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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité du 
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 15 - Témoignages du 4 juin 2003


OTTAWA, le mercredi 4 juin 2003

Le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 12 h 09 pour étudier la proposition de modification de la Loi sur le Parlement du Canada (commissaire à l'éthique) et de certaines lois en conséquence et la proposition de modification du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes visant à mettre en œuvre le rapport Millilken-Oliver de 1997, déposés au Sénat le 23 octobre 2002.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, je constate que nous avons le quorum. La séance du Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement est ouverte. Je ne crois pas que nous devions siéger à huis clos aujourd'hui, car nous recevons des témoignages. Avec votre permission, nous allons lever le huis clos. Il s'agit d'une séance ordinaire, car nous avons des témoins qui comparaissent. L'avis a été diffusé avant que nous ne sachions que nous allions accueillir des témoins aujourd'hui.

Nous accueillons le greffier du Sénat, Paul Bélisle, que nous connaissons tous, et le légiste et conseiller parlementaire, Mark Audcent, que nous connaissons tous également et qui se passe de présentation.

[Français]

M. Paul Bélisle, greffier du Sénat: J'aimerais vous remercier de m'avoir invité afin de discuter le projet de règles de conduite sur lequel vous vous penchez présentement. J'ai examiné la transcription, en date du 28 mai, de ce projet. Je constate que vous vous interrogez sur les questions de procédure et de droit.

Ma présentation portera sur la question de procédure et M. Audcent vous adressera la parole sur celle de droit. Ensuite, on pourra répondre à vos questions.

Honorables sénateurs, après examen des travaux que vous avez réalisés jusqu'ici, vous vous êtes demandés si les règles de conduite devaient faire partie du corps des règlements ou si elles devaient figurer en annexe du Règlement du Sénat ou si elles devaient être mises en application comme politique distincte.

Je tiens à vous assurer que peu importe que les règles de conduite fassent partie du corps du Règlement du Sénat, qu'elles figurent en annexe ou qu'elles prennent la forme d'une résolution ou d'une politique indépendante, cela n'influerait pas sur leur statut à l'égard des privilèges.

Les privilèges du Sénat, comme la liberté d'expression et le pouvoir de contrôler ses délibérations, existent en dehors du Règlement du Sénat. Ces privilèges sont sanctionnés par l'article 18 de la Loi constitutionnelle de 1867 et sont visés par la loi en vertu des articles 4 et 5 de la Loi sur le Parlement du Canada.

Si le Sénat adoptait un code de déontologie sur sa façon de gérer ses affaires internes, il s'ensuivrait que le privilège couvrirait son application. Cela ne diffère pas de la politique de la présence de sénateurs au Sénat, qui est administrée comme politique autonome depuis 1990.

[Traduction]

Honorables sénateurs, lorsque j'ai examiné les incidences que pourrait avoir le fait d'insérer les règles de conduite dans le Règlement du Sénat, il m'a semblé qu'on ne ferait que mélanger des pommes et des oranges. Comme il est dit dans la 6e édition de Beauchesne, au commentaire 7, les Règles du Sénat ont pour rôle de régir les modalités des délibérations du Sénat, c'est-à-dire la façon dont les travaux se déroulent au Sénat même et dans les comités. Plus précisément, le commentaire 7 dit: «Pour la conduite de ses affaires, (le Sénat) s'est doté d'un ensemble de règles écrites...»

Les règles de conduite proposées ont un objectif fort différent. Elles doivent non pas régir les délibérations de la chambre et de ses comités, mais guider les actes et le comportement des sénateurs. Pareillement, si le Sénat suivait l'exemple de la Chambre des communes comme il est proposé dans la Loi sur le Parlement du Canada et adoptait son propre règlement ou, comme la Chambre les appelle, ses règlements internes, ceux-ci régiraient la conduite de son administration. Il s'agit de trois types distincts de gestion, et le comité devrait tenir compte de ces différences et éviter toute confusion inutile en les mélangeant.

Les règles de conduite proposées définissent clairement le pouvoir et le rôle du conseiller sénatorial en éthique, à qui il incombe d'appliquer les dispositions relatives aux conflits d'intérêts. Conformément à l'article 18 du Règlement, le Président est responsable de l'interprétation du Règlement du Sénat. Si les règles de conduite étaient ajoutées au Règlement, les sénateurs pourraient croire qu'il convient de faire appel directement au Président. Toutefois, je pense que cela contreviendrait à l'intention de la proposition, qui est de déléguer l'administration des règles de conduite au conseiller sénatorial en éthique. Je crois qu'il importe d'éviter tout conflit entre le rôle du Président du Sénat et celui du conseiller sénatorial en éthique. En choisissant de ne pas intégrer les règles de conduite au Règlement du Sénat, je crois que cela fera beaucoup pour éviter ces conflits.

En proposant cette approche, je ne préconise pas la subordination des droits du Sénat de gérer ses affaires. Au contraire, celui-ci prendrait la décision finale, comme c'est le cas actuellement. Permettez-moi de donner un exemple.

Aux termes du paragraphe 65(4) du Règlement:

Un sénateur n'a pas le droit de participer à un vote sur une question où il a un intérêt pécuniaire que ne partage pas le public. Son vote est alors annulé.

Si un sénateur a une raison de croire qu'un autre sénateur a voté, mais n'aurait pas dû le faire, il peut soulever la question après avoir donné avis. Le Sénat tranche, et le vote peut être accepté ou refusé. Dans le régime proposé, la même question pourrait être renvoyée au conseiller sénatorial en éthique, qui présenterait un rapport au comité responsable. Celui-ci présenterait à son tour un rapport au Sénat, qui prendrait une décision finale. Dans les deux scénarios, le Sénat reste maître de ses propres affaires.

En annexant les règles de conduite ou en adoptant une politique indépendante, le Sénat se donnerait une certaine marge de manœuvre quant à la forme et au contenu de ces règles. Il pourrait par exemple inclure des éléments comme des principes et des buts qui ne font pas généralement partie de règles de procédure. La Chambre des lords a notamment inclus une partie portant sur les buts dans son code de déontologie qui ne fait pas partie de son règlement, mais qui constitue une politique à part, adoptée par résolution. Il en résulterait un document qui pourrait être utilisé seul, comme outil didactique présentant un contexte ainsi que des règles.

Je recommande donc, honorables sénateurs, que vous n'intégriez pas les règles de conduite au Règlement du Sénat. Il serait préférable de les ajouter comme annexe au Règlement ou de les adopter comme politique à part. Quel que soit le cas, les privilèges du Sénat sont préservés, et l'autorité ultime du Sénat à l'égard de ses membres demeure intacte.

En préparant ma comparution aujourd'hui, j'ai profité de l'occasion pour revoir mes dossiers. Hier après-midi, je suis tombé sur un document qui montre comment les différents gouvernements de l'Union européenne ont abordé l'application de codes de déontologie chez eux. Il est peut-être un peu prématuré pour l'instant de tirer des conclusions définitives, mais je crois qu'une étude de ces régimes tendrait à confirmer ma recommandation.

Hier soir, j'ai consulté Internet et étudié quelques-uns de ces pays. Certains ne convenaient pas, à cause de la barrière linguistique — c'est-à-dire que les documents n'étaient ni en anglais, ni en français —, mais le Bundestag, en Allemagne a prévu une annexe à ses règles. Il aurait été intéressant, si j'avais eu un peu plus de temps, d'appeler les administrateurs pour savoir comment ils avaient fait ce choix et comment ils avaient assuré la mise en œuvre.

Si vous acceptez ma recommandation, honorables sénateurs, le comité devra peut-être étudier quelques questions de procédure afin d'éviter les dédoublements entre le Règlement du Sénat et les règles de conduite. Comme je l'ai déjà signalé, le paragraphe 65(4) du Règlement prévoit un mécanisme pour rejeter un vote si un intérêt pécuniaire est en cause. Les règles de conduite interdisent également aux sénateurs de voter lorsqu'ils ont un intérêt pécuniaire.

Selon moi, il n'y a pas contradiction entre les deux dispositions. En fait, le paragraphe 65(4) est une disposition correctrice, tandis que les règles de conduite permettent à la fois de prévenir et de rectifier après coup. Autrement dit, si les procédures prévues dans les règles de conduite ne fonctionnent pas de façon satisfaisante, il reste possible de corriger un problème en invoquant le Règlement du Sénat.

