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Délibérations du Comité sénatorial permanent des
Transports et des communications

Fascicule 14 - Témoignages du 7 octobre 2003


OTTAWA, le mardi 7 octobre 2003

Le Comité sénatorial permanent des transports et des communications se réunit aujourd'hui à 9 h 38 pour faire l'étude des médias canadiens d'actualité.

L'honorable Joan Fraser (présidente) occupe le fauteuil.

[Français]

La présidente: Le comité examine la question du rôle que l'État devrait jouer pour aider nos médias d'actualités à demeurer vigoureux, indépendants et diversifiés dans le contexte des bouleversements qui ont touché ce domaine au cours des dernières années — notamment la mondialisation, les changements technologiques, la convergence et la concentration de la propriété.

[Traduction]

Nous sommes heureux d'accueillir aujourd'hui MM. Lind, Engelhart et Strati, représentants de Rogers Communications; M. Viner, de Rogers Media, et M. Segal, de Maclean Hunter Publishing.

Je prie chacun des témoins de faire une première déclaration, après quoi nous passerons aux questions. Allez-y monsieur Lind.

M. Philip B. Lind, vice-président, Rogers Communications Inc.: Rogers communication Inc. est une société canadienne composée de trois sociétés actives distinctes: Rogers Cable, Rogers Sans-fil et Rogers Media. Rogers Cable est le plus gros câblodistributeur au Canada. Nous offrons un service de télédistribution à 2,3 millions de Canadiens, et Rogers Sans-fil Inc. offre des services de transmission voix-données sans fil à 3,5 millions de clients.

L'entreprise Rogers Communications est née dans le secteur canadien des médias. Ted Rogers s'est lancé en affaires il y a plus de 40 ans avec une seule station radio FM, CHFI. Rogers Media a connu une telle croissance que l'entreprise est devenue de nos jours l'une des plus grandes sociétés du domaine des médias au Canada, possédant un portefeuille très diversifié d'actifs dans ce secteur. Rogers Media est constituée de trois grandes unités d'exploitation: Rogers Broadcasting, Rogers Sportsnet et Rogers Publishing. Le groupe Rogers Broadcasting englobe des services de radio et de télévision, des services numériques de catégories 1 et 2 ainsi que le canal de téléachat Shopping Channel.

La division de la radio possède et exploite 43 stations radio réparties dans les provinces d'Ontario, du Manitoba, d'Alberta et de la Colombie-Britannique. Nous sommes reconnus pour notre expertise en production d'émissions de radio et pour notre volonté d'investir dans l'innovation et la diversité. Par exemple, nous avons créé le concept de la station d'information continue au Canada avec le lancement de 680 News à Toronto.

La division de la télévision est constituée de deux canaux, OMNI.1 et OMNI.2, offrant une programmation multilingue et multiculturelle à 40 groupes ethniques distincts, dans 33 langues. OMNI Television produit cinq journaux télévisés distincts, dans autant de langues, chacun adoptant sa propre perspective éditoriale.

Nous exploitons également trois nouveaux réseaux de télévision: le Biography Channel, TechTV et MSNBC Canada.

Rogers Sportsnet a été créé en octobre 1998. Il s'agit d'un réseau de télévision spécialisée dans les sports à l'échelle régionale. Il est constitué de quatre stations régionales qui desservent autant de régions, et met l'accent sur les équipes de la région et les héros locaux.

Rogers Media édite plus de 65 magazines et revues spécialisées. Nos publications à diffusion nationale sont notamment Maclean's, Canadian Business, Flare, Châtelaine et L'actualité. Environ 45 p. 100 des Canadiens lisent au moins un magazine d'intérêt général de Rogers chaque mois.

Il existe deux programmes importants, administrés par Patrimoine canadien, qui soutiennent l'industrie canadienne de l'édition. Le Programme d'aide aux publications fournit des subventions postales essentielles à la santé financière de toutes les maisons d'édition de magazines du Canada, y compris la nôtre. Le second programme, le Fonds du Canada pour les magazines, nous a permis d'améliorer nos publications, ce qui a fait augmenter notre lectorat.

Chez Rogers, nous n'avons pas de position éditoriale commune pour nos magazines, nos stations radio ou nos canaux de télévision. En fait, même à l'intérieur de nos deux canaux de télévision, il y a un très grand nombre d'émissions d'affaires publiques à caractère ethnique dont chacune est responsable de la définition de ses propres positions éditoriales. La responsabilité de Rogers au regard de ses canaux de télévision est de veiller à ce que le contenu soit conforme aux politiques et aux directives du CRTC et à ce qu'il soit exact, équilibré et équitable. Nos magazines et nos stations radio élaborent leurs propres positions, tandis que nous cherchons seulement à nous assurer qu'ils appliquent les normes les plus élevées en matière de journalisme et d'intégrité. Tous les éditoriaux de nos magazines sont signés par le rédacteur en chef ou par le comité éditorial. Ces éditoriaux sont toujours rédigés par des journalistes, et non par des dirigeants d'entreprise.

On a écrit beaucoup de choses à propos de l'incapacité des sociétés propriétaires de médias différents de générer d'importantes synergies. Nous convenons que beaucoup des avantages supposés de la convergence provenant de la combinaison de l'imprimé et de la radiodiffusion ne se sont pas concrétisés et que les synergies réelles sont plus modestes. Nous croyons néanmoins que Rogers Media est une entreprise très efficace et que la diversité de nos actifs explique en partie notre succès. Les synergies que nous avons réalisées se répartissent dans les catégories suivantes: la vente de la publicité, la mise en commun du contenu et les perspectives de carrières, ce qui est plus important que la convergence.

Les grandes sociétés comme Rogers peuvent se permettre d'investir dans de nouvelles entreprises, comme la création de magazines, de stations radio ou de canaux de télévision. Notre taille nous donne la latitude voulue pour surveiller les nouvelles tendances, investir dans de nouvelles technologies et rassemblées les ressources humaines nécessaires pour développer et améliorer les médias canadiens. À notre époque, où l'auditoire est très fragmenté, les grandes sociétés canadiennes de médias sont nécessaires pour assurer une bonne diffusion du message canadien.

Certains des témoins qui se sont présentés devant le comité ont exprimé des inquiétudes au sujet de la propriété croisée de canaux de télévision et de journaux. Rogers ne possède pas de quotidien actuellement, bien qu'à un certain moment la société ait été propriétaire du Toronto Sun. Comme nous l'avons dit précédemment, nous possédons des stations radio, des canaux de télévision à contenu multiculturel, des canaux de télévision spécialisés et des magazines.

Ces inquiétudes reposent sur la prémisse voulant qu'une telle propriété croisée des médias privent les Canadiens d'un accès à des sources diversifiées de nouvelles et d'information. Nous sommes totalement en désaccord avec cette proposition.

Il n'y a jamais eu autant de sources de nouvelles et d'information pour les Canadiens. Les gens de Toronto peuvent lire le Toronto Star, le Globe and Mail et le National Post, et peuvent en outre regarder des centaines de canaux de télévision, lire des centaines de magazines et d'innombrables journaux communautaires et consulter un nombre presque illimité de sites Web.

S'il est vrai qu'il y a plus de journaux à Toronto que dans les autres villes canadiennes, le volume de nouvelles et d'informations de sources diverses auxquelles les Canadiens ont accès est plus important qu'il ne l'a jamais été. Avec la télévision par satellite, même les Canadiens habitant dans les parties les plus lointaines du pays peuvent capter des centaines de chaînes du Canada et d'ailleurs dans le monde.

Internet est disponible presque partout. Rogers offre Internet haute vitesse dans toutes les régions où il a la licence nécessaire, et le gouvernement fédéral cherche maintenant à donner accès à ce service aux régions rurales et éloignées.

Rogers ne demande pas un assouplissement des règles touchant la propriété étrangère pour les entreprises canadiennes créatrices de contenu. Nous sommes cependant fortement convaincus que les restrictions relatives à la propriété étrangère devraient être éliminées dans le secteur de la distribution, soit les télécommunications et la câblodistribution. Les restrictions imposées sur la propriété étrangère augmentent le coût du capital, de sorte qu'il en coûte cher pour des fournisseurs de services canadiens comme Rogers de moderniser leurs réseaux et de les maintenir à niveau.

Par contre, le secteur du contenu ne requiert pas des immobilisations majeures. La création du contenu entraîne des coûts d'exploitation élevés et exige notamment beaucoup de personnel, mais elle n'exige pas de fortes dépenses en immobilisations. En outre, les entreprises du secteur du contenu sont évidemment beaucoup plus importantes pour la culture canadienne que celles du secteur de la distribution. Pour ces raisons, nous croyons qu'il devrait y avoir rapidement un assouplissement des règles sur la propriété étrangère pour la câblodistribution et les télécommunications, mais qu'un tel assouplissement n'est pas nécessaire pour la télévision, la radio et l'imprimé.

