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RPRD - Comité permanent

Règlement, procédure et droits du Parlement

 

Délibérations du Comité du 
Règlement, de la procédure et des droits du Parlement

Fascicule 16 - Témoignages du 9 juin 2003


OTTAWA, le lundi 9 juin 2003

Le Comité sénatorial permanent du Règlement, de la procédure et des droits du Parlement se réunit aujourd'hui à 16 h 03 pour examiner les propositions consistant à modifier la Loi sur le Parlement du Canada (commissaire à l'éthique) ainsi que d'autres lois pertinentes, et pour étudier les propositions de modification du Règlement du Sénat et du Règlement de la Chambre des communes visant à mettre en oeuvre le rapport Milliken-Oliver de 1997, déposées au Sénat le 23 octobre 2002.

Le sénateur Lorna Milne (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, je constate qu'il y a quorum. Nous avons le plaisir d'accueillir parmi nous aujourd'hui Lord Williams of Mostyn. L'accompagnent M. Chris Jacobs, secrétaire principal privé du lord du Sceau privé et leader de la Chambre des lords, ainsi que M. Brendan Keith, greffier principal, Justice, et registraire des intérêts des lords à la Chambre des lords.

Lord Williams, je vous cède la parole.

Lord Williams of Mostyn, c.r., lord du Sceau privé et leader de la Chambre des lords: Honorables sénateurs, il est temps que tous les parlementaires de nos deux systèmes adoptent un code de déontologie clair, simple, transparent et qui fasse partie intégrante d'une culture d'ouverture.

Il est très intéressant de constater que cette préoccupation d'actualité dépasse les frontières du Canada et du Royaume-Uni. J'étais récemment avec le Président Hays, à Buenos Aires, à l'occasion de l'arrivée au pouvoir de leur nouveau président. Nous avons échangé quelques idées au sujet des codes de déontologie. J'ai trouvé remarquable et réconfortant que l'Argentine, malgré une longue histoire de corruption institutionnalisée, manifeste un intérêt extraordinaire, avec son nouveau président, pour des idées que nous avons promues ensemble. Des représentants d'autres États m'ont demandé de leur envoyer un exemplaire de notre code de déontologie. Étant donné que je pense que le seul but de l'existence humaine est de semer la discorde et le trouble autant que faire se peut, j'ai envoyé ce code à un très grand nombre de collègues dans différents pays. J'espère que cela portera fruit.

Comme j'occupe un poste de ministre au sein du gouvernement actuel — même si j'ai entendu dire qu'il allait y avoir un remaniement cette semaine —, je dois adhérer à un code de déontologie ministériel, mais ce n'est pas de cela dont je suis venu vous entretenir aujourd'hui.

Il y a un peu plus d'un an, nous avons adopté notre propre code. J'ai d'ailleurs créé et présidé un groupe de travail sur un code de pratique. Ce groupe était constitué d'environ une demi-douzaine de représentants de tous les partis et d'indépendants. Nous avons travaillé pendant plusieurs mois à l'élaboration d'un code.

J'ai essayé de produire quelque chose de totalement axé sur la transparence car il faut tout faire pour dissiper le moindre doute ou la moindre question qui pourrait surgir. Cela a provoqué tout un émoi car il fallait que ce document soit débattu et approuvé par l'ensemble des membres la Chambre. Au bout du compte, il n'a été adopté que par une avance de trois voix, soit une très faible marge.

Nous nous étions entendus pour qu'il entre en vigueur en mars 2002 et soit revu un an et demi après environ. Je dois dire qu'il s'est avéré extrêmement utile. Je n'ai entendu aucune critique à son sujet. J'imagine que nous le conserverons dans sa forme actuelle quelque temps encore.

Nous avons essayé d'instaurer certains principes éthiques, comme l'altruisme, l'intégrité, l'objectivité, l'obligation de rendre compte, la transparence, l'honnêteté et le leadership. Ceci est très banal, me direz-vous, mais c'est ainsi que sont toutes les déclarations de principe. N'importe quelle déclaration sur les droits de la personne, par exemple, ne dit que des banalités et pourtant, elle est un bon point de départ.

Suite à cela, nous avons décidé pour la première fois qu'il fallait déclarer les intérêts, c'est-à-dire les intérêts financiers pertinents ou susceptibles de l'être.

L'une des questions ayant particulièrement soulevé la controverse avait à voir avec l'alinéa 13c), qui stipule que les intérêts financiers pertinents peuvent inclure non seulement les intérêts financiers personnels, mais aussi ceux du conjoint, d'un parent ou d'un ami. Tout ceci a généré beaucoup de discussions, mais je pense que cela a bien fonctionné. Maintenant, pratiquement tout le monde déclare ses intérêts. Brendan Keith, le registraire, vous dira peut- être que nous sommes parfois excessivement consciencieux, au point d'en être fatigants, comme un de mes collègues qui avait déclaré un morceau de pierre qu'il avait reçu de Blackpool. Il avait même indiqué sa valeur: 20 pence, et ajouté entre guillemets «malheureusement brisé». Déclarer un article d'une aussi faible valeur, c'est être exagérément scrupuleux, vous en conviendrez.

Brendan Keith est le registraire. Nous avons stipulé, et je pense que nous en avons discuté brièvement la dernière fois, qu'en cas d'ambiguïté ou de doute, un député doit demander conseil à Brendan Keith. M. Keith donne toujours des conseils très avisés et il ne commet jamais d'erreur. Mais s'il venait à se tromper, mes collègues pourraient fort bien se défendre en disant: «J'ai consulté le registraire, je lui ai demandé conseil, et il m'a dit que je n'avais pas besoin de déclarer ceci». On ne pourrait trouver meilleure réponse pour couper court à toute critique.

Cela a extrêmement bien fonctionné. À certains égards, c'est un système plus transparent qu'à la Chambre des communes. J'espère qu'il est parmi les systèmes les plus ouverts au monde car, comme je l'ai dit au début, il vaut mieux être trop transparent que pas assez. C'est au moins ce que je pense à la lumière de mon expérience. Beaucoup du mépris dont sont la cible les politiciens est alimenté par de la suspicion souvent non fondée. Dans notre cas, il me semble que si nous voulons avoir l'avantage et le grand privilège de servir le public, nous devons faire preuve de la plus grande transparence. Et si nous n'avons rien à cacher, prouvons-le.

Le sénateur Stratton: Je vous remercie beaucoup d'être venu de si loin. Vous avez dit quelque chose qui pique ma curiosité. Vous avez parlé de «parent» ou d'«ami». Dans notre système actuel, les personnes à charge sont les enfants de moins de 18 ans. Que signifie «parent» ou «ami»? Cela englobe tout, par définition.

M. Williams: Je crois que oui. C'est l'un des points particuliers qu'ont soulevé mes collègues. Je ne sais pas si je vous l'ai déjà dit, mais grâce à Dieu je ne vois ma famille qu'une fois l'an, à l'occasion des fêtes de fin d'année. Il se pourrait très bien qu'on s'intéresse davantage aux intérêts de mes amis, éventuellement. Par exemple, si un ami intime avait des intérêts dans la compagnie British Petroleum et que nous parlions d'une concession pétrolière ou autre chose du genre, je devrais le déclarer car cela pourrait davantage influencer ou être perçu comme pouvant influencer mon vote ou mes agissements que les intérêts d'un parent, par exemple. Au bout du compte, les gens se sont laissés convaincre. Il faut être sensible à ces questions et demeurer équilibré, c'est d'ailleurs ce qui ressort de notre code. Si vous connaissez les intérêts de vos amis et s'ils sont potentiellement pertinents, vous devez les déclarer. Si vous n'en savez rien, ils ne peuvent être pertinents puisqu'ils n'ont aucune influence sur vous.

Le sénateur Stratton: Est-ce dans vos règlements?

M. Williams: Oui.

Le sénateur Andreychuk: J'aimerais faire une remarque supplémentaire. Si vous déclarez quelque chose au sujet d'un ami, il est évident que le débat ne s'arrêtera pas là. La presse va s'en mêler et peut-être même l'opposition, et cetera. Vous dites que votre code repose sur la transparence. Est-ce que cela permet de mettre un terme à toute polémique? Considérez-vous que ce soit suffisant?

Au Canada, soit dit en passant, nous ne nous préoccupons pas uniquement de la transparence. Le public est attaché à certains principes et il s'attend à ce que les parlementaires les respectent. Parfois, cela ne correspond pas à ce que les députés pensent qu'ils devraient déclarer ou dire. Comment composez-vous avec cette perception? Vous pouvez faire preuve de transparence et déclarer ce que le code exige, mais le public peut avoir des attentes différentes de celles prévues dans votre code.

M. Williams: Je pense que vous avez raison. Avant d'en venir à la question de principe, j'aimerais parler de l'aspect logistique. Toutes les semaines, le registraire met à jour le registre sur Internet, si bien qu'absolument tout le monde y a accès. Pourtant, curieusement, les gens ne s'y intéressent pas le moins du monde. Je ne sais pas si votre expérience est semblable à la mienne, mais je trouve que la meilleure façon de cacher des documents compromettants est de les déposer à la Bibliothèque de la Chambre des lords; vous pouvez être sûrs que personne n'ira les consulter.

Nous n'avions pas cette culture du cynisme à l'égard de la Chambre des lords. Celle qui est normalement la cible des critiques, c'est la Chambre des communes. C'est là que tout se passe. N'importe quel journaliste d'enquête peut aller y mettre son nez. Nous n'avons pas connu de difficultés particulières, même si je reconnais que nous n'utilisons ce modèle que depuis à peine plus d'une année, soit environ 15 mois. Je crois que sur 700 personnes, seules deux ont fait des déclarations erronées.

Le sénateur Andreychuk: Dans le même ordre d'idées, j'ajouterai que beaucoup de Canadiens ne souhaitent pas que leurs sénateurs soient engagés dans certaines activités professionnelles ou oeuvres de bienfaisance. Est-ce aussi le cas en Grande-Bretagne?

M. Williams: Non. Nous sommes tenus de déclarer les mandats de fiduciaires. Par exemple, compte tenu du poste que j'occupe, je suis fiduciaire de la résidence du gouverneur. Je le déclare. Je suis également président honoraire de l'Université de Wales. Je le déclare aussi. Personne ne m'a dit de me retirer, en partie parce que j'ai obtenu la permission par écrit du secrétaire du Cabinet de poursuivre ces activités. À ma connaissance, personne n'a jamais dit qu'on ne pouvait pas être fiduciaire d'un organisme. En revanche, j'ai cessé d'être fiduciaire de la National Society for The Prevention of Cruelty to Children car il pouvait y avoir apparence de conflit avec la politique gouvernementale, mais il s'agit là d'un conflit d'une nature différente, bien sûr. Jusqu'à présent, nous n'avons rien vu de tel. Je pense que la plupart des gens étaient surpris que nous ayons accepté un document prônant une si grande ouverture. Au lieu d'attendre d'être récompensés dans l'au-delà, nous avons préféré être récompensés ici bas, ce qui est plutôt inhabituel.

Le sénateur Andreychuk: Nous nous sommes posé la question de savoir si nous devions adopter le même code de déontologie que celui de la Chambre des communes. Le vôtre est différent. Pouvez-vous nous expliquer un peu en quoi il est distinct?

M. Williams: Au cours des 10 dernières années, il y a eu plusieurs allégations de corruption à l'endroit de certains représentants de la Chambre des communes. Je tiens à rester très neutre car je pense qu'il faut laisser de côté la partisannerie politique, mais c'est un fait que plusieurs ministres du gouvernement Major se sont retrouvés dans l'eau chaude. Un a fait de la prison et un autre a perdu son siège pour avoir accepté des cadeaux et des faveurs. À l'époque, M. Major avait ordonné une enquête à la Chambre des communes, ce qui fut assez impopulaire, mais les gens ont dû s'y plier.

