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VETE

Sous-comité des anciens combattants

 

Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 2 - Témoignages du 3 février 2003


OTTAWA, le lundi 3 février 2003

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit aujourd'hui à 10 heures pour étudier les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ces rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché, et à faire un rapport sur ces questions; et toutes les autres questions connexes.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Bienvenue au Sous-comité des anciens combattants du Sénat. Nous allons poursuivre notre étude des prestations offertes aux anciens combattants et, en particulier, des dispositions du Régime d'assurance-revenu militaire.

Le distingué sénateur Joe Day, qui nous vient du Nouveau-Brunswick, est le vice-président du sous-comité et un diplômé en génie électrique du Collège militaire royal de Kingston. Avant d'être nommé au Sénat en 2001, le sénateur Day a fait une brillante carrière à titre d'avocat de pratique privée dans les domaines des brevets, des marques de commerce et de la propriété intellectuelle. Le sénateur Day est également le vice-président du Comité sénatorial permanent des finances nationales, qui examine actuellement le cadre financier des fondations indépendantes financées par le gouvernement fédéral. Le sénateur Day est enfin membre du Comité sénatorial permanent des transports et des communications, qui entreprend l'étude de l'état actuel des industries des médias.

Le sénateur Michael Forrestall est au service des commettants de Dartmouth depuis 37 ans, soit pendant 25 ans à titre de député à la Chambre des communes et depuis 12 ans à titre de sénateur. Tout au long de sa carrière parlementaire, le sénateur Forrestall s'est intéressé aux questions touchant la défense en siégeant à divers comités parlementaires, y compris le comité spécial mixte sur l'avenir des Forces canadiennes. Il a aussi représenté le Canada à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Le sénateur Jack Wiebe est l'un de plus éminents résidents de la Saskatchewan. Agriculteur accompli, il a siégé à l'Assemblée législative de la Saskatchewan et été lieutenant-gouverneur. Le sénateur Wiebe est le président sortant du Conseil de liaison des Forces canadiennes pour la Saskatchewan et est le vice-président du Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui examine actuellement l'impact du changement climatique sur les pratiques agricoles et forestières au pays.

Le sénateur ontarien Norm Atkins, qui a été nommé au Sénat en 1976, possède de solides antécédents dans le domaine des communications. Il a agi comme conseiller auprès de l'ex-premier ministre de l'Ontario, William Davis. Diplômé en sciences économiques de l'Acadia University de Wolfville en Nouvelle-Écosse, le sénateur Atkins, en 2000, s'est vu décerner un doctorat honorifique en droit civil dans son alma mater. Au Sénat, il a défendu la cause des anciens combattants de la marine marchande. À l'heure actuelle, il préside le caucus conservateur au Sénat et agit comme vice- président du Comité sénatorial permanent de la régie interne, des budgets et de l'administration.

Le sénateur Colin Kenny, qui nous vient de l'Ontario préside notre comité parent, soit le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense. Le sénateur Kenny a amorcé sa carrière politique en 1968 à titre de directeur général du Parti libéral de l'Ontario. De 1970 à 1979, il a travaillé au Cabinet du premier ministre et dans le secteur privé à titre de cadre au sein de l'industrie de l'énergie. Pendant sa carrière parlementaire, le sénateur Kenny a siégé à de nombreux comités, y compris des comités spéciaux sur la lutte contre le terrorisme et la sécurité, la politique de défense du Canada et les drogues illicites. Il siège également au Comité sénatorial permanent de l'énergie, de l'environnement et des ressources naturelles. Enfin, le sénateur Kenny a lui aussi été associé à l'Assemblée parlementaire de l'OTAN.

Notre premier témoin d'aujourd'hui est le major (retraité) Bruce Henwood. En 1995, pendant qu'il participait à une mission de maintien de la paix en Croatie au sein du 8th Hussars, le major Henwood a été victime d'une mine terrestre qui lui a arraché les deux jambes sous le genou. Il a été surpris de constater que le régime d'assurance du ministère de la Défense nationale auquel d'autres membres des forces et lui étaient obligés de cotiser, ne l'indemniserait pas pour la perte de se deux jambes. Aujourd'hui, nous allons entendre le major Henwood et un groupe d'experts nous entretenir des dispositions relatives à l'assurance offerte par les secteurs privé et public aux personnes qui subissent des pertes similaires.

Major Henwood, je vous invite à faire votre déclaration liminaire.

Le major (retraité) Bruce Henwood: Je tiens à vous remercier de l'occasion qui m'est donnée de témoigner aujourd'hui au sujet du Régime d'assurance-revenu militaire (RARM). J'essaie de transformer la façon dont les Forces canadiennes, le ministère de la Défense nationale et le gouvernement du Canada indemnisent les soldats blessés en service. Il s'agit d'une question complexe qui concerne le bien-être des soldats des Forces canadiennes qui ont récemment servi, servent toujours ou serviront à l'avenir.

Les questions qui se posent ici ont trait à une politique des deux poids, deux mesures, à des formulations ambiguës, à des idées fausses, au défaut de répondre aux besoins du soldat d'aujourd'hui, à des questions éthiques et morales et, par-dessus tout, à des questions touchant l'indemnisation. Je m'intéresse uniquement au volet du RARM sur l'invalidité prolongée appelée prestations en cas de mutilation accidentelle (PMA).

Je ne suis ni un spécialiste des assurances ni un gestionnaire des ressources humaines. Je suis plutôt un ex-soldat professionnel qui tente de faire modifier une politique déficiente. Mon exposé d'aujourd'hui comprendra cinq parties: un bref historique des raisons qui m'ont conduit ici aujourd'hui, mon interprétation des prestations d'invalidité prolongée et en cas de mutilation accidentelle du RARM, mes doléances, auxquelles on n'a pas donné suite, une comparaison entre prestations illustrant les lacunes du RARM et d'autres questions concernant le RARM et l'indemnisation.

Tout au long de ma carrière, on m'a inculqué le souci du détail et des hommes et des femmes que je commandais. Au cas où l'impensable se produirait — un décès ou des blessures — je croyais que mes supérieurs auraient à cœur mes intérêts et ceux de mes subordonnés. Je croyais que l'armée mettrait tout en œuvre pour répondre aux besoins des soldats blessés. Le 27 septembre 1995, ma vie et mon monde ont été retournés sens dessus dessous, chambardés, et, à maints égards, détruits: le véhicule à bord duquel je me trouvais a alors roulé sur une mine antichar. J'ai subi de graves blessures. L'amputation de mes deux jambes sous le genou a été la plus grave.

Peu de temps après, je me suis rendu compte que quelque chose clochait au sein des Forces armées canadiennes lorsqu'il s'agissait de s'occuper des blessés.

Depuis sept ans, je fais campagne pour faire corriger ces lacunes. Le RARM est l'un des principaux obstacles, sinon le dernier, auquel je me suis buté. Il s'agit de l'assurance-vie et invalidité conçue pour les Forces canadiennes. Il s'agit d'un régime d'invalidité prolongée à participation obligatoire. Nombreux sont les soldats qui ont écrit à la maison pour rassurer leur mère au sujet de ce qui arriverait si l'impensable se produisait: après tout, ils cotisaient au RARM, qui assurait une assurance-invalidité prolongée et une assurance-vie temporaire — uniquement pour les militaires.

Le RARM, comme vous l'apprendrez, est en réalité deux régimes fondus en un seul. Il y a le RARM à proprement parler, qui assure notamment une assurance-vie temporaire, une assurance-vie temporaire pour le conjoint et une assurance après la libération de l'armée. Je ne remets pas en question ce volet du RARM. Le deuxième régime que renferme le RARM est ce qu'on appelle «les régimes financés par le Conseil du Trésor». C'est le Conseil du Trésor qui s'occupe des aspects du RARM qui concernent l'invalidité prolongée et les prestations en cas de mutilation accidentelle.

En vertu du volet axé sur l'invalidité prolongée, le soldat blessé, s'il est libéré des Forces canadiennes, bénéficie d'un revenu de remplacement. Le RARM garantit donc 75 p. 100 du revenu préalable à la blessure, moins les prestations prévues à la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes, la RRQ, le RPC et la Loi sur les pensions.

C'est ici que la situation s'embrouille un peu. Les termes utilisés par le RARM ne sont pas clairement définis dans la langue des profanes. La plupart des soldats ne savent pas ce qu'est la Loi sur les pensions. La loi porte uniquement sur des blessures subies en temps de guerre ou dans des zones de service spécial — celles qui sont subies par des soldats en période libre, en temps de paix ou pendant une formation non opérationnelle ne sont pas visées. L'admissibilité aux indemnités du RARM est assujettie à une autre condition: le soldat doit être libéré par les Forces canadiennes dans les trois années suivant la blessure. Ce que le RARM ne vous dit pas, c'est qu'on ne vous fournira aucune information jusqu'au moment de votre libération: avant qu'une décision concernant l'admissibilité ne puisse être prise, on doit en effet tenir compte, pour les paiements du RARM, de prestations précises comme celles que prévoit la Loi sur les pensions. C'est une situation sans issue.

On établit les PMA de la même manière — on garantit 75 p. 100 du revenu avant la blessure, moins les prestations prévues. Dans le RARM, on ne précise pas en détail la question des PMA, et cette question n'a droit qu'à cinq lignes dans le site Web. Cependant, les PMA font partie du régime de sécurité du revenu compris dans le régime d'assurance- invalidité prolongée. Il s'agit également d'une indemnité en cas de perte de revenu imputable à une mutilation accidentelle. On ne précise pas le genre de prestations auxquelles un soldat blessé aura droit. Tout ce qu'on indique, c'est la durée de la période au cours de laquelle les prestations seront payables, indiquée en mois.

Il convient de noter que les prestations d'invalidité pour les anciens combattants prévues dans la Loi sur les pensions, qui sont également visées par le régime du Conseil du Trésor, sont fonction de la blessure elle-même, de l'état civil du soldat et du nombre d'enfants qu'il a à sa charge. Le détail n'est pas sans importance puisque, au moment où les responsables du RARM prennent des décisions concernant les invalidités prolongées et les PMA, les soldats mariés qui ont des enfants sont désavantagés en raison des prestations plus généreuses prévues par la Loi sur les pensions. Ceux dont les états de service sont plus longs sont également désavantagés puisque, aux fins du RARM, on tient compte de la pension militaire de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes dans les calculs. Dans mon cas, le fait que j'aie été un double amputé marié avec trois enfants et comptant 22 années de service ouvrant droit à pension m'a défavorisé de façon incroyable puisque je n'ai rien reçu du RARM. Voilà le nœud de la croisade que je mène pour faire modifier ce régime. On devrait verser l'indemnité en cas de mutilation accidentelle sur la foi de la blessure seule, sans tenir compte d'autres facteurs qui ne sont pas appliqués de façon égale.

Au printemps 1997, le RARM m'a informé que je n'avais pas droit à des prestations d'invalidité prolongée. Une fois qu'on vous a refusé des prestations, toutes les autres mesures de protection du RARM prennent fin, y compris les programmes de réadaptation. Le seul recours qui me restait, c'était soumettre une demande de redressement de grief par l'intermédiaire de la chaîne de commandement. Mon grief, s'il a bénéficié d'un soutien au niveau local, n'a pas reçu l'appui de l'armée. Je l'ai soumis à nouveau un an plus tard au chef d'état-major de la Défense, convaincu que j'étais que l'armée n'avait pas compétence sur la politique des Forces canadiennes.

Cette nouvelle demande demeure à ce jour sans réponse, empêtrée dans les filets de la bureaucratie. Dans le document en question, j'énonçais sept problèmes à traiter pour régler mon grief. J'aimerais en aborder ici trois, tous pertinents dans le contexte du présent exposé.

À m'entendre, vous éprouverez de la difficulté à comprendre pourquoi on n'a pas réglé mon grief. Je soulève des questions d'ordre moral et éthique auxquelles la haute direction devra s'attaquer. Le défaut de le faire portera atteinte au moral des Forces canadiennes, nuira au recrutement et à la rétention et compromettra l'ethos du commandement.

Le premier des points que je soulève tient à la nécessité de soumettre les PMA à l'examen d'une tierce partie spécialisée indépendante du RARM, de la Maritime ou du ministère de la Défense nationale. Cette tierce partie aurait précisément pour tâche d'examiner les régimes d'assurance militaires, privés et publics. Je suis fermement convaincu que, au terme d'un examen du RARM, on en viendra à la conclusion qu'une indemnité forfaitaire devrait être versée au blessé sur la foi de la seule blessure.

Le deuxième point que je soulève, c'est que les prestations en cas de mutilation accidentelle devraient être présentées de façon claire, sous forme de texte ou de tableaux, de façon que les soldats puissent prendre des décisions éclairées pour eux-mêmes. Si le RARM donnait suite, ces responsables ne manqueraient pas de constater les lacunes de leur régime. Un tel tableau ne serait pas difficile à produire. J'en ai réalisé un moi-même pour m'assurer que j'allais dans la bonne direction. C'est le document en couleur que vous devriez avoir sous les yeux.

Les résultats du tableau, qui sont troublants, illustrent la mesure dans laquelle le RARM est trompeur. Le tableau que j'ai produit est officieux, mais on y trouve des données qui sautent aux yeux, en cas de perte de plus de un membre. Seulement 10 p. 100 des soldats recevraient quoi que ce soit de la part du RARM. Tout soldat marié ayant des enfants ne recevrait rien du tout. Un soldat célibataire comptant dix années de service recevrait environ 140 $ par mois pendant trois ans. Je m'explique mal cette différence.

En quoi cela constitue-t-il un régime de sécurité du revenu et d'indemnisation pour les pertes subies? À l'autre extrémité du spectre, la plupart des lieutenants-colonels — 92 p. 100 selon mes calculs — recevraient des prestations en cas de mutilation accidentelle de 852 $ à 1 500 $ par mois pendant trois ans. Voilà qui montre bien que la formule utilisée pour le calcul des prestations est biaisée. Les soldats qui sont susceptibles d'être blessés n'ont droit qu'à une pitance par rapport aux officiers qui occupent des postes de commandement.

Le troisième point que je soulève dans ma demande de redressement, c'est qu'on devrait faire en sorte que les prestations en cas de mutilation accidentelle devraient être rétroactives à la création du régime, de façon que les soldats qui reçoivent des prestations réduites ou ne reçoivent pas de prestations du tout soient indemnisés.

Ce sont là simplement trois des sept questions non résolues soulevées dans mon grief. À ma connaissance, on n'en a même pas discuté. Les personnes chargées d'étudier mon grief se sont beaucoup attardées à des points de droit et aux définitions. Le principal enjeu demeure une indemnisation tangible en cas de perte appliquée de façon égale dans l'ensemble des forces.

À la suite du dépôt de mon grief, j'ai déterminé d'autres facteurs qui doivent être pris en considération. La plupart des prestations et des allocations offertes aux soldats reproduisent ce qu'on a négocié et octroyé au secteur public; par conséquent, je me suis intéressé à l'équivalent du RARM dans le secteur public, c'est-à-dire le Régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique (RACGFP). Le RACGFP est également un régime financé par le Conseil du Trésor. On note cependant des écarts importants entre les deux régimes, et je vais mettre en lumière les plus critiques.

L'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident (ADMA) et l'assurance-invalidité de longue durée constituent, aux termes du RACGFP, constituent deux entités distinctes. En vertu du RARM les PMA et l'assurance- invalidité prolongée sont une seule et même chose. Le RACGFP offre un régime exhaustif de prestations prévoyant des montants prédéterminés, y compris une indemnité forfaitaire en cas de mutilation accidentelle pouvant atteindre 250 000 $. Rien de tel dans le RARM. Les cotisations au RACGFP sont moins élevées que celles au RARM. Pourtant, il s'agit dans les deux cas de régimes financés par le Conseil du Trésor.

J'ai comparé les coûts du RACGFP à ceux du RARM. Le contribuable finance les deux régimes, 80 p. 100 des cotisations étant payées par le gouvernement du Canada. Dans les deux cas, le membre assume la tranche de 15 p. 100 qui reste. En vertu du RACGFP, on achète des unités d'ADMA par unités de 25 000 $ jusqu'à concurrence de 10 unités ou 250 000 $. Le membre débourse 27,5 cents par unité, soit 2,75 $ par mois pour la protection maximale. L'invalidité de longue durée constitue un volet distinct, et l'employé prend une fois de plus à sa charge 15 p. 100 du coût, établi à 11 cents par tranche de 1 000 $ de salaire assuré. À titre d'exemple, un fonctionnaire gagnant 5 000 $ par mois bénéficiant d'une protection maximale au titre de l'ADMA et de l'assurance-invalidité de longue durée (AILD), paierait environ 3,30 $.

