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SOCI - Comité permanent

Affaires sociales, sciences et technologie

 

Délibérations du comité sénatorial permanent des
Affaires sociales, des sciences et de la technologie

Fascicule 16 - Témoignages du 28 mai 2003


OTTAWA, le mercredi 28 mai 2003

Le Comité sénatorial permanent des affaires sociales, des sciences et de la technologie se réunit en ce jour à 16 heures pour examiner les questions soulevées par le dépôt, en octobre 2002, de son rapport final sur l'état du système de santé au Canada, ainsi que pour analyser les développements qui ont suivi. Le comité sera notamment autorisé à aborder les questions concernant la santé et la maladie mentales.

Le sénateur Michael Kirby (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Honorables sénateurs, nous allons maintenant commencer.

Nous avons quatre témoins. Nous entendrons un bref discours d'ouverture de la part de chacun d'eux. Leurs déclarations écrites complètes sont à la disposition des membres du comité.

M. Arnett est le chef du Département de santé psychologique clinique de la Faculté de médecine de l'Université du Manitoba. Je suis surpris, monsieur Arnett, que votre titre comporte le mot «psychologie» et non «psychiatrie». Vous pourrez me l'expliquer dans un moment.

Nous accueillons Mme Bronwyn Shoush, qui nous vient d'Edmonton, Mme Nancy Hall, conseillère en santé mentale de la côte Ouest et qui était auparavant de Winnipeg, et Mme Rena Scheffer de l'ancien Institut Clark, maintenant appelé le Centre de toxicomanie et de santé mentale.

Comme plusieurs d'entre vous se souviendront, le Dr David Goldbloom, qui était jusqu'à tout récemment le médecin en chef du Centre de toxicomanie et de santé mentale, est le conseiller spécial de ce comité.

Merci à tous d'être venus de tous les coins du pays.

M. John Arnett, chef du Département de santé psychologique clinique, Faculté de médecine, Université du Manitoba: La concision n'est pas un des vices auxquels je cède, mais j'essaierai d'être aussi concis que possible.

Le comité sait que 20 p. 100 des Canadiens feront face à un trouble de santé mentale à un certain moment de leur vie. Par conséquent, ce sujet est d'une grande importance. En 1993, le coût économique des troubles de santé mentale était évalué à environ 7,3 milliards de dollars. Quatre pour cent des admissions de tous les centres hospitaliers étaient, en 1999, reliées à des troubles de santé mentale.

Je n'insisterai pas sur la prévalence de l'ensemble de ces troubles; qu'il me suffise de mentionner qu'au Canada, chaque année, 2 p. 100 de tous les décès sont associés au suicide. Deux pour cent, ça ne semble peut-être pas beaucoup, mais sachez que 16 p. 100 des décès chez les personnes de 25 à 44 ans sont causés par le suicide et que ce nombre grimpe à 25 p. 100 chez les 15 à 24 ans. Personne dans cette pièce n'est visé par ces chiffres, mais les risques accroissent aussi de manière significative chez les hommes de 65 ans et plus.

Une étude approfondie menée par l'Organisation mondiale de la santé, la Banque mondiale et l'Université Harvard a révélé que les troubles de santé mentale se classent au deuxième rang, tout juste derrière les troubles cardiovasculaires, en ce qui a trait au fardeau que cette maladie impose aux gens. Les problèmes mentaux sont aussi à l'origine d'un plus grand nombre d'années perdues à cause de morts prématurées et d'années de vie avec une incapacité que le sont tous les cancers réunis. Cette courte série de statistiques permet de voir que la santé mentale est un problème important qui touche tous les Canadiens, leurs familles et leur communauté.

Pour aborder le sujet de la stigmatisation, nous pouvons d'abord nous pencher sur la séparation de la santé physique et mentale. Cette façon de voir découle de la philosophie de dualisme de René Descartes — il y a l'esprit et il y a le corps et ils sont séparés et distincts. Toutefois, l'évolution des hôpitaux psychiatriques, qui sont, en bout de ligne, eux aussi devenus distincts des hôpitaux généraux, a probablement contribué à la stigmatisation des gens atteints de maladies mentales, puisque les hôpitaux psychiatriques étaient souvent situés dans des régions très éloignées du pays. L'idée que les personnes atteintes de maladies mentales étaient dangereuses et devaient être tenues d'une quelconque façon à l'écart des patients atteints d'autres troubles de santé a, par le fait même, été renforcée.

Je ne m'étendrai pas sur les théories de causalité en ce qui concerne les troubles de santé mentale, mais je dirai ceci: les progrès remarquables de la biologie, de la génétique et de la technique d'imagerie captivent parfois notre imagination au point qu'en ne nous préoccupant que des aspects biologiques et des images du cerveau, nous tendons vers le réductionnisme et la simplification exagérée. Nous oublions que ces troubles surviennent dans le contexte d'un environnement social et d'une situation psychologique. Pour comprendre les troubles de santé mentale, il faut comprendre non seulement leur biologie, mais aussi leur sociologie et leur psychologie. Ces éléments doivent être considérés comme un ensemble afin d'en obtenir une vision sensée.

La stigmatisation est très certainement un aspect récurrent des problèmes de santé mentale dans l'histoire. Il existe toutefois des indications voulant que la stigmatisation s'accentue au lieu de diminuer. Ce problème est important pour nous. Nous savons qu'il empêche les individus de reconnaître leur problème de santé mentale alors, à plus forte raison, de l'avouer aux autres. Malgré le fait que des traitements adéquats soient disponibles, les gens se cachent avec leurs problèmes et ne cherchent pas les soins appropriés.

Le Surgeon General des États-Unis a publié le tout premier rapport sur la santé mentale en décembre 1999. On y évaluait que près de la moitié des Américains qui souffraient d'un trouble de santé mentale sévère, dont près des deux tiers souffrant d'un problème de santé mentale pouvant être diagnostiqué, ne cherchaient pas d'aide parce qu'ils avaient peur de la stigmatisation.

Plusieurs personnes ici présentes se souviennent de l'élection présidentielle américaine de 1972, durant laquelle le sénateur américain Thomas Eagleton et George McGovern étaient colistiers à la vice-présidence. Le sénateur Eagleton a dû se retirer après avoir admis avoir souffert d'épuisement nerveux et avoir eu recours à des électrochocs comme thérapie contre sa dépression. Cet exemple illustre que la stigmatisation des troubles mentaux dépasse les frontières occupationnelles, sociales, culturelles et économiques. Ce n'est pas uniquement l'affaire d'une partie de la société.

Nous savons que la stigmatisation se caractérise par les préjugés, la méfiance, les stéréotypes, et cetera. L'accès des individus au logement et à l'emploi est fréquemment diminué, ce qui mène en bout de ligne à une faible estime de soi, à l'isolation et au désespoir. Il est évident que ce phénomène se produit dans plusieurs cas indépendamment des limitations qu'imposent en eux-mêmes les troubles de santé mentale. En d'autres termes, la stigmatisation semble avoir le pouvoir indépendant de créer de telles situations.

Nous savons que la couverture médiatique sensationnaliste de gens comme Andrea Yale, qui a noyé ses enfants dans le bain, contribue beaucoup à la stigmatisation. Nous savons également qu'à cause de la désinstitutionnalisation hâtive et sans un support adéquat de la communauté, plusieurs sans-abri souffrant de troubles mentaux abondent dans nos villes, ce qui effraie et contrarie le public. Des situations du genre contribuent énormément à la stigmatisation des gens souffrant de problèmes de santé mentale.

J'ai mentionné plus tôt que la stigmatisation semble s'empirer plutôt que s'améliorer. Dans un rapport publié en 1997, Phelan et ses collègues ont comparé la perception du public face aux maladies mentales en 1950 et en 1996, et ont découvert que les stigmates sociaux à l'égard de ces dernières étaient plus nombreux en 1996. Le facteur ayant contribué le plus à cette augmentation était la croyance des gens qu'une personne souffrant d'un trouble psychique est dangereuse. En d'autres termes, elle représente une menace pour leur santé et leur bien-être.

En 1996, 31 p. 100 des personnes sondées ont affirmé que les personnes atteintes de maladie mentale étaient violentes, alors qu'elles n'étaient que 13 p. 100 à le croire en 1950. En d'autres mots, la stigmatisation inspirée par la peur de la violence a augmenté plutôt que diminué.

Il n'existe pas de solution simple au problème, de méthode simple pour faire disparaître la stigmatisation. Les études de Phelan donnent à penser qu'une connaissance accrue des maladies mentales ne suffit pas. En fait, la connaissance accrue seule pourrait aggraver la situation. Toutefois, expliquer le risque associé à des troubles psychiques spécifiques et dans des circonstances précises pourrait faire partie de la solution pour réduire la stigmatisation.

Sans contredit, la découverte de traitements plus efficaces aiderait à réduire la stigmatisation. Puisque celle-ci semble être intimement liée à la perception publique de menace de violence que représentent les personnes atteintes, j'ai tenté de résumer la documentation existante. Comme vous pouvez l'imaginer, dans toute documentation complexe, on ne retrouve pas d'accord unanime. Certaines études entrent en contradiction avec d'autres, mais on peut en tirer quelques conclusions importantes.

En 1996, le chercheur américain John Monahan a établi qu'environ 3 p. 100 des actes de violence était attribuable à des personnes atteintes d'un trouble psychique.

Par conséquent, il a conclu qu'en guérissant toutes les maladies mentales demain, 97 p. 100 des cas de violence se produirait. En d'autres mots, le risque de violence encouru par le public au contact de gens au psychisme troublé est faible et apparemment ne correspond pas à l'idée que le public se fait, ce qui mène à l'accroissement de la stigmatisation.

Bien que la dernière affirmation est vraie, les risques de gestes violents de la part de gens au psychisme troublé semblent être plus élevés. Il est sage de le reconnaître. Ces gestes se produisent particulièrement dans les cas de maladie mentale grave et encore davantage lorsque la maladie grave est accompagnée d'une toxicomanie. Le Dr Monahan a découvert que le risque de violence chez les schizophrènes était comparable à la moyenne de la société, sauf si ces derniers présentaient des symptômes de psychose active et encore plus s'ils étaient touchés par une toxicomanie.

Le professeur Swanson a identifié certains symptômes pouvant présenter un risque progressif qu'une personne au psychisme troublé pose un geste violent contre les autres. Parmi ces symptômes, il y a la croyance délirante que les autres contrôlent ses mouvements ou sa pensée contre son gré, que les autres complotent contre elle ou essaient de la blesser ou de l'empoisonner, que les autres peuvent mettre des pensées directement dans son esprit ou les lui voler et qu'elle est suivie. Ces symptômes psychotiques augmentent le risque et, lorsqu'ils sont associés à une maladie mentale grave et à la toxicomanie, présentent des facteurs de risque accru de violence, ce qui effraie la population et l'incite notablement à stigmatiser.

Les personnes souffrant d'anxiété ne présentent aucune augmentation d'aucun facteur de risque envers le public. L'augmentation du risque attribuée aux personnes souffrant de troubles affectifs ou de dépression est très légère.

Je ne parlerai pas de toutes conditions pouvant présenter un risque. Cependant, les symptômes psychotiques que j'ai mentionnés, la toxicomanie et la maladie mentale grave constituent des facteurs de risque.

En 1998, l'association américaine de psychiatrie a réitéré, dans sa déclaration de principe, l'argument selon lequel la grande majorité des comportements violents sont l'œuvre de personnes saines d'esprit. Les membres de la famille sont les personnes les plus à risque de violence. Le grand public court un risque relativement faible. La déclaration souligne aussi que les personnes atteintes d'une maladie mentale courent un risque notable d'être blessées par ceux qui en ont peur et qui, par conséquent, peuvent réagir de façon inappropriée, et de se blesser eux-mêmes par automutilation.

Des campagnes de sensibilisation visant à identifier les facteurs de risque qui accroissent le degré de violence pourraient s'avérer utiles pour réduire les stigmates.

Le dernier élément sur lequel je vais me pencher brièvement est le fait que la stigmatisation résulte en partie du fonctionnement du système de soins de santé mentale mis sur pied au Canada au cours des ans. Le système actuel repose largement sur le modèle biomédical des troubles de santé mentale, modèle étant, comme nous le savons, grandement axé sur les traitements pharmaceutiques.

Ma réserve ne concerne pas le modèle biomédical, car il s'est avéré très utile. Elle a plus à voir avec la façon par laquelle ce dernier entre en relation avec ces conditions particulières. Nous voyons maintenant les coûts des médicaments excéder ceux de la facturation par les médecins et nous savons qu'il y a eu une augmentation de prix des médicaments. J'ai vu les mêmes personnes entrer par une porte, se coucher dans un lit, se relever, sortir par la même porte, puis revenir. Notre système connaît un problème de va-et-vient. Je doute que l'utilisation du modèle axé sur la maladie ou de la médicalisation à outrance de certains de ces problèmes ait bien fonctionné.

En 1977, dans un article du magazine Science, le médecin interniste George Engel a été le premier à proposer le modèle biopsychosocial s'appliquant aux troubles de santé mentale et possiblement aussi aux troubles de santé en général. Le modèle d'Engel est plus efficace que le modèle biomédical qui se concentre presque exclusivement sur la biologie, parce qu'il tient compte de la biologie, de la sociologie et de la psychologie de la santé. Ce modèle rigoureux permettra une nouvelle lancée des progrès en santé mentale et concordera avec le témoignage de certains autres représentants.

Le modèle biomédical en santé mentale a axé une grande partie des ressources sur les soins hospitaliers qui coûtent cher puisque qu'ils doivent être offerts jours et nuit, et tous les jours. Souvent, trop peu d'argent était attribué aux services communautaires. Le modèle biomédical est bien ancré. Il profite à plusieurs intérêts puissants et influents, et un changement de paradigme vers quoi que ce soit qui ressemblerait au modèle biopsychosocial serait difficile.

D'autre part, je crois que la situation actuelle déforme de façon notable l'étendue des services cliniques offerts aux personnes souffrant d'une maladie mentale. Nous devons rééquilibrer la distribution relative des ressources entre les services axés sur le modèle biomédical, qui sont utiles, particulièrement dans les cas de psychose grave, et le modèle biopsychosocial.

L'importance sous-jacente de ces modèles est plus que théorique. Le modèle utilisé implicitement pour examiner un patient influence de façon marquante à la fois ce qui est vu et ce qui est fait. Il ne s'agit pas seulement ici d'un modèle théorique issu de l'esprit d'un universitaire et qui n'a aucun impact. Le nouveau modèle change des choses.