Avant que nous n'adoptions notre code, les pairs étaient tenus d'agir en leur âme et conscience. Je ne pense pas que ce soit suffisant. C'est à mon initiative que fut créé ce petit groupe représentant tous les partis. Nous voulions prouver que tous les politiciens ne s'engagent pas dans la vie publique pour des raisons purement égoïstes. C'est beaucoup mieux ainsi et, curieusement, le fait d'avoir un code protège les individus. Si un jour quelqu'un remet en question mes activités, je peux lui dire: «Regardez, j'ai déclaré mes intérêts ainsi que ceux de ma femme, qui est avocate et directrice des services juridiques dans une grande société. Si vous voulez en savoir davantage, lisez le rapport que met à jour tous les vendredis Brendan Keith.» C'est une garantie énorme si nous croyons dans le bien-fondé et la justesse de notre façon de travailler.

Le sénateur Andreychuk: Il y a d'un côté les problèmes liés à l'intérêt personnel des politiciens et d'un autre ceux concernant les conflits avec la politique gouvernementale que vous avez peut-être dénoncés de manière catégorique, pour certains, avant de devenir lord. Comment déterminez-vous ce à quoi il faut renoncer? Est-ce seulement en consultant les gens de votre bureau ou bien existe-il un autre mécanisme?

M. Williams: J'avais une position différente car en 1997 je suis devenu ministre du Home Office. J'étais mécène ou fiduciaire d'un grand nombre d'organismes — comme la Commonwealth and Ethnic Bar Association et une autre organisation s'occupant des droits des prisonniers. Étant donné que j'étais appelé à devenir le ministre responsable des prisons, j'ai jugé inopportun de poursuivre mes activités de parrainage d'un organisme chargé de la défense des droits des prisonniers. J'ai donc décidé de me retirer de la plupart de ces organisations, et pour les deux autres, j'ai obtenu un avis écrit du secrétaire du Cabinet, un haut fonctionnaire, m'autorisant à poursuivre mes activités puisqu'elles n'étaient pas incompatibles avec la politique gouvernementale. En ce qui concerne mon engagement au sein de l'université, j'ai dit que je le maintiendrai que si je n'avais rien à dire sur la politique et que si je n'avais pas à siéger au Comité de la rémunération. Et c'est ainsi que cela s'est passé.

M. Brendan Keith, greffier principal, Justice et registraire des intérêts des lords à la Chambre des lords: J'aimerais faire deux ou trois observations pour compléter les réponses aux différentes questions que vous avez posées. Le code de déontologie exige de nos députés qu'ils déclarent tous leurs intérêts pertinents. Avant l'entrée en vigueur de ce code, les critères permettant de déterminer les intérêts pertinents étaient subjectifs — c'est-à-dire qu'un député devait se demander: «Dois-je déclarer ce type d'intérêt?» Ce code de déontologie change complètement cette façon de faire en imposant des critères objectifs, ce qui contribue à dissiper les inquiétudes des électeurs. Les gens doivent désormais satisfaire à des critères objectifs et neutres; cela évite toute subjectivité et écarte toute possibilité d'interprétation.

Pour résumer, le critère d'objectivité revient à se demander si l'intérêt en question peut raisonnablement être perçu par le public comme pouvant influencer la façon dont un membre de la Chambre s'acquitte de ses fonctions parlementaires.

C'est donc un critère objectif et, au bout du compte, celui qui tranche, j'en ai bien peur, c'est quelqu'un comme moi. L'avantage d'avoir un registraire — comme moi —, c'est qu'il voit tous les membres de la Chambre et qu'il peut donc garantir une certaine uniformité.

Plutôt que de laisser chaque membre décider pour lui-même et proposer une interprétation différente, en théorie, c'est moi qui donne les avis, je suis l'unique conseiller en la matière, et avec le temps, je devrais être capable de fournir des avis éclairés pouvant faire jurisprudence. Cela devrait permettre de couper court à toutes les questions que se posent vos électeurs au sujet de vos intérêts. Néanmoins, les intérêts pertinents sont de deux sortes, et c'est pour cela que le code de déontologie de M. Williams est très avant-gardiste. Les intérêts pertinents peuvent être financiers — comme c'est évident —, mais ils peuvent aussi être non pécuniaires.

Les mandats de fiduciaire, les activités pour les bonnes oeuvres et autres organismes de bienfaisance dont a parlé lord Williams entrent évidemment dans cette catégorie. Le code de déontologie réglemente assez en détail la divulgation et la déclaration des intérêts financiers et non financiers pertinents. Ce n'est pas à vous, les députés, mais à moi de décider ce qui est pertinent.

Le sénateur Fraser: J'aimerais revenir au point soulevé par le sénateur Stratton au sujet des liens d'amitié, car je dois avouer que la première fois que j'ai lu votre code, c'est ce qui m'a le plus frappée. Je trouve que ce serait mettre l'amitié de quelqu'un à rude épreuve que de déclarer des intérêts privés non politiques sur Internet, dans un registre public mis à jour toutes les semaines. Si cette règle devait s'appliquer, je pense que je perdrais rapidement tous mes amis. Comment cela fonctionne-t-il en pratique? Est-ce que les gens déclarent les intérêts de leurs amis, comment contrôlez- vous cela? Si je vous pose cette question, ce n'est pas par intérêt mesquin, mais parce qu'il me semble que cela risque d'entacher la crédibilité du registre.

M. Williams: Je ne pense pas qu'il y ait de différence qualitative entre — soyons prudents — votre conjoint et votre ami. La question qu'il faut se poser est de savoir s'il se peut qu'ils soient dans une position pouvant donner l'impression qu'ils influencent votre façon de parler ou de voter. Selon moi, les conjoints sont des créatures totalement innocentes qui n'ont rien à avoir avec le fait que leur moitié ait décidé d'entrer en politique. J'estime qu'il n'y a pas de différence qualitative entre un conjoint et un ami. Prenons un parent, un frère, par exemple. Si mon frère avait d'importants intérêts dans un contrat dont je lui avais parlé ou sur lequel j'avais voté, ce ne serait pas bon du tout et le public aurait le droit de savoir. Je pense que la même chose s'applique aux amis. Je crois vraiment qu'ils peuvent avoir une influence sur vous et que, le cas échéant, il convient de le déclarer.

Le sénateur Fraser: Faut-il déclarer les amis?

M. Williams: Si ma mémoire est bonne, personne n'a déclaré les intérêts d'un ami dans le registre. Par contre, on déclare les intérêts des membres de la famille et du conjoint.

M. Keith: En règle générale, les lords n'ont pas jugé nécessaire d'enregistrer ce genre d'intérêts. Le phénomène s'explique entre autres par le fait que, quand le code a été introduit, le sous-comité qui voit au fonctionnement du registre et à l'application du code d'éthique — un sous-comité composé de lords — a énoncé des principes directeurs à l'intention des lords. Ces principes n'ont pas encore été codifiés. Entre-temps, le sous-comité a établi certains grands principes.

Voici de quoi il s'agit. Les intérêts financiers détenus par une personne autre qu'un lord devront très rarement être enregistrés, même lorsqu'une déclaration sur le parquet de la Chambre des Lords est souhaitable. Par conséquent, on établit tout de suite une distinction entre l'enregistrement, qui est public et mis à jour chaque semaine, et la déclaration qui est un événement unique et qui n'est entendue que par ceux qui se trouvent présents à ce moment-là. D'après ce principe également, il vaut mieux enregistrer tout intérêt si important et détenu par une personne si proche du lord que son existence pourrait être raisonnablement réputée avoir une influence sur la conduite du lord.

Cela aide peut-être à mieux vous situer en contexte et, dans une certaine mesure, peut dissiper peut-être les craintes que vous aviez au sujet de la raison d'être du code. Toutefois, la phrase-clé est la dernière petite phrase de cette partie, selon laquelle il faudrait toujours se faire conseiller par le registraire.

La présidente: Comment démarque-t-on ce qui est enregistré auprès de vous et ce qui figure dans le registre public? Tout ce qui vous est divulgué figure-t-il au registre public?

M. Keith: Non.

La présidente: De quelle manière décidez-vous ce qui figurera au registre public et ce qui n'y figurera pas?

M. Keith: Avec difficulté et après beaucoup de réflexion, parfois. Un lord vient me voir pour cinq minutes ou plusieurs heures, et nous passons à travers tout le dossier en détail. Il me fait connaître son point de vue. J'y réfléchis à la lumière des précédents et de tout problème analogue qui est déjà survenu.

Je suis le seul à savoir quel genre de problèmes survenus auparavant ne figure pas au registre, parce que tout ce qui m'est communiqué est confidentiel, exception faite de ce qui est publié. Nous avons des dossiers détaillés sur chaque membre de la Chambre des lords. Chacun de ces dossiers renferme tous les documents et renseignements qui nous ont été présentés par le lord, bien que nous ne publiions pas tout. Comment je prends la décision? Le leader de la Chambre, durant le débat à ce sujet, quand le code a été adopté par une majorité de trois voix, a déclaré que l'application du code se ferait en douceur. C'est là un des principes sur lesquels il s'appuie. Nous ne souhaitons pas imposer un trop lourd fardeau aux lords. Nous ne souhaitons pas enquêter sur des faits qui n'ont rien à voir avec ma charge ni en exiger la communication.

En bout de ligne, le lord me communique ses inquiétudes, ses préoccupations ou son désir d'enregistrer officiellement des intérêts, après quoi je dois me prononcer. Il est juste de dire que le sous-comité n'aimerait pas que le registre soit encombré de renseignements insignifiants qui empêcheraient de voir au premier coup d'oeil ce qui est significatif. Il se peut — ce que le commissaire aux normes de la Chambre des communes a qualifié d'effet pervers de l'enregistrement — que certains lords insistent pour tout enregistrer de manière à rendre la déclaration officielle et à pouvoir s'en servir pour se disculper. Le morceau de pierre en est un bon exemple. Ils insisteront pour que soient enregistrées et publiées des informations qui, à vrai dire, n'ont pas à y figurer. Il leur plaît d'avoir cette protection, de savoir qu'une personne impartiale peut décider qu'il faut effectivement enregistrer tel intérêt et pas tel autre.

J'avoue que la version Internet du registre est volumineuse. Elle comporte plus de 300 pages. De nombreuses informations qui y figurent ne sont probablement pas nécessaires. Le leader de la Chambre a mentionné un examen qui est prévu pour l'automne, et un des points qui doit être examiné par le groupe d'examen à ce moment-là est la mesure dans laquelle, pour contenter les lords sans égard à leurs obligations en vertu du code, nous consignons au registre des renseignements futiles.

Le sénateur Fraser: J'ai une question qui s'inscrit directement dans la même foulée.

J'ai été frappée par le fait que, dans les parties de votre code qui portent sur les éléments à enregistrer, l'enregistrement ne se fait pas d'office, mais plutôt selon leur importance. Le mot «importance» est également proposé dans notre code. Comment décidez-vous de ce qui est important?

Je m'explique. Il me semble que l'importance d'un certain bien donné variera considérablement selon son propriétaire. S'il s'agit d'une personne très riche, l'avoir représente peut-être une faible portion seulement de ses biens. Par contre, si la personne a des moyens plus modestes — un professeur par exemple, comme certains lords, je crois —, le même avoir peut représenter une très grande partie de sa richesse. Qui décide à quel point l'avoir est important? Existe-t-il des principes ou des lignes directrices ou vous fiez-vous à votre intuition?

M. Keith: Je vous répondrai brièvement que je suis mon instinct, certes, mais que ce n'est pas mon seul critère. Si quelqu'un vient me voir au départ — n'oubliez pas qu'on vient à moi, que je ne vais pas vers les autres. Si quelqu'un vient me voir et me dit qu'il a un problème, qu'un certain point le préoccupe, ma réaction est de me dire qu'il n'y a pas de fumée sans feu, essentiellement. À première vue, il existe un éventuel problème. C'est le point de départ. Ensuite, la personne me communique son point de vue. Si elle détient un intérêt de 1 p. 100 dans une petite société, cela pourrait être ou ne pas être important. Par contre, si elle détient 1 p. 100 des actions de BP ou de Microsoft, la réponse va de soi. Il existe cependant une zone grise entre les deux où cette personne est dans le doute. Je suis censée être une personne moyennement raisonnable. Elle viendra me voir pour connaître mon avis, et nous trancherons ensemble.