Le sénateur Graham: Je souhaite la bienvenue à tous les témoins. Vous êtes tous reconnaissables de face et de réputation, et cette réputation est respectable.

Monsieur Lind, un témoin qui a comparu devant notre comité a laissé entendre que, si les restrictions à la propriété étrangère étaient levées au Canada, il n'y aurait pas d'afflux massif de capitaux étrangers au Canada, à cause des différences de réglementation et de fiscalité entre le Canada et les États-Unis. Êtes-vous du même avis?

M. Lind: Si les exigences de la réglementation étaient levées pour les distributeurs?

Le sénateur Graham: Oui.

M. Lind: Je crois qu'il y aurait un peu plus d'investissements étrangers au Canada, oui.

Le sénateur Graham: Il y en aurait plus?

M. Lind: J'admets aussi que la réglementation n'est pas la même au Canada. Les gens devraient être prudents en accédant à nos marchés, mais je pense qu'ils pourraient le faire et qu'ils le feraient.

Le sénateur Graham: Selon vous, y aurait-il d'autres effets, mis à part les changements dans le coût du capital, si les restrictions en matière de propriété étrangère étaient relâchées ou éliminées?

M. Lind: Non. C'est le coût du capital qui nous place en situation de désavantage, même par opposition à d'autres fournisseurs de services de médias canadiens, comme les entreprises téléphoniques. Elles obtiennent du capital à meilleur marché que nous parce qu'elles sont considérablement plus grosses.

Le sénateur Graham: Y a-t-il une quelconque forme d'intégration entre les salles de nouvelles de vos magazines et vos entreprises de radio et de télévision?

M. Lind: Je vais laisser M. Viner répondre à cette question.

M. Anthony P. Viner, président, Rogers Media Inc.: Toutes nos entreprises de médias ont des salles de nouvelles et de rédaction distinctes. C'est ainsi que notre société a toujours fonctionné. Il n'y a pas de politique éditoriale commune. Chacun de nos services de médias a sa propre politique.

Le sénateur Graham: Croyez-vous que nos nouvelles risquent de devenir américanisées?

M. Viner: Je pourrais peut-être vous demander de définir «américanisées». Voulez-vous dire sensationnalistes?

Le sénateur Forrestall: Voyez ce qui se passe en Californie, aujourd'hui.

M. Viner: Je pense, sénateur, que la procédure de révocation, ce n'est pas la même chose.

M. Segal, qui est non seulement président de notre division des communications mais aussi ancien éditeur du Maclean's, devrait nous dire ce qu'il en pense.

Nous avons au sein de nos services de radio et de télévision, ainsi que dans nos équipes de rédaction de périodiques, des journalistes indépendants qui vérifient les faits. Nous répondons aux vœux et aux goûts de notre auditoire et de notre lectorat. Les Canadiens veulent généralement des reportages factuels. Pour que nos entreprises réussissent, il importe que nous respections leurs goûts.

M. Brian Segal, président-directeur général, Rogers Publishing: L'attrait principal de nos magazines, c'est leur caractère typiquement canadien.

Il suffit de voir tout le choix qui s'offre aux Canadiens dans un kiosque à journaux. Même pour les revues d'actualité comme Maclean's et L'actualité, les Canadiens veulent avoir une perspective canadienne. Cela ne veut pas dire que l'une ou l'autre de ce ces revues ne ferait pas d'articles sur des événements américains ou en rapport avec les États-Unis, mais ce serait fait dans une perspective canadienne.

Notre politique éditoriale est de répondre aux besoins du lectorat. Si nous faisons du bon travail, l'idéologie véhiculée par nos revues répondra aux attentes, aspirations désirs et besoins des lecteurs canadiens, et c'est notre principal argument de vente. C'est pourquoi Maclean's a 400 000 abonnés au Canada tandis que l'édition canadienne du Time en a 225 000. Nous répondons à ce que veulent les Canadiens en fait de lecture. Cela ne veut pas dire que les Canadiens ne s'intéressent pas aux nouvelles des États-Unis, mais ils ont bien d'autres moyens d'obtenir ce type d'information.

La même chose est vraie pour nos magazines féminins. Si l'on compare Châtelaine et Good Housekeeping, un magazine américain, la différence tient essentiellement au fait que Châtelaine se concentre sur les valeurs, aspirations et besoins des Canadiennes plutôt que des Américaines. Le contenu de nos revues est pertinent en fonction de notre lectorat, et la réaction est positive.

La présidente: J'aimerais que vous précisiez ce que vous entendez par «éditorial» et «politique éditoriale».

Comme vous le savez, pour la majorité des gens, «éditorial» est un mot qui fait penser à la page éditoriale. C'est l'opinion véhiculée par le journal ou la revue. Dans le métier, on emploie ce mot pour tout ce qui n'est pas publicité. Dans quel sens utilisez-vous le mot «éditorial»?

M. Segal: Je l'utilise dans les deux sens, mais soyons clairs. Sur la question des éditoriaux, toutes les revues pondent leurs propres éditoriaux, et nous demandons aux rédacteurs en chef de les signer. Dans le cas de la revue Canadian Business, la nouvelle page éditoriale, en dernière de couverture, est signée par le comité éditorial. C'est donc nettement une réflexion des rédacteurs et non la position de l'entreprise.

On peut s'apercevoir qu'une revue adopte une certaine position sur une question quelconque et qu'une autre défend une position très différente. Canadian Health Care Manager, sur le régime d'assurance-maladie universel, peut avoir une position très différente de celle du Maclean's, et c'est très bien ainsi, parce que leurs lectorats sont différents. Nous ne demandons pas à approuver les éditoriaux.

Le sénateur Graham: Je voulais que ce soit bien clair dans le compte rendu, parce qu'un certain nombre de témoins ont exprimé des inquiétudes à l'égard de la propriété croisée des canaux de télévision et des journaux.

Comme on l'a dit, vous ne possédez pas de quotidien en ce moment. Le Toronto Sun vous a cependant appartenu un certain temps. Donc, vous ne voyez pas la nécessité d'interdire la propriété croisée, et vous n'y voyez pas de danger pour le public canadien.

M. Lind: Nous ne voyons aucune nécessité d'interdire la propriété croisée.

Le sénateur Corbin: Je voudrais avoir plus d'information sur les deux programmes du gouvernement fédéral qui subventionnent vos activités, soit le Programme d'aide aux publications, qui fournit des subventions postales, et le Fonds du Canada pour les magazines.

Voulez-vous vraiment que ces subventions soient maintenues?

M. Lind: Oui, monsieur.

Le sénateur Corbin: Comment cela peut-il convenir à un système de libre entreprise?

M. Lind: Nous avons désespérément besoin de ces programmes, et M. Segal expliquera pourquoi.

M. Segal: L'histoire du programme de subventions postales remonte à plus de 100 ans. C'est probablement l'une de nos politiques culturelles les plus efficaces au Canada. Cela permet d'acheminer nos publications aux Canadiens de partout au pays.

L'industrie canadienne des magazines d'intérêt général repose sur le Programme d'aide aux publications. C'est ce qui a permis aux magazines canadiens de conserver leurs frais de poste à un niveau raisonnable.

Les magazines canadiens subissent des frais de poste substantiels. La subvention permet à ces magazines d'être distribués à un coût inférieur au coût normal de la poste. Depuis bon nombre d'années, les Canadiens peuvent ainsi se tenir au courant plus facilement. Je dois faire remarquer que le programme de subventions postales assure aussi un financement important aux journaux communautaires de tout le Canada.

Les magazines d'intérêt général auraient de la difficulté à survivre au Canada s'ils étaient seulement distribués en kiosque. Il suffit de visiter un kiosque pour constater à quelle concurrence se livrent les magazines.

Les magazines canadiens ont absolument besoin de leurs abonnés pour survivre, et c'est la possibilité de demander un prix raisonnable pour l'envoi du magazine, grâce à ce programme de subventions postales, qui leur permet de s'assurer un nombre suffisant d'abonnés.

C'est un peu comme pour l'industrie du camionnage. Le gouvernement subventionne les routes depuis 100 ans. S'il mettait fin à ces subventions et que les entreprises de transport devaient demander le montant réel du coût du transport, l'industrie en souffrirait. Ce serait la même chose pour le prix des magazines. Le programme de subventions postales est fondamental parce que les magazines, les nôtres ou ceux de toute autre société, dépendent de leurs abonnés.