Aux termes du RARM, l'assurance-invalidité prolongée et les PMA sont une seule et même chose. Pour une raison ou pour une autre, les taux sont plus élevés que dans le secteur public, et que la participation est obligatoire. Le soldat paie 2,09 $ par tranche de 1 000 $ assurée; le fonctionnaire ne paie que 11 cents. Le soldat qui gagne 5 000 $ par mois — le même montant que le fonctionnaire — paierait quelque chose comme 10,45 $ par mois pour l'assurance-invalidité prolongée et les PMA. Le soldat paie trois fois plus et reçoit des prestations nettement inférieures. Il s'agit d'une situation injuste et honteuse. Compte tenu du travail qu'ils effectuent, les soldats devraient avoir droit à des avantages équivalents, sinon supérieurs à ceux du secteur public.

L'enjeu suivant concerne ce que le RARM ne dit pas au sujet des PMA. À l'intérieur du RARM, il y a un régime non divulgué appelé le Régime d'assurance des officiers généraux (RAOG). À maints égards, il reproduit le régime pour les cadres de gestion de même que le régime qui protège les députés et les juges. En cas de perte d'un membre, le régime prévoit le versement d'une indemnité forfaitaire de 250 000 $, laquelle est entièrement à la charge du contribuable. Voilà où la fibre morale et éthique de la haute direction est douteuse. Ce régime secret est inacceptable. Dans sa forme actuelle, le RAOG est inacceptable. Il s'agit d'un exemple patent de deux poids, deux mesures. Il contrevient au principe séculaire en vertu duquel les commandants militaires pensent à leurs hommes avant de penser à eux-mêmes.

Or, ils n'ont pas fait que s'arroger un avantage en matière d'assurance. Ils ont fait quelque chose de plus important et plus fondamental. Ils ont ébranlé la confiance de leurs subordonnés et dégradé l'éthos du commandement. Il s'agit d'une question d'éthique qui a un effet direct sur le moral des Forces canadiennes et met en doute l'intégrité des généraux.

Soit dit en passant, j'ai du mal à tenir de tels propos parce que j'éprouve le plus profond respect pour la haute direction. Je suis fermement convaincu que ses représentants ne sont pas nécessairement au courant de toutes les nuances du RAOG. Dans le cas contraire, nous perdrions toute confiance en eux.

La question suivante à prendre en considération a trait à l'indemnisation. Les PMA sont une forme de sécurité du revenu et d'indemnisation en cas de perte de revenu. L'indemnité est une forme de reconnaissance des services fournis et, en ce qui concerne les personnes qui ont perdu un membre, une façon de dire «merci» pour votre sacrifice.

Cependant, il manque un détail dont les PMA devraient, à mon avis, être le mécanisme. On devrait prévoir une indemnisation pour la perte de potentiel, qu'il s'agisse de la rémunération ou de la rémunération ouvrant droit à pension. En outre, il y a aussi des problèmes contractuels qui n'ont pas encore été discutés, mais qui devraient l'être, puisqu'un parallèle serait établi entre les régimes privé et public. Une indemnisation forfaitaire tangible compenserait — au lieu de remplacer — la perte de rémunération potentielle. Au sein des Forces canadiennes, dans l'état actuel des choses, aucune indemnité n'est prévue pour le potentiel perdu, même si c'est ce que les PMA sont censés assurer.

Tous les soldats sont liés par contrat aux Forces canadiennes. Il existe des contrats de service correspondant à un engagement initial, un engagement de durée intermédiaire et un engagement de durée indéterminée appelés EI, ED Int et ED Ind. Après l'ED Int, soit 20 années de service, un soldat a droit à une pension déterminée. L'ED Ind, qui correspond essentiellement à la permanence, vous amène jusqu'à l'âge de la retraite obligatoire à 55 ans. Un soldat est pénalisé lorsqu'un engagement de durée indéterminée est rompu parce qu'il quitte l'armée avant d'avoir terminé les 27 années de service prévues. Il s'agit d'une condition du service connue de tous.

Je bénéficiais pour ma part d'un ED Ind. Je pouvais rester en poste jusqu'à 55 ans. J'avais la permanence. Lorsque j'ai été libéré pour des raisons médicales, j'ai reçu une pension militaire correspondant au nombre d'années de service que j'avais accumulées et pas un sou de plus. Si j'avais pris ma retraite sans être blessé, j'aurais touché le même montant. Je n'ai pas été indemnisé pour la cassation de mon contrat. Tout ce que j'ai obtenu de mon employeur après avoir été blessé en service, c'est un avis de renvoi et un préavis de six mois.

Il vaut la peine de mentionner les torts que les PMA du RARM causeront aux forces canadiennes si aucune correction n'y est apportée. Dans le métier des armes, les soldats dépendent les uns des autres. Nous sommes vraiment des «frères d'armes». Lorsque la situation se corse, la dernière chose qui devrait passer par l'esprit du soldat au moment où il pénètre dans une grotte en Afghanistan ou fonce vers une position ennemie, c'est une inquiétude au sujet de sa vie et de ses membres, une hésitation — ne serait-ce que pour une fraction de seconde. Tout retard risque de coûter cher à l'intéressé ou à ses frères d'armes, soit des blessures ou même la mort. Les soldats doivent tous avoir la certitude absolue, sans l'ombre d'un doute, qu'on va s'occuper d'eux. Hélas, un tel doute existe bel et bien et ne fait que s'aviver.

En terminant mon exposé, j'aimerais formuler quelques observations qui découlent de ce que je vous ai dit aujourd'hui. Il y a dans le RARM une lacune dans les dispositions rarement utilisées touchant les mutilations accidentelles. On a statué que les PMA étaient des prestations ayant pour but d'assurer une sécurité du revenu et une indemnisation en cas de perte de revenu consécutive à une mutilation accidentelle. Dans l'état actuel des choses, les PMA n'offrent pas d'indemnité fondée sur la blessure. En fait, elles appliquent plutôt une formule fondée sur les moyens ou un seuil de revenu. En raison de la nature des blessures, la plupart des soldats ne recevront aucune indemnité mesurable de la part de leur employeur. Les Forces canadiennes ont l'obligation d'offrir une forme d'indemnisation tangible pour les pertes subies et pour la cessation d'emploi.

En ne fournissant aucune indemnité ou en n'assurant qu'une indemnité minime en cas de blessure qui bouleverse la vie et met un terme à la carrière, l'armée abdique sa responsabilité à l'égard des hommes et des femmes en uniforme qui servent fièrement le Canada. Il ne devrait y avoir rien de trop beau pour nos soldats.

Je suis d'avis que le fait de ne pas corriger les lacunes des prestations en cas de mutilation accidentelle du RARM aura un effet négatif sur l'armée. Les hauts dirigeants seront mis au défi de corriger un cas de deux poids, deux mesures et de prêcher par l'exemple. Une telle situation remettrait en question la fibre morale et éthique des Forces canadiennes en soulevant des doutes inutiles sur la valeur du soldat. Elle tempérera l'enthousiasme des soldats, sur qui on compte pour faire de leur mieux lorsque leur pays, leurs officiers et leurs compagnons d'armes l'exigent. Elle aura enfin un effet nuisible sur le recrutement et la rétention. On sera aux prises avec un embarras et un cancer qui s'incrusteront pendant des années.

Les PMA du RARM doivent reproduire ou refléter d'autres régimes analogues comme le RACGFP. On verrait dans le versement d'une indemnité mesurable pour la perte subie par un soldat une conséquence acceptable du sérieux du travail que font les soldats. Ne pas verser d'indemnité pour la perte d'un membre est une parodie de justice.

J'interprète le fait que les Forces canadiennes ne m'aient pas versé d'indemnité pour la blessure que j'ai subie dans l'exercice de mes fonctions comme une injustice. Je ressens également la douleur et la déception de ceux à qui le RARM a refusé des prestations ou versé des prestations réduites. Jamais encore je ne me suis comme aujourd'hui senti l'obligation de corriger ce qui m'apparaît comme une injustice criante. En dernière analyse, c'est aux généraux qui administrent et gèrent le régime qu'il incombe de recommander des changements. En faisant moins, ils abdiqueront leurs responsabilités.

Il ne s'agit pas d'un problème déterré d'un passé lointain. Il a des conséquences actuelles et futures — particulièrement à la lumière de la situation mondiale d'aujourd'hui. Si, le mois prochain, demain ou l'année prochaine, on décide de faire courir des risques à des soldats, ces derniers et leur famille doivent savoir qu'ils seront indemnisés à 100 p. 100 au cas où l'impensable se produirait. Nous devrions nous rappeler que l'actif le plus important des Forces canadiennes, c'est le soldat lui-même.

À la pensée de l'armée au sein de laquelle j'ai fièrement donné 23 années de ma vie, j'ai le cœur brisé. L'extrême déception que j'ai ressentie lorsque je me suis rendu compte que je n'allais pas être indemnisé pour les blessures qui ont mis fin à ma carrière a été encore plus vive lorsque je me suis rendu compte que les officiers, ceux-là même qui m'avaient exposé au danger, auraient pour leur part été indemnisés adéquatement s'ils avaient subi des blessures analogues.

Je mets la haute direction au défi de corriger les erreurs du passé, de rectifier la situation et faire preuve de leadership aux yeux des simples soldats en exigeant et en obtenant une indemnisation adéquate en cas de mutilation. Rien de moins qu'une indemnisation forfaitaire reconnaissant la perte de choses que vous tenez tous pour acquises n'est acceptable. Voilà ce qu'il faut, et voilà ce que je cherche à obtenir.

Le président: Au nom du comité, je tiens à vous remercier de votre exposé et d'avoir pris le temps de comparaître devant nous aujourd'hui.

Sans plus tarder, j'invite le vice-président du comité, le sénateur Joseph Day du Nouveau-Brunswick, à ouvrir la période de questions.

Le sénateur Day: Monsieur le président, avant de commencer, j'estime important de faire part au major Henwood de mon soutien et de ma sympathie. Je le connais depuis un certain temps, et je l'ai aidé dans sa croisade. Je l'ai déjà indiqué aux membres du comité, mais il m'apparaît important de faire part de cette sympathie pour les personnes ici présentes, les téléspectateurs et l'intégrité du comité.

Major Henwood, je vous remercie de votre leadership. Je sais que la situation n'est pas commode pour vous, puisque, comme vous l'avez vous-même dit, vous avez été longtemps membre des Forces armées et avez le plus grand respect pour l'institution de même que pour les hommes et les femmes avec qui vous avez travaillé tout autant que pour ceux et celles qui ont travaillé pour vous. Je sais que ce que vous faites s'adresse aux hommes et aux femmes des Forces armées plus qu'à vous, et je vous en félicite.

Major, vous avez dit avoir déposé un grief. On peut penser qu'il s'agit d'une première étape normale de la procédure en vigueur dans les Forces armées. Vous avez dit avoir déposé le grief d'abord auprès de l'armée puis auprès du chef d'état-major de la Défense. Où en est aujourd'hui ce grief?

M. Henwood: J'ai déposé ma demande de redressement de grief initial en 1997, laquelle s'est arrêtée au niveau du chef d'état-major de l'Armée de terre, commandant de l'armée, qui a dit ne pas être en mesure de soutenir ma recommandation de changement. La réponse a mis un an à me parvenir.

Comme je l'ai indiqué dans mon mémoire, j'estime que le commandant de l'armée n'a pas compétence sur un régime des Forces canadiennes et que la décision finale ne lui revient pas. J'ai donc soumis de nouveau mon grief au palier suivant, c'est-à-dire au chef d'état-major de la Défense, conformément au droit que me faisait la procédure de règlement des griefs. Depuis, les choses en sont restées là.

En 2000, le QGDN a modifié la procédure de règlement des griefs. Les griefs qui ont des répercussions financières — comme, à l'évidence, celui-ci — sont acheminés à un nouveau comité appelé le Comité des griefs des Forces canadiennes. Le comité a eu mon dossier en main pendant environ deux ans.

Le comité en question n'est habilité à évaluer un grief que du point de vue juridique et à faire des recommandations au chef d'état-major de la Défense, à qui revient la décision finale. Le comité n'a pas su faire la part des choses. Il a recommandé le rejet de mon grief. La recommandation est parvenue au chef d'état-major de la Défense en juillet 2002. C'est là où en sont les choses.

Le sénateur Day: Avez-vous eu des nouvelles du chef d'état-major de la Défense?

M. Henwood: J'ai demandé à lui parler pour lui expliquer, un peu comme je viens de le faire avec vous, la logique, les lacunes, ma déception. La requête a été rejetée.

Le sénateur Day: Vous n'avez toujours pas reçu une réponse finale de la part du chef d'état-major de la Défense, n'est-ce pas?

M. Henwood: C'est exact.

Le sénateur Day: Y a-t-il une autre procédure au sein des forces armées, par exemple celle de l'ombudsman?

M. Henwood: Le bureau de l'ombudsman se trouve dans une situation difficile parce que — je ne fais que répéter ce qu'on m'a dit, je ne suis pas un spécialiste de la question — il n'est pas autorisé à discuter d'une question soumise au comité des griefs. Il ne peut que se pencher sur la procédure proprement dite. Je crois savoir qu'il examine la question du point de vue des délais — pourquoi les réponses se font aussi longtemps attendre.

Le sénateur Day: Avez-vous eu des nouvelles de l'ombudsman en ce qui a trait au fait que votre grief est maintenant en cours depuis quatre ou cinq ans sans qu'une décision finale ait été rendue?

M. Henwood: Absolument. Un enquêteur est venu m'interroger en août, soit environ un mois et demi après que j'eus fait part de mes préoccupations au bureau. Si on excepte mon CPDNAC il y a six ans, c'est la seule occasion que j'ai eue de relater ce qui m'est arrivé.

Le sénateur Day: Vous n'avez eu aucune autre occasion d'expliquer ce qui vous est arrivé à un autre groupe ou une autre organisation au sein du ministère de la Défense nationale?

M. Henwood: Non, monsieur.

Le sénateur Day: Êtes-vous au courant d'études que le ministère de la Défense nationale mènerait présentement en rapport avec les quelques points que vous avez soulevés?

M. Henwood: Le cadre plus général est ce qu'on appelle les «soins aux blessés». Le rapport McLellan de 1997, le rapport du CPDNAC de 1998 et un autre rapport analysant de façon générale les soins aux blessés, notamment en regard du RARM, en font partie, mais on n'est pas allé plus loin.

Le sénateur Day: Vous avez fait allusion à deux ou trois reprises au CPDNAC. Il s'agit du Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants, n'est-ce pas?

M. Henwood: Exactement.

Le président: Je profite de l'occasion pour rappeler que tout le monde ne connaît pas les acronymes que nous utilisons fréquemment. Dans la mesure du possible, je vous invite à mentionner tout au long le nom de l'organisme plutôt qu'à utiliser l'acronyme.

Le sénateur Day: Major, c'est en Croatie, en 1995, que vous avez subi votre accident?

M. Henwood: Oui, monsieur.

Le sénateur Day: Si vous aviez été colonel à l'époque, votre indemnité aurait été différente?

M. Henwood: Oui, c'est ce que je crois comprendre à la lumière de ce que j'ai appris.

Le sénateur Day: Vous auriez reçu un paiement forfaitaire à titre d'indemnisation pour la perte de vos deux jambes?

M. Henwood: Oui.

Le sénateur Day: Cependant, parce que vous étiez major — deux grades sous celui de colonel —, vous n'avez rien reçu?

M. Henwood: C'est exact. Si j'e n'avais pas été marié et que j'avais eu à mon actif quelques années de service de moins, j'aurais peut-être eu droit à quelque chose du RARM au titre des prestations en cas de mutilation accidentelle, mais je ne suis pas en mesure de vous dire à quel montant j'aurais eu droit. Le RARM non plus. Parce que j'avais accumulé 22 années de service ouvrant droit à pension, que j'étais marié et que j'avais des enfants, j'ai été déclaré inadmissible.

Le sénateur Day: J'espère que nous pouvons maintenant utiliser l'acronyme RARM parce que les mots me donnent du fil à retordre.

Le président: L'acronyme désigne le Régime d'assurance-revenu militaire.

Le sénateur Day: Je vous remercie.

Si vous n'aviez pas été marié et que vous aviez été admissible à des prestations pour mutilation accidentelle du RARM, l'indemnité en question aurait-elle pris la forme d'un montant forfaitaire?

M. Henwood: Non. J'aurais touché un montant pendant 36 mois.

Le sénateur Day: Si, en revanche, vous aviez été colonel, vous auriez eu droit à un montant forfaitaire?

M. Henwood: Exactement.

Le sénateur Day: Si vous aviez été un employé civil de la Défense nationale et que vous aviez subi la même blessure au même moment, vous auriez eu droit au paiement d'un montant forfaitaire?

M. Henwood: Je n'ai pas la prétention de connaître le fonctionnement du secteur public, sauf pour ce qui est des recherches et des lectures que j'ai faites, mais j'ai l'impression que je serais désavantagé par rapport à un homologue civil.

Le sénateur Day: À la lumière des documents que vous nous avez remis, vous croyez comprendre que les civils victimes d'une mutilation accidentelle ont droit à un paiement forfaitaire?

M. Henwood: Oui.

Le sénateur Day: À supposer qu'ils aient souscrit l'assurance en question.

M. Henwood: C'est facultatif.

Le sénateur Day: Avez-vous vous-même eu l'occasion de souscrire un régime facultatif d'assurance en cas de mutilation?

M. Henwood: Il n'y a aucune disposition en ce sens dans le RARM.

Le sénateur Day: Vous avez fait allusion au moral à un certain nombre de reprises de même qu'au fait que les membres des Forces armées doutent de plus en plus qu'on s'occupera d'eux comme il se doit. Pourriez-vous nous en dire plus à ce sujet?

M. Henwood: Aucun des soldats en service à qui j'ai parlé — et ils sont nombreux aux quatre coins du pays — ne connaît à fond le Régime d'assurance-revenu militaire. Quand je leur présente des chiffres, ils n'en reviennent pas. Invariablement, ils rentrent à la base et posent des questions à leurs conseillers du RARM pour vérifier si c'est vrai ou non.

Bon nombre de civils à qui j'ai expliqué cette situation sont renversés. Les soldats à la retraite hochent la tête. Non, ils ne sont pas au courant. On ne fournit pas d'explication complète. Plus les soldats seront mis au courant, plus la déception sera grande.

Le sénateur Day: Vous avez dit que vous étiez lié par contrat aux forces armées pour servir jusqu'à l'âge de 55 ans. Vous étiez d'accord pour poursuivre.

M. Henwood: Oui. J'ai signé.

Le sénateur Day: Les Forces armées étaient heureuses, et vous de même.

M. Henwood: Absolument.

Le sénateur Day: Puis vous avez été blessé. Les Forces armées ont décidé de vous libérer par suite de cette blessure.

M. Henwood: Exactement.

Le sénateur Day: On peut penser que le volet axé sur la pension de retraite du régime auquel vous avez cotisé reposait sur vos cinq meilleures années de service ouvrant droit à pension. Est-ce exact?

M. Henwood: Presque. Je ne suis pas un spécialiste du régime de retraite des Forces canadiennes. J'en parle du point de vue d'un profane. La pension augmente de 2 p. 100 par année de service. La disposition entre en vigueur après 20 années de service, après quoi on a affaire à un régime déterminé. On sait à quoi correspond 40 p. 100 de son salaire, et on est donc en mesure de déterminer à quoi correspondrait la pension.

Puis j'ai été blessé, et le calcul a pris fin le jour où j'ai été libéré, même si j'avais signé un contrat valide jusqu'à ce que j'atteigne l'âge de 55 ans. C'était un contrat irrévocable assorti de certaines pénalités jusque, dans mon cas, à l'âge de 48 ans.

Le sénateur Day: À l'époque de votre libération, combien gagnait un major?

M. Henwood: Soixante mille dollars par année.

Le sénateur Day: Avez-vous une idée approximative du salaire annuel que vous toucheriez aujourd'hui si vous étiez toujours membre des Forces armées à titre de major?

M. Henwood: Je crois que ce serait environ 84 000 $.

Le sénateur Day: De 60 000 $ à 80 000 $. Le cas échéant, quelle indemnité avez-vous reçu en contrepartie de la cessation prématurée de votre contrat avec les Forces armées?

M. Henwood: Rien du tout.

Le sénateur Day: Pouvez-vous nous dire ou nous expliquer brièvement l'effet que cette blessure et la cessation prématurée de votre contrat avec les Forces armées ont eu sur vous et sur votre famille?

M. Henwood: Je mentirais si je disais que l'impact n'a pas été substantiel. J'ai choisi la carrière militaire. Je me suis enrôlé volontairement. Je suis allé au collège militaire et j'ai servi notre pays avec une grande fierté. J'ai servi pendant de nombreuses années en Allemagne, et j'ai travaillé auprès de réfugiés désespérés en Croatie. J'ai remercié Dieu tous les jours d'être canadien.

À maints égards, ma vie a été gâchée. D'abord, on m'a privé de la carrière de mon choix, de ma fierté de soldat. Je n'irai pas jusqu'à dire qu'on ne m'a pas remercié, mais une tape dans le dos est une chose, et une indemnisation tangible en est une autre. J'ai aussi été blessé de cette manière.

Ma famille n'est plus la même, et je ne crois pas que quiconque puisse espérer que la famille d'une personne qui a subi un très grave accident de voiture ou un autre accident débilitant au terme duquel une personne se retrouve handicapée en permanence puisse jamais être la même. Je ne suis plus le même homme qu'avant ma blessure. J'ai eu la chance que ma femme tombe amoureuse du même type à deux reprises. Je crois, en effet, que de nombreuses études ont montré que, dans les cas de tragédie familiale, le mariage éclate. Le mien a tenu le coup. De ce point de vue, j'ai eu de la chance.

Ma femme reçoit des services de counselling et du soutien pour des éléments liés au syndrome de stress post- traumatique, tout comme moi d'ailleurs. À cause de ce qui m'est arrivé, mon fils, le deuxième de mes enfants, a éprouvé certaines graves difficultés, et ce n'est que maintenant, après sept ans, que nous sommes en mesure de briser la coquille pour lui assurer l'aide dont il a besoin.

Il n'y a pas qu'un soldat qu'on a fait sauter ce jour-là. Un particulier, une famille tout entière ont été changés à jamais.

Le sénateur Day: Parce que vous n'étiez pas admissible au RARM, vous nous avez dit que vous n'aviez droit à aucune forme de soutien. On peut penser que les Forces armées vous aident à composer avec le syndrome de stress post-traumatique bien compréhensible que votre famille et vous éprouvez?

M. Henwood: Non, monsieur.

Le sénateur Day: Les Forces armées ne vous aident pas?

M. Henwood: Non.

Le sénateur Day: Vous assumez vous-même le coût des services?

M. Henwood: Oui.

Le sénateur Day: Avez-vous présenté des demandes en ce sens aux Forces armées?

M. Henwood: Aucun mécanisme n'est prévu. En revanche, le ministère des Anciens combattants, dont je suis client, prend les coûts à sa charge. On s'occupe de moi. À tâtons, on essaie de déterminer si le ministère des Anciens combattants peut étendre son soutien aux membres de la famille immédiate, mais nous en sommes au tout début.

Le sénateur Day: Sept années se sont écoulées depuis l'accident.

M. Henwood: L'accident a beau avoir eu lieu il y a sept ans, je le vis tous les jours, au même titre que les membres de ma famille. Pour ceux qui travaillent avec moi et me connaissent tout autant que pour les membres de ma famille, il s'agit d'un événement brûlant d'actualité.

Le sénateur Day: Sept années se sont écoulées, et les Forces armées, de ce point de vue, ne vous ont accordé aucun soutien. En revanche, le ministère des Anciens combattants ne vous a pas dit que votre femme et vos enfants qui, de toute évidence, ont besoin d'aide eux aussi étaient admissibles à son programme d'aide générale?

M. Henwood: Non, mais en toute justice pour le ministère des Anciens combattants, je n'en ai pas fait la demande. J'ai tenu pour acquis que c'était ma responsabilité.

Le sénateur Day: Vous saviez que le RARM et les Forces armées n'allaient pas vous soutenir?

M. Henwood: Je ne me suis pas donné la peine de poser la question, c'est exact.

Le président: Avant de céder la parole au sénateur Kenny, je me demandais, major Henwood, si vous accepteriez de confirmer quelques dates? L'accident a eu lieu le 27 septembre 1995. À quel moment avez-vous été libéré des Forces armées?

M. Henwood: Le 1er avril 1998.

Le président: À votre arrivée, j'ai remarqué que vous vous déplaciez avec beaucoup de dextérité et sans inconfort manifeste. Vous a-t-on offert la possibilité de rester en poste, ou vous a-t-on simplement dit que votre carrière était terminée?

M. Henwood: De façon officieuse, on m'a proposé de rester, mais j'ai décliné l'offre: si j'avais accepté une offre d'emploi alors que des soldats victimes de blessures bien moins graves que la mienne étaient libérés, je n'aurais plus été capable de me regarder dans le miroir. Je n'aurais plus été capable de regarder mes collègues dans les yeux sachant que le type à côté de moi allait être libéré à cause d'un genou endommagé ou d'une mauvaise vision, tandis que je restais en poste malgré l'absence de mes deux jambes. Ça n'avait pas de sens. J'ai donc refusé. Il aurait fallu contourner les règles pour que je reste en poste. Je ne voulais pas qu'on le fasse.

Le président: Connaissez-vous la politique des Forces armées en ce qui concerne la libération d'un membre blessé ou, à l'opposé, la possibilité de continuer de travailler?

M. Henwood: Je ne suis pas tout à fait au fait de telles offres parce que, à mon avis, elles ne correspondent pas à la réalité, mais, lorsque vous êtes blessé, vous passez, selon la gravité de la blessure, devant ce qu'on appelle un Conseil médical de révision des carrières (CMRC). Le conseil, après avoir examiné votre dossier médical, prendra une décision relativement à votre aptitude au service. Après des examens médicaux et je ne sais trop quoi, le comité vous fera parvenir un formulaire énonçant en gros toutes les compétences qu'exige votre profession actuelle. Vous cochez celles que vous êtes toujours en mesure d'accomplir et celles que vous ne pouvez plus accomplir. Par exemple, on nous demande si nous avons la capacité d'effectuer un trajet de 10 kilomètres en deux heures pendant deux jours consécutifs — 10 kilomètres en moins de deux heures une journée et la même chose le lendemain. Étais-je en mesure d'effectuer une telle tâche? Non. Le conseil évalue toutes les réponses négatives aux questions et, s'il y en a trop, vous déclare inapte au service. Le CMRC rend sa décision, et on vous fait parvenir un avis faisant état de l'intention de vous libérer. On vous donne six ou sept mois, le temps de commencer à remplir tous les papiers nécessaires.

Le sénateur Kenny: Major, entendre votre témoignage ce matin nous est difficile. Vivre ce que vous vivez doit l'être bien davantage. Si je vous ai bien compris — et n'hésitez pas à me le dire si j'ai oublié quelque chose —, vous nous faites la description d'un régime déficient. Vous faits état d'information déficiente à son sujet. Vous faites état de longues périodes d'attente. Vous faites état d'un manque de respect et de soutien. Vous faites état de multiples impacts négatifs. Vous faites état de conditions sans aucun rapport, par exemple le grade, l'état civil ou la situation de famille. Vous faites état d'un traitement inéquitable selon les divers grades au sein des Forces armées.

Ai-je manqué des questions d'importance?

M. Henwood: Non, je pense que vous avez assez bien mis dans le mille.

On ne doit pas ici faire abstraction du mot «indemnisation». L'indemnisation peut prendre de nombreuses formes, notamment financières. L'indemnisation, ainsi que je l'ai déjà mentionné, c'est aussi de la reconnaissance. À mon avis, indemniser adéquatement une personne qui a subi une perte ferait beaucoup pour reconnaître la perte en question. «Regardez ce qui vous est arrivé. Nous ne pouvons pas vous rendre vos jambes ni votre santé, mais nous pouvons à tout le moins faciliter votre réinsertion dans la société civile. Nous pouvons compenser cette perte ou cet écart financier. Nous ne sommes pas en mesure de compenser à 100 p. 100 le potentiel perdu, que nous ne pouvons établir avec certitude. Cependant, nous pouvons alléger vos souffrances au moyen d'une indemnisation.»

Il y a deux ans, j'ai écrit un article pour un magazine dans lequel je posais l'équation suivante: indemnisation et compassion égalent résolution. Quant à moi, je ne demande qu'à laisser derrière moi les événements de 1995, à tourner la page et à aller de l'avant dans ma nouvelle vie. Cependant, je suis sans cesse ramené au problème que pose le RARM, pas seulement pour moi, mais aussi pour la poignée de soldats — nous ne sommes pas nombreux — qui ont subi des blessures comme les miennes. La question, c'est ce qu'ils disent à leurs amis, à la Légion. Dans notre pays, où l'armée se compose de volontaires, nous ne pouvons tolérer que des forces négatives de l'extérieur dénigrent et rabaissent le professionnalisme de l'armée. Inconsciemment, je sens la douleur, la désolation et le désespoir que ces types éprouvent sans la savoir. Ils nous diront rien. Ils ne savent pas à qui s'adresser.

La pire chose qui pouvait arriver aux Forces canadiennes, c'était qu'un type ayant une expérience et un grade comme les miens se fasse blesser. J'ai fortement l'impression d'être la voix de ceux qui, pour une raison ou pour une autre, n'osent pas parler.

L'indemnisation et la compassion vont de pair. Elles conduisent à la résolution. De cette façon, l'armée pourra clore le dossier, les soldats blessés pourront clore le dossier, et la vie suivra son cours. Tant qu'il n'y aura pas résolution, la blessure se rouvrira sans cesse.

Le sénateur Kenny: Avant de passer à mes questions principales, il y a un point de détail au sujet duquel je m'interroge. Les Forces canadiennes honorent-elles le militaire blessé par un moyen quelconque — une médaille ou autre chose — qu'il peut porter sur son uniforme et indiquant qu'il a un jour été blessé?

M. Henwood: Vous voulez entendre la réponse?

Le sénateur Kenny: Oui. Elle ne me plaira peut-être pas, mais j'aimerais l'entendre.

M. Henwood: Oui. Il y a une reconnaissance. Les soldats blessés ne sont pas tous libérés des forces; seuls ceux qui ne peuvent plus accomplir leurs tâches le sont. Prenez ce qui est arrivé en Afghanistan: quatre militaires ont été tués par des tirs amis, et huit autres ont été blessés. Parmi les huit, un sera peut-être libéré; sept sont retournés au travail, malgré leurs cicatrices. Ces soldats porteront un galon de blessé sur leur uniforme. Il s'agit d'une bande dorée d'environ un pouce et demi de longueur qui se porte sur la manche de l'uniforme. Ils la porteront probablement avec fierté. Il s'agit en soi d'un récit de guerre. D'ailleurs, ils ne l'auront pas volé.

Après ma blessure, je me suis renseigné au sujet du galon de blessé. Je me suis dit que j'y avais peut-être droit. On m'a dit que cela n'existait pas. J'ai répondu: «D'accord.» Un jour que je me trouvais à l'atelier de couture de la base de Gagetown, où je souhaitais faire nettoyer certains uniformes, j'ai remarqué un badge que je n'avais encore jamais vu sur la manche d'un des uniformes accrochés près de l'endroit où les couturières faisaient leur travail. J'ai demandé ce que signifiait la bande dorée d'un pouce et demi de long sur la manche de l'uniforme. La couturière m'a répondu que c'était le galon de blessé. «On m'a dit qu'il n'y avait pas de galon de blessé», ai-je répondu. «Bien sûr que si», a-t-elle dit. «Auriez-vous l'obligeance de me décerner mon galon de blessé?» Elle l'a fait.

Le sénateur Day: La couturière?

M. Henwood: Oui.

Le général Baril, commandant de l'armée à l'époque, a été certainement impressionné par ma détermination et ma récupération. J'ai travaillé fort pour réapprendre à marcher. Autour de moi, on disait que je semblais plutôt complet. Je m'y suis employé de toutes mes forces. À l'hôpital, j'ai suivi des traitements pendant un an, à titre de malade externe, pour réapprendre à marcher. Les escaliers et la glace me donnent du fil à retordre; sur les surfaces planes, je me tire bien d'affaire.

Le général Baril était impressionné. J'éprouve le plus grand respect pour cet homme. Il a jugé que je méritais une mention élogieuse du commandant des forces terrestres ou du commandant de l'armée pour la détermination dont j'avais fait preuve pendant ma convalescence. En reconnaissance de mes efforts, on m'a décerné une bande argentée que je porte sur ma tenue de mess. S'il est blessé, un simple soldat obtient un galon de blessé. Quant à moi, j'ai dû m'adresser à la couturière pour pouvoir l'arborer sur mon uniforme.

Le sénateur Kenny: Vous avez motivé avec force votre droit à une forme d'indemnisation. Plus tard, aujourd'hui, nous allons entendre des témoins préciser les différences dont vous avez fait état devant nous.

J'aimerais que vous racontiez au profit des membres du comité ce que vous avez vécu à partir du moment où vous êtes monté dans la jeep jusqu'à celui où vous avez été blessé. Parlez-nous de ce qui vous est arrivé après votre blessure: qui vous avez d'abord rencontré, comment vous avez été traité, où on vous a conduit, l'hospitalisation et la réadaptation par où vous êtes passé pour récupérer. Quel genre de soutien avez-vous reçu de la part des Forces canadiennes ou du ministère des Anciens combattants — en laissant de côté le volet monétaire dont vous nous avez entretenu? Vous vous êtes mis en route le matin, je suppose, puis, soudain, quelque chose s'est passé. Racontez-nous.

M. Henwood: De cette journée-là, je ne garde aucun souvenir après 14 heures. Je dirigeais une équipe de 12 observateurs militaires dans une région du nord de la Croatie — à Karlovac et dans les environs. La région des Krajinas, que détenaient des rebelles, faisait partie de notre territoire. Un mois plus tôt, l'armée croate avait repris cette région de force. Ce jour-là, je commandais une patrouille. Nous n'avions pas d'interprète. Nous étions trois — un major britannique, un major néerlandais et moi, un major canadien. J'étais assis dans le siège du passager d'une Toyota 4-Runner, et nous patrouillions en parcourant les environs à la recherche d'activités militaires. Nous en avons trouvé.

Nous avons donc décidé d'aller prévenir certains réfugiés qui, s'ils tombaient sur les factions de guérilla, risquaient de passer un mauvais quart d'heure. En fait, nous voulions les prévenir d'aller se cacher puisque, si on les trouvait, ils risquaient la mort. Nous avons choisi une mauvaise route. Elle était minée. J'ai été blessé.

Parce que nous ne faisions pas partie d'un bataillon canadien et que nous travaillions pour l'ONU, il n'y avait pas d'hélicoptère Medivac. L'officier britannique qui, à toutes fins utiles, a sauvé ma vie, le major Toby Bridge, a réussi à me conduire à un hôpital croate où on m'a donné du sang et un vaccin antitétanique, puis je me suis retrouvé dans un centre médical américain à Zagreb, en Croatie. On a traité mes blessures, on m'a amputé les jambes, on a pansé ma figure et traité d'autres blessures critiques. L'hôpital en question n'était pas équipé pour traiter des blessures causées par une décharge ni les conséquences.

Le sénateur Kenny: Que voulez-vous dire par «décharge»?

M. Henwood: Je voulais parler de l'explosion.

Le sénateur Kenny: Quelles ont été les conséquences?

M. Henwood: Je pense qu'un œdème du cerveau peut faire partie de conséquences. À mon départ de la Croatie, ma tête était énorme. Les effets de la décharge ont provoqué une enflure. Je ne suis pas médecin, mais les responsables de ce centre, s'ils n'étaient pas certains des conséquences, savaient ne pas pouvoir me traiter sur place.

J'ai été transporté à bord d'un avion médical américain Nightingale — un Boeing 737 transformé en hôpital — jusqu'à Ramstein, en Allemagne, l'hôpital où ont été traités les soldats canadiens blessés en Afghanistan. Je suis demeuré dans cet hôpital de sois intensifs pendant une dizaine de jours. À l'époque, ma femme était en contact direct avec Zagreb. À mon départ de Zagreb, c'est un agent de liaison canadien en Allemagne qui s'est occupé d'elle. Lorsqu'on a établi que je n'allais pas mourir, elle est venue me rejoindre en Allemagne.

Le sénateur Kenny: Permettez-moi de vous interrompre. À ce stade, deux ou trois semaines se sont écoulées, n'est-ce pas?

M. Henwood: Cinq ou six jours se sont écoulés.

Le sénateur Kenny: Avez-vous vu un seul Canadien?

M. Henwood: Je ne sais pas. Je n'étais pas conscient.

Le sénateur Kenny: Vous ne gardez donc aucun souvenir?

M. Henwood: Non.

Le sénateur Kenny: Dans votre compte rendu des incidents, pourriez-vous nous dire quand vous avez rencontré les Canadiens pour la première fois et quand vous avez eu pour la première fois le sentiment d'obtenir un certain soutien ou une certaine préoccupation de la part des Canadiens?

M. Henwood: À son arrivée, ma femme était accompagnée par un officier militaire canadien. J'ignore son nom. Il était en poste quelque part en Allemagne.

Le sénateur Kenny: A-t-on fait venir votre femme par avion? Le Canada a-t-il fait venir votre femme en Allemagne?

M. Henwood: Absolument.

Le sénateur Kenny: Quelqu'un attendait votre femme et lui a fait part du problème. C'est bien ça?

M. Henwood: Lorsque j'ai été blessé, un des aumôniers de la base a couru chez moi. S'il était seul, a-t-il dit à ma femme, c'est parce qu'il n'avait pas eu le temps de trouver quelqu'un pour l'accompagner. CNN diffusait la nouvelle sans que le plus proche parent ait été prévenu. L'aumônier s'est dit qu'elle devait être informée immédiatement. C'est donc un aumônier de la base qui a prévenu ma femme en premier.

Par la suite, les appels téléphoniques et les réseaux ont pris le relais. La première fois, on lui a dit que je m'étais cassé la jambe. La deuxième fois, les nouvelles étaient plus mauvaises. Par la suite, les nouvelles n'étaient pas très bonnes.

Cependant, c'était au tout début. Comme toujours, l'information, à mesure qu'elle se raffine, devient plus concrète et précise. Ma femme n'est venue en Allemagne que lorsqu'elle a été convaincue que je n'allais pas mourir. Les Forces canadiennes se sont occupées du voyage en Allemagne et se sont occupées d'elle. Elle a été accompagnée en tout temps. L'hôpital américain a également affecté un travailleur social à notre cas. Pendant qu'elle était à l'hôpital, quelqu'un l'accompagnait.

Après une dizaine de jours, j'étais pressé de rentrer au Canada pour être traité ici. On a pris des dispositions pour me faire transporter à Ottawa, où j'ai séjourné au Centre médical de la Défense nationale pendant environ un mois. Pendant cette période, j'ai vu de nombreux spécialistes militaires et civils pour mon œil, mon oreille, mes mains, les greffes de la peau, d'autres interventions sur mes jambes, la remise en place des os cassés, l'insertion de tiges dans mes poignets, des choses de ce genre. Au cours de ce premier mois à Ottawa, on a fait beaucoup de travail. Pendant ce temps, j'ai rencontré, à ma demande, un représentant du RARM, qui n'a pu rien me dire. J'ai rencontré un membre de la Légion spécialisé dans les pensions médicales. On a recueilli certains renseignements.

Je dois avouer que la première communication officielle que j'ai reçue a été une lettre de Cliff Chadderton des Amputés de Guerre. Essentiellement, il disait: «Ne vous en faites pas. Voici, au meilleur de notre connaissance, la situation financière dans laquelle vous vous trouverez pour le reste de votre vie puisque vous n'aurez pas de travail.» Je n'ai rien reçu de tel de la part des Forces canadiennes. La seule lettre qui figure dans mes dossiers est celle que j'ai reçue de M. Chadderton des Amputés de Guerre.

J'ai rencontré des représentants de la Légion et du RARM, et j'ai reçu une lettre des Amputés de Guerre. De nombreux visiteurs, collègues et amis de l'armée sont venus me rendre visite, pour me témoigner leur sympathie et m'accorder leur soutien. J'ai reçu quelques visites officielles, que j'ai accueillies avec grand plaisir. Pour la plupart, elles étaient sincères et honnêtes.

Sur le plan médical, j'ai été bien traité. Cela ne fait aucun doute. J'ai eu le sentiment qu'on avait bien traité les membres de ma famille. Ma femme faisait la navette entre le Nouveau-Brunswick et Ottawa aux frais du gouvernement. Tous les deux voyages, elle amenait les enfants avec elle pour qu'ils se souviennent de qui était leur père, même si je n'étais plus tout à fait le même. Les enfants avaient peur. Nous avons conçu une belle complicité avec le gouverneur général de l'époque, M. Roméo LeBlanc, et sa charmante épouse. Quant à moi, je n'étais qu'un type hospitalisé qui prenait de la morphine. Je récupérais.

Vers la mi-novembre, soit près de deux mois après ma blessure, on a pris des mesures pour me faire des jambes artificielles — au moins une. L'idée, c'était de me remettre debout, en position verticale, pour remettre le gyroscope et l'esprit en mouvement, de préférence à la position horizontale.

La phase de réadaptation pouvait se faire dans n'importe quel hôpital. J'ai donc demandé à être ramené plus près de la ville où je vis, soit Fredericton, au Nouveau-Brunswick. J'étais stationné à la base de Gagetown. À ce moment, j'ai été confié aux soins de médecins civils dans un hôpital civil. J'y ai séjourné pendant trois mois. À la fin de février 1996, j'ai reçu mon congé de l'hôpital. Je suis sorti par mes propres moyens, ce qui était un de mes buts. Je suis rentré à la maison et j'ai entrepris une convalescence de un an à titre de patient externe. L'armée a mis des chauffeurs et des véhicules à ma disposition pour tous mes rendez-vous chez les spécialistes.

Puisque vous avez ouvert la boîte de Pandore, on s'est occupé de moi. Notez que j'ai parlé de «moi». L'autre côté de la médaille, c'est ma famille. Le système a offert à ma femme et à mes enfants un soutien limité, voire inexistant. Cependant, des particuliers ont fait l'impossible pour contourner les règles et prendre telle ou telle disposition. Nous définissions un besoin, et on s'efforçait d'y répondre. Ce n'est pas le système qui disait: «Voici ce que nous pouvons faire pour vous. De quoi avez-vous besoin?»

La situation est devenue très humiliante, et ma femme refusait de s'abaisser pour obtenir de l'aide. Lorsqu'elle venait me rendre visite à l'hôpital, nous acquittions les coûts du stationnement. C'était, pensions-nous, une dépense légitime qui devrait peut-être être remboursée, mais non. J'ai dû déposer une demande de redressement de grief, comme celle dont il a été question ici, pour obtenir le remboursement de coûts légitimes que ma famille et moi avons engagés pendant mon hospitalisation. Après, nous avons réglé nos comptes, mais je me suis rendu compte qu'on n'avait prévu aucun mécanisme pour offrir ces services d'emblée. Si j'avais été blessé mentalement, j'ignore ce que nous aurions fait. Nous avons assumé les coûts du stationnement à l'hôpital. Un jour, ma femme, alors qu'elle venait me rendre visite à l'hôpital, a été victime d'une sortie de route, et notre mini-fourgonnette s'est retrouvée dans le décor. Tout le monde était au courant de l'accident, mais l'armée n'a pas proposé de mettre à notre disposition un moyen de transport pour soulager ma femme de cette responsabilité.

Voilà le volet «compassion» de l'équation que j'ai évoquée. Voilà l'un des chaînons manquants. Je me plais à croire que la situation s'est améliorée. Je crois que l'armée a appris de dures leçons relativement au soin de ses blessés. Aujourd'hui, les mécanismes sont en place. Dans les bases, on trouve des centres de soutien des familles très proactifs. À Ottawa, il y a un numéro sans frais bénéficiant d'un effectif mixte que les membres et leur famille peuvent composer pour obtenir des orientations et du soutien. Les choses se sont donc améliorées.

J'ai obtenu mon congé et, au stade de la réadaptation, je suis devenu un patient externe. Lorsque la poussière est retombée, j'ai compris que j'allais être libéré de l'armée. Quel type de mécanisme y avait-il pour nous soutenir, ma famille et moi, après ma libération?

J'ai commencé à poser des questions au sujet de mes régimes d'assurance civils pour lesquels, bien entendu, j'avais été exonéré de primes pendant mon hospitalisation. Comme j'avais été blessé dans une situation de quasi-guerre, je ne pouvais compter sur aucune indemnisation. Je me suis rendu compte que, du côté du RARM, les choses n'étaient guère prometteuses. Je n'avais aucune idée de la pension de retraite des anciens combattants à laquelle j'avais droit. J'avais une idée de ce que serait ma pension de l'armée. Si les chiffres étaient exacts, les totaux n'arrivaient pas. J'ai donc posé des questions au sujet de ce qui n'allait pas au RARM.

À la fin de décembre 1996 et en janvier 1997, j'ai rédigé un document intitulé «Le soin des blessés», que j'ai soumis au général Ross, commandant de Gagetown à l'époque, qu'il a fait largement circuler au niveau supérieur. Je crois que certains des changements dont j'ai fait état sont attribuables à cette initiative.

Je demeurais confronté à de nombreuses inconnues. Vers le mois de mai 1997, après des négociations et des discussions par lettre et par téléphone avec la Maritime, qui agit comme assureur du RARM, j'ai compris que rien n'allait venir de ce côté. C'est alors que j'ai décidé de passer à l'étape suivante, c'est-à-dire une contestation officielle.

C'est ce qui m'amène aujourd'hui.

Le sénateur Kenny: J'attends avec impatience le reste des présentes audiences parce que les efforts que vous déployez pour porter cette affaire à notre attention et à celle du public nous donne l'occasion de vous venir en aide, à vous et à d'autres personnes, à cet égard.

Le président: Vous avez dit avoir reçu d'excellents traitements au Centre médical de la Défense nationale. L'établissement existe-t-il toujours?

M. Henwood: Non, monsieur. À l'époque où j'y étais, on fermait les salles tout autour de moi. En 1995, les budgets étaient serrés, et je crois que le centre était en train de fermer ses portes.

Le président: Si je comprends bien, il était conçu pour traiter les membres des Forces armées et d'autres personnes.

M. Henwood: C'est exact.

Le président: Si vous étiez blessé aujourd'hui, où seriez-vous traité, sinon au Centre médical de la Défense nationale?

M. Henwood: Je suppose que j'irais dans un des établissements médicaux agréés des environs.

Le président: Y avait-il des médecins canadiens qui servaient à vos côtés en Croatie? En avez-vous vu?

M. Henwood: Non. Je ne faisais pas partie des bataillons étrangers. On m'avait détaché à l'ONU, et je travaillais directement pour elle. C'est un centre médical de Dayton en Ohio qui servait d'hôpital militaire de campagne pour les membres du personnel de l'ONU. J'ai été vu par des médecins de première ligne de l'ONU qui, par pur hasard, étaient des Américains. Heureusement pour moi, puisqu'ils avaient une vaste expérience du traitement des blessures de guerre. De nombreuses personnes m'ont dit que les interventions chirurgicales qu'ils ont pratiquées tout de suite après mon arrivée sont en grande partie responsable du fait que j'ai pu réapprendre à marcher et ainsi de suite.

Le sénateur Atkins: Pouvez-vous nous présenter brièvement la procédure de règlement des griefs?

M. Henwood: Oui. Les choses ont peut-être changé un peu, mais voici: pour le soldat qui croit avoir un grief que son supérieur immédiat n'est pas en mesure de régler, la démarche officielle consiste à présenter à son commandant une demande de redressement de grief dans laquelle on expose les motifs de l'appel. S'il a le pouvoir de porter un jugement, le commandant peut le faire.

Si, par exemple, on n'autorisait plus un conducteur à conduire un char parce que cette responsabilité a été confiée à quelqu'un d'autre, mais qu'il estime être le plus qualifié, l'intéressé peut en appeler de la décision. Le commandant a alors la possibilité de le rétablir dans ses fonctions. C'est une question que le commandant peut régler à son niveau.

Si le commandant n'est pas en mesure de régler le problème, le grief doit aller au niveau supérieur, soit celui du commandant de la base. Si ce dernier n'est pas en mesure de régler le grief, il peut transmettre le grief, accompagné de ses commentaires, au niveau suivant, soit celui du commandant régional.

Je ne parle que de l'armée. Je ne suis pas certain du fonctionnement de l'aviation ni de la marine.

Le problème est porté jusqu'au niveau où une décision est enfin rendue.

Le sénateur Atkins: Une décision motivée?

M. Henwood: Je crois qu'il doit s'agir d'une décision motivée.

Si vous n'êtes pas d'accord avec la décision, vous pouvez interjeter appel au niveau suivant.

On ne soumet pas de demande de redressement de grief à la légère. C'est une affaire très sérieuse, un dernier recours. La procédure suit son cours, et vous arrivez au point où la demande ne peut pas aller plus loin. Des échéanciers sont prévus. On doit donner suite à une demande de grief dans un délai de 30 jours ou faire parvenir un accusé de réception précisant que la demande de redressement a bien été reçue et qu'une réponse suivra en temps opportun.

Le grief que j'ai déposé en mai 1997 a mis un an à se rendre au niveau du commandant de l'armée. Ce dernier s'est dit d'avis que je n'avais pas été maltraité: il avait révisé la politique, et j'avais obtenu exactement ce que prévoyait la politique. C'est pourquoi j'estime que la politique est injuste. Selon la politique, a dit le commandant, je n'avais pas été maltraité, affaire conclue.

Je n'ai pas accepté la décision. En 1998, j'ai donc soumis la question au chef d'état-major de la Défense, le patron du commandant. La divulgation des renseignements et les échanges se sont effectués par lettre. Tant et aussi longtemps que des communications sont en cours, les soldats se disent que quelque chose va arriver.

L'été dernier, le comité de grief, au nom du chef d'état-major de la Défense, a recommandé, après avoir examiné les faits soumis, le rejet de mon grief, au motif que j'avais obtenu exactement ce que le régime prévoyait. Les membres du comité n'ont pas compris que je contestais non pas ce que j'avais reçu, mais bien le régime lui-même, qui comporte une déficience fondamentale.

Il est difficile de dire ce que sont les délais lorsqu'il faut faire appel à des spécialistes avant de rendre une décision. Cependant, la procédure est en cours depuis cinq ans et demi.

Le président: Ai-je bien compris que la procédure est maintenant terminée puisque le comité agissant au nom du CEMD a rendu une décision l'été dernier?

M. Henwood: C'est au CEMD qu'il revient de prendre la décision finale. Le Comité des griefs des Forces canadiennes a recommandé le rejet de mon grief.

Le président: À votre connaissance, le CEMD n'a toujours pas rendu sa décision?

M. Henwood: Non, monsieur.

Le sénateur Atkins: Ils ont donc suivi le livre à la lettre?

M. Henwood: Absolument. Certains des soldats concernés ont une 10e, une 11e ou une 12e année; certains autres ont peut-être fait des études postsecondaires. Pour ma part, je suis titulaire d'un diplôme de l'université. J'ai présenté ce que je considère comme une argumentation bien construite et étoffée. Je crois avoir fait un assez bon travail. En réponse à mon grief de dix pages, j'ai reçu un document de 32 pages rédigé par des avocats citant Jones c. Smith, X c. Y — tous les cas de jurisprudence cités dans la réponse allaient dans le sens d'une recommandation négative. Pour ma part, j'ai du mal à croire qu'on ne pouvait rien recommander de positif au chef d'état-major de la Défense pour équilibrer la balance de la justice. On n'a fourni qu'une seule recommandation, c'est-à-dire un «non», au lieu d'une option A ou B.

Le sénateur Atkins: Pensez-vous que le CEMD a le pouvoir d'ordonner un réexamen du RARM?

M. Henwood: Jusqu'à il y a environ un mois, j'aurais cru que le chef d'état-major de la Défense détenait l'autorité finale et que c'est lui qui allait prendre la décision. Cependant, dans le site Web du RARM — et même dans celui du MDN —, on trouve une déclaration au sujet de choses qui ont été dites dans les médias, par exemple en ce qui concerne les «petits régimes secrets des généraux». La vérité, y dit-on, c'est que le chef d'état-major de la Défense n'exerce aucun pouvoir et que la gouvernance incombe au Conseil du Trésor. Si ce n'est pas le chef d'état-major de la Défense qui est chargé de la gouvernance du régime, je me demande pourquoi mon grief y poirote depuis si longtemps. De son propre aveu, c'est le Conseil du Trésor qui assure la gouvernance. Jusqu'à il y a un mois, j'aurais dit que c'était le chef d'état- major de la Défense. Maintenant, je ne sais plus.

Le sénateur Atkins: Si c'est le Conseil du Trésor qui exerce le pouvoir, il faudrait une demande du ministre, ne pensez-vous pas?

M. Henwood: Monsieur, je ne sais pas.

Le sénateur Atkins: Combien d'autres personnes ayant servi dans les forces sont dans votre cas?

M. Henwood: Je ne suis pas en mesure de vous citer un chiffre depuis la création du RARM, mais je peux vous dire que le nombre de ceux qui ont été blessés en action ou en situation de quasi-guerre depuis 1992 se chiffre probablement à moins de 12.

Le sénateur Atkins: Je vous remercie.

Le sénateur Kenny: J'aimerais poser une question supplémentaire.

Major, vous avez décrit le processus de règlement des griefs pour le bénéfice du sénateur Atkins. Peut-être pourriez- vous dire au comité quelques mots au sujet de la culture des Forces canadiennes vis-à-vis de ces mécanismes. Vous avez fait allusion au conducteur de char convaincu qu'on devrait lui laisser l'occasion d'exercer son métier. Puis, au passage, vous avez négligemment laissé entendre qu'il éviterait probablement de le faire. Si vous faites carrière dans les Forces armées et que vous déposez un grief ou que vous participez à la procédure de règlement des griefs, faites-vous avancer votre carrière? À quelles règles tacites inscrites dans la culture militaire inconnues à des civils un soldat pense-t-il au moment de faire appel à la procédure de règlement des griefs?

M. Henwood: Je ne suis plus membre de l'armée depuis cinq ans, monsieur. Un grief n'est pas considéré comme une expérience positive. Vous mettez en doute la décision prise par un supérieur à votre sujet. Pour une raison ou pour une autre, la direction a pris une décision, habituellement la bonne, mais il arrive parfois, à titre exceptionnel, qu'une mauvaise décision soit rendue. Si vous êtes concerné, vous pouvez déposer un grief. La première chose, cependant, c'est que vous devez éviter d'attirer sur vous une attention indue. En faisant appel à la procédure de règlement des griefs, c'est précisément ce que vous faites. À mon avis, personne ne se prévaut d'un tel recours à la légère.

Un soldat qui dépose un grief — ou deux ou trois — serait considéré comme un «geignard» et perçu sous un jour négatif. Le traitement des griefs empiète sur le temps de l'état-major. Puisque le soldat s'est donné la peine de présenter une demande, on traite le grief avec soin. Le soldat est conscient des conséquences négatives, mais il espère que les conséquences positives d'un changement ou d'un renversement de la décision annuleront les inconvénients. Présenter un grief, c'est donc courir un risque calculé.

Le sénateur Kenny: Si je vous comprends bien, vous voulez dire que la réponse à votre grief a été axée sur la confrontation plutôt que sur une volonté d'établir les faits?

M. Henwood: Ce n'est pas ce que je dirais. Simplement, l'étude de mon grief par le comité a eu des conséquences négatives. Il a recommandé que ma demande soit rejetée.

Le sénateur Kenny: On postule que vous avez bénéficié de tout le soutien et de toute l'aide juridique dont vous aviez besoin et que, par conséquent, vous avez été en mesure de faire valoir votre point de vue. En d'autres termes, on postule, comme c'est le cas devant un tribunal, que les deux parties ont eu l'occasion de présenter leur point de vue sous le jour le plus favorable possible et que quelqu'un a tranché?

M. Henwood: Non, monsieur, un grief est soumis à titre individuel par un particulier ne bénéficiant d'aucun soutien, à moins que, à la caserne, un camarade ne l'ait aidé à le rédiger. Il s'agit d'un document qu'on rédige à la main sur un bout de papier. Si le grief chemine assez longtemps, ce grief écrit à la main ou tapé à la machine sera passé au peigne fin par une équipe d'avocats et détruit à grand renfort d'arguties juridiques, comme dans mon cas. On ne m'a jamais proposé de m'aider à préparer mon grief, mes arguments juridiques, et ainsi de suite. Je n'ai reçu aucune proposition en ce sens. J'aurais pensé que le comité de grief, au moment de faire sa recommandation au chef d'état-major de la Défense, aurait présenté le pour et le contre, les points forts et les points faibles, les motifs juridiques plaidant en faveur du rejet ou d'une acceptation, et qu'il reviendrait au chef d'état-major de la Défense, après avoir soupesé les mérites des deux positions, de rendre une décision fondée sur les faits. J'ai plutôt le sentiment que le résultat de ma démarche était couru d'avance — on allait rejeter ma demande.

Le sénateur Forrestall: Pourriez-vous nous dire un mot des caractéristiques du véhicule à bord duquel vous vous trouviez pour effectuer ce travail d'observation, du point de vue de votre protection personnelle?

En guise de préambule, je précise que nous nous déplacions nous-mêmes assis sur quatre ou cinq gilets pare-balles à l'arrière du transport de troupes blindé à bord duquel nous nous trouvions — ce qui démontre bien la foi que nous avions en eux. Puis-je vous demander de quel genre d'équipement vous bénéficiiez pour votre part?

M. Henwood: J'en reviens aux commentaires que j'ai faits un peu plus tôt. Je n'appartenais pas à un des bataillons officiels disposant de véhicules blindés et tout le reste. Je travaillais avec l'ONU, et nous nous déplacions à bord de véhicules utilitaires conçus à l'intention des civils. C'était un Toyota 4-Runner. Vous pourriez en acheter un chez un concessionnaire de la ville, le faire peindre en blanc, y monter une radio Motorola et peindre les lettres «NU» sur les côtés. Nous avions des gilets pare-balles. Dans la région où nous nous trouvions, le risque était toutefois considéré comme faible. Ce jour-là, nous ne les portions même pas. Il n'y avait pas de menace. La route que nous avons empruntée n'aurait pas dû être minée. Comme l'enquête l'a montré, sur toutes les cartes de l'ONU, le champ de mines était indiqué au mauvais endroit, soit un kilomètre au sud de l'endroit où il se trouvait en réalité. Pendant l'enquête, à l'époque où je me trouvais au Centre médical de la Défense nationale, j'ai reçu un coup de fil de la part d'un ingénieur militaire canadien en Croatie faisant partie de la commission d'enquête réunie à la suite de mes blessures. «Qu'est-ce qui vous a pris d'aller vous balader dans un champ de mines?» m'a-t-il demandé? Je lui ai répondu: «D'abord, je vous invite à faire attention à ce que vous dites. Votre déclaration est fausse. Je n'étais pas dans un champ de mines, et je n'étais certainement pas en train de me balader.» «Vous étiez dans le champ de mines numéro 13», a-t-il dit. J'ai répondu: «Non. Il n'y avait pas de champ de mines sur la route où je me trouvais. Dans mon souvenir, le champ de mines numéro 13 se trouvait au sud de notre position.» Le major Bridge, l'officier britannique qui m'accompagnait dans le véhicule, a confirmé mes dires et prié instamment l'équipe d'enquête canadienne de se rendre dans le champ de mines avec un système de positionnement global (GPS). Ils ont effectué un relevé et constaté que nous nous trouvions effectivement à environ 10 mètres de l'endroit où nous croyions être. La position du champ de mines n'était pas correctement indiquée sur les cartes. Par conséquent, nous nous trouvions au milieu du champ de mines 13, même si, selon toutes les cartes, ce dernier aurait dû se trouver à un kilomètre au sud. Les caractéristiques géographiques des deux secteurs étaient à peu près les mêmes. Que je me sois trouvé à bord d'un véhicule blindé ou d'un véhicule protégé, la menace était considérée comme de négligeable à nulle. Cela n'aurait rien changé. Un véhicule blindé aurait par exemple contribué à réduire la gravité de mes blessures, mais les membres du personnel de l'ONU — les observateurs militaires — ne bénéficiaient pas de ce genre d'équipement. Nous devions passer pour le plus neutres possible, et des véhicules de combat blindés auraient été considérés comme de nature offensive.

Le sénateur Forrestall: Auriez-vous utilisé le véhicule à bord duquel vous vous trouviez en toute circonstance ou vous teniez-vous loin de toute zone dangereuse?

M. Henwood: La route que nous avons choisie n'aurait pas dû être minée. Pour donner suite à votre remarque, le véhicule à bord duquel je me trouvais est celui qu'on nous avait affecté et que nous utilisions.

Le sénateur Forrestall: Si vous ne connaissez pas la réponse à la question que je vais maintenant vous poser, nous pourrons obtenir l'information ailleurs. Qu'arriverait-il à un réserviste aux prises avec les mêmes difficultés que vous?

M. Henwood: Je me plais à penser qu'un réserviste invité à agir comme observateur militaire — c'est arrivé — ayant subi des blessures comme les miennes recevrait un traitement médical identique et même meilleur que celui auquel j'ai eu droit. Le RARM comporte un volet pour les réservistes. Je ne connais toutefois pas les dispositions du Régime d'assurance-revenu militaire qui s'applique aux réservistes.

Le sénateur Forrestall: Vous ne savez pas si le dénouement réel aurait été différent de celui que vous avez vous-même connu?

M. Henwood: Je ne crois pas qu'il y ait de différence, mais je n'en suis pas absolument certain.

Le sénateur Forrestall: Pouvons-nous revenir au tout début? Il y a 37 ans, j'aurais souhaité que quelqu'un me dise: «Forrestall, ne cotise pas au régime de retraite des députés.» À la place, j'aurais acheté des actions de la Banque Royale du Canada et, aujourd'hui, je serais un homme riche. Cependant, personne ne m'a rien dit de tel. Vous en avez dit un mot, mais que diriez-vous au sujet de la pertinence des informations qui vous ont été communiquées à propos de cet aspect de vos relations avec les Forces canadiennes? En rétrospective, ces informations n'ont pas été suffisantes, c'est évident, mais, à l'époque, les explications vous avaient-elles donné satisfaction? Dans quelle mesure étiez-vous certain de ne jamais être confronté à ce genre de situation? Je sais que vous en avez parlé, mais avez-vous au départ porté attention à ces aspects?

M. Henwood: C'est une bonne question. Lorsque j'ai appris que j'allais aller servir pendant un an en Croatie à titre d'observateur militaire, j'ai pris la précaution, étant donné les dangers inhérents auxquels j'allais être exposé, de hausser l'assurance-vie temporaire offerte par d'autres régimes du RARM jusqu'au maximum, au cas hautement improbable où je serais tué. Je tenais à laisser quelque chose à ma famille.

Je n'ai jamais pensé — et j'oserais affirmer que c'est le cas de la plupart des soldats — que je pourrais être tué ou blessé. Si vous êtes porté sur l'autodestruction, à quoi bon devenir soldat? Si la pensée que je puisse être tué dans un pays étranger m'a traversé l'esprit, j'ai fait le nécessaire, au meilleur de ma connaissance, pour assurer le plus grand bien-être possible à ma famille. Nous avons mis nos testaments à jour, et j'ai acheté le plus d'assurance-vie possible. J'avais parcouru le guide du RARM. Il y a toutes sortes de régimes, mais je ne me suis pas attardé aux détails parce que jamais je n'ai pensé que je risquais de perdre un membre. Je m'étais dit que je risquais d'être tué, mais jamais je n'ai pensé que je risquais de perdre une partie de mon corps. Cependant, ni le RARM ni le MDN ne nous fournissent des informations disant: «En cas de décès, X; en cas de mutilation, Y; en cas de blessure, à l'exclusion de mutilations, Z.» On n'aborde pas ces questions en détail. Je n'ai pas posé de questions parce que j'ai tenu pour acquis que tout était conforme. J'ai tenu pour acquis que j'étais protégé par le RARM. J'ai écrit à la maison pour dire à ma mère de ne pas s'inquiéter.

Le sénateur Forrestall: Qu'en est-il de l'assurance privée que votre femme et vous auriez pu souscrire?

M. Henwood: J'ai une assurance-vie personnelle, pas une assurance temporaire, mais bien plutôt une assurance-vie entière, avec la London Life. Avant mon départ, le représentant de la London Life est venu me voir à la maison et il m'a dit: «Tu ne pars pas pour une zone de guerre. Par conséquent, ta police demeurera en vigueur.» «C'est très bien», ai-je répondu. Seulement, c'était en cas de décès. Je n'ai jamais pensé à demander ce qui arriverait si j'étais mutilé. À mon retour, je n'ai pas manqué de m'adresser à la London Life. Dans la police que j'ai souscrite, un des avenants précise que, dans l'hypothèse où je serais hospitalisé ou incapable de m'acquitter de mes fonctions, je serais exonéré de primes. En fait, j'ai bénéficié de cette exonération jusqu'à ce que je me déclare en mesure de recommencer à les payer parce que, après ma libération de l'armée, je m'étais trouvé un emploi à temps plein.

Le sénateur Forrestall: Estimez-vous qu'un tel geste attestait le bien-fondé de ce que vous croyiez que l'assurance vous fournirait? Estimez-vous qu'en agissant de la sorte, la compagnie posait effectivement un geste en ce sens?

M. Henwood: J'ai obtenu exactement ce qui était prévu. Avant de partir, je n'avais pas lu les petits caractères.

Le sénateur Forrestall: Personne ne vous a prévenu non plus, pas vrai?

M. Henwood: Non. Le type m'a dit: «Si tu es tué, nous allons payer.» C'est tout ce que je voulais entendre. Si j'avais été tué, aurais-je effectivement été couvert? Je ne sais pas. Les vendeurs vous disent tout ce que vous voulez entendre. Cependant, je suis convaincu que, en cas de décès, je n'aurais pas laissé ma famille dans la misère. C'était ma principale préoccupation. En cas de blessure, je rentrerais à la maison, et tout serait exactement comme avant — sans me rendre compte qu'il y a blessure et blessure. Je dirais que j'ai fait preuve de naïveté.

Le sénateur Forrestall: Il n'y a rien dans tout cela qui donne au ministère de la Défense nationale un moyen de protéger votre régime d'assurance privée, n'est-ce pas?

M. Henwood: Je ne le pense pas.

Le sénateur Forrestall: Moi non plus.

M. Henwood: Cela n'a rien à voir avec la démarche que j'effectue en ce qui concerne le RARM. Je n'en suis pas certain. Vous pourriez peut-être poser la question au ministère de la Défense nationale. Je ne vois pas pourquoi il souhaiterait négocier avec d'autres fournisseurs d'assurance que celui qu'il a déjà, c'est-à-dire la Maritime.

Le sénateur Forrestall: Il me semble que l'assureur a l'obligation de vous protéger, au cas où vous auriez la malchance de franchir la ligne magique préétablie qui vous fait entrer dans une zone de guerre et vous fait courir un danger. Après tout, vous êtes parti volontairement, mais cela est arrivé après coup.

M. Henwood: C'est certainement la solution que la plupart des soldats préconiseraient: une sorte d'assurance tierce sur les régimes d'assurance existants qui les protégerait dans une telle situation. Ce serait assurément un avantage intéressant. Cependant, je ne m'étais pas du tout orienté dans ce sens. En fait, je n'y avais même pas pensé.

Le sénateur Forrestall: C'est précisément ce que je voulais vous faire comprendre. Vous n'y avez pas pensé parce que personne ne s'est donné la peine de vous en parler.

M. Henwood: À titre de mari et de père responsable, j'avais une assurance-vie entière avec la London Life, qui n'avait rien à voir avec l'armée à proprement parler, institution par l'entremise de laquelle je bénéficiais d'une police d'assurance-vie temporaire beaucoup plus importante. J'avais souscrit cette assurance personnelle pour me protéger après ma carrière. Elle n'avait rien à voir avec le service que j'effectuais au sein de l'armée.

Le sénateur Forrestall: Vous avez dit qu'il y avait un tableau en couleur.

M. Henwood: C'est celui que vous avez entre les mains, monsieur.

Le sénateur Forrestall: C'est vous qui l'avez préparé?

M. Henwood: Oui. Les cases en rouge indiquent tout ce qui cloche.

Le sénateur Forrestall: Êtes-vous actuaire?

M. Henwood: Les cases en rouge définissent ce qui est désavantageux, et celles qui sont en vert, ce qui est avantageux. Voilà le fond de l'affaire.

Le sénateur Forrestall: Je vous remercie, major.

Le président: Le sénateur Day aimerait poser une ou deux questions additionnelles.

Le sénateur Day: Ma question fait suite à celles du sénateur Forrestall au sujet du volet de l'assurance portant sur la sécurité du revenu. Monsieur Henwood, vous êtes un officier de l'armée doté d'une solide éducation. Au cours de vos 23 années de service, vous avez eu sous vos ordres de nombreux hommes et femmes. Pendant ce temps, vous êtes-vous jamais assis avec eux pour leur expliquer les problèmes que pouvait présenter cette assurance, en particulier en cas de perte d'un membre?

M. Henwood: Non, monsieur. À l'époque où j'étais lieutenant et que j'avais des soldats sous mes ordres et, plus tard, lorsque j'avais des officiers et des soldats sous mes ordres, j'avais pour tâche de veiller à ce qu'ils souscrivent le RARM, qui s'occupait de tout.

Le sénateur Day: Vous avez toujours eu l'impression que les Forces armées canadiennes allaient s'occuper de ces hommes et de ces femmes — les vôtres — qui étaient vos camarades qui risquaient leur vie pour leur pays.

M. Henwood: Absolument.

Le sénateur Day: Êtes-vous au courant de séances d'information données par le RARM pour expliquer le régime d'assurance par suite de votre accident et de la procédure de règlement des griefs à laquelle vous êtes associée?

M. Henwood: Je sais que le RARM a ajouté des éclaircissements dans son site Web pour tenter de se dissocier des divers éléments que j'ai soulevés à propos du RAOG.

Ce que je peux vous dire, c'est que les soldats, avant d'être déployés outre-mer, les soldats passent par un «groupe d'aide au départ» (GAD), où on passe en revue leurs régimes d'assurance pour les soins médicaux et les soins dentaires et où on s'assure que leurs testaments sont mis à jour. Un représentant du RARM est présent pour s'assurer que les soldats sont couverts par le régime. Je ne suis pas en mesure de vous dire si, à l'occasion des séances d'information du RARM, on lance la mise en garde suivante: «Si vous perdez une jambe, que vous êtes marié et que vous avez trois enfants, vous allez vous retrouver dans le pétrin. Nous vous conseillons donc de divorcer. À votre départ, vous serez ainsi célibataire.» Je ne sais pas si c'est ce qu'on dit.

Le sénateur Day: À votre connaissance, organise-t-on maintenant plus de séances d'information et fournit-on plus de renseignements qu'auparavant?

M. Henwood: Oui, je le pense.

Le sénateur Day: Lorsque, à la suite de votre accident, vous vous trouviez à Gagetown, avez-vous assisté à des séances d'information du RARM à laquelle vous assistiez et où on vous prenait à témoin?

M. Henwood: Lorsque des soldats envisagent de prendre leur retraite, deux, trois ou cinq années avant leur libération de l'armée, on leur conseille d'assister à un atelier du Service de préparation à une seconde carrière (SPSC). Là, on vous dit à qui vous adresser pour obtenir de l'aide pour la préparation d'un curriculum vitae et on vous aide à faire le nécessaire, avant votre départ de l'armée, pour que vos prestations d'assurance pour les soins médicaux et dentaires soient reconduites après la fin de votre carrière militaire. Puis, un représentant du RARM vous informe que vous bénéficiez d'une protection après votre libération, à supposer que vous choisissiez d'en faire l'achat ou de conserver votre assurance-vie temporaire. Après votre libération, vous pouvez la convertir en protection.

À Gagetown, j'ai assisté à un atelier du SPSC. Là, il y avait un représentant du RARM qui présentait son baratin aux soldats en leur expliquant ce que le RARM ferait pour eux et le genre de protection auquel ils auraient droit en cas de blessure ou de décès. Le représentant en question ne savait pas que j'étais dans la salle. J'étais assis à l'arrière à cause des escaliers qu'il fallait descendre pour aller devant. Fait étrange, il a dit aux personnes présentes — une centaine de soldats accompagnés de leur femme: «Vous avez tous entendu parler du major Henwood.» Quelques personnes ont hoché la tête et m'ont poussé du coude. Il a ajouté: «Laissez-moi vous dire ce que le major Henwood recevra à la suite de ses blessures parce que je suis certain que l'information vous intéressera.» Il a alors expliqué que je recevrais du RARM 300 000 $ à titre de prestations en cas de mutilation accidentelle. Je me disais que c'était intéressant puisque, pour ma part, je croyais que je n'allais rien recevoir du tout. Après son exposé, il a invité les participants à poser des questions, et j'ai levé la main. Je lui ai dit que j'étais le major Henwood et que je ne l'avais pas autorisé à faire état en public de mon guide de solde ni de mon régime d'assurance non plus qu'à dire à des étrangers combien j'allais recevoir du RARM en guise de prestations. Je lui ai dit que je n'avais pas signé de document autorisant la communication de tels renseignements. Je lui ai également dit que, à ma connaissance, je n'allais pas recevoir un tel montant et qu'il avait été mal informé. Il a répondu qu'on lui avait dit que je recevrais un certain montant en guise de prestations. Je lui ai proposé de venir me rencontrer chez moi le lendemain pour qu'il puisse m'expliquer comment les choses allaient se passer, et il a accepté. Le soir même, il m'a téléphoné pour me dire qu'il avait fait erreur et que je n'allais rien recevoir. Je lui ai répondu qu'on ne devrait pas communiquer de tels renseignements par téléphone et qu'il devrait venir chez moi pour nous informer en personne, ma femme et moi.

Au début, il m'avait pris par surprise en me disant que j'allais recevoir des prestations parce que, à la lecture des petits caractères et de tous les renseignements que j'avais glanés au téléphone, je croyais que je n'allais rien recevoir. Après l'atelier du SPSC auquel j'ai assisté, j'ai pensé qu'il y avait peut-être une lueur d'espoir.

Par la suite, j'ai eu la chance de rencontrer le lieutenant colonel Bill Shultz, qui était alors le G1 de la 1re Division canadienne à Kingston. Le G1 est l'officier d'administration — le gestionnaire des ressources humaines de 10 000 soldats. J'ai expliqué au colonel Shultz certaines de mes frustrations à l'égard du RARM, et je lui ai fait part de ma déception envers le régime. Il ma regardé en disant: «Des responsables du RARM à Ottawa nous ont mis au courant il y a deux semaines. De quoi vous plaignez-vous? Vous avez reçu 300 000 $.» «Non, monsieur, ai-je répondu. Je n'ai rien reçu du tout.» Le colonel Shultz a alors conclu que le RARM avait dû mal le renseigner. Je lui ai dit que, à mon avis, ils avaient été induits en erreur. Il m'est apparu bizarre que même les représentants du RARM n'arrivaient même pas à expliquer leur propre régime à leurs conseillers ni à informer correctement les militaires responsables de la gestion des ressources. C'était inconcevable.

Voilà qui illustre l'un des quatre enjeux que je n'ai pas mentionnés dans mon exposé — je n'ai retenu que trois des sept conditions nécessaires au règlement de mon grief. L'une de ces quatre conditions, c'est qu'on fasse en sorte que les formulations du RARM soient plus faciles à comprendre pour les représentants du régime et leurs clients. Pour ce faire, on devrait dissocier le RARM proprement dit, c'est-à-dire le volet du régime qui génère les recettes, du volet financé par le Conseil du Trésor. Dans le premier, on devrait dissocier la protection consécutive à la libération de l'armée de la protection pendant le service. Dans l'état actuel des choses, tout est mis pêle-mêle dans le même document. De toute évidence, les représentants qui avaient informé le colonel Shultz avaient, comme moi, consulté la mauvaise page.

Le sénateur Day: Je pensais qu'il était important que les sénateurs soient mis au courant de cette situation: en effet, il est possible qu'un certain nombre de membres des forces armées pensent que vous avez reçu une certaine somme de ce régime d'assurance à la suite de la mutilation dont vous avez été victime.

M. Henwood: Je n'y avais pas pensé. C'est possible.

Le sénateur Day: En dernier lieu, j'aimerais poser une question d'éclaircissement. Travaillez-vous aujourd'hui?

M. Henwood: Oui. J'ai eu la chance qu'une société appelée Computing Devices Canada Ltée, aujourd'hui connue sous le nom de General Dynamics Canada, coure le risque d'embaucher un soldat mutilé comme moi. Je pense que la société a compris que le fait de ne pas avoir de jambes n'empêche pas d'occuper un poste de direction et que le résultat de l'essentiel de mes 23 années d'entraînement dans l'armée résidait au-dessus de mes épaules et non dans mes pieds. Jusqu'ici, je mène une carrière réussie auprès de General Dynamics Canada. Je travaille pour la société depuis cinq ans. Elle appuie les militaires et, à l'occasion, embauche les soldats blessés.

Le sénateur Day: Nous félicitons General Dynamics de sa clairvoyance et de sa compassion.

M. Henwood: On m'a autorisé à être présent ici aujourd'hui.

Le président: Avant de vous inviter à faire vos remarques de clôture, major Henwood, j'aimerais vous demander, à titre d'éclaircissement, si j'ai bien compris que vos régimes d'assurance privés sont nuls et non avenus dans une zone de guerre?

M. Henwood: Sénateur, je pense qu'il vaudrait mieux que vous posiez cette question à une compagnie d'assurance; cependant, à la lecture de ma police — et je pense que ce sera la même chose si vous lisez la vôtre —, vous constaterez qu'on indique en petits caractères que la police ne s'applique pas dans des conditions de guerre. Je pense qu'on a modifié les polices pour tenir compte des actes terroristes et des actes commis dans des situations de quasi-guerre, de façon à ce que la protection ne s'applique pas dans de tels cas.

Le président: Nous allons, comme vous le proposez, poser la question aux spécialistes.

Aimeriez-vous, en terminant, faire quelques remarques de clôture?

M. Henwood: Sénateurs, j'ai préparé une sorte de résumé.

Sénateurs, merci une fois de plus de m'avoir accueilli aujourd'hui. En faisant part des préoccupations que m'inspire la conduite de la haute direction des Forces canadiennes, je ne veux pas me montrer exagérément critique, et je ne cherche pas non plus la confrontation. Le problème tient non pas aux gens, mais bien plutôt à la situation dans laquelle ils ont été mis. Pendant les années que j'ai passées en uniforme à servir fièrement à titre d'officier de carrière, j'ai eu le privilège de travailler sous les ordres de nombreux généraux remarquables, dont certains sont ici aujourd'hui à titre de membres de l'équipe venue m'appuyer.

Je suis certain que mes propos leur font mal.

Cela dit, je dois également insister sur l'existence d'une règle de deux poids, deux mesures dans la façon dont les Forces canadiennes traitent leurs blessés. La présence d'une norme pour les soldats et d'une autre pour les cadres supérieurs va à l'encontre de tout ce qu'on m'a appris au sujet du leadership militaire, à partir du 22 août 1976, à l'époque où j'étais jeune élève-officier au Collège militaire royal du Canada. Vous serez peut-être intéressé d'apprendre que le lieutenant colonel Pat Stogran, l'officier qui a admirablement commandé les soldats de notre pays en Afghanistan, était un de mes condisciples au CMR. Il a écrit un article pour Veritas, le magazine des anciens du Collège militaire royal du Canada, et j'aimerais vous en lire un passage.

Ce que j'ai appris au cours de ma carrière de chef de combat, c'est qu'un leader doit se connaître lui-même avant de pouvoir commander d'autres soldats, et que la grande qualité du leader consiste à reconnaître les points forts des personnes qu'il a sous ses ordres et à leur communiquer le désir de donner le meilleur d'eux-mêmes. La vie de soldat, c'est d'abord et avant tout une affaire de personnes, et j'attribue la réussite que le groupement tactique du 3PPCLI a obtenue jusqu'ici au cours de sa période de service en Afghanistan à la qualité des femmes et des hommes que j'ai commandés.

Depuis que je suis devenu le commandant du 3PPCLI, je n'ai jamais considéré le 3PPCLI comme «mon bataillon». Il s'agit plutôt de «notre» bataillon. Si le bataillon appartient à quiconque, c'est aux jeunes soldats qui serviront pendant de nombreuses années au sein de l'unité. Ici, en Afghanistan, mon objectif à titre de leader a été d'amener tous les membres du groupe tactique à s'approprier la mission, et ils ont relevé le défi avec brio.

J'ai vu de jeunes commandants de peloton diriger leurs troupes dans des missions d'attaque aérienne qui auraient pu leur coûter la vie, et ils l'ont fait avec le plus grand professionnalisme, avec enthousiasme et au mépris de leur sécurité personnelle. J'ai vu de nombreux commandants de section diriger des patrouilles de sécurité au milieu des champs de mines à l'aéroport de Kandahar, afin de déjouer un ennemi insaisissable, mais impitoyable. Nos Strathconas ont pendant près de six mois assuré la surveillance autour de notre périmètre, et nos sapeurs se sont occupés des tranchées.

Tous nos soldats — fusiliers, membres du personnel de soutien au combat ou éléments de manœuvre — ont contribué à la réussite que nous connaissons aujourd'hui.

C'est ce qu'a écrit le lieutenant colonel Stogran il y a environ huit mois. Les soldats sont le plus précieux outil de l'inventaire. À mes yeux, la lettre du lieutenant colonel Stogran dit tout. Au CMR, la première chose qu'on nous inculquait, c'est que nous étions tous dans le même bateau. En temps de guerre, les soldats vivent ou meurent ensemble. Je sais par expérience qu'ils feront tout pour des leaders qu'ils respectent et en qui ils ont confiance. Voilà pourquoi le lieutenant colonel Stogran et les soldats sous ses ordres ont fait ce qu'ils ont fait. Je pense que les Canadiens devraient en être fiers.

Cependant, à titre d'ancien combattant, je puis vous dire que je suis fermement convaincu qu'il est moralement inacceptable que les citoyens du Canada et la haute direction des Forces canadiennes exposent au danger de jeunes hommes et femmes portant l'uniforme de notre pays tout en sachant qu'on ne s'occupera pas d'eux comme il se doit en cas de malheur. Dans l'état actuel des choses, le fait est que les soldats victimes de blessures ou de lésions graves, ainsi que je l'ai déjà indiqué, n'ont pas droit à un traitement adéquat. C'est une tragédie nationale.

À titre de soldat professionnel, je pense qu'il est de mon devoir de faire part de mes préoccupations à ce sujet, d'informer les dirigeants de notre pays de ce qui doit être fait et de faire de mon mieux pour contribuer à l'amélioration de la situation. C'est le moins que nous puissions faire pour nos soldats, ceux d'hier, ceux d'aujourd'hui et ceux de demain. C'est ce que j'espère avoir accompli aujourd'hui. Je vous remercie.

Le président: Merci, major Henwood. Au nom de tous mes collègues, je tiens à vous dire que nous vous sommes très reconnaissants d'avoir comparu devant nous aujourd'hui.

Je pense qu'il est juste de dire que nous avons trouvé votre témoignage à la fois convaincant et émouvant, et je suis certain que nous allons tous tenir à suivre cette question jusqu'à son dénouement ultime et, nous l'espérons, heureux pour tous.

Nos prochains témoins d'aujourd'hui forment un groupe d'experts sur les dispositions relatives à l'assurance dans les secteurs privé et public. M. Richard Ranger, directeur des Finances au Sénat du Canada, nous fournira de l'information sur les dispositions relatives à l'assurance dont bénéficient les parlementaires et les fonctionnaires. M. Bernard Potvin est spécialiste des dispositions du régime d'assurance de la Défense nationale, et M. David Mogg nous entretiendra des prestations dans le secteur privé.

Je tiens à remercier les témoins de leur présence et de l'aide qu'ils nous apporteront dans un domaine qui ne nous est pas entièrement familier.

M. Richard Ranger, directeur des Finances, Sénat du Canada: Honorables sénateurs, on m'a demandé de venir ici ce matin pour vous parler des prestations dont bénéficieraient les parlementaires advenant la perte de deux membres. Dans l'éventualité d'une mutilation accidentelle, un sénateur recevrait les prestations fournies par le Régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique. Je crois que vous avez en main une copie de la brochure.

Le président: Vous dites «sénateur» mais la même chose s'applique-t-elle aux députés? Vous parlez d'un parlementaire?

M. Ranger: Oui. Le principal de cette assurance est de 250 000 $. Les prestations versées seraient en fonction des pertes subies, compte tenu du tableau des montants d'assurance. Dans le document que je vous ai fourni, ces montants sont mis en regard. En cas de perte des deux mains ou des deux pieds, le principal de 250 000 $ serait versé en entier.

M. David Mogg, March Forth Benefits: Merci de l'occasion qui m'est donnée d'être ici aujourd'hui. C'est une expérience que je n'oublierai pas de sitôt.

Dans le secteur privé, l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident (ADMA) est très populaire. Il s'agit en réalité d'une variation de la double indemnité prévue par les polices d'assurance-vie, mais cette assurance comporte une caractéristique additionnelle concernant la perte des bras ou des jambes.

Dans les régimes d'assurance collectifs, l'assurance-vie s'accompagne habituellement d'une assurance en cas de mutilation ou de décès accidentel. Si vous avez une assurance-vie collective de 25 000 $, le régime prévoit automatiquement un autre montant de 25 000 $ au titre de l'ADMA. Les prestations versées en cas de décès accidentel correspondraient à 100 p. 100 du montant. La perte d'un bras ou d'une jambe donnerait droit à 75 p. 100 des prestations prévues, celle des deux jambes, à 100 p. 100 de ce montant. La perte d'une main, d'un pied ou d'un œil, ou encore la perte de la parole, ouvrirait droit à 50 p. 100. On prévoit un barème descendant. En cas de quadriplégie — la perte de l'usage des deux bras et des deux jambes —, 100 p. 100 des prestations prévues seraient versées; dans le cas de paraplégie, on verserait 75 p. 100; en cas d'hémiplégie, ce serait 50 p. 100. En aucun cas ne paie-t-on plus que 100 p. 100 du montant prévu.

Habituellement, les montants prévus pour les personnes rémunérées à l'heure ou les employés syndiqués s'établissent à une fois la rémunération annuelle. Il s'agit d'un montant forfaitaire négocié inscrit dans la convention collective. En ce qui concerne les salariés, le montant correspond habituellement à deux fois la rémunération annuelle, même si des variations sont possibles. On prévoit un montant égal en cas de décès ou de mutilation par accident.

Il y a des exclusions, comme on vient tout juste de le mentionner. En cas de suicide ou de blessure auto-infligée, aucune prestation n'est payable aux termes de l'ADMA. En revanche, l'assurance-vie est payable. Dans les régimes, la guerre constitue une exclusion automatique. La participation à une émeute ou la perpétration d'une infraction criminelle sont aussi des exclusions. Dans de tels cas, les prestations d'ADMA ne seraient pas versées.

En ce qui concerne les employés qui se rendent à l'extérieur du Canada dans des secteurs où il y a un certain danger, on renonce souvent à l'exclusion qui s'applique en cas de guerre. L'Agence canadienne de développement international approuve la conception des régimes pour les employés de Petro-Canada et d'autres sociétés travaillant à l'étranger. On supprimera l'exclusion applicable en cas de guerre, mais on énumérera certains pays où la protection ne s'applique pas.

Mettons maintenant les coûts de l'ADMA en perspective. De façon générale, ils correspondent à 10 p. 100 des coûts de l'assurance-vie collective. On ne parle pas de sommes considérables.

Pour une famille bénéficiant d'une assurance collective pour la vie, l'invalidité, les soins médicaux et les soins dentaires, le coût annuel serait d'environ 4 000 $. Le coût pour 100 000 $ d'ADMA serait de 1 p. 100 de ce total, soit environ 40 $ par année — avec l'exclusion en cas de guerre. Si on retire l'exclusion en cas de guerre, le prix varie.

Le prix de l'ADMA tient compte de la profession. Pour cette prestation, les pilotes de brousse paient davantage que les postiers. On ne tient pas compte des antécédents: même si vous avez présenté de nombreuses réclamations, les taux demeurent les mêmes, compte tenu de la tarification applicable à votre profession. Dans un groupe comme celui que forment les fonctionnaires fédéraux ou les Forces armées, il est possible qu'on tienne compte des antécédents, selon la façon dont le régime a été conçu et souscrit par l'assureur.

De nos jours, les régimes d'assurance tendent à comporter un plus grand nombre d'options. Il existe aussi des régimes flexibles. L'assurance-vie de base, soit deux fois le salaire annuel, peut s'assortir d'un volet facultatif permettant d'acheter une assurance-vie additionnelle à titre d'employé de même qu'une protection pour son conjoint et ses enfants. Si l'on tient compte du fait qu'on peut aussi souscrire un régime volontaire d'ADMA, les montants versés peuvent atteindre 250 000 $, parfois davantage.

On peut également faire bénéficier les membres de sa famille d'un tel régime. On peut par exemple s'assurer soi- même pour 100 000 $ et, compte tenu d'un barème, obtenir une protection de 60 p. 100 ou de 75 p. 100 pour son conjoint, puis de 25 p. 100 pour ses enfants. Il s'agit de prestations populaires. Les gens ont parfois l'impression de doubler leur assurance ou d'obtenir une protection à bon marché. Si elle est bon marché, c'est parce qu'elle la plupart des gens ne meurent pas accidentellement; ils meurent de causes naturelles.

Outre l'ADMA de base — environ deux fois le salaire —, il y a l'ADMA volontaire. Pour les employés qui voyagent pour le compte de la société ou les cadres supérieurs, de nombreux employeurs souscrivent un régime d'assurance- déplacement, qui constitue en réalité un régime d'ADMA adapté aux besoins de groupes de personnes précis. Il peut s'agir de 100 000 $, 400 000 $ ou plus. Le taux est fonction du nombre de journées que l'intéressé passe en déplacement. Si vous vous rendez régulièrement à l'extérieur du Canada, la compagnie d'assurance en tiendrait compte, et vous paieriez la prime appropriée.

Si, à titre d'exemple, vous avez une assurance-vie de base de 100 000 $, une assurance-vie facultative de 200 000 $, et une assurance-déplacement de 200 000 $, vous bénéficieriez de 500 000 $ au titre de l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident. Si on conçoit un régime fondé sur les besoins du groupe, on pourrait soutenir que l'ADMA n'a pas vraiment sa place. Si un employé meurt, le conjoint à charge aura de toute façon besoin d'un certain montant. Pourtant, on continue d'avoir la perception qu'un décès ou une mutilation par accident constitue un événement tout à fait inattendu qui vous prend par surprise et qu'il y aura des dépenses additionnelles.

Bref, il s'agit d'une assurance peu coûteuse. Elle est plutôt populaire. En y souscrivant, l'employeur apaise sa conscience, au cas où l'employé mourrait pendant un déplacement. On peut y ajouter des prestations pour le conjoint. C'est facultatif. Vous avez tout lieu de vous féliciter de votre protection actuelle. Elle semble répondre à certains des besoins perçus. Cette assurance demeure populaire et fera partie des régimes flexibles à venir.

M. Bernard Potvin, Mercer, Consultation en ressources humaines: Honorables sénateurs, je tiens à préciser d'entrée de jeu que je m'exprime en mon nom personnel. Nous ne prétendons certainement pas être des porte-parole du RARM, même si notre société a, au fil des ans, fourni des services de consultation au régime. Il serait probablement utile pour les membres du comité d'entendre un cadre supérieur du RARM. Nous connaissons le régime, et on nous a demandé de présenter un bref exposé à son sujet. Je crois que notre document vous a été remis.

Dans ces quelques pages, vous trouverez un bref historique du RARM, qui a été créé en 1969. Il a pour but d'assurer aux membres des Forces canadiennes une assurance-vie et une protection du revenu en cas d'invalidité. On l'a créé en réponse au manque perçu de protection pour les membres. Au départ, il s'agissait d'une entité à fonds non publics, entièrement financée par les membres des forces armées. Quelques années plus tard, on a injecté quelques fonds publics dans le régime par l'entremise du Conseil du Trésor du Canada. Depuis, on a élargi le régime pour y ajouter un certain nombre d'autres services financiers à l'intention des membres des Forces canadiennes, de leurs personnes à charge et des membres à la retraite. On pense par exemple à la planification financière, au counselling, à l'éducation et à d'autres services offerts par l'intermédiaire de la Caisse d'assistance au personnel des Forces canadiennes. Depuis 1996, le RARM constitue une division de l'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes.

À la page 3 du document, vous trouverez un aperçu des principales caractéristiques de l'assurance offerte en vertu du RARM. On indique les prestations prévues pour les membres réguliers, les réservistes et les ex-membres des Forces canadiennes. En vertu des régimes d'invalidité prolongée, on assure une certaine protection du revenu. On offre aux membres des Forces canadiennes une assurance-vie facultative. L'assurance-vie temporaire collective facultative est offerte aux membres réguliers. Le régime d'assurance-vie temporaire de la Réserve s'adresse aux réservistes. Quant à la protection après la libération, elle est destinée, comme son nom l'indique, aux membres après leur libération des forces. En outre, le Régime d'assurance des officiers généraux protège les cadres supérieurs des Forces armées, les colonels et les généraux.

À la page 4 du document, je présente l'assurance-invalidité prolongée. Il s'agit d'un régime de remplacement du revenu. La caractéristique a son importance. L'assurance en question vise à assurer le remplacement du revenu perdu en raison d'une invalidité. C'est le principal objectif du régime.

Ce dernier est financé à 85 p. 100 par le gouvernement du Canada par l'entremise du Conseil du Trésor et à 15 p. 100 par les membres des Forces canadiennes. En ce qui concerne les colonels et les généraux, le gouvernement du Canada finance le régime à 100 p. 100. Le niveau de prestations est fixé à 75 p. 100 de la solde au moment de la libération imputable à une invalidité. Ainsi, un membre des Forces canadiennes démobilisé par suite d'une invalidité aura droit au remplacement de 75 p. 100 de sa solde mensuelle.

L'élément suivant est l'assurance-invalidité prolongée. Cette protection est intégrée aux prestations payables en vertu de la Loi sur la pension de retraite des Forces canadiennes — qui constitue essentiellement le régime de pension de retraite des membres des Forces canadiennes —, le Régime de pensions du Canada et la Loi sur les pensions. La Loi sur les pensions prévoit une pension d'invalidité pour les membres des Forces canadiennes blessés en service.

L'intégration est telle que les prestations totales payées par l'ensemble de ces sources correspondent à 75 p. 100 de la solde. La mesure est tout à fait conforme à ce qu'on retrouve dans l'ensemble des autres régimes des secteurs public ou privé. La plupart des régimes d'invalidité prolongée s'intégreront à d'autres sources de revenu pour veiller à ce que votre revenu total corresponde à l'objectif — 75 p. 100 dans le cas présent. Ce niveau de prestations et les aspects touchant l'intégration correspondent à ce qu'on fait dans d'autres régimes. En fait, les dispositions sont peut-être un peu plus généreuses que celles qu'on retrouve dans d'autres régimes, où on peut ne remplacer que 65 ou 70 p. 100 du revenu.

En vertu du régime d'assurance-invalidité prolongée, on prévoit également une prestation en cas de mutilation. Une fois de plus, il s'agit d'une prestation de remplacement du revenu, intégrée elle aussi aux autres régimes.

À la page 5, on illustre les prestations d'assurance-vie facultative. Comme je l'ai indiqué auparavant, il en existe trois types, selon qu'on est membre régulier, réserviste ou retraité. Essentiellement, il s'agit d'un montant forfaitaire payable au moment du décès de l'assuré. Dans ce cas, le coût est entièrement à la charge des membres. Le Conseil du Trésor n'apporte aucune contribution. On peut se procurer une assurance facultative jusqu'à concurrence de 400 000 $.

Enfin, il y a le Régime d'assurance des officiers généraux, qui fournit une assurance-vie additionnelle et une assurance additionnelle en cas de décès ou de mutilation par accident aux officiers supérieurs des Forces canadiennes, à partir du grade de colonel. Le Conseil du Trésor assume les coûts de l'assurance-vie de base et de l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident. Les membres acquittent les coûts du régime d'assurance-vie facultative additionnelle.

Cette protection se compare à celle qu'on offre aux cadres supérieurs de la fonction publique. En fait, le type de protection assuré relève du Conseil du Trésor. Toute modification du régime exigerait l'approbation du Conseil du Trésor. En un sens, le RARM administre le régime et le régime d'assurance-invalidité prolongée au nom du gouvernement du Canada.

Le sénateur Wiebe: Ma première question porte sur la perte des deux jambes. Si je comprends bien le régime actuel, un parlementaire recevrait 250 000 $ pour la perte de ses deux jambes.

Plus tôt aujourd'hui, nous avons entendu le major Henwood. D'autres militaires et lui avaient l'impression que, au cas où ils subiraient un accident comparable, ils recevraient un principal. Il a ajouté que l'un des représentants du RARM avait déclaré dans l'une des bases que le major Henwood avait touché 300 000 $ à titre d'indemnisation pour la perte subie. Malheureusement, ce n'est pas le cas.

Y a-t-il dans le régime d'assurance des parlementaires des petits caractères qui auraient pour effet d'empêcher l'intéressé de toucher les 250 000 $ prévus s'il perdait ses deux jambes?

M. Ranger: L'«intéressé» étant un parlementaire?

Le sénateur Wiebe: Oui.

M. Ranger: Je n'ai pas lu la police d'assurance. J'ai consulté le dépliant. Je ne suis pas au courant de l'existence d'éventuels petits caractères.

Le sénateur Wiebe: Ce qui ressort de tout cela, c'est qu'un bon nombre de nos militaires n'étaient pas au courant de l'existence de ces petits caractères, du moins jusqu'au jour où ils en ont fait le constat brutal. Je pense qu'il s'agit d'une question très importante que les parlementaires devraient se poser, comme les membres de nos forces se la posent assurément aujourd'hui.

À la lumière de votre survol du RARM du point de vue de l'assurance-invalidité prolongée, monsieur Potvin, j'ai cru comprendre que le régime ne prévoit essentiellement aucune indemnisation en cas de perte d'un membre, d'une jambe, d'un bras ou d'autre chose; on ne verse qu'un montant qui remplace la solde?

M. Potvin: C'est exact, oui.

Le sénateur Wiebe: Par conséquent, si la perte d'un membre devait être assurée, il s'agirait d'un service tout nouveau pour l'armée?

M. Potvin: Si on versait un montant forfaitaire, il s'agirait d'un nouveau type de protection pour les membres réguliers et les réservistes.

Le sénateur Wiebe: Ma question suivante s'adresse aux trois témoins. Elle est probablement injuste. Cependant, pouvez-vous nous donner une idée approximative de ce qu'il en coûterait pour assurer ce genre de protection à nos militaires?

M. Potvin: Je pense que c'est faisable. Il est difficile de répondre à une question comme celle-là, mais on pourrait probablement parvenir à une estimation. On doit cependant tenir compte de la nature particulière du travail dans les Forces canadiennes. Nous devrions d'abord nous assurer qu'il est possible d'obtenir une telle protection par l'entremise d'une compagnie d'assurance, si c'est ce qu'on souhaite faire. Dans de nombreux cas, les prestations en cas de mutilation ou de décès par accident excluent le paiement pour des blessures subies en raison d'une guerre. Si, en revanche, l'intention n'est que de protéger les membres des Forces canadiennes blessés en service, on devrait probablement envisager de le faire dans le contexte des prestations prévues par la Loi sur les pensions, qui prévoit le versement d'indemnités aux membres des Forces canadiennes blessés en service.

Enfin, nous devons tenir compte de l'indemnisation totale qui serait versée à la suite de la mutilation — il pourrait s'agir d'une forme de remplacement du revenu ou d'un montant forfaitaire — pour nous assurer qu'elle est appropriée. Il faudrait revoir toutes les formes d'indemnisation prévues.

Le sénateur Wiebe: Monsieur Mogg, souhaitez-vous nous donner une idée approximative de ce qu'une telle protection coûterait?

M. Mogg: Je n'en sais rien. Si on décide d'offrir une telle protection, il faudra supprimer l'exclusion. Comme M. Potvin l'a indiqué, une telle mesure a un coût. Je ne crois pas que nous ayons affaire à des sommes astronomiques. La prestation en soi n'est pas coûteuse. Il y aurait un grand nombre de personnes assurées, et pourtant, comme je l'ai mentionné plus tôt, il n'y a qu'une douzaine de personnes dans cette situation. Le fardeau financier ne serait pas énorme, même si on envisageait une certaine forme d'auto-assurance.

Quant à l'intégration à d'autres prestations, je pense qu'on aurait intérêt à examiner l'ensemble des protections offertes plutôt qu'une seule prestation de façon isolée. On a tendance à intégrer les prestations de ce genre à celles qui sont versées en cas d'invalidité prolongée.

Le sénateur Day: Si on voulait déterminer le coût approximatif d'une telle mesure, tiendrait-on compte de l'historique des réclamations et du fait que seulement une douzaine de personnes seraient concernées? Serait-ce un facteur qu'il faudrait prendre en compte?

M. Mogg: Habituellement, un régime comme celui-là ne tient pas compte des antécédents. Dans le contexte actuel, cependant, on prendrait ce facteur en considération.

Le sénateur Wiebe: Monsieur Potvin, le Régime d'assurance des officiers généraux, qui constitue un régime distinct destiné aux officiers à partir du grade de colonel, comporte-t-il, en cas de perte des deux jambes, par exemple, des prestations qui se comparent à celles dont bénéficieraient les parlementaires?

M. Potvin: Je ne connais pas bien le régime qui s'applique aux parlementaires. Cependant, il y a un régime dans lequel on prévoit les cas de mutilation et de décès par accident pour les officiers généraux des Forces armées canadiennes. Le montant payable peut s'élever jusqu'à 250 000 $, selon la nature de la mutilation. Le régime est conforme à ce qu'on retrouve dans d'autres secteurs de la fonction publique. De la même façon, la GRC offre un régime comparable à ses hauts gradés.

Le sénateur Wiebe: Voilà qui m'inspire une autre question, qui sera ma dernière.

Prenons le cas du major Henwood qui, comme vous le savez, a perdu ses deux jambes sous le genou. S'il avait été colonel, au lieu de major, aurait-il reçu la somme de 250 000 $?

M. Potvin: Oui.

Le sénateur Kenny: La notion d'intégration me donne du fil à retordre. Monsieur Ranger, dans l'hypothèse où un parlementaire perdrait ses membres, le montant de 250 000 $ serait-il intégré à autre chose?

M. Ranger: Non. C'est un versement forfaitaire.

Le sénateur Kenny: Monsieur Potvin et monsieur Mogg, vous avez tous les deux, à des degrés divers, défendu l'intégration des prestations, qui constituerait une bonne idée. J'ai beau me creuser la tête, je ne vois pas en quoi ce serait une bonne idée. Si vous avez cotisé à une caisse de retraite pendant une période donnée, vous avez gagné cette pension. Vous y avez droit. Pourquoi est-ce une bonne idée d'intégrer les sommes auxquelles j'ai droit au montant que je recevrai si je perds mes jambes? Y a-t-il un détail qui m'a échappé?

M. Potvin: La première chose à dire, c'est que le régime dont il est ici question, le régime d'assurance-invalidité prolongée, est un régime de remplacement du revenu.

Le sénateur Kenny: Cela, je le comprends. Si vous prenez votre retraite et que vous avez droit à une pension de retraite, vous touchez 75 p. 100 de votre revenu, ce qui paraît juste. Cependant, si vous prenez votre retraite sans vos jambes, une pension correspondant à 75 p. 100 de votre revenu ne paraît plus si attrayante. Vous faites face à toutes sortes d'obstacles qui vous rendent la vie difficile, et peut-être souhaitez-vous obtenir 100 p. 100 ou même 125 p. 100 de votre revenu. Je comprendrais une approche fondée sur le cumul, mais le sens d'une approche fondée sur l'intégration m'échappe tout à fait.

M. Potvin: Peut-être est-il important d'établir une distinction entre les deux choses. Si une prestation est payable à titre de remplacement du revenu et que vous acceptez le principe du remplacement du revenu, vous ne devriez remplacer que le revenu. Voilà pourquoi les prestations sont intégrées. C'est la même chose partout au sein de l'industrie, qu'il s'agisse d'un régime privé ou d'un régime public. Si vous devenez invalide et que votre revenu est remplacé par suite de cette invalidité, on intégrera toutes les sources de revenu pour ne remplacer que la portion du revenu applicable.

Si on juge important d'offrir des prestations additionnelles payables en raison de la nature de l'invalidité — dans ce cas-ci, une mutilation —, la prestation additionnelle en question ne devrait probablement pas être intégrée. Partant, la question qui se pose est la suivante: quelle portion d'une prestation éventuellement payable pourrait être considérée comme un remplacement du revenu et quelle portion pourrait être considérée comme une indemnité pour perte de jouissance de la vie? Dans les pensions d'invalidité payables aux termes de la Loi sur les pensions, on n'établit hélas pas nécessairement de distinction entre le remplacement du revenu et la perte de la jouissance de la vie. Il s'agit d'une question à laquelle on devrait peut-être s'intéresser.

Le sénateur Kenny: Il ne s'agit même pas d'un remplacement du revenu. On ne remplace que les trois quarts du revenu.

M. Potvin: Dans le cas du RARM, on remplace effectivement les trois quarts du revenu.

Le sénateur Kenny: Ce n'est pas un véritable remplacement du revenu. Il manque 25 p. 100.

M. Potvin: Vous avez raison. Une fois de plus, il s'agit d'une pratique courante au sein de l'industrie. La plupart des régimes de remplacement du revenu qui sont aussi des régimes d'assurance-invalidité remplacent de 60 à 75 p. 100 du revenu. Dans la plupart des régimes, on ne remplace pas le revenu en entier.

Le sénateur Kenny: Ça ne signifie pas que ce soit juste, n'est-ce pas?

M. Potvin: Je ne peux pas me prononcer à ce sujet. Tout ce que je puis vous dire, c'est qu'il s'agit de la norme au sein de l'industrie.

Le sénateur Kenny: Lorsqu'il s'agit d'établir le remplacement du revenu d'une personne dont la carrière a pris fin de façon inopportune à la suite de blessures, on fonde le calcul sur un montant nettement inférieur à celui auquel l'intéressé aurait eu droit s'il avait pu travailler pendant une décennie de plus. Le chiffre de 75 p. 100, si on l'établissait à la fin de la carrière de l'intéressé, pourrait être sensiblement différent. Si, en revanche, on l'établit dix ou 15 ans trop tôt, il est nettement réduit, et pourtant l'intéressé doit s'en contenter jusqu'à la fin de ses jours.

M. Potvin: C'est exact. Les prestations d'assurance-invalidité prolongée sont jusqu'à un certain point indexées. Cependant, vous avez raison. Il ne s'agit pas du même montant que celui que toucherait une personne faisant carrière dans les Forces armées. Vous avez tout à fait raison.

Le sénateur Kenny: Je vous oblige peut-être à porter un jugement de valeur, mais ne voyez-vous pas un élément d'injustice dans tout cela?

M. Potvin: En ce qui concerne le remplacement du revenu en cours d'invalidité, on doit, je suppose, tenir compte de ce qui se fait ailleurs, par exemple, de la question de savoir s'il s'agit d'un régime d'assurance-invalidité privé ou public, du calcul du remplacement qui a été fait au moment de l'invalidité et, dans certains cas, de l'indexation des prestations. Cependant, ce n'est pas toujours le cas. Dans certains régimes, on ne prévoit pas l'indexation des prestations.

Le président: N'est-il pas exact de dire que la plupart des régimes, s'ils remplacent, comme vous l'avez dit, de 65 à 75 p. 100 du revenu, prévoient le versement d'un montant forfaitaire en cas de mutilation? D'une certaine façon, ne pourrait-on pas dire qu'il s'agit d'une disposition qui indemnise l'intéressé pour la rémunération future qu'il ne pourra pas toucher en raison de la mutilation dont il a été victime et du fait qu'il ne pourra pas gagner autant que s'il n'avait pas subi d'accident?

M. Potvin: Quelques régimes comportent de telles dispositions. Normalement, on passe plutôt par un régime distinct et non pas par un régime d'assurance-invalidité prolongée, qui constitue un régime de remplacement du revenu. Quelques organismes offrent une protection en cas de mutilation ou de décès par accident. Aux termes de ces régimes, on verse un montant forfaitaire en cas de mutilation. Il est certain que tous les employeurs n'assurent pas une telle protection, mais environ 60 p. 100 d'entre eux offrent des régimes de ce genre.

À l'heure actuelle, ce n'est pas la majorité des employés de la fonction publique qui bénéficient de prestations. L'indemnisation et les prestations sont conformes à celles que prévoit le régime de la fonction publique, ce qui explique peut-être en partie le fait que les membres des Forces armées canadiennes ne bénéficient pas d'une protection de la sorte.

Lorsqu'on compare les régimes offerts en marge des Forces canadiennes, le fait que les prestations en cas de mutilation sont offertes par l'entremise de régimes d'indemnisation des travailleurs constitue un autre aspect important. On peut établir un bref parallèle entre les prestations d'indemnisation des travailleurs et la Loi sur les pensions, qui porte sur les blessures subies en service. Si, une fois de plus, on décide d'assurer une telle protection aux Forces armées canadiennes, la question est de savoir si les prestations devraient passer par la Loi sur les pensions, en particulier si l'intention première est de prémunir les intéressés contre des blessures subies en service.

Le président: Du moins si on fait abstraction du fait que les hauts gradés, à partir du grade de colonel, bénéficient de sa protection. Monsieur Mogg, seriez-vous d'accord, étant donné qu'on a réussi à le faire pour les hauts gradés, avec le chiffre de 60 p. 100 avancé par M. Potvin?

M. Mogg: Ce serait pour l'invalidité prolongée. Certaines de ces prestations sont non imposables. Compte tenu du calcul fiscal, on est beaucoup plus près.

On a mentionné mon nom dans le contexte de la discussion au sujet de l'intégration. J'aimerais revenir sur cette question parce qu'elle me chicote. Les prestations versées dans le cas de mutilation ou de décès par accident dans le secteur privé ne sont jamais intégrées à d'autres prestations; il s'agit du versement d'un montant forfaitaire. Je suis d'accord avec vos observations.

En ce qui concerne l'intégration, le major Henwood a fait référence au fait qu'on déduisait de sa pension de retraite la pension complète du RPC. La même chose s'applique aux prestations pour les personnes à charge.

M. Potvin: En ce qui concerne l'assurance-invalidité prolongée, je pense qu'il s'agit des prestations d'invalidité principales du RPC, lesquelles ne comprennent pas les personnes à charge.

M. Mogg: J'avais pensé qu'il était pénalisé par le fait qu'il avait trois enfants, ce avec quoi je ne serais pas d'accord — cette forme d'intégration. Les prestations principales devraient être payables à l'intéressé et non pas payables parce qu'il a un conjoint ou des enfants à charge.

Le sénateur Kenny: Nous avons eu l'impression qu'il était pénalisé parce qu'il avait des personnes à charge.

M. Mogg: C'est ce que je me suis dit, moi aussi.

Le président: Pour aboutir à 75 p. 100 de sa rémunération, on a tenu compte d'autres pensions auxquelles il avait droit en raison de son statut de major, du fait qu'il avait trois enfants et qu'il était marié.

Le sénateur Day: Ces prestations étaient prévues par la Loi sur les pensions, par exemple, et c'est ce qui a fait qu'il n'a pas touché de prestations du RARM.

Le sénateur Kenny: Il s'est donc doublement fait avoir.

Monsieur Mogg, qui décide ce qu'est une «guerre» dans le jargon de l'assurance?

M. Mogg: Je n'en suis pas absolument certain. Cependant, on trouve des définitions juridiques d'«insurrection» et de «conflit civil». Cependant, je ne suis pas certain des définitions précises. Je ne sais pas où on établit la distinction par rapport à la définition de «guerre».

Le sénateur Kenny: Qu'en est-il des soldats qui se rendent outre-mer? Certains pays sont-ils considérés comme des zones de guerre? Si vous êtes le bénéficiaire éventuel d'une police d'assurance, la question de savoir ce qui est et n'est pas une guerre me semble l'élément clé.

M. Potvin: De façon générale, il y a des pays ou des régions qui se sont désignés comme zones de guerre. Si, essentiellement, la police renferme une exclusion en cas de guerre, cette dernière s'appliquera si l'intéressé se trouve dans une telle région.

Le sénateur Kenny: De façon générale, envoie-t-on à tous les bénéficiaires un avis les informant du fait qu'une région a été déclarée zone de guerre et que, par conséquent, ils devraient éviter de s'y rendre et que, s'ils choisissent de le faire malgré tout, ils devraient prendre des précautions particulières?

M. Potvin: En ce qui concerne les membres des Forces armées canadiennes, les exclusions en cas de guerre s'accompagnent souvent d'une exclusion générale pour les personnes qui effectuent de fait des activités militaires. Dans certains cas, tout dépendra de savoir s'il s'agit d'une zone de guerre désignée.

Le sénateur Kenny: Dans le cas présent, on a affaire à un observateur de l'ONU affecté à une région pour observer une situation en mutation rapide. Ma question est la suivante: a-t-on l'habitude d'informer les bénéficiaires des régions du monde où leur protection ne s'applique pas?

M. Potvin: Faites-vous référence au RARM en particulier?

Le sénateur Kