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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie


Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 27 novembre 2002

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie, auquel a été renvoyé le projet de loi C-8 visant à protéger la santé et la sécurité humaines et l'environnement en réglementant les produits utilisés pour la lutte antiparasitaire, se réunit aujourd'hui à 15 h 45 pour en faire l'étude.

Le sénateur Marjory LeBreton (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, les témoins que nous entendrons aujourd'hui représentent l'Association canadienne du droit de l'environnement, le Collège des médecins de famille de l'Ontario et l'Association canadienne des médecins pour l'environnement.

Madame Kasperski, vous avez la parole.

Mme Jan Kasperski, directrice générale du Collège des médecins de famille de l'Ontario: Honorables sénateurs, le Collège des médecins de famille de l'Ontario a été institué il y a environ cinquante ans aux fins premières de normaliser l'exercice de la médecine familiale et de voir à l'établissement de programmes de résidence au Canada. Au cours des années, nous sommes restés très proches de ces racines académiques. Encore aujourd'hui, nous nous investissons beaucoup dans l'éducation des étudiants en médecine, des résidents en médecine familiale et des médecins de famille traitants.

Il y a dix ans environ, Santé Canada publiait un sondage montrant que les Canadiens considéraient leur médecin de famille comme la source d'information la plus digne de foi en matière de santé et d'environnement. Le sondage soulignait le rôle clé que jouent les médecins de famille lorsqu'il s'agit de prévenir, d'évaluer et de traiter l'exposition aux divers contaminants environnementaux. Cependant, nos membres signalaient aussi un manque de connaissances en ce domaine. Le CMFO a donc mis sur pied un comité de santé environnementale afin d'éduquer la profession médicale en lui fournissant les preuves nécessaires pour mieux comprendre les questions reliées à l'environnement et à la santé.

Au cours des années qui ont suivi, notre comité a entrepris de nombreux travaux de recherche et projets éducatifs répondant à une vaste gamme de préoccupations et de problèmes environnementaux.

En 1996, le comité a amorcé un examen de la documentation sur les pesticides. Après avoir pris connaissance de plus de 300 études, il est arrivé à la conclusion que les effets nocifs des pesticides sur la santé sont indéniables. Les résultats de cet examen ont été présentés dans un bulletin rédigé en langage simple à l'intention des médecins de famille et dans une brochure qui a été largement distribuée au grand public et à tous les niveaux du gouvernement.

Par le biais de notre bulletin et de campagnes de sensibilisation subséquentes, nous avons demandé aux médecins de famille d'être vigilants quant à la possibilité d'une toxicité aiguë ou chronique des pesticides. Nous leur avons aussi demandé d'éduquer leurs patients au sujet des problèmes de santé que nous savons être causés par les pesticides. Nous les avons incités à agir dans leurs propres collectivités en exerçant des pressions sur les propriétaires, les commerces locaux, les écoles et les municipalités en faveur de mesures de rechange aux pesticides.

Nous avons publié il y a deux ans, en collaboration avec notre partenaire, l'Association canadienne du droit de l'environnement, une étude intitulée «L'établissement de normes environnementales et la santé des enfants». Plus récemment en Europe, l'Organisation mondiale de la santé a rendu publique une étude intitulée «La santé des enfants et l'environnement: un examen des données». Ces deux études font ressortir que l'exposition aux pesticides présente toute une gamme d'effets possibles sur la santé des enfants. Les enfants sont exposés à des niveaux de plus en plus élevés de pesticides et risquent beaucoup plus que les adultes d'en ressentir des effets nocifs. Cette plus grande exposition vient du fait que les enfants vivent plus près du sol. Ils se roulent dans l'herbe et ils s'assoient sur des tapis contaminés. De plus, ils portent souvent leurs mains à leur bouche, un comportement que la plupart d'entre nous avons délaissé en grandissant. Leurs habitudes alimentaires font qu'ils ingèrent plus de nourriture et d'eau que les adultes proportionnellement à leur poids, et leur régime est beaucoup moins diversifié.

Comme leur corps est encore au stade du développement, les foetus, les nourrissons et les enfants sont beaucoup plus sensibles que les adultes aux substances toxiques. Ils absorbent plus de toxines et ne sont pas à même de les métaboliser ou de les éliminer aussi efficacement que les adultes. Comme leur barrière hémato-encéphalique et leur système immunitaire ne sont pas encore à maturité, ils ne sont guère en mesure de les protéger. Ces études mettent toutes deux en relief le manque d'expérimentation toxicologique appropriée et la déficience des processus de réglementation, qui négligent de protéger les enfants contre les dangers posés par pesticides.

Je n'irai pas par quatre chemins: l'objectif des pesticides est de tuer. Pour ce faire, ils perturbent les fonctions des cellules. S'ils peuvent perturber les fonctions cellulaires des animaux et des végétaux, ils peuvent aussi dérégler les fonctions cellulaires des humains.

Pour illustrer les dommages que peuvent causer les pesticides, je vais vous décrire leurs effets sur le cerveau et sur les fonctions de reproduction. Le cerveau humain possède 100 milliards de neurones et un nombre exponentiellement plus considérable de synapses. Ces dernières relient les divers neurones dans le cerveau. Entre la conception et l'âge de deux ans, le cerveau se développe et change de façon radicale. Les connexions entre les cellules nerveuses s'établissent et se spécialisent durant cet intervalle. C'est à ce moment-là que nous commençons à voir se différencier et se développer les cellules nerveuses spécialisées. Ce processus de changement, de spécialisation et de mise en place des synapses est complété avant l'âge de deux ans et il forme le système de câblage du cerveau. S'il y a une interférence quelconque au cours de cette période, nous commençons à déceler des problèmes de motricité globale et de coordination des mouvements ainsi qu'une incapacité de traiter des informations simultanées et de s'adapter à de nouveaux milieux.

La recherche animale révèle que les souris et les rats exposés aux pesticides domestiques communs — surtout à ceux qui sont considérés comme relativement sûrs et à des concentrations qui, à notre connaissance, ne présentent pas de toxicité évidente — manifestent une réduction du nombre de cellules cérébrales, des changements permanents au niveau des neurotransmetteurs, une déficience de la signalisation intercellulaire et des comportements hyperactifs qui persistent à l'âge adulte.

À travers toute l'Amérique du Nord, nous constatons un accroissement rapide et marqué des taux d'autisme et d'hyperactivité avec déficit de l'attention. Ces problèmes sont vraisemblablement liés à l'augmentation des pesticides. Nous constatons en outre une multitude de problèmes de la mémoire et de l'attention moins graves, qui peuvent néanmoins affecter les capacités d'apprentissage, ainsi qu'une incapacité à développer les aptitudes nécessaires pour établir des rapports sociaux et former des relations personnelles.

Afin d'évaluer la rançon des pesticides en termes de risques pour la santé, nous devons tenir compte des coûts associés à la santé et à l'éducation des enfants dont les fonctions cérébrales ont souffert d'une exposition. Dans une perspective démographique, une réduction de cinq points seulement du quotient intellectuel de la population en général aurait pour résultat d'augmenter de 57 p. 100 le nombre de personnes dans la catégorie des déficients intellectuels et de réduire, de 57 p. 100 également, le nombre de personnes dans la catégorie des surdoués. Comme ces derniers sont les individus capables d'innovation dans notre économie fondée sur le savoir, il est judicieux du point de vue économique de protéger le cerveau de nos enfants.

Les organes principaux du corps humain se forment entre la troisième et la huitième semaine de gestation. C'est le moment où les pesticides semblent avoir l'effet le plus marqué. C'est aussi la période pendant laquelle la plupart des femmes ne savent pas encore qu'elles sont enceintes et ne prennent pas de précautions pour se protéger. Des recherches entreprises en Californie et en Ontario montrent un taux accru d'avortements spontanés, en particulier de foetus difformes, parmi les femmes vivant sur les fermes qui ont été exposées aux pesticides avant de concevoir et pendant cette période critique de la troisième à la huitième semaine.

Une étude faite à Montréal révèle des taux élevés de leucémie chez les enfants dont la mère s'est servie de pesticides dans la maison et au jardin durant la gestation. Les enfants ayant un certain sous-type génétique qui engendre l'incapacité de transformer les pesticides sont particulièrement à risque. Trente-six pour cent des enfants canadiens ont ce sous-type et de ce fait, sont plus vulnérables aux effets néfastes des pesticides, y compris le cancer.

Les pesticides sont impliqués dans toute une gamme de problèmes de santé. Cependant, l'industrie continue à affirmer que les résultats scientifiques sont exagérés et que les recherches ne sont pas menées de façon assez rigoureuse. Nous admettons que, dans certains cas, notre information sera restreinte. En l'absence d'information garantissant la sécurité des pesticides, nous nous devons d'être prudents.

Récemment, les insectifuges contenant du diéthyl-toluamide (ou DEET) ont été retirés sans tambour ni trompette du marché des produits à l'usage des enfants. Mais pendant 20 ans, nous avons exposé nos enfants à des produits qui n'auraient jamais dû être approuvés.

Distribuer un produit et attendre ensuite passivement que la preuve soit faite qu'il pose un danger n'est pas une façon acceptable de procéder. C'est pour cette raison que le Collège des médecins de famille de l'Ontario est heureux que le gouvernement présente ce projet de loi. Nous souhaitons l'intégration du principe de précaution dans toutes les facettes du projet de loi, et nous sommes heureux de voir des définitions sans équivoque de ce qui représente des «risques acceptables». Il est impératif que l'on interprète l'expression «certitude raisonnable qu'aucun dommage à la santé humaine» comme l'obligation pour l'industrie de démontrer la sûreté d'un produit, et non pas l'obligation pour les chercheurs d'en prouver le danger.

Nous demandons aussi que soit incorporée dans le processus l'obligation pour les professionnels de la santé de signaler toute incidence d'effets nocifs. Un tel système existe depuis longtemps en Grande-Bretagne, en Afrique du Sud et en Californie. Les processus d'homologation et de retrait d'homologation d'un produit doivent être basés sur cette information, de même que sur des preuves équilibrées fournies par chercheurs scientifiques dignes de foi, qui ne sont pas à la solde de l'industrie. Le gouvernement et l'industrie y gagneront tous deux s'il existe un processus transparent qui comprend une évaluation des risques menée de façon impartiale.

Afin de renforcer davantage le projet de loi, il faudrait stipuler clairement que l'intention générale de la mesure est de réduire l'usage des pesticides de façon générale et d'accroître l'utilisation de produits de rechange à faible risque. La méthode prévention-pollution-prévention doit être clairement énoncée dans le projet de loi. Il faudrait aussi consacrer une disposition spéciale à l'usage cosmétique des pesticides sur les pelouses et aux autres usages non essentiels.

Il faut que tous les produits soient clairement étiquetés pour que les gens sachent à quoi ils s'exposent lorsqu'ils s'en servent. La transparence de l'information et la participation du public au processus d'examen fera beaucoup pour rassurer la population et montrer que le gouvernement fait absolument tout en son pouvoir pour protéger l'environnement et leur santé, surtout celle des citoyens les plus vulnérables, nos enfants.

Dans la documentation que nous vous avons présentée, il y a des dessins faits par des enfants mexicains. Certains de ces enfants ont été protégés contre l'exposition aux pesticides, d'autres non. Les dessins parlent d'eux-mêmes. D'après les détails observés dans les dessins des enfants de quatre et cinq ans non exposés aux pesticides, il est évident qu'ils essayaient de dessiner des personnes. Quant aux gribouillages produits par les enfants exposés, ils démontrent les limites de leurs capacités cognitives. Ces limites les affecteront toute leur vie. Nous ne voulons pas que cela arrive aux enfants canadiens.

M. Kapil Khatter, directeur exécutif, Association canadienne des médecins pour l'environnement: Honorables sénateurs, nous disposons maintenant d'un projet de loi qui a été beaucoup amélioré depuis qu'il a été soumis pour la première fois, mais qui présente encore de nombreuses lacunes. Il n'établit pas un solide principe de précaution comme assise. Il ne va pas assez loin dans la protection des enfants au sein d'autres populations vulnérables. Il comporte trop de restrictions à l'accès à l'information par le grand public. En ce qui concerne la collecte des renseignements dont nous avons besoin pour nous assurer que les pesticides ne nuisent pas à la santé de nos enfants et de la population en général, c'est vraiment une situation où l'on peut dire: si on ne cherche pas, on ne trouvera pas. Enfin, le projet de loi ne prescrit ni échéanciers ni calendriers pour les réévaluations de pesticides qui sont en cours, et il ne change rien au fait que le processus de réévaluation des pesticides traîne depuis des années. Nous voulons absolument qu'il y ait un changement à cet égard.

Mon exposé porte sur la santé des enfants et sur la marge de sécurité dont il est question aux paragraphes 7(7) et 19(2) du projet de loi. Le facteur de sécurité 10 est la valeur de pointe en matière d'évaluation des risques dans le cas des pesticides. L'évaluation des risques a évolué au fil des ans, au fil des décennies, et nous continuons de renforcer ce processus et d'ajouter d'autres essais pour l'améliorer encore. C'est une des raisons pour lesquelles nous demandons une réévaluation des pesticides qui ont été inclus dans la réglementation ou qui ont été évalué au cours de décennies antérieures, étant donné que nous savons que les normes appliquées à l'époque n'étaient pas aussi rigoureuses.

Le nouveau facteur 10 en matière de sécurité est probablement la norme la plus stricte qui soit. Elle a été introduite après que la National Academy of Sciences eut publié un rapport, en 1993, dans lequel on mentionnait qu'un groupe de scientifiques avaient découvert que la quantité de pesticides à laquelle étaient exposés les enfants par leur consommation d'eau et de nourriture était probablement suffisamment élevée pour avoir des effets nocifs sur la santé. Le fait est que l'évaluation des risques comporte toujours de l'incertitude. Nos études portent sur des animaux et non sur des humains. Nous ne pouvons pas effectuer d'études à long terme. Aucun pesticide n'est testé pendant trente ou quarante ans avant d'être commercialisé afin de savoir quels seront ses effets à long terme. L'évaluation des risques n'est pas seulement une science, mais également un art. Étant donné qu'elle se fonde sur différentes études, l'incertitude inhérente à chacune d'elle se trouve multipliée. Dans le domaine de l'évaluation des risques, il est acquis qu'il y a toujours une part d'incertitude.

Bien que nous obtenions de l'industrie qu'elle nous soumette toutes ces études, la National Academy of Sciences a recommandé l'application d'une marge de sécurité supplémentaire pour assurer la protection des enfants, compte tenu de toute cette incertitude.

En outre, de nombreux pesticides n'ont pas fait l'objet de tests exhaustifs, d'une part parce que les procédés d'essai évoluent et d'autre part, parce que nous ne disposons pas d'essais adéquats en ce qui a trait au système immunitaire. Ainsi, nous ne savons pas encore comment mesurer les effets qui peuvent causer un dérèglement endocrinien. Nous estimons qu'un nouveau test qui porte le nom d'étude de neurotoxicologie développementale est important pour s'assurer que le développement du système nerveux n'est pas touché. Pour vous donner un exemple, aux États-Unis, sur 350 pesticides non organophosphorés homologués, seulement 9 ont fait l'objet d'une étude de ce genre. Tous les autres pesticides ont été inclus dans une réglementation ou mis sur le marché sans avoir été soumis à cette étude dont nous savons qu'elle est nécessaire pour montrer qu'il n'y a pas d'effets neurologiques chez l'enfant en croissance.

Nous savons qu'il y a de l'incertitude, et nous savons aussi, d'après des études antérieures menées les BPC, sur le plomb et sur le mercure, que nous ne pouvons pas nous fier à la recherche animale. Après avoir appliqué la marge de sécurité supplémentaire dont nous réclamons maintenant l'imposition, nous avons constaté qu'il y avait un problème, qu'il y avait des effets sur la santé, et qu'il fallait modifier les normes.

Avec ce projet de loi, nous essayons d'imiter la loi américaine sur la protection de la qualité des aliments, laquelle a introduit le facteur de sécurité 10 après la publication, en 1993, de l'étude effectuée par la National Academy of Sciences. Toutefois, l'utilisation de ce facteur est «discrétionnaire», en vertu d'un libellé semblable à celui du projet de loi; en effet, l'administrateur est autorisé à utiliser un facteur de sécurité différent du facteur 10. Nous savons tous qu'en clair, cela signifie qu'il est habilité à appliquer un facteur inférieur.

Résultat: entre 1996 et 1999, sur 120 évaluations, le plein facteur 10 n'a été appliqué que 15 fois, contrairement aux voeux de la National Academy of Sciences, qui souhaitait que l'on recoure à ce facteur dans tous les cas, en raison de l'incertitude qui subsiste toujours, même lorsqu'on dispose d'une série complète de tests.

L'ironie, c'est que notre projet de loi ne va pas assez loin. Le facteur de sécurité vise uniquement les pesticides utilisés autour des maisons et des écoles. Il exclut les pesticides d'usage agricole, en dépit du fait que des enfants vivent sur la ferme et que le rapport original de la National Academy of Sciences précisait qu'il fallait appliquer cette marge de sécurité parce que les enfants absorbent des pesticides par l'ingestion d'aliments et d'eau. Par conséquent, il faut imposer une marge de sécurité à tous les pesticides pour en assurer la sûreté.

En conclusion, nous recommandons à tout le moins d'harmoniser notre réglementation avec celle en vigueur aux États-Unis, en appliquant la marge de sécurité à tous les pesticides, et non seulement à ceux utilisés autour des écoles et des maisons. Aux États-Unis, on exerce des pressions pour que l'application de cette marge de sécurité ne soit pas discrétionnaire, car l'expérience n'a pas été concluante. Tous les enfants devraient être protégés par le facteur de sécurité 10 afin d'éviter de se retrouver dans une situation où ce facteur n'est jamais appliqué.

Mme Kathleen Cooper, attachée de recherche, Association canadienne du droit de l'environnement: Honorables sénateurs, de façon générale, nous sommes très heureux que le projet de loi C-8 ait été présenté. À notre avis, il s'est fait trop attendre. En 2000, nous avons publié, en collaboration avec le Collège des médecins de famille de l'Ontario, un rapport détaillé sur la santé des enfants et l'établissement de normes au Canada. Il fallait répondre, entre autres, à la question de savoir si la loi protège les enfants, ce qui nous a amenés à examiner attentivement le dossier des pesticides.

Nous en sommes arrivés à la conclusion qu'en général, les normes environnementales ne protégeaient — et ne protègent toujours pas — les enfants. Nous avons également constaté des lacunes particulières en ce qui a trait aux normes relatives aux pesticides. Même lorsqu'avec de bonnes intentions on prévoit des mesures visant à protéger les enfants, on aboutit souvent à des normes qui ne confèrent pas une protection suffisante. Ce manque de protection pour les enfants est le résultat des compromis que vient de décrire M. Khatter, à savoir l'absence d'une approche globale fondée sur la précaution, et la possibilité, dans le contexte de la gestion des risques, de diluer ou d'évacuer les mesures visant à protéger les enfants, étant donné que le processus de négociations intervient lors de la phase finale de l'établissement des normes.

Le projet de loi C-8 contribue grandement à la mise en place d'exigences clés qui garantiraient aux enfants une protection légale en matière d'évaluation des pesticides. Il comprend notamment des mesures expresses pour les enfants ainsi que des échéanciers relatifs à l'approbation de produits antiparasitaires, des dispositions concernant la réalisation d'examens spéciaux et des exigences applicables à la réévaluation périodique des produits antiparasitaires, y compris la nécessité de se pencher sur la quantité importante de produits qu'il faut réévaluer de façon urgente.

Autre changement important, il incombe désormais aux demandeurs de prouver que leurs produits antiparasitaires sont acceptables. Il s'agit là d'une amélioration fondamentale du projet de loi C-8 que nous appuyons entièrement.

Dans le projet de loi antérieur, le C-53, on avait apporté un certain nombre d'amendements auxquels nous souscrivons également sans réserve. Cette mesure a été renforcée par l'ajout de définitions importantes, et notamment celles des risques acceptables et des formulants. Elle a aussi bénéficié d'une nouvelle définition de «produit antiparasitaire» incluant les formulants et les contaminants. Les dispositions des articles 7 et 19, portant sur l'homologation de nouveaux produits et la réévaluation de produits existants, ont également été améliorées. Elles prévoient maintenant la nécessité de totaliser les expositions, lorsque tous les types d'exposition ont trait à des pesticides en particulier, et d'évaluer les effets cumulatifs des pesticides et d'autres sources courantes d'effets toxiques.

On a également apporté des modifications pour assurer la tenue de consultations publiques obligatoires lors de l'élaboration de politiques et de lignes directrices. L'amendement prescrivant des examens périodiques de la loi et l'obligation de rendre compte de ces examens tous les sept ans est également une mesure importante qui, à notre avis, assurera des progrès continus et la responsabilité à l'égard de la population. Comme vous le savez, c'est la première fois que la loi est révisée depuis trente-trois ans. Il ne fait donc aucun doute qu'un intervalle de sept ans constitue un progrès.

Enfin, deux autres éléments que le projet de loi C-53 a apportés par rapport à la Loi sur les produits antiparasitaires, et pour lesquels on a effectué d'utiles modifications, sont l'accent mis sur les pesticides à risque réduit et les améliorations apportées en général en ce qui a trait à l'accès du public à l'information.

Nous avons des propositions de modifications qui visent à améliorer encore davantage le projet de loi et à renforcer deux aspects: premièrement, nous préconisons une mission définie par la loi et de multiples dispositions, réparties dans toute la mesure, relativement à la réduction des risques en matière de produits antiparasitaires; deuxièmement, nous préconisons diverses améliorations aux dispositions du projet de loi relatives à la participation du public, au droit de savoir et à l'accès à l'information.

Le tableau qui accompagne notre mémoire décrit une série d'amendements qu'il serait utile, à notre avis, d'apporter au projet de loi C-8. Ce tableau est une version modifiée de celui que nous avons soumis au comité de la Chambre des communes. Il contient les dernières modifications qui, selon nous, vont renforcer encore plus le projet de loi dans la voie dans laquelle se sont déjà engagés le gouvernement et le Parlement.

Concernant le premier aspect, soit la réduction des risques, certains des amendements proposés, que nous avons mentionnés précédemment, ont déjà été inclus au projet de loi C-53, mais nous demeurons convaincus que toute la partie consacrée à la mission devrait prévoir explicitement une dépendance et un recours moindres aux produits antiparasitaires ainsi qu'une réduction des risques qu'ils présentent et privilégier, en matière de lutte antiparasitaire, des approches soucieuses des écosystèmes et moins toxiques, dans un cadre de prévention de la pollution. Cette proposition concorde avec l'orientation environnementale adoptée par l'ensemble du gouvernement.

Nous avons suggéré au comité de la Chambre des communes d'amender divers articles en vue de remplir cette mission. Ces propositions figurent dans le tableau qui accompagne notre mémoire. Les articles qui doivent encore être modifiés nécessitent divers changements portant que, dans les cas où il existe des solutions de rechange efficaces, on homologuerait uniquement les produits antiparasitaires présentant un risque moindre que les moyens efficaces. Nous avons aussi proposé des modifications pertinentes à l'article sur l'évaluation et la prise de décisions dans le cas des nouvelles demandes, des examens spéciaux et des réévaluations.

Une autre proposition concerne la réduction et, au bout du compte, l'abandon graduel de l'utilisation non essentielle, c'est-à-dire à des fins esthétiques, de produits antiparasitaires. Nous avons aussi préconisé des modifications visant à réduire graduellement, puis à mettre un terme à l'homologation de produits antiparasitaires utilisés à des fins esthétiques, comme l'entretien de pelouses et de jardins. En somme, ces produits seraient homologués uniquement s'ils servent à protéger la santé publique ou à un usage agricole normal.

Nous proposons également des modifications accessoires en ce qui a trait aux parcs, aux parcours de golf et aux terrains de sport. Nous préconisons que l'on introduise ces changements d'une manière graduelle qui permette de tenir compte des différentes utilisations que l'on fait des pesticides dans les endroits en question.

Le deuxième aspect important que j'ai mentionné concerne la participation du public, le droit de savoir et l'accès à l'information. Encore là, le projet de loi C-8 présente, par rapport au projet de loi C-53, des améliorations sensibles découlant d'un amendement. Mais nous avons des propositions visant à améliorer encore davantage le projet de loi.

