoyens puissent y accéder, en ligne ou, s'ils préfèrent consulter une copie sur support papier, au bureau du Président. Cependant, la participation du Président est plus symbolique que réelle. Ces documents passent par le Président. Lorsque les sept hauts fonctionnaires de l'assemblée législative, le commissaire à l'environnement, l'ombudsman, et cetera, et moi nous réunissons pour dîner, comme nous le faisons deux ou trois fois par année, le Président est habituellement présent. Il s'agit d'un contact personnel. Cependant, la participation du Président au processus n'est pas substantielle.

Le sénateur Joyal: Selon votre perception ou votre interprétation, c'est un peu comme si on conférait au Président le statut de greffier de la Chambre?

M. Osborne: Exactement. L'avantage, c'est que le Président est habituellement considéré comme indépendant du gouvernement.

Le sénateur Joyal: Il est élu, en ce qui vous concerne, par les députés provinciaux de l'Ontario.

M. Osborne: Oui.

Le sénateur Joyal: L'autre point que je veux soulever concerne la relation de confidentialité entre un député et votre bureau. Les communications entre les députés et vous sont-elles protégées par le secret professionnel?

M. Osborne: Non, il n'y a pas de secret professionnel, mais il y a la protection offerte par la Loi sur l'accès à l'information. On trouve dans cette loi une disposition particulière qui nous exempte des lois sur l'accès à l'information et la protection de la vie privée. Certains éléments ne sont pas protégés. Si, par exemple, nous écrivons à un ministre, la réponse qu'il nous ferait parvenir est protégée, mais pas ce que nous lui envoyons. Le secret professionnel ne s'applique pas dans ce cas.

Le sénateur Joyal: Si je comprends bien, les documents dont vous disposez au sujet d'un député pourraient, dans l'hypothèse où une accusation serait portée contre un membre pendant votre enquête, être utilisés dans le tribunal pénal?

M. Osborne: J'aurais souhaité que vous me posiez une question plus facile. Je ne sais pas. Je pense que de tels documents pourraient faire l'objet d'un subpoena. Nous ne nous sommes jamais ne serait-ce que rapprochés d'une telle hypothèse.

Le sénateur Joyal: Je cherche à me faire une idée de la divulgation publique et de l'exception mentionnée dans la loi. Si j'avais à vous rencontrer et que je vous divulguais tout pour m'acquitter de mon obligation parlementaire et qu'une accusation au pénal était portée contre moi, toutes mes consultations avec vous, si je comprends bien la loi, pourraient faire l'objet d'un subpoena.

M. Osborne: C'est possible. Il faudrait que les documents soient pertinents à l'accusation en question. On ne pourrait pas demander à tout voir par subpoena. Si, en revanche, le député avait évoqué en ma présence quelque chose qui s'avérerait de nature pénale, je suppose que cela pourrait faire l'objet d'un subpoena. Lorsqu'on examine ces questions du point de vue civil, il arrive que des députés viennent me voir pour me dire qu'ils font l'objet de poursuites relativement à un partenariat préexistant. Nous n'avons jamais rien fait à ce sujet, sinon en prendre bonne note.

C'est ce qu'on entend dans la loi par «changement importan» de situation. Les députés sont censés faire état des changements importants de leur situation qui surviennent en cours d'année.

Le sénateur Joyal: Le dernier point que je veux soulever, madame la présidente, concerne le paragraphe 34(4), soit le «Pouvoir de l'Assemblée», qui est très important. Je vais en faire rapidement lecture:

Malgré l'article 46 de la Loi sur l'Assemblée législative, l'Assemblée n'a pas le pouvoir d'enquêter plus avant sur la contravention, d'imposer une pénalité si le commissaire recommande que n'en soit imposée aucune, ni d'imposer une pénalité autre que celle qui est recommandée.

En d'autres termes, votre recommandation protège le député. Une fois que vous avez fait enquête et formulé votre recommandation, l'enquête ne peut pas pousser plus loin l'étude de l'allégation.

