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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 4 - Témoignages du 11 février 2003


OTTAWA, le mardi 11 février 2003

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications, auquel a été renvoyé le projet de loi S-8, Loi modifiant la Loi sur la radiodiffusion, se réunit aujourd'hui à 9 h 33.

Le sénateur Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La présidente: Honorables sénateurs, nous nous réunissons aujourd'hui pour poursuivre l'étude du projet de loi S-8, qui a été présenté au cours de la session précédente de la législature et qui est présenté de nouveau pendant la session en cours.

Les premiers témoins que nous accueillons aujourd'hui représentent l'Organisation nationale anti-pauvreté, groupe qui s'efforce d'exprimer les préoccupations des Canadiens à faible revenu. Je crois que le mémoire de l'Organisation a été envoyé à chacun de vos bureaux. Vous avez dû le recevoir hier.

[Français]

Le comité accueille aujourd'hui Mme Linda Lalonde, présidente de l'Organisation nationale anti-pauvreté. Elle est accompagnée de Mme Guen Wood, première vice-présidente et de Mme Paulette Halupa, deuxième vice-présidente.

Nous vous remercions beaucoup d'être venues, surtout par un temps aussi affreux.

[Traduction]

Madame Lalonde, je vous en prie.

Mme Linda Lalonde, membre du conseil d'administration, Organisation nationale anti-pauvreté: Honorables sénateurs, merci de nous accueillir. Comme vous l'avez entendu, notre organisation est le porte-parole national des pauvres au Canada. Elle existe depuis 33 ans, et elle travaille toujours à l'élimination de la pauvreté. Jusqu'à maintenant, tous les efforts ont été stériles.

Nous avons un conseil d'administration national formé de 22 personnes élues par province et territoire, et la plupart d'entre elles travaillent bénévolement ou contre rémunération dans différents mouvements de lutte contre la pauvreté ou des mouvements pour la justice sociale dans leur province ou leur territoire.

Nous avons à Ottawa un bureau national dont l'effectif est de cinq personnes. Nous publions un bulletin trimestriel. Nous comparaissons devant des comités, comme nous le faisons aujourd'hui. Nous présentons également des observations devant des tribunaux et cours de justice. L'affaire Kimberly Rogers ne vous est pas inconnue. Il s'agit d'une femme de Sudbury qui est décédée pendant sa détention à domicile, peine à laquelle elle avait été condamnée pour avoir fraudé l'aide sociale. Nous sommes intervenus dans cette cause et diverses autres affaires où les intérêts des pauvres étaient en cause. Au fil des ans, nous sommes intervenus dans diverses affaires judiciaires. Voilà ce qui nous amène à témoigner aujourd'hui.

Nous nous sommes occupés de questions relevant de la Loi sur les télécommunications, comme la tarification téléphonique. En ce moment, nous participons aux instances qui portent sur l'existence même des téléphones publics. Nous avons fait partie d'une coalition qui est représentée par le Centre pour la défense de l'intérêt public, avec plusieurs autres groupes de protection du consommateur.

Nous sommes ici pour appuyer le projet de loi S-8. La mesure législative proposée garantira à tous les Canadiens la possibilité de participer aux instances réglementaires. Elle fera en sorte que tous soient sur un pied d'égalité, permettant ainsi à toutes les parties de participer. Il ne sera pas donc pas nécessaire d'avoir de solides ressources financières, comme en ont souvent d'autres parties aux instances.

Permettez-moi d'illustrer notre situation par un exemple. Notre budget total est inférieur à 400 000 $. Une fois déduits les frais généraux, comme les salaires et le loyer, il ne nous reste qu'environ 42 000 $ pour nos activités. Il est évident qu'un montant aussi modeste ne saurait nous permettre d'intervenir de manière conséquente dans un grand nombre d'instances.

Nous participons depuis un certain nombre d'années aux audiences tenues en vertu de la Loi sur les télécommunications, tout comme le font d'autres groupes de défense des consommateurs. Je siège au conseil depuis six ans, et notre participation aux audiences du CRTC a débuté bien avant, peut-être au moins trois ans, voire davantage. Nous ne pouvons agir seuls. Regroupés avec d'autres organisations semblables, nous avons besoin d'aide pour intervenir. Jusqu'à maintenant, nous avons pu nous faire représenter en partie grâce à la possibilité de nous faire rembourser certains frais.

Dépendant des chiffres qu'on utilise et de la façon de mesurer la pauvreté, nous représentons entre le quart et le septième de la population canadienne, ce qui est passablement important. Les entreprises des médias s'enrichissent, grâce à leur expansion et au mouvement de convergence, tandis que, dans bien des cas, les consommateurs ont de moins en moins les moyens de payer les frais croissants des services et, a plus forte raison, de participer aux audiences des organismes de réglementation qui statuent sur les hausses qu'on demande à chacun des consommateurs d'absorber. Les consommateurs doivent compter sur des groupes de défense comme le nôtre pour se faire représenter. Selon nous, nous ne pouvons intervenir, lorsque le coût de services relevant de la Loi sur la radiodiffusion augmente, comme la tarification des câblodistributeurs, que si nos frais nous sont remboursés.

Le sénateur Callbeck: Vous avez dit que vous aviez participé à des audiences sur les télécommunications avec d'autres associations. À quelles audiences avez-vous pris part?

Mme Lalonde: Nous participons actuellement à celles qui portent sur la tarification des téléphones publics. Avant cela, nous avons pris part à celles qui concernaient la tarification des services téléphoniques et des appels interurbains. Elles ont eu lieu ces deux dernières années.