Ainsi, nous proposons d'amender le projet de loi C-8 afin que le nom et le contenu des principes actifs, des formulants et des contaminants, ainsi que les résultats des essais visant à déterminer l'efficacité et l'innocuité d'un produit, ne soient pas considérés comme des renseignements confidentiels commerciaux et soient accessibles par l'entremise du registre proposé pour faire l'objet d'un examen public. L'objectif visé est de préciser clairement dans le projet de loi le genre d'information qui devrait être accessible. D'ailleurs, nous en identifions la teneur.

A notre avis, c'est dans la loi et non dans la réglementation que devraient figurer des exigences minimales en matière d'étiquetage en raison de l'importance primordiale de ces renseignements, notamment ceux qui ont trait aux ingrédients et aux mesures antipoison ainsi qu'à plusieurs autres éléments. Ces exigences permettraient de garantir la protection en matière de santé et de sécurité, de fournir aux consommateurs des renseignements indispensables pour prendre des décisions éclairées et d'assurer une utilisation des produits conforme à leur conception.

Nous proposons également la création d'une base de données nationale sur les ventes de pesticides. Mme Kasperski a mentionné — et je suis tout à fait d'accord avec elle —, qu'il est impératif que le projet de loi prescrive la mise sur pied d'une base de données sur les effets nocifs, afin d'améliorer la collecte de données et l'étude de l'utilisation des pesticides et de leurs effets.

En terminant, je signale que depuis plusieurs années, nous travaillons de concert avec le Fonds mondial pour la nature pour formuler des propositions visant à apporter des améliorations à la Loi sur les produits antiparasitaires. Comme on l'a mentionné, nous collaborons aussi étroitement avec nos confrères du Collège des médecins de famille de l'Ontario et de l'Association canadienne des médecins pour l'environnement, ainsi qu'avec Pollution Probe, l'Association canadienne des troubles d'apprentissage et d'autres organismes qui ont à coeur la santé des enfants et la protection de l'environnement. Nous souscrivons aux propositions que ces organismes ont formulées à votre intention concernant ce projet de loi.

La vice-présidente: Madame Kasperski, vous avez parlé du nombre accru de cas d'autisme et d'hyperactivité avec déficit de l'attention. À la page 4 de votre mémoire, vous recommandez la mise en place d'un mécanisme en vertu duquel les fonctionnaires de la santé seraient tenus de déclarer les effets nocifs des pesticides. La Grande-Bretagne, l'Afrique du Sud et la Californie disposent d'un tel mécanisme depuis longtemps.

En ce qui concerne le nombre de cas d'autisme et d'hyperactivité avec déficit de l'attention, a-t-on effectué des études visant à comparer l'accroissement de l'incidence observée au Canada avec l'incidence qui existe, par exemple, en Grande-Bretagne et en Californie, où un tel mécanisme est en place?

Mme Kasperski: Je crois que Mme Cooper est en mesure de répondre à cette question.

Mme Cooper: Je peux consulter les études précises à mon bureau. Je ne peux vous répondre sans consulter ces sources. Je ne crois pas qu'il existe des études comparatives, mais je pense que les tendances sont les mêmes. Au Canada, nous avons moins de renseignements sur lesquels on peut s'appuyer, mais je connais une étude dont ont fait rapport des fonctionnaires de Santé Canada et d'Environnement Canada qui porte sur le nombre d'enfants dont le développement neurologique est touché. Les cas sont nombreux. Si je me souviens bien, dans cette étude, qui a été réalisée à la demande du gouvernement fédéral, 28 p. 100 des enfants présentaient une forme ou une autre de trouble neurologique développemental. Il s'agit d'une proportion très importante. Il y a également d'autres chiffres élevés.

Nous observons des taux très élevés, qui vont en augmentant et qui se comparent à ceux enregistrés dans d'autres pays. Ils montrent clairement que quelque chose affecte le cerveau de nombreux enfants qui présentent des difficultés d'apprentissage et d'adaptation. D'autres résultats d'études indiquent que les pesticides pourraient causer des atteintes neurologiques. Nous ne sommes pas en mesure d'établir une relation directe de cause à effet, mais il ne fait pas de doute que la comparaison de ces données donne beaucoup à réfléchir.

La vice-présidente: Je crois qu'il ne se passe pas une journée sans qu'on entende parler de cela dans nos propres familles. Les cas d'hyperactivité avec déficit de l'attention semblent se multiplier. Y a-t-il des données sur des endroits au monde où l'on n'utilise pas de pesticides à des fins esthétiques, où les gens ne sont pas exposés à des pesticides, et où l'on n'observe aucun cas d'hyperactivité avec déficit de l'attention et aucun cas d'autisme?

Mme Kasperski: Ce serait une bonne étude.

M. Khatter: Ce sont des études coûteuses à réaliser, et je ne pense pas qu'on en ait effectué beaucoup. L'exemple cité par Mme Kasperski, c'est-à-dire les tests de développement que l'on a fait subir à des enfants amérindiens, est un bon modèle de substitution concernant les troubles de développement. Il s'agit d'une expérience naturelle parce qu'il y a cette séparation des enfants qui présentent des antécédents génétiques semblables tout en appartenant à deux groupes différents. Il est très coûteux de suivre des enfants durant une période de temps.

C'est en partie pour essayer d'effectuer des d'étude de ce genre et d'obtenir de tels renseignements que nous réclamons une plus grande capacité en matière de collecte de renseignements. Nous ne pouvons comparer entre elles les données sur les cas d'autisme que présente une collectivité en particulier avec les renseignements sur l'utilisation de pesticides au sein de cette collectivité parce que nous n'avons pas de données sur cette utilisation. À moins de commencer à recueillir ce type de données, nous ne serons jamais en mesure de tirer des conclusions à cet égard.

Le sénateur Morin: Je voudrais intervenir au sujet de la question de l'autisme. À mon avis, il est très dangereux de dire qu'il existe un rapport entre l'autisme et l'utilisation de pesticides. Je ne pense pas que vous aidiez votre cause en faisant de telles affirmations. On a associé l'autisme à toutes sortes de choses, dont les vaccins. En ce moment, le gros problème, c'est ce lien entre les vaccins et l'autisme. Le fait est que l'incidence de l'autisme augmente, mais nous ne savons pas pourquoi. Nous devons faire preuve de prudence. J'ai remarque que dans votre mémoire écrit, vous ne dites pas qu'un tel lien existe. Vous dites qu'il y une augmentation dans les taux d'autisme et d'hyperactivité avec déficit de l'attention. Je ne pense pas que l'on ait prouvé qu'il existe un lien entre l'utilisation de pesticides et l'autisme.

La recherche est très importante. Il y a environ cinq ans, le gouvernement fédéral a mis sur pied un programme de recherche en toxicologie, au coût de plusieurs millions de dollars, puis il l'a abandonné graduellement. J'ai été étonné de voir le peu de réactions que cela a suscité. Ce programme était extrêmement important en ce qui a trait aux pesticides. Mais il ne s'est rien passé. C'était comme s'il n'avait absolument aucune importance. Je crois que ce fut une grave erreur de la part de notre part à tous. Dans le cadre de ce programme fédéral d'envergure, des centres d'excellence dans diverses universités s'intéressaient spécifiquement à la toxicologie. À l'époque, j'avais passé en revue la liste des sujets étudiés, et la plupart avaient trait à l'utilisation de pesticides. Ce programme a disparu, et je pense que nous aurions dû réagir à ce moment-là.

Je félicite le Collège des médecins de famille de l'Ontario pour l'excellent travail qu'il effectue dans le domaine environnemental, non seulement sur les pesticides, mais également sur la pollution atmosphérique. Cet organisme est mieux connu pour son travail extraordinaire sur la pollution atmosphérique, qui est particulièrement utile en ce moment dans les discussions relatives au Protocole de Kyoto. Dans mon discours au Sénat, j'ai utilisé votre documentation, et je vous remercie donc de vos efforts. L'Association canadienne des médecins pour l'environnement effectue également de l'excellent travail.

Je demeure étonné au sujet du principe de précaution. Quelle est la différence? Pourquoi n'êtes-vous pas satisfaits de l'énoncé qui dit qu'un nouveau produit sera accepté ou homologué uniquement si l'on est raisonnablement certain que l'exposition à ce produit ne portera pas atteinte aux humains? Pour moi, cet énoncé est beaucoup plus fort que celui qui dit: «En cas de doute, retirez-le.» Il vaut bien mieux appliquer une approche fondée sur la science que rester dans le doute. Je trouve qu'il est préférable d'utiliser cet énoncé plutôt que de dire: «Pas d'homologation en cas de doute.» On va plus loin que cela. Il faut être certain que le produit n'est pas nocif.

Pour ce qui est de la santé des enfants, je suis d'accord: c'est l'aspect primordial. Le projet de loi fait référence à des pesticides qui sont utilisés à l'intérieur des écoles ou sur les pelouses, d'où la différence entre les écoliers de la ville et de la campagne. Les enfants qui habitent sur une ferme sont victimes des pesticides dispersés par le vent. Je suis d'accord pour dire que les enfants qui habitent une ferme sont certainement touchés, et par conséquent, cette question devrait être étudiée attentivement.

J'ai une question pour les témoins présents autour de la table concernant le facteur de sécurité 10. Quelqu'un pourrait-il nous en dire plus sur le niveau? Quel est le seuil? De quoi s'agit-il? La question de l'utilisation à des fins esthétiques a été soulevée souvent. Quel est le seuil? C'est ce point que je veux éclaircir. C'est une bonne question.

A propos de l'interdiction visant l'utilisation de pesticides à des fins esthétiques, ce qui me dérange, c'est qu'en l'occurrence, le projet de loi assujettit au Code criminel les produits homologués que l'on considère acceptables ou dont on pense qu'ils présentent un risque faible — les produits utilisés sur les pelouses, dans les parcs et sur les parcours de golf. Par conséquent, l'utilisateur d'un produit acceptable ou à faible risque, serait passible d'une peine d'emprisonnement de six mois de prison ou d'une amende d'un million de dollars. Je pense que l'utilisation d'un produit considéré comme acceptable dans certaines circonstances tombe sous le coup d'un règlement municipal. J'ai du mal à comprendre ce point.

Je ne vais pas aborder toutes les modifications. Si j'ai bien compris, elles ont toutes été présentées à la Chambre?

Mme Cooper: Oui, toutes celles figurant sur le tableau, et beaucoup d'autres.

Le sénateur Morin: Et la Chambre les a rejetées, n'est-ce pas?

Mme Cooper: Elle a choisi de ne pas les inclure.

Le sénateur Morin: Je comprends.

J'ai des questions concernant l'homologation. Je ne crois pas que quelqu'un ferait homologuer un produit qui serait plus toxique. Or, c'est ce que vous êtes en train de dire aux fabricants. Cela me paraît évident.

Pour ce qui est de la question de l'accès à l'information, nous devrions suivre de près l'exemple des États-Unis. Ce sont nos partenaires. Nous utilisons les mêmes produits, qui traversent la frontière dans les deux sens. Les Américains achètent des produits ici, et nous, nous achetons des produits aux États-Unis. Par conséquent, nous devrions suivre d'aussi près que possible les dispositions de la loi américaine sur l'accès à l'information. Je crois comprendre que les États-Unis viennent à peine de réviser leur mesure législative. Nous devrions nous en inspirer. À ce que je sache, nos politiques sont semblables à celles des États-Unis.

Mme Cooper: Honorables sénateurs, j'ai une réponse à presque chacune de ces questions. Nous n'avons pas fait un lien précis entre les données scientifiques et les données sur l'autisme. Nous savons que nous ne pouvons pas affirmer qu'un tel lien existe, et nous l'avons dit. Les médecins qui ont examiné ces données l'ont dit aussi. Toutefois, lorsqu'ils examinent les tendances dans les deux domaines, ils y trouvent matière à réflexion. Ils sont inquiets, et ils essayent de voir s'il y a des liens. L'idée de l'application du principe de précaution est d'éviter les effets nocifs, s'il est possible de les prévenir. Si en bout de ligne, nous trouvons ultérieurement une relation de cause à effet entre les pesticides et tous ces effets observés dans la population, nous aurons rendu un bien mauvais service à nos enfants.

En réponse à la question de savoir pourquoi nous ne sommes pas satisfaits de la norme relative à la certitude raisonnable qu'il n'y aura pas de dommage, je peux dire que nous en sommes satisfaits. Il s'agit d'une modification de fond très précieuse apportée au projet de loi C-53, maintenant intégrée au C-8. Nous l'appuyons dans le cadre des mesures visant à mettre en oeuvre l'approche fondée sur le principe de précaution.

Je vais céder la parole à M. Khatter concernant la question de la marge de sécurité 10.

Pour ce qui est des pesticides utilisés à des fins esthétiques, les règlements municipaux représentent assurément un outil. Cela dit, nous nous attachons à des propositions ayant trait au rôle que peut jouer le gouvernement fédéral dans le cadre du processus d'homologation et nous encourageons l'utilisation de produits à risque réduit.

Je vais céder la parole à mes collègues pour les sujets qui restent.

Mme Kasperski: Je vais parler un peu des associations.

Dans le sud-ouest de l'Ontario, on vient de publier une étude portant sur des femmes atteintes du cancer du sein moins de 55 ans et de plus 55 ans. D'après cette étude, les femmes de moins de 55 ans qui habitaient sur une ferme au moment où l'on a commencé à utiliser des pesticides couraient davantage de risques d'être atteintes d'un cancer du sein que les femmes de plus 55 ans ou les femmes qui n'habitaient pas une ferme.

En publiant ces données, les scientifiques ont pris soin de ne pas entacher leurs constatations en associant explicitement l'utilisation de pesticides au cancer du sein; toutefois, ils n'ont pas manqué de laisser entendre qu'ils étaient probablement en présence d'un tel lien.

Comme médecins de famille, lorsque nous commençons à voir des liens entre la recherche sur l'animal et ce que nous observons chez les enfants, nous nous inquiétons. Cela ne signifie pas que les liens sont évidents au point de pouvoir identifier les pesticides comme cause; toutefois, l'exposition des enfants à ces produits nous préoccupe et nous inquiète beaucoup.

Que ce soit papa qui ramène à la maison une balle de golf utilisée sur un parcours arrosé avec des pesticides, que l'enfant met ensuite dans sa bouche, ou des enfants qui roulent sur le gazon à leur école, ce sont des formes d'exposition, quel que soit le pesticide en cause. Lorsque les pesticides sont utilisés à la ferme, l'exposition est de nature alimentaire. Tout cela nous préoccupe beaucoup.

Nous sommes particulièrement inquiets de l'utilisation indue et superflue de pesticides. Ainsi, lorsque nous demandons de l'aide dans le dossier de l'utilisation esthétique de pesticides, nous croyons qu'il s'agit du domaine dans lequel nous pourrions éliminer les pesticides sans nuire à leur utilisation à des fins agricoles.

Nous faisons des démarches auprès de plusieurs municipalités canadiennes au sujet de l'utilisation esthétique des pesticides. Voici un des commentaires qui revient fréquemment: «Si les autorités fédérales permettent l'utilisation de ce produit, c'est qu'elles jugent qu'il est acceptable. Dans ce cas, pourquoi nous demandez-vous d'adopter des règlements municipaux pour en restreindre l'usage?» Sans aller jusqu'à faire de leur utilisation une infraction criminelle, si le projet de loi affirmait que ces produits, tout comme la cigarette, sont dangereux et qu'ils doivent être contrôlés, nous serions mieux à même de répondre à ce genre d'observations.

Le sénateur Morin: Les cigarettes ne sont pas en vente contrôlée.

Mme Kasperski: Je sais, mais nous aimerions voir circuler le même genre de message en ce qui concerne l'utilisation esthétique de pesticides, soit qu'il s'agit d'une mauvaise utilisation de ce produit.

M. Khatter: Vous désirez obtenir plus de renseignements à propos du facteur de sécurité 10.

Le sénateur Morin: Quel est le seuil?

M. Khatter: Quel seuil?

Le sénateur Morin: Celui qui est décuplé.

M. Khatter: L'évaluation de pesticides se fonde uniquement sur la recherche animale avant l'étape de la commercialisation. La toxicologie classique tente d'estimer la différence entre un rat et un humain. Comme les rats sont plus petits, ils ont des systèmes différents et une espérance de vie moindre que celle des humains. Les scientifiques essaient aussi d'estimer la différence entre un adulte en santé et un vieillard fragile en ce qui concerne les niveaux raisonnables et tolérables d'absorption quotidienne.

La toxicologie classique ne prétend pas appliquer le principe de la prudence ni le dépasser lorsqu'elle cherche à s'assurer qu'il existe une certitude raisonnable d'absence de danger. Elle tente de donner une approximation de ce qui est probablement sécuritaire. On prend ce taux quotidien calculé selon la toxicologie classique et on le multiplie par dix parce que l'on sait d'expérience que les enfants, à un certain niveau de vulnérabilité ou à une certaine phase de leur développement, peuvent être 1 000 fois plus sensibles au plomb ou à l'estrogène qu'un adulte. Nous avons besoin de ce «coussin de sécurité» pour être certains de ne pas exposer les enfants à un niveau d'exposition qui, s'il est sécuritaire pour un adulte, peut ne pas l'être pour eux.

Le sénateur Morin: Je vous félicite. Ce que vous faites est extrêmement important et toute la population canadienne en profite.

Le sénateur Fairbairn: J'aimerais poser quelques questions sur l'agriculture et les pesticides. La science n'étant pas parfaite, il est impossible d'établir toutes les connexions. Je viens du sud de l'Alberta, une région consacrée à l'agriculture et à l'élevage. Ces dernières années, plusieurs personnes de mon âge ont soudainement développé des maladies ou des problèmes qui n'étaient jamais survenus dans leur famille, des maladies comme l'épilepsie et le cancer. Elles ont grandi à une époque où les pesticides étaient utilisés de façon plus libérale qu'aujourd'hui.

Le Comité de l'agriculture a soulevé ce problème dans une étude portant sur les forfaits proposés par certaines grandes entreprises. On conseille aux fermiers d'utiliser des semences spécialement traitées. À la livraison, ils reçoivent en même temps — ou ils doivent acheter — les produits les plus susceptibles d'en favoriser la croissance et la protection. C'est pratiquement un forfait, en ce sens que si vous achetez ces nouvelles semences aux vertus merveilleuses, pour obtenir des résultats optimaux, il vous faut aussi utiliser le dernier fertilisant tout aussi merveilleux qui vient de sortir ou un autre produit du genre.

Je me demande si ce sujet a été abordé lors des discussions avec vos associations. Le problème perdure dans le domaine agricole. L'un de vous pourrait-il commenter ce dossier?

Mme Cooper: Vous avez soulevé de nombreux points qui illustrent bien la nécessité de remanier la loi. Lorsque vous dites être d'une époque où les pesticides étaient employés de façon plus libérale, je comprends par là qu'on faisait un usage généralisé de produits plus toxiques. C'était probablement le cas à l'époque. Cependant, je crois qu'il existe encore un problème important lié à l'utilisation prolongée de pesticides qui n'ont pas été soumis à une nouvelle évaluation et qui doivent l'être de toute urgence, surtout sous l'angle de leurs effets sur les enfants.

En ce qui concerne la promotion de «forfaits» de produits chimiques sur les fermes, il faut y opposer une démarche correspondante positive qui a déjà cours mais qui doit être élargie, soit la lutte antiparasitaire intégrée. J'arrive d'une réunion de deux jours du Comité consultatif sur la lutte antiparasitaire. Nous enregistrons des progrès marqués en ce qui concerne la diminution de la dépendance envers les pesticides grâce à des pratiques intégrées de lutte antiparasitaire, mais nous n'en sommes qu'au début.

Ce nouveau projet de loi donnera à l'agence et aux différents intervenants les outils pour favoriser l'usage de pesticides à risque réduit. Nous suggérons une série de modifications pour renforcer cette partie du projet de loi parce que nous ne le jugeons pas assez musclé. L'article 7 du projet de loi est très bien, mais la partie sur la mission et les différents articles portant sur l'homologation d'un nouveau produit et la réévaluation devraient mettre l'accent sur la réduction des risques.

Je crois que vous décrivez une situation qui requiert une réforme, et le projet de loi pourrait être renforcé pour avancer dans la direction de l'homologation de pesticides à risque réduit.

Mme Kasperski: Il nous est arrivé d'être invités à rencontrer des fermiers qui se convertissent à l'agriculture biologique. Une des conférences les plus intéressantes à laquelle nous avons assisté a été un véritable succès. Ce fut l'occasion de rassembler des citadins et des agriculteurs biologiques. Les gens de la ville ont acheté à l'avance des produits pour que les agriculteurs puissent entreprendre la campagne agricole en sachant que toute leur production serait vendue. L'adoption du libellé recommandé par Mme Cooper pourrait favoriser grandement les initiatives de ce genre pour encourager les aliments organiques et les produits à risque réduit.

Le sénateur Fairbairn: Je remarque qu'un de vos partenaires est Troubles d'Apprentissage - Association canadienne. Je reviens justement d'un congrès annuel provincial en Alberta. Il s'agit d'un organisme essentiel dans un contexte très important et très triste. Lorsqu'on écoute certains de vos commentaires et qu'on lit votre mémoire, on se dit que c'est une chose d'avoir des difficultés génétiques, mais c'en est une autre d'avoir nous-mêmes créé ces liens, par imprudence ou par ignorance.

Comme les troubles d'apprentissages sont un volet important dans notre système d'éducation, pouvez-vous nous en dire plus long sur les enjeux qui peuvent sembler influencer certaines questions soulevées par les difficultés d'apprentissage.

Mme Kasperski: J'ai parlé à Fraser Mustard. Si d'autres ont parlé à Fraser Mustard, je n'ai rien à rajouter. Je lui ai dit qu'il devait s'investir dans la dossier de l'environnement. Avec Margaret Mead, il a énormément contribué à nous faire prendre conscience de l'importance des premières années de la vie. Je lui ai déclaré ceci: «C'est bien beau de s'occuper du relèvement du niveau des compétences, de la connaissance et de la socialisation des enfants, mais si nous leur bousillons le cerveau avec des contaminants présents dans l'environnement, nous n'en aurons pas pour notre argent.» Je tentais de le convaincre de s'intéresser aux enjeux environnementaux. Il m'a dit: «L'an prochain.» Je lui ai répondu: «Cette année, c'est une année importante.»

Chose certaine, nous en apprenons de plus en plus sur le développement du cerveau. Je vous ai expliqué ce qui se passe pendant les deux premières années ainsi que les perturbations qui peuvent survenir pendant cette période. Vous ne pouvez pas refaire les connexions du cerveau une fois qu'elles sont en place.

Cette loi nous offre une chance en or d'instaurer un cadre réglementaire qui protégera nos enfants. Nous voulons mettre à l'abri cette jeune génération et un cadre réglementaire comme celui-là nous permettra d'y parvenir mieux qu'avant.

Mme Cooper: Il y a deux ans, nous avons effectué une étude de cas détaillée sur le plomb avec le Collège des médecins de famille de l'Ontario. Ce qui s'est passé dans le dossier de l'élimination progressive du plomb de l'essence devrait nous servir de leçon en ce qui concerne la réglementation. En effet, suite à l'approche de l'évaluation du risque, nous n'avons rien fait éliminer l'essence avec plomb et, vous le savez, le plomb est très nocif pour le cerveau des enfants. En Amérique du Nord, nous avons attendu d'en avoir la preuve par l'empoisonnement pur et simple de millions d'enfants. Une enquête a démontré clairement une relation de causalité, et nous avons adopté un règlement interdisant l'utilisation de l'essence avec plomb. D'une part, il s'agit d'un succès dans le domaine de la santé publique, car dans la foulée de l'élimination de l'essence avec plomb la concentration de plomb dans le sang a chuté radicalement. D'autre part, l'approche réglementaire fut un échec total car elle aurait dû prévenir les dommages. Nous n'y sommes pas parvenus. Nous avons attendu car notre système réglementaire exige «des preuves.» Nos industries nous disent: «Prouvez-en les effets». Tout cela nous semblait raisonnable. «Fournissez-nous des justifications scientifiques. Nous respecterons la réglementation si vous avez de bonnes preuves scientifiques solides pour justifier que nous nous y soumettions.»