Le président: Nous aurons beaucoup de questions. Nous entendrons ensuite Bronwyn Shoush, membre du conseil de l'Institut de la santé des Autochtones d'Edmonton.

Mme Bronwyn Shoush, membre du comité de l'Institut de la santé des Autochtones, Instituts de recherche en santé du Canada: Je crois que le sujet abordé aujourd'hui, la santé mentale et les stigmates en particulier, est très important. On m'a présentée à titre de membre du conseil de l'Institut de la santé des Autochtones. Cet institut fait partie des Instituts de recherche en santé du Canada. Notre directeur scientifique, le Dr Reading, qui travaille depuis l'Université de Toronto, vous soumettra un document au nom de notre institut au moment opportun, d'ici la fin du mois selon moi.

Je voudrais mentionner que je suis ici en tant que profane. Je suis avocate et directrice des stratégies en matière de justice applicable aux Autochtones pour le ministère de la Justice et le solliciteur général de l'Alberta. J'ai un très bon emploi qui me permet de visiter les communautés autochtones des Premières nations et les communautés métisses de toute la province.

Nous savons que les problèmes de santé mentale sont une préoccupation importante dans ces communautés, comme ils le sont partout au Canada. Les moyens utilisés pour aborder ces problèmes chez les peuples autochtones n'ont pas bien fonctionné.

Une des conséquences de cette situation est la sur-représentation des peuples autochtones dans le système de justice pénal et dans les organismes de protection de la jeunesse.

Le bien-être et l'état de santé des peuples autochtones laissent beaucoup lus à désirer que ceux des autres Canadiens.

Les membres des communautés nous ont indiqué que cet état ne s'améliorerait pas tant que nous ne pourrons pas nous concentrer sur les communautés plutôt que sur les individus.

Cette idée rappelle le commentaire de M. Arnett à l'effet que le modèle médical tend à se contenter de voir la personne physique qui a besoin qu'on pose un geste pour retrouver sa santé.

Dans les communautés autochtones, on nous a dit qu'il faut adopter un point de vue global en santé, tout comme en santé mentale. Il est impossible d'aider une personne si on n'aborde pas les quatre composantes de la santé.

Ici, je fais référence aux aspects physique, psychologique, mental et spirituel. Si un de ces aspects est mis de côté, la personne ne peut pas se sentir bien. La focalisation sur l'aspect physique a laissé plusieurs personnes face à des problèmes de stigmatisation, du moins dans les communautés autochtones.

J'ai pris connaissance du document dans lequel les stigmates sont identifiés. Je voudrais ajouter que les stigmates peuvent être comparés à un voile couvrant le visage d'une personne et empêchant les gens de se concentrer sur elle. Nous devons trouver un moyen de lever ce voile, de regarder la personne et de ne pas voir seulement ses différences, peu importe que ce soit sa race, son état mental ou toute autre déficience. En n'observant que les différences, il est impossible de voir la contribution que cette personne pourrait apporter à la communauté.

Je vis cette situation dans ma propre famille, avec ma fille. Plusieurs personnes pourraient croire qu'elle est atteinte de déficience mentale. Cependant, elle-même n'en a pas l'impression. Elle est atteinte de paralysie cérébrale spastique et aurait l'équivalent scolaire d'une troisième année. Elle vit et fonctionne bien avec cette maladie depuis 25 ans. Elle est aussi diabétique. Elle ne se voit pas comme une personne souffrant d'une déficience ou du diabète. Elle se considère normale en tout point. En comparaison avec les autres membres de ma famille, c'est elle qui a le meilleur état de santé. Elle semble bien se porter malgré ses conditions de vie.

En fonction des stigmates, la communauté pourrait la regarder et penser que sa contribution et sa participation dans la société ne peuvent être que limitées parce que les premières choses que les gens remarquent sont les aspects que j'ai mentionnés.

Ces situations font partie des mythes et des réalités.

Nous avons entendu parler du modèle biopsychosocial. Je voudrais en discuter davantage: un examen des facteurs sociaux déterminants pouvant aider les personnes atteintes de maladies mentales à mieux vivre constituerait une approche globale intéressante pour le peuple autochtone et peut-être aussi pour d'autres personnes. Si l'itinérance était un problème, il devrait alors être abordé. Au lieu de toujours se concentrer sur l'unique problème d'une personne, peut- être que des possibilités d'éducation et de divertissement appropriées pourraient aider.

Les peuples autochtones sont portés à lier les approches traditionnelles au bien-être des communautés. À travers l'histoire, les Autochtones n'ont pas considéré nuisibles les personnes souffrant de troubles mentaux, mais plutôt comme un présent à la communauté. Elles étaient perçues comme possédant des talents et des dons extraordinaires et comme étant rapprochées du créateur. Je voudrais, à cet effet, faire référence à un livre qui a reçu un prix Nobel. L'auteur japonais a écrit sur ses préoccupations personnelles en ce qui concerne son fils atteint d'une déficience. On l'avait encouragé à ne pas faire d'efforts importants pour changer la situation et à ne pas croire que son enfant accomplirait quoi que ce soit. En fait, ce jeune homme est un idiot savant et est maintenant un chef d'orchestre réputé.

Vous pouvez remarquer que le peuple autochtone a une «vision du monde» différente des autres peuples en ce qui concerne les troubles mentaux; ils préfèrent voir ces derniers comme des dons plutôt que comme des épreuves ou des maladies.

Je voudrais maintenant vous entretenir brièvement d'un modèle juridique dont, je suis certaine, vous avez déjà entendu parler. Je suis avocate. Cependant, je ne crois pas qu'un modèle juridique ou une législation soit le meilleur moyen de mettre sur pied des systèmes de soutien aux personnes ayant à vivre avec les stigmates. Nous ne devrions pas nous tourner vers la promotion de contentieux ou de processus du genre parce qu'ils ne fonctionnent pas bien. Nous devons trouver des façons pour que les gens d'une même communauté apprennent à se connaître et à se considérer des membres d'une même communauté. Ils doivent être perçus comme des individus pouvant participer à la communauté plutôt que d'adopter le modèle litigieux «nous et eux». Pour ce faire, nous devons pouvoir compter sur des méthodes de résolution de problèmes dans les communautés autochtones ainsi que dans les autres communautés. La médiation, le rétablissement de la paix autochtone et des cercles de discussion et de mieux-être pourraient faire partie de ces méthodes. Les gens bénéficieraient ainsi d'un moyen de faire partie de la communauté.

Je voudrais mettre l'accent sur un domaine du droit qui, à mon avis, a eu un impact négatif sur le domaine de la santé mentale et sur les stigmates en particulier. Je fais référence à la législation relative à la protection de la vie privée. La législation est perçue, du moins par les communautés autochtones, mais aussi d'ailleurs selon moi, comme un désavantage. Elle préconise la confidentialité quand il est question de santé et les gens ont l'impression qu'elle les empêche de discuter des problèmes et de se voir comme des membres normaux de l'humanité. Les intervenants qui pourraient offrir un soutien ne peuvent le faire en temps opportun. Je peux confirmer des situations dans ma pratique, où des personnes en proie à un épisode psychotique seront d'abord en contact avec la GRC ou une autre force policière. Les fournisseurs de soins de santé n'ont pas le droit de partager l'information qui permettrait au corps de police d'être avisé de la condition de la personne et de l'aborder d'une façon plus probante.

Je considère que la question de la législation relative à la protection de la vie privée concerne l'éthique et devrait faire l'objet de discussions. J'aimerais vous fournir plus d'information à ce sujet, si vous le désirez. Vous y trouveriez également de l'information sur le côté juridique de la santé mentale.

Je terminerais en déclarant que le modèle médical n'a pas bien fonctionné jusqu'à présent parce qu'il mit de côté les soins primaires aux personnes. Au lieu d'être proactifs, nous avons choisi une méthode réactive en amenant les gens à se faire soigner dans les hôpitaux. Un des moyens d'améliorer le système serait de faire publiquement la lumière sur la santé mentale de la population, tout comme dans les autres secteurs de la santé. Je sais que, pour l'instant, c'est une préoccupation importante avec le SRAS. Nous savons qu'il faut porter attention à la santé publique et à la santé communautaire. Les résultats seraient probablement intéressants dans le domaine de la santé mentale.

Le président: Il y a trois ans, ce comité a eu à traiter du projet de loi C-6 portant sur la protection de la vie privée sans faire de lien avec le domaine de la santé. Nous sommes arrivés à la conclusion que ce projet de loi entraînerait toutes sortes de problèmes dans le secteur des soins de santé. À la suite des objections du gouvernement, nous avons modifié le projet de loi. Les modifications ont stagné. Votre commentaire m'intrigue. Il va à l'encontre de l'opinion des zélotes de la protection de la vie privée et constitue, par le fait même, une observation intéressante.

Nous entendrons maintenant Mme Nancy Hall, de Vancouver.

Mme Nancy Hall, conseillère en santé mentale, témoignage à titre personnel: Je m'adresse à vous à la fois en tant que sœur d'un homme qui vit avec une maladie mentale persistante et grave et en tant que conseillère en matière de santé. Mon expérience personnelle fera sans doute surface au cours de ma présentation aujourd'hui.

Je travaille actuellement comme conseillère pour la Commission provisoire d'intégration communautaire de la Colombie-Britannique. À ce titre, je travaille avec des personnes ayant des déficiences développementales en tenant compte de leurs besoins en santé mentale. Je travaille également pour le Département de psychiatrie de l'Université de Colombie-Britannique.

Les idées que je vous présente aujourd'hui sont teintées du fait que j'ai été, de 1998 à 2001, la première avocate en santé mentale en Colombie-Britannique. J'ai occupé cette fonction jusqu'à ce que le gouvernement libéral abolisse le poste.

Je vois que le comité s'intéresse beaucoup à l'aspect «discrimination». J'ai écouté les témoignages des représentants qui m'ont précédé.

Je suis de l'école qui appelle les choses par leur nom et on parle bien de discrimination. Dans toutes les autres organisations de déficience auxquelles je participe, on n'utilise pas le mot «stigmate» qui est le terme poli utilisé pour désigner la «discrimination». Quand une personne souffrant d'une maladie mentale est systématiquement traitée de façon différente, c'est de la discrimination à mes yeux.

À titre d'avocate en santé mentale, j'ai déposé des rapports au gouvernement, l'un d'entre eux était intitulé «Augmentez le volume» et j'y indiquais que la situation était chaotique, tout en essayant de rester positive. Le deuxième rapport avait pour titre «Cultiver le problème» parce que la situation était toujours chaotique et que le gouvernement se devait de prendre des mesures.

J'ai décrit dans ces rapports les problèmes de discrimination qui m'avaient été rapportés par plus de 2 000 Britanno- Colombiens. J'ai écouté leurs histoires de discrimination reliées à leur milieu familial et au diagnostic de maladie mentale. Le point de vue venait toujours de ceux qui vivent ces situations. C'est avec plaisir que je soumettrai ces documents au comité comme éléments de preuve.

En analysant les expériences des gens et en conseillant le gouvernement sur la façon d'aborder les problèmes, nous avons divisé les expériences de discrimination en défis concernant les droits de la personne dans les domaines juridique, thérapeutique et social.

Nous aborderons brièvement la discrimination concernant les droits juridiques. Les personnes atteintes d'une maladie mentale se voient enlever régulièrement leurs droits de simples citoyens. Plusieurs administrateurs des soins de santé, lorsque nous leur parlons du besoin d'un projet de loi sur les droits des prestataires de soins de santé mentale, ne comprennent pas que ces derniers sont les seuls à entrer dans le système et qui peuvent être traités contre leur volonté. D'ailleurs, la Cour suprême instruit actuellement une affaire sur cet enjeu spécifique.

Bien que nous ne sommes pas ici pour discuter de cet enjeu, nous devons dire que les personnes souffrant d'une maladie mentale qui se voient enlever leurs droits sont traitées de façon déplorable dans certaines régions du pays. En ce moment, même si la situation change grâce au transfert des responsabilités dans les hôpitaux psychiatriques provinciaux, le Québec, le Nouveau-Brunswick, l'Alberta et l'Ontario sont les seules provinces qui fournissent des avocats aux personnes qui sont détenues contre leur volonté en vertu des lois sur la santé mentale. Non seulement les gens sont traités de façon déplorable, mais la procédure établie est souvent contournée.

En Colombie-Britannique, comme dans plusieurs provinces, une loi sur la santé mentale en vigueur annule les droits des patients et invalide la procédure établie. En 1998, 150 personnes dans notre province détenue en vertu de la loi ont dû se présenter devant un comité de révision pour régler des situations où leurs droits n'étaient pas respectés, malgré le fait que la Loi sur la santé mentale stipule qu'une personne atteinte d'une maladie mentale est supposée être accompagnée et aidée de quelqu'un.

Il ne s'agit que du sommet de l'iceberg. Le comité serait peut-être intéressé à savoir combien de personnes sont détenues. Malheureusement, lorsque nous avons essayé de le découvrir, nous avons appris que 40 p. 100 des hôpitaux de notre province ne faisaient pas rapport de ces statistiques.

Nous espérons que la situation s'est améliorée, mais depuis la fermeture du bureau de l'avocat, il n'y a eu de rapport de résultat sur ces questions critiques. Nul n'est tenu de rendre compte sur des procédures restrictives telle que l'électroconvulsothérapie ou l'utilisation de moyens de contention, comme dans d'autres provinces.

Ce qui dérange dans l'aspect juridique de la problématique est le fait que tant de gens souffrant d'une maladie mentale ne sont pas traités. Ils enfreignent la loi et aboutissent dans le système de justice criminelle. Dans notre province, l'ancien directeur du Service sur les questions correctionnelles et la santé mentale a affirmé que 15 p. 100 des détenus en Colombie-Britannique ont été diagnostiqués d'un désordre mental grave. Un 27 p. 100 additionnel répondaient aux critères de diagnostic.

En laissant tomber nos gens dans le système de soins de santé, nous les transférons dans le système juridique. Pendant qu'ils s'y trouvent, ils subissent énormément de discrimination. C'est simplement injuste et incorrect.