Toutefois, il est encore trop tôt. Nous n'avons eu qu'un an pour nous y faire. Pour l'instant, j'aurais tendance à pêcher par excès de prudence. De la sorte, comme l'a dit le leader de la Chambre, nul ne s'y intéressera. Si l'information est là, les gens ne seront pas soupçonneux. Pour l'instant, je conseillerais d'agir avec prudence et, dans le doute, d'enregistrer l'information.

M. Williams: Avec votre permission, je pourrais faire une analogie qui vous aidera à mieux comprendre. J'étais auparavant président du Comité d'éthique professionnelle du conseil de l'ordre des avocats. Quand je recevais un appel de quelqu'un qui avait un problème, ma première réaction était: «Vous connaissez la réponse, n'est-ce pas? C'est pour cette raison que vous m'appelez».

Il est vrai qu'actuellement, il ne faut pas se complaire dans la suffisance, parce que le code n'a pas été mis à l'épreuve, encore moins démoli. Toutefois, tout semble revenir à la normale. On veut qu'il fonctionne. On est fier de l'intégrité et de la réputation de la Chambre, deux caractéristiques qui pourraient s'avérer très fragiles et disparaître subitement. Comme l'a dit M. Keith, il vaut mieux pêcher par excès de prudence et déclarer trop plutôt que de ne pas déclarer assez. La civilisation telle que nous la connaissons n'a pas encore disparu de Westminster.

Le sénateur Joyal: Je suis ravi de vous rencontrer à nouveau au Canada, surtout M. Keith et M. Jacob. Mes questions concernent tout d'abord la nature du code d'éthique comme tel et, ensuite, le statut juridique du registraire, par opposition au commissaire à l'éthique qui est proposé dans le code canadien.

Tout d'abord, en ce qui concerne en règle générale les arguments en faveur de la transparence, vous avez bien insisté qu'il vaut mieux être trop transparent que pas assez. La Chambre des lords, si j'ai bien compris, a adopté une règle visant la mise en oeuvre du code d'éthique. Selon vous, y a-t-il une énorme différence, en termes de transparence, entre des règles et une loi? En d'autres mots, le régime britannique est-il aussi efficace et aussi transparent actuellement qu'il le serait s'il était inclus dans une loi?

M. Williams: La Chambre des lords se réglemente elle-même. Nous n'avons même pas, en réalité, de président. Nous n'avons nul besoin d'une loi pour mettre en place le code. J'ai établi un groupe de travail. Nous avons produit un rapport. J'aurais dû dire tout à l'heure, sénateur, que le rapport n'était pas unanime. Il y avait deux dissidents. Nous avons pleinement débattu de la question, un débat auquel on était nombreux à assister, et le code a été adopté par trois voix de majorité.

Si j'avais proposé un code réglementaire, il n'aurait probablement pas été adopté parce qu'on l'aurait jugé trop importun. En tant qu'ex-avocat, je ne devrais pas le dire, mais la difficulté causée par les codes réglementaires, c'est que les avocats et les juges s'en mêlent — quelque chose qu'il vaut toujours mieux éviter.

Les lords se réglementent entre eux tant et si bien que, si le code est efficace et je le crois, nous n'avons pas besoin d'un régime réglementaire. Si un pareil régime venait à s'imposer, j'aurais l'intime conviction que nous avons failli à la tâche. Cependant, si le régime n'était pas efficace ou si on en abusait, il faudrait reprendre la réflexion — mais nous n'avons pas eu besoin d'envisager cette possibilité.

Nous préférons avoir le registraire, en n'oubliant pas que M. Keith est tout à fait indépendant de moi. Il ne me consulte jamais, et je ne m'attendrais pas qu'il le fasse — de plus, il s'indignerait si je tentais de m'immiscer dans ce qu'il fait. Nous n'avons jamais discuté d'un cas en particulier et, pour l'instant, je crois que le régime fonctionne bien. Si jamais tout l'édifice venait à s'écrouler l'an prochain, vous me rappellerez que nous aurions dû adopter un régime réglementaire et vous pourrez alors me dire: «Je vous l'avais bien dit». Pour l'instant, c'est ainsi que nous raisonnons. N'oubliez pas qu'aucun des lords, exception faite des ministres, n'est rémunéré. On ne leur rembourse que leurs dépenses. Ils n'ont pas de salaire. La plupart sont motivés par le sens du devoir et le désir de se rendre utiles. Je crois que le code va fonctionner.

Le sénateur Joyal: En d'autres mots, la nature du code — le fait qu'il s'agit d'une règle, plutôt que d'une loi — et le statut de M. Keith pour la mise en oeuvre du code en rapport avec les lords n'a aucune influence sur la transparence et sur votre objectif de rendre le régime tout à fait crédible aux yeux du grand public?

M. Williams: Je n'ai pas entendu de critique à cet effet, soit que le code n'est pas crédible pour les raisons que vous avez mentionnées. J'estime, dans la mesure où le grand public s'y intéresse — c'est là un point d'interrogation, car jusqu'ici il n'y a pas eu d'incident —, qu'il s'y intéressera uniquement quand il y aura un pépin. Les personnes les plus objectives examineront le registre et diront: «En réalité, il a tout déclaré.» J'ai déclaré l'occupation de mon épouse, le fait qu'elle est avocate et l'entreprise pour laquelle elle travaille; on ne s'attend pas que je vais déclarer son salaire, même si je le connaissais. C'est là un équilibre raisonnable. Le problème posé par une loi, c'est qu'on est trop plongé dans le juridisme, ce qui peut parfois nuire à l'efficacité du régime.

La présidente: Avant de passer à une autre question, il faudrait peut-être bien préciser que le code envisagé actuellement serait intégré au Règlement du Sénat du Canada. Il ne s'agirait pas d'une loi, bien que le poste de commissaire à l'éthique soit institué par une loi. C'est là un projet de loi dont sera saisi le Sénat dans peu de temps. Comment cela fonctionnerait-il dans votre propre situation, si le poste de M. Keith était créé par une loi, mais que le code qu'il appliquait et l'enregistrement ne l'étaient pas?

M. Keith: Voilà une question difficile. Notre code d'éthique se fonde, sur le plan constitutionnel, sur deux motions adoptées par la Chambre l'an dernier.

Le statut de registraire signifie simplement qu'il est mandataire de la Chambre. Je suis moi-même un mandataire de la Chambre, comme tout autre greffier. Il se trouve que je travaille avec les juges, les lords juristes qui forment la Cour suprême du Royaume-Uni. Néanmoins, comme tout autre greffier, je suis un mandataire de la Chambre et, par conséquent, ce sont ses intérêts que je défends.

À la Chambre des communes, il existe un registraire qui fait beaucoup de travail mécanique, peut-être plus que moi. En plus du registraire, il y a un commissaire aux normes parlementaires, qui est aussi fonctionnaire de la Chambre des communes. Il s'occupe de nombreux dossiers de haut niveau qui ne sont pas forcément de l'enregistrement mécanique, mais font plutôt appel à son jugement.

Les députés de la Chambre des communes, à Westminster, ont dit craindre énormément que, si le commissaire aux normes parlementaires ou l'équivalent de mon poste était nommé au moyen d'une loi, on ouvre ainsi la porte à la possibilité que les tribunaux et les juges s'ingèrent dans les travaux du Parlement. La méthode par laquelle les juges sont présumés faire de l'ingérence — des juges de l'extérieur du Parlement, non pas la Chambre des lords en sa capacité judiciaire — est la révision judiciaire. Cette révision judiciaire est une notion qui a rapidement évolué au Royaume- Uni. Les députés de la Chambre des communes — pas les membres de la Chambre des lords — de Westminster ont exprimé en des termes très imagés leur crainte qu'une nomination par voie législative n'entraîne beaucoup plus d'interférence de la part des juges et des tribunaux.

L'expression utilisée par le greffier de la Chambre des communes qui vient de prendre sa retraite illustre bien le risque qu'il perçoit. Il a dit que la nomination par voie législative représenterait un autre char judiciaire sur la pelouse du Parlement. L'image évoquée naturellement est celle de chars dont les canons sont pointés vers l'édifice et dont les occupants dictent ce qui se passe au Parlement.

Le privilège n'a jamais posé de problème à la Chambre des lords, mais il l'a constamment fait à la Chambre des communes. Je crois comprendre que c'est l'inverse au Canada. La Chambre des communes est beaucoup plus souple à cet égard que le Sénat. C'est peut-être là la réponse complète à votre question.

Le sénateur Joyal: La Chambre des communes tente d'obtenir l'autorisation d'en appeler à la Cour suprême d'une décision rendue par la Cour fédérale d'appel en vue de délimiter la portée des privilèges parlementaires. Nous, en tant que Chambre du Parlement, devons bientôt décider si nous allons faire cause commune avec elle. La question est actuellement en suspens.

J'aimerais faire des observations au sujet du choix de règles, plutôt que de règlements administratifs.

M. Keith: Oui. Nous les appelons «Règlement».

Le sénateur Joyal: Il existe une différence entre le Règlement et les règles.

M. Keith: Ils ont le même fondement constitutionnel parce qu'ils sont tous deux adoptés par une motion de la Chambre. Le Règlement est appuyé par toute la Chambre.

Le sénateur Joyal: Vous avez adopté les règles et, si j'ai bien compris, elles figurent en annexe de votre Règlement.

M. Keith: Non. Voici comment elles se présentent actuellement. Il s'agit d'un document imprimé qui est remis à chaque nouveau membre à son arrivée, de même qu'à tout autre membre qui en fait la demande.

Le sénateur Joyal: Le code d'éthique n'est pas l'information que l'on trouve à partir de la règle 98. Il s'agit plutôt d'une publication particulière qui peut être remise à quiconque en fait la demande. Une édition spéciale du code est publiée pour que le grand public y ait facilement accès. Elle semble facile à lire, parce qu'elle n'est pas couchée dans un jargon juridique alambiqué que ne pourrait facilement pas comprendre un profane.

M. Keith: Il existe un manuel de procédure, qui est une version miniature de Erskine May, un précis analogue à nos règles.

Le sénateur Joyal: Il est analogue à notre Règlement du Sénat.

M. Keith: Lord Williams a insisté pour que nous employions des termes simples que pouvait facilement comprendre le public moyen. La raison d'être du code est de rassurer, de montrer que tout va bien. Le code est affiché sur l'Internet, où il ne prend que trois pages. Quiconque le souhaite peut rapidement le consulter.

Le sénateur Joyal: Ma question suivante concerne un élément important de votre code, soit le statut de votre registraire. Il semble clair que, dans le cadre de ces fonctions, vous établissez avec les lords des relations confidentielles comme celles d'un client avec son avocat; de plus, vos relations se maintiennent à ce niveau. Par conséquent, quand un lord vous rencontre pour déclarer ses avoirs, en discuter et tenter de décider ce qu'il faut déclarer en conformité avec les critères que vous avez décrits dans votre exposé, il le fait sous le sceau du secret.

M. Keith: Oui.

Le sénateur Joyal: D'après la partie de votre code intitulé «Enforcement of the Code of Conduct», c'est-à-dire la partie 19 et ce qui suit, je crois savoir que vous n'agissez pas comme «enquêteur» pour le compte de la Chambre des lords si une plainte est déposée contre un des membres.

M. Keith: Non, absolument pas.

Le sénateur Joyal: Vous n'êtes pas à la fois conseiller et procureur.

M. Keith: Je ne le suis pas. Si je l'étais, cela irait à l'encontre d'un des principes de base adoptés par le Comité mixte des privilèges qui a soumis en 1999 un rapport dans lequel il affirmait que l'équité de la procédure était absolument essentielle quand elle s'appliquait à des questions de privilège. Si un lord et moi arrivons à nous entendre sur la question, le dossier est clos. Soit que l'information est publiée ou qu'elle est versée dans un dossier. Dans les rares cas, et il n'y en a pas eu depuis octobre dernier quand j'ai assumé la charge, où le lord et moi n'arriverions pas à nous entendre, je peux consulter le sous-comité qui surveille tout l'exercice. Le président est un juge qui a pris sa retraite récemment — un lord juriste et un membre de la Chambre. Je le consulte et, au besoin, je consulte un membre du sous- comité. Je ne le ferais que si nous étions vraiment aux prises avec une question épineuse découlant d'un désaccord fondamental. De pareilles situations ne se sont pas présentées depuis que j'ai assumé la charge, en octobre dernier. Nous avons peut-être été chanceux.