Le sénateur Callbeck: Aux termes de ces dispositions sur les télécommunications, vous ne savez pas si vous obtiendrez un financement avant d'avoir mené la démarche jusqu'au bout. Est-ce un problème grave?

Mme Lalonde: Pas pour nous. Au bout du compte, nous avons toujours reçu ce financement. Nous nous demandons toujours, au début de la démarche, si les coûts seront couverts en totalité ou en partie, mais nous avons eu la chance d'être associés à des organisations qui avaient un financement et qui pouvaient assumer une partie des coûts ou leur totalité, de sorte que, si nous ne recevions pas un remboursement intégral, une autre organisation pouvait faire l'appoint.

Le sénateur Callbeck: Je vois. Cela n'a pas été un problème majeur. À propos de la radiodiffusion, vous êtes-vous occupés de ce domaine?

Mme Lalonde: Pas jusqu'à maintenant.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi? Parce qu'il n'y a pas de problème qui vous intéresse? Autre chose?

Mme Lalonde: C'est en partie à cause des coûts. Certains des problèmes ont une portée régionale. Par exemple, lorsque le câblodistributeur Shaw relève sa tarification, cela ne touche pas tous les Canadiens. Ce n'est pas une question d'envergure nationale. Toutefois, avec le mouvement de convergence, ce genre de situation devient moins fréquent.

Le sénateur Callbeck: Vous n'intervenez donc dans un dossier que s'il est de portée nationale. Est-ce exact?

Mme Lalonde: Par le passé, il nous est arrivé d'intervenir dans des dossiers où, en agissant au niveau local ou provincial, nous pouvions avoir une influence sur un problème qui allait se poser dans l'ensemble du pays. Prenons l'exemple de la mendicité. Nous sommes intervenus dans une affaire à Winnipeg. Il s'agissait d'un règlement municipal, et non d'une loi provinciale. En l'espace de six mois, des règlements semblables ont été proposés dans cinq autres villes canadiennes. Nous avons donc repris dans ces autres villes ce que nous avions fait à Winnipeg et nous avons ainsi pu faire changer les règlements qui y étaient proposés.

Le sénateur Callbeck: Y a-t-il en ce moment des dossiers relevant de la Loi sur la radiodiffusion dans lesquels vous interviendriez si vous aviez le financement voulu?

Mme Lalonde: Pour le moment, non, car nous ne pouvons faire plus que ce que nous faisons maintenant. Toutefois, il est arrivé que surgissent des problèmes à propos desquels nous aurions dû intervenir.

Le sénateur Callbeck: Pouvez-vous me donner des exemples?

Mme Lalonde: L'un de ces dossiers est celui de la tarification des câblodistributeurs et notamment de la convergence entre des entreprises de câblodistribution et les fournisseurs de divers services. Cela a occasionné des problèmes à des consommateurs. Par exemple, si le même fournisseur offre les services de téléphone, de câblodistribution, et cetera, le consommateur qui tarde à acquitter ses factures perd l'ensemble des services au lieu d'un seul, celui qu'il n'arrive pas à payer à temps. Ce problème est en train de se répandre dans tout le Canada.

Le sénateur Day: Je voudrais tracer un parallèle avec le système judiciaire et l'allocation des frais dont vous seriez heureux ou satisfaits. Dans le système judiciaire, la décision revient au juge. Dans le cas qui nous occupe, nous nous en remettrions au CRTC. Devant les tribunaux, l'allocation des dépens peut jouer en faveur d'une des parties ou contre elle. Seriez-vous satisfaits que le CRTC ait la même latitude, de sorte que, s'il estime qu'un intervenant n'a rien apporté de valable au processus, qu'il a simplement prolongé l'audience, l'allocation des dépens lui serait défavorable?

Mme Lalonde: Par le passé, qu'il s'agisse d'un tribunal ou d'une cour de justice, nous nous sommes assurés, avant d'intervenir dans des délibérations, que nous avions un point essentiel à faire valoir, un point qui, sans notre intervention, allait être négligé. Nous n'intervenons pour des riens. Nous ne serions donc pas en désaccord si le CRTC avait cette latitude, car nous ne craindrions pas que, au bout du compte, notre intervention ne soit considérée comme sans importance.

Le sénateur Day: L'ONAP serait satisfaite si les règles prévoyaient que, si le CRTC ne reconnaît comme valable le point qu'une organisation a fait valoir, cette organisation assume les frais du CRTC et de l'autre partie. Est-ce bien ce que vous dites?

Mme Lalonde: Nous ne serions pas disposés à assumer les frais de l'autre partie. Nous ne serions pas en mesure de le faire, puisque nous n'avons en fin de compte que 42 000 $ pour couvrir tout ce qui n'est pas frais généraux.

Le sénateur Day: Vous voudriez un système dans lequel vous seriez en mesure de vous faire rembourser les frais, mais vous ne voudriez pas vous retrouver à devoir assumer les frais. Est-ce bien cela?

Mme Lalonde: Il ne s'agit pas d'éviter de payer les frais et de pouvoir se les faire rembourser, mais de faire en sorte que tous ceux qui interviennent dans des instances puissent le faire de la même manière.

Le sénateur Day: Nous ne pouvons pas établir de parallèle avec les dispositions sur les coûts qui s'appliquent dans le système judiciaire ordinaire, fondé sur l'opposition entre deux parties. Il est bon de le savoir.

Ce que vous voulez au fond, c'est un soutien quelconque pour pouvoir faire valoir le point de vue de l'intervenant?