Le Fonds du Canada pour les magazines a été établi en réaction aux changements dans la législation qui ont permis l'entrée au pays de magazines américains à tirage dédoublé en conservant la politique éditoriale américaine et en remplaçant la publicité américaine par de la publicité canadienne. Comme vous le savez probablement, ce fonds, qui représentait auparavant 50 millions de dollars, a été réduit à 16 millions. On a justifié cette réduction en disant que la menace que représentaient les magazines américains à tirage dédoublé ne s'était pas matérialisée et qu'il n'était donc pas nécessaire d'assurer un soutien aussi important.

Nous admettons que la menace ne s'est pas matérialisée, mais il commence à y avoir des indices que cela commence à se produire. Sports Illustrated et People vendent maintenant de la publicité au Canada. Le Print Measurement Bureau, le PMB, surveille ces deux magazines. Nous verrons probablement les magazines américains ou étrangers devenir de plus en plus populaires au Canada.

L'élément le plus important du Fonds du Canada pour les magazines est son fonds d'aide au contenu rédactionnel. Il permet aux maisons d'édition canadiennes de mettre plus d'argent sur la qualité du contenu. Il en résulte qu'elles ont plus de lecteurs et, donc, plus d'argent avec leurs contrats de publicité. Rogers, ainsi que d'autres maisons d'édition, petites et grandes, ont bénéficié du fonds d'aide au contenu rédactionnel pour s'assurer un meilleur contenu en fait d'articles de fond.

Le sénateur Corbin: Il me semble que L'actualité est une revue plus québécoise que canadienne. Est-ce voulu de la part de la maison d'édition?

Je viens du Nouveau-Brunswick.

[Français]

Je suis de langue française; mes ancêtres sont du Québec.

[Traduction]

Je trouve que L'actualité a un contenu plutôt régional dans sa représentation du Canada français.

Vous serez d'accord ou non avec moi. Bien sûr, si un Acadien se rend célèbre dans le monde, L'actualité fera un article ou une entrevue avec cette personne parce que celle-ci déménage généralement alors à Montréal, où les choses se passent.

Pour ce qui est du reste, je ne vois pas grand-chose dans les publications qui porte sur le Nouveau-Brunswick ou sur les francophones d'Ontario ni sur les autres îlots de la francophonie ailleurs au Canada. Ce n'est qu'occasionnel qu'on en entende parler, et ce n'est pas parce que la politique éditoriale a établi pour mission d'en parler.

Est-ce bien ainsi en ce qui concerne la politique de L'actualité?

M. Segal: Votre prémisse est exacte: le lectorat de L'actualité est québécois. Cette revue s'est toujours concentrée sur le Québec. C'est là qu'elle est distribuée à 99 p. 100, et c'est un magazine d'affaires publiques québécois. Son équipe de rédaction n'est pas tenue de respecter une position propre à l'entreprise propriétaire. Sa position est celle de son équipe de rédaction québécoise. C'est elle qui décide quel sera son contenu en fait de nouvelles, d'affaires publiques, de loisirs et d'information pour mieux répondre aux besoins de la population du Québec. Je ne crois pas qu'elle cherche sciemment à exclure les francophones hors Québec. Mais vous avez raison. Cette revue est très Québécoise, parce que c'est au Québec que se trouvent 99 p. 100 de ses abonnés.

La présidente: Je me demande si ce n'est pas un cercle vicieux. Si une revue ne traite que d'une région, les gens des autres régions ne la liront pas.

Le sénateur Massicotte: Ce que vous dites, c'est qu'il ne devrait pas y avoir de limite à la propriété croisée, aux questions matérielles, autrement dit à l'industrie de capital. Vous n'exprimez pas d'opinion, mais vous dites qu'il ne devrait pas y avoir de limite à cet égard. Que dire de la question de contenu? Vous vous rendez tous bien compte de nos préoccupations concernant le contenu. Quelle est votre opinion à cet égard?

Dans votre mémoire, vous dites que vous ne croyez pas qu'il devrait y avoir des restrictions à la propriété croisée. Devrait-il y avoir une réglementation relativement aux «Canwest» de notre monde, si l'on craint que l'éventail des opinions exprimées soit moins large?

M. Lind: Non, nous sommes d'avis qu'il ne devrait pas y avoir de restrictions. Les Canadiens ont des centaines et des centaines de sources de nouvelles, d'information et de divertissement, dont bon nombre n'existaient pas il y a 20 ou 30 ans, ou même il y a 10 ans.

Le sénateur Massicotte: Je sais que les sources sont nombreuses. Toutefois, dans une perspective canadienne, je soupçonne que la grande partie de la population se limite à une ou deux sources d'information quotidiennement.

N'y aurait-il pas beaucoup de sources à propriété croisée? Selon vous, il n'y a tout de même pas lieu d'imposer des règles ou une réglementation. Il faudrait laisser le marché libre déterminer ce que nous apprendrons.

M. Lind: Le CRTC examine toutes les transactions que nous désirons faire. Il les évalue en fonction de ces critères et d'autres. Nous croyons que, étant donné les centaines de sources de nouvelles disponibles, c'est probablement la meilleure chose à faire.

La présidente: Les revues Maclean's et L'actualité sont-elles rentables?

M. Segal: Oui, elles le sont.

La présidente: Elles font toutes deux suffisamment d'argent, selon vos critères? Aimeriez-vous qu'elles soient plus rentables?

M. Segal: Nous voudrions toujours que nos entreprises soient plus rentables, quoique nous soyons conscients que certaines catégories de magazines et les coûts qu'elles engendrent ne se comparent pas à d'autres types de magazines. Un magazine hebdomadaire d'information ne donne jamais la même rentabilité qu'un magazine féminin mensuel ou une revue professionnelle.

On fait une distinction quant à la rentabilité selon la catégorie de revue.

La présidente: Auriez-vous l'obligeance de nous donner des chiffres approximatifs?

M. Segal: La catégorie du magazine d'information devrait faire des bénéfices de 5 à 6 p. 100, tandis qu'un magazine féminin peut faire jusqu'à 10 ou 12 p. 100 en fait de rentabilité d'exploitation.

Selon le secteur, certaines revues professionnelles peuvent faire entre 13 et 17 p. 100 de bénéfices. Les magazines d'information ou les magazines d'affaires publiques bimensuels ont des bénéfices moins importants, et c'est ce à quoi nous nous attendons.

La présidente: Votre point de vue sur la propriété étrangère m'intéresse, ainsi que la différence que vous faites entre l'industrie de capital et les autres types d'industries.

Voulez-vous dire que les règles sur la propriété étrangère imposées aux distributeurs devraient être entièrement levées ou simplement un peu assouplies?

M. Lind: Nous croyons qu'elles devraient être levées.

La présidente: Qui, selon vous, fournirait ces capitaux? Quel genre d'entreprise investirait, d'après vous?

M. Ken Engelhart, vice-président, Réglementation, Rogers Communications Inc.: Chaque fois qu'on impose une restriction à l'apport de capitaux, on fait augmenter le coût du capital. Le fait que les restrictions à la propriété étrangère s'appliquent au capital de risque accroît pour nous la difficulté d'obtenir du capital et fait que notre rapport est plus élevé. Ainsi, les distributeurs et les câblodiffuseurs canadiens ont un multiplicateur plus faible que leurs concurrents américains relativement au nombre d'abonnés ou aux bénéfices. C'est dû en partie aux règles sur la propriété étrangère que nous avons aujourd'hui.

Ce qui est peut-être encore plus intéressant, c'est que les règles concernant la propriété étrangère de capital-actions peuvent faire monter le coût des capitaux empruntés. Sur le marché de la dette, les détenteurs d'obligations pensent notamment à la situation catastrophique que cela produirait si l'entreprise faisait faillite et qu'ils devaient prendre en charge la dette accumulée. Un détenteur de titres de créance étranger ne peut pas avoir la mainmise sur un distributeur ou un câblodiffuseur canadien. Nous payons donc le prix des restrictions à la propriété étrangère chaque fois que nous allons sur le marché des actions.

Nous espérons que, si ces restrictions sont levées, nous aurons accès à plus de capitaux à moindre coût, même sans vendre nos entreprises. Les sociétés de Rogers n'ont aucune intention de vendre. Ces règles peuvent être levées, ce qui procurerait un énorme avantage aux distributeurs et câblodiffuseurs canadiens, même si ce n'est pas une société étrangère qui en détient le contrôle.

Je crois que vous avez demandé quelles sociétés étrangères seraient intéressées. J'ai constaté pas mal d'intérêt de la part de sociétés internationales de transmission par satellite à l'égard des sociétés canadiennes qui font la même chose. Ce n'est qu'un exemple, et je suis sûr qu'il y a des domaines où les sociétés étrangères voudraient investir, avec le temps.