Le sénateur Joyal: Voilà une différence fondamentale entre votre code et celui qui est proposé par le gouvernement du Canada et qui confère au commissaire à l'éthique le mandat de décider s'il convient de faire enquête et de mener cette enquête. C'est en effet ce que prévoient les articles 31 et 32 de l'ébauche de code proposée par le gouvernement. Votre propre article 19 dispose que:

Suite est donnée aux allégations de non-conformité au présent code comme suit:

a) il faut habituellement porter à la connaissance du lord qui en fait l'objet toute allégation. Cependant, il se peut, dans certaines circonstances, qu'il soit préférable d'en parler au leader du parti ou au whip en chef [...]

b) si le plaignant décide de maintenir sa plainte, il renvoie l'allégation en privé directement au sous-comité chargé de voir aux intérêts des lords [...]

Votre code ne confond pas le rôle de conseil et le rôle d'enquête. En un certain sens, vous avez maintenu dans votre code le code de l'honneur, qui ne s'appuie pas sur la même base que la proposition faite par le gouvernement du Canada. Dans votre régime, une personne vous rencontre, met toute l'information sur la table pour que vous puissiez bien la conseiller. Quand elle part, elle a la conscience nette. Toutefois, dans la proposition faite par notre gouvernement, vous pourriez avoir à jouer éventuellement le rôle d'enquêteur. Par conséquent, vos rapports avec cette personne changeraient du tout au tout parce qu'elle serait tenue de se défendre contre vos accusations. Il faut que la personne se défende auprès du whip de son parti, du leader du parti ou du sous-comité du parti. C'est ainsi que je comprends le fonctionnement de votre régime. Je vois dans la conception du code une différence fondamentale.

En tant que registraire, vous aidez les membres de la Chambre des lords à respecter le principe d'honnêteté. L'approche au sujet de ce code relève davantage de la police et je ne le dis pas de façon négative. Une personne est chargée de recevoir les plaintes et de vérifier si elles sont valables avant de passer à la procédure.

La différence entre les deux codes est fondamentale. Les lords sont protégés et vous êtes protégé sur une base avocat-client, ce qui signifie que si le sous-comité vous convoque, il y a certaines choses que vous pouvez dire et d'autres que vous ne pouvez pas dire.

Si vous perdiez cette base avocat-client, vous pourriez être convoqué à comparaître au cours des audiences du comité. Vous pourriez être tenu de divulguer quelques renseignements particuliers. La différence est essentielle dans la façon dont vous fonctionnez en vertu de votre code et la proposition dont nous sommes saisis.

M. Williams: Je suis d'accord avec votre analyse, sénateur Joyal. Permettez-moi de citer le paragraphe 18 de notre code: «Un membre qui agit suivant les conseils du registraire pour décider de la pertinence d'un intérêt répond entièrement aux exigences du code d'éthique.»

C'est un parfait moyen de défense qui permet, selon moi, d'encourager l'ouverture.

Si le paragraphe 19 est libellé de cette façon, c'est parce que certaines plaintes contre des membres de la Chambre des communes ont été portées par malveillance et pour faire la une des journaux. Par conséquent, nous avons prévu des sauvegardes, dont l'une, non la moindre, apparaît à l'alinéa d), qui stipule, en partie, que les «membres de la Chambre ont droit à des sauvegardes aussi strictes que celles adoptées par les tribunaux et les organismes professionnels de discipline.»

Nous croyons que si M. Keith devait jouer le rôle d'enquêteur, son rôle de conseiller serait intolérable; il s'agit de deux fonctions différentes qui doivent rester distinctes.

Je le répète, nous voulions procéder en douceur. Nous ne voulions pas que l'esprit de Savonarole circule dans les corridors. Je crois que nous avons pu l'éviter.

Nous reconnaissons que tout n'entre pas dans le même moule. Nous avons peut-être tenu compte de situations qui ne se produiront peut-être jamais.

M. Keith: Permettez-moi d'ajouter que, dans la situation que vous avez décrite, l'analyse est absolument logique, mais il est fort peu probable que nous arrivions à ce résultat à la Chambre des lords car, comme l'a dit lord Williams, si le membre de cette Chambre accepte les conseils, quels qu'ils soient, j'en suis alors au courant et il dispose d'un moyen complet de défense. Il ne pourrait pas faire l'objet de poursuites subséquentes. Il ne risque rien.

Ce n'est que si quelqu'un accusait le membre de non-divulgation et que je n'étais absolument pas au courant de la question que des poursuites pourraient alors être entamées. Le membre de la Chambre des lords pourrait alors montrer du doigt le registraire et dire: «C'est lui mon moyen de défense. J'ai divulgué, j'ai accepté ses conseils. Peu importe s'il a mal compris, j'ai respecté le code.»

Logiquement, vous avez raison, mais en pratique, nous n'irions jamais jusque-là.

Le sénateur Joyal: C'est parce que vous fonctionnez sur une base avocat-client, essentiellement.

M. Keith: Oui.

La présidente: J'aimerais dire à titre d'information pour nos invités que les comités du Sénat ne peuvent pas siéger lorsque siège le Sénat. Le Sénat siège à 18 heures ce soir et nous ne pourrons donc absolument pas poursuivre la séance.

Le sénateur Kroft: J'ai le sentiment de quelque chose de très fort qui se manifeste ici et, d'après moi, il s'agit du bon sens.

J'aimerais mettre l'accent sur un mot qui semble revenir dans vos propos ainsi que dans votre travail. Je veux parler du mot «pertinence» qui se rapporte à l'application en douceur; en d'autres termes, il s'agit de ne pas essayer de traiter autre chose que la situation irrégulière qui se présente, d'après ce que j'ai compris de votre présentation vidéo.

Ce qui m'a frappé, soit dit en passant, c'est la divulgation de renseignements au sujet du conjoint. Vous avez dit que le salaire du conjoint ne serait jamais divulgué.

Il semble qu'il y ait une différence fondamentale entre votre approche et la nôtre, que j'aimerais explorer un peu avec vous. Les divulgations obligatoires peuvent viser des avoirs, des activités ou des intérêts, soit des éléments pertinents quant à la conduite du membre de la Chambre des lords qui remplirait sa charge, qu'il s'agisse d'un discours, d'un exposé devant un comité ou d'une prise de position au sujet d'un projet de loi. Le critère est le suivant: Qu'est-ce qui pourrait être pertinent au sujet de cette personne et que le public pourrait vouloir savoir?

Si je ne me trompe, vous ne mettez pas vraiment l'accent sur le montant. Votre approche n'en est pas une de comptabilité. La pertinence revient à savoir si quelqu'un occupe un poste d'administrateur ou s'il a un intérêt quelconque plutôt que de déterminer ce qu'il possède ainsi que sa valeur monétaire. L'approche comptable n'est pas essentielle à votre système, autant que je sache, n'est-ce pas?

M. Keith: Je répondrai brièvement en disant que je crains que cela dépende des circonstances. Le montant a de l'importance dans la mesure où les membres de la Chambre peuvent participer aux travaux d'un organisme de lobbying ou lorsqu'ils peuvent avoir un contrat de fourniture de services et de conseils parlementaires avec une organisation. En pareil cas, ils doivent en déclarer le montant. En fait, ils doivent déposer copie de l'entente conclue avec l'organisation en question. Cela fait partie des dossiers. Le montant ne nous intéresse pas, si ce n'est dans ces deux domaines.

Lorsque les premiers codes de la Chambre des Lords sont apparus dans les années 70, on s'inquiétait beaucoup plus à l'époque des activités de lobbyiste, des services de consultant et de l'action sociale rémunérée. C'est toujours le cas, dans la mesure où nous exigeons la divulgation des sommes en jeu.

Toutefois, mis à part ces exceptions, vous avez tout à fait raison. Le montant n'est pas essentiel en ce qui concerne le code, absolument pas.

Le sénateur Kroft: Ces questions ne sont pas vraiment celles qui se posent à nous. Pour ce qui est de la déclaration en général, le montant du revenu et la valeur des avoirs n'ont pas, en eux-mêmes, de sens, car j'imagine que selon vous, ils ne sont pas pertinents, sauf s'ils représentent 1 p. 100 de Microsoft. Ce qui est pertinent, c'est le fait et non la valeur éventuelle de l'ordre de 2 milliards de dollars.

M. Williams: Permettez-moi d'intervenir, sénateur, à ce sujet. À l'alinéa 13a) du code sur les intérêts financiers, on retrouve une note relative aux conseils du genre dont parlait M. Keith au sujet des limites admissibles, soit 5 p. 100 ou plus du capital-actions émis d'une société ou d'un organisme ou ce qui représente une valeur nominale de plus de 50 000 livres. Par conséquent, le montant est parfois pris en compte.

Quelque chose m'a frappé lorsque vous avez posé des questions ou fait des observations au sujet des activités de la Chambre. Nous n'oublions pas en particulier que les membres de la Chambre des lords jouissent d'une position très privilégiée en ce qui concerne la correspondance avec les ministres. Par conséquent, il ne s'agit pas uniquement d'activités à la Chambre. Vous obtenez promptement une réponse si vous êtes membre de notre Chambre, ou vous le devriez. Quatre-vingt-quatorze pour cent des réponses arrivent à mon bureau dans les délais prévus, sans doute parce que mon bureau est impeccablement géré. Vous arrivez à attirer l'attention d'un ministre comme s'il s'agissait d'un particulier.

Le sénateur Kroft: Cela laisse supposer que nous occupons une place privilégiée vis-à-vis le gouvernement et que par conséquent, nos responsabilités sont importantes.

Vous avez confirmé ce que je pensais, en fait. Le jugement que vous allez porter va dépendre de la façon dont cela va influer sur la façon dont un membre remplit sa charge. Le public saura-t-il ce qu'il pense d'une question? Qu'il s'agisse, au sens strict du terme, d'un millionnaire ou d'un pauvre ne change absolument rien.

Le sénateur Smith: Vous avez dit que deux membres de votre comité avaient formulé une opinion dissidente. Pouvez-vous nous dire pourquoi essentiellement? Pouvez-vous me le dire en deux mots?

M. Williams: D'après eux, le fait d'englober les membres de la famille et les amis allait trop loin. C'était leur principal désaccord, si je me souviens bien.

M. Keith: Oui.

M. Williams: Lorsque nous avons publié le rapport de mon groupe de travail, cette opinion dissidente a été enregistrée. D'aucuns considèrent qu'il s'agit d'une intrusion, mais je crois qu'elle peut être rationnellement justifiée d'après ce qu'a dit le sénateur Kroft — les privilèges s'accompagnent de responsabilités correspondantes et vous abandonnez un peu de votre vie privée.

M. Keith: Le plus difficile a été de définir ce qu'est un intérêt pertinent. Nous devions prévoir dans le code de conduite toute une liste d'intérêts qui, selon nous, étaient pertinents. Il y aura toujours des divergences de vue quant à ce que représente un intérêt pertinent selon le code et il y a eu des désaccords au sujet, en partie, de ce qui devait être inscrit dans cette liste d'intérêts pertinents.

La présidente: Vous nous dites, si je comprends bien, que ce rapport que l'on peut télécharger de l'Internet, qui se compose de quatre pages et demie, s'accompagne en fait d'une liste beaucoup plus longue de ce que vous pouvez faire et ne pas faire et de ce que vous devez et ne devez pas inscrire sur la liste, n'est-ce pas?

M. Keith: Non.

M. Williams: Non, sénateur. Au paragraphe 9, on peut lire: «Qu'est-ce qu'un intérêt pertinent?» Au paragraphe 12, une définition des intérêts pertinents est donnée. Au paragraphe 13, il est indiqué que les «intérêts financiers pertinents peuvent aussi englober», puis une liste suit.

La présidente: Je ne vois nulle part les 5 p. 100 ou davantage.