Plus les informations concernant les effets neurologiques des pesticides s'accumulent, plus les gens craignent de nous voir répéter les mêmes erreurs. Optons pour la prépondérance de la preuve et agissons. Au lieu d'attendre et de laisser de tels effets se reproduire, nous devons apprendre de notre erreur dans le cas du plomb dans l'essence.

Permettez-moi de citer l'exemple du cerveau des enfants et de le relier à l'exemple du plomb parce que nous avons commis une erreur monumentale, que nous avons corrigée, mais seulement après avoir empoisonné des millions d'enfants. Nous ne devrions pas conserver cette approche réglementaire. Nous devrions introduire une notion de prévention dans l'équation, tout comme le fait ce projet de loi jusqu'à un certain point, mais nous ne pouvons pas permettre que chaque norme fasse l'objet de négociations acharnées en vue de les édulcorer pour satisfaire des intérêts financiers. Nous devons nous doter d'une approche réglementaire qui nous permette de déclarer que nous avons suffisamment de preuves pour affirmer qu'il y a eu assez de dommages et que nous ne laisserons pas les choses continuer ainsi. Nous devons poser des actes préventifs afin d'empêcher les dangers de cette nature d'affecter le développement du cerveau des enfants.

Le sénateur Fairbairn: Ce que vous nous dites est encourageant, et il serait merveilleux que le Dr Mustard s'investisse dans ce dossier, car ses travaux sur l'apprentissage et l'alphabétisation entre la naissance et l'âge de cinq ans a cristallisé une question pointue intéressant tous les Canadiens. Nous sommes en présence d'un autre aspect qui, j'en conviens, est d'une importance capitale. À défaut de pouvoir faire autre chose, nous pouvons certainement présenter un commentaire sur le sujet.

Le sénateur Cordy: Je ne connais pas suffisamment les statistiques en ce qui concerne l'accroissement de la fréquence de l'autisme et de l'hyperactivité avec déficit de l'attention, mais je sais, ayant été enseignant au primaire, que le nombre de cas a augmenté de façon tangible entre le début et la fin de ma carrière le jour où j'ai quitté l'enseignement pour me joindre au Sénat.

Le sénateur Morin a abordé la question de savoir si les pesticides à usage esthétique devraient être régis par des règlements municipaux ou des lois fédérales. J'habite la municipalité d'Halifax et grâce aux efforts de la communauté médicale et d'organismes comme l'Association pulmonaire, des arrêts municipaux régissent l'utilisation des pesticides sur les pelouses, ce qui m'amène à croire que ces produits relèvent de la compétence des municipalités. Comment s'y prendre pour faire en sorte que des mesures similaires soient adoptées au niveau fédéral? C'est bien ce que proposez, n'est-ce pas?

Mme Cooper: Dans l'arrêt Hudson, la Cour suprême a confirmé le pouvoir des municipalités dans sept des dix provinces, parce qu'elles avaient des lois semblables à celle du Québec, qui habilitent les autorités municipales à agir. Elles peuvent adopter des règlements pour protéger le bien-être général de la population. C'est ce pouvoir qu'elles ont utilisé. Certaines municipalités choisissent de procéder de cette façon. C'est ce que nous encourageons les municipalités à faire.

Nos propositions de modifications s'attachent aux domaines de compétence fédérale. Cet arrêt de la Cour suprême précise les rôles des paliers fédéral, provincial et municipal parce que c'était là l'objet de la décision. En ce qui concerne le projet de loi C-8, dans le contexte d'un effort pour assurer la sécurité, nous estimons que le processus d'homologation peut être un moyen de progresser vers l'abandon des produits d'utilisation non essentielle. Nous avons suggéré des modifications précises par lesquelles le gouvernement fédéral peut mettre graduellement un terme à l'homologation des produits d'utilisation non essentielle. D'ailleurs, nous les avons identifiés dans nos propositions. Nous avons travaillé dans les limites des pouvoirs qui existent au niveau fédéral tout en encourageant activement les municipalités à mettre en oeuvre les pouvoirs que la législation leur confère.

Le sénateur Cordy: Donc les deux paliers travaillent de concert?

Mme Cooper: Oui. La Cour Suprême a décrit cela comme un régime complémentaire à trois niveaux.

Le sénateur Cordy: Aux termes du paragraphe 8(5), comme condition de l'homologation, le titulaire d'un produit antiparasitaire établit et conserve un registre des renseignements concernant les ventes du produit et transmet au ministre un rapport sur ces renseignements selon les modalités fixées par le ministre. Quels renseignements les organismes pourraient-ils ainsi obtenir?

Mme Cooper: Ce paragraphe traite des données sur les ventes. Pourriez-vous répéter la question?

Le sénateur Cordy: Ces renseignements pourraient-il vous aider à déterminer si un pesticide serait acceptable ou non? Je veux savoir si vous êtes en faveur ou non l'obligation de faire rapport au ministre.

Mme Cooper: Absolument. Le problème est que ce renseignement se rend au ministre. Nous croyons qu'il devrait être accessible à tous et indiqué sur le registre. Le Canada est un des rares pays qui ne recueille pas ce genre de renseignement. En répondant aux questions du public, et dans notre recherche, nous désirons toujours savoir le volume des ventes. Il est si difficile d'obtenir ces renseignements au Canada. Je crois qu'il y a un autre pays dans le monde qui ne recueille pas ce renseignement. Je trouve absurde que nous ne le fassions pas.

M. Khatter: À l'OCDE, nous sommes deux pays à ne pas le faire.

Le sénateur Cordy: Avant ce projet de loi, les ventes de pesticides n'étaient pas comptabilisées.

Mme Cooper: Ce n'est toujours pas le cas.

Le sénateur Morin: Le sénateur Cordy demande pourquoi nous ne recueillons pas l'information sur les ventes de pesticides, comme le prescrit le projet de loi. Elle a cité l'article.

Le sénateur Cordy: Je présume que vous êtes satisfait du contenu du projet de loi, monsieur Khatter.

M. Khatter: Cela n'est pas mon domaine de spécialité, mais ce que je sais à ce sujet y était, comme le dit Mme Cooper, c'est que, d'abord, ils ne sont pas en vente libre et, de plus, on ne les retrouvera pas nécessairement dans une forme utile. Je sais que l'industrie a dit vendre des pesticides en vrac et qu'elle n'a pas de donnée sur la répartition géographique des ventes. Si l'agence ne fait pas la collecte de données en fonction du lieu, le volume total de pesticides vendus en Ontario ne constitue pas une statistique pertinente pour nous. Cependant, si nous savons ce qui est vendu dans certaines localités, alors nous pouvons relier ces données aux effets sur la santé et sur l'environnement.

Lorsque nous effectuons des évaluations du risque, il ne s'agit pas d'évaluer seulement la puissance d'un pesticide, mais sa puissance en fonction de l'exposition prévue. Si nous ne mesurons pas l'exposition, il s'agit véritablement d'une devinette.

Le sénateur Cordy: Reconnaissez-vous que ce projet de loi permettra de produire des renseignements qui seront communiqués au ministre?

M. Khatter: Je crois que d'autres personnes témoigneront sur cette question particulière. C'est un début, mais je ne crois pas que ce soit suffisant ni complet.

Mme Cooper: Nous avons une nouvelle disposition visant à préciser les exigences en matière de divulgation de ces renseignements, pour que les renseignements soient non seulement accessibles, mais accessibles sous une forme utile. Le nouveau paragraphe 44(2) permettrait la surveillance de l'exposition et le suivi sur une base géographique.

La vice-présidente: À titre de consommateur, je serais intéressé à la banque de données sur les effets néfastes. Nous pouvons lire sur l'étiquette tous les effets que le produit aura. Cependant, quand je lis l'étiquette, j'aimerais connaître les effets néfastes. J'aimerais disposer de cette information afin de choisir. Je ne crois pas que vous suggérez que les étiquettes indiquent cela; vous ne suggérez qu'une base de données, est-ce exact?

Mme Cooper: Nous avons des recommandations concernant les renseignements qui devraient figurer sur les étiquettes ainsi que la nécessité de disposer d'une base de données sur les effets néfastes. Elles sont étroitement liées ensemble. Tout cela est expliqué dans la justification de ces deux dispositions.

Je suis consciente de l'heure et je vous renvoie à la suggestion d'un nouveau paragraphe 44(1), qui est lié au nouveau paragraphe 44(3). Vous avez raison, ces informations vont tout à fait ensemble.

Le sénateur Cook: Est-ce que les questions que nous avons entendues autour de la table depuis quelques temps seront toutes abordées dans l'article 67, sous la rubrique «Règlements»? Comme vous ne pouvez pas tout inclure dans le projet de loi — et je sais qu'un projet de loi est limité par sa portée et par sa mission — est-ce que vous pouvez nous assurer que certaines de nos préoccupations seront abordées dans les règlements?

Mme Cooper: Oui. Les règlements comporteront certains éléments importants. Comme il a été indiqué au Comité consultatif sur les pesticides au cours des derniers jours, nous nous engagerons dans un processus de consultation pour déterminer à quoi ils ressembleront dans l'avenir.

Le principal élément que nous avons proposé d'inclure dans la loi, ce sont des exigences en matière d'étiquetage. C'est plus important que de devoir attendre les règlements. C'est une question suffisamment importante et fondamentale pour faire partie de la loi.

Le sénateur Cook: Le mot «seuil» m'inquiète. Il s'agit d'un mot défini et je ne conçois pas son emploi ici. Est-ce que le mot «seuil» vous convient dans ce contexte?

Mme Cooper: On confond deux mots. Lorsque vous parlez de «seuil», il s'agit d'un seuil pour l'observation d'un effet. On peut observer un effet neurologique chez un rat de laboratoire. Puis, on multiplie par 10 pour tenir compte de l'incertitude entre un rat et un humain, puis on multiplie encore par 10 pour tenir compte des différences individuelles entre les êtres humains. L'idée d'un facteur 10 additionnel vient du fait que les enfants sont à ce point plus sensibles. On commence par un seuil qui correspond à un effet certain chez le rat et on multiplie par dix et encore par dix. Ce que nous proposons, c'est une autre multiplication par dix. Est-ce que cela clarifie nos propos?

Le sénateur Cook: Je me demande quand le seuil existe-t-il? Il s'agit d'une question de causalité.

Le sénateur Morin: C'est une question de concentration d'une substance toxique.

Le sénateur Cook: Je comprends cela, mais est-ce que cela serait utile de clarifier la définition de «seuil?»

Le sénateur Morin: L'expression «seuil» figure parmi les termes définis.

Le sénateur Cook: Elle n'est pas définie clairement.

Mme Cooper: J'ai deux choses à ajouter à ce sujet. Premièrement, parfois, quand il n'y a pas de seuil — et c'est très important parce qu'on peut établir un seuil à partir des données scientifiques disponibles — c'est le mieux que vous ayez. À mesure que vous disposez de plus d'information, vous découvrez souvent, comme ce fut le cas pour le plomb, que le seuil diminue à mesure que vous recueillez des données. Avec le plomb, il est probable qu'il n'y a pas de niveau sécuritaire. C'est souvent ce qui arrive. Une fois de plus, vous faites de votre mieux avec les connaissances que vous avez, raison de plus pour ajouter des marges de sécurité. L'ajout d'un niveau d'information peut représenter une complication, mais j'espère que non.

Il y a aussi des effets qui n'ont pas de seuil. Par exemple, le cancer se développe parce qu'une chose est cancérigène. Il s'agit d'un autre ensemble de calculs. D'habitude, ce sont des modèles mathématiques, alors vous vous retrouvez avec un risque de 1 sur 10 000 ou de 1 sur 100 000, ou peu importe. La notion de seuil est que vous pouvez l'obtenir à partir de l'examen des données et ensuite, vous ajoutez les marges de sécurité. Est-ce que cela répond à votre question?

Le sénateur Cook: Oui. Le mot «seuil» m'inquiète en ce qui concerne les enfants à la maison, à l'école et qui jouent ailleurs. Je vois qu'à cet endroit, c'est clair, mais il y a d'autres endroits où ça ne l'est pas autant. Je vous demande votre avis sur ce sujet.

Mme Cooper: Il s'agit d'une de nos suggestions: ne pas se limiter seulement à la maison et à l'école, mais d'inclure d'autres lieux. Le Dr Khatter a fait cette recommandation et Pollution Probe en fera autant. Ne vous préoccupez pas uniquement de la maison et de l'école comme lieux d'exposition des enfants, mais appliquez la définition pour la protection de l'enfance dans son ensemble dans un processus qui établira la norme, comme ce fut le cas avec la Food Quality Protection Act des États-Unis, approche que nous tentons d'appliquer ici dans le projet de loi C-8. Nous ne voyons pas de raison d'en restreindre l'application ici au Canada.

Le sénateur Roche: Madame Cooper, je sais que vous ou votre groupe avez fait part d'un certain nombre de préoccupations au comité de la Chambre des communes au moment où il étudiait ce projet de loi. Ce comité a accepté certaines d'entre elles et a modifié le projet de loi. Le projet de loi que nous étudions contient quelques-uns des changements que vous avez alors préconisés.

Mme Cooper: On trouve aussi des modifications recommandées par l'industrie. J'ai fait cette démarche la semaine dernière; j'ai parcouru tout le projet de loi pour vérifier les modifications.

Le sénateur Roche: Dans votre témoignage, aujourd'hui, vous faites certaines recommandations; si on en fait le décompte rapidement, vous recommandez 28 modifications.

Mme Cooper: C'est exact.

Le sénateur Roche: Est-ce que la Chambre des communes a été saisie de certaines de ces modifications?

Mme Cooper: Oui. Ils n'apparaissent pas tous ici. Nous nous sommes concentrés sur les deux questions que j'ai évoquées: la façon de pousser plus loin la notion de risque réduit, qui a été incorporée au projet de loi C-8, et les questions entourant l'accès à l'information et le droit du public d'être informé. Oui, nous vous avons présenté un exposé qui comprend un certain nombre d'éléments présentés au comité de la Chambre des communes.

Le sénateur Roche: Ainsi, le comité de la Chambre des communes a rejeté certaines modifications proposées, et en a accepté d'autres. C'est exact?

Mme Cooper: Tout à fait.

Le sénateur Roche: Lorsqu'ils ont adopté le projet de loi à cette étape, étiez-vous heureuse?

Mme Cooper: Oui, et je l'ai dit dans notre exposé. De façon générale, le projet de loi nous satisfait.

Le sénateur Roche: Ce que vous faites maintenant, c'est tenter d'obtenir des améliorations additionnelles, n'est-ce pas?

Mme Cooper: Oui, cela améliorerait l'orientation du projet de loi.

Le sénateur Roche: Vous faites 28 recommandations; c'est bien cela?

Mme Cooper: Il y a 28 recommandations parce qu'elles sont, à la base, reliées à deux catégories. La façon dont on abordait le risque était de faire un petit ajout à l'article 7 qui dit d'accélérer l'examen des pesticides à risque réduit. Nous demandons d'inclure ce concept dans la mission de ce projet de loi. Lorsque cela fait partie de la mission du projet de loi, il y a d'autres endroits dans le projet de loi où vous voulez l'y ajouter également. Il y a une autre série de modifications qui auraient le même effet que l'article 7, à savoir, accélérer l'examen.

Le sénateur Roche: Je ne blâme ni vous ni vos collègues de vouloir améliorer ce projet de loi. Tout peut être amélioré. Cependant, est-ce qu'il y aurait des conséquences néfastes pour l'intégrité du projet de loi si nous n'acceptons pas ces modifications?

Mme Cooper: Non.

La vice-présidente: Est-ce que certaines des modifications proposées pourraient être intégrées au Règlement?

Mme Cooper: Les détails concernant l'étiquetage seront précisés dans le Règlement. Nous pensons, comme nous l'avons fait savoir au comité de la Chambre, que c'est une question suffisamment importante pour faire partie de la loi elle-même.

La vice-présidente: Au nom du comité, j'aimerais tous vous remercier de votre présence.

Nos prochains témoins sont Mme Julia Langer du Fonds mondial pour la nature et Mme Sheila Clarke de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités.

Mme Sheila Clarke, Fédération canadienne des femmes diplômées des universités: D'abord, avant que le sénateur Roche ne me pose la même question, oui, cela sera néfaste pour le projet de loi si l'amendement n'est pas accepté.

Je vous remercie d'avoir invité la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités à vous adresser la parole à propos du projet de loi C-8. La Fédération canadienne des femmes diplômées des universités a été fondée en 1919 et elle représente un groupe représentatif d'environ 10 000 femmes au Canada qui sont actives dans les affaires publiques, qui surveillent la législation actuelle et les questions de l'heure et interviennent dans les questions d'intérêt national.

Nous sommes ici aujourd'hui pour étudier une résolution intitulée «Pesticides non essentiels (esthétiques): Homologation et formation» qui a été adoptée de justesse lors de notre dernière AGA. J'ai le plaisir de présenter devant ce comité trois points particuliers tirés de la résolution et directement reliés au projet de loi C-8: indépendance en recherche scientifique, publication des composantes, et sensibilisation de la population à la théorie de l'écosystème.

Le projet de loi C-8 est une grande amélioration par rapport à la loi originale sur les produits antiparasitaires de 1985. L'évolution rapide de la science, des habitudes de consommation, des questions environnementales et de notre présence même sur la Terre, notre empreinte, comme on l'appelle, exige clairement l'adoption d'une loi améliorée sur les produits antiparasitaires. Nous sommes arrivés aux nouvelles réponses parce que, dans un sens, nous avons trouvé de nouvelles questions à poser.

Le projet de loi C-8 mérite des éloges, mais nous devons soulever des questions importantes et nouvelles dont la présente loi devrait tenir compte. Je commencerai par celle du niveau d'indépendance requis par les chercheurs pour garantir la fiabilité des résultats des tests publiés par l'industrie des pesticides et, par là, protéger l'intégrité de l'industrie. La recherche sur les pesticides regorge de données contradictoires, avec pour résultat que nous devons jouer à «qui croyez-vous?»

Ce problème a été rencontré dans plusieurs domaines liés à la santé publique au Canada. Le rapport d'un comité d'experts sur l'avenir de la biotechnologie alimentaire préparé par la Société Royale du Canada en janvier 2001 recommande d'examiner les problèmes liés à l'influence croissante des intérêts de l'entreprise privée et des intérêts commerciaux sur l'orientation de la recherche dans le domaine public.

Coup de tonnerre dans un ciel bleu, en septembre 2001, le International Committee of Medical Journal Editors, dont fait partie le rédacteur en chef du Journal de l'Association médicale canadienne, a publié un éditorial phare intitulé Sponsorship, Authorship and Accountability» Les rédacteurs en chef ont remarqué le nombre croissant de conflits d'intérêts au sein de la communauté scientifique attribuables à la commercialisation des technologies dérivées de la recherche et à la domination croissante des programmes de recherche par l'entreprise privée. Il s'agit d'une déclaration fracassante sur l'état de la recherche dans le monde occidental et d'une initiative d'une importance capitale.

Les pesticides sont des produits chimiques que nous ajoutons dans notre environnement et, par le fait même, dans notre propre organisme. Nous les respirons, les ingérons, les absorbons. Ils ne sont pas moins importants du point de vue de la santé publique que les produits chimiques examinés dans les revues médicales. Nous recommandons donc les ajouts suivants au projet de loi C-8, l'adoption des recommandations suivantes tirées directement des lignes directrices de publication des revues médicales. Premièrement, le demandeur d'homologation d'un pesticide ne doit imposer aucun obstacle, direct ou indirect, à la publication des résultats intégraux de l'étude, y compris des données perçues comme préjudiciables au produit. Deuxièmement, les contrats de recherche devraient accorder aux chercheurs un droit de regard substantiel sur la conception de l'essai, sur l'accès aux données brutes, sur l'analyse et l'interprétation des données et sur le droit de publication. Troisièmement, tous les participants au processus de recherche doivent déclarer tout conflit d'intérêts potentiel — les enquêteurs, les commanditaires, les rédacteurs en chef et tous ceux qui participent à l'examen par des pairs.

La deuxième question que je veux soulever est reliée à la publication de tous les ingrédients d'un pesticide, actifs comme inertes. Pour traiter de cette question, je dois attirer votre attention sur les grenouilles et sur les perturbateurs endocriniens qui nuisent aux fonctions hormonales du corps, y compris les fonctions du système immunitaire.

De la même manière que nous ne savions pas quelles questions poser au moment de l'homologation initiale du DDT, nous ne savons pas vraiment quelles questions poser dans le cas des perturbateurs endocriniens. Le professeur Brian Dixon, de l'Université de Waterloo, note que les amphibiens sont en voie de disparition partout sur la planète. «Parmi les causes possibles», écrit-il, les toxines environnementales pourraient détruire leur système immunitaire, ce qui a pour effet qu'ils meurent de maladies auxquelles ils survivraient normalement.

Une étude-phare sur les amphibiens à laquelle M. Dixon a collaboré, qui a franchi l'étape de l'examen par les pairs et qui doit être publiée sous peu, affirme que l'absorption de quantités infinitésimales de pesticides se traduit par une diminution importante de l'immunité. C'est un facteur qui peut très bien être mis en cause dans l'augmentation de la fréquence de certains cancers et de certaines maladies immunitaires chez l'humain, qui a un système immunitaire semblable à celui de la grenouille.

Un des pesticides produisant cet effet est le Malathion, le pesticide qui a été répandu récemment sur la ville de Winnipeg.

Plusieurs ingrédients inertes peuvent être aussi toxiques que les ingrédients actifs ou peuvent être, eux-mêmes, des perturbateurs endocriniens. En juin 2001, le gouvernement fédéral a publié une liste d'environ 5 000 ingrédients non actifs que l'on retrouve dans les pesticides et dans les herbicides. Il y a encore énormément de travail à faire, dans le domaine même des perturbateurs endocriniens, mais également dans l'étude exhaustive de tous les ingrédients entrant dans la composition des pesticides, y compris des ingrédients inertes, et dans l'étude en laboratoire des innombrables combinaisons possibles de ces ingrédients. Ce travail avance, mais lentement.

Il est essentiel que nous, citoyens canadiens, ayons accès à la liste complète des ingrédients qui entrent dans la composition des pesticides pour que nous puissions prendre des décisions éclairées sur ce que nous achetons et utilisons.

Je vous ai fait une recommandation. Le projet de loi fait abondamment référence à des renseignements commerciaux confidentiels. Si on décidait de rendre cette information accessible à la population canadienne, comme cela devrait être le cas, tout le projet de loi devra être épuré.

La dernière question que nous soulevons est la suivante: est-ce important? Si nous, en tant qu'espèce dominante de la planète, n'arrivons pas à comprendre très bientôt que ce qui arrive à une partie de l'écosystème touche les autres parties de l'écosystème et qu'en fait, tous les écosystèmes sont reliés entre eux, la survie de notre espèce est compromise. Tous les programmes du monde qui recommandent des méthodes de remplacement et une utilisation restreinte des pesticides n'auront qu'un effet minime, voire inexistant, tant que le public ne comprendra vraiment comment les éléments de nos écosystèmes interagissent, et comment les pesticides entrent dans nos écosystèmes, y laissent leur marque et y demeurent.

C'est une erreur grave et répandue de croire que ce que nous faisons à un écosystème peut en affecter certaines composantes, mais pas nous. Notre économie est tributaire du marché. Notre approche envers le marché des pesticides esthétiques est notre choix — ou, pour être plus exact, ce choix vous appartient maintenant.

Pour que la décision d'utiliser des pesticides non essentiels et, de fait, des pesticides quels qu'ils soient, se fasse en toute connaissance de cause et de façon éclairée, nous recommandons fortement d'ajouter ce qui suit dans le projet de loi C-8: le gouvernement mettra sur pied, en collaboration avec les administrations provinciales et municipales, un programme d'éducation publique vigoureux et multidisciplinaire qui traite de la théorie de l'écosystème et de l'écologie humaine.

Je vous remercie de m'avoir permis de partager avec vous ces recommandations importantes de la part de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités. Comme nous posons de nouvelles questions, nous devons trouver de nouvelles réponses aux questions touchant la santé actuelle et future de nos écosystèmes, ce qui comprend toute forme de vie, y compris les êtres humains d'aujourd'hui et de demain.

Mme Julia Langer, directrice, Programme international, WWF Canada: Honorables sénateurs, le Fonds mondial pour la nature est une des plus grandes organisations de conservation au monde, avec des bureaux dans 30 pays et des projets à travers le monde, dans environ 100 pays. Notre mandat, à la base, est de conserver et de protéger la biodiversité. À nos débuts, nous étions un organisme qui se consacrait à sauver la soi-disant méga-faune charismatique, lions, tigres, pandas, activité pour laquelle nous sommes reconnus, mais il est rapidement devenu évident qu'il est impossible de protéger les espèces sans tenir compte de l'espace dans lequel elles vivent. Quelquefois, lorsque ces espaces sont contaminés par des produits chimiques, la capacité de reproduction elle-même est compromise. Ainsi, le Fonds mondial pour la nature a une participation très actives dans les activités visant à réduire la contamination de l'écosystème, pour le bienfait de la faune. Comme les humains sont très semblables sur le plan biologique, il est bien évident que nous ne sommes pas exclus.

Je veux situer le système d'homologation dans un certain contexte pour démontrer au comité pourquoi nous pensons qu'un pesticide homologué n'est pas sûr. Même la loi proposée, qui n'est pas, je dois l'admettre, comparable à la Loi sur les produits antiparasitaires actuelle, a besoin de certaines améliorations pour que l'on puisse susciter une confiance à l'égard de la sécurité des pesticides homologués.

La Loi sur les produits antiparasitaires, comme on le dit dans les modifications, est une loi fondée sur les risques et la valeur. Si un pesticide est trop dangereux, il est trop dangereux, peu importe la gravité du problème de parasites. Il s'agit d'une loi fondée sur la santé et l'environnement, et il est bien qu'il en soit ainsi. Cependant, il y a quelque 600 ingrédients actifs. Six milles produits ont été homologués, certains depuis très longtemps. Très peu ont fait l'objet d'une nouvelle évaluation. La plupart de ces produits sont utilisés en agriculture, dans nos aliments; certains sont utilisés à l'intérieur, d'autres à l'extérieur. Des témoins précédents ont expliqué une partie du contexte.

De nouveaux pesticides ayant fait l'objet d'une meilleure évaluation arrivent sur le marché, mais les évaluations de risque reposent encore sur des renseignements très rudimentaires. Nous entendons parler de possibilités d'améliorer la loi du fait que des importantes questions qui demeurent toujours sans réponse. Il est surtout important d'examiner la question de la précaution et d'éviter une multiplication des tests. Nous devons tenter de prendre les devants dans certaines questions qui émergent et qui nous ont pris par surprise, et dont nous commençons à voir les effets.

Tout cela se fait à partir des données fournies par l'industrie. Les arguments de mes collègues sont très pertinents. L'agence n'examine que les données fournies par l'industrie. Bien sûr, l'industrie doit fournir ces renseignements, mais c'est comme ça que le système fonctionne. Il doit y avoir des garanties pour s'assurer que ces données sont examinées dans une optique de prudence.

En ce qui concerne la participation de la population, nous constatons une nette amélioration dans la loi actuelle, mais cela n'est qu'un premier pas. Certaines modifications très importantes devront être apportées pour que les voeux dans ce domaine deviennent réalité.

De façon évidente, nous devons exercer un contrôle très strict sur les pesticides. Ils sont conçus au départ pour être toxiques. Ils sont conçus pour neutraliser un processus biologique. Bon nombre de processus physiologiques qui prennent place dans notre organisme sont semblables à ceux que l'on retrouve chez la sauterelle, qui est ciblée comme parasite, notamment les processus cérébraux, endocriniens et immunitaires. Nous ne pouvons ignorer trop longtemps cette réalité.

Même la loi la plus stricte ne peut tout régler. Si nous n'avons pas d'autres solutions, elles ne seront pas mises en oeuvre. C'est pourquoi je voudrais attirer votre attention sur l'idée de faire en sorte que la loi soit axée clairement sur la réduction des risques et qu'elle fasse une place importante à certaines des nouvelles approches en matière de gestion des parasites.

Le projet de loi ne peut faire autrement que d'être une amélioration par rapport à la loi actuelle vieille de 33 ans, mais il demeure une réponse inadéquate au chapitre des lacunes en matière d'information, des nouvelles techniques et approches mises de l'avant par certains autres pays de l'OCDE. Il ne s'intéresse certainement pas à ce que nous considérons comme une demande croissante pour des solutions de rechange dans les secteurs de l'agriculture, du développement urbain et de la foresterie.

Nous prions le comité de saisir cette occasion pour d'inclure dans la loi une partie des améliorations que nous proposons. J'en aborderai rapidement quelques-unes. Nous pourrions accélérer l'accès aux pesticides à risque réduit. Cette recommandation a reçu l'appui des agriculteurs, des détenteurs d'homologation et de la communauté médicale. Nous demandons que la loi exige un traitement accéléré des produits à risque réduit.

Les produits à risque réduit sont bel et bien mentionnés dans le projet de loi, mais le gouvernement semble trouver acceptable pour que les détails relatifs à cette importante question relèvent d'un règlement — bref, d'une ligne directrice. Ce n'est pas là un substitut approprié pour une exigence obligatoire. C'est pourquoi nous voulons faire savoir au comité que l'on devrait pouvoir trouver dans la loi un processus explicite pour un examen accéléré, y compris une définition du risque réduit. On pourrait préciser des délais plus courts comme incitatif pour faire progresser les choses plus vite. De plus, une réduction des frais et d'autres incitatifs feraient de cette question une priorité pour le ministre. Autrement, vous donnez votre accord implicite, mais vous n'en faites pas une réalité.

Un des mécanismes envisageables pourrait être l'exemption des produits à risque minimal, comme l'ail, le gluten de maïs ou le lait, qui ont des propriétés pesticides, des aliments que nous consommons tous les jours qui n'ont pas besoin d'être enregistrés de la même façon, mais qui doivent être accessibles. L'utilisation de produits à risque minimal ne devrait pas être considérée comme une infraction.

Je ne peux insister suffisamment sur l'importance d'intégrer cette notion dans la loi; il ne faut pas se contenter de reconnaître le principe, il ne faut reporter sa mise en œuvre à une date lointaine et il ne faut pas en faire une simple ligne directrice. Il faut l'inclure de façon explicite dans la loi, pour réduire les risques liés aux pesticides chimiques et notre dépendance à leur égard.

Mes collègues ont signalé des domaines où il faudra apporter des modifications pour clarifier les dispositions relatives à l'accès à l'information concernant les formulants et les contaminants, pour s'assurer que les données des essais et l'information fournie au sujet d'un pesticide n'ont pas été triées au préalable, et inscrites de manière sélective dans le registre, mais bien que toute l'information est accessible parce qu'elle touche notre santé et la protection de l'environnement.

Nous aimerions voir dans la loi des dispositions concernant la collecte et la déclaration des données. Les données sur les ventes ne constituent qu'un élément de l'ensemble. Ces données ne nous indiquent que la quantité de produits vendus au pays et, de façon générale, par ingrédient actif. Il faut que l'agence puisse exiger la collecte de données sur l'utilisation — à quel endroit les pesticides sont utilisés et à quelles fins — parce que c'est la seule manière d'évaluer le risque et d'établir des corrélations.

Il devrait être obligatoire, non seulement pour les détenteurs d'homologation, mais également pour les médecins et les chercheurs universitaires, de fournir au ministre des données au sujet des effets secondaires observés. Il faut pouvoir sonner l'alarme. Le cercle étendu des personnes en mesure de constater les effets des pesticides doit avoir l'obligation de communiquer cette information, afin qu'elle soit accessible au grand public.

Il m'est impossible de faire autrement que d'accorder mon appui aux recommandations relatives à une protection accrue de la santé des enfants, et à l'application de facteurs de sécurité aux pesticides, peu importe l'endroit où ils sont utilisés, non seulement dans les écoles et dans les endroits fréquentés par des enfants. Toutefois, étant donné le mandat du Fonds mondial pour la nature, je voudrais inclure la faune dans cette recommandation. En matière de répercussions environnementales, le danger lié aux pesticides n'est actuellement évalué qu'en fonction de la capacité du produit à tuer. Le seul test qui soit nécessaire pour mesurer les répercussions environnementales d'un produit est le test de la toxicité aiguë. Nous avons certainement besoin que l'on prenne en compte des effets moins radicaux que celui là lorsqu'on procède à l'homologation d'un pesticide. Les grenouilles ne sont qu'un exemple. Nous avons besoin d'appliquer des marges de sécurité pour compenser le manque flagrant d'information et, ainsi, protéger la nature et l'environnement.

Au sujet non pas de la loi elle-même, mais de son application, il est important que ce comité et, en fait, nous tous, insistions sur le fait — par exemple, je fais partie d'un comité qui conseille le ministre au sujet des pesticides — que nous souhaitons l'application rapide et complète de cette loi. Nous sommes actuellement en mode de rattrapage. La mise en application rapide et énergique de la loi contribuera à améliorer considérablement la protection de notre santé et de notre environnement.

Le sénateur Keon: Je souhaite aborder un élément d'une très grande importance que vous avez soulevé. Vous avez parlé de l'indépendance des publications scientifiques et de l'intégrité de l'information. Dans ce pays, les Canadiens ont perdu la capacité d'effectuer de la recherche crédible, dans les domaines de la santé et du bien-être, dans les IRSC, au CRSNG et même au CNRC. Et je suis en partie responsable de cette situation. En fait, à l'époque où j'exerçais une certaine influence dans le milieu de la recherche, j'ai beaucoup fait pour favoriser les relations avec l'industrie. Toutefois, nous devons maintenant faire un travail important pour rebâtir, dans le Canada atlantique ou ailleurs, un groupe de scientifiques crédibles qui n'ont pas vendu leur âme aux chaires de recherche.

Je ne remets pas en question l'intégrité de ces scientifiques. Cependant, l'orientation de la recherche est dictée par les applications qu'on trouve à cette recherche. Ils ne peuvent tout simplement pas fournir l'information nécessaire à l'application des lois et des règlements, et qui nous permettront de composer avec la masse exponentielle de connaissances qui surgissent dans le domaine de l'environnement. Cela va du réchauffement de la planète aux pesticides, en passant par tous les dangers pour la santé publique.

J'ai remarqué que vous n'êtes pas allée assez loin lorsque vous avez parlé. Vous n'avez pas dit ce que je viens de dire, et je me demande pourquoi vous ne l'avez pas fait.

Mme Clarke: Je l'ai fait. Vous n'avez sous la main qu'un résumé de notre mémoire. Bon nombre des affirmations que vous venez de faire se trouvent dans le mémoire, et dans la résolution. Les Honorables sénateurs ont également reçu un document, de couleur jaune, intitulé «Benchmarks», dans lequel j'ai regroupé un ensemble d'études spécialisées marquantes ainsi que de l'information à l'appui de notre propos.

Un de ces éléments d'information, notamment, fait référence aux bourses de recherche du CRSNG. Dans le cadre de discussions, j'ai appris qu'il est inutile, pour les professeurs et pour les étudiants inscrits aux études supérieures, de faire une demande de bourse s'ils ne disposent pas d'un financement extérieur égal au montant de la bourse. D'où vient ce 50 p. 100 de financement, croyez-vous? De l'industrie.

J'attire votre attention sur le cas du Dr Olivieri, du Hospital for Sick Children à Toronto. Dans mon esprit, il s'agit d'un exemple classique. Elle s'est rendu compte qu'il y avait un risque pour la santé des enfants participant à l'étude, mais elle avait signé avec la société Apotex une entente confidentielle de non-divulgation des données de recherche tirées des essais cliniques. Pendant la même période, Apotex discutait avec l'Université de Toronto la possibilité de faire un don de 30 millions de dollars à l'université et aux hôpitaux d'enseignement qui lui sont affiliés.

Nous avons créé un monstre. Pour reprendre les paroles de Pogo, «Nous avons rencontré l'ennemi», et voilà où nous en sommes. Nous devons faire quelque chose. Dans un certain sens, ce travail a été fait pour nous. Je m'incline devant ces rédacteurs en chef de revues médicales. En toute honnêteté, nous étions au beau milieu de notre recherche, et nous nous arrachions les cheveux parce que nous n'arrivions pas à savoir ce qui n'allait pas. Il était évident qu'il y avait quelque chose de louche, mais nous n'avions aucune idée pourquoi toutes ces études démontrant que les pesticides étaient néfastes avaient toutes, soudainement, été réfutées. Cela ne veut pas dire que les scientifiques ne sont pas intègres. Bien sûr qu'ils le sont. Cela ne veut pas dire que l'industrie n'est pas intègre. Nous souhaitons vivement qu'elle le soit. Cependant, les rédacteurs en chef sont montés au front en septembre 2001 en disant «Attendez un instant, établissons des lignes directrices pour toutes les parties en cause», et ces lignes directrices sont bonnes.