Mme Lalonde: Très souvent, nous devons affronter quelqu'un qui a un service de recherche et dont le budget de recherche est supérieur à la totalité de notre budget. Souvent, nous devons faire appel à quelqu'un de l'extérieur pour nous représenter, puisque nous n'avons pas les connaissances techniques précises qu'il faudrait. Le chercheur de notre organisation étudie les questions de pauvreté. Nous ne pouvons l'envoyer à des audiences pour qu'il nous représente de façon sérieuse.

Le sénateur Day: Je comprends. Il s'agit d'un domaine spécialisé et il coûte très cher d'engager des avocats et des consultants pour se faire représenter. Les dépenses finissent par monter. Pour répondre à la question que je vous ai posée, vous voulez obtenir les moyens de faire valoir un point de vue contraire à celui du demandeur, n'est-ce pas?

Mme Lalonde: Oui.

Le sénateur Day: Vous voudriez recevoir un financement quelconque.

Mme Lalonde: Effectivement.

Le sénateur Day: Vous proposez que ce financement vienne du demandeur plutôt que de l'État. Il devrait y avoir d'autres moyens pour les intervenants — pas nécessairement des opposants — qui veulent faire valoir un point de vue différent de celui du demandeur ou influer jusqu'à un certain point sur la présentation du demandeur. Avez-vous envisagé une autre façon de faire valoir ce point de vue, en dehors de faire payer les frais par le demandeur?

Mme Lalonde: Pour le demandeur, payer pour que les autres points de vue puissent s'exprimer ferait partie du coût des affaires. Selon moi, ce n'est pas le rôle de l'État. Le demandeur est la seule autre partie en présence, si on peut dire.

Le sénateur Day: L'autre, dans la salle, serait votre groupe, par exemple, mais ni l'ONAP ni ceux qu'elle représente n'ont l'argent pour faire valoir leur point de vue. Les coûts seraient donc assumés par le demandeur, comme frais d'entreprise, et il les répercuterait sur tous les abonnés au câble. Ou bien, si le gouvernement assumait ces coûts, ce sont les contribuables qui les paieraient. Ce sont les deux possibilités, n'est-ce pas?

Mme Lalonde: Effectivement.

Le sénateur Day: Savez-vous combien d'intervenants il peut y avoir dans les audiences portant sur une demande présentée aux termes de la Loi sur la radiodiffusion?

Mme Lalonde: Il est difficile de savoir, car s'il y avait financement ou possibilité de financement, l'attitude serait différente. Par exemple, je ne peux imaginer de cas où nous interviendrions seuls. Un seul intervenant représenterait plusieurs groupes. Autrement dit, une intervention pourrait intégrer les préoccupations et les besoins de différents groupes. En fin de compte, il y aurait une facture pour assurer une représentation très large.

Le sénateur Day: Comment donner cette assurance? Si chacun savait qu'il allait recevoir du financement pour son intervention, comment pourrions-nous savoir si tous ces gens ne se sont pas regroupés pour engager 15 avocats ou même 2 000?

Mme Lalonde: Cela ferait partie des conditions posées pour le remboursement des frais. Un groupe devrait se constituer, faire une intervention pour présenter des points de vue analogues. Je vais prendre comme exemple l'enquête sur l'affaire Kimberley Rogers. Cinq organisations nationales sont intervenues avec une seule équipe de juristes. Les groupes provinciaux avaient deux intervenants, mais ils ont collaboré pour se présenter comme un seul. Au lieu d'avoir huit groupes, avec huit équipes de juristes, il y a eu deux équipes de juristes dans la salle. On pourrait prévoir une condition à cet effet. Autrement dit, si vous ne satisfaites pas à cette condition, vous ne recevrez pas de financement.

Le sénateur Day: Croyez-vous que notre comité puisse raisonnablement adopter une réglementation, ou devrions- nous nous en remettre au CRTC pour regrouper les intervenants?

Mme Lalonde: Vous pouvez établir une règle générale, sans aller jusqu'à dire que tous ceux qui ont les cheveux roses doivent avoir le même avocat. Vous ne voudrez peut-être pas entrer à ce point dans les détails, mais vous pourriez proposer des conseils au CRTC, comme l'imposition d'une condition voulant que, pour obtenir un financement, les demandeurs se regroupent avec des intervenants semblables.

Le sénateur Day: Vous pouvez comprendre que, s'il y avait 2 000 intervenants, cela pourrait coûter très cher, surtout si chacun sait que son organisation se fera rembourser ses dépenses. À moins qu'un facteur quelconque ne les pousse à se regrouper, les dépenses pourraient devenir plutôt lourdes pour le demandeur. Êtes-vous d'accord?

Mme Lalonde: Oui, je suis tout à fait d'accord. Prenons l'exemple de l'enquête du coroner. Il a tenu avant l'enquête une réunion à laquelle tous ceux qui voulaient intervenir ont été invités. Il a dit à deux groupes qu'il n'entendrait leurs interventions que s'ils se regroupaient avec quelqu'un d'autre. De toute évidence, ils avaient la même idée, et je crois que c'est très bien ainsi. Chose certaine, cette pratique abrège l'audience et empêche les coûts d'augmenter.

Le sénateur Day: Vos collègues auraient-elles quelque chose à ajouter sur ces points?

Mme Gwen Wood, première vice-présidente, Organisation nationale anti-pauvreté: Je suis d'accord avec Mme Lalonde, mais je voudrais insister sur le fait qu'il est important que tous soient sur un pied d'égalité. Ce devrait être une préoccupation de premier plan.