M. Williams: Non, vous avez tout à fait raison. Il en est fait mention dans le questionnaire remis à tous les nouveaux membres de la Chambre des lords. Le sous-comité a également relevé la limite admissible, soit les 5 p. 100 ou les 50 000 livres. C'est une illustration de la façon dont on a essayé de rester dans les proportions, ces valeurs devant nécessairement changer en fonction de l'inflation et du temps.

M. Keith: Le groupe présidé par lord Williams a jugé qu'il avait la responsabilité d'énumérer les intérêts pertinents. Nous avons été en mesure de créer des catégories en disant que certains intérêts seront toujours pertinents, car pratiquement tout le monde peut convenir qu'un intérêt particulier est pertinent et qu'il doit être enregistré. D'autres intérêts peuvent être pertinents, mais pas tout le temps, cela dépendant des circonstances. C'est là que vous avez des divergences de vue. C'est la source du désaccord, essentiellement — qu'est-ce qui devrait apparaître sur la liste. En outre, ils ont pensé que c'était une intrusion que de demander la divulgation des intérêts des conjoints et des amis.

Le sénateur Smith: Il me semble important que le lieu du registre soit rattaché à la fonction judiciaire de la Chambre des lords. Je me demande — et peut-être ai-je tort — si certains ont cru que l'inviolabilité qui se rattache aux juges suprêmes ou à nos juges de la Cour suprême pourrait déteindre un peu plus sur nous, tout en respectant le greffier et sa charge, comme il se doit. Toutefois, il me semble également que peut-être, par inadvertance ou non, vous vous placez dans une situation où, compte tenu du fait qu'il s'agit des arbitres ultimes de l'interprétation des lois, cela pourrait signifier que vous ne pourriez pas suivre la voie législative même si vous le souhaitiez.

M. Williams: C'est une pensée indigne et cynique. Elle est également beaucoup trop intelligente, car nous n'y avons jamais pensé de cette façon.

Le sénateur Smith: J'aimerais revenir à la question des conseils d'administration — et je reconnais qu'elle présente un certain intérêt pour moi. J'ai toujours eu l'impression, et peut-être est-ce vrai des Lords conservateurs et des lords travaillistes, que le fait de ne pas siéger au sein de conseils d'administration était pratiquement l'exception. Si je pense à nos grands Canadiens expatriés, lord Beaverbrook, lord Thomson et mon ami de longue date Conrad Black, au sujet duquel le premier ministre me met souvent en boîte, j'imagine que la Chambre des lords ne serait pas un lieu très intéressant s'ils ne pouvaient pas siéger au sein de conseils d'administration. Je peux comprendre la différence entre un organisme caritatif ou un groupe à but non lucratif et une société du secteur privé.

Je ne peux pas m'empêcher de me souvenir d'une occasion où l'on m'avait demandé de siéger au sein d'un conseil dont je ne savais rien. J'ai demandé s'il s'agissait d'une société à but non lucratif. On m'a répondu que oui, mais ce n'était pas le cas et c'est la raison pour laquelle on me demandait d'y siéger. Inutile de dire que j'ai refusé.

Si je comprends bien, c'est en quelque sorte la culture des lords. Je peux comprendre si quelqu'un est ministre, ou même ici, secrétaire parlementaire, que c'est strictement interdit, mais si vous êtes l'équivalent d'un simple député, cela ne pose jamais vraiment problème tant que tout est divulgué publiquement. Est-ce que je me trompe?

M. Williams: En tant qu'administrateur rémunéré, vous seriez obligé de l'indiquer dans le registre. Vous n'avez pas à divulguer le montant de votre rémunération, à moins que vous ne fassiez votre travail parlementaire au nom de cette société. Vous indiquez simplement que vous êtes un administrateur de Hollinger, de Ravelston ou d'une société de Conrad Black.

Le sénateur Smith: Vous vous abstenez de voter lorsque cela s'impose, normalement? Cela ne fait rien, n'est-ce pas?

M. Williams: La question au sujet du vote est un peu...

Le sénateur Smith: Elle est un peu plus floue?

M. Williams: Elle n'est toujours pas résolue. Vous pouvez voter si vous le souhaitez.

La présidente: Après avoir déclaré qu'il n'y a pas de sanction ni de recours en matière de conflit d'intérêt?

M. Williams: C'est un domaine que nous n'avons pas vraiment exploré.

Le sénateur Stratton: Je me demande pourquoi. On pourrait penser que si vous avez indiqué sur la liste que vous êtes membre d'un conseil d'administration et qu'un vote est tenu, ce serait souligné. Cela m'étonnerait que la question ne soit pas posée.

M. Williams: C'est une remarque tout à fait valable, mais je n'ai pas de réponse à vous donner qui me satisfasse. Il est vrai que l'on s'attend à ce que les Lords respectent le principe d'honnêteté, mais, si c'était vraiment le cas, il serait inutile d'avoir un code. Il s'agit plutôt selon moi de pragmatisme, comme l'a dit le sénateur Kroft. La question ne semble pas se poser, en partie parce que la Chambre n'est pas vraiment organisée selon la ligne des partis. J'imagine que les intéressés auraient peut-être l'idée de ne pas voter, même s'ils peuvent fort bien participer aux débats.

Par exemple, un de nos pairs qui siégeait au conseil du Times participait fréquemment aux débats et certains auraient pu croire que c'était dans l'intérêt de M. Murdock. Il est très rare que l'on ait à voter sur des questions de ce genre.

Toutefois, je conviens que ce n'est pas une réponse qui me satisfait et il est fort probable qu'elle ne vous satisfasse pas non plus.

Le sénateur Stratton: Effectivement, merci.

Le sénateur Joyal: Notre Règlement prévoit deux dispositions au paragraphe 65(4) qui se lit comme suit:

Un sénateur n'a pas le droit de participer à un vote sur une question où il ou elle a un intérêt pécuniaire que ne partage pas le public. Son vote est alors annulé.

Avez-vous un règlement similaire?

M. Keith: Nous n'avons pas de règlement, mais quelque chose d'équivalent qui date d'avant le code d'éthique. C'est ce qui s'applique depuis très longtemps.

Le sénateur Murray: Cela viserait certainement l'administrateur qui s'apprête à voter sur un projet de loi ou un amendement à un projet de loi qui toucherait les intérêts de la société?

M. Keith: Eh bien, pas nécessairement. Il faudrait que ce soit un intérêt personnel direct, auquel cas, il ne devrait pas voter. Toutefois, son honneur est en jeu et la Chambre qui s'autoréglemente devrait régler la question. Elle le ferait toutefois à la lumière du fait qu'il aurait déclaré l'intérêt en question ou que celui-ci aurait été bien connu, puisqu'il aurait été inscrit sur la liste des intérêts pertinents.

Comme le dit lord Williams, il est difficile d'imaginer les circonstances. On ne reçoit pas souvent un projet de loi où, par exemple, un membre de la Chambre qui possède un terrain est directement visé. Toutefois, s'il y avait un projet de loi en vertu duquel un terrain que possède un membre de la Chambre devait être acheté et que ce membre était sur le point de recevoir un important montant d'argent, on ne s'attendrait pas à ce qu'il participe aux délibérations à cet égard.

M. Williams: C'est une question afférente et je le redis franchement, il n'y a pas de réponse parfaite, sauf que cela n'a jamais été un problème, si bien que c'est du pragmatisme, pur ou non. Sous réserve de la correction apportée par M. Keith, il n'est pas possible que ce vote soit annulé. Le membre de la Chambre pourrait être censuré par ses pairs, mais, comme vous le dites, ce serait trop tard. La question ne s'est pas posée et si elle se posait, il faudrait alors se demander si le code est suffisant.

La présidente: Je ne suis pas sûre que la question se soit jamais posée au Canada. C'est dans le Règlement du Sénat du Canada, mais je ne peux pas penser à un seul cas où ce règlement aurait été invoqué.

Le sénateur Di Nino: Peut-être convient-il maintenant de poser une question à lord Williams. La discussion qui a précédé mes observations semble indiquer que le Sénat du Canada est quelque peu différent de la Chambre des lords. Nous sommes beaucoup plus politiques et certainement beaucoup plus imbus d'esprit de parti. Nous recevons une rémunération ainsi que des allocations. Je ne suis pas sûr que vous ayez eu l'occasion d'y réfléchir au moment de votre aimable visite.

Le code d'éthique de la Chambre des lords renferme-t-il des éléments qui, à votre avis, ne seraient pas applicables? Au cours de votre discussion, êtes-vous tombé sur certains aspects d'un code d'éthique éventuel qui conviendrait mieux au Sénat du Canada?

M. Williams: Je suis toujours extrêmement prudent lorsqu'il s'agit de l'expérience d'autrui. Le processus m'a simplement été décrit, je ne l'ai pas vécu. C'est très important.

Nous voulions éviter tout esprit de parti à propos du code, de son contrôle et de son application. En règle générale, les gens essaient de se comporter de façon impartiale et honorable. Nous avons très peu de sanctions. On peut citer celle stipulant que «l'honorable lord ne peut plus être entendu». Ce n'est arrivé qu'une seule fois depuis que je suis ici. Je n'ai jamais vu qui que ce soit voter sur une question d'intérêt financier personnel. Si vous avez un système beaucoup plus politisé, la possibilité de formuler des plaintes de façon indigne est beaucoup plus grande.

Le sénateur Di Nino: C'est un grave problème dont j'ai débattu avec certains de mes collègues.

M. Keith a parlé de la responsabilité d'inscrire les intérêts sur une liste ou de les déclarer. Nous ne prévoyons pas — du moins pas pour l'instant — d'englober les membres de la famille exception faite de la famille immédiate et des amis. Même pour ce qui est de la question des conjoints, et cetera, y a-t-il un critère rattaché à cette responsabilité de déclarer? Faut-il savoir ou faudrait-il avoir su?

M. Keith: Vous avez la responsabilité, en vertu du code d'éthique, de déclarer tout intérêt pertinent, financier et non financier. Le membre de la Chambre des lords a une opinion et peut discuter avec moi au sujet de ce que représente un intérêt pertinent financier ou non financier. Il a cette responsabilité, qu'il le sache ou non, du fait même d'être membre de la Chambre des lords. C'est une responsabilité des membres de la Chambre des lords.

Le sénateur Di Nino: Je comprends. Toutefois, la responsabilité n'est applicable que si le membre est au courant d'une situation donnée. Dans le cas contraire, et c'est alors que je parle du critère — une sauvegarde doit être prévue pour le protéger, particulièrement dans le cas de la Chambre des lords. Lorsque vous englobez les amis, c'est, d'après moi, un risque énorme. C'est la même chose dans le cas des membres de la famille; par exemple, un beau-frère qui possède un terrain que le gouvernement veut acheter pour y construire un nouvel aéroport ou autre chose — il faudrait davantage définir ce que signifie savoir plutôt que simplement laisser les choses se produire.

M. Williams: Si vous n'étiez pas au courant de cet intérêt, alors, il ne s'agirait plus, par définition, d'un intérêt pertinent puisqu'il ne pourrait influer ni sur votre jugement ni sur votre façon de penser. Si l'on acceptait votre argument secondaire, à savoir que vous ne vous êtes jamais donné la peine de vous informer du gagne-pain de votre conjoint, les gens vous diraient probablement: «Mon oeil, oui!»

Incidemment, dans l'intérêt de la transparence et de l'ouverture, une personne charitable a produit les renseignements contenus dans le registre concernant l'ami du sénateur Smith, et ils étaient nombreux. Cependant, je ne pense pas qu'il ait eu la moindre difficulté à se rappeler les postes de directeur qu'il occupe et je ne pense pas non plus qu'il ait eu la moindre difficulté à les déclarer.

La présidente: Sa liste d'amis pourrait être très longue.

M. Williams: Je n'en dirai pas un mot.

Le sénateur Di Nino: Changeons de sujet.

Les règlements disent que la personne devrait savoir, et non pas qu'elle doit savoir, alors il y a ici une certaine nuance qui protège la personne. C'est une chose à laquelle nous ferons face le moment venu.