Vous voudrez peut-être revoir également l'article 94 du Règlement, qui porte sur l'intérêt pécuniaire et la divulgation dans le cas des sénateurs qui siègent à des comités.

Honorables sénateurs, voilà qui met fin à mes observations. Comme je l'ai annoncé tout à l'heure, je vais inviter M. Audcent à parler des questions de droit qui peuvent vous préoccuper. Nous pourrons ensuite répondre à vos questions.

La présidente: Avant de passer à M. Audcent, étant donné que nous savons que M. Bélisle doit nous quitter pour se rendre à une réunion à 12 h 30, les sénateurs qui auraient des questions à lui adresser pourraient peut-être les poser tout de suite.

Le sénateur Hubley: J'espère vous avoir laissé assez de temps pour réfléchir à cette question. Merci d'avoir accepté de comparaître, monsieur Bélisle.

Si nous faisons de notre code de déontologie une annexe au Règlement du Sénat, comme vous le proposez, quelle sera l'autorité du conseiller en éthique? Peut-il administrer à la fois le Règlement du Sénat et le code de déontologie?

M. Bélisle: Les dispositions se trouvent dans le texte de loi dont vous êtes saisis. Je pourrais faire une analogie avec la politique sur les présences. Le Sénat a décidé que cette politique serait appliquée par le greffier du Sénat. Dans le cas du code de déontologie, il serait appliqué par le conseiller en éthique. Tous deux auraient à répondre à un comité et, en dernier ressort, au Sénat.

Le sénateur Hubley: Je tenais à tirer ce point au clair.

Le sénateur Joyal: J'ai deux questions à poser. Dans votre exposé, vous avez parlé de trois possibilités: le Règlement, ainsi que nous le connaissons maintenant, une politique analogue à celle qui porte sur les présences, et les règlements internes. Vous avez expliqué les deux premières. Qu'en est-il de la troisième?

M. Bélisle: Les trois possibilités évoquées dans mon exposé étaient le Règlement proprement dit, une annexe au Règlement et un politique autonome. J'ai effectivement parlé de règlements internes. C'est une autre possibilité. Ces règlements sont pris en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada. Il a été demandé au Sénat et aux Communes de produire ce que nous appelons «règlements» au Sénat, et «règlements internes» à la Chambre. J'ai beaucoup discuté de la question avec notre conseiller juridique, de la façon dont ils pourraient être rédigés; une grande partie de ce qui figure dans les règles de conduite proposées pourrait s'intégrer aux règlements du Sénat.

Les règlements internes comprennent certaines dispositions qui portent sur la gestion du Sénat. On pourrait y retrouver des dispositions sur les conflits d'intérêts. Ce pourrait être là une quatrième possibilité.

Qu'il soit bien clair que les Communes ont leurs règlements internes, mais que le Sénat ne s'est jamais occupé de cette question.

Le sénateur Joyal: Nous n'avons pas de règlements internes, à proprement parler, au Sénat même si la Loi sur le Parlement du Canada nous donne le pouvoir d'en prendre?

M. Bélisle: La Loi sur le Parlement du Canada permet effectivement de produire des règlements, mais le Sénat ne s'est pas engagé dans cette voie.

Le sénateur Joyal: Sur le plan juridique, quelles seraient les différences entre adopter un règlement interne, une politique ou une disposition du Règlement? Vous avez souligné la difficulté d'adapter le Règlement actuel à la proposition parce qu'il y a un chevauchement des fonctions. Les mêmes problèmes se posent-ils dans les règlements internes? Pour commencer, essayons de distinguer le règlement interne du Règlement.

M. Bélisle: La portée des règlements dépendrait de l'effet que le Sénat veut leur donner. Si l'une de leurs dispositions dit que les règlements, comme le Sénat les appelle, sont des règles administratives internes prises exclusivement pour le Sénat, cela en limite la portée. M. Audcent aurait peut-être quelque chose à ajouter à ce propos. Je soutiens quant à moi que les sénateurs eux-mêmes peuvent limiter l'effet des règlements internes.

M. Mark Audcent, légiste et conseiller parlementaire, Sénat du Canada: L'article 8 du code proposé dit:

Le présent code n'a pas pour effet de limiter la compétence du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration du Sénat constitué par le Sénat en vertu de ses règles et du Bureau de régie interne de la Chambre des communes pour ce qui est de décider si les parlementaires utilisent convenablement les fonds, les biens, les services ou les locaux mis à leur disposition pour l'exercice de leurs fonctions.

En nous rappelant les différents modèles possibles, le greffier nous aide à comprendre que les divers documents ont des raisons d'être différentes. Par exemple, comme il l'a signalé, le Règlement du Sénat régit les délibérations du Sénat et des comités. Il relève de la compétence du Président. Le code de déontologie vise à réglementer la conduite des sénateurs, et il est proposé que son application soit surveillée par le mandataire du Sénat chargé de l'éthique.

Le but des règlements internes, que le Sénat appelle règlements, est de régir l'administration matérielle interne de la chambre. Ils relèvent du Comité permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration. Le code de déontologie ne précise pas quel comité le Sénat doit choisir. Ce pourrait être le Comité permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement ou un comité spécial, auquel cas le Comité de la régie interne serait chargé des règlements et un comité choisi par le Sénat s'occuperait du code de déontologie.

Le sénateur Joyal: L'approche des règlements internes et des règlements vaudrait davantage pour les fins administratives du fonctionnement du Sénat, alors que le Règlement porte strictement sur les délibérations du Sénat, les débats et leur déroulement? La politique ou l'annexe au Règlement serait un document à part, adopté par résolution, et porterait sur d'autres questions qui ne sont pas directement liées aux délibérations ou à l'administration du Sénat? Cette interprétation est-elle juste? Ai-je raison de schématiser de cette façon?

M. Audcent: Selon mon moi, oui, et selon le greffier également.

M. Bélisle: Il y a un point que je voulais signaler plus tôt. Il est vrai, comme M. Audcent l'a expliqué, que les règlements concernent l'administration du Sénat plutôt que la gouvernance des sénateurs ou les délibérations du Sénat, mais, par ailleurs, il pourrait y avoir des dispositions particulières. En élaborant les règlements internes sur la gestion et les conflits d'intérêts, il appartient au Sénat de limiter la portée des règlements internes. Il peut s'agir d'un document de portée strictement interne ou on peut faire en sorte que les tribunaux l'utilisent. Est-ce bien le cas, monsieur Audcent?

M. Audcent: Je ne crois pas qu'on souhaite que les tribunaux se saisissent du Règlement du Sénat. On ne veut certainement pas que le code de déontologie soit examiné par les tribunaux, et, si le Sénat adoptait jamais des règlements analogues aux règlements internes de la Chambre des communes, je crois comprendre qu'on ne voudrait pas que les tribunaux puissent se prononcer à leur égard. D'après moi, il s'agit de documents internes réservés à notre administration interne.

Le sénateur Joyal: S'ils étaient adoptés en vertu des articles 4 et 5 de la Loi sur le Parlement du Canada, quelqu'un pourrait toujours prétendre que, puisqu'ils ont été pris en vertu d'une loi, ils peuvent être examinés par les tribunaux. Un règlement pris en vertu d'une loi a la même nature que la loi dont il découle; les tribunaux ont toujours pris des décisions cohérentes à cet égard.

M. Audcent: Que je sache, on n'a jamais utilisé cet argument pour amener les tribunaux à se saisir du Règlement du Sénat.

Le sénateur Joyal: Non, mais je....

M. Audcent: Et il est adopté en vertu de cet article.

Le sénateur Joyal: Je suis d'accord. Nous n'avons essayé de connaître le point de vue des tribunaux. Il y a cependant quelques causes, actuellement, qui amèneront les tribunaux à se prononcer sur les privilèges. L'affaire Vaid est fort bien connue.

La question n'a pas été soulevée parle passé. Il s'agit de l'administration des questions personnelles. Si c'est dans le contexte d'un règlement administratif qui serait adopté en vertu de la Loi sur le Parlement du Canada, il pourrait y avoir révision judiciaire. La politique autonome offrirait probablement une meilleure protection aux privilèges du Sénat, pour que le Sénat échappe aux révisions judiciaires à l'égard des mesures disciplinaires imposées à ses membres.