Ces gens sont détenus avant procès deux fois plus longtemps que les autres, parce qu'ils sont considérés inaptes à subir un procès. Lorsque la justice a entendu et instruit leur cause, ils sont souvent tellement confus qu'ils sont incapables de respecter les conditions de leur libération conditionnelle. Ils peuvent avoir déjà enfreint deux ou trois fois de telles conditions. Non seulement ils ont besoin de consulter des médecins, des infirmières, ou des travailleurs de soutien, mais aussi un agent de libération conditionnelle.

Les personnes atteintes de troubles du psychisme sont traitées différemment de façon systématique. Elles sont victimes de discrimination dans le système juridique à cause de leur trouble.

Nous devons adopter des approches thérapeutiques pour traiter les gens atteints d'un handicap se retrouvant dans le pétrin avec la loi. L'ordre public et la sécurité du public bénéficieraient d'une approche différente. Plusieurs États américains ont mis sur pieds des cours pour les cas mettant en cause des personnes atteintes d'un désordre mental. Au Nouveau-Brunswick et à Toronto, on a élaboré une nouvelle approche. La personne reçoit un traitement plutôt qu'une période de détention.

Nous aborderons maintenant l'aspect de discrimination envers le droit de la personne à recevoir des soins de santé. Nous considérons important que les sénateurs comprennent que non seulement des individus subissent de la discrimination au cours du processus de soins quotidiens en se faisant mépriser et insulter, mais aussi que l'organisation même du système de soins de santé est discriminatoire.

Les gouvernements à tous les niveaux répondent différemment de façon systématique aux besoins des gens souffrant d'une maladie mentale. Les gens répondent différemment de façon systématique aux besoins des gens souffrant d'une maladie mentale comparativement aux besoins des personnes atteintes d'un handicap physique.

Nous nous expliquons. Une personne éprouvant une douleur à la poitrine arrive à l'urgence. Des membres formés du personnel l'examinent. S'il avait un arrêt cardiaque, un «code rouge» est prévu. Les personnes formées tous les ans pour effectuer la réanimation cardiorespiratoire sont appelées sur place. La personne est soutenue pendant sa guérison quel que soit le niveau de soin qu'elle requiert.

Un individu atteint d'un trouble psychique arrive à l'urgence en état de crise. Souvent, la personne qui l'amène à l'urgence est un policier qui n'a reçu aucune formation.

Nous avons longtemps travaillé avec la GRC et d'autres forces policières de façon à leur permettre de réagir sans faire aggraver la crise. Nous sommes d'accord avec certains aspects soulevés par Mme Shoush en ce qui concerne l'échange d'information.

Retournons à la personne à l'urgence. C'est rare qu'il y ait quelqu'un formé pour travailler avec cette personne de façon appropriée parce que le personnel de l'urgence est constitué d'infirmières médicales et chirurgicales. Ce qui est fait entraîne généralement une réaction de fuite ou de combat. La personne pourrait se mettre à crier des injures et le «code blanc» est appelé.

Cela ne signifie pas qu'il y a «une personne atteinte d'un trouble psychique». Cela signifie qu'il y a «un patient à problème». L'équipe du code blanc n'est pas composée de personnes formées en intervention de crise non violente. Cette équipe est généralement constituée de gardes de sécurité ou du personnel de la cuisine. Dans la plupart des cas, leur tâche est d'immobiliser la personne sur le plancher.

Si la personne est considérée un danger pour elle-même ou pour les autres, elle est mise en cellule et isolée. Dans plusieurs régions rurales, de tels malades peuvent être détenus de cette façon pendant 48 heures dans des locaux dépourvus de salle de bain ou d'installation digne d'un humain.

C'est ce qui se passe au Canada. Par conséquent, nous voyons des actes discriminatoires au sein même du système de soins de santé et à tous les niveaux de celui-ci. Le manque de dignité accordé aux gens dans notre pays nous trouble terriblement.

Nous avons lu aujourd'hui dans le Globe and Mail que des parents en Ontario dont les enfants sont atteints d'autisme ont réussi à obtenir que la cour prescrive un traitement pour les enfants de plus de six ans. Cela indique aux familles des personnes atteintes d'un handicap psychiatrique d'aller en cour pour obtenir un traitement que des gens souffrant d'autres maladies reçoivent tout bonnement. Cette expérience discriminatoire voulant qu'on offre systématiquement des soins de santé d'une qualité différente est dupliquée d'un bout à l'autre du processus.

Jetez un coup d'œil à ces chiffres de Colombie-Britannique et demandez-vous si cela serait permis dans tout autre modèle de soins de santé. Une personne sur sept...

Le président: Vous lisez le rapport en entier et cela réduira votre période de questions. Pouvez-vous faire ressortir les faits saillants?

Mme Hall: Si une personne sur sept est de nouveau admise à l'hôpital dans les 30 jours suivants, le système est problématique. Vous ne pourriez pas rester en affaires si un client sur sept revenait.

Souvent, les personnes se présentent avec plus d'un trouble. Celles souffrant d'une maladie mentale peuvent être accoutumées à une substance ou présenter des handicaps de développement. Elles peuvent provenir d'un groupe ethnique différent. Plus elles sont différentes, moins elles sont susceptibles d'être admises et de recevoir des soins appropriés.

Nous désirons conclure en abordant la discrimination contre les droits de la personne en tant que membre d'une communauté. Les gens ont des droits garantis par la loi du pays, mais ils ont aussi des droits à titre de citoyens des communautés où des valeurs de participation et de rassemblement partagées. Toutefois, en tant que défenderesse de la santé mentale, nous pouvons vous affirmer que neuf personnes sur dix nous ont affirmé qu'une fois leur diagnostic était connu et qu'ils acceptaient celui-ci, les gens les traitaient différemment de façon systématique.

Dans la plupart des cas, la cause fondamentale de ce fait est la crainte de la violence. Une chose triste est qu'en fait les gens souffrant d'une maladie mentale sont davantage susceptibles de se nuire à eux-mêmes. Dans ma province, une personne par jour se suicide. Même si la réalité est que les malades mentaux sont davantage susceptibles de se faire du mal à eux-mêmes, le public croit qu'ils représentent en fait un danger pour les autres, ce qui n'est simplement pas la réalité normative, comme l'a expliqué le Dr Arnett.

Un des aspects où on retrouve le plus de discrimination est l'accès à l'éducation et à l'emploi. Dans plusieurs cas, les personnes obtiennent le quart de la dose que nous croyons efficace. Nous savons que la gravité de la maladie n'est pas un obstacle à l'emploi, mais il y a un manque énorme de soutien et de stratégies d'emploi dans le cadre des soins communautaires complets dans toutes les provinces du Canada. Il existe certaines régions où les meilleures pratiques sont appliquées, mais notre système de soins de santé ne fournit pas systématiquement ce que nous savons fonctionner pour permettre aux gens souffrant d'une maladie mentale grave et persistante de devenir des membres productifs de la société.

En outre, au moins en Colombie-Britannique, c'est de plus en plus improbable que les gens obtiendront un soutien en emploi puisque nous subissons des coupures budgétaires au niveau des régions, le critère de nécessité médicale est utilisé, alors les soutiens sociaux à la santé liés à l'habitation et à l'emploi sont éliminés de façon à atteindre des objectifs budgétaires. En enlevant ces soutiens, nous condamnons les gens à vivre dans la pauvreté et la dépendance.

Nous nous éloignons d'un modèle institutionnel, mais dans celui-ci nous fournissions aux gens des soins, des abris, du réconfort et de la nourriture. En faisant sortir les malades mentaux des institutions psychiatriques, nous avons simplement omis de fournir le logement. Notre frère a attendu six ans et demi avant d'obtenir un logement supervisé à Vancouver. Le droit à un abri est un enjeu d'envergure et nous ne croyons devoir en parler en utilisant le terme sans- abri. Ces gens ont le droit d'avoir un endroit pour vivre. Il y a deux ans, dans notre rapport au gouvernement, nous dénombrions 70 000 personnes touchées par des troubles mentaux graves et persistants en Colombie-Britannique et seulement 5 500 places en logement supervisé. Nous en ajoutons 200 ici, 300 là, 500 autres là-bas, mais nous ne réglons pas réellement le problème compte tenu du nombre requis. Nous désirons le souligner aux honorables sénateurs.

Vous désirez des solutions, alors nous désirons ajouter quelques mots en conclusion. Tout doit être fait pour assurer que les personnes atteintes d'une maladie mentale et leur famille soient le sujet du projet et non l'objet. Elles doivent être présentes aux tables de planification. Je suis vraiment impressionnée et reconnaissante du fait que vous avez commencé vos séances en écoutant parler des gens souffrant de maladies mentales et leur famille. Sans cela, nous entendons parler des «mentaux». Pourtant nous ne parlons par des «cancers». Nous parlons de «décanter les patients des hôpitaux», plutôt que de parler de «trouver pour les gens un endroit pour vivre». Je crois que nous devons corriger le langage utilisé, parce qu'il parle de la relation entre le système et les gens qui ne peut tout simplement pas faire progresser la situation.

Le gouvernement fédéral ne planifierait certainement pas de programmes concernant le VIH/SIDA ou le cancer du sein sans avoir des personnes d'expérience à la table, mais c'est arrivé régulièrement pour les programmes concernant la santé mentale. Aux États-Unis, en tant que réponse aux politiques et en vertu de la législation fédérale, les États n'obtiennent pas de fonds pour les soins en santé mentale, à moins que les consommateurs et les familles approuvent le plan. Il s'agit d'une réponse aux politiques qui pourrait être utilisée ici.

Le point suivant est que le traitement des gens atteints d'une maladie mentale ne peut constituer un enjeu politique. C'est quelque chose que nous devons simplement faire parce qu'il s'agit de la chose appropriée à faire pour certaines des personnes les plus vulnérables dans notre société. Les stratégies visant à assurer la responsabilisation doivent être mises en place à l'extérieur de l'arène politique. C'est pourquoi l'idée d'un conseil national sur la santé est si importante. C'est aussi important que des personnes connaissant la santé et la maladie mentales soient présentes à la table. Il s'agit du «parent pauvre», pour reprendre votre expression, du système de soins de santé et des gens du secteur de la santé ne comprennent pas le secteur de la santé mentale, ils n'en ont réellement pas fait leur profession et, souvent, ils ne mesurent pas les éléments appropriés.

Nous avons remarqué hier que la ministre McLellan, à la demande pressante de la vérificatrice générale, va maintenant suggérer la présentation de rapports annuels à Chambre conformément à la Stratégie canadienne antidrogue. Plusieurs autres ordres de gouvernements prévoient la remise de rapports annuels visant les initiatives stratégiques relatives à la législation, et la procédure devrait être suivie dans ce domaine.

Nous désirons souligner à nouveau qu'une personne se suicide chaque jour. Le ratio de mortalité standard est élevé parmi les gens souffrant d'une maladie mentale. Nous seulement ils se suicident, mais ils n'obtiennent pas les soins primaires réguliers dont ils auraient peut-être besoin simplement parce qu'ils ne se sentent pas assez bien pour suivre un traitement. La situation reflète bien le fait que les gens atteints de troubles psychiques se perdent dans le système et sont traités systématiquement de façon différente.

Finalement, nous désirons suggérer un modèle différent. La plupart des régions du Canada sont engagées dans un processus de désinstitutionnalisation. Nous avons analysé avec grand intérêt le modèle de l'Italie. Il s'agit du modèle le plus fréquemment cité comme pouvant permettre la vie en communauté avec des gains positifs pour les gens. On y a changé la relation entre les patients et les fournisseurs pour une relation entre citoyens et fournisseurs. Les traitements coercitifs tels que les moyens de contention et les électrochocs non volontaires ont cessé, et les psychiatres et les infirmières ont réalisé que leur culture de commandement et de contrôle devait changer pour permettre aux personnes atteintes d'un trouble psychique de se sentir bien et d'être des citoyens; l'approche ressemble beaucoup à celle dont mes collègues ont parlé ici.

La deuxième partie du modèle italien consiste à appuyer les gens à travailler et à reconstruire l'identité de personne des patients à long terme. Nous croyons que c'est vraiment important pour l'établissement de coopératives sociales et pour la façon dont les malades mentaux peuvent être utilisés dans le système pour fournir des soins. En Italie, entre 70 p. 100 et 80 p. 100 des soins offerts dans le secteur social sont prodigués conformément à un modèle social coopératif qui fait travailler les gens atteints d'un trouble psychique.

Un système d'intervention en temps de crise amélioré est aussi une nécessité. Nous devons briser le cycle de chronicité à l'aide d'une intervention de crise efficace et cesser de séparer les gens de leur communauté, famille, et systèmes de soutien, comme nous le faisons à l'heure actuelle.

Concernant la surveillance, encore sur le thème de la participation du consommateur et de la famille, il existe de puissantes associations de familles bénévoles et d'autonomisation qui oeuvrent pour lutter contre l'exclusion sociale et pour l'affirmation des droits de citoyens.

Mme Rena Scheffer, directrice, Service d'information et d'éducation du public, Centre de toxicomanie et de santé mentale: Je vous remercie de nous donner l'occasion d'être ici aujourd'hui. La maladie mentale est caractérisée par la honte et le silence, et vous ne pouvez pas changer ce dont vous ne parlez pas. Pour ma part, je suis enchantée d'avoir cette possibilité et je vous félicite d'avoir pris l'initiative de nous demander de parler de la maladie mentale.

Le stigmate de la maladie mentale est un obstacle important au bien-être des personnes qui en souffrent. Il marque les gens pendant leur maladie, pendant le traitement et même lorsque la maladie n'est plus qu'un souvenir lointain. Il touche tous les aspects de la vie des gens.

Sur le plan systémique, le stigmate, étant un phénomène social, a un impact sur les politiques même qui nous gouvernent. Il nuit à la nature de l'accès et même au financement des services. Il influe sur les politiques gouvernant l'admissibilité à l'aide sociale ou le droit de refuser le traitement. Sur le plan communautaire, le stigmate nuits souvent à la façon dont les organisations offrent des services aux gens et à leur famille. Il a été prouvé que les employeurs, les écoles, les services sociaux et les fournisseurs de services de soins de santé ont stigmatisé des attitudes envers les gens qui reçoivent des services en santé mentale. Au niveau individuel, pour les gens souffrant d'une maladie mentale, le stigmate les empêche de chercher de l'aide, nuit à leur estime de soi et crée de profonds changements dans leur identité.

Changer notre façon de traiter les personnes atteintes d'un trouble mental est certes un défi de taille, mais il y a de l'espoir. Durant la présentation, nous parlerons des stratégies efficaces éprouvées pour modifier les attitudes. Mais avant de commencer, nous désirons souligner que le défi ne consiste pas seulement à convaincre les gens à améliorer leur compréhension de l'expérience des maladies mentales, mais aussi faire en sorte que les gens reconnaissent et acceptent leur propre trouble mental et ceux des membres de leur famille.

Ce n'est pas surprenant que des attitudes négatives envers la maladie mentale persistent. On estime que les deux tiers des gens nécessitant un traitement en santé mentale ne cherchent pas d'aide, principalement parce qu'ils sont soit inconscients des symptômes ou soit à cause du stigmate associé à la maladie ou à son traitement. Si les gens ne reconnaissent pas leurs propres problèmes mentaux, comment pouvons-nous nous attendre à ce qu'ils soutiennent et acceptent ceux pour qui c'est le cas?

Comme nous avons dit, nous avons des raisons d'être optimistes.

Si nous jetons un coup d'œil aux autres groupes qui ont souffert des effets d'un stigmate social, comme la communauté des gais et des lesbiennes, les personnes atteintes du Sida ou du cancer, ils sont parvenus à éliminer ou à réduire le stigmate en provoquant un vaste changement d'attitudes. Ils se sont attaqués au problème de façon stratégique de multiples façons dont nous allons parler dans quelques minutes.

Premièrement, nous désirons parler de certains enjeux qui caractérisent la stigmatisation des gens atteints d'une maladie mentale et leur famille. Le stigmate pousse les autres à éviter de vivre, de socialiser ou de travailler avec des personnes souffrant d'un trouble mental et même de leur louer un logement ou de les embaucher. Il empêche les gens à chercher de l'aide, comme l'a fait remarquer M. Arnett.

Les gens ayant souffert d'une maladie mentale rapportent avoir été victimes d'une discrimination puissante au travail et plusieurs sentent qu'ils doivent mentir sur les formulaires de demande d'emploi. Au niveau individuel, non seulement le stigmate même à une faible estime de soi, à l'isolation et au désespoir, mais toutes ces caractéristiques ont aussi été prouvées être des indicateurs prévisionnels de faible adaptation sociale, alors les gens se retrouvent dans un cycle interminable d'une qualité de vie moindre.

Il a été prouvé que le stigmate n'influe pas seulement les gens atteints, mais aussi leur famille.

Pour les membres des communautés ethniques raciales et culturelles, l'expérience de la maladie mentale et du stigmate qui y est associé augmente de façon exponentielle. On a suggéré que l'effet du stigmate puisse même être plus nuisible pour ces communautés que pour la population en général.

Malheureusement, les services sont presque inexistants pour ces communautés. Par conséquent, elles se retrouvent stigmatisées et incapables d'obtenir de l'aide. Dans plusieurs cas, il existe des mythes et des connaissances erronées dans ces communautés en ce qui concerne les causes de la maladie mentale et ses traitements. Dans certaines communautés, le stigmate associé à la maladie mentale amène la honte dans la famille, d'une façon telle qu'il nuira aux mariages potentiels d'autres membres de la famille. Par conséquent, les familles ont tendance à garder la maladie mentale en privé et sont réticentes à chercher de l'aide de professionnels.

Dans certaines communautés, les croyances religieuses et spirituelles sont liées aux causes de la maladie mentale et, dans certains cas, peuvent influer sur le traitement. Pour plusieurs de ces communautés, le stigmate de la maladie mentale repose sur le racisme et d'autres formes de discrimination, laissant les individus et leur famille dans une situation complexe, de grande vulnérabilité et souvent de désespoir.

On ne peut parler du stigmate de la maladie mentale sans parler de la violence. Nous désirons ajouter seulement quelques points à cet égard. Bien qu'il soit vrai que certaines personnes atteintes d'un trouble mental commettent des crimes, les perceptions du public voulant qu'elles soient toutes dangereuses sont exagérées. Nous savons que de 80 à 90 p. 100 des gens souffrant d'une maladie mentale ne commettent jamais d'acte violent; en fait, ils sont davantage susceptibles d'être victimes de violence.

En tant qu'indicateur prévisionnel de violence, la maladie mentale se retrouve bien avant, et de loin, d'autres facteurs de risque tels que l'âge, le sexe et les antécédents de violence ou d'abus de substance. Toutefois, nous devons faire face au stéréotype directement. Nous devons en apprendre davantage sur ce qu'il faudra pour changer l'idée fausse qu'en ont les gens.

Nous allons maintenant aborder les approches qui fonctionnent. Comme nous l'avons fait remarquer plus tôt, il existe des pratiques efficaces sur lesquelles nous pouvons jeter un coup d'œil de façon à changer la compréhension du public à l'égard de la maladie mentale. La stratégie la plus prometteuse de toutes pour combattre les perceptions négatives est d'augmenter les contacts avec les malades mentaux. Aucune autre stratégie n'est plus efficace.

Plus nous pouvons créer des occasions pour que les citoyens rencontrent les personnes souffrant d'une maladie mentale, écoutent et comprennent leur expérience, plus nous pouvons nous attendre à obtenir deux résultats: le premier est une attitude plus favorable; et le deuxième est la pertinence pour la personne visée. Aider les gens à reconnaître leurs propres problèmes de santé mentale ou ceux des membres de leur famille contribue grandement à aider à la réduction des distances sociales persistant entre eux et nous.

Les médias ont sans contredit joué un rôle en ce qui concerne les attitudes négatives. Toutefois, des études ont permis de suggérer que nous pouvons modifier les idées fausses sur la maladie mentale et pouvons annuler efficacement l'influence de la couverture médiatique négative faite aux personnes touchées par la maladie mentale.

Parmi les stratégies considérées les plus efficaces pour améliorer la compréhension et l'acceptation est l'adoption d'une approche de promotion de la santé complète combinée à une approche de marketing social. Essentiellement, une approche de promotion de la santé reconnaît que les changements d'attitude et de comportement sont difficiles à faire survenir, mais c'est possible si vous reconnaissez qu'il est nécessaire d'utiliser tout un éventail de stratégies. Par conséquent, nous vous présenterons maintenant quatre stratégies qui doivent faire partie d'un cadre de travail sur la promotion de la santé.

Premièrement, il est nécessaire de créer une stratégie de marketing social conçue pour conscientiser, encourager à obtenir de l'aide et favoriser une compréhension positive. Deuxièmement, il est nécessaire d'élaborer une politique publique saine. Je crois que tous mes collègues ont parlé de politiques publiques, lesquelles contribueront grandement à ce que les gens soient traités avec respect et dignité et qu'ils reçoivent un soutien social, un logement et des soins de santé. Troisièmement, on doit former les gens qui sont régulièrement en contact avec les personnes atteintes d'une maladie mentale.

Mme Hall a parlé des forces policières. La bonne nouvelle est que des efforts sont déployés à l'heure actuelle pour travailler de concert avec le personnel responsable de l'application de la loi pour l'aider à mettre au point des solutions de rechange à la force brute et à comprendre que ces solutions seraient plus efficaces.

Nous devons favoriser la recherche en vue de découvrir des traitements plus efficaces. Plus nous affaiblirons les mythes entourant la maladie et ses traitements, plus nous pourrons augmenter la compréhension du public.

Je travail dans ce domaine — principalement dans les communications touchant les soins de santé — depuis les 20 dernières années, essayant d'aider les gens à mieux comprendre la maladie mentale et les dépendances. Je suis encore ici et je n'ai pas perdu espoir. J'ai vu, au cours des 20 dernières années, de plus en plus de raisons d'espérer que les choses peuvent changer et changeront. Nous allons vous donner quelques exemples des initiatives en cours qui nous donnent tous des raisons d'espérer.

Au Centre, nous avons un programme appelé «There is Help... There is Hope» (Il y a de l'aide... Donc, il y a de l'espoir). Ce programme est conçu pour augmenter la compréhension du public concernant la maladie mentale et les dépendances encourageant particulièrement les gens à obtenir de l'aide. Il cible réellement le deux tiers des gens souffrant d'un trouble mental et qui ne cherchent pas d'aide, soit parce qu'ils sont inconscients des symptômes, soit à cause du stigmate.

La bonne nouvelle est qu'au cours des deux premières années du programme, nous avons découvert qu'environ 78 p. 100 des personnes interrogées se souvenaient des messages qui nous essayions de passer, lequel était d'obtenir de l'aide. Quarante-six pour cent ont répondu que leur prochaine étape serait d'obtenir de l'aide.

La deuxième initiative est l'ouverture d'un centre d'information cet été. Le McLaughlin Addiction and Mental Health Information Centre aidera les gens à obtenir de l'information et de l'aide. Le centre contrebalance réellement la fragmentation du système de soins de santé mentale — ayant pour résultat qu'un bon nombre de personnes ne savent pas où aller lorsqu'elles sont prêtes à obtenir de l'aide. Elles ne savent pas où appeler; elles ne savent pas pour qui leur assurance maladie paiera. Elles font face à de longues listes d'attente et ne savent pas vers qui se tourner.

Ce service répond, en partie, à la fragmentation. Il aide les gens à mieux comprendre et accéder aux services disponibles.

La Table ronde de commerce international et d'économie sur les dépendances et la santé mentale constitue, selon moi, une source d'espoir très prometteuse. Il s'agit d'une table ronde virtuelle dont les membres sont des dirigeants du monde des affaires, de la santé et de l'éducation, dont Michael Wilson, l'ancien ministre des Finances — qui a soussigné la proposition voulant que la santé mentale constitue un enjeu commercial et économique. Il y a quinze ans, nous aurions dit: «Qu'en savent-ils? Que connaissent ces gens sur la santé mentale et pourquoi s'en préoccuperaient- ils?» Une autre bonne nouvelle est que, quinze ans plus tard, ils s'en préoccupent et ils ont reconnu que la santé mentale comporte un aspect financier, ce qui n'est pas un aspect négatif.

Ces dirigeants d'entreprise d'influence ont attiré l'attention des gouvernements et d'autres dirigeants d'entreprises partout dans le monde. Ils attirent l'attention sur les questions de santé mentale, de l'importance d'une détection précoce et de l'impact de la santé mentale sur le travail et la productivité.

Nous désirons parler d'un autre excellent programme: le Workman Theatre Project (Projet «Théâtre de l'ouvrier») que le président, semble-t-il, connaît bien. Ce projet s'est fait connaître en mettant un visage humain sur des problèmes de santé mentale en produisant des pièces de théâtre professionnelles qui, non seulement, met l'accent sur la santé mentale, mais faisant aussi appel à une compagnie théâtrale de comédiens professionnels et de personnes qui reçoivent des services en santé mentale. Cette compagnie s'est exécutée partout au Canada. Mais par-dessus tout, ils ont établi des liens avec le reste du monde par le biais de festivals internationaux. Récemment, le Festival mondial de la folie et des arts 2003 fut le premier festival international ayant réuni 185 artistes et universitaires de neuf pays au Canada et a connu une fréquentation de plus de 10 000 personnes dès sa première année. L'utilisation de l'expression créative pour éduquer les gens sur la maladie mentale constitue une approche différente.

Nous terminons avec six recommandations: premièrement, nous requérons un cadre de politique de soutien pour assurer l'existence de soutien au revenu, au logement, à l'emploi, à des programmes de déjudiciarisation et à un système de traitement complet et accessible.

Deuxièmement, nous devons créer des programmes de marketing social pour aider à accroître la compréhension du public. Ces programmes doivent être mis au point pour atteindre diverses communautés et être conçus pour répondre à leurs besoins spécifiques.

Troisièmement, nous requérons des approches nouvelles de diffusion d'information sur la recherche.

Quatrièmement, la «voix» de ceux et celles qui ont souffert d'une maladie mentale doit être entendue de façon à atténuer les perceptions négatives. Les familles et les clients doivent participer à l'élaboration et à la mise en œuvre de ces programmes.

Cinquièmement, nous avons besoin de programmes de formation pour conscientiser les citoyens à l'égard de l'expérience de la maladie mentale, à l'égard des comportements de stigmatisation et fournir une direction pour créer des environnements plus accueillants.

Finalement, nous avons besoin d'une stratégie nationale pour coordonner les efforts afin d'assurer une portée maximale et de fournir un niveau de financement approprié.

Je désire vous remercier de nous donner l'occasion de donner l'espoir d'un réel changement et de votre leadership sur le sujet. J'espère que vous continuerez la façon dont la maladie mentale est abordée et financée.

Le président: Je vous remercie tous de vos présentations extraordinaires.

Le sénateur Fairbairn: Je vous remercie tous profondément d'être ici. Nous avons entendu une belle série de présentations.

Je vais commencer par la dernière. Lorsque vous avez mentionné la participation des gens, je crois que nous tous, autour de cette table, avons pensé à Michael Wilson. Je fais partie du Conseil des Canadiens avec des déficiences, physiques ou autres.

J'ai participé à certaines de ces séances publiques où ils se rassemblent tous, et l'ambiance y est joyeuse.

Malgré tous les obstacles que vous avez soulignés aujourd'hui dans ce qui constitue probablement un des problèmes les plus complexes du dossier de la santé, êtes-vous d'accord qu'au cours des dernières années, peut-être grâce aux gens prêts à sortir de l'ombre, il y a eu d'importantes avancées en ce qui concerne la compréhension du public, ou nous démenons-nous encore?

Mme Scheffer: Je ne crois pas qu'il s'agit d'un changement notable. Il y a certes eu des améliorations et je crois que nous pouvons les percevoir par le biais d'événements du genre de la table ronde économique. Ceux d'entre nous qui ont défendu cette cause depuis les vingt dernières années n'auraient jamais, il y a vingt ans, retenu l'attention des mêmes personnes assises à cette table aujourd'hui et qui ont pris l'engagement de changer leur propre lieu de travail en endroits de bien-être, en vue de lancer des initiatives qui faciliteront la tâche des personnes qui reviennent au travail après une maladie mentale et d'offrir un environnement de soutien et d'accueil. Il y a eu des gains. La recherche démontre qu'au Royaume-Uni, par exemple, on a pu relever une augmentation notable de la compréhension du public. Cela vient de la «voix» des témoignages personnels. Il a été prouvé que c'est en présentant une personne ayant souffert d'une maladie mentale et pouvant en parler, qu'on assiste aux changements d'attitude les plus marquants.