M. Williams: Cela faisait partie de la discussion que nous avons eue avec un certain nombre de personnes. La moyenne d'âge des membres de la Chambre des lords est assez élevée. Ils se disent: «J'ai des enfants, des petits-enfants et des arrières-petits-enfants; j'ignore ce qu'ils font ou ce qu'ils possèdent.» Ma réponse est: «Eh bien, si vous l'ignorez, alors on ne peut concevoir que cela puisse influer sur votre travail et, en conséquence, il ne s'agit pas d'un intérêt pertinent, par définition.»

Le sénateur Di Nino: Monsieur Keith, n'arrive-t-il jamais au registraire de jouer un rôle proactif pour signaler les zones potentielles de danger à un membre de la Chambre des lords, plutôt que de laisser cette personne venir à lui? Avez-vous la latitude nécessaire pour communiquer avec cette personne et lui laisser entendre qu'elle pourrait vouloir prendre en considération votre opinion?

M. Keith: La réponse est non. Je n'ai communiqué avec les membres de la Chambre des lords que pour leur rappeler qu'ils ont l'obligation de remplir leur formulaire. De temps en temps, les membres de la Chambre oublient qu'ils doivent remplir un formulaire ou ne mettent pas leur formulaire à jour, et cetera. La Chambre des lords compte plus de 700 personnes. Il m'est impossible de savoir quels sont les intérêts de toutes ces personnes, et je ne veux pas le savoir non plus. Je n'ai aucunement l'intention de les pourchasser.

Lorsque j'ai donné mon témoignage à l'occasion de votre vidéoconférence, c'était un jour particulier où j'estimais qu'il ne m'était pas possible de circuler en toute sécurité dans le corridor sans risquer de me faire interpeller par des membres de la Chambre qui voulaient avoir un mot avec moi, ou plusieurs.

De façon générale, je n'estime pas qu'il est de mon devoir de chercher à découvrir les intérêts de ces gens et de les coincer ni même de leur suggérer de faire quoi que ce soit. C'est à eux qu'incombe la responsabilité de venir me voir. J'ai déjà suffisamment de travail sans avoir à leur courir après.

La présidente: Avant que je donne la parole au sénateur Rompkey, j'aimerais savoir ce que vous faites dans le cas des deux membres de la Chambre des lords, sur les 700, qui n'ont pas déclaré leurs intérêts?

M. Keith: Je leur écris fréquemment. Nous appliquons ce code de déontologie avec une main plutôt légère. Nous ne tenons pas à être perçus par les membres de la Chambre comme des oppresseurs ou des tyrans.

Je sais, parce que le leader l'a annoncé à la Chambre et aux comités des affaires internes des deux Chambres, qu'un examen aura lieu après les vacances d'été. Une des questions qui sera soumise à l'attention de l'organisme chargé de cet examen sera celle des deux personnes qui n'ont pas fait de déclaration.

La présidente: Les deux intransigeants.

M. Keith: Je ne peux dire cela.

Je serais très heureux de placer cette question dans son contexte. Lorsque je suis entré en fonction à la fin de septembre dernier, 28 membres de la Chambre ne s'étaient pas conformés, pour une raison ou pour une autre, à leurs obligations de déclarer leurs intérêts. La première chose que j'ai faite, c'est de leur faire parvenir une lettre.

Environ six personnes ont répondu à cette lettre en disant: «Mon Dieu! Je suis terriblement désolé, j'avais complètement oublié» ou «Oui, je savais que je devais le faire, mais je n'en ai jamais eu le temps. Merci de me l'avoir rappelé.» Cela a permis de réduire le chiffre. Une deuxième lettre, envoyée juste avant Noël, a fait baisser le chiffre à moins de dix. Et d'autres lettres ont permis de réduire ce chiffre à deux.

Il s'agit de travailler en douceur et avec calme sans abandonner. Ultimement, si je le voulais, je pourrais aller devant le sous-comité et dire qu'il y a deux membres de la Chambres des lords qui n'ont simplement pas répondu à mes lettres ou qui ne respectent pas leurs obligations. Je ne nommerai pas ces personnes, et, à ma connaissance, lord Williams lui- même ignore leur nom, mais toute personne un tant soit peu débrouillarde peut découvrir leur identité. Il suffit d'aller sur l'Internet et de comparer les 708 noms qui figurent sur une page aux 710 noms de la page suivante où figurent tous les membres de la Chambre des lords.

Le sénateur Rompkey: Le sénateur Di Nino a très bien décrit les différences entre la Chambre des lords et le Sénat. En gardant à l'esprit les différences qu'il a soulignées, j'aimerais revenir sur la question de savoir si le commissaire à l'éthique devrait être nommé par voie législative ou par voie de résolution. J'ai trouvé intéressantes les observations de M. Keith, qu'il avait formulées antérieurement et qu'il a répétées aujourd'hui, au sujet des craintes de la Chambre des communes britanniques face à une sorte de contrôle judiciaire et qu'en conséquence, un commissaire nommé par voie de résolution était préférable à un commissaire nommé par voie législative.

Comme l'a dit le sénateur Milne, le projet de loi que nous avons à étudier porte sur un commissaire nommé par voie législative. Que nous sachions pour l'instant, à moins qu'il y ait certaines modifications que nous ignorons, la Chambre des communes nous confiera l'étude de son projet de loi, comprenant ce commissaire nommé par voie législative. Alors, comme l'a dit le sénateur Di Nino, nous, qui sommes payés à même les deniers publics, et mieux que le Canadien moyen, et qui, par conséquent, sommes tenus de faire preuve du sens des responsabilités et d'une certaine transparence, si nous procédons à une nomination par voie de résolution, comme nous l'avons fait, nous devrons expliquer au peuple canadien en quoi notre chambre est différente, non seulement de la Chambre des communes, mais également de la plupart des autres législatures au pays, tout en gardant à l'esprit que nous ne sommes pas nécessairement la Chambre la plus populaire auprès de l'ensemble de la population du Canada. Des gens tentent d'abolir le Sénat depuis 1867 et il y en a qui cherchent toujours à le faire.

Voilà pour le contexte. Je sais, lord Williams, comme vous l'avez dit, que vous ne voulez pas nécessairement faire des observations au sujet d'autres chambres dont vous n'avez entendu parler que par inférence. Cependant, j'aimerais vous entendre discuter de la situation dans laquelle nous nous trouvons.

Est-ce que la question du contrôle judiciaire accompagnant une nomination par voie législative est à ce point sérieuse que nous devions craindre cette idée? Certains commissaires provinciaux nous ont dit, dans leur témoignage, qu'il s'agit effectivement d'une possibilité, mais d'une possibilité plutôt lointaine.

M. Williams: J'aimerais répondre par une question: «Quel est le mal, réel ou perçu, que le remède est censé guérir?» Il se pourrait très bien que la perception compte tout autant que la réalité. Si le public canadien s'estime mécontent face à une nomination par voie de résolution et s'il préfère une nomination par voie législative, alors, il me semble que, politiquement et de manière pragmatique, il faudrait répondre à cette préoccupation en ayant recours à une nomination par voie législative plutôt que par voie de résolution.

En fait, il n'y pas eu un grand mouvement de l'opinion publique au sujet de la Chambre des lords. C'est moi qui ai lancé l'idée parce que je pensais que nous devions mettre de l'ordre dans nos affaires. Par conséquent, j'ai examiné le mal, réel ou perçu, et nous avons essayé de trouver un remède proportionnel.

Pour parler franchement, je ne pense pas que les juges se réjouiraient à l'idée qu'il y ait une source possible de conflit ou d'irritant entre le pouvoir judiciaire et le Parlement souverain. Je crois que nous avons un remède proportionnel et si l'expérience devait démontrer qu'il ne fonctionne pas, nous devrons réexaminer la question, mais je doute fort que nous ayons besoin d'emprunter la voie législative qui ouvre la porte à l'intervention des cours de justice.

C'est le mieux que je puisse vous dire. Si le public n'est pas satisfait par ce qu'il perçoit comme une mesure qui ne tient pas debout, il n'y a alors aucune raison, politiquement, de vouloir garder cette mesure, parce que vous retrouvez dans la pire des situations.

La chose que nous voulions éviter par-dessus tout, c'est que les gens s'en servent comme d'un moyen pour marquer des points du point de vue politique; c'est pourquoi la plainte, en première instance, doit se faire en privé. Un certain nombre de plaintes ont été formulées à l'endroit de membres de la Chambre des communes par pure malice. Les grands titres en ont parlé pendant deux ou trois jours. Par contre, le fait que la plainte a été rejetée ou jugée sans fondement n'a jamais fait les manchettes.

Le sénateur Rompkey: Peut-être M. Keith voudrait-il commenter l'attitude de la Chambre des communes et la raison pour laquelle elle craignait la nomination d'un commissaire par voie législative.

M. Keith: J'aimerais citer brièvement certains passages choisis du rapport récent publié sur les normes de conduite à la Chambre des communes, préparé par ce qui est maintenant devenu un organisme permanent au Royaume-Uni, le Committee on Standards in Public Life. Il s'agit d'un comité permanent qui veille non seulement sur les normes de conduite à respecter au Parlement, mais également sur toutes les normes régissant la vie publique. Ce comité a poursuivi le travail sur les normes de conduite à respecter à la Chambre des communes en mettant un accent particulier sur la question de savoir si le commissaire responsable de ces normes de conduite devrait être nommé de manière externe ou s'il devrait être un fonctionnaire de la Chambre.

J'ai cité plus tôt le greffier de la Chambre qui a quitté son poste récemment; il disait que si nous commençons à exposer certains aspects de la souveraineté de la Chambre au contrôle judiciaire, le mouvement fera tache d'huile et les juges, d'une manière tout à fait rationnelle, de la façon dont ils voient les choses, s'immisceront de plus en plus profondément au coeur du processus de décision parlementaire. Cela pourrait entraîner une perte potentielle, en multipliant le nombre de chars d'assaut judiciaires sur les pelouses du Parlement. C'est la première face de la médaille.

Le revers de la médaille, c'est, je pense, le point de vue que les rédacteurs de ce rapport préféraient et je pense qu'il est de nature à vous apporter un certain réconfort. Ces gens citent des universitaires, des avocats et d'autres personnes qui disent qu'une nomination externe ne viendrait pas nécessairement miner le principe de la souveraineté parlementaire. Ils sont d'accord pour dire que le Parlement est souverain au sens où il constitue l'organe législatif suprême, mais ils ont laissé entendre que le système pour juger si les membres du Parlement sont aptes à prendre part à ce processus législatif peut effectivement être séparé de la souveraineté du processus législatif et de la doctrine du privilège parlementaire qui en découle.

Ensuite, ils citent diverses personnes qui disent que si vous regardez le monde extérieur, c'est un fait que l'on tient maintenant pour acquis qu'il y a un élément d'indépendance dans les questions liées à des plaintes et à des processus disciplinaires. Ils ont cité, par exemple, l'Association médicale britannique et diverses autres associations professionnelles.

Ils ont résumé le tout en disant que même au Royaume-Uni, le Parlement légiférera, jusqu'à un certain point, un système de réglementation externe pour les gouvernements locaux. Ils citent Peter Preston du The Guardian qui dit:

[...] des centaines de conseillers locaux [...] ont largement approuvé le genre de disciplines qui ont été pratiquées. Ils estiment qu'ils travaillent au nom du public et que cela a eu des effets bénéfiques sur leurs rapports avec leurs commettants.

Je conclurais en vous disant qu'il y a, parmi les greffiers et les gens comme moi, des craintes pour la souveraineté de la Chambre et la question du privilège, mais peut-être que dans le monde réel d'aujourd'hui, il est plus acceptable pour le grand public, et peut-être même pour les membres du Parlement, de recourir à une nomination externe.

Le sénateur Rompkey: Quelles sont les données à l'appui présentées par ceux qui craignent un contrôle judiciaire sur le Parlement? Y a-t-il beaucoup de données sur cette question?

M. Williams: Non, il n'y en a jamais, d'après mon expérience, pour ce genre de choses. Je pense qu'il s'agit simplement d'un sentiment. Il n'y a pas de données réelles. Pour revenir sur le point qu'a fait valoir le sénateur Kroft, si vous parvenez à faire fonctionner les choses en utilisant une douceur raisonnable, à quoi servirait l'artillerie lourde?