M. Audcent: La question est délicate, sénateur. Il faut la gérer avec une extrême prudence. Je crois que tout le monde tient, comme vous, à préserver l'autonomie du Sénat, pour qu'il puisse se gérer lui-même. Il s'agit de trouver les mécanismes à adopter pour assurer ces résultats.

La présidente: Je commence à avoir l'impression que la meilleure formule est d'ajouter une annexe au Règlement. Depuis des années, on essaie au Sénat de faire adopter des règlements. Il surgit sans cesse des problèmes fort variés.

On dirait qu'il y a toujours des embûches, et on n'arrive jamais nulle part. Si nous essayons de prendre des règlements internes, même si la Loi constitutionnelle le permet, nous pourrions aussi bien être toujours en train d'essayer dans 25 ans d'ici.

Le sénateur Fraser: J'aborde la protection des privilèges sous un angle différent. J'étais en train de revoir l'article 10 du projet de code de déontologie. Il dit ceci:

Le présent code n'a pas pour effet de porter atteinte aux privilèges, immunités et pouvoirs prévus à l'article 4 de la Loi sur le Parlement du Canada, ni à ceux du président du Sénat ou de la Chambre des communes.

Il vaudrait peut-être mieux supprimer cet article et ne rien dire de la question en présumant que tout est protégé par le privilège au lieu de soulever la question. Voyez-vous ce que je veux dire?

J'adopte peut-être un point de vue complètement erroné sur le plan juridique, mais il me semble que, si on commence à dire que les privilèges ne sont pas touchés par telle disposition, on entrouvre la porte à ceux qui diront que tel ou tel autre document ne donne pas cette précision. Il vaudrait mieux ne rien dire, étant donné que notre hypothèse, qui repose sur de solides fondements constitutionnels veut que les privilèges s'appliquent sans restriction. Nous n'avons donc pas à le dire.

M. Bélisle: Je crois avoir dit cela.

Le sénateur Fraser: Je suis désolée.

M. Bélisle: J'ai dit que les privilèges n'étaient pas touchés.

Si le Sénat se donne un code de déontologie dans le cadre des modalités de ses propres affaires, il s'ensuit que les privilèges portent sur son application ainsi que vous le dites. On ne dit rien à cet égard, puisque c'est déjà prévu dans la loi, absolument. Lorsque le Sénat a adopté une politique sur les présences, en 1990, il n'a pas été question de privilèges, et la loi comprend des dispositions sur ces privilèges.

Le sénateur Fraser: Ferions-nous mieux de faire disparaître cette mention dans le code?

M. Bélisle: Oui. J'ai cru comprendre, à la lecture de la transcription, que la question avait été posée, et c'est pourquoi je l'ai abordée aujourd'hui.

Le sénateur Fraser: Je vous en suis reconnaissante, monsieur Bélisle. J'ai dit que c'était une question complémentaire, non un sujet de querelle.

M. Bélisle: Absolument pas. M. Audcent voudrait ajouter quelque chose.

M. Audcent: Un choix de politique s'offre ici à vous. Je vais donner un autre élément d'information pour éclairer votre choix. L'avant-projet de loi dispose que le conseiller sénatorial en éthique remplit ses devoirs et fonctions dans le cadre de l'institution du Sénat et qu'il possède les privilèges et immunités du Sénat et des sénateurs lorsqu'il agit de la sorte. Le projet de loi va donc dans le même sens. De nombreuses indications montrent que nous ne voulons pas qu'il y ait ingérence dans l'administration interne.

La présidente: Je signale que cela se trouve à l'article 10 du projet de code: «Le présent code n'a pas pour effet de porter atteinte aux privilèges, immunités et pouvoirs prévus...» La Chambre a supprimé l'article 10, le jugeant inutile.

Le sénateur Grafstein: J'ai une question d'ordre général, mais, tout d'abord, je voudrais poser une question plus précise.

Je crois comprendre que, à propos des trois catégories définies, soit le Règlement, une politique insérée en annexe et les règlements internes, le vrai problème tient au fait que nous ne pouvons élargir l'actuel code de conduite prévu par le Règlement, mais que cela présente certaines difficultés sur le plan de la formulation, vu les pouvoirs de la présidence. Nous essayons de créer un autre poste, dont le titulaire surveillerait ou régirait, si on veut, la conduite des sénateurs concernant les règles actuelles ou celles qui pourraient être annexées dans un document distinct.

Vous abordez cette question avec nous en raison des complications à l'égard du rôle du Président à la chambre plutôt que de la réglementation courante des questions de conflit d'intérêts. Est-ce bien cela, le problème? Je comprends que les différences se posent de l'autre côté. C'est tout à fait la même chose. C'est essentiellement une question de rédaction.

M. Bélisle: Aux termes de l'article 18 du Règlement, il est clair qu'il appartient au Président d'interpréter le Règlement du Sénat.

Le sénateur Grafstein: C'est une question de rédaction.

M. Bélisle: M. Audcent est le rédacteur.

M. Audcent: On suppose qu'il y a une ligne de démarcation fine où le texte reflète la réalité. Un grand nombre d'entre vous en conviendront.

Les sujets traités sont différents. Le Règlement a pour rôle de régir vos séances, alors que le code vise à régir votre conduite, ce qui n'a rien à voir avec le déroulement des séances de la chambre et des comités.

Le Règlement du Sénat contient fort peu de choses qui soient extrinsèques. Il y a des éléments sur l'administration financière, car il n'y avait aucun autre document où on pouvait en traiter. S'il y en avait un, ces dispositions s'y retrouveraient.

Ici, vous adoptez un code complet qui n'a rien à voir avec le déroulement des délibérations du Sénat et des comités. Les sujets semblent différents, et exigent donc des documents différents.

Le sénateur Grafstein: Essentiellement, c'est la façon d'aborder la question, puisque nous ne pouvons le faire dans le Règlement. Nous pourrions nous servir du Règlement, avec une certaine formulation, mais il serait plus simple, du point de vue de l'application et de la clarté, de placer ces dispositions ailleurs.

M. Bélisle: J'ai dit tout à l'heure qu'il serait très difficile, des points de vue de la forme, de l'objectif, des définitions, et cetera de se servir du Règlement. C'est pourquoi nous proposons que ces dispositions soient mises ailleurs.

Le sénateur Grafstein: C'est essentiellement un problème de rédaction et de clarté des intentions plutôt que d'impossibilité de recourir au Règlement ou à une politique. Je ne vois pas très bien comment se présente la situation pour ce qui est des règlements internes.

Toutefois, les règlements internes présentent des problèmes différents, à mon sens. Je vois clairement la possibilité d'utiliser le Règlement ou d'adopter une politique, qui figurerait en annexe au Règlement. Les règlements internes sont une question un plus difficile et complexe avec laquelle je ne vais pas ennuyer le comité.

Je voudrais prendre un peu de recul et considérer les usages actuels, qui comprennent des règles touchant les intérêts des sénateurs. M. Audcent et vous, vous vous occupez de la question depuis longtemps.

Donnez-nous une idée des usages actuels, aux termes du Règlement existant, en ce qui concerne la déclaration des intérêts ou des problèmes concernant les sénateurs, mais sans traiter de cas détaillés. Par exemple, dans quelle mesure, à titre de conseiller, intervenez-vous activement à cet égard? Quel est le niveau d'activité ou de correspondance? Je me suis entretenu avec plusieurs sénateurs. Ils me disent qu'ils ont eu une correspondance régulière avec quelqu'un. J'imagine qu'il s'agit de M. Bélisle ou de M. Audcent. Donnez-nous une idée des usages qui ont cours et du niveau actuel d'activité, à propos de ces questions.

M. Bélisle: Sénateur, pour qui est des intérêts pécuniaires, nous parlons ici du paragraphe 65(4) du Règlement et de son application.

L'article 94 du Règlement traite plus particulièrement de l'intérêt pécuniaire des sénateurs qui siègent aux comités. Cela ne présente pas un problème trop grave, car il faut que le membre du comité s'abstienne de siéger lorsque le comité aborde la question à l'égard de laquelle il a un intérêt, mais le Règlement n'exige pas que le sénateur démissionne du comité. Comme vous le savez, on utilise habituellement les dispositions sur le changement de composition des comités.