La présidente: Je ne sais pas si ce serait possible, légalement, mais si l'on oublie cet aspect de la question, seriez-vous favorable à une limite quelconque imposée au type d'investisseurs étrangers?

L'éventail des investisseurs pourrait aller de Rupert Murdoch ou Larry Flint jusqu'à des intérêts tout à fait nobles et sans but lucratif, par exemple la Fondation Ford. Voyez-vous ce que je veux dire? Beaucoup d'intérêts différents peuvent vouloir investir sur le marché canadien.

Diriez-vous que cette situation devrait être assujettie à une politique quelconque?

M. Engelhart: L'un de nos plus gros problèmes dans le domaine des communications, c'est le manque de concurrence. Beaucoup de sociétés oeuvrant dans ce domaine ont fait faillite. D'autres sont plus ou moins insolvables. Je ne veux pas être impertinent, mais nous devrions savoir gré à quiconque désire investir dans le secteur canadien des télécommunications, parce que ce secteur s'est avéré très difficile pour les nouveaux arrivants.

La présidente: Quand vous parlez des difficultés comparatives des sociétés canadiennes sur le marché des capitaux, quels sont les chiffres approximatifs? À quel point les coûts sont-ils plus élevés?

M. Lind: L'écart est d'au moins 50 à 100 points de base, et il est parfois beaucoup plus grand. Il peut être d'entre 0,5 et 1,5 p. 100, au moins. Si l'on applique ces chiffres à des sommes de 100, 300 ou 400 millions, c'est très important. Nous payons cette différence chaque fois que nous empruntons.

La présidente: Avez-vous une estimation des sommes que vous pourriez obtenir au cours des 10 prochaines années?

Je suis sûre que vous en avez une, mais pouvez-vous nous en faire part?

M. Lind: Non, parce que notre directeur financier crierait au meurtre si je répondais à cette question. Mettons les choses dans un contexte plus large: L'industrie de la câblodiffusion et du sans-fil devra probablement obtenir pour 10 milliards de dollars en nouvelles installations au cours des 10 prochaines années. C'est beaucoup d'argent.

La présidente: Merci.

Le sénateur Massicotte: Vous parlez d'épargnes importantes; seulement pour votre société, ce serait de l'ordre de 20 ou 30 millions de dollars. Je présume que les consommateurs en profiteront. Comment ces épargnes seront-elles réparties?

M. Engelhart: Actuellement, nous évitons de lancer de nouveaux produits et de nouveaux services. Or, les nouveaux services que nous offrons sont précisément les avantages que retirent les consommateurs des investissements que nous faisons. Si nous prenons par exemple Internet haute vitesse, le Canada arrive au second rang pour ce qui est de sa pénétration dans le monde. Seule la Corée du Sud le surpasse à cet égard. C'est dû en grande partie aux efforts de pionnier que Rogers Cable a faits. Il s'est lancé dès 1995 dans l'apport d'un service Internet haute vitesse. Notre taux de pénétration est plus élevé que celui des Américains d'environ 40 p. 100, et à des prix beaucoup plus bas. Il en coûte normalement 45 $ CAN pour s'abonner à un service Internet haute vitesse au Canada, alors que les Américains doivent payer 45 $ US ou davantage.

Les Canadiens en profitent quand nous investissons dans de nouvelles technologies, et plus nous pourrons investir, plus ils en bénéficieront.

Le sénateur Graham: Vous avez mentionné que le Maclean's est distribué à 400 000 exemplaires, ce qui est impressionnant, alors que l'édition canadienne du Time a 225 000 lecteurs. Depuis cinq ans, ces chiffres sont-ils à la hausse ou à la baisse?

M. Segal: À la baisse dans les deux cas. Le Maclean's est passé de 450 000 à 400 000 et le Time, d'environ 375 000 à 225 000.

Si l'on se penche sur les chiffres de distribution au cours des cinq dernières années, on voit qu'ils ont baissé en raison des coûts qu'entraîne une très grande distribution. La distribution des journaux est aussi à la baisse, et c'est la même chose pour tous les produits à édition fréquente.

Je pense que nous sommes un peu revenus au point que nous tentions de faire valoir tout à l'heure, concernant le marché concurrentiel et les choix en matière de médias. Le choix est tellement grand. Les habitudes de consommation ont changé à cet égard au cours des cinq dernières années. La distribution des imprimés reflète ces changements.

Que ce soit à la télévision ou à la radio, nous pouvons avoir des nouvelles continuellement. C'est pourquoi la distribution des imprimés a diminué et les contenus ont été modifiés. Dans certains cas, les imprimés ne présentent pas tant les dernières nouvelles. Ils offrent plutôt une perspective plus large et réfléchie concernant ces nouvelles. On parle de ce qui risque d'arriver plutôt que de ce qui est arrivé, parce que les véhicules d'information instantanée nous ont déjà donné les dernières nouvelles.

Le sénateur Graham: C'est difficile de rester au courant de toutes les nouvelles, et c'est presque ce que vous devez faire dans l'industrie du magazine. Jusqu'à quel point considérez-vous que vos magazines présentent une solution de rechange par rapport aux journaux, ou même qu'ils sont des concurrents des journaux?

M. Segal: Je pense que le Globe and Mail et le National Post sont les deux principaux concurrents de Maclean's pour ce qui est de la fréquence et de la publicité. L'actualité, un peu moins, parce que c'est un bimensuel, mais pour ce qui est des recettes de la publicité, La Presse et Le Journal de Montréal sont certainement des concurrents importants.

Évidemment, la fin de semaine, les journaux ont des sections magazines, si vous voulez. Il faut être capable de se distinguer, et les magazines le font efficacement, surtout avec la photographie, parce que la qualité du papier est différente. Les magazines procurent aussi un second examen objectif, parce qu'ils ont plus de temps pour réfléchir aux événements, et en donnent donc une perspective différente.

Ils maintiennent leur position concurrentielle sur le marché, mais pour répondre à votre question plus directement, pour un magazine comme Maclean's, les deux quotidiens nationaux sont ses concurrents.

Le sénateur Graham: C'est sûr que les gens de ce côté-ci de la table appuient la cause d'un second examen objectif.

Vous avez 43 stations de radio. Ted Rogers père oeuvrait-il dans ce domaine avant que Ted se lance il y a 40 ans?

M. Viner: Son père oeuvrait aussi dans ce domaine. CFRB, à Toronto, signifie Canada's First Rogers Batteryless. Le père de Ted s'est lancé dans ce domaine d'affaires, mais il est mort jeune, à l'âge de 39 ans, et il a perdu cette station de radio. Nombreux sont ceux qui disent que le décès prématuré de son père est l'une des motivations de Ted, qui l'a incité à devenir un entrepreneur fructueux dans le milieu des communications, parce qu'il croit que c'est ce que son père aurait fait s'il avait vécu plus longtemps.

Le sénateur Graham: Des 43 stations que vous détenez maintenant, combien ont été créées par Rogers et combien ont été achetées?

M. Viner: C'est une bonne question. CHFI est la pierre angulaire de tout le réseau de Rogers. Je suis le seul à le dire, parce que je suis à la tête de la société médiatique. Ted a acheté cette station.

Il a acheté une station FM quand moins de 5 p. 100 des foyers avaient la radio FM. On dit qu'il l'a achetée pour 100 000 $ et qu'il a rapidement vendu pour 80 000 $ le service parent de musique de fond. Il était étudiant en droit à l'époque. C'est l'une des caractéristiques extraordinaires de M. Rogers.

Qu'est-ce que nous avons acheté dans le cadre d'audiences publiques? Tout récemment, nous avons acheté un service de télévision pour desservir l'auditoire en langues étrangères dans le sud d'Ontario. Bien que nous ayons participé activement au processus réglementaire, aux audiences, nous n'avons pas obtenu beaucoup de licences. La plupart d'entre elles ont été obtenues au moyen d'un achat sous une forme ou une autre, y compris celle pour CHFI.

Le sénateur Graham: Vous butez-vous à une certaine opposition de la part de vos concurrents, ou de vos éventuels concurrents, quant à la part détenue sur le marché?

M. Viner: Absolument. Je suis sûr que beaucoup d'entre eux comparaîtront devant ce comité. Corus, CHUM, Standard et NewCap sont toutes des sociétés importantes dans le domaine de la radio. CHUM et Corus, selon le type de mesure qu'on emploie, sont certainement des joueurs plus importants que nous dans le secteur de la radio.

Il y a quelques indépendants heureux qui occupent une part du marché, surtout dans l'Ouest, mais aussi dans les Maritimes.