Le sénateur Day: Êtes-vous d'accord avec Mme Lalonde pour dire que le CRTC ne devrait pouvoir en aucune circonstance décider d'imputer les frais à l'intervenant?

Mme Wood: Absolument.

Mme Paulette Halupa, deuxième vice-présidente, Organisation national anti-pauvreté: L'Île-du-Prince-Édouard est une province petite et pauvre. Comme on l'a demandé tout à l'heure à propos des coûts, l'entreprise répercuterait-elle ensuite les coûts à ses clients? Ce serait dommage pour l'Île-du-Prince-Édouard, car c'est déjà un luxe d'y avoir le câble. Le consommateur peut se passer d'une augmentation des coûts du service. Nous avons besoin du câble parce que les services de la Société Radio-Canada diminuent d'année en année. Il est impérieux que nous puissions recevoir d'autres chaînes, simplement pour nous informer. Nous avons une demi-heure de programmation produite dans l'île et une autre demi-heure qui vient du reste du pays. Sans le câble, les habitants de la province ne peuvent capter les informations. De plus, l'absence de câble constitue un obstacle pour le travail scolaire de nos enfants. Souvent, des enseignants demandent aux élèves de regarder une certaine émission et d'en faire le compte rendu. Si les parents des élèves n'ont pas le câble, impossible de faire le travail.

La plupart des contribuables sont dans la partie supérieure de l'échelle des revenus, si bien que je préférerais, du point de vue de l'Île-du-Prince-Édouard, faire assumer les coûts par les contribuables. Les entreprises de câblodistribution devraient peut-être payer une partie des coûts au gouvernement, mais j'espère qu'il ne les refilerait pas aux électeurs.

Le sénateur Day: Vous savez que les entreprises répercuteraient ces coûts, si elles devaient payer assumer les frais de tous les intervenants. Peu importe ce qu'elles auront à payer, elles vous le refileront, si elles obtiennent ce qu'elles demandent.

Mme Halupa: Il faudrait que le nombre des intervenants reste raisonnable. Comme il est dit dans le document, au regard du chiffre d'affaires, le montant payé pour les intervenants n'est pas très important.

Le sénateur Day: Avons-vous reçu ce document?

La présidente: À quel document faites-vous allusion?

Mme Lalonde: Il s'agit des observations que le sénateur Kinsella a formulées lorsqu'il a présenté le projet de loi.

Le sénateur Phalen: Nous avons entendu le point de vue de l'autre partie au sujet des coûts B la différence entre la Loi sur les télécommunications et la Loi sur la radiodiffusion. On nous a dit que les interventions dans les affaires relevant de la Loi sur les télécommunications étaient longues. Il y a des contre-interrogatoires en règle, ce qui n'existe pas lorsqu'il s'agit de radiodiffusion. Les questions sont souvent complexes et techniques, et les coûts sont beaucoup plus élevés parce qu'il faut faire appel à des avocats.

Y a-t-il des différences importantes entre les groupes qui interviennent dans les affaires relevant de la Loi sur les télécommunications, et ceux qui le font dans des affaires relevant de la Loi sur la radiodiffusion?

Mme Lalonde: Tout d'abord, vous venez de présenter une magnifique argumentation en faveur d'un dispositif facilitant les interventions. S'il y a effectivement des délibérations longues et compliquées, avec un contre- interrogatoire détaillé, par exemple, il est évident que les groupes de consommateurs ou les consommateurs à titre individuel n'ont pas les moyens d'y participer, à moins de pouvoir se faire représenter. Si on compare le nombre des intervenants et le sérieux des interventions, les difficultés tiennent en partie au fait qu'une partie peut avoir les moyens d'intervenir et que l'autre n'a pas ces moyens.

Vous comparez un système dans lequel les gens peuvent se présenter aux audiences avec un autre où ils ne peuvent pas le faire. On ne peut prétendre comparer le nombre de personnes qui participent au processus A avec ce qui se passe dans le processus B, où la porte leur est fermée et verrouillée, alors qu'il est possible d'ouvrir cette porte dans l'autre processus.

Le sénateur Phalen: Vous dites que les interventions faites dans le cadre de la Loi sur les télécommunications sont plus complexes et de nature plus technique. Pourquoi auriez-vous besoin des services d'un avocat dans un cas et pas dans le cadre de l'autre loi? On soutient que, si je présentais une intervention aux termes de la Loi sur la radiodiffusion, je n'aurais pas forcément besoin d'un avocat, mais que j'en aurais besoin si c'est la Loi sur les télécommunications qui s'applique, puisque les choses sont plus complexes et plus techniques. Est-ce votre avis?

Mme Lalonde: Je ne suis pas certaine que nous nous présenterions à des audiences tenues en vertu de la Loi sur la radiodiffusion sans les conseils d'un spécialiste ou sans nous faire représenter par lui, qu'il s'agisse d'un avocat ou d'un autre type de porte-parole. Je ne vois pas comment nous pourrions nous présenter seuls, face à la SRC, avec sa phalange de chercheurs.

La présidente: Vous avez déjà comparu devant le CRTC dans des instances portant sur les télécommunications. Quel genre de financement recevez-vous habituellement?

Mme Lalonde: Normalement, nous formons une coalition avec d'autres groupes. Dans notre cas, le montant accordé irait au Centre pour la défense de l'intérêt public, qui représente une coalition. J'ignore les montants, puisqu'ils ne nous sont pas versés. Ils sont remis au Centre.

La présidente: J'essaie de comprendre le système. Le parallèle n'est pas parfait, mais c'est le seul qui se présente. Vous rencontrez les représentants du Centre pour la défense de l'intérêt public pour discuter des sujets que vous souhaiteriez voir abordés. Puis, le Centre se charge de la préparation et du travail juridique et technique.