Le paragraphe 65(4) du Règlement prévoit un mécanisme permettant d'annuler un vote en raison d'un intérêt pécuniaire. Pour ma part, je n'ai aucune connaissance sur les intérêts pécuniaires des sénateurs. Je crois que M. Audcent s'est chargé de ces dispositions, à un moment donné, ou bien il a un registre.

M. Audcent: Le premier formulaire que le greffier reçoit est la déclaration d'aptitude lorsqu'un sénateur accède au Sénat ou renouvelle la déclaration.

À titre de conseiller des sénateurs pris individuellement, je reçois des communications des sénateurs régulièrement, me posant différentes questions sur les conflits d'intérêts, aux termes des lois. Parfois, les sénateurs veulent m'exposer leur situation directement. Parfois, ils me demandent par exemple de renseigner leur avocat ou leur comptable pour que cet autre spécialiste leur donne des conseils éclairés, puisque je peux leur proposer une analyse des dispositions pertinentes.

Au cours de la dernière législature, un comité sénatorial a décidé qu'il conviendrait que les sénateurs de ce comité aient la possibilité d'écrire au conseiller parlementaire et de divulguer leurs intérêts. J'ai donc ouvert un registre à l'intention de ce comité. Toute personne qui téléphonait, journaliste ou autre, pouvait lire les déclarations des sénateurs. La situation était un peu inconfortable, car je ne conseillais pas forcément les sénateurs au sujet des éléments divulgués; c'était une fonction de commis. Par conséquent, nous avons apporté des modifications au Règlement du Sénat, et l'article 94 comprend maintenant des dispositions supplémentaires permettant aux comités de recourir à un régime de divulgation lorsque cela convient pour une étude spéciale.

C'est toute l'information que je peux donner sur les divers aspects des contacts qui ont eu lieu avec le personnel.

La présidente: Monsieur Bélisle, merci d'avoir comparu. Avant que vous ne partiez, je dirai que, à ce qu'il me semble, nous sommes en train d'exclure la possibilité d'intégrer le code au Règlement du Sénat ou d'en faire un règlement interne, car cela deviendrait trop complexe. Parmi les deux possibilités que vous avez avancées, soit une annexe au Règlement, soit une politique à part, que recommanderiez-vous?

M. Bélisle: Les deux, sénateurs. Encore une fois, je me reporte à la seule autre politique à part qui a été adoptée, celle qui porte sur les présences. Il vous appartient d'examiner les conséquences et ce que vous voulez faire.

M. Audcent: Merci, madame la présidente. Bon après-midi, honorables sénateurs. Je prendrai 10 à 15 minutes pour vous présenter mon exposé préliminaire. J'ai été heureux de noter que le commissaire à l'intégrité de l'Ontario a pu venir témoigner hier. Un commissaire à l'éthique qui a l'expérience de l'administration de codes de ce genre est probablement mieux placé que moi pour vous conseiller sur l'interprétation d'un tel document et sur les problèmes que peut soulever son application. Toutefois, je suis enchanté d'être ici pour vous présenter le point de vue d'un juriste sur le projet de code que vous examinez.

Je vais commencer par le commencement. Si j'ai bien compris, la proposition actuelle consiste à faire adopter par le Sénat un code de déontologie s'appliquant exclusivement aux sénateurs au moyen d'une motion qui, une fois adoptée, deviendrait un ordre du Sénat. Ainsi, le code ne prendra pas la forme d'une loi nécessitant l'accord des trois éléments du Parlement. Il sera plutôt de la même nature que le Règlement du Sénat du Canada ou la politique relative à la présence des sénateurs, qui sont des décisions présentées sous forme d'ordres du Sénat. Ce sera le cas quel que soit le document officiel du Sénat dans lequel le code sera intégré.

Je note, dans votre rapport intérimaire, que vous êtes d'accord que le conseiller sénatorial en éthique doit avoir une expérience juridique. À mon avis, il serait important de donner suite à cette recommandation en inscrivant dans le code de déontologie une disposition imposant expressément que le conseiller vous donne des avis sur la façon de vous conformer non seulement code, mais aussi à la loi.

En agissant ainsi, vous mettrez fin à l'argument selon lequel le rôle du nouveau conseiller en éthique est limité à l'interprétation du code de déontologie. D'après cet argument, les sénateurs devraient, à l'égard d'une même activité envisagée, consulter le nouveau conseiller en éthique sur la conformité au code de déontologie et consulter le conseiller parlementaire sur la conformité à la loi. S'il faut adopter un nouvel ensemble de mesures concernant l'éthique, les sénateurs devraient pouvoir s'adresser à un «guichet unique» et compter sur des avis et des conseils cohérents.

Je vous recommande en outre d'envisager au moins d'intégrer dans le code de déontologie des règles reflétant les dispositions législatives qui continueront à vous régir. Ainsi, vous ne perdrez pas de vue les exigences relatives aux conflits d'intérêts que la loi vous impose et que le Parlement, on peut le supposer, considère comme étant les plus importantes. Ce sont certes les obligations auxquelles on ne peut pas manquer sans s'exposer aux conséquences les plus graves.

Le code de déontologie couvre déjà l'essentiel des interdictions prévues à l'article 16 de la Loi sur le Parlement du Canada et à l'article 119 du Code criminel. Toutefois, vous devriez envisager l'ajout de deux nouvelles dispositions qui reflètent les interdictions prévues aux alinéas 121(1)a) et c) du Code criminel.

Conformément à l'alinéa 121(1)a), l'interdiction disposerait qu'aucun sénateur ne peut accepter un avantage en contrepartie d'un acte ou d'une omission relatifs à une affaire avec le gouvernement du Canada ou à un avantage que Sa Majesté du droit du Canada peut accorder.

Conformément à l'alinéa 121(1)c), l'interdiction disposerait qu'aucun sénateur ne peut accepter un avantage d'une personne qui est en relation d'affaires avec le gouvernement du Canada, à moins d'y être légalement autorisé. Comme il incombera au conseiller en éthique d'interpréter le code de déontologie, il lui appartiendra de déterminer quelle autorisation légale sera nécessaire.

La raison pour laquelle il faut structurer ainsi les choses est que l'alinéa 121(1)c) du Code criminel interdit à un sénateur de recevoir un avantage d'une personne qui est en relation d'affaires avec le gouvernement, à moins que le sénateur n'ait le consentement écrit du chef de la division de gouvernement qui l'emploie ou dont il est fonctionnaire.

L'expression «chef de la division de gouvernement» n'est utilisée nulle part ailleurs dans les lois fédérales. D'après la définition de «responsable d'institution fédérale» donnée dans la Loi sur l'accès à l'information et la Loi sur la protection des renseignements personnels, la personne en cause serait le ministre. Même si, à ma connaissance, aucune disposition législative ne désigne expressément le Président comme «responsable» du Sénat, la Loi sur la gestion des finances publiques le désigne comme le ministre compétent à l'égard du Sénat. Dans le cas de la Chambre des communes, c'est le Bureau de régie interne qui remplit cette fonction.

Bref, il serait utile que les sénateurs disposent d'un mécanisme conçu et adopté par le Sénat pour leur permettre d'accéder au consentement écrit prévu dans le Code criminel d'une façon qui soit conforme aux exigences législatives sans empiéter indûment sur l'indépendance ou la vie privée des sénateurs.

Honorables sénateurs, on peut craindre, si ces interdictions générales aux conséquences criminelles ne sont pas intégrées d'une façon ou d'une autre dans le code de déontologie, que les sénateurs et le conseiller en éthique ne les perdent de vue.

Je vais maintenant laisser de côté la question de la concordance entre le code de déontologie envisagé et la loi pour me concentrer sur le code lui-même. Il me semble, honorables sénateurs, qu'un bon point de départ pour examiner le contenu du projet de code consiste simplement à passer en revue ce que fait un sénateur.

En fait, cela me fait penser qu'il serait utile de mener une étude pour déterminer la pleine gamme des activités de l'ensemble des sénateurs. Compte tenu de la multiplicité des intérêts et des talents qu'on trouve au Sénat, il est peu probable qu'il y en ait deux parmi vous qui fassent exactement les mêmes choses. Il est même possible que vous trouviez vous-même surprenante la pleine gamme des activités des sénateurs. Vous en trouverez un bon échantillon dans le nouveau livre du sénateur Joyal, Le Sénat que vous pensiez connaître. Peut-être le sénateur Joyal est-il en quête d'un nouveau projet de recherche.

De toute évidence, il est critique d'examiner ce que font les sénateurs pour élaborer et étudier tout code de déontologie. Si la conduite doit être réglementée, les règles doivent être pertinentes et bien s'appliquer à la conduite. D'après le projet de loi C-34, la conduite à réglementer, ce sont vos tâches et vos fonctions à titre de membres du Sénat.

Par conséquent, que font les sénateurs? La publication Le Sénat aujourd'hui présente un bref aperçu de leurs fonctions. Je cite:

[Français]

Il appartient à une démocratie moderne d'examiner à fond les lois et de les modifier, d'approfondir les grandes questions nationales et de défendre les intérêts des régions, des provinces et des minorités. Ces grandes fonctions d'une démocratie moderne sont aussi les tâches courantes du Sénat du Canada. Les sénateurs représentent, enquêtent, délibèrent et légifèrent. [...]

Si vous deviez suivre un sénateur au travail, il vous faudrait faire la navette, parfois à la course entre la salle du Sénat, les salles de comité et son bureau, et vous rendre régulièrement avec lui dans la région du Canada qu'il représente pendant qu'il s'acquitte de ses diverses fonctions. Le sénateur consacre une partie de la semaine aux débats du Sénat, mais c'est en comité qu'il accomplit l'essentiel de son travail. Beaucoup de sénateurs siègent à plusieurs comités et sous-comités. Ils passent de longues heures en réunion, sans compter la préparation nécessaire pour se familiariser avec les projets de loi et les modifier s'il y a lieu. Les réunions du caucus de leur parti et la rédaction de discours occupent aussi une partie de leurs journées déjà chargées.

Par leur travail en comité et leur expérience antérieure, beaucoup de sénateurs ont acquis des compétences reconnues dans certains domaines. Le public les identifie à ces domaines et se tourne vers eux pour obtenir de l'aide ou pour se faire entendre. Ainsi, les sénateurs passent une grande partie de leur temps à échanger avec des organisations et des particuliers et à promouvoir les causes qui leur tiennent particulièrement à coeur. [...]

Sur la scène internationale, les sénateurs contribuent à promouvoir l'image du Canada et à resserrer nos liens avec d'autres pays par le biais des associations parlementaires. Ils y rencontrent des parlementaires du monde entier pour discuter, notamment, de commerce, d'économie, de sécurité, de culture et de droits de la personne. Ils y puisent des connaissances précieuses dans leur travail de législateur.

Les sénateurs servent aussi d'ombudsman. Ils répondent aux gens qui cherchent de l'information sur les textes de loi ou qui ont besoin d'aide dans leurs rapports avec le gouvernement fédéral et l'appareil administratif de l'État.

[Traduction]

Sur un plan plus technique, d'après la Constitution, vous représentez votre région, votre province ou votre territoire. La Constitution pourrait également impliquer que chaque sénateur du Québec représente aussi l'une de 24 divisions électorales.

Vous noterez que votre convocation vous invite à faire partie du Sénat «dans le dessein d'obtenir votre avis et votre aide dans toutes les affaires importantes et ardues qui peuvent intéresser l'état et la défense du Canada». À cette fin, vous avez le droit et le devoir d'être présents, de prendre la parole et de voter, aussi bien en séance plénière du Sénat qu'en comité.

D'après la Constitution, vous êtes un élément essentiel du processus fédéral d'élaboration des lois. Aucun projet de loi ne peut être adopté sans votre consentement. Certains auteurs limitent par inadvertance votre rôle à cette fonction législative, mais vous avez en fait d'autres rôles importants touchant le financement de l'État, le contrôle de la responsabilité du gouvernement et l'élaboration de la politique publique.

Les fonctions de la Chambre et des comités forment l'essentiel de la tâche des sénateurs et sont parfois appelées «fonctions officielles». Parmi les autres fonctions officielles, il y a lieu de mentionner la nomination au Cabinet et l'exécution de missions à la demande d'un ministre. Dans la politique relative à la présence des sénateurs, ces fonctions sont si étroitement associées au Sénat que le temps passé à s'en acquitter fait partie du temps de présence mentionné dans les Journaux du Sénat.

De plus, les sénateurs ont des fonctions publiques. Selon la Loi sur le Parlement du Canada, une journée consacrée à des fonctions publiques est considérée comme une journée de présence si vous n'assistez pas à une séance, ce qui vous permet d'être rémunéré pour cette journée.

La plupart des sénateurs assistent toutes les semaines au caucus national ainsi qu'à d'autres caucus, qui ne sont qu'un exemple du travail que vous faites au sein de votre parti politique. Il n'y a pas de doute que certains sénateurs consacrent de longues heures de travail aux activités d'organisation interne de leur parti. Vous participez également à des réunions privées du parti, à des campagnes électorales et à des congrès.

À votre bureau, vous communiquez aussi bien avec le gouvernement qu'avec les Canadiens. Vous rédigez et présentez des interventions auprès du gouvernement sur toutes sortes de questions, ces interventions étant adressées directement à un ministre, à la bureaucratie ou à des organismes, conseils, commissions et tribunaux indépendants. Elles peuvent porter sur une question dont le Sénat est ou sera saisi, mais peuvent aussi concerner des affaires peu susceptibles d'être jamais présentées au Sénat.

Les sénateurs ont également des contacts avec les Canadiens, aussi bien en public qu'en privé. Chaque fois qu'un sénateur s'adresse à des Canadiens, en prenant la parole à un dîner ou en assistant à une rencontre publique, il ou elle s'acquitte d'une fonction officielle.

J'espère que cette énumération décrit d'une manière adéquate vos rôles et fonctions.

Et qu'en est-il de vos pouvoirs? Pour toute question dont le Sénat est saisi et qui nécessite son consentement, comme c'est le cas d'un projet de loi, vous avez collectivement des pouvoirs extrêmement importants. Comme chaque sénateur dispose d'une voix sur un total possible de 105 et comme les voix sont souvent conformes à la ligne du parti, chacun d'entre vous, individuellement, a de grands pouvoirs.

Il y a également la question de savoir quelle influence chaque sénateur a auprès du gouvernement. Je ne peux répondre à cette question, la réponse étant différente selon le sénateur, la question en cause et le moment.

Dans le discours qu'elle a prononcé au Sénat le 1er mai, madame le leader du gouvernement au Sénat a noté que, du point de vue du public, les sénateurs jouissent d'un niveau d'accès et d'une capacité d'exercer une influence discrète qui vont bien au-delà de ceux des simples citoyens.

Il est certes important, pour évaluer la portée des règles futures, de déterminer l'étendue réelle de votre influence possible et la nature des activités qui s'inscrivent ou ne s'inscrivent pas dans la sphère de cette influence.

Par ailleurs, il est également important, lors de l'élaboration de règles, de considérer l'étendue des pouvoirs que d'autres peuvent exercer sur vous. À la base de tout code sur les conflits d'intérêts ou de tout code de déontologie, il y a l'obligation d'user de vos pouvoirs publics exclusivement dans l'intérêt public. Tous les sénateurs savent qu'ils ne peuvent pas faire usage de leurs fonctions et de leurs pouvoirs pour obtenir des avantages personnels. Vous ne pouvez pas non plus donner l'impression que vous le faites, même si ce n'est pas le cas.

Il faut se souvenir qu'à l'origine, l'objet du présent article 14 de la Loi sur le Parlement du Canada était d'empêcher le gouvernement d'acheter les voix des parlementaires en leur offrant des contrats lucratifs. Les règles peuvent contribuer à vous protéger d'une influence indue et donner aux Canadiens la preuve de votre intégrité.

Honorables sénateurs, cet examen de vos rôles et pouvoirs avait pour but de déterminer l'objet d'un code de déontologie. Pour moi, les faits imposent que le public et les sénateurs eux-mêmes soient les destinataires de ce document.

Pour ce qui est du public, sa confiance dans le Parlement, le Sénat et les sénateurs est une valeur légitime que reflète déjà le paragraphe 141(5) du Règlement du Sénat, qui mentionne la nécessité «de protéger la dignité et la réputation du Sénat et de préserver la confiance du public envers le Parlement.»

Les sénateurs abordent la question de l'éthique de deux points de vue. Sur le plan individuel, certains trouveront réconfortant d'avoir des règles modernes et claires et de disposer d'un conseiller professionnel chargé de les interpréter, de les appliquer à des situations concrètes et de donner des réponses fermes et exécutoires.

Vous occupez une position particulière par rapport à vos collègues. Vous avez des liens entre vous et chacun accorde un grand intérêt à la conduite des autres car le public a tendance à attribuer à l'ensemble du Sénat ce qu'il pense d'un sénateur particulier. Pourtant, vous n'avez en pratique aucune influence sur le choix des personnes nommées au Sénat et qui deviendront donc vos collègues, aucune influence sur leurs qualifications constitutionnelles et sur la façon dont ils décideront de s'acquitter de leurs fonctions parlementaires.

Il est facile de comprendre, dans ces conditions, que si l'éthique de l'un de vos collègues est publiquement mise en doute, chaque sénateur sera grandement préoccupé et très mal à l'aise, tant pour le collègue en cause que pour soi- même. Dans ce contexte, l'adoption d'un code de déontologie relatif aux sénateurs serait un moyen d'en arriver à un consensus collectif sur les normes éthiques que vous êtes disposés à vous offrir les uns aux autres et que vous attendriez des autres en contrepartie, et de convenir de processus adéquats pour régler ces questions quand elles se posent.

Honorables sénateurs, à la fin des observations préliminaires que je vous ai présentées le 12 février, j'ai noté qu'il est extrêmement important que la loi soit bien conçue, à cause de la difficulté qu'il y a à la modifier, et que vous pourriez donc trouver un certain réconfort dans l'établissement d'un code de déontologie pour les sénateurs en sachant qu'il serait possible de le modifier pour l'adapter aux circonstances.

Pour assurer la souplesse nécessaire, on pourrait envisager une troisième amélioration du projet de code, qui consisterait en un mécanisme semblable à celui que l'on trouve dans les règlements de la Chambre des communes. Je veux parler des dispositions en vertu desquelles un député peut présenter une situation concrète au Bureau de régie interne, qui peut alors, si nécessaire, traiter le cas comme une exception aux règlements.

Il ne suffit pas que les règles fonctionnent sur le plan technique. Elles doivent aussi être utiles et équitables. Je crois que les sénateurs trouveraient rassurant de savoir que si l'application d'une règle particulière à une situation imprévue aboutissait sans nécessité à des résultats déraisonnables, le comité sénatorial aurait le pouvoir de ne pas appliquer la règle en cause.

Honorables sénateurs, je vous ai suggéré aujourd'hui trois nouvelles dispositions qui pourraient être ajoutées à un code. Le comité peut maintenant examiner la nouvelle version du projet de code de la Chambre des communes sur les conflits d'intérêts. J'ai également préparé une étude article par article du projet de code de déontologie des sénateurs, surtout dans une perspective de rédaction. Je la transmettrai au greffier du comité aussitôt que je disposerai du texte dans les deux langues officielles.

Honorables sénateurs, je vous remercie du temps que vous m'avez accordé. Je suis maintenant prêt à répondre à vos questions.

La présidente: Merci, monsieur Audcent. Vos observations m'ont rappelé que plusieurs sénateurs sont d'avis que, si le code devait constituer un document distinct, il serait bon d'y inclure un préambule exposant les différences entre la Chambre des communes et le Sénat, décrivant ce qu'est le Sénat, le rôle des sénateurs et nos mandats constitutionnels différents.

S'il y a des membres du comité qui sont d'accord avec moi, nous devrions peut-être charger des membres de notre personnel de rédiger un projet de préambule afin que nous ayons en main un document à étudier pour déterminer si nous voulons l'inclure dans le code.

Le sénateur Grafstein: Je voudrais d'abord vous remercier, monsieur Audcent, pour cet aperçu très complet. Je crois qu'il serait utile, madame la présidente — parce que j'essayais de réfléchir à une idée alors qu'il était déjà passé à une autre, tout aussi importante —, d'avoir un exemplaire imprimé de son texte et de lui demander peut-être de revenir. Nous n'avons pas le texte en main.

La présidente: Vous avez bien raison. J'en suis vraiment désolée.

Le sénateur Grafstein: Je crois que ce serait utile parce que l'information qu'il nous a présentée est importante, surtout quand il a parlé du Code criminel qu'il ne fallait pas perdre de vue — je ne vous cite pas hors contexte, car il était important de le dire — et de l'opportunité de reproduire les dispositions pertinentes dans notre code. Mes préférences pourraient être différentes, mais j'aimerais examiner ses arguments concernant les raisons pour lesquelles il conviendrait d'inscrire ces dispositions dans nos règles.

Il y a aussi beaucoup d'autres renseignements. Il serait donc utile de disposer du texte. Je sais que j'aurai des questions à poser une fois que je l'aurai examiné. Bien sûr, il faudrait alors faire revenir M. Audcent.

La présidente: J'ajouterai, à part ce que vous avez dit, sénateur Grafstein, que j'hésiterais beaucoup à inscrire dans nos règles des dispositions du Code criminel.

Le sénateur Grafstein: Je crois qu'il en a parlé dans une perspective différente. J'aimerais voir son texte avant de donner mon point de vue sur cette question.

Je vais donc reporter mes observations sur toutes les questions qu'il a soulevées et revenir à la situation actuelle, à laquelle je m'intéresse beaucoup. Je sais que les sénateurs ont à l'occasion consulté M. Audcent, comme il l'a mentionné, sur diverses questions relevant du Code criminel, sur notre Règlement et sur les différentes contraintes que nous avons déjà. Beaucoup de sénateurs ne savent pas que nous avons des règles très strictes, éparpillées à différents endroits, qui constituent en fait un code de déontologie, sauf qu'elles n'ont pas été réunies. Nous en avons déjà discuté.

Je voudrais vous demander, avant de passer aux questions de fond, de parler de la situation actuelle. Combien de temps passez-vous à donner des avis aux sénateurs, dans une sorte de relation avocat-client? Donnez-nous une idée de ce que vous faites à l'heure actuelle pour trouver toutes ces règles dans le Code criminel et les conventions du Sénat.

M. Audcent: Honorables sénateurs, dans le domaine des conflits d'intérêts, l'événement le plus important qui se produit actuellement pour les sénateurs est probablement le fait que, lorsqu'ils sont appelés au Sénat, ils rencontrent le greffier le jour de leur arrivée. Lorsque M. Bélisle est devenu greffier du Sénat, il a établi une procédure en vertu de laquelle je suis présent pour conseiller les nouveaux sénateurs sur l'importance à accorder aux conflits d'intérêts et pour leur dire qu'ils peuvent obtenir de l'aide s'ils en ont besoin.

Les nouveaux sénateurs sont invités à se soucier de la question, à se rendre compte de l'importance qu'il y a à respecter les règles et à réfléchir à leur propre situation pour déterminer de quel genre de conseils ils ont besoin. Cela dépend de la situation de chacun. J'ai affaire à des sénateurs qui posent des questions. Beaucoup d'entre eux posent des questions théoriques. Il arrive également qu'ils m'exposent des situations concrètes, à l'égard desquelles je leur présente un avis juridique. J'ai également affaire à d'autres professionnels qui conseillent les sénateurs, comme des avocats et des comptables en qui les sénateurs ont confiance. Les sénateurs peuvent leur demander de venir me voir pour se renseigner sur les règles applicables, les dangers qui existent et la jurisprudence. Ces professionnels peuvent ensuite conseiller les sénateurs.

C'est donc le rôle fondamental que je joue. Comme je l'ai dit, je garde également des documents que certaines personnes souhaitent déposer à mon bureau. Il ne s'agit pas là d'une fonction consultative. Dans ce cas, je ne fais qu'attester qu'un document a été reçu à une certaine date.