Il y a une grande variété de sociétés, petites et grandes, qui détiennent des parts dans l'industrie de la radio.

Le sénateur Graham: Faites-vous constamment affaire avec le CRTC?

M. Viner: Oui, constamment.

Le sénateur Graham: Croyez-vous qu'il serait utile que le gouvernement donne des instructions plus précises au CRTC concernant la propriété croisée?

M. Viner: Nous ne croyons pas utile qu'il y ait une plus grande réglementation concernant la propriété croisée.

Le sénateur Graham: Je pense à la question de la clarté. Je ne parle pas d'imposer plus de restrictions mais de donner au CRTC, disons, une vision plus nette de ce que les Canadiens aimeraient.

M. Engelhart: Je pense que M. Dalfen l'a expliqué il y a quelques semaines quand il a comparu devant le comité: le CRTC se penche sur les questions de propriété croisée quand il est en voie d'approuver une transaction. Il est généralement très chatouilleux sur la question de la concentration des médias, comme on peut le voir par la diversité que nous avons au pays.

Même dans une situation où un intéressé détenant une licence de radiodiffusion achète un journal, le CRTC examinerait cette situation quand viendrait le temps de renouveler la licence. Il a instauré des restrictions quant aux partage des salles de nouvelles.

Je ne crois pas que nous ayons besoin de plus de détails. Je crois que le CRTC fait du bon travail pour ce qui est d'équilibrer les choses en matière de concentration, de propriété croisée et de diversité.

Si une directive du Cabinet était émise sur cette question, il faudrait que ce soit une recommandation assez simple. Je pense que les ententes que conclut le CRTC quand il examine ces questions sont adéquates. Je ne vois pas ce qu'une directive du Cabinet pourrait faire de plus.

M. Lind: L'étude au cas par cas que fait le conseil est une assez bonne méthode. Le Bureau de la concurrence le surveille de toute façon. Je pense que ça va.

Le sénateur Graham: En quelle année avez-vous créé le concept des stations d'information continue, avec le lancement de 680 News à Toronto?

M. Viner: Nous avons célébré notre dixième anniversaire cette année.

Le sénateur Graham: Des 43 stations de radio que vous possédez, combien sont des stations d'information continue?

M. Viner: Seulement deux d'entre elles en sont. Ce type de service ne peut être durable que s'il est établi sur un très grand marché. Les stations de Toronto et de Vancouver sont les seules que nous ayons. Corus en a deux à Montréal, une en anglais et une en français.

Je raconte souvent que je me suis présenté à notre conseil d'administration pour faire part d'une idée extraordinaire que j'avais eue au sujet de CFTR, à l'époque une station de musique qui ne faisait que peu de bénéfices. J'avais eu une bonne idée qui pouvait nous faire perdre 7 millions de dollars en quelques années. Pour une raison que j'ignore, le conseil a appuyé notre équipe à ce sujet. Nous avons créé 680 News, et cette station a maintenant le plus large auditoire de toutes au Canada, si l'on compte le nombre de personnes qui syntonisent ce poste chaque semaine.

Le sénateur Graham: Cette station fonctionne-t-elle 24 heures sur 24?

M. Viner: Oui, sept jours sur 7.

M. Lind: C'est l'avantage des économies d'échelle. Si nous avions seulement cette station, nous n'aurions pas eu les moyens de réaliser ce concept. À l'époque, nous ne savions pas si nous gaspillerions purement et simplement 7 ou 10 millions de dollars, ou même plus, sans rien avoir en retour. Les gens y voient maintenant un service logique, mais à ce moment-là, c'était très risqué. Ce marché était très incertain.

M. Viner: La majorité des critiques nous disaient que ce concept ne pouvait pas marcher au Canada.

Le sénateur Graham: Vos stations d'information continue font-elles beaucoup de bulletins de type éditorial?

M. Viner: Presque pas. Je dis «presque» parce qu'il arrive, à Vancouver, qu'un bulletin de nature éditoriale soit diffusé. 680 News n'en fait pas. Je crois qu'il n'y en a pas au bulletin de nouvelles de 11 h 30 à Vancouver.

L'idée d'une station d'information continue est d'offrir une surveillance constante de l'actualité aux auditeurs. Quand on s'installe dans sa voiture, à toute heure du jour ou de la nuit, on peut syntoniser ce poste pour obtenir un tour rapide de l'actualité.

La publicité de la station de radio dit «Écoutez-nous trois ou quatre fois», contrairement aux stations de musique qui disent «Écoutez-nous toute la journée». Nous disons aux gens de nous écouter 20 minutes de temps en temps. Nous voulons être la seconde station qu'ils écoutent, après leur station préférée.

Je ne me souviens pas que nous ayons fait de bulletin de nature éditoriale.

Le sénateur Graham: Il est juste de dire que votre but premier est d'informer, et non d'influencer l'opinion publique?

M. Viner: Absolument. Nous essayons très fort de voir les choses de l'œil du témoin ou de Monsieur Tout-le-Monde. Nous essayons, au moyen d'entrevues ou de participation en direct, d'amener les gens à décrire leur expérience ou la nature de l'événement que nous couvrons.

Le sénateur Forrestall: Si je puis me permettre une opinion, je dirais que, si Rogers s'intéressait davantage au groupe chargé de faire un second examen objectif qui est devant ses représentants aujourd'hui, nous aurions peut-être une population canadienne mieux informée et un meilleur processus législatif.

Je voudrais que vous me parliez de ce que cela représente de faire une demande concernant un achat, une vente et d'autres transactions, et d'avoir à passer par le CRTC pour ce faire.

Il me semble que, il y a quelques années, on désirait se débarrasser du CRTC et laisser une réincarnation quelconque du Tribunal de la concurrence s'occuper d'une bonne partie de ces fonctions à cause du temps que cela prenait.

J'aimerais que vous me parliez du temps qu'il faut pour traiter une demande. Si le processus est long et s'il coûte de l'argent, le Tribunal de la concurrence serait-il capable de traiter les demandes plus rapidement?

M. Lind: Je crois que la situation est assez juste, telle qu'elle existe actuellement. Il n'y a pas de doute, cependant, que le CRTC prend trop de temps à rendre ses décisions. Pour le reste, rien n'indique, selon moi, que le Tribunal de la concurrence ferait mieux. La situation est correcte, sauf que ça prend trop de temps.

Le sénateur Forrestall: Mais le tribunal est très malléable. On peut lui faire faire ce qu'on veut dans la mesure des besoins et de la législation au Canada. J'aurais cru qu'il y avait moyen de s'en servir pour accélérer le processus.

M. Viner: Quand je me suis lancé dans ce domaine, il y a bien des années, nous avions l'habitude de comparaître devant le conseil pour chaque renouvellement de licence. Maintenant, s'il n'y a pas de point litigieux ni de plainte non réglée, le conseil renouvelle les licences presque automatiquement. Il fait cependant la différence entre ces renouvellements et le renouvellement de licences ou le traitement de questions propres à des politiques gouvernementales qui pourraient avoir un impact sur le système de radiodiffusion, et examine ces demandes plus en détail. Toutefois, je suis certainement d'accord avec M. Lind pour dire que le processus est trop long.

M. Lind: Ça, c'est pour la radiodiffusion; pour les télécommunications, ça prend une éternité.

Le sénateur Forrestall: Je pensais davantage aux télécommunications. Merci beaucoup.

Le problème ne disparaît pas, et les conséquences pour l'utilisateur qui paie la facture commencent à se faire sentir. Les produits et services que vous offrez commencent à coûter cher.

Le sénateur Corbin: Quelle différence y a-t-il entre M. Engelhart, vice-président à la Réglementation, et M. Strati, directeur des Affaires réglementaires?

Le sénateur Forrestall: Dans toute organisation, il doit y avoir un patron.

M. Lind: M. Engelhart est responsable de la réglementation pour l'ensemble de la société — sans-fil, câble, médias, et cetera. M. Strati ne s'occupe que des médias.

Le sénateur Corbin: J'en déduis d'après vos réponses aux sénateurs Graham et Forrestall que, à l'exception des inconvénients que représente la lenteur du CRTC dans certains cas, la réglementation canadienne vous convient assez bien.

M. Lind: Nous croyons que les organismes canadiens de réglementation servent bien la population.

Le sénateur Corbin: Est-ce qu'ils vous servent bien?

M. Lind: Nous sommes au service de la population, alors oui.

Le sénateur Corbin: Mis à part cette plainte raisonnable que vous formulez à l'endroit du CRTC, que penser du Bureau de la concurrence? Je ne sais pas quelle expérience vous en avez eu, si vous avez eu affaire à lui. On nous a dit dans une audience précédente qu'il recevait environ 80 000 plaintes par année. Je ne crois pas que j'exagère ce chiffre.