Mme Lalonde: Il nous arrive de comparaître comme témoins appelés par le Centre, mais nous passons beaucoup de temps à l'élaboration de la position avant la comparution. Parfois, lorsque la coalition réunit quatre ou cinq groupes, il n'y a pas identité des points de vue. Il faut parfois mettre un certain temps à établir la position à défendre. À l'occasion, il nous arrive de présenter un point de vue distinct, s'il y a un point particulier que les autres groupes ne sont pas disposés à présenter. Nous aurons alors une argumentation légèrement différente, mais elle sera présentée par un seul groupe. Nous sommes consultés tout au long du processus, mais c'est le Centre qui agit comme notre représentant.

La présidente: Vous arrive-t-il, de votre côté ou en groupe, d'intervenir en faveur d'une demande adressée au CRTC, ou êtes-vous toujours contre?

Mme Lalonde: Dans tous les cas dont je suis au courant, nous nous sommes opposés aux demandes, mais ce n'est pas forcément ce qui s'est toujours passé.

La présidente: Je suppose que vous n'auriez pas besoin d'un grand soutien technique pour aller simplement signifier votre accord.

Pourriez-vous vérifier les montants qui ont été versés et communiquer cette information à notre comité? Je ne veux pas parler d'un mémoire détaillé dont la préparation vous obligerait à demander une aide financière, aide qui ne pourrait venir du comité. Je voudrais que vous nous fassiez parvenir une lettre brève nous donnant les explications que vous pouvez, parce que nous essayons de comprendre comment les choses fonctionnent, pour évaluer les répercussions que le projet de loi pourrait avoir.

Le sénateur Ringuette-Maltais: Je voudrais vous présenter un scénario hypothétique. J'ai écouté ce qui s'est dit sur tous les coûts que pouvaient subir toutes les parties en cause, sur la nécessité où sont les parties qui, pour quelque raison, n'ont pas facilement accès à des compétences spécialisées de faire appel à l'opinion ou aux connaissances de spécialistes. Que se passerait-il si le CRTC, pour une demande donnée, prévoyait un spécialiste indépendant, non rattaché au CRTC, avec lequel pourraient communiquer les intervenants pour demander des renseignements? Il y a des groupes de consommateurs ou d'utilisateurs qui auraient besoin de données financières, linguistiques, régionales. Est-il envisageable que quelqu'un, un spécialiste, soit affecté au dossier et que vous puissiez communiquer avec lui pour obtenir des données précises et vous faire aider à présenter votre point de vue? Il ne s'agirait pas nécessairement d'un mémoire préparé par un spécialiste, mais il est intéressant de connaître le point de vue de groupes comme le vôtre, exprimé dans vos propres mots et selon votre optique propre, qui n'est pas nécessairement celle d'un spécialiste. Que diriez-vous d'une formule comme celle-là pour vous aider à vous préparer?

Mme Lalonde: Il peut aussi être intéressant que des groupes de défense des consommateurs qui ont une optique commune se concertent pour présenter une position commune. À l'étape de la préparation de cette position commune, il peut être utile d'avoir une source d'information au CRTC. J'essaie de réfléchir tout en vous parlant, car je n'avais jamais pensé à cette possibilité.

Est-ce que je me présenterais à ce spécialiste avec nos préoccupations et nos questions, après quoi il nous donnerait une analyse de la position de l'autre partie?

Le sénateur Ringuette-Maltais: Il pourrait donner tous les types de renseignements que vous demanderiez. Cela ne vous empêcherait pas de décider de former un front commun et de présenter un document unique ou une position commune sur une question donnée. Vous conserveriez cette latitude.

Mme Lalonde: Chose certaine, nous n'aurions pas à retenir chaque fois les services d'un spécialiste de façon ponctuelle. Par ailleurs, on ne pourrait acquérir des compétences dans le milieu. C'est une question de juste équilibre, sans doute.

Le sénateur Ringuette-Maltais: D'accord.

La présidente: Avant de vous remercier officiellement, je dois apporter une rectification. Madame Lalonde, je vous ai présentée comme membre du conseil, mais je crois que vous avez dit que vous étiez présidente.

Mme Lalonde: Je suis aussi membre du conseil.

La présidente: Qu'il soit noté que j'ai fait une erreur. Je vous prie de m'excuser. Merci de votre témoignage.

Mme Lalonde: Merci.

La présidente: Nos prochains témoins sont M. Neil Morrison, président de la Telecommunications Workers Union, et M. Ron Carlson, vice-président administratif du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier. Comme vous le savez, notre usage veut que les témoins fassent une déclaration liminaire, après quoi nous passons aux questions.

M. Neil Morrison, vice-président, Telecommunications Workers Union: Je suis vice-président de la TWU. Notre président est un bon ami, et je prends ma retraite en avril. Il n'a donc rien à craindre.

La Telecommunications Workers Union, ou TWU, représente quelque 15 000 travailleurs dans les secteurs de la téléphonie et de la câblodistribution. Je suis accompagné par M. Ron Carlson, vice-président administratif du Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier, ou SCEP, qui a son siège à Regina. Le SCEP représente 40 000 travailleurs dans les secteurs des médias, de la téléphonie et de la câblodistribution. Il appuie la position que la TWU présente aujourd'hui.