Mme Hall: Je crois que c'est vrai, particulièrement en ce qui concerne les jeunes gens qui bénéficient d'une approche d'intervention précoce. Les cliniciens qui se sont intéressés à l'intervention précoce utilisent les médicaments de façon agressive. Si le premier niveau ne fonctionne pas, nous passons au suivant. Nous ne laissons pas la personne errer si les médicaments ne fonctionnent pas. Ils utilisent le soutien des pairs et combattent les dépendances et les traumatismes dès le départ. Ceux qui ont adhéré à l'approche d'intervention précoce, laquelle est notable et puissante, ont aussi adopté une approche clinique différente. On retrouve des régions innovatrices à quelques endroits du système. Le problème est que ce n'est pas généralisé. Il y a lieu d'espérer, mais il existe une différence notable dans la pratique et dans les normes appliquées aux individus qui suivent cette voie et ceux qui ne la suivent pas. Je parle de ces personnes souffrant d'une maladie mentale grave et persistante que mon collègue pourrait appeler les 20 p. 100 de la population qui expérimente la maladie mentale.

Mme Shoush: J'aimerais dire que je crois percevoir l'arrivée de changements dans les communautés. Je crois que nous rencontrons des jeunes qui sont beaucoup plus ouverts et réceptifs à l'inclusion de leurs pairs, d'autres jeunes gens, qui peuvent être atteints d'une maladie mentale ou être différents.

Lethbridge, un exemple spécifique d'un gouvernement ou d'une structure qui pourrait envisager une approche différente, a fait preuve d'innovation dans les domaines de la justice et judiciaire. Le projet de justice de Lethbridge a permis de se pencher sur différentes façons de faire sortir des jeunes gens du système judiciaire et de les traiter autrement. Le projet s'étend aussi maintenant pour s'appliquer aux personnes atteintes d'une maladie mentale. Des changements sont imminents, mais par région, et un peu partout.

Le sénateur Fairbairn: J'ai été impliqué dans cette question par le biais des sports. Un des aspects fascinants et merveilleux est de voir les effets des Olympiques spéciaux sur les enfants, Olympiques auxquels un certain nombre de sénateurs, tels que les sénateurs Eyton et Johnson ont participé pendant plusieurs années. Même dans les Paralympiques, dans lesquels je m'implique, il y a un mélange des deux. Il me semble que cela, d'une certaine façon, a aidé à encourager la participation, particulièrement parmi les jeunes gens, et peut-être aussi parmi les plus vieux aussi.

Le président: Madame Shoush, suggérez-vous que les jeunes stigmatisent moins que leurs parents?

Mme Shoush: Je crois que les jeunes gens sont moins susceptibles de stigmatiser un de leurs pairs; toutefois je n'ai pas de preuve pour le prouver. Mon commentaire est intuitif; je regarde l'attitude de mes propres enfants.

M. Arnett: Je peux vous donner une certaine preuve en anecdote. Ma femme, qui est conseillère en orientation professionnelle dans une école primaire, voit des enfants qui sont différents de toutes sortes de façons, avec des problèmes de santé mentale, des problèmes physiques ou qui se déplacent en chaise roulante. Les autres enfants les traitent avec soin. En vieillissant, nous acquerrons des craintes que nous n'avons pas quand nous sommes jeunes. La tendance à stigmatiser accompagne ces craintes. Je suis d'accord avec Mme Shoush qu'il y a de l'espoir et je suis d'accord avec vous, monsieur le sénateur, qu'il y a de l'espoir. Je crois que nous sommes les références en la matière, mais nous avons un long chemin à parcourir. Nous devons commencer à modifier les structures et évaluer les enjeux de façon plus globale de façon à envisager non seulement l'aspect biologique, mais aussi les aspects psychologiques et sociaux, notamment le logement, et les impacts au travail et dans le milieu de vie des gens. Tous ces aspects doivent être tenus en compte.

L'existence du comité et son sujet de discussion, et du groupe de Michael Wilson démontre une perspective beaucoup plus importante que par le passé; c'est un signe porteur de beaucoup d'espoir.

Le sénateur Fairbairn: Je retourne au début de votre présentation lorsque vous avez galvanisé notre intérêt en discutant de la question de confidentialité. Le comité a souvent entendu parler que la question de la confidentialité, pas spécifiquement dans le domaine de la maladie mentale, mais à l'extérieur de nos études sur la santé. Nous avons entériné des règlements pour «entrebâiller la porte». Nous avons entendu parler, tout au long de nos études sur la santé, du besoin criant d'un système amélioré de dissémination et de collecte d'information; et à quel point les gens dans diverses régions du pays seraient ainsi plus en mesure de comprendre toutes les découvertes qui sont faites. Un des enjeux importants est celui de la conservation de l'information en raison de contraintes de confidentialité.

Nous avons eu des débats passionnés autour de cette table sur le sujet et certaines positions sont fermement maintenues, à la fois pour et contre. Il me semble que le comité pourrait faire des déclarations puissantes, avec votre aide, sur la nécessité d'ouvrir les portes aux gens atteints de handicaps mentaux. Ainsi, tout le monde pourrait mieux la comprendre, y compris la nécessité du partage d'information entre les gens au sein du système de santé.

Mme Shoush: Je suis fortement en accord avec cette proposition. Dans les communautés autochtones, la confidentialité ne fait pas partie des valeurs constitutionnelles fondamentales. Certains lui ont accordé cette valeur en faisant appel à la Charte des droits. Les communautés autochtones diraient qu'elles possèdent un point de vue différent sur le monde et que la communauté est l'élément central. Elles croient que la communauté mérite d'être le centre des préoccupations que l'information pouvant aider cette dernière à être entière et saine doit être disponible et partagée. Les gens pourraient alors avoir des communautés fortes, résilientes et sécuritaires.

Les gens peuvent avoir peur d'une personne atteinte d'un trouble psychique parce qu'ils n'ont aucune connaissance sur la condition et sur ce qu'elle peut entraîner. La réglementation sur la confidentialité érige plusieurs sortes de barrières à une meilleure santé. Elle érige aussi des barrières à la recherche qui pourrait nous permettre de découvrir des stratégies améliorées de soutien à la santé mentale pour ceux qui en ont besoin.

Je peux vous donner un exemple concret. Un certain nombre de Premières nations d'Alberta ont identifié l'abus de médicaments prescrits comme un problème important. Elles nous ont demandés de l'aide juridique à ce sujet. Nous n'avons trouvé aucune façon de franchir la barrière de la réglementation fédérale sur la confidentialité, laquelle ne nous permet pas d'identifier la personne recevant de multiples, si ce n'est des milliers, de prescriptions chaque semaine qu'elle revend ou redistribue dans les rues des communautés, provoquant ainsi des dépendances.

Nous sommes incapables de lever le voile de la confidentialité de ces personnes qui causent ce problème et ainsi le régler.

M. Arnett: En tant que clinicien, je ne peux passer au bureau à côté pour demander à un collègue, qui a reçu un patient que je vais voir, ce qu'il sait qui pourrait m'aider à mieux évaluer ce patient. L'intention de la loi est noble, il n'y a pas de doute, mais elle impose réellement des limites qui ont un impact négatif sur les soins aux patients. En grande partie, les soins au patient consistent à avoir accès à ses antécédents et à ses renseignements personnels. La loi impose des limites importantes.

D'une certaine façon, l'ironie est: qu'est-ce qui justifie une telle confidentialité? Est-ce pour cacher le fait que les gens souffrent d'une maladie mentale? Est-ce pour protéger la distribution non autorisée de connaissances et d'information? Parfois, je crois que cela aide et encourage presque la stigmatisation en envoyant le message «Ceci est couvert en vertu de la Loi sur la santé mentale et vous ne pouvez pas y avoir accès». De certaines façons, cela amplifie davantage la stigmatisation que beaucoup d'autres choses.

Le sénateur Fairbairn: Peut-être est-ce un concept démodé de protéger la personne par...

M. Arnett: ... des moyens paternalistes.

Mme Hall: Un point seulement: il est possible de contourner le problème à Vancouver par le biais du service d'urgence ouvert après les heures normales de travail qui emploie un agent de police et un travailleur social ou une infirmière psychiatrique du système de soins de santé mentale. Les deux bases de données peuvent être croisées pour résoudre des anomalies. Le deuxième point est que, parfois, nous ne partageons tout simplement pas de l'information même lorsque c'est possible au plan juridique. J'ai visité Seattle où, chaque matin, le personnel de la prison envoie au système de soins de santé mentale une liste des personnes s'étant présentées sur place la nuit précédente. Il demande que des employés en santé mentale viennent sur place pour l'aider à identifier les personnes présentant des troubles mentaux. On procède ainsi parce que le cas de quiconque entrant dans le système de justice criminelle devient public.

Nous n'effectuons pas ce genre d'échange d'information qui est possible, ce qui a pour résultat que les gens atteints d'un désordre psychique se perdent dans le système judiciaire. Il y a un aspect juridique et un aspect de manque de collaboration.

Le président: Il s'agit d'un des aspects sur lesquels nous allons nous pencher. J'ai parlé brièvement avec le directeur d'un centre de détention juvénile à Ottawa. Environ 70 p. 100 de ses détenus seraient atteints d'un trouble psychique. Pour relever votre point, il s'agit de son aire de captage. Si vous détenez des données d'ailleurs au pays, nous souhaiterions en avoir copie.

Le sénateur Morin: Je voudrais être clair à ce sujet. Êtes-vous en train de dire que nous devrions disséminer de l'information personnelle sur la santé sans le consentement d'un patient? Si c'est le cas, serait-ce uniquement dans le cas des problèmes de santé mentale? Je suis certain que les patients atteints d'autres maladies telles que le Sida ne voudraient pas voir cette information rendue publique. Est-ce ce dont nous parlons? Bien sûr, si un patient consent à la divulgation d'information, ce n'est pas la même chose.

Sommes-nous en train de dire que cette information très personnelle devrait être divulguée sans le consentement du patient?

Mme Hall: Cette mesure est toujours utilisée en situation de crise. Les situations auxquelles je fais face sont des situations de crise. La personne est considérée un danger pour elle-même ou pour les autres. La police ou les services d'urgence ouverts après les heures normales de travail ont été appelés sur les lieux. Ils doivent savoir ce qui se passe.

Il n'est pas question de divulguer de l'information sur une base régulière. Il y a un motif pour l'action, qui est d'assister une personne le mieux possible et de la façon la mieux informée.

Ce n'est pas ce qu'on appelle partager de l'information à grande échelle. J'ai fait face à plusieurs situations où des personnes étaient préoccupées de la violation de leur vie privée par de simples gestes comme être liées à une civière dans des salles d'urgence comme certaines personnes en crise psychotique. Leur vie privée dans la communauté a été complètement détruite.

Je parle des situations où des gens, ayant enfreint la loi, se retrouvent en prison et que des renseignements peuvent être divulgués à cause de ce qui s'est passé. Je parle aussi des situations où, des personnes en état de crise, représentent un danger pour elles-mêmes ou pour les autres, et où pour leur bien-être il est vital savoir ce qui se passe.

Le sénateur Morin: Vous restreignez le champ. Ce n'est pas ce que j'ai entendu plus tôt.

Mme Shoush: Je peux en rajouter. Du point de vue autochtone, nous ne devrions pas favoriser la confidentialité ou la vie privée, car cela aurait un effet néfaste sur la santé de la communauté et des individus de celle-ci.

Avant l'entrée en vigueur de cette réglementation, les gens gardaient contact avec les autres et s'entraidaient. Si nous ne sommes plus capables de rien savoir sur une personne qui pourrait avoir besoin d'aide ou de soutien, nous ne pouvons le faire, ni travailler au maintien de l'unité de la communauté

Nous avons envisagé d'introduire un processus de consentement communautaire dans les communautés dont un nombre important de personnes seraient dépendantes à des drogues, à l'alcool, à des médicaments prescrits ou démontreraient un comportement compulsif autre. La communauté accorderait son consentement pour le partage d'information, pour que nous puissions aider les gens à surmonter leur problème, que ce soit au niveau de la santé, de la justice, des services à l'enfance ou des services sociaux. Il s'agit d'une approche globale.

Le sénateur Morin: Étendez-vous cette mesure à toutes les maladies ou strictement aux maladies mentales?

Mme Shoush: En parlant en mon nom, je dirais que nous devrions permettre un partage élargi d'information sur la santé et le bien-être si cela soutien davantage la santé du public. S'il n'y avait pas de stigmate lié au Sida, détenir l'information pourrait en fait aider la communauté à être plus en santé.

Je ne dis pas que nous devons faire cela maintenant, mais que nous devrions trouver une façon de percevoir ces questions comme des enjeux de santé requérant notre attention et non notre stigmatisation. C'est ce vers quoi nous devrions nous orienter.

M Arnett: En général, les patients devraient consentir à la divulgation d'information, sauf l'information sur la santé ou la santé mentale, à moins qu'il ne s'agisse d'une condition urgente. D'un autre côté, je crois que les processus juridiques qui sont parfois requis pour obtenir cette information, comme l'obtention de la signature d'un patient, sont encombrants et ralentissent le progrès. En général, les patients devraient avoir le droit de savoir l'information qui est requise, puis donner leur consentement.

Le sénateur Roche: Je désire aussi remercier les témoins. Monsieur le président, au risque de répéter les propos de mes prédécesseurs, je dois dire que nous eu une excellente occasion d'en apprendre des témoins.

Étant donné l'heure, je vais essayer de me restreindre à quelques questions. La première s'adresse à vous, madame Hall.

Vous avez fait référence à la fermeture du Bureau de services consultatifs en santé mentale. Les sénateurs ici présents savent que je n'envisage pas les questions sous une perspective partisane. La couleur du gouvernement qui a posé ce geste n'est pas au centre de mes préoccupations. Les gouvernements partout ont, trop souvent, coupé dans les programmes sociaux en vue de réaliser des économies, et ce, avec des effets délétères.

Par conséquent, pourriez-vous nous parler de certaines conséquences de la fermeture de votre bureau? Vous avez mentionné que vous aviez transigé avec 2 000 personnes. Existe-t-il une preuve empirique des conséquences pour les personnes identifiables atteintes d'un trouble psychique?

Certains de vos commentaires étaient liés au système carcéral. Je ne suis pas certain si vous avez voulu indiquer une augmentation de la proportion des malades mentaux dans la population carcérale.