La présidente: Je me rappelle effectivement ce chiffre, mais il s'agissait évidemment de toutes les causes entendues, et non pas seulement de celles relatives aux médias.

Le sénateur Corbin: Si le public se plaint de vos services, le Bureau de la concurrence vous en informe-t-il? Vous donne-t-il la possibilité de répondre avant de traiter la plainte ou de la rejeter?

M. Engelhart: Si une plainte est déposée au Bureau de la concurrence, le bureau nous donne effectivement la chance d'y répondre. Curieusement, par contre, il refuse de nous montrer la plainte écrite. Le bureau croit que, si un petit élément de l'industrie dépose une plainte à propos d'un des gros éléments de l'industrie, il doit protéger cette plainte parce qu'il veut encourager la dénonciation. Toutefois, il a poussé trop loin ce principe louable, puisqu'on ne peut jamais voir le plaignant, même s'il est plus gros que nous.

Le sénateur Corbin: Vous trouvez que vous devriez pouvoir voir cette plainte?

M. Engelhart: Je crois que ce serait une bonne idée de montrer le document écrit à la société qui fait l'objet de la plainte.

Le bureau vous rencontre et discute de la nature de la plainte. Il vous pose toutes les questions qu'il juge pertinentes. Le processus est juste, mais je ne suis pas d'accord avec le principe qu'on ne puisse voir le document écrit.

Le sénateur Corbin: Je comprends ce que vous voulez dire concernant les distributeurs étrangers ayant accès à nos marchés. Est-ce que cela permettrait aussi à Rogers de s'établir sur des marchés étrangers? Rogers s'intéresse-t-elle aux marchés étrangers?

M. Lind: Dans les années 80, nous étions un élément important dans l'industrie de la câblodiffusion, aux États-Unis. Croyez-moi, nous aimerions beaucoup y être encore. Toutefois, Ted Rogers a eu la chance de faire une offre sur le sans-fil au Canada et a donc dû choisir entre le câble aux États-Unis et la société de sans-fil Rogers Cantel, qui est devenue Rogers AT&T Wireless. C'est ce qu'il a choisi; il ne pouvait pas faire les deux. C'est une question d'argent.

Bien sûr que nous aimerions compter davantage sur le marché américain, parce que nous l'avons déjà fait et que nous avons prouvé que nous pouvions le faire — un cas rare pour bien des Canadiens. Les entreprises canadiennes ne réussissent pas très bien aux États-Unis, en général. Pourtant, notre société de câblodiffusion a eu beaucoup de succès aux États-Unis. Nous aimerions avoir pu continuer.

Le sénateur Corbin: Je n'ai pas voulu me montrer trop critique au sujet de la qualité de L'actualité. C'est une excellente revue d'information générale, l'une des meilleures du genre. Au Canada français, nous n'avons pas beaucoup de choix, mais celle-là est tout de même excellente et la qualité du français y est aussi bonne qu'elle doit l'être.

M. Segal: Merci.

Le sénateur Massicotte: Je veux revenir sur deux points dont nous avons traité antérieurement, et tenter de vous inciter à être un peu plus aventureux dans vos observations.

Nous avons parlé plus tôt du CRTC et de la propriété croisée. C'est un fait avéré sur le marché que, dans la mesure où il y a des contraintes ou de l'incertitude, le coût du capital augmente. Nous parlons du CRTC dans une certaine perspective, mais comme nous le savons tous, cet organisme jouit d'une grande liberté dans son examen des cas de propriété croisée au Canada, du contenu véhiculé et de bien d'autres choses. Cette liberté cause évidemment de l'incertitude sur le marché des capitaux.

Que pourrait-on avancer comme argument pour obtenir que cette liberté soit restreinte et que des lignes directrices fixes soient établies?

S'il y avait plus de certitude quant à l'approbation des demandes, je présume que vos coûts en capital diminueraient et que le consommateur en bénéficierait éventuellement. Est-ce un argument fort?

Je sais que vous avez dit que cet organisme servait bien le public, mais il y a des économies qui pourraient être réalisées si ses décisions étaient moins discrétionnaires.

Qu'avez-vous à dire là-dessus?

M. Engelhart: C'est sûr que, pour ce qui est du contenu des émissions de radio et de télévision, le CRTC a un grand pouvoir discrétionnaire. Il n'y a pas de doute que ses interventions concernant le contenu fait augmenter le coût du capital. C'est une politique que nous avons choisie, semble-t-il. Le CRTC surveille le contenu véhiculé au Canada parce que c'est important pour notre pays et que le marché n'en livrerait pas assez, autrement. Nous avons choisi délibérément, à cet égard, de créer un contenu qui n'est pas dépendant du marché, si vous voulez. Cela fonctionne bien et nous avons de bonnes sources de contenu canadien.

Pour les télécommunications et le câble, le CRTC devrait en arriver à être le moins interventionniste possible, étant donné les réalités du marché. Sur le marché de la téléphonie locale, qui relève d'un monopole pratiquement à 100 p. 100, le CRTC doit maintenir son contrôle pour protéger les consommateurs. Toutefois, pour les interurbains et Internet, nous sommes devenus de plus en plus concurrentiels, et le CRTC peut cesser de faire de la microgestion — et il a effectivement cessé. Il applique le bon modèle. Selon moi, dans le domaine de la télévision par câble, par exemple, le CRTC exerce encore une trop grande réglementation, compte tenu du fait que ce marché est devenu tellement concurrentiel avec l'utilisation de la technologie par satellite. Je suis d'accord avec M. Lind pour dire que l'ensemble de la structure fonctionne bien, mais j'ai ma part de réserves quant à certains dossiers et cas particuliers.

Le sénateur Massicotte: La nature humaine étant ce qu'elle est, nous sommes tous attirés par les reportages de 10 secondes sur un fait controversé ou qui mérite apparemment d'être signalé. Toutefois, ces reportages sont souvent frivoles ou superficiels. Au Royaume-Uni, il y a un gros débat au sein de l'industrie des médias à savoir si l'on a exagéré les problèmes de M. Blair ou la possibilité qu'il y ait des armes de destruction massive en Irak.

Les médias veulent vendre leurs produits, mais à long terme, la population canadienne sera mieux servie si nous nous concentrons sur le contenu et la qualité, même si cela ne se vend pas aussi bien qu'une séquence de 10 secondes.

Croyez-vous qu'on puisse changer quelque chose à la politique gouvernementale canadienne pour permettre de bien gérer ces deux intérêts conflictuels?

M. Viner: Premièrement, le CRTC nous demande d'être équitables et équilibrés, y compris dans le domaine de l'information. Le CRTC traite avec sérieux des reportages présentant des propos qui sont jugés injustes ou peu nuancés.

Le CRTC traite efficacement les questions qui semblent pour lui présenter un problème. Il existe une procédure de traitement des plaintes bien établi, et nous avons fréquemment affaire à cet organisme si, par exemple, des auditeurs déposent une plainte à notre sujet.

J'ai reçu deux plaintes distinctes la semaine dernière. Les deux alléguaient que nous étions manifestement biaisés à l'endroit de l'un ou l'autre des candidats possibles au poste de premier ministre, dans notre couverture des élections fédérales en Ontario. Comme ces plaintes provenaient de camps opposés, il semble que nos points de vue étaient assez bien équilibrés.

Le Conseil de la radiodiffusion et des télécommunications canadiennes nous oblige à avoir une procédure de traitement des plaintes juste et équilibrée. Le système actuel nous sert bien, et nous n'avons pas beaucoup de plaintes.

La présidente: Combien y a-t-il de journalistes à votre emploi?

M. Segal: Parlez-vous des journalistes de la presse écrite?

La présidente: Si vous n'avez pas ces chiffres en main, pourriez-vous les obtenir pour le comité?

M. Lind: Certainement.

La présidente: Nous nous intéressons aussi aux tendances concernant l'emploi de journalistes.

M. Lind: Vous voulez dire les études qu'ils ont faites et ce genre de choses?

La présidente: Je pense plutôt aux nombres, mais si vous avez plus d'information, tout ce que vous pourriez nous donner pourrait être utile.

M. Segal: Nous pourrions aussi vous fournir de l'information sur les pigistes, en plus des renseignements sur les journalistes qui travaillent pour nous à plein temps. L'an dernier, Rogers Publishing a consacré 14 millions de dollars à l'emploi de pigistes aux quatre coins du pays. Je dis «aux quatre coins», parce qu'il y en a vraiment partout. Nous vous donnerons non seulement les chiffres sur nos journalistes à plein temps, mais aussi sur le nombre de pigistes que nous engageons un peu partout au pays.