M. Osborne: Il s'agit d'un contrepoids à l'article 3 dont j'ai fait mention auparavant. L'autre aspect est le suivant. Des députés s'adressent à mon bureau tous les jours pour prendre conseil. Si le député demande un conseil et en obtient un, il bénéficie d'une défense restreinte aux termes de la loi, pour peu qu'il ait respecté l'opinion fournie. Il ne s'ensuit pas qu'il n'y a pas eu contravention à la loi. Cependant, cela signifie que, dans les faits, aucune pénalité ne peut être imposée.

Le sénateur Joyal: C'est un peu comme le code de la Chambre des lords, où on lit qu'un député qui agit selon le conseil du registraire — la personne qui occupe un poste analogue ou comparable au vôtre — le moment de déterminer ce qui constitue un intérêt pertinent satisfait pleinement aux exigences du code de déontologie. Si, en d'autres termes, une personne s'adresse à vous et vous expose ses actifs conformément à la loi et que vous formulez une opinion, la personne en question a satisfait ou s'est conformée aux exigences de la loi, un point c'est tout?

M. Osborne: Cela s'arrête là du point de vue de ce que vous avez lu. Mais pas tout à fait en Ontario. On peut malgré tout en venir à la conclusion que le député a contrevenu à la loi. Au fait, je pourrais moi-même constater que j'étais dans l'erreur. Cependant, aucune pénalité ne peut être imposée. Il s'agit d'une défense restreinte. Ce que vous avez lu équivaut, me semble-t-il, à une défense absolue. À titre d'exemple, le premier contact des ministres avec notre bureau se fait habituellement par téléphone et par l'entremise d'un membre du personnel. À moins de très graves circonstances, nous exigeons toujours que la question soit couchée par écrit puisque la réponse l'est, et nous tentons de traiter la demande en une journée. S'ils ne le font pas, il est parfois difficile d'apparier la question et la réponse.

La loi porte expressément que la réponse — l'opinion — ne constitue pas une défense lorsque tous les faits n'ont pas été divulgués. Voilà pourquoi j'éprouve à l'occasion des difficultés, particulièrement lorsque les ministres s'adressent à moi pour savoir si telle ou telle chose est acceptable. On se rend compte par la suite que la question porte en réalité sur une chose que le ministre en question a déjà faite. On a l'impression que, selon la rumeur, le sujet risque d'être abordé pendant la période de questions, et l'intéressé veut pouvoir brandir la lettre. La loi a pour but d'influencer la conduite, mais pas de la blanchir.

Le sénateur Stratton: On peut vous citer à ce propos?

M. Osborne: Non.

Le sénateur Joyal: Tenez-vous un registre quotidien? Si, en d'autres termes, un député téléphone à votre bureau, trouvera-t-on une entrée indiquant que M. Untel ou Mme Unetelle vous a téléphoné à 10 h 30 pour s'enquérir de ceci ou de cela?

M. Osborne: Oui, et la télécopie ou le message électronique subséquent sera consigné dans le dossier. Les dossiers de certains députés sont très épais. Certains des députés recourent abondamment à notre bureau. Ils tiennent à s'assurer que ce qu'ils font est juste et que tout est conforme.

Le sénateur Joyal: Une fois le mandat de l'intéressé terminé, les dossiers sont détruits?

M. Osborne: Oui, et il y a une disposition de la loi qui dit que les dossiers ne seront pas détruits avant l'expiration d'un délai de 10 ans, si je ne m'abuse. On conserve les documents pendant une période relativement longue.

La présidente: Pour quelle raison agit-on de la sorte?

M. Osborne: Dans la vie politique, il arrive, je suppose, qu'on ressuscite de vieux péchés. Je ne sais pas pourquoi on a abouti à ce chiffre en particulier. Est-ce bien 10 ans?