Le sénateur Murray: Lord Williams, y a-t-il un code distinct qui s'applique à vous à titre de ministre de la Couronne?

M. Williams: Oui. On vous le remet le jour de votre entrée en fonction. On vous dit ce que vous devez faire et ce que vous ne devez pas faire. Ce code exige de vous que vous préveniez votre secrétaire permanent de toutes les actions que vous possédez, aussi modestes soient-elles. Malheureusement, j'ai indiqué que j'avais 200 actions de British Gas, ce qui aurait bien fait mon affaire. Mais en fait, il s'agissait d'actions de British Telecom, qui est presque une société sans but lucratif comme Marconi. J'ai simplement commis une erreur. Vous ne devez pas négocier des actions ou des choses du genre. Si vous avez des Air Miles, vous ne devez pas les utiliser à des fins personnelles. Vous pouvez les donner à une oeuvre de charité ou les utiliser pour des déplacements officiels. Il y a toutes sortes de restrictions qui s'appliquent à un ministre.

Le sénateur Murray: S'agit-il d'un document public?

M. Williams: Il s'agit bien d'un document public.

Le sénateur Murray: Il serait intéressant de survoler ce document à un moment donné, bien que ce ne soit pas l'intérêt immédiat.

La présidente: Qui administre le code dans le cas des ministres? Il y a des ministres dans la Chambre des lords, bien que nous n'ayons qu'un seul ministre à l'heure actuelle au Sénat.

M. Williams: Essentiellement, ce serait votre secrétaire permanent ou le secrétaire du cabinet à titre de secrétaire permanent principal, et ce dernier pourrait très bien vous écrire et vous dire: «Êtes-vous certain d'avoir tout déclaré?»

Le sénateur Murray: Dans notre système, c'est un sous-ministre.

M. Williams: Ce serait la personne qui administre le code. Si une question était soulevée par un membre de la Chambre ou le public, de toute évidence, le secrétaire permanent se présenterait à vous et dirait: «Avez-vous des actions dans cette entreprise?» Ma réponse serait: «Non, Williams est un nom très courant au pays de Galles et il s'agit d'un autre Williams.»

Le sénateur Murray: Lorsque vous changez de portefeuille, est-ce que vous apportez votre déclaration avec vous et que vous le remettez à votre nouveau secrétaire permanent?

M. Williams: Oui, je le pense. Je pense que lorsque je suis arrivé dans mon poste actuel, après avoir quitté celui de solliciteur général, je me suis présenté au secrétaire permanent avec exactement la même déclaration. Il n'y avait absolument aucun changement.

Le sénateur Murray: Il y a un tel va-et-vient chez les ministres ici que cette information serait connue de bien des gens.

M. Williams: J'ai pour principe que s'il n'y a rien de répréhensible, alors pourquoi ne pas laisser les gens savoir, si c'est ce qu'ils veulent.

Le sénateur Murray: Hypothétiquement, y a-t-il une possibilité quelconque de conflit entre les deux codes, celui qui s'applique à vous à titre de membre de la Chambre des lords et celui qui s'applique à vous en tant que ministre de la Couronne?

M. Williams: Non. Le code ministériel est beaucoup plus rigoureux.

La présidente: Qui rédige le code?

M. Williams: C'est un document qui vient du premier ministre, un document public. Je pense que M. Major en a publié un et qu'ensuite, M. Blair en a publié un autre qui était une mise à jour du précédent et qui était probablement plus rigoureux. Si vous recevez des cadeaux, par exemple, vous devez les déclarer à votre secrétaire permanent, même s'ils sont relativement modestes. Vous ne pouvez rien garder qui dépasse la valeur de 140 livres, à moins de payer la différence vous-mêmes. Tout est scrupuleusement défini, même la classe dans laquelle vous voyagez lorsque vous voyagez aux frais du public pour remplir vos fonctions ministérielles.

Le sénateur Murray: Cela fait partie du code?

M. Williams: Cela fait partie du code ministériel.

Le sénateur Murray: Je vais m'arrêter ici, par respect pour les sensibilités.

La présidente: La personne qui exerce ce genre de vigilance au Canada est le greffier du Conseil privé.

M. Williams: Je serais très heureux, étant donné que toute ma vie je me suis efforcé d'être malicieux, de vous en faire parvenir un exemplaire.

Le sénateur Murray: Je vais peut-être le brûler.

Le sénateur Ringuette: J'écoutais attentivement pour essayer de comprendre les nombreuses différences entre la Chambre des lords et notre Sénat. À un moment donné, vous avez dit que vous vous adonniez à des activités au nom d'une industrie ou d'un secteur de l'économie. Serait-ce à titre de lobbyiste? Mon interprétation est-elle juste?

M. Williams: Oui, vous pouvez faire cela. J'ai pu voir les gens froncer les sourcils autour de la table lorsque M. Keith en a parlé. Vous pouvez certainement être un conseiller parlementaire et membre de la Chambre des lords. Vous pouvez travailler pour une entreprise de lobbyisme et être membre de la Chambre des lords également.

Le sénateur Ringuette: Au Canada, nous avons la Loi sur l'enregistrement des lobbyistes ainsi qu'un certain code de déontologie. Seriez-vous alors assujetti à un quelconque code régissant les lobbyistes dans votre Parlement?

M. Williams: Nous n'avons pas de loi sur l'enregistrement des lobbyistes de la même façon que vous en avez une au Canada et, je pense, aux États-Unis, mais les lobbyistes eux-mêmes, leurs propres associations, ont leurs codes de conduite.

Le sénateur Ringuette: Est-il également public, comme le nôtre?

M. Williams: Il est bien connu et il est accessible au public.

M. Keith: Il est important de signaler que si un membre de la Chambre des lords est employé, par exemple, par une entreprise de relations publiques qui fait du travail parlementaire, il n'aurait pas le droit de participer aux activités parlementaires se rapportant à ses propres clients. Il ne se verrait pas interdire de prendre part aux activités parlementaires générales qui concernent les clients de l'entreprise dans son ensemble. Si ses clients étaient, disons, A, B et C, il ne serait pas du tout autorisé à prendre part aux débats et aux autres activités qui concernent A, B et C, mais, évidemment, il serait parfaitement autorisé à le faire dans le cas de D jusqu'à Z, pourvu qu'il ait enregistré ses propres clients personnels de manière appropriée.

Si vous regardez notre code de conduite, il peut y avoir quelques douzaines de membres qui donnent la liste des clients personnels des cabinets d'avocats ou des firmes de relations publiques pour lesquels ils travaillent.

Le sénateur Ringuette: Dans le processus que vous utilisez, est-ce que les plaintes viennent des pairs ou du public?

M. Williams: Jusqu'ici, il n'y en a pas eu, mais vous avez mis le doigt, je pense, sur une distinction. Je pensais moi- même, et j'ai été très claire sur cette question, que quiconque fait une plainte a le droit de voir sa plainte étudiée. Le sous-comité a adopté le point de vue — encore une fois, contre mon avis — qu'il voulait que cela se fasse par l'intermédiaire d'un pair. Maintenant, je suppose que, normalement, pour toute plainte qui a un certain degré de fondement, vous pourriez trouver un pair pour présenter la plainte. Mais ce n'est pas mon point de vue. Mon point de vue, c'est que si une plainte est faite, peu importe par qui, il faudrait l'étudier. Le sous-comité et moi sommes en désaccord sur cette question.

Le sénateur Stratton: Supposons que quelqu'un formule une plainte parce qu'il vous en veut ou parce qu'il veut marquer des points contre un adversaire politique, comment empêchez-vous que cela se produise? Y a-t-il un certain niveau ou une barre à atteindre à cet égard?

M. Williams: Ils m'écrivent toujours à l'encre verte avec soulignement en rouge, et je suis sûr que c'est le cas chez vous également. En fait, ce que nous avons dit dans le code, c'est que le sous-comité examinera les allégations et décidera s'il y a lieu de poursuivre l'affaire ou de la laisser tomber. S'il s'avère que la plainte est clairement frivole, qu'elle provient, disons, de la Société de la terre plate, alors, elle sera rejetée. Cependant, j'insiste pour dire que nous n'en avons pas eu jusqu'ici parce que ce processus est en place depuis à peine plus d'un an.

Le sénateur Stratton: Nous avons entendu le témoignage du commissaire de la province de l'Ontario. Il était en poste depuis trois ans et il avait entendu une douzaine de plaintes, dont une qui s'est révélée fondée et où il a dû intervenir. Les autres plaintes ont essentiellement été écartées. Il propose des modifications au code de manière à exiger que l'on atteigne un certain niveau.

Bien qu'il soit merveilleux que vous n'ayez connu aucune difficulté, la première chose à laquelle nous pensons, c'est que nous sommes politisés. Cela pourrait être la différence fondamentale que je vois; peut-être, pourriez-vous nous en dire davantage sur cette question. Inévitablement, cela finira par faire surface. Je ne pense pas que cela proviendrait de quelqu'un qui fait partie de la même Chambre, mais le public pourrait vous pointer du doigt. L'attention des médias est braquée sur vous et, malheureusement, vous êtes coupable, que la plainte soit fondée ou non. C'est la perception qui prévaut. Pourriez-vous nous parler davantage de cette question?

M. Williams: Il est vrai que les plaintes non seulement futiles, mais apparemment sérieuses, politiquement motivées et malhonnêtes représentent un danger bien réel.

La Chambre des communes a déjà été saisie de telles plaintes. De nombreux députés en sont restés amers, parce que c'est l'allégation qui reste gravée dans la mémoire des gens, pas son caractère insignifiant. Nous n'avons pas eu de problèmes jusqu'ici. Il est facile d'écarter les plaintes qui sont futiles ou insignifiantes. Il est plus difficile de le faire quand les plaintes sont sérieuses. C'est pour cette raison que nous avons précisé, dans le code, que la plainte — du moins, au début — doit être traitée de manière confidentielle. C'est une façon de procéder parmi d'autres. On ne peut pas empêcher la personne qui porte plainte d'en parler publiquement. Toutefois, on peut exiger que des sanctions soient imposées en vertu du droit de la diffamation, si besoin est.

La présidente: Je tiens à préciser que le comité de l'autre endroit s'est penché sur certaines de ces questions. Il a l'intention de proposer des changements aux dispositions qui régissent les plaintes frivoles, vexatoires et de mauvaise foi, pour qu'il soit plus facile de les écarter.

Le sénateur Fraser: Monsieur Keith, j'ai beaucoup réfléchi au rôle que vous jouez et, plus j'y pense, plus je trouve que votre fardeau est lourd, en raison de l'importance extraordinaire, dans certains cas, du pouvoir discrétionnaire que vous devez exercer quand vient le temps de décider si une plainte est fondée ou pertinente. Je peux comprendre, vu votre désir de souplesse, que l'on considère tous ces facteurs comme faisant partie intégrante du système. Or, vos décisions témoignent de l'importance de la jurisprudence. Vous voulez en fait qu'elles fassent ressortir l'importance de celle-ci. Toutefois, pendant que vous exercez votre pouvoir discrétionnaire, vous établissez également, sur une base confidentielle, des précédents qui auront un effet contraignant sur les autres cas qui pourraient se présenter.

D'abord, est-ce que cela peut donner lieu à des conflits? Je suppose que le problème ne s'est pas encore posé puisque le système est nouveau, mais pensez-vous qu'avec le temps, il pourrait y avoir des conflits?

M. Keith: Je ne sais pas. Quand un député vient me voir, c'est comme s'il rendait visite à un dentiste. Il s'attend à être bien traité, et ce, peu importe l'heure de la journée. Vous ne pouvez pas lui dire que vous avez eu une longue journée et que vous êtes fatigué. Vous devez lui donner la réponse exacte, et rapidement.

C'est un fardeau en ce sens que je ne peux pas, pendant que l'on s'affaire à établir la jurisprudence, déléguer cette tâche à d'autres. Il faut faire preuve de cohérence. Les députés doivent pouvoir obtenir des conseils de qualité, peu importe l'heure de la journée, et peu importe la personne qui les sollicite. Je suppose qu'on peut rejeter la responsabilité sur lord Williams et moi-même. Quand le code de déontologie a été rédigé, il n'occupait pas son poste actuel, et moi non plus.