M. Viner: Nous pourrions vous fournir ces chiffres pour nos services de radio et de télévision.

Le sénateur Graham: Est-ce là que les 3 cents du mot s'appliquent?

M. Segal: Je ne suis pas sûr.

La présidente: L'usage a déjà été de payer les articles au mot, ce qui faisait des articles très verbeux.

La présidente: Le travail du rédacteur en chef consistait à couper le nombre de mots.

Si vous pouviez aussi nous informer aux sujet des budgets relatifs à la collecte d'information, pas seulement pour le personnel mais aussi pour payer l'équipement de plus en plus complexe et coûteux, ce serait utile.

Vous nous avez dit qu'il n'y avait pas de politique éditoriale commune et que chaque organisme était libre de fixer ses propres politiques. Vous avez également parlé de la possibilité de recibler les contenus. Pourriez-vous nous en dire plus long à ce sujet? Est-ce que l'un d'entre vous pourrait nous décrire un peu mieux ce phénomène?

Par exemple, un journaliste peut écrire un article pour le Medical Post, et cet article peut être repris et reciblé. Y a-t-il des instructions venant d'en haut pour que cet article soit reciblé? Exige-t-on qu'il soit diffusé? Comment cela fonctionne-t-il?

M. Viner: M. Segal et moi pourrions répondre à cette question. Le Medical Post est un bon exemple. C'est la revue médicale la plus importante au Canada. Son contenu éditorial est extraordinaire. Du point de vue affaires, nous croyons que ce contenu intéresse les consommateurs.

La présidente: Quand vous dites «éditorial», voulez-vous dire «information» plutôt que «opinion»?

M. Viner: Désolé. J'employais le mot éditorial dans le sens de contenu.

Nous avons un bulletin d'information électronique intitulé «medical posting», que nous envoyons aux consommateurs qui s'y abonnent au moyen des différents sites Web de notre société de médias. Nous rédigeons de courtes mises à jour des nouvelles de nos stations d'information concernant une quelconque découverte récente en médecine. Nous croyons que ce genre de contenu intéresse nos clients. C'est le contexte dans lequel ça se produit.

Nous nous intéressons aux problèmes d'obésité chez les enfants. Les rédacteurs proposent une idée et nous l'approuvons. Le financement provient de partout dans l'entreprise, et la question sera traitée par des journalistes du Maclean's et de Today's Parent. Cette information sera aussi utilisée à la radio. C'est un avantage, et c'est ainsi que nous procédons pour ce faire.

La présidente: Ce devrait être avantageux d'acheminer de l'information nouvelle et de première main à un auditoire plus large. On pourrait aussi dire qu'un reportage sur l'obésité chez les enfants, s'il est reciblé et envoyé à vos stations de radio, prend la place de certaines autres nouvelles que la station aurait pu produire elle-même, ou encore qu'il limite la diversité des sources de couverture de cette question. Autrement dit, la station de radio n'en serait peut-être pas arrivée au même reportage que celui qui leur a été communiqué. C'est un peu hypothétique, mais voyez-vous des risques ou des difficultés avec cette façon de fonctionner? Y a-t-il des politiques pour éviter cela?

M. Viner: Je reviens à notre prémisse de base, soit que les décisions sur le contenu sont prises par chaque entreprise de médias distincte. Ces reportages sont mis à leur disposition, mais rien ne les oblige à les diffuser. Bien sûr, si l'une de nos entreprises de médias a une opinion différente sur le sujet, elle peut absolument diffuser un autre article de son choix.

Nous laissons aux soins des éditeurs, gérants, rédacteurs et directeurs des programmes le soin d'assurer le succès de leur entreprise. Ils ont la responsabilité et l'obligation d'offrir un contenu qui intéresse leur auditoire et qui respecte l'esprit et la lettre de la réglementation. Ils ont le plein pouvoir de diffuser ce qu'ils veulent diffuser.

La présidente: Le sénateur Graham me dit qu'il a une question à poser et qu'il doit malheureusement partir bientôt.

Le sénateur Graham: Nous parlions du fait que le CRTC insiste pour que le contenu soit équitable et équilibré. Je comprends que vous cherchez à informer les Canadiens, et non à les influencer. Cela s'applique-t-il aux lignes ouvertes téléphoniques? Nous constatons que, dans certaines régions du pays, beaucoup d'opinions sont émises dans le cadre de lignes ouvertes ou d'émissions-débats qui essaient manifestement d'influencer l'opinion publique.

M. Viner: Nous n'avons pas d'émissions avec lignes ouvertes. Encore une fois, la question est de distinguer clairement ce qui constitue un éditorial, ou une opinion.

Le Conseil vous dira qu'il reçoit fréquemment des plaintes d'auditeurs de lignes ouvertes. Le radiodiffuseur en cause peut alors répondre et dire si, selon lui, le contenu véhiculé était équitable. Il peut ensuite exprimer d'autres opinions si l'on a jugé que le contenu n'était pas équilibré.

Nous avons des émissions-débats dans le domaine des sports. On peut s'interroger à savoir s'il s'agit bien d'information ou d'autre chose.

M. Lind: Avec le câble, nous avons une fois par semaine une période «demandez-le au gérant». Les gens peuvent alors critiquer le gérant plein leur saoul pour des problèmes de service ou toute autre chose.

Le sénateur Forrestall: Je voulais vous interroger au sujet de l'efficacité des écoles de journalisme. Trouvez-vous qu'elles font du bon travail? Êtes-vous de ceux qui surveillent ce qu'elles font? Leur apportez-vous du soutien?

M. Viner: Ma réponse est oui à toutes ces questions. Je pense que M. Segal devrait aussi y répondre.

Je siège au Comité consultatif du programme des arts de la radio et de la télévision, à l'Université Ryerson. Nous soutenons l'éducation des journalistes de différentes façons. Nous offrons les bourses d'études John W. Graham à des étudiants de diverses origines ethniques pour leur permettre de terminer leurs études à Ryerson. Ces fonds sont disponibles depuis environ 15 ans, et beaucoup d'étudiants qui en ont profité ont fini par venir travailler pour notre service de télévision.

Nous tenons des séminaires dans différentes universités au Canada dans le but de trouver des gens qui s'intéressent à la radiodiffusion des sports. Nous avons offert des bourses aux écoles de journalisme de l'Université de la Colombie- Britannique et de Simon Fraser, en plus de Ryerson et de certains collèges. Chaque année, nous employons, dans nos divers services de médias, des stagiaires venant de différents programmes.

M. Strati aurait peut-être quelque chose à ajouter. J'ai pu en oublier.

M. Strati: Il y a aussi une nouvelle initiative, Rogers Sportsnet. Sportsnet a quatre stations régionales au Canada, consacrées à différents intérêts et différentes collectivités.

Nous avons des programmes établis avec le BCIT, le NAIT en Alberta, l'Université Concordia au Québec et Ryerson en Ontario. Ces programmes font plus que distribuer des bourses. Il y a également des programmes de tutorat où étudiants et journalistes de sports se rendent dans différentes régions et se mêlent au personnel. Nous avons aussi des initiatives de création de séminaires en collaboration avec des universités. Les programmes de séminaires de fin de semaine sont à la disposition non seulement des étudiants, mais aussi des gens qui s'intéressent particulièrement au journalisme sportif. Il y a donc différents programmes.

Le sénateur Forrestall: Vous m'inondez d'information, mais ce qui me saute aux yeux, c'est que tout se passe à l'ouest de Montréal.

Quand j'allume la télévision, je dois écouter les nouvelles d'Ontario. C'est aussi pire que d'écouter CNN. Il existe différents moyens de régler le problème, notamment encourager ceux d'entre vous qui siègent aux conseils de certaines de ces institutions à favoriser l'embauche de boursiers chargés de cours venant des régions éloignées.

Nous avons un coin, dans l'est du Canada, qui est assez confortable et que nous apprécions depuis près de 400 ans, en fait. C'est le cas de l'Ouest également. Nous aimerions ne pas être enterrés. Ce serait bien de voir quelque chose qui vienne de Terre-Neuve ou du nord du Nouveau-Brunswick, de temps en temps.

M. Lind: Nous parlions des sports. Laissez-moi seulement ajouter que notre réseau des sports est le seul qui divise le Canada en quatre régions et qui diffuse une programmation différente dans chacune de ces régions.

Le sénateur Forrestall: Si vous m'en informez, vous êtes aussi en train d'influer sur mon opinion sans que je m'en rende compte, à moins que je protège toute la qualité de la brique qui forme la structure qui me conseille. J'ai donc raison de m'inquiéter.

La présidente: Combien de bureaux avez-vous? Les stations de radio se contentent-elles de lire des nouvelles glanées ailleurs ou ont-elles des journalistes sur les lieux?

Vous avez une longue liste d'initiatives éducatives. Si vous pouviez nous en donner une liste plus précise, cela serait très utile.

M. Viner: Nous avons un nombre important de reporters et de spécialistes de la production de vidéos légères dans toutes nos stations de radio et télévision. Nous croyons que c'est un élément clé; ce n'est peut-être pas ce qui nous différencie, mais c'est ce qui nous rend crédibles et qui nous donne la capacité de faire les bulletins de nouvelles.

La présidente: Revenons à cette question d'indépendance de contenu éditorial ou informatif. Existe-t-il une politique ou une déclaration officielle sur ce point? Vos employés ont-ils une garantie écrite qu'ils peuvent agir de façon indépendante dans le cadre de leurs fonctions?

D'anciens éditeurs de journaux qui ont témoigné devant nous et qui ont travaillé pour différentes grosses sociétés ont dit qu'ils avaient de telles garanties. Pour eux, c'était très utile et rassurant.

Avez-vous jamais pensé à rédiger une déclaration établissant cette garantie?

M. Lind: Nous ne nous sommes pas laissés submerger par les problèmes typiques des propriétaires de journaux importants. Par exemple, à l'époque où nous détenions le Sun, nous commencions à être aux prises avec ces problèmes, mais nous nous sommes retirés.

La présidente: Ce qui nous amène à la question suivante, c'est-à-dire seriez-vous intéressés à revenir à l'industrie des quotidiens?

M. Lind: Nous sommes ouverts à tout, mais nous n'avons pas de plan précis prévoyant un retour à cette industrie.

M. Viner: Sur le plan de l'indépendance des équipes de rédaction, je suppose que nous n'avons pas imposé de réglementation sur les questions qui n'ont jamais semblé poser de problème. Nous n'avons rien fait à cet égard, et nous n'avons reçu aucune plainte de nos auditeurs, de nos téléspectateurs ou de notre personnel. Comme vous l'avez entendu dire, je pense que, si nous essayions d'influencer nos rédacteurs, vous entendriez parler d'eux.

La présidente: Je me souviens, à l'époque où j'étais jeune journaliste, qu'on croyait vraiment être embauché pour agir comme des journalistes sans peur et sans reproche, sauf pour tout ce qui avait trait à notre employeur. Plus l'employeur était gros et diversifié, bien sûr, plus étaient nombreux les domaines d'information sur lesquels nous croyions, à tort ou à raison, qu'il était délicat de travailler.

Selon vous, en quoi Internet changera-t-il le marché de l'information, au cours des prochaines années?

M. Segal: Au début, il y avait beaucoup de documents sur Internet qui n'étaient pas identifiés, surtout en ce qui concerne les nouvelles et l'information. Tout le monde publiait sa propre information, ses propres nouvelles, mais sans aucune norme établie. Il n'y avait aucune révision par les pairs.

La situation a changé. Maintenant, les sources de nouvelles les plus solides, sur Internet, sont rattachées à des sites connus que les gens comprennent. Il peut s'agir du site Web du Maclean's, du Globe and Mail ou du Wall Street Journal, ou encore du New York Times, le site Internet n'est qu'un prolongement d'organes d'information qui existent déjà. Les gens lisent les nouvelles sur ces sites comme ils le feraient s'ils lisaient le journal ou le magazine.

Je crois qu'à l'avenir le journalisme normatif révisé par les pairs et cité comme source de référence proviendra davantage de sources identifiées, comparativement au journalisme non encadré que font les pigistes, ce que nous avons largement connu lors de l'explosion journalistique.

Par conséquent, si vous vous posiez des questions sur les sources d'information du journal, alors vous vous poserez aussi des questions sur les sources d'information dans Internet de ce même journal, mais vous les considérerez tous deux de la même manière.

Je pense que les agences de nouvelles sont devenues des «sources d'alimentation» qui nourrissent la presse écrite et la presse électronique, mais de manière différente. Donc, Canadian Press, ou Reuters, ou Thomson, présentent des données ou leur propre contenu qui, historiquement, a toujours été traité par les principales salles des dépêches, pas nécessairement tel qu'il était présenté mais dans son contexte, ou interprètent de manière partisane la nouvelle qu'elles veulent rapporter.

La présidente: Croyez-vous qu'il s'agit d'une source supplémentaire aux sources actuelles ou d'une source de remplacement?

M. Segal: J'ai un parti pris; j'aime prendre un journal dans mes mains. Je crois qu'on consulte Internet pour différentes raisons. Il n'offre pas la souplesse, ni la sensation, ni la possibilité de l'apporter facilement là où vous le voulez. Je ne crois pas que les gens vont abandonner la presse écrite. Si les sites sont bien faits, ce qui est le cas de nombre d'entre eux, vous pouvez obtenir beaucoup plus de renseignements que dans la version imprimée. Vous pouvez chercher une nouvelle et trouver plus d'informations sur un sujet précis que ce qu'un article de journal présenterait.

La présidente: Où sont passés les quelque 50 000 lecteurs perdus par Maclean's?

M. Segal: Il faut faire la différence entre les lecteurs et les abonnés. Nous sommes cotés en fonction du nombre de lecteurs; le nombre d'abonnés a diminué, mais le nombre de lecteurs a effectivement augmenté.

Cela est dû au fait que les lecteurs font circuler le magazine. Je suis certain que les habitudes de lecture des médias ont changé et Internet n'est qu'un des éléments de ce changement. La télédiffusion est certainement un élément très important aussi; vous avez non seulement CNN, ou CBC Newsworld, ou CTV, mais également Fox News et d'autres chaînes.

La présidente: Disposez-vous d'études sur le changement des habitudes de consultation des médias, qu'elles soient rétrospectives ou tournées vers l'avenir?

M. Lind: Nous lisons toujours tous les journaux pour connaître la situation actuelle et future. Vous pouvez également consulter ces sources.

La présidente: Je pensais que vous pourriez avoir des documents maison exceptionnels que vous auriez pu nous remettre.

M. Lind: Nous sommes incapables de dire quelle sera la situation dans dix ans. Si nous le pouvions, nous serions plutôt bons.

Le sénateur Corbin: Vous ne possédez ni n'exploitez aucune entreprise dans les provinces de l'Atlantique, n'est-ce pas? Vous couvrez les sports, mais à part cela vous n'avez aucun intérêt là-bas.

M. Lind: Nous exploitons une grande entreprise de distribution par câble à Terre-Neuve et au Nouveau-Brunswick. Nous avons présenté des demandes pour des stations de radio dans plusieurs provinces Maritimes.

Le sénateur Corbin: Quelle est la situation au Nouveau-Brunswick en ce qui concerne la distribution par câble?

M. Lind: Nous assurons la majeure partie de la distribution par câble au Nouveau-Brunswick, et à Terre-Neuve également.

Le sénateur Corbin: En ce qui concerne l'édition...

M. Lind: Je ne voulais pas en parler devant le sénateur Forrestall, parce que nous ne sommes pas présents en Nouvelle-Écosse.

Le sénateur Corbin: Il se plaint beaucoup du fait que le Canada central méconnaît l'Est canadien; mais je viens du Nouveau-Brunswick et je sais qu'on a tendance à nous présenter beaucoup de nouvelles provenant d'Halifax.

M. Lind: Nous travaillons aussi dans le domaine de l'édition et de la technologie sans fil partout au pays.

Le sénateur Corbin: Vous ne possédez pas de maison d'édition au Nouveau-Brunswick?

M. Lind: Non.

Le sénateur Corbin: Êtes-vous intéressé par ce domaine? Vous avez dit plus tôt que vous étudieriez n'importe quelle possibilité.

M. Lind: Nous envisageons toutes les possibilités.

Le sénateur Corbin: Le Nouveau-Brunswick pourrait bénéficier d'un peu de diversité dans le domaine de l'édition. Merci.

La présidente: Je dois vous arrêter parce que nous devons nous rendre à d'autres réunions. Nous n'avons fait qu'effleurer le sujet, mais votre aide a été très précieuse. Avant de partir, j'aimerais savoir si nous pouvons vous inviter de nouveau ou, sinon, si nous pouvons vous faire parvenir quelques questions en espérant une réponse de votre part.

M. Lind: Nous serions heureux de nous présenter de nouveau devant le comité ou de répondre à d'autres questions, sénateur.

La présidente: Merci beaucoup. Cette séance a été des plus instructives. Nous vous sommes très reconnaissants.

La séance est levée.


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