À l'heure actuelle, la recherche médicale doit se conformer à ces lignes directrices, exactement les mêmes, si elle veut vendre ses produits et publier ses articles dans les revues médicales. Les sociétés pharmaceutiques ont déjà ce phare pour les guider. C'est déjà là. Si nous rendons ces lignes directrices obligatoires pour les pesticides ou pour les produits chimiques d'usage agricole, nous permettons simplement aux sociétés pharmaceutiques d'harmoniser toutes leurs activités, tant agricoles que médicales. Nous n'étions pas conscients de ce qui s'était produit.

Le sénateur Keon: Ne croyez-vous pas que nous devrions nous regrouper, en tant que communauté scientifique canadienne, et reconstituer ce que nous avons déjà eu, par exemple, au Conseil de recherches médicales?

Mme Clarke: Nous n'avons pas les fonds suffisants.

Le sénateur Keon: Oubliez cela. Nous établirons les coûts plus tard. Il est question ici du principe. Nous devrions avoir des scientifiques indépendants en mesure de se pencher sur ces questions. Nous n'en avons plus, en partie à cause de personnes comme moi qui ont changé l'orientation de l'ancien Conseil de recherches médicales, devenu maintenant les IRSC, dont le CRSNG est un proche parent. Il fut un temps où nous avions un formidable groupe de scientifiques au Conseil national de recherches du Canada, ce qui n'est plus le cas maintenant. Je ne vois pas comment nous pourrions avoir un groupe de scientifiques à l'interne, au ministère de la Santé et du Bien-être social. Je ne vois pas non plus les IRSC aller dans cette direction, pas plus que le CRSNG. Nous pourrions sûrement revenir au CNRC et constituer la masse critique de scientifiques dont nous avons besoin pour traiter de ces questions. J'aimerais que des personnes comme vous commencent à défendre cette idée.

Mme Langer: Je crois que nous devrons cerner la question. Il s'agit d'un développement positif que la loi précise que le fardeau de la preuve repose sur le détenteur d'homologation. Il a la responsabilité de fournir l'information pertinente. Nous avons besoin de la transparence et des lignes directrices pour nous assurer que tout se déroule de manière appropriée.

Quant aux nouvelles questions à étudier, nous avons besoin d'une certaine capacité à l'interne parce qu'il n'est pas dans l'intérêt des entreprises d'inventer de nouvelles études ou de rechercher des éléments douteux. Nous avons besoin d'esprits inquisiteurs dans la communauté scientifique qui sont de notre côté, pour faire ce travail. Il s'agit d'une question administrative; cependant obtenir par la loi la transparence et le fardeau de la preuve constitue les premiers pas. Appuyer tout cela par des travaux de recherche est une autre question.

Le sénateur Roche: Je suis désavantagé parce que je n'en sais pas suffisamment sur le sujet. Vous en savez beaucoup plus que moi.

Madame Clarke, vous m'avez présenté votre commentaire plus tôt en disant que le rejet des modifications que vous alliez proposer, qui se présentent en trois volets, nuirait au projet de loi et aux intérêts des Canadiens. Et cela m'inquiète.

Généralement, lorsque des témoins se présentent devant nous, ils souhaitent certaines modifications. Comme je l'ai indiqué au témoin qui vous a précédé, tout peut être amélioré. J'avais l'impression que nous avions suffisamment de témoignages nous indiquant que le gouvernement avait resserré les lois sur les pesticides pour protéger l'environnement et les citoyens, et que lorsque le projet de loi est sorti de la Chambre des communes, après avoir été modifié pour être encore plus strict, qu'il était plutôt satisfaisant lorsqu'il est arrivé devant le Sénat. Peut-être qu'il ne l'est pas, mais c'était mon impression. Les modifications que vous proposez maintenant sont un peu comme ajouter du glaçage sur le gâteau.

Vous avez laissé entendre que ce que vous aviez à dire touche au cœur même du projet de loi. Vous avez dit que ce serait néfaste. Vous avez utilisé le même mot que moi. J'aimerais que vous élaboriez sur ce sujet et que vous expliquiez pourquoi les conséquences seraient si graves si les modifications que vous proposez n'étaient pas acceptées. Pourriez- vous établir une priorité dans les modifications que vous proposez et nous dire lesquelles sont vraiment indispensables à vos yeux?

Mme Clarke: Deux modifications sont prioritaires. La première, c'est l'indépendance de la recherche scientifique. Si nous venions de la planète Mars et que nous étions les seuls à réclamer cette modification, vous auriez parfaitement raison de la considérer comme frivole. Or, la Société royale du Canada et l'Association des rédacteurs en chef des revues médicales ont dit la même chose. Par ailleurs, nous avons le cas très significatif du Dr Olivieri qui illustre le genre de choses qui se produisent. Je crois qu'il incombe au gouvernement du Canada d'établir des lignes directrices dans le domaine de la recherche sur les pesticides qui font écho aux lignes directrices qui sont appliquées dans le domaine de la recherche médicale. L'indépendance de la recherche est essentielle.

Dans une série d'articles du Globe and Mail sur les liens de plus en plus étroits entre les sociétés pharmaceutiques et la communauté médicale, on faisait état d'un projet d'essais sur le traitement du cancer. La proposition du Dr X omettait pourtant d'indiquer que ce dernier était actionnaire de la société pharmaceutique. Son étude comprenait des sujets auxquels il administrait un médicament, puis il recueillait les résultats. Ce qui n'a pas été rendu public, c'est le fait qu'il était actionnaire de la société qui fabrique le médicament testé.

Il existe des cas où les entreprises financent les universités, comme la construction du Centre de toxicologie de l'Université Guelph. Des gens de l'industrie siègent au sein des conseils d'administration.

Le sénateur Roche: Laissez-vous entendre que des entreprises donnent de l'argent et qu'en contrepartie, elles s'attendent à des faveurs par le biais du processus législatif, qu'il y a corruption dans toute cette affaire?

Mme Clarke: Nous faisons erreur dans l'interprétation. Il est trop accusatoire d'utiliser le terme «corruption». Je dis simplement que la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités croit qu'il est important de préserver le principe de l'indépendance de la recherche scientifique. Si nous fondons nos décisions en matière d'environnement sur ce que nous mangeons, qui est pulvérisé avec quoi, sur ce que nous cultivons, sur ce qui dérive jusque dans nos collectivités, il est essentiel que nous disposions d'information non biaisée.

Je ne peux pas prendre de décision éclairée sans disposer de renseignements clairs et précis. Le pouvez-vous? Je dois pouvoir croire ce que je lis. Auparavant, les chercheurs universitaires le faisaient pour nous. À présent, il est difficile pour eux de le faire en raison de leurs obligations financières. C'est la première priorité.

La deuxième, d'égale importance, est l'éducation du public au sujet de la théorie de l'écosystème. Très simplement, la plupart d'entre nous ne comprennent pas. Nous comprenons qu'il existe quelque chose qui s'appelle un écosystème. Nous comprenons que certaines choses nous affectent tous, puis nous sortons arroser les pissenlits de pesticides. Nous ne comprenons pas véritablement ce qu'est la théorie de l'écosystème.

En 1963, j'ai suivi l'un des premiers cours d'écologie humaine donnés par le Dr Shimkin. J'ai compris à ce moment- là que c'était quelque chose à retenir. Il nous a servi la phrase typique: «Rappelez-vous de ce que je vous dis: dans 50 ans, tout ce que vous aurez appris dans ce cours sera sur toutes les lèvres» et, bien sûr, il a dit vrai. Et c'est vrai maintenant. Il pouvait prévoir ce qui se produit actuellement.

J'observe ce qui se passe dans ce domaine depuis longtemps. Je crois qu'en raison de ma formation scientifique, j'ai une certaine compréhension de l'écologie, mais qu'il faut que cette notion soit expliquée à tous les Canadiens.

Le sénateur Roche: Avez-vous présenté ces recommandations à la Chambre des communes?

Mme Clarke: Non, nous ne l'avons pas fait.

Le sénateur Roche: Pourquoi? Avez-vous été invitée?

Mme Clarke: Il y a deux ans, un autre membre de la Fédération canadienne des femmes diplômées des universités m'a demandé d'élaborer un document sur les pesticides à usage cosmétique. Voici le résultat.

Le sénateur Roche: Que voulez-vous dire?

Mme Clarke: Nous avons présenté notre résolution, et nous l'avons soumise à l'assemblée générale annuelle qui, selon le protocole, doit être acceptée par l'ensemble de l'organisme. C'est arrivé l'été dernier, ce document a été produit et me voici.

La vice-présidente: Nous sommes les premiers bénéficiaires des fruits de votre travail.

Mme Clarke: Si vous vous considérez comme un bénéficiaire, oui.

Le sénateur Roche: En fin de compte, est-ce que vous considérez que sans l'application de ces ceux recommandations, ce projet de loi aura des conséquences néfastes?

Mme Clarke: Je crois qu'il est nécessaire d'établir des mesures de protection.

Le sénateur Keon: Le sénateur Roche se demande, en fait, s'il y avait un problème d'intégrité, et je ne crois pas qu'il y en ait un. Il y a un problème d'orientation. L'appât du gain mène la communauté scientifique dans la direction que souhaitent les complexes industriels, parce que c'est de là que vient l'argent. Ce que j'essaie de vous faire dire, c'est ceci: compte tenu du fait que cette situation doit être contrée par un groupe de scientifiques faisant de la recherche fondamentale, et non à cause d'un manque d'intégrité au sein de la communauté scientifique, le problème n'est-il pas tout simplement que tous les incitatifs ont disparu?

Mme Clarke: Cela peut également se faire, comme vous l'avez indiqué, par des lignes directrices intégrées dans d'excellents projets de loi comme celui-ci.

Je ne connais pas tous les détails de cette affaire parce que ma participation n'était pas très importante, mais il y a des personnes présentes ici qui, je crois, les connaissent et je parle de l'affaire de BST avec le sénateur Whelan. À cette époque, je ne sais pas où toutes les recherches étaient effectuées, mais une partie n'était-elle pas réalisée par des organismes gouvernementaux?

Le sénateur Keon: Une partie des recherches, oui.

Mme Clarke: Ces organismes aussi font l'objet de pressions de la part de groupes représentant des intérêts particuliers. Les lignes directrices sont peut-être plus proactives.

Le sénateur Keon: Nous disposons d'une opportunité unique ici et nous ne devons pas la laisser passer.

Le sénateur Morin: Je suis d'accord.

Le sénateur Keon: Le sénateur Morin et moi-même avons fait partie du Conseil des sciences et nous avons été témoins de la désintégration de la recherche à l'interne.

Le sénateur Morin: Bien sûr.

Le sénateur Keon: Je crois que la présentation de Mme Clarke a été brillante et je la félicite, mais je continue de croire que nous ne touchons pas au problème sous-jacent. Nous ne le ferons pas par des lois et des règlements, ni en rédigeant un autre projet de loi. Nous devons aller au-delà de ce projet de loi, un bon projet qui devrait être adopté le plus tôt possible. Toutefois, nous devons aller au-delà de ce projet de loi et sensibiliser le public à la nécessité de recréer un groupe de chercheurs indépendants au sein du gouvernement fédéral pour offrir à la population les connaissances nécessaires à la protection de notre écosystème.

La vice-présidente: C'est une très bonne proposition.

J'ai un commentaire pour terminer. En tant que profane en la matière, je crois qu'il y a un manque total de sensibilisation du public. Par moi-même, j'ai décidé depuis deux ans maintenant d'arracher les pissenlits plutôt que de les combattre avec des pesticides. Je m'en porte probablement mieux. Je le fais parce que je m'inquiète de l'effet des pesticides sur la rivière qui coule près de chez moi, ainsi que sur ma propre santé.

Vous nous avez présenté deux témoignages excellents et convaincants, et je tiens à vous remercier de la part du comité de votre présence ici aujourd'hui. J'espère que votre message sera entendu.

La séance est levée.


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