Nous avons jugé bon de renforcer le rôle du registraire, de lui donner ce pouvoir, afin d'encourager les députés à respecter le code. Nous voulions qu'il ait certains pouvoirs, parce que nous voulions que les députés se conforment au code. Les efforts déployés en 1995 en vue d'imposer un code de déontologie à la Chambre des Lords n'ont pas porté fruit parce que le comité qui se penchait là-dessus à l'époque n'était pas convaincu que, même s'il recommandait la mise en place d'un registre, les députés divulgueraient leurs intérêts. La composition de la Chambre a beaucoup changé entre 1995 et 2002, mais le code de déontologie n'a été adopté que par une marge de trois voix.

L'ancien président du sous-comité chargé de surveiller les activités du bureau du registraire avait exprimé des inquiétudes au sujet du rôle de ce dernier. Il était d'avis qu'on ne pouvait pas imposer un fardeau si lourd à une seule personne. C'était un ancien juge. Le fait est que nous en sommes là. Le système fonctionne. Nous devons être pragmatiques.

Il y a un danger, effectivement. Je compte dire au comité d'examen, à l'automne, qu'il y a de fortes chances que je me retrouve le bec à l'eau. J'ai des obligations envers les juges. Nous avons des devoirs judiciaires — j'en ai beaucoup. Je ne suis pas toujours assis à mon bureau quand un député appelle pour avoir des conseils. De plus, quand je passe deux ou trois heures tous les jours à donner des conseils sur le registre, je ne peux pas être présent dans la salle de tribunal ou auprès des juges. Tout ce que je peux dire, c'est que, pour l'instant, le système fonctionne. Lord Williams affirme qu'il n'y a pas de problèmes. Je suis bien content de l'entendre. Il serait le premier à recevoir des plaintes, en tant que leader à la Chambre. Nous allons procéder par étapes, et voir ce qu'il convient de faire.

Le sénateur Fraser: Étant donné que cette jurisprudence est établie essentiellement dans le secret, vu que la question ne concerne que vous et le député intéressé, si vous décidez que certains intérêts n'ont pas à être déclarés, n'ont pas à être divulgués, ils ne le seront pas. Vous pouvez ensuite donner, en vous fondant sur le précédent qui a été établi, le même conseil à plusieurs autres personnes.

Qu'arrive-t-il si le sous-comité reçoit une plainte, se penche sur un des cas que vous avez tranché, et décide que vous vous êtes trompé? Est-ce qu'il annule la décision, du moins pour l'avenir? Je sais qu'un précédent a été établi. Est-ce que le sous-comité doit exonérer le député, ou doit-il s'en tenir au fait que vous avez décidé qu'un tel comportement était acceptable et qu'on ne peut rien faire pour changer la situation en raison de la décision qui a été rendue?

M. Keith: Nous aurions déjà, dans un monde parfait, codifié la jurisprudence. Les rédacteurs du code de déontologie ont toujours pensé que les décisions seraient codifiées, qu'un guide définissant les grands principes du code serait préparé à l'intention des députés, du sous-comité, du registraire. La Chambre des lords, à Westminster, dispose déjà d'un tel document, puisqu'elle y travaille depuis plus longtemps que nous. Elle a publié un code de déontologie de deux pages qui définit les grands principes, ainsi qu'un guide sur les règles qui régissent la conduite des députés — ce guide compte environ 80 pages. Il comporte un glossaire, des commentaires, des explications. J'espère que nous serons en mesure nous aussi de publier un tel document très bientôt. Ensuite, si, comme vous l'avez mentionné, si le sous-comité veut changer ou annuler la décision qui a été donnée, il pourra le faire.

Le sénateur Fraser: Est-il possible d'avoir une copie de ce guide, madame la présidente?

M. Keith: Voici le guide qui s'applique à la Chambre des communes de Westminster. Vous pouvez l'avoir.

Le sénateur Fraser: J'aimerais également voir le questionnaire que vous distribuez aux députés de la Chambre.

M. Keith: Je peux vous remettre tous ces documents maintenant.

La présidente: Quand vous aurez fini de répondre aux questions, monsieur Keith, nous verrons à ce que les députés reçoivent ces documents.

Quand vous cessez d'occuper le poste de registraire et que quelqu'un d'autre vous remplace, qu'arrive-t-il à cet ensemble de décisions que vous avez rendues privément, et que le nouveau registraire ne connaît pas?

M. Keith: Comme je l'ai dit, j'espère que tout cela sera consigné dans un document, c'est-à-dire un énoncé de droit détaillé que nous pourrons remettre au successeur. D'après le leader à la Chambre, le comité d'examen compte se pencher là-dessus à l'automne. Comme je l'ai indiqué, si je n'avais pas d'autres tâches à remplir, je m'absenterais pendant un mois afin de rédiger ce document.

Le sénateur Joyal: Vous avez dit, plus tôt, que vous aviez 700 pairs. Est-ce exact?

M. Keith: Oui.

Le sénateur Joyal: Combien d'employés de soutien avez-vous?

M. Keith: J'aurais préféré que vous ne posiez pas la question. Je peux vous donner la réponse, car j'ai dû fournir ce renseignement à la Chambre des lords et, plus important encore, aux fins des comptes publics, qui sont publiés tous les ans, en juillet. Le bureau du registraire ne compte que deux personnes: le registraire et le secrétaire.

Le sénateur Joyal: Vous êtes seul, avec votre secrétaire, à vous occuper de 700 pairs.

M. Keith: C'est exact. Toutefois, en tant que commis judiciaire, j'ai une équipe de 28 personnes qui travaille pour moi.

Le sénateur Joyal: Oui, mais dans le cadre de vos autres fonctions.

M. Keith: C'est exact.

Le sénateur Joyal: Nous essayons de comprendre l'importance du rôle que vous remplissez à titre de registraire, aux fins du code de déontologie. Combien d'employés compte votre bureau, et à combien s'élève votre budget?

M. Keith: Le bureau ne compte que deux personnes, c'est-à-dire le registraire et le secrétaire.

Le sénateur Joyal: Si vous n'aviez que 105 pairs, vous arriveriez à remplir vos tâches avec un seul employé de soutien.

M. Keith: Oui.

Le sénateur Joyal: Sans difficulté?

M. Keith: Sans difficulté.

Le sénateur Joyal: Concernant la déclaration de lord Williams, vous avez piqué ma curiosité quand vous avez dit que si un lord venait vous voir et vous disait qu'il ne sait pas ce que possède son gendre ou son petit-fils, vous lui diriez: «Si vous ne le savez pas, ce n'est pas grave.» Le problème — et je dis cela très poliment, très humblement — c'est que le code englobe un critère objectif pour décider de la pertinence de déclarer des intérêts. Ce critère objectif, comme vous l'avez vous-même dit dans votre déclaration, c'est ce qui est raisonnablement perçu par le public comme étant important.

Je vois que vous riez. Je pense que vous voyez où je veux en venir. Cela veut dire qu'une personne ne peut plaider l'ignorance, comme moyen de défense, à l'égard du critère objectif puisqu'une personne raisonnable, placée dans la même situation, partirait du principe que vous devez connaître la réponse. Comment pouvez-vous appliquer le critère énoncé dans le code et, en même temps, faire preuve de souplesse dans un tel cas?

M. Williams: C'est très simple. Une personne raisonnable, c'est une personne qui connaît la nature des intérêts en question. La nature de mes intérêts, si je ne sais pas ce que ma fille possède, est nulle. Si je ne sais pas qu'elle possède des actions ou des terres, si je ne connais pas la nature de ses intérêts, la personne raisonnable serait obligée de conclure que je ne peux absolument pas être influencé par quelque chose que je ne connais pas.

Prenons l'exemple d'un politicien bien connu dont le fils travaille pour une entreprise qui a reçu des contrats du gouvernement — et je lis les journaux, le Globe and Mail. On pourrait très bien dire: «Nous n'acceptons pas le fait que vous ne soyez pas au courant.» Toutefois, si vous n'êtes au courant de rien, vous ne pouvez pas être influencé par les intérêts en question.

Le sénateur Joyal: Autrement dit, le critère est appliqué de façon subjective puisqu'il est question ici de la situation d'une personne possédant le même statut. On revient à l'idée que, si on ne sait rien, on ne peut être influencé par ces questions lors d'un vote ou d'un débat. Toutefois, puisque l'objectif du code est la transparence, comme vous l'avez mentionné, et nous sommes tous d'accord là-dessus, le public doit avoir l'assurance — surtout quand vous comptez un très grand nombre de parents et d'amis — qu'une personne placée dans la même situation sait que les intérêts en question peuvent influencer la façon dont elle exerce ses fonctions. Il est question ici de perception, et pas uniquement, sur le plan pratique, d'influence.

Je me trompe peut-être, mais je pensais que le critère utilisé était la perception du public. Autrement dit, ce qui importe, ce n'est pas nécessairement le fait qu'il y ait conflit d'intérêts, mais plutôt la perception qu'a le public, à savoir que le parlementaire affirme qu'il n'est pas influencé par l'intérêt en question, sauf qu'une personne placée dans la même situation aurait, elle, été au courant de l'existence d'un tel intérêt.

M. Williams: Toutefois, on ne peut pas être influencé par quelque chose qu'on ne connaît pas. Ce concept n'est pas applicable. Si ma femme reçoit en héritage 5 millions de livres, qu'elle ne me dit rien, qu'elle les place sans ne rien dire — que je ne suis même pas au courant de l'existence de cet argent...

Le sénateur Fraser: Vraiment? Vous partez du principe que le public n'aurait aucun mal à croire que vous n'étiez pas au courant d'une telle chose.

M. Williams: Bien entendu. Ensuite, la plainte serait déposée et le sous-comité l'examinerait. Il nous interrogerait tous les deux. Ma femme pourrait dire: «J'ai un fonds fiduciaire sans droit de regard dans les îles Cayman et mon mari n'en sait rien. C'est pour cette raison que j'ai placé mon argent dans ce fonds, parce que je ne voulais pas qu'il soit au courant.»

Il ne suffit pas d'avoir des soupçons. Cela peut suffire pour déposer une plainte, mais vous devez ensuite rendre une décision — en fait, est-ce qu'il le savait, oui ou non? Je ne sais ce que possèdent tous mes amis. Toutefois, j'en ai un qui est propriétaire d'une société cinématographique. Je le sais. Toutefois, je ne sais pas s'il possède des actions dans d'autres sociétés, et je ne pense pas que cela pose problème.

Une de mes des pairs m'a dit qu'elle avait été directrice d'un collège à Oxford pendant des années, qu'elle avait de nombreux amis partout dans le monde avec qui elle était en contact. Elle a dit: «Je ne sais pas quels sont leurs intérêts. Ils vivent dans des endroits éloignés comme l'Australie et Ottawa.» Si elle ne sait rien, on ne peut raisonnablement penser qu'il y a là conflit d'intérêts.

La présidente: Je devrais peut-être préciser que certains de ces problèmes ne se poseront pas, parce que le code proposé pour le Sénat s'inspire du rapport Milliken-Oliver. Il n'était pas question dans ce rapport — nous avons longuement discuté de la question de savoir si certains intérêts sont pertinents ou non. Ils ont décidé de ne pas aborder ce point parce que tous les intérêts privés, comme le définit le rapport, seraient divulgués. Tous les intérêts, sauf ceux qui figurent sur la liste, seraient rendus publics. Donc, que ces intérêts soient pertinents ou non, le code proposé n'en fait pas mention.

Le sénateur Joyal: Votre code de déontologie traite essentiellement des principes et, bien entendu, du registre.

La présidente: Sénateur Joyal, vous pourriez peut-être poser cette question privément, plus tard. Il est 18 heures.

Avant de clore la réunion, je tiens à remercier nos témoins d'être venus de si loin. La discussion a été fort intéressante.

M. Williams: Elle a été fort intéressante et fascinante. Nous avons tous des problèmes identiques à régler, sauf que les solutions que nous appliquons ne sont pas toutes les mêmes. Nous ne devrions pas essayer d'appliquer les mêmes solutions.

La séance est levée.


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