Vous m'avez demandé combien de temps je consacre à cette fonction. C'est très difficile à évaluer. Je n'ai jamais fait le calcul. Je peux cependant dire qu'il est très courant pour moi de recevoir des questions sur les conflits d'intérêts. Si je n'en ai pas une en main, je peux être raisonnablement certain que j'en recevrai bientôt. C'est une fonction permanente, même si elle n'occupe pas la majorité de mon temps. Ce n'est pas ma principale fonction, à titre de légiste du Sénat, mais elle est très régulière. Je peux difficilement être plus précis.

Le sénateur Grafstein: Pouvez-vous me donnez un pourcentage de votre temps?

M. Audcent: Peut-être entre 10 et 20 p. 100.

Le sénateur Grafstein: Vous avez encore une fois soulevé une question sans vraiment y répondre. Vous dites que vous acceptez la garde de documents que les sénateurs souhaitent déposer et que vous donnez des avis écrits fondés sur des situations concrètes.

Quel est le statut de ces avis?

M. Audcent: Sénateur, il s'agit d'avis juridiques soumis au secret professionnel. Le secret appartient aux clients. Par conséquent, ces avis ne sont à la disposition d'aucun autre sénateur qui souhaite s'en enquérir.

En ce qui concerne le statut d'un avis juridique, je trouve qu'il est toujours sage de se souvenir de la décision rendue par la Cour suprême du Canada dans l'affaire Wheeler. Dans ce cas, le pauvre monsieur qui avait été maire de Moncton avait demandé l'avis d'un avocat de la ville, qui lui avait affirmé que sa conduite était irréprochable. Il était ensuite allé demander conseil au procureur général de la province parce qu'il voulait être absolument certain que sa conduite était correcte. Le procureur général avait confirmé, lui aussi, que tout était parfait. Bien sûr, la Cour suprême n'a pas été du même avis: «Désolés, ont dit les juges, votre conduite était contraire à tel et tel l'article, et les opinions que vous avez reçues n'étaient rien d'autre que des avis juridiques.»

Par conséquent, les avis juridiques ne sont rien d'autre que des avis. Ils représentent le point de vue de professionnels éclairés sur ce que les tribunaux diraient probablement d'une situation donnée.

Le sénateur Grafstein: Je comprends. Il y a en effet une question de secret professionnel. Pour que cet avis soit utilisé sous une forme quelconque, il faut que le sénateur en cause y consente, s'il souhaite que le contenu soit divulgué ou utilisé à n'importe quelle fin autrement qu'à l'intérieur de la relation avocat-client. C'est bien le cas?

M. Audcent: C'est la prérogative du sénateur. Le secret professionnel est absolu.

Le sénateur Grafstein: Est-ce que cela s'applique également aux documents qui seront déposés à votre bureau? Des sénateurs m'ont dit, sans que je leur pose des questions, qu'ils avaient déposé chez vous de la correspondance ou des documents. J'aimerais savoir dans quelle mesure ces documents sont protégés, quel que soit l'objet de leur dépôt à votre bureau.

Permettez-moi de donner un exemple. Comme vous l'avez mentionné, pour être sénateur, il faut être propriétaire de biens immobiliers dans une province particulière. C'est là une exigence législative. Je suppose donc que le document correspondant, sauf s'il s'agit une déclaration sous serment, est public. Est-ce bien le cas? Je voudrais en fait savoir ce qui est public, ce qui est privé, ce qui se fait conformément à la loi et ce qui s'inscrit dans le cadre du secret professionnel de l'avocat.

M. Audcent: Pour reprendre votre exemple, oui, les sénateurs doivent être propriétaire de biens immobiliers dans la province qu'ils représentent. Pour le Sénat, la parole du sénateur suffit. Le sénateur remplit une déclaration établissant qu'il répond aux critères, qui est enregistrée au bureau du greffier du Sénat, M. Bélisle. Il est déjà arrivé que des sénateurs viennent me voir pour demander si leurs biens sont acceptables. Je leur envoie alors une note de service disant: «Selon les renseignements que vous m'avez transmis, oui, vous répondez aux critères.» Cette note est lue à la Chambre. On peut alors s'interroger sur les renseignements qui m'ont été transmis. Un autre sénateur pourrait me demander quels étaient ces renseignements. Autrement dit, sur la base de quelle information ai-je déclaré que le sénateur répond aux critères?

Ma réponse à l'autre sénateur serait la suivante: «Je ne peux pas en parler. Secret professionnel.»

Le sénateur Grafstein: Je comprends. Est-ce que les documents dont vous avez parlé, qui sont déposés par les sénateurs pour une raison quelconque, sont également couverts par le secret professionnel? Ou bien sont-ils essentiellement destinés au greffier, par exemple, ou à une autre fin?

M. Audcent: Cela dépend de ce qui a été entendu. C'est à peu près la même chose que lorsqu'un sénateur demande un avis. Je crois qu'il est alors prudent de ma part de demander: «Voulez-vous cet avis pour vous-même ou bien pour votre comité?» Selon la réponse, je sais alors ce qu'il convient de dire si d'autres me posent des questions.

Il y a par exemple un comité qui a dit expressément que les sénateurs peuvent déposer des documents à mon bureau pour que le public y ait accès. De toute évidence, dans ce cas, les documents me sont transmis pour que je les mette à la disposition de ceux qui veulent les consulter.

Toutefois, je considère d'une façon générale que mon bureau est l'équivalent d'un cabinet d'avocat. Si le sénateur m'envoie des documents à garder, ces documents appartiennent au sénateur et ne sont à la disposition de personne d'autre.

Le sénateur Grafstein: Il est important pour nous de comprendre les rôles actuels avant de passer à un nouveau régime. Je pose toutes ces questions pour que les choses soient claires aussi bien pour moi que pour les autres.

En conclusion, je suppose qu'on ne pourrait pas, compte tenu de votre rôle actuel, vous imposer de témoigner contre un sénateur, sauf s'il y consent. En d'autres termes, seul le sénateur peut renoncer au secret professionnel.

La présidente: Monsieur Audcent, j'avais oublié que le Sénat siège aujourd'hui à 13 h 30. Je vous prie de répondre rapidement.

M. Audcent: Je suis dans la même situation que n'importe quel autre avocat pour ce qui est de ma contraignabilité comme témoin. Je suis avocat en exercice et membre du Barreau de l'Alberta.

La présidente: Je vous remercie. Mes excuses, sénateur Grafstein.

Le sénateur Andreychuk: Je vais être brève. Nous parlions d'un préambule. Par principe, je suis contre les préambules qui abordent certaines questions et en ignorent d'autres, ou qui introduisent des nuances pouvant modifier le contexte et la compréhension qu'on en a. Je n'aime pas beaucoup les préambules, surtout dans les lois. Je crois qu'ils ne sont qu'un moyen d'éluder certaines questions.

Si vous souhaitez aller de l'avant, j'aimerais voir quel texte il serait possible de produire. Je tiens à dire cependant que je m'opposerai énergiquement à ce que le préambule parle des différences avec la Chambre des communes.

La présidente: Il faudrait que le texte soit positif.

Le sénateur Andreychuk: Si cela était envisagé, je dirais non, car notre rôle n'est pas seulement de nous distinguer de la Chambre des communes. Je ne crois même pas que ce serait un bon moyen de sensibilisation. L'intention se perdrait rapidement et le texte nous ferait plus de mal que de bien à long terme.

Le sénateur Fraser: Je suis parfaitement d'accord avec le sénateur Andreychuk. Plus j'y pense, plus je crois que ce serait dangereux. Si vous voulez vous y frotter, je ne m'y opposerai pas, mais je tiens à ce qu'il soit très clair que j'hésite beaucoup à suivre cette voie.

Le sénateur Di Nino: J'espère que MM. Bélisle et Audcent reviendront dans quelque temps. J'ai des questions à leur poser qui prendront plus de temps que les quelques minutes qui nous restent. Je vais donc passer mon tour.

La présidente: Je ne suis pas sûre que nous aurons la possibilité de les rappeler parce que le temps passe vite.

Le sénateur Joyal: Je serai bref. Vous avez mentionné que vous déposerez aujourd'hui un document contenant vos observations sur le projet de code. En d'autres termes, il s'agira d'un exemplaire annoté du code. Est-ce bien cela?