La Telecommunications Workers Union appuie le projet de loi S-8, tout comme elle a appuyé le projet de loi S-7, qui est resté en plan au Feuilleton lorsque le Parlement a été dissous. Le projet de loi a ensuite été repris. Nous appuyons également la position du Centre pour la défense de l'intérêt public, qui a comparu devant le comité le 12 décembre 2002.

Notre exposé d'aujourd'hui porte surtout sur le secteur de la câblodistribution. Nous ne représentons pas à proprement parler le secteur de la radiodiffusion. En notre époque de convergence, où se fusionnent et s'entremêlent les technologies, la câblodistribution et le bon vieux service téléphonique, les lignes de démarcation d'autrefois s'estompent. Par exemple, on assiste au Canada à une lutte acharnée entre les fournisseurs qui offrent le service Internet, le service Internet à haute vitesse, et cetera. Les câblodistributeurs continuent leurs expériences, à la recherche de moyens d'offrir les communications vocales. La technologie existe déjà aux États-Unis et la société américaine Cox Cable Systems est une assez grande entreprise dans le secteur des communications locales et de la commutation locale.

Les entreprises de téléphonie sont également entrées dans la mêlée. En Saskatchewan, province d'où vient M. Carlson, SaskTel compte en zone rurale environ 5 000 abonnés à ses services de câblodistribution. Là encore, la convergence brouille les distinctions.

Les audiences et les régimes de réglementation se compliquent davantage. Il y a toujours eu une règle interdisant l'interfinancement entre les entreprises. Par exemple, si les câblodistributeurs se lançaient dans le secteur des télécommunications, elles ne devraient pas se servir des recettes de la câblodistribution pour soutenir et subventionner injustement l'autre activité de l'industrie.

Comme nous le savons, les entreprises, non pas intentionnellement, mais à des fins d'impôt, peuvent tisser un écheveau complexe où s'entremêlent arborescence de la société, entreprises et arrangements financiers, et les abonnés ont besoin de compétences pour s'y retrouver. J'ai lu les délibérations antérieures du comité. Les sénateurs ont exprimé le vœu que ce ne soit pas là simplement un nouveau champ d'activité lucratif pour les avocats. Il faut un type quelconque de compétence. Je rappelle aux honorables sénateurs que les entreprises font habituellement appel à des avocats lorsqu'elles demandent des modifications de la réglementation. Il faut parfois prendre des mesures pour que toutes les parties soient sur un pied d'égalité.

Lorsque les sociétés demandent des modifications des règlements ou présentent des propositions, d'où leur vient leur financement? Des abonnés à l'égard desquels elles veulent faire modifier les règlements. Ce sont les abonnés qui paient les démarches des fournisseurs qui proposent des changements et leurs comparutions aux audiences. Si nous voulons que David et Goliath soient à armes égales, il faut subventionner les abonnés pour faire en sorte que les décisions prises soient dans l'intérêt public.

Il ne faut pas oublier que le secteur de la câblodistribution était formé au départ de petites entreprises familiales dans de nombreuses municipalités. Dans bien des régions, un permis de câblodistribution était accordé à ces entreprises, mais la situation a évolué, les petites entreprises étant rachetées par des géants comme Vidéotron, Rogers et Shaw. Ces grandes entreprises ont réalisé des économies d'échelle et peuvent offrir leurs services dans la quasi-totalité d'une province. Elles ont beaucoup progressé et elles ont une compétence bien plus considérable. C'est pourquoi les abonnés méritent de recevoir un certain financement pour être à armes égales.

Pour donner un peu dans le patriotisme, nous croyons, tous autant que nous sommes, que la démocratie directe est la meilleure forme de démocratie. C'est grâce à cette aide financière que nous pourrions avoir une vraie démocratie directe et profiter d'une aide spécialisée au cours des audiences. Je vais m'en tenir là. Je me ferai un plaisir de répondre à vos questions. Merci de nous avoir permis de comparaître.

La présidente: Monsieur Morrison, merci. Monsieur Carlson, avez-vous quelque chose à ajouter?

M. Ron Carlson, vice-président administratif, Syndicat canadien des communications, de l'énergie et du papier: Pour renchérir sur ce que M. Morrison a dit, il est clair que les compagnies de téléphone, les entreprises de câblodistribution, les télédiffuseurs et les comités des médias sont en train de se fusionner, et ils y vont rondement. Avant trop longtemps, BCE, CTV et le Globe and Mail ne feront plus qu'une seule entité énorme. D'un autre côté, des compagnies de téléphone offrent maintenant à leurs clients des services de câble. Des câblodistributeurs offrent des services locaux dans certaines régions.

Ce mélange et cette convergence ont pour conséquence que les distinctions disparaissent entre les activités des entreprises. Ce sont de très grands conglomérats et, si nous voulons que le client puisse dire son mot, il faut lui donner les moyens d'obtenir une aide professionnelle pour se faire bien représenter et comprendre comment ces entreprises sont inextricablement liées.

De toute évidence, il faut une certaine aide pour en arriver là, et cette aide devrait venir de ceux qui demandent les changements.

Le sénateur Day: Monsieur Morrison, pourriez-vous préciser ce que vous vouliez dire lorsque vous avez signalé que les abonnés avaient besoin de souffler un peu? Permettez-moi de situer ma question. Vous avez dit que les abonnés payaient les frais du demandeur et des experts auxquels il fait appel pour présenter sa demande. Si nous adoptions cette modification de la Loi sur la radiodiffusion, le CRTC aurait le droit d'exiger que le demandeur paie également les frais des intervenants. S'il l'exigeait, et si le demandeur versait de l'argent aux intervenants, d'où viendrait cet argent? Des recettes qui lui viennent des abonnés, n'est-ce pas?