Le sénateur Joyal: Oui, on lit au paragraphe 22(1):

Le commissaire détruit tout dossier qui est en sa possession et qui concerne un député, un ancien député ou une personne qui fait partie du ménage de celui-ci, au cours de la période de 12 mois qui suit le dixième anniversaire de la constitution du dossier.

M. Osborne: Oui, c'est ce qu'il me semblait.

Le sénateur Joyal: Vous conservez donc les dossiers pendant une décennie.

M. Osborne: Oui.

La présidente: Je constate que, dans le code proposé, on les conserve pendant 12 mois, mais il est vrai que nous sommes peu susceptibles de revenir au Sénat après notre départ.

Le sénateur Grafstein: Je souhaite la bienvenue à M. Osborne au comité. Je tiens à faire mention d'un conflit d'intérêts. M. Osborne et moi avons un jour appartenu à la même équipe. J'ai été retranché, mais lui est demeuré en place et est devenu une vedette de l'Université Western Ontario. Je tiens à préciser aux fins du compte rendu que nous nous connaissons depuis longtemps et que, par conséquent, mes propos devraient être interprétés à la lumière de ce prisme.

Votre exposé a été éclairant. J'ai une préoccupation que j'ai présentée à nos collègues et que partageaient nos collègues de la Chambre des lords, c'est-à-dire que nos règles de déontologie devraient être transparentes, mais qu'elles ne devraient être que des règles.

La justification de la Chambre des lords, que j'accepte, c'est qu'il y a une séparation de pouvoirs; si une loi concerne la surveillance de la conduite, cette dernière pourrait faire l'objet d'un examen de la part de la magistrature et, par conséquent, empiéter sur cette séparation de pouvoirs. Avez-vous des commentaires à ce propos?

M. Osborne: Je pense que ces préoccupations sont fondées.

Certaines critiques ont laissé entendre que le recours à des règles avait pour effet d'empêcher les tribunaux de soumettre les décisions du commissaire à un examen judiciaire. Si, pour des raisons de politique ou autre, on pense que cela est souhaitable, on aurait intérêt à ne pas adopter de dispositions législatives.

Sur ce point, j'ai l'esprit ouvert. Je comprends d'où vous viennent vos préoccupations, et je connais le système anglais, qui est passablement différent de celui que nous avons ici, en ce qui a trait à la Chambre des lords tout autant qu'à la Chambre des communes.

Le sénateur Grafstein: Si, une fois de plus, on considère le régime bicaméral du Royaume-Uni, qui n'a rien à voir avec le régime ontarien — qui est unicaméral —, on constate une différenciation très délicate entre les rôles des ministres de la Couronne, des députés de la Chambre des communes et des lords. On établit une démarcation minutieuse pour préserver la séparation constitutionnelle des pouvoirs. Si je comprends bien votre témoignage, il n'y avait donc aucun mal à aller en ce sens, pourvu que nous indiquions aux citoyens que nous avons l'intérêt public à cœur et qu'on tienne compte, par exemple, de la procédure de nomination de la personne chargée d'appliquer la réglementation?

M. Osborne: Non, je n'y vois aucun inconvénient fondamental. Si, pour des motifs liés à la stratégie ou à la constitution, vous choisissez de vous engager dans cette voie, l'évolution de la procédure de nomination et la transparence totale des règles du jeu sont les éléments importants.

Le sénateur Grafstein: Permettez-moi de m'intéresser au rôle du commissaire à l'intégrité de l'Ontario. L'une des préoccupations que j'ai soulevées, et le sénateur Joyal en a dit un mot — et je le dis de façon très aimable — concerne le conflit d'intérêts implicite entre les tâches d'un commissaire chargé de l'intégrité et de la surveillance d'un code de déontologie qui a aussi pour tâche de fournir des conseils d'une façon qui fait beaucoup penser au rapport entre un avocat et son client, mais qui, en réalité, est différente. Le commissaire doit donc utiliser l'information qui lui a été fournie de façon «confidentielle» pour déterminer s'il y a eu contravention au Code criminel, par exemple. Il se voit donc en mesure d'obtenir de l'information à titre pseudo-confidentiel, puis contraint, s'il juge que la conduite est criminelle ou contrevient à une loi, d'en référer aux autorités. Cela vous préoccupe-t-il?