M. Audcent: Honorables sénateurs, comme je l'ai dit, j'ai préparé une étude article par article du projet de code de déontologie. Vous n'y trouverez pas de notes explicatives décrivant l'objet de chaque disposition. L'étude porte plus particulièrement sur l'aspect de la rédaction: est-ce que tel ou tel mot est vraiment nécessaire? Ce concept est-il exact? Le principe de telle disposition concorde-t-il avec celui de telle autre? J'ai examiné le code d'un point de vue technique pour m'assurer de sa cohérence. Le document pose certaines questions auxquelles le comité et son personnel devront répondre.

Le sénateur Joyal: Nous voudrons certainement le lire. Nous voudrons peut-être aussi poser à M. Audcent des questions à son sujet.

Ma seconde question porte sur la relation avocat-client que vous avez actuellement avec les sénateurs. À votre avis, d'après le projet de code de déontologie, le conseiller en éthique aura-t-il avec les sénateurs les mêmes rapports que vous-même?

M. Audcent: Je crois comprendre, honorables sénateurs, que le projet de loi ne contient aucune restriction quant à la personne qu'on peut choisir. Le code, lui, ne mentionne pas du tout la nomination. Enfin, votre rapport dit que, pour le moment, vous voulez une personne ayant une expérience juridique. Il pourrait s'agir d'un membre du Barreau ou encore d'un juge à la retraite, puisque l'expérience juridique n'implique pas d'être membre actif du Barreau. Par conséquent, la question de savoir si le secret professionnel de l'avocat sera maintenu dépendra du choix du nouveau conseiller, de ce qui aura été entendu et des arrangements qui seront pris.

Je dois noter, au sujet du secret professionnel de l'avocat, que ce ne sont pas tous les conseillers législatifs qui adoptent la même attitude que moi lorsqu'ils donnent des avis et des conseils. Certaines assemblées législatives croient que le rôle du conseiller législatif est prédominant et que les avis sont donnés à titre confidentiel.

Ce n'est pas mon point de vue. Dans mes rapports avec les sénateurs, j'ai clairement établi qu'à moins d'instructions contraires, ces rapports sont couverts par le secret professionnel de l'avocat. Je m'attends donc à ce que cela soit respecté.

Le sénateur Joyal: Je crois que ce point est très important, madame la présidente. Nous ne devrions pas l'oublier lorsque nous examinerons cette proposition. C'est dans ce contexte que je mentionne le paragraphe 27(1) du projet de code, qui est ainsi libellé:

Sur demande écrite d'un parlementaire, le commissaire peut remettre un avis, éventuellement assorti de recommandations, sur toute question concernant les obligations de celui-ci au titre du présent code.

Il y a ensuite des dispositions ayant pour titre «Confidentialité» et «Nouvelles demandes». Ma question porte sur la disposition intitulée «Nouvelles demandes», qui est au paragraphe 27(3) et qui est ainsi libellée:

Le commissaire est lié par son avis dans toute nouvelle demande portant sur l'objet de celui-ci, pourvu que tous les faits pertinents dont le parlementaire avait connaissance lui aient été communiqués.

Ma question a trait au code de déontologie de la Chambre des lords dont l'article 18 dit en substance que si un membre agit conformément aux conseils du registraire dans la détermination d'un intérêt, il est réputé avoir pleinement satisfait aux exigences du code.

J'ai l'impression que le paragraphe 27(3) de notre projet de code inverse la situation: c'est le conseiller en éthique qui est protégé et non le sénateur. Je crois qu'il faudrait plutôt protéger le sénateur, comme le fait le code de déontologie de la Chambre des lords.

Nous devrions être protégés si, en toute bonne foi, nous allons voir le conseiller en éthique et, nous basant sur la relation avocat-client, nous lui divulguons tout. Une fois que le conseiller nous a donné son avis, nous devons être réputés avoir pleinement satisfait aux exigences du code. Dans ce texte, c'est l'inverse. Le conseiller en éthique est protégé tandis que nous nous exposons à toutes sortes d'enquêtes et de questions tendant à déterminer si nous nous sommes conformés au code. Je crois donc qu'il est important de réviser cette disposition, qui devrait se baser sur la relation avocat-client dont nous venons de parler.

M. Audcent: Honorable sénateur, je crois que les deux dispositions ont le même objet, même si elles ne sont pas libellées de la même façon. Toutefois, vous avez raison, l'objectif est de protéger le sénateur.

Le sénateur Hubley: Ce sera très bref. Je veux bien sûr parler d'une introduction ou d'un préambule au code. J'ai déjà expliqué au cours d'une séance précédente qu'à cause du caractère unique du Sénat, je crois qu'il est important de prévoir ce préambule. Nous pouvons en outre y donner des indications sur la façon dont nous souhaitons que le code soit interprété.

Le sénateur Cordy: Je suis également en faveur d'un préambule. Bien sûr, je voudrais le voir avant de l'approuver, mais il aurait surtout pour objet de souligner le caractère particulier du Sénat et de mentionner que le code de déontologie découle des délibérations du Sénat.

Vous avez proposé que les dispositions législatives soient intégrées dans le code de déontologie pour éviter qu'on ne les perde de vue. Craignez-vous des oublis de la part du conseiller en éthique, du sénateur ou des deux?

M. Audcent: Je voudrais surtout que le comité réfléchisse à la façon de veiller à ce que les interdictions prévues dans le Code criminel — qui seront maintenues — demeurent toujours présentes à l'esprit des sénateurs, pour éviter qu'ils n'aient des ennuis.

J'ai donc suggéré qu'elles soient intégrées dans le code de déontologie. Vous pouvez décider de les imprimer en annexe au code, sans considérer qu'elles en font partie. Quel est mon but? Ces interdictions existent. Elles vous sont imposées et constituent un danger. Je voudrais donc qu'elles se trouvent à un endroit où vous pouvez les lire.

La présidente: Elles pourraient être placées dans le préambule.

Le sénateur Cordy: Ne suffirait-il pas de dire que les sénateurs doivent se conformer aux dispositions du Code criminel plutôt que de les intégrer dans le code de déontologie? Je pense en fait à notre idée de départ. Si le code de déontologie fait partie du Règlement du Sénat, nous pouvons facilement le modifier. Toutefois, si nous commençons à y intégrer des dispositions législatives, cela devient déjà un peu plus difficile.

M. Audcent: Sénateur, vous savez que vous êtes tous régis par le Code criminel. Si vous vous limitez à le mentionner, je ne sais pas si vous serez tous certains de bien comprendre ces interdictions, de pouvoir y réfléchir et de vous comporter en conséquence demain soir, par exemple, si un problème se posait. Je ne dis pas que le Sénat doit nécessairement les adopter. Je voudrais seulement que ces interdictions figurent dans le code de déontologie pour que les sénateurs ne les oublient pas. Elles sont aussi importantes, en fait plus importantes parce qu'elles peuvent entraîner des conséquences désastreuses.

Le sénateur Rompkey: Avant de nous prononcer pour ou contre un préambule, nous devrions en examiner le contenu et tenir une autre discussion sur ses effets possibles. Il faudrait commencer par examiner un texte, puis en discuter à nouveau.

La présidente: Dans ce cas, je devrais demander aux membres du personnel de nous préparer un document, peut-être avec l'aide de M. Audcent.

M. Audcent: Je serais enchanté de participer à ce travail. Je tiens à souligner, parce que vous en avez déjà discuté, qu'un préambule a un objet. C'est un exposé des faits sur lesquels la suite se fonde. Il ne s'agit pas tout simplement d'énoncer quelques principes abstraits. Un vrai préambule présente les éléments de base du texte qui suit.

La présidente: Merci beaucoup, sénateurs. Lundi, nous nous retrouverons à 16 heures pour accueillir lord Williams et M. Keith, de la Chambre des lords du Royaume-Uni. Je crois que le Sénat doit siéger à 18 heures, mais j'aimerais inviter lord Williams et M. Keith à dîner. Tous les membres du comité qui le souhaitent sont invités à se joindre à nous.

Je voudrais simplement demander aux membres du comité qui souhaitent venir de prévoir les jumelages nécessaires afin d'éviter des ennuis quelconques au Sénat, et d'en prévenir mon bureau.

La séance est levée.


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