M. Morrison: C'est juste.

Le sénateur Day: En recommandant l'adoption de cette modification, n'imposerions-nous pas une autre charge à l'abonné?

M. Morrison: Cela dépendrait de la modification du règlement proposée par le fournisseur de services. Parfois, l'augmentation tarifaire proposée peut être une charge bien plus lourde pour l'abonné qu'une intervention fructueuse qui vise à le protéger.

Le sénateur Day: Je comprends maintenant comment vous pouvez dire que l'abonné a le droit de souffler un peu. C'est que vous présumez que l'abonné pourra échapper à la hausse réclamée par le demandeur.

M. Morrison: Ce n'est pas nécessairement une hausse tarifaire. Il peut s'agir d'une modification quelconque de la réglementation. Comme vous le savez, dans le secteur de la câblodistribution, il y a souvent des paliers de service, avec un groupe de chaînes de base auquel on peut s'abonner. Si un abonné achète quatre chaînes de plus, il lui en coûte encore 5 $ ou 6 $ de plus par mois, et cetera. Il peut s'agir de modifications de la réglementation sur le regroupement des services.

Le sénateur Day: On peut présumer que le câblodistributeur formule sa demande parce qu'il croit que les affaires s'amélioreront, que les abonnés seront satisfaits ou qu'un autre groupe d'abonnés sera attiré si le changement est apporté, et l'entreprise répercutera les coûts de présentation de la demande à ses abonnés existants ou futurs. Toutefois, si l'entreprise doit payer en plus les frais de l'intervenant ou des intervenants qui s'opposent à la demande, ces frais seront répercutés tout aussi bien, que le demandeur ait gain de cause ou non, n'est-ce pas?

M. Morrison: Les tarifs des fournisseurs sont établis d'après un taux de rendement raisonnable sur l'investissement. Les fournisseurs doivent prouver qu'ils gèrent leur entreprise efficacement et faire état de leurs coûts. Les immobilisations doivent être justifiables et non imprudentes. Ils ne peuvent pas se dire que plus ils dépenseront, plus ils obtiendront des hausses tarifaires importantes.

Le 12 décembre 2002, le Centre pour la défense de l'intérêt public a comparu devant le comité, et la question a alors été étudiée à fond. Les montants en cause dans le régime proposé sont une goutte d'eau dans l'océan. Ce ne sont pas des montants considérables. Du reste, les dispositions ne s'appliqueraient qu'aux groupes qui satisfont au règlement du CRTC en matière de financement.

Le sénateur Day: Proposez-vous que, dans cette modification, nous plafonnions le montant des frais que le CRCT pourrait accorder?

M. Morrison: Au cours des délibérations sur le projet de loi S-7, M. Coleville, du CRTC, a dit que le Conseil ne serait pas surchargé. Il était d'avis que le CRTC pourrait administrer ce système aux termes de la Loi sur les télécommunications sans aucun problème. Le système de financement en vertu de la Loi sur les télécommunications, par rapport à la Loi sur la radiodiffusion, n'a pas été une catastrophe, loin de là. Il fonctionne fort bien.

Le sénateur Day: Vous vous appuyez sur les chiffres du système appliqué en vertu de la Loi sur les télécommunications. En ce sens, vous présumez, pour prévoir les coûts si nous apportons cette modification à la Loi sur la radiodiffusion, que le passé est garant de l'avenir.

M. Morrison: Effectivement. Je crois que ce sont les mêmes groupes qui agiront comme intervenants, et je pense que la voie est bien ouverte et a été bien fréquentée.

Le sénateur Day: Avez-vous songé à d'autres moyens d'aider financièrement les intervenants, en dehors d'un système arbitraire d'attribution des frais? Avez-vous songé à l'État, ou encore à une demande qui serait adressée à un organisme gouvernemental ou au CRTC au préalable, l'argent provenant des recettes générales plutôt que du demandeur?

M. Morrison: Oui. Peu importe comment on s'y prend, c'est l'abonné qui finit par payer. La seule question est de savoir sur quelle base le paiement sera réparti. Si on puise dans le Trésor, l'abonné finit par payer, mais tous les contribuables canadiens sont mis à contribution. Certains groupes de revendication et d'autres groupes de défense des consommateurs trouvent leur propre financement, si bien que c'est encore l'abonné qui paie. Seule la répartition varie. À mon sens, la répartition la plus large est préférable. Nous devons trouver le moyen d'avoir une lutte plus égale. En ce moment, c'est David contre Goliath.

Le sénateur Day: La plus grande répartition possible, en ce sens que vous préféreriez autre chose que le projet de loi, mais, étant donné que le projet de loi répond en partie à vos aspirations, vous lui donnez votre appui?

M. Morrison: Mon organisation appuie le projet de loi parce qu'il met les deux parties sur un pied d'égalité, comme je l'ai expliqué tout à l'heure. Je n'ai aucune objection à la formule proposée.

Le sénateur Callbeck: Monsieur Morrison, votre syndicat a-t-il participé à des audiences sur les télécommunications?

M. Morrison: Oui, il l'a fait.

Le sénateur Callbeck: Avez-vous pu obtenir un financement à titre d'intervenant?

M. Morrison: À ma connaissance, nous n'avons jamais demandé de financement à titre d'intervenant.

Le sénateur Callbeck: Pourquoi?

M. Morrison: Je n'en suis pas absolument certain, mais je ne crois pas que les syndicats y aient droit, aux termes de la loi.

Le sénateur Callbeck: Autrement dit, si la modification est apportée, vous ne seriez pas admissibles non plus aux termes de la Loi sur la radiodiffusion?