Je suis certain qu'une partie de votre travail consistait à éduquer. Cet aspect a-t-il été touché?

Pouvons-nous dire que la fermeture d'un bureau offrant des services tels que les conseils en santé mentale a augmenté les coûts nécessaires pour régler les problèmes en bout de ligne que vous traitiez en première ligne, si je peux m'exprimer ainsi? L'effet a-t-il été pire, en ce qui concerne les coûts, que ce qui était dépensé à l'origine par votre bureau?

Mme Hall: En tant que chercheuse, je dois dire que je ne peux le prouver hors de tout doute puisque je n'ai pas entrepris de recherches à ce sujet. En ce qui concerne la politique, le gouvernement dirait qu'il a choisi de remplacer le bureau par un défendeur à la table du cabinet. À l'époque, ma réponse au premier ministre fut que c'était fantastique, parce que nous avions besoin de ressources en santé mentale et pour les maladies mentales. Toutefois, dire que nous n'avons pas besoins d'un défendeur parce que nous avons un ministre d'État à la santé mentale, c'est comme si je disais que nous n'avons pas besoin d'un ombudsman parce que nous avons un premier ministre. Ces personnes accomplissent des tâches différentes.

J'ai été désignée pour concevoir des programmes d'éducation pour les shérifs, les travailleurs auprès des tribunaux et d'aide financière. Je devais faire beaucoup de travail intersectoriel pour amener à la table des personnes atteintes de troubles psychiques pour discuter de leur expérience. Ce travail n'a pas lieu pour l'instant.

Veuillez considérer qu'en Colombie-Britannique, les coupures totales aux services sociaux sont d'envergure et s'élèvent à 30 p. 100. Il est difficile de mettre un point sur des coupures spécifiques.

Aucune éducation ne se fait. Les parents dont un enfant se suicide n'ont nulle part où aller. Tout le monde a peur de découvrir qui doit être blâmé, mais personne ne veut parler aux parents de ce qui s'est passé.

Les endroits où peuvent se rendre les gens ont été dispersés. Je suis certaine que les gens ont trouvé d'autres endroits, mais il n'y a pas de lieu central.

C'est utile d'avoir un numéro de téléphone et un endroit où aller. Plusieurs autres pays ont ce genre de bureau. Le Canada est le seul pays à ne pas avoir créé des postes officiels de défenseurs.

Les consommateurs et les familles m'ont dit qu'ils ressentaient fortement d'avoir perdu le droit de parole.

Le sénateur Roche: Je mets peut-être trop l'accent sur la quantification du problème. En conclusion, pourriez-vous faire quelques commentaires sur les conséquences délétères pour le secteur de la santé mentale que vous avez expérimentées ou observées?

Mme Hall: L'accent n'est plus mis sur les gens. La participation des consommateurs et des familles à la table n'est pas aussi forte qu'elle était, mais le système continue. Les consommateurs et les familles tiennent bon et trouvent des moyens de participer, y compris à cette table. Merci de nous avoir donné la parole.

Le sénateur Roche: Quel était le budget pour votre bureau?

Mme Hall: C'était un petit budget de seulement 250 000 $. Cela représentait bien peu en termes relatifs.

Le sénateur Roche: Merci. Madame Scheffer, je vous remercie d'avoir mentionné que vous n'avez pas perdu espoir après 20 ans dans le domaine. Cette déclaration était inspirante. Les personnes telles que vous ont une valeur inestimable dans la société.

Dans vos recommandations, vous avez parlé des médias. Vous tentez de modifier les idées fausses sur la maladie mentale régnant dans la collectivité en générale et vous avez mentionné que les médias étaient des outils de cet état de fait. Vous avez mentionné qu'ils ont trop souvent favorisé le point de vue négatif.

De quoi aurait l'air une image positive? Une ou deux phrases plus loin, vous avez parlé d'éducation et de promotion de la santé, et que les médias pourraient promouvoir la santé et la formation. Je peux le comprendre, mais si vous envisager de traiter la question de la confidentialité dont il a été question ici il y a quelques minutes, comment les médias peuvent-ils faire, de façon responsable et constructive, un portrait positif de la maladie mentale?

Je vous renvoie à l'exposé d'ouverture de M. Arnett concernant la position de M. Eagleton en 1972. J'ai pensé que c'était lamentable qu'un homme, autrement qualifié pour se porter candidat aux États-Unis, a semblé disqualifié parce qu'il avait déjà consulté un psychiatre. Selon vous, une telle chose arriverait-elle encore aujourd'hui? Les médias auraient-ils dû couvrir de façon plus équilibrée le cas de M. Eagleton parce qu'il avait consulté un psychiatre, et par conséquent, qu'il devait avoir un problème, avec les histoires sur ce que l'homme avait fait durant sa carrière pour assurer une couverture plus équilibrée?

J'essaie de percevoir la question sous l'angle de la confidentialité ainsi que sous l'angle des médias devant essayer de fournir une couverture raisonnable dans les cas de maladie mentale.

Mme Scheffer: Je peux vous donner une foule d'exemples d'histoires positives de personnes ayant souffert d'une maladie mentale et qui se sont rétablis, peu importe ce que cela signifie; ils ont recommencé à vitre; ils sont des meneurs dans leur communauté et par hasard ils ont une maladie mentale. Nous n'entendons pas suffisamment parler de ces histoires. Dans le mémoire que j'ai soumis, je présente les résultats d'une étude sur la couverture médiatique et à quel point elle relate de façon disproportionnée l'aspect négatif, sacrifiant l'aspect positif, des histoires de succès et de leadership des gens qui ont réussi malgré ou à cause de leur maladie mentale.

Nous — et je vais prendre la responsabilité en tant que communicatrice en soins de santé — ne créons pas suffisamment, de façon proactive, des occasions pour les médias de raconter ces histoires.

Une note positive pour conclure: au cours des dernières années, nous voyons de plus en plus de personnes extraordinaires provenant des médias. Des journalistes des publications telles que The Sun, The Star, Châtelaine et de CBC ont parlé ouvertement et honnêtement de leur expérience avec la maladie mentale et la dépendance. Ils sont devenus nos héros. Ils sont devenus des amis extraordinaires qui ont, de toute évidence, la capacité de bien parler de ces événements.

M. Arnett: Je désire soulever un point sur le modèle. La notion que vous ne pouvez pas gouverner, que vous ne pouvez pas diriger, que vous ne pouvez pas faire rien d'autre parce que vous souffrez d'une maladie mentale s'applique à un très petit nombre de personnes qui ont une maladie mentale pouvant être diagnostiquée.

Le président: Vous voulez dire qu'en fait, cela s'applique seulement à un petit nombre de personnes?

M. Arnett: C'est vrai.

Il s'agit du premier point. Certaines personnes souffrant d'une maladie mentale sont incapables de s'orienter ou de gérer leurs propres affaires. Ces personnes sont peu nombreuses. La schizophrénie représente 1 p. 100. L'anxiété touche 12 p. 100. Elle est beaucoup plus fréquente. Toutefois, le fait est que seulement un très petit nombre de personnes, à cause d'une maladie mentale, ne devrait probablement pas se porter candidat à la vice-présidence des États-Unis. Par conséquent, la plupart d'entre eux devraient.

Nous attribuons une nature biologique à tout et considérons tout comportement comme un désordre cérébral. Si je disais que vous étiez mécontent et déprimé aujourd'hui, vous diriez que c'était imputable à certaines circonstances, mais que vous serez bien demain. Si vous attribuez ces émotions à un désordre cérébral, comme les font les techniques d'imagerie modernes, que ce soit dans les lobes frontaux, l'hypothalamus, les structures subcorticales ou autres, vous attribuez une permanence non seulement à l'existence de la condition, mais aussi aux infirmités et aux handicaps que les mythes nous confèrent.

Si vous êtes troublé aujourd'hui par un événement qui vous bouleverse, cela ne signifie pas que vous ne devez rien faire la semaine prochaine ou ce que vous avez fait la semaine précédente était mauvais. Le plus nous donnons une nature biologique à la condition en l'isolant des facteurs psychologiques et sociaux, des circonstances de vie et de l'environnement de travail, plus nous attribuons une permanence et une gravité à des aspects qui ne sont ni permanents, ni tellement grave et qui ne devraient pas disqualifier les gens. Les médias, grâce à leur puissance, pourraient avoir beaucoup d'impact pour replacer les choses en perspective.

Le sénateur Roche: Un candidat serait-il disqualifié aujourd'hui s'il s'avérait souffrir d'un type de maladie mentale, avoir besoin d'un traitement psychiatrique ou de quelque chose de similaire?

M. Arnett: Je regrette de dire que je crois devoir répondre «oui», particulièrement si la personne requiert des électrochocs ou des médicaments antipsychotiques.

Le président: Prendre un médicament quelconque de façon continue?

M. Arnett: Malheureusement, nous n'avons pas encore dépassé ce point.

Mme Scheffer: Les agences pour la santé mentale peuvent jouer un rôle additionnel, tout comme les médias; ce rôle concerne la couverture de suicides ou d'histoires négatives et faire des suppositions. Des discussions ont eu lieu avec les médias pour ne pas médiatiser les suicides. C'est le premier élément. Il s'agit d'un aspect sur lequel nous devrions continuer de discuter. Deuxièmement, il n'y a pas vraiment l'ombre d'une histoire si le média n'a personne à qui parler.

Par exemple, lorsqu'il est question dans les médias d'une personne qui pourrait avoir eu des problèmes de santé mentale ou avoir été traité en conséquence, et que des journalistes téléphonent à notre organisation, notre politique est de ne pas discuter ou de ne pas sembler faire des suppositions sur la personne faisant l'objet du reportage dans les médias. Non seulement nous ne commentons pas l'événement spécifique, mais nous ne parlerons pas non plus en termes généraux, par exemple, pour donner notre opinion sur une mère qui aurait pris son enfant avant de se lancer devant le métro. Nous avons choisi de ne pas participer à ce genre de supposition.

Mme Hall: Je désire ajouter qu'il y a un autre rôle, plus ou moins en contradiction avec ce qui a été dit. Le rôle que je jouais, le cas échéant, était d'expliquer ce qu'était une dépression post-partum ou de trouver un clinicien qui le ferait. Fréquemment, dans les cas où une personne atteinte d'un trouble psychique se retrouvait en difficulté avec la loi, il y avait deux victimes. Vous devez expliquer la perspective de cette personne, parce qu'on tente de lui faire porter le blâme et qu'on la perçoit comme le mal. Elles sont souvent autant les victimes que les autres. Je jouais ce rôle. Cela ne se fait plus maintenant et on n'entend plus cette perspective dans les discours. J'apprécie qu'il y ait une différence en matière de politique et il y avait une différence puisque j'en défendais le point de vue.

Un autre élément manque depuis la fermeture du bureau; un compte-rendu annuel indépendant du système du service. Cela n'arrive pas; cela illustre le besoin d'une sorte d'évaluation indépendante continue.

Mme Shoush: Je voudrais présenter un exemple positif. Il y a de cela un certain nombre d'années, lorsque Wayne Gretzky jouait pour les Oilers; il a amené un jeune homme atteint d'un handicap mental à prendre une place très visible dans la chambre d'équipement, directement sur le banc avec les autres joueurs. Il l'a gardé là durant toute sa carrière avec les Oilers. Le jeune homme est resté là bien plus longtemps que Wayne Gretzky. Avoir ce jeune homme présent dans l'équipe aidait à normaliser ce genre de condition et montrait que c'était la façon d'inclure les gens. Vous trouvez des façons de reconnaître leurs habiletés, vous leur donner quelque chose à faire et vous les laissez réussir ce qu'ils font.

Le sénateur Keon: Je vais poser une question difficile. Je ne l'adresse pas à une personne en particulier, mais j'aimerais un commentaire de chacun de vous.

Avec les témoignages précédents et vos propres témoignages, il est devenu évident que le système actuel pour traiter cette situation médico-sociale phénoménale n'est pas conçu de façon appropriée. Nous avons entendu, de la part des témoins précédents, que nous devons adopter un cadre perceptuel, un paradigme, une façon de penser, une méthode totalement nouvelle, dans le déroulement des activités, pour faire face à la situation. Nous vous avons entendu dire que nous devons nous éloigner du modèle biomédical pour nous rapprocher d'un modèle psycho-socio-biologique, lequel est fondamentalement une approche globale.

La seule perspective qui semble cohérente est que si vous pouvez intervenir de façon précoce, particulièrement par rapport à l'âge, mais aussi par rapport à l'apparition de la maladie mentale, vous réussirez beaucoup mieux que si l'intervention se fait tard, parce que les problèmes se conjuguent alors entre eux.

Si vous aviez le pouvoir de concevoir le filet social, le système social, le système médical en rapport avec cette situation, que feriez-vous? Commenceriez-vous par l'implantation d'un programme régional? Croyez-vous pouvoir vous occuper des programmes au niveau provincial avec des régionalisations secondaires? Croyez-vous en la nécessité d'un programme national? Croyez-vous en la nécessité d'une coordination nationale-provinciale? Qui pourrait concevoir un tel programme?

Mme Shoush: Merci de nous poser cette question, sénateur Keon. Peut-être pourrais-je offrir à titre d'approche potentielle, une initiative qui a lieu en ce moment en Alberta. Le gouvernement a identifié un nombre de priorités interministérielles requérant une intervention en vue d'éliminer l'effet de silo parmi les ministères qui tentent de résoudre le même problème.

On y a créé une initiative sur «la politique autochtone» qui engage les sous-ministres à enclencher certaines actions. Les objectifs de l'initiative sont publiés dans le plan gouvernement annuel. J'ai la version de cette année en ma possession. Les sous-ministres doivent tous démontrer comment leur ministère a collaboré avec d'autres ministères en vue de résoudre le problème et d'atteindre les objectifs publiés dans le plan.

Si vous pouviez commencer par identifier des façons de résoudre les problèmes de santé mentale qui touchent les populations autochtones et y construire un modèle, vous pourriez aller loin dans la création d'un modèle qui s'appliquerait à tout le monde. Les peuples aborigènes sont, de loin, les plus grands utilisateurs de services de santé mentale et, pourtant, ce sont eux qui ont le plus de difficulté à y avoir accès.

Vous devez faire participer les communautés à la création de ce qui fonctionnerait pour elles. Je ne crois pas qu'un modèle unique serait adéquat, mais le principe selon lequel du travail est accompli pour faire tomber les barrières entre les gouvernements et les ministères et faire participer les communautés constitue un aspect de l'approche. Le modèle doit faire participer les gens qui font face à des handicaps ou à des problèmes de santé particuliers. Ces gens doivent participer.

Mme Hall: Je sais que le Canada est le seul pays du G8 constitué de pays possédant un statut économique similaire à ne pas avoir de politique nationale touchant la santé mentale, et je crois que nous devrions en avoir honte.

Le président: Cette déclaration m'a renversé. Je savais que quelques pays en avaient une. Il s'agit d'une observation très intéressante.

Mme Hall: Nous pourrions élaborer quelque chose. De toute évidence, il existe des enjeux politiques en ce qui concerne la relation fédérale-provinciale et au sein même des provinces. Il y a des relations entre les autorités sanitaires régionales et le gouvernement provincial, du moins dans ma province. Tout le monde au fédéral se préoccupe d'empiéter sur les plates-bandes des provinces et celles-ci se préoccupent d'empiéter sur les autorités régionales. Néanmoins, notre système évolue sans normes. Du travail pourrait être fait au niveau national sur des normes élargies.

Il est évident, en ce qui concerne la pratique professionnelle, que les gens ne sont pas formés. Je répète que mon travail consiste à défendre ceux et celles souffrant d'une maladie mentale grave et persistante. Je parle de compétences, y compris de main-d'œuvre. D'autres pays se sont attaqués au problème; et la situation au Nouveau-Brunswick serait similaire à celle régnant en Colombie-Britannique. Il n'est pas nécessaire que chaque province réinvente son propre modèle. Il existe des problèmes concernant la surveillance de l'information et les systèmes de partage.

Certains aspects pourraient être traités au niveau pancanadien. Certaines stratégies habilitantes pourraient être adoptées. En fin de journée, il y a de la tension dans notre province. Cinq systèmes régionaux sont en élaboration; ce n'est pas correct. On ne verrait jamais les soins aux personnes cardiaques ou cancéreuses être dévolus. On aurait une norme provinciale qu'ensuite on appliquerait de façon décentralisée.

Votre question est difficile à répondre parce que plusieurs personnes croient qu'elles font de leur mieux dans une situation difficile. Il est ardu d'introduire plus de rigueur et la participation des familles parce que vous ébranlez l'opinion des gens relativement à ce qui est une bonne chose. La vérité est que nous n'avons aucun sens normatif. À ma connaissance, la Nouvelle-Écosse fut la première province à établir un ensemble de normes sur la santé mentale. Elles sont publiées sur le site Web; c'est brave de leur part et important pour eux de l'avoir fait. Je crois que c'est le rôle que devrait remplir le gouvernement provincial.

Les trois ordres de gouvernement détiennent un rôle. C'est trompant, mais nous pouvons y parvenir.

Le président: Nous comprenons très bien que d'aucune façon nous ne puissions accomplir des choses utiles dans ce domaine sans piler sur beaucoup de pieds. Nous sommes inconscients de ce fait. Nous l'appellerons comme il est. Si les gens se mettent en colère contre nous, ils se mettent en colère contre nous.

M. Arnett: Le sénateur Keon demande si nous devrions faire participer les autorités sanitaires régionales. Il s'agit d'un modèle de gestion organisationnelle et très éloigné d'où nous devons commencer.

Un document pourrait traiter des déterminants de la santé — en d'autres mots, des facteurs qui favorisent la santé. Je crois que cela mène à un modèle. Ce n'est pas uniquement parce que je suis un clinicien universitaire que je crois que l'établissement d'un modèle est important pour la façon dont on structure les choses, mais parce que cela a un impact sur la façon dont vous pensez et envisagez les choses. Les structures de gestion arrivent plus tard. Parler de si le modèle devrait être régional ou provincial, ou s'il devrait y avoir des règlements fédéraux si situe à une étape beaucoup plus éloignée.

Vous devez comprendre les causes de la maladie mentale, et vous devez avoir une certaine connaissance de leur ampleur. Il ne s'agit pas uniquement d'une seule cause; il ne s'agit pas d'un disfonctionnement de l'hypothalamus ou des lobes frontaux. Nous savons, par exemple, que les drogues influent sur le cerveau de certaines façons, et nous savons que la psychothérapie influe sur le cerveau de façons similaires; il existe de multiples façons d'arriver au même point.

Toutefois, le modèle conceptuel que vous utilisez est très important. Si vous conceptualisez le trouble comme une entité malade qui doit être éradiquée par la chirurgie ou par des médicaments, vous l'approchez d'une perspective particulière. Si vous déterminez ce qui précipite un événement schizophrénique, il s'agit souvent du stress dans la vie des gens. Leur biologie n'a pas changé. Quelque chose a empiété sur eux — un événement significatif, important et troublant — quelque chose dans l'environnement, si vous préférez, pas dans leur corps.

Si nous désirons parler de prévention, nous devons jeter un coup d'œil à ces forces dynamiques — où ils vivent et travaillent, s'il y a des interactions familiales et ainsi de suite — en plus de la biologie. Le modèle devient important.

Nous devons tenir compte de la multiplicité de facteurs et commencer à reconnaître que si les gens n'ont pas d'endroit où vivre, peut-être cela crée un certain niveau de tension dans leur vie. Peut-être n'ont-ils pas suffisamment d'argent pour acheter du lait ou du pain. Ils sont peut-être désorganisés; ils ne peuvent retrouver leur maison et cela engendre un certain niveau de tension. Peut-être ne savent-ils pas comment utiliser le transport en commun.

La façon dont nous avons envisagé les choses jusqu'à maintenant est qu'ils ont une anomalie biologique. Leurs systèmes de neurotransmetteurs ne fonctionnent pas correctement. Nous les avons perçus comme s'ils étaient sous un microscope et imaginé des choses que nous disons liées à des problèmes de santé mentale — c'est là que réside le problème, dans les lobes frontaux inférieurs. Cela a créé des traitements tels que la lobotomie préfrontale qui, dans la documentation scientifique, est à nouveau suggérée comme traitement des gens atteints de schizophrénie et d'autres maladies mentales. Je me demande à quel point nous avons progressé.

Nous devons commencer avec le modèle et laisser les structures de gestion et d'organisation peser les décisions. Je travaille pour des autorités sanitaires régionales. Comme le sénateur Keon le sait, les décisions sont prises au niveau régional, non seulement sur la base de ce qui est approprié, mais aussi de qui détient le pouvoir et sur qui vous ne voulez pas exercer une influence négative.

Il existe certains problèmes et c'est là que nous devons commencer. On m'a dit que le groupe responsable de la production des déterminants de la santé a été dissolu. Plusieurs des éléments qui mettent au défi les modèles actuels ont été dissolus, mis de côté, mis à la casse. Pourquoi? Je crois que c'est parce qu'ils constituaient des menaces au modèle prédominant et devaient être envisagés de la façon la plus efficace et la plus acceptable sur le plan intellectuel — on s'en débarrasse simplement à l'aide de compressions budgétaires. Il s'agit d'un problème.

Le sénateur Keon: Avez-vous une idée de la façon par laquelle vous pourriez convaincre les gens autour de vous de vous laisser construire un tel modèle et de s'y conformer?

M. Arnett: J'ai au moins réussi à créer un programme de psychologie au sein du Winnipeg Regional Health Authority. J'ai agi de façon suffisamment politique pour cela. Selon mon expérience, vous devez commencer à croire que la plupart des gens veulent faire ce qu'il faut. C'est mon opinion.

Le problème est que, parfois, ils choisissent d'écouter une personne en fonction d'une variété de facteurs, et parfois les données ennuient les gens, les submergent et ainsi de suite. Je crois que vous devez persister. Je crois que le succès est imputable à la persistance à 99 p. 100 et à l'intelligence à 1 p. 100. Si vous continuez d'y travailler, vous réussirez probablement à convaincre certaines personnes, à un certain moment que ce que vous avez à dire fait du sens.

Mme Scheffer: Je ne commencerais même pas là où des gens ont fouillé en ce qui concerne les systèmes complets, mais voici ma contribution: cela prend de la volonté. Cela prend de la volonté politique; cela prend un défendeur.

Je repense au début des années 80, lorsque Larry Grossman était le ministre de la Santé en Ontario. Nous n'avons jamais vu autant de changements qu'à cette époque. Il s'agissait de son enjeu. Il en a pris la responsabilité et a apporté des changements parce qu'il avait de la volonté. C'est ce que je vous offrirais.

M. Arnett: Aussi, regardez dans le passé, le rapport de Marc Lalonde; il contenait un matériel assez progressiste.

Le sénateur Keon: C'est vrai.

Le sénateur Morin: Je voudrais poser une question sur la question de violence liée au stigmate. Je crois qu'il s'agit d'un problème très spécifique à la maladie mentale. Mme Hall a fait référence à la discrimination en rapport avec d'autres types de maladie, ou même en rapport avec les gais et les lesbiennes. Toutefois, les gais et les lesbiennes ne sont pas violents, alors c'est relativement facile de ne pas les discriminer.

Vous avez des chiffres — entre 15 et 27 p. 100 des personnes citées à procès souffrent d'une maladie mentale; et les psychotiques, particulièrement s'ils se droguent, sont violents. Ceux qui d'entre nous ont visité l'Institut Pinel de Montréal, lequel est un institut de psychiatrie médico-légale, ont pu sentir que la violence était partout. Elle imprègne toute la place. D'ailleurs, on y retrouve un centre de recherche sur la violence. Il s'agit certainement d'un problème ici.

Les gens craignent la violence, en particulier celle qui est imprévisible — et elle est en partie imprévisible. Il ne s'agit pas du même genre de discrimination que celle touchant les autres maladies — le cancer, le Sida ou d'autres conditions. Elle est basée sur la peur et nous devons en parler.

Ce n'est pas facile parce que certains de ces patients sont psychotiques; c'est imprévisible. D'accord, cette violence est principalement dirigée vers les familles; les parents de patients schizophrènes racontent d'horribles histoires dans lesquelles leur maison a brûlé et d'autres choses du genre. C'est terrible pour les parents ainsi que pour les frères et sœurs. Cet élément doit être discuté.

Je ne crois pas que c'est suffisant de dire: «bien, vous savez, ce n'est pas grave et c'est rare, ce n'est que 3 p. 100 des cas». Bien sûr, cela ne compte que pour 3 p. 100 de tous les actes violents, mais cela existe, et si vous prenez les patients souffrant de schizophrénie, c'est plus de 3 p. 100. J'aimerais savoir comment vous réagissez à cela. Je vous pose cette question de façon positive, pour aider à résoudre l'important problème du stigmate, de la peur et de la discrimination visant les personnes atteintes d'une maladie mentale.

M. Arnett: En réponse à ce commentaire, monsieur le sénateur, je dois dire que ce ne sont pas seulement les malades mentaux qui sont violents. Par exemple, plusieurs des patients à qui j'ai affaire à titre de neuropsychologue ont des lésions cérébrales; des lésions au lobe frontal et d'autres lésions qui contribuent aussi à la violence à cause de la désinhibition. Par exemple, on voit de temps à autres des débats sur les personnes atteintes d'épilepsie, particulièrement l'épilepsie temporale, où on craint des poussées de violence incontrôlable. Certaines personnes atteintes d'autres troubles pourraient potentiellement devenir violentes — et dans certains cas, plus que les personnes atteintes d'une maladie mentale.

Sans contredit, le stigmate et la crainte de violence de la part du public en général concernent les gens souffrant d'un désordre psychique. Je crois que la publicité est en partie responsable. Il n'est pas nécessaire d'avoir vu trop souvent Vol au-dessus d'un nid de coucou pour développer l'image d'une personne incontrôlable en tout temps. En fait, il s'agit d'une illusion, d'un mythe.

Il existe plus de mythes sur la violence dans les cas de maladie mentale parmi la population générale que je ne crois nécessaire de traiter directement. Mes collègues ont suggéré que travailler et passer du temps avec des gens atteints d'un trouble psychique dissiperait un certain nombre de ces mythes. Les médias ont une puissante influence et pourraient avoir une influence positive en dépeignant la réalité.

Mme Hall: J'aurais étudié davantage si j'avais su que ces questions seraient aussi intenses.

Pensez à la violence quelques instants. Hier, j'ai lu dans le journal l'idée que la maladie mentale pourrait être un résultat de la violence. Nous avons parlé des forces armées canadiennes et du syndrome de stress post-traumatique et la maladie mentale qui peuvent apparaître après avoir été dans une situation violente. La maladie mentale peut être un résultat de la violence.

Au cours du prochain mois, je vais donner un atelier à des gens atteints de déficience développementale, de lésion cérébrale et de maladie mentale. Nous l'avons appelé «Des gens à comportement compliqué». Je ne crois pas que le personnel du système est formé pour réagir de façon appropriée. Les gens les plus difficiles sont ceux étant les moins susceptibles de chercher de l'aide, et ce n'est pas leur faute. Jusqu'à tout récemment, si vous receviez un diagnostic de trouble mental et de dépendance, vous n'étiez pas traité dans le système de soins de santé mentale, ni par le système de lutte contre la toxicomanie. Vous étiez dans la rue et dans le trouble. Comme dans mon exemple des salles d'urgence, nous ne préparons pas les gens. Les travailleurs en déficience développementale sont formés pour intervenir de façon non violente en cas de crise, pour éduquer doucement et pour répondre adéquatement à un système nerveux désordonné, de façon à produire une réponse communautaire la plus sécuritaire et dans le meilleur intérêt de la personne.

Oui, c'est un problème, et nous devons en lever le voile. Il est très complexe, non unidimensionnel; du genre «les malades mentaux causent de la violence». La maladie mentale est un résultat de la violence et les personnes atteintes d'un trouble psychique sont davantage susceptibles d'être violentes envers eux-mêmes qu'envers les autres. Il faut aussi comprendre les probabilités et les risques, parce que le problème, selon ce que m'ont dit les consommateurs de soins de santé mentale ou les gens atteints d'une maladie mentale, est que nous devons pouvoir prévoir la violence. C'est ce que tentent de faire les chercheurs du domaine médico-légal. Chris Webster, un collègue, travaille sur la question actuarielle de prévision de la violence.

La difficulté est si un petit pourcentage fait toujours la une, tous les autres sont touchés de la même empreinte. Il devient alors dangereux de parler du fait de souffrir d'une maladie mentale, parce qu'on vous étiquette comme faisant partie de ce groupe.

Nous devons établir une stratégie nationale d'une façon systématique, comme nous le faisons dans le cas de la stratégie canadienne antidrogue. Toutefois, nous ne faisons rien. Nous ne fournissons pas la formation essentielle aux travailleurs de première ligne. Si vous traversez une crise psychotique et je viens trop près de vous, je provoque cette réaction violente, ne sachant pas comment agir autrement. J'essaie d'apprendre aux agents de police à ne pas escalader le niveau de force lorsqu'ils font face à une personne psychotique. Vous pouvez faire des choses qui ne provoqueront pas de réponse violente, si vous savez comment vous y prendre. La plupart de nos travailleurs de première ligne ne sont pas bien formés pour faire cela et j'espère que le comité fera preuve de leadership en disant que de la formation dans ce domaine est essentielle.

Mme Shoush: J'ai aussi une réponse à cette question. La question illustre clairement un lien entre le silo du ministère de la Santé et les zones de responsabilité du ministère de la Justice et du solliciteur général. Je crois que le public a besoin d'un processus ouvert et transparent. Nous pouvons démontrer au public que nous nous préoccupons de leur sécurité et de leur bien-être lorsqu'ils font face à des personnes atteintes d'une maladie mentale et qui ont aussi commis une offense ou un crime.

Dans certaines de nos communautés aborigènes d'Alberta, nous avons des cours dans les réserves où, afin d'avoir accès au cercle de la justice, les gens doivent accepter des responsabilités. Ils doivent accepter que même s'ils ont été victimes dans le passé, ils ne peuvent pas utiliser le motif pour excuser un mauvais comportement aujourd'hui. Ils doivent reconnaître qu'ils ont commis une offense, puis de faire partie du cercle de solution, de parvenir à une résolution où quelqu'un est tenu de rendre compte, la communauté perçoit cette obligation de rendre compte dans le système judiciaire et que ce dernier œuvre pour rendre les communautés saines. Les gens peuvent aussi, dans leur sentence, devoir suivre un traitement dans les cas où la santé mentale ou la toxicomanie s'avère un problème. Nous devons développer des processus par lesquelles les ministères qui pourraient avoir un rôle à jouer participent à la solution.

Après avoir écouté, j'ai une question. D'une certaine façon, il s'agit d'une suite à la question du Dr Keon. Nous sommes tous atterrés d'entendre que nous avons atteint le fond du baril. Si c'est le cas, peut-être pourriez-vous nous donner des indications quant à ces ordres de gouvernement, ces pays qui se trouvent en premier et dont nous pourrions nous inspirer? Il n'est pas nécessaire de constamment réinventer la roue, mais vers quels gouvernements pouvons-nous aller pour obtenir des conseils et des guides sur comment procéder? Ce comité devra faire des recommandations, et si celles-ci étaient fondées sur des recherches crédibles et une expérience pratique, ce serait très utile.

Mme Scheffer: Je vais répondre en fonction de mon domaine et parler de l'aspect de promotion de la santé. Je vais laisser mes collègues traiter de la question selon les aspects systématiques ou politiques.

Le Royaume-Uni et l'Australie ont fait d'excellentes études fondées sur des résultats cliniques et scientifiques. Au Royaume-Uni, le Royal College of Psychiatrists en est à sa septième ou huitième année d'application d'une stratégie de sensibilisation du public visant à encourager les gens à chercher de l'aide. Grâce à son travail, le nombre de personnes qui consultent en santé mentale a augmenté, et plus les gens consultent tôt, moins la nature et la portée de la maladie sont sérieuses et plus léger est le fardeau supporté par le système de santé. Il y a un effet financier bénéfique dans plein de secteurs.

Je suggère que le Royaume-Uni a fait un excellent travail stratégique et bien ressourcé. L'Australie a aussi réussi à faire la même chose.

Il s'agit de sensibilisation du public et de promotion de la santé, non seulement de soins aux patients. Il ne s'agit pas d'un lit, d'un MRI ou d'une pièce d'équipement. On ne peut y toucher, ni la voir; par conséquent, historiquement, elle n'a pas été bien financée du tout. Ce sont dans ces domaines que ces deux États ont bien fait.

Mme Hall: J'ai eu l'occasion d'étudier les politiques sur la santé mentale d'autres pays. Il s'agissait de pays d'un statut économique similaire à celui du Canada.

J'ai aussi eu un bon nombre de conversations avec Phil Upshall qui a déjà fait une présentation à ce comité.

Il y a un bon discours et de bonnes politiques en Angleterre, en Écosser et en Irlande. Des données du European Mental Health Policy Network, lequel est constitué de leaders en matière de politiques en santé mentale, démontreraient aussi que l'Angleterre, l'Irlande, l'Écosse, l'Allemagne et la Grèce sont identifiées comme ayant fait de même. Il y a un site Web dont je pourrais vous donner l'adresse.

Certes, la Nouvelle-Zélande a fait un travail remarquable en reconnaissant le besoin de travailleurs aborigènes en santé mentale, en adoptant les valeurs des aborigènes, en accordant le financement à cet effet et en rendant compte des résultats au parlement. J'ai été en Nouvelle-Zélande l'été dernier et j'ai été très impressionnée par le fait qu'ils avaient l'impression d'accomplir quelque chose de normal.

L'Australie a aussi un cadre de politique nationale en santé mentale et j'étais intéressée par leur engagement concernant les soins primaires et leur travail avec les omnipraticiens. Quatre-vingts pour cent des personnes atteintes d'une maladie mentale sérieuse et persistante font face à un système médical de la rémunération des services. Toutefois, lorsqu'on parle aux consommateurs et aux familles, ils disent qu'ils ont des mots encourageants et de gros documents, mais les gens ont encore mal. Pour une raison inconnue, ils n'ont pas eu de leadership continu et les ressources qu'on leur avait promis pour produire les résultats. Il est possible de chercher et de choisir de bons programmes.

Toutefois, toutes les nations occidentales se démènent. Nous avons vidé les institutions, mais nous n'avons pas mis les ressources appropriées et les stratégies de sauvegarde en place. La stratégie de sauvegarde est un concept important, parce que nous parlons de gens vulnérables et nous devons nous assurer que l'argent sorti des institutions s'est retrouvé dans les communautés. Je ne vais pas parler des États-Unis, même s'ils ont de bons exemples d'application de meilleures pratiques cliniques dans des domaines tels que les traitements communautaires d'affirmation de soi, l'éducation de la famille et le soutien par les pairs. Il est possible de trouver les perles, mais les entretenir de façon à ce qu'elles continuent de travailler pour les gens continue d'être un défi pour tout le monde. Cela ne veut pas dire que nous ne devons pas essayer.

Mme Shoush: Je dirais que notre expertise augmente au Canada. Par exemple, les Instituts canadiens de recherche en santé et la recherche qu'ils appuient par le biais de l'Institut des neurosciences, de la santé mentale et des toxicomanies, ainsi que l'Institut de santé des peuples aborigènes. Ils vous fourniront un rapport sur la question. Je suis d'accord avec Mme Hall en ce qui concerne la Nouvelle-Zélande et l'Australie. Ces pays ont accompli beaucoup de travail sur la santé des peuples aborigènes.

Se serait une bonne idée pour le comité de jeter un coup d'œil aux cultures non occidentales pour voir si leurs approches concernant la santé mentale donnent de meilleurs résultats que les nôtres. Je ne sais pas si des pays musulmans ou bouddhistes ont des approches fonctionnelles, mais ce serait fort intéressant de s'y arrêter.

Le sénateur Roche: Il s'agit là d'une suggestion fascinante. Mes connaissances en matière de pays de culture non occidentale, mais la question m'intrigue.

Je proposerais d'assurer le suivi sur ce sujet, et de demander aux recherchistes d'étudier les politiques des pays du G8 en matière de santé mentale, afin que nous ayons une base de comparaison.

M. Arnett: Mes collègues sont plus informés que moi sur le sujet. Un des programmes auxquels je vous recommanderais de porter une attention particulière est le «Positive Parenting Program» en Australie, car il est parvenu à englober les médias dans son approche, en diffusant de l'information à différents niveaux. En tout premier lieu, le programme débute à la base: certains enfants pleurent plus que d'autres, ce qui n'est pas anormal; certains souffrent de colique, mais leur état s'améliore souvent avant que vous n'en perdiez le sommeil; et finalement il traite de niveaux d'intervention plus poussés que ces derniers, et qui porte sur des troubles graves.

Le programme australien est unique parce qu'il marie les médias à des présentations raffinées et efficaces. L'Australie revient donc toujours, mais j'en sais très peu sur d'autres endroits.

Le sénateur Léger: Nous traversons la planète par nos discussions. Mme Soush a émis un commentaire que j'ai bien aimé. Elle a soulevé le fait que les croyances anciennes des Autochtones laissaient entendre qu'un trouble mental était un don qui rapprochait la personne de Dieu. Nous savons tous en fait qu'au sein d'une famille de dix ou de douze, il devait y en avoir un ou deux qui souffraient de troubles mentaux. À l'âge adulte, ces personnes se retrouvaient sous l'aile de la famille et de la société. C'est donc pour cette raison que le commentaire de Mme Scheffer au sujet du «Workman Theatre Project». Ce projet constitue un moyen de sensibiliser la population.

Nous savons que les artistes sont des êtres avant-gardistes. Nous savons également que les écoliers sont parfois «très actifs». Toutefois, est-il possible de déterminer si une personne possède le don de surpasser ceux qui l'entourent, ce qui la situe au-delà des normes de notre société? Catégoriserions-nous une telle personne comme ayant une dépendance aux narcotiques? Est-il possible de détecter un tel cas? Vous avez fait mention d'une telle dame qui est finalement devenue musicienne. De plus, nous connaissons tous des personnes qui ont évité la prison en revenant sur le «droit chemin». En avez-vous détecté?

Le sénateur Morin: Afin de permettre à nos témoins de comprendre le contexte, Mesdames et Messieurs, le sénateur Léger est une actrice connue au sein du Canada français.

Mme Hall: Ce que dicte mon expérience, c'est que le langage associé aux dons plutôt qu'aux carences constituait une approche prêchée par les activistes du mouvement communautaire. Nous cherchons une manière d'organiser notre fonctionnement et nos appuis bien au-delà de nos services. Ainsi, nous établirions un réseau plus utile, plus simple et plus créatif pour obtenir un système de santé stable et efficace.

Nous avons bien souvent tendance à ne porter attention aux carences des personnes atteintes de maladies mentales. De mon expérience personnelle, il résulte que cette vision n'est pas la bonne. Tout est en fait une question de perspective; l'important c'est ce que nous recherchons et comment nous réagissons aux gens: percevons-nous le verre comme étant à moitié vide ou à moitié plein? Sur le plan clinique, la tendance est toujours de trouver ce qui ne va pas, au lieu de déceler ce qui peut aider le patient à l'emporter sur ses déficiences.

Le mouvement communautaire m'en apprend énormément, et je lui suis tout à fait reconnaissant, car il favorise la recherché des aspects positifs plutôt que de se concentrer uniquement sur les déficiences.

M. Arnett: Les procédures de diagnostique tendent en effet vers la recherche des faiblesses, et non vers celles des forces. De plus, ces procédures ont tellement évolué, que mis à part ceux ici présents, la plupart d'entre nous pourraient se voir diagnostiquer quelque type de troubles mentaux. C'est cette même évolution de modes de diagnostique qui a entraîné une accentuation de la tendance à étiqueter de manière péjorative. Je ne pense pas qu'il s'agisse là d'une approche saine. Nous sommes portés à délaisser les forces au profit des faiblesses.

Mme Scheffer: J'aimerais formuler deux commentaires. Je voudrais d'abord soulever le fait que sans appui, le problème mental ne se transforme pas tout bonnement en force. La différence entre mon mari, qui souffre d'un trouble bipolaire de la classe moyenne et le bonhomme qui dort sur le calorifère réside souvent dans l'aide que chacun a reçu lorsqu'il était atteint de troubles aigus.

Je ferai appel à mon expérience personnelle dans le domaine, que j'ai grandement approfondie depuis que j'ai rencontré mon mari. Il souffre de trouble bipolaire, mais est en santé depuis plusieurs années déjà. Toutefois, il considère sa maladie comme une force, puisqu'elle l'a rendu plus «humain», et a fait de lui un père plus sensible et plus généreux

Dans cette situation, sa maladie a incité nos enfants à faire partie d'une nouvelle génération de champions qui nous aident à venir à bout de nos troubles mentaux. Je dirais donc que dans notre cas, il s'est réellement agi d'une force.

Mme Shoush: Les communautés peuvent décider avec leurs membres respectifs quel sera l'apport personnel de chacun pour fournir cet appui global. Les Gitksan de la Colombie-Britannique, par exemple, attribuent à chaque personne un rôle bénévole. Ils participeront donc tous à l'enrichissement de leur communauté, ainsi qu'à la sauvegarde de leur culture et de leurs traditions. Ils se rassemblent annuellement pour une célébration, histoire de faire le point sur leurs actions respectives.

Je suis avocate de formation. On s'attend donc de moi à ce que je mette en œuvre mes connaissances et qualifications en matière légale afin de venir en aide à un membre de ma communauté dans le besoin. D'autres pourraient plutôt danser, ou encore jouer les tambours, Chacun fera donc, à sa manière, quelque chose d'utile et de valorisant en tant que citoyen actif dans la société. Je trouve que votre proposition est excellente.

Le sénateur Léger: Nous devrions avoir le courage d'insérer ces commentaires dans le rapport.

Je voudrais certainement voir de plus près la situation en Nouvelle Zélande et en Australie, surtout celle des Autochtones, car ils possèdent encore ce que nous avons perdu.

Le président: Nous savons que vous venez tous de l'extérieur de la ville, et nous vous en remercions. Sachez que nous apprécions grandement votre présence ici. Nous nous rendons compte du fait que nous avons empiété sur votre temps. Nous tenons à vous remercier également pour la franchise dont ont fait preuve vos réponses à toutes nos questions. Vous nous avez aidés grandement. Nous vous contacterons probablement à nouveau, surtout en ce qui concerne le commentaire de Mme Hall au sujet du site Internet.

Si vous avez d'autres préoccupations que vous voudriez partager avec nous, n'hésitez pas à nous faire parvenir un courriel, ou à nous appeler. Nous recevrons de vos nouvelles avec plaisir.

La séance est levée.


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