M. Osborne: Pas vraiment. L'information que nous recevons peut être regroupée dans deux catégories. Mis à part l'état de divulgation publique, les opinions demandées ne sont pas d'ordre confidentiel. Souvent, les députés les brandissent pour justifier ce qu'ils ont fait, ou les invoquent, comme je l'ai dit dans mes propos d'ouverture, pour éviter de faire des choses qu'ils ne souhaitent pas faire. Je ne reçois d'informations délicates qu'en cas d'allégations de conflit. On aborde le problème et, tout d'un coup, en soulevant une pierre, on découvre que le problème a plus de ramifications que ce qu'on pensait ou que la plupart des gens pensaient. Je n'ai jamais été mis dans une telle situation, mais, dans ce cas, on pourrait, si la Couronne s'en mêle, émettre des subpoena, comme vous l'avez indiqué plus tôt. J'imagine que seule la documentation afférente à l'objet de la plainte, le problème à l'origine du conflit, pourrait faire l'objet d'un subpoena.

Le sénateur Grafstein: Je n'ai pas encore approfondi la question, mais, en vous écoutant, je me suis posé la question suivante: la procédure n'empiétait-elle pas sur la règle de l'auto-incrimination? En d'autres termes, je suis député, je viens vous voir et je vous dis croire que tel ou tel comportement passé pose problème, mais je n'en suis pas certain. Les renseignements sont divulgués, et je ne suis pas d'accord avec vous sur la question de savoir si, à la lecture de la loi, il s'agit d'un conflit.

Vous vous retrouverez alors dans la position suivante: je suis venu vous trouver pour prendre conseil, et voilà que je peux être cité à comparaître en raison de ma conduite passée. Par conséquent, ma protection contre l'auto- incrimination risque de s'envoler en fumée.

M. Osborne: Ma solution à ce problème consiste à faire en sorte que l'article 28, celui qui concerne les opinions, exclue les actes passés: en effet, votre préoccupation est valable. Il est très rare que des événements passés fassent l'objet d'une enquête. La plupart d'entre elles portent sur des actes proposés pour l'avenir.

Cependant, on pourrait rencontrer ce problème si le député ou le ministre pose des questions au sujet d'événements qui se sont déjà produits. Dans ce cas, je suppose que je pourrais être cité à comparaître.

Le sénateur Grafstein: Oui, exactement. C'était ma prochaine question. Donc, vous seriez de toute évidence vous- même mêlé aux procédures judiciaires.

M. Osborne: À ce niveau, rien n'oblige les députés à me parler. Ils le font de leur propre chef.

Le sénateur Grafstein: Me permettez-vous de conclure sur ce point, madame la présidente? Si, une fois de plus, on suit le modèle de la Chambre des lords, que je juge attrayant, le registraire des intérêts peut émettre une opinion, verbalement ou par écrit et, dans les faits, cela devient une défense absolue relativement aux faits en question.

Une fois de plus, la loi qui vous régit entrouvre ici la porte.

M. Osborne: Oui, il s'agit d'une défense restreinte.

Le sénateur Grafstein: Le sénateur Joyal a soulevé la question de l'argument sur les conventions parlementaires qui figurent dans la loi, et cela m'a semblé très déroutant. Je le dis parce qu'une part des conventions parlementaires, ce qu'on appelle lex parliamentarius, a trait à l'immunité des députés. En soi, cette ingérence législative met à mal l'immunité parlementaire, au lieu de la protéger. Ce que je veux dire par là, c'est qu'on pourrait penser que l'immunité parlementaire du député cède le pas à une règle qui empiète sur son droit de voter sur une question particulière, sous réserve de la divulgation. Cette situation vous inquiète-t-elle?

M. Osborne: Non. Je considère que l'immunité parlementaire fait partie de la question plus large des conventions parlementaires, sans la contredire.

Le sénateur Grafstein: Sans contredire les conventions?

M. Osborne: Non.

Le sénateur Grafstein: Imaginons un instant le conflit direct entre les conventions, lequel a pour effet de réduire l'immunité parlementaire du député d'une façon ou de l'autre, et l'immunité. Cela vous inquiéterait-il?

M. Osborne: Je ne pense pas. Il faudrait que j'y réfléchisse sur le plan anecdotique, mais je ne pense pas qu'on pourrait en arriver là. Si l'immunité parlementaire du député se justifiait, il n'y aurait pas de violation des conventions parlementaires. L'immunité l'emporterait — ce n'est pas une façon très éloquente de l'exprimer — sur les conventions parlementaires au sens strict.

Le sénateur Grafstein: Je suis d'accord avec vous, et je suis ravi de constater que vous en êtes venu à la même conclusion.

La présidente: Peut-être est-il heureux qu'on n'utilise pas ce vocabulaire dans le code à l'étude.

Le sénateur Joyal: Voilà pourquoi, madame la présidente, la question est si difficile. Le dernier jugement que j'ai lu a été publié, il y a un mois, je crois, par la Cour d'appel de la Colombie-Britannique, dans l'affaire d'Ainsworth c. Paul Martin. Il portait sur le droit d'un député de ne pas assister à une procédure judiciaire 40 jours avant une séance. La Cour d'appel de l'Ontario a rendu un jugement analogue. Je n'ai pas le texte devant moi, et je vais donc citer de mémoire. On y indiquait de façon plutôt claire que l'immunité vient d'une loi ou d'une convention. Il est certain que l'immunité des parlementaires existe en lex parliamentaria par l'entremise de conventions. Si, en théorie, nous soumettons les conventions parlementaires à votre évaluation pour que vous déterminiez ce qui est acceptable ou inacceptable, nous finissons par mettre en cause la nature même de l'immunité parlementaire. Voilà pourquoi j'estime qu'il s'agit d'une question difficile sur le plan constitutionnel et qui, comme vous le savez, demeure en instance devant la cour canadienne. Nous sommes en attente d'une décision de la Cour suprême dans l'affaire Vaid. La définition de l'immunité parlementaire et de la séparation des pouvoirs demeure fluide, particulièrement lorsqu'elle est enchâssée dans une loi, comme c'est le cas dans la Loi sur l'intégrité des députés de l'Ontario.

Je sais que cela ne fait pas partie de notre code proposé, mais j'hésiterais pour ma part à intégrer ce principe à un code, étant donné la difficulté qu'il y aurait à prendre une décision à ce sujet pour inviter immédiatement les tribunaux à se pencher sur la question.

M. Osborne: Je pense qu'il y a lieu de s'inquiéter des deux côtés de l'équation. Qu'arrive-t-il si vous enchâssez le principe dans le code et si vous ne le faites pas? On a affaire à une série d'injonctions trop rigides. Dans le traitement de ces questions, l'un des avantages dont je bénéficie vient du fait que les députés ont pour moi un certain respect, étant donné que c'est à moi que revient le pouvoir, aux termes de la Loi portant réforme de la rétribution des députés, de fixer leurs salaires.

Le sénateur Grafstein: C'est un autre conflit d'intérêts.

M. Osborne: C'est plus qu'une convention parlementaire.

Le sénateur Joyal: Absolument.

Le sénateur Sparrow: Votre poste est-il à temps plein?

M. Osborne: Oui. Je suis autorisé à faire des choses qui ne m'empêchent pas de m'acquitter comme il se doit de mes responsabilités. Ce n'est pas un poste à temps plein comme on l'entend pour les postes de huit heures par jour. Je dois être présent ou accessible régulièrement parce que je n'exerce aucun contrôle sur la charge de travail. La corbeille d'arrivée est tout à fait indépendante de moi.

Le sénateur Sparrow: Votre salaire est-il rendu public?

M. Osborne: Oui.

Le sénateur Sparrow: Vous gagnez combien?

M. Osborne: 140 000 $.

Le sénateur Sparrow: Par année?

M. Osborne: Oui.

Le sénateur Sparrow: Comment ce montant de 665 000 $ que vous avez mentionné se ventile-t-il?

M. Osborne: Il y a mon salaire, celui de mon adjoint de direction principal et d'une femme qui agit comme réceptionniste qui se charge du travail de secrétariat. Nous sommes trois, et j'imagine que la main-d'œuvre compte pour environ 40 p. 100 du budget. Il y a aussi les dépenses habituelles comme le loyer et le téléphone, vous voyez le genre. Nous avons un budget pour des services d'aide juridique extérieurs que nous n'avons jamais utilisés depuis mon entrée en fonction. Cependant, voilà comment on aboutit à un montant de 665 000 $. Nous venons tout juste de nous établir dans de nouveaux locaux plus vastes parce que, l'automne dernier, le gouvernement m'a confié le pouvoir d'examiner les dépenses des ministres du Cabinet, des adjoints parlementaires, des chefs de l'opposition et de tous les membres de leur personnel. Nous recevons maintenant les demandes de remboursement et nous tentons de régler la circulation du papier.

Le sénateur Sparrow: Dans ce cas, cela va au-delà de la question d'intégrité?

M. Osborne: Il s'agit d'une question plutôt distincte. On ne cesse de me confier des fonctions additionnelles, et c'est l'une d'entre elles. Comme je l'ai dit, il y a aussi le volet qui porte sur l'enregistrement des lobbyistes, travail qui s'effectue dans les mêmes bureaux.

Le sénateur Sparrow: En réponse à une question d'un sénateur qui vous demandait si des mesures concrètes avaient été prises, vous avez répondu, je crois, qu'il y avait eu une affaire. Comment l'affaire en question s'est-elle réglée?

M. Osborne: J'en suis venu à la conclusion qu'il y avait eu une violation d'une convention parlementaire, mais j'ai recommandé que, dans les circonstances, aucune pénalité ne soit imposée.

Le sénateur Sparrow: Si votre poste n'existait pas, ces questions pourraient-elles être traitées, comme elles l'étaient autrefois, à l'intérieur de l'assemblée législative aux termes de la loi, de la Constitution et de la common law? Ne pourrait-on pas disposer ainsi de ces affaires?

M. Osborne: Je crois que oui, mais on ne les traiterait pas d'une façon que le public jugerait ouverte et impartiale.

Le sénateur Sparrow: Ce que vous nous dites, c'est que, en réalité, c'est la perception du public qui représente la principale préoccupation?

M. Osborne: En fait, les préoccupations ont trait à la perception du public et à l'efficience. Traiter les plaintes de conflit d'intérêts au sein d'un comité consultatif ou, pire encore, d'une assemblée législative ne constitue pas la solution efficiente. De plus, vous devriez décharger notre bureau de la fonction qui consiste à fournir des avis. Une telle fonction ne pouvait être reproduite dans un comité législatif.

Dans l'état actuel des choses, il n'y a nulle part ailleurs où s'adresser pour obtenir de tels conseils.

Le sénateur Sparrow: Il doit bien y avoir un juriste en poste à l'Assemblée législative.

M. Osborne: Je suppose que c'est à cette personne que les députés s'adressaient par le passé. Cependant, je pense qu'une telle organisation pose des problèmes qui ont amené les trois partis de l'Ontario à conclure qu'il y avait une meilleure solution. Ce n'est pas uniquement une question de perception du public, mais cette question y est pour beaucoup.

La présidente: S'il n'y a pas d'autres questions, je vais profiter de l'occasion pour vous remercier beaucoup d'avoir fait le voyage à Ottawa aujourd'hui. Nous vous en sommes très reconnaissants, et vous nous avez fourni des conseils précieux.

La séance est levée.


Haut de page