M. Morrison: C'est exact. Les mêmes règles s'appliqueraient.

Le sénateur Callbeck: Si le projet de loi est adopté, quelles seront les répercussions sur vos membres?

M. Morrison: Je ne crois pas que cela changerait quoi que ce soit pour eux, à titre d'abonnés. Il y aurait des répercussions sur leurs familles. Comme vous le savez certainement, les syndicats sont depuis longtemps et seront toujours des défenseurs de la justice sociale. Nous nous rangeons souvent dans le camp des groupes de protection des consommateurs et de revendication parce qu'ils nous consultent comme syndicats présents dans ce secteur. Nous avons beaucoup de compétences techniques dans le secteur. Ce qui est écrit dans un grand mémoire dissimule souvent très bien ce qui se passe vraiment dans ces organisations ou avec ces employeurs.

La présidente: Monsieur Morrison, c'est vous, je crois, qui avez dit que les experts ne sont pas nécessairement des avocats. À quels autres spécialistes peut-on faire appel? Des économistes? Des sociologues? Vous voyez où je veux en venir. Je présume que des membres du clergé coûteraient moins cher que des consultants en commerce international.

M. Morrison: Les dirigeants syndicaux coûteraient aussi moins cher.

Cela dépend de la situation. Il peut s'agir d'un ingénieur en télécommunications, si des questions d'ordre technologique sont en cause. Les structures des sociétés peuvent être très complexes, avec les mécanismes de financement, les déductions d'impôt et la taxe de mise hors service, et on peut avoir besoin de quelqu'un qui a de solides connaissances en comptabilité pour s'y retrouver. Pour la personne moyenne, cela peut prêter à confusion au lieu d'être utile. Cela dépend de la situation.

La présidente: Vous êtes en train de dire qu'il est très difficile de donner une idée valable pour tous de ce que l'application du projet de loi supposerait.

M. Morrison: C'est juste, mais je crois que, aux termes de l'actuelle Loi sur les télécommunications, le CRTC a le droit de dire que les honoraires de l'expert dont on a retenu les services sont exorbitants.

Le sénateur Phalen: Vous avez dit que les syndicats ne pouvaient demander un financement pour leurs interventions aux termes de la Loi sur les télécommunications. Votre syndicat a-t-il fait des interventions?

M. Morrison: Oui, sénateur, tout comme le syndicat de M. Carlson. Nous avons un groupe de coordination officieux au Canada, la National Association of Communications Unions. Nous n'avons ni statuts ni structure. Nous avons également fait des interventions.

Le sénateur Phalen: À vos frais?

M. Morrison: Oui.

Le sénateur Day: Lorsqu'une entreprise ou un particulier présente une demande en vertu de la Loi sur la radiodiffusion, le mandat du CRTC est de veiller sur l'intérêt public. Le Conseil a une énorme bureaucratie, avec plusieurs commissaires qui ont des antécédents variés. C'est que leur mandat est de protéger l'intérêt public alors que, dans le système judiciaire fondé sur l'opposition entre deux parties, le juge écoute l'argumentation de chacune des parties et choisit celle qui lui plaît. En modifiant le système pour qu'un plus grand nombre d'intervenants fassent valoir le point de vue que devraient développer le CRTC et les commissaires, n'incitons-nous pas le Conseil à évoluer vers un régime judiciaire, dans lequel il s'agirait d'écouter ce qui se dit, au lieu d'être proactif et de veiller à ce que le demandeur fasse une proposition qui est dans l'intérêt public, sans quoi elle ne sera pas approuvée? N'amenons-nous pas le CRTC dans une position plus neutre en ouvrant la possibilité d'accueillir un plus grand nombre d'intervenants?

M. Morrison: Je ne le crois pas. Cependant, si cela se produisait, ce serait une bonne chose, sénateur. Le Canada est un grand et beau pays qui est très divers. J'ai eu le plaisir de me rendre, au nom de nos membres, dans toutes les provinces. Je sais qu'il y a des différences culturelles dans tout le pays, et les commissaires du CRCT représentent les intérêts régionaux, sur lesquels ils sont en prise, ce qui est bien. Bien que nous aimions à le croire, je ne crois pas que notre pays puisse être le même pour tous. J'aime la diversité du Canada. Je ne crois pas que le financement des intervenants ait nui à l'administration de la Loi sur les télécommunications par le CRTC, et je ne crois pas que cela nuira à l'administration de la Loi sur la radiodiffusion.

M. Carlson: Je n'ai pas d'exemple qui me vienne à l'esprit, mais je ne crois pas que ce genre de règle soit nouveau dans ce secteur. Dans une grande partie des États-Unis, par exemple, on applique des règles semblables à ce qui est proposé ici pour le secteur de la radiodiffusion.

Le sénateur Day: Seriez-vous favorable à un allégement de l'appareil bureaucratique du CRTC, étant donné que les points de vue qu'il devrait normalement faire valoir seraient maintenant présentés par les intervenants?

M. Carlson: Non. Pour renchérir sur le point que M. Morrison a signalé, il est évident que le CRTC se caractérise par une assez grande diversité, mais il est limité jusqu'à un certain point par les endroits où il doit tenir ses audiences. En soi, cela fait ressortir la nécessité de permettre à des gens d'autres régions d'assister à ces audiences et de faire une bonne intervention.

La présidente: Merci beaucoup à vous deux. Votre témoignage nous a beaucoup aidés. Votre point de vue sera extrêmement utile dans notre étude.

La séance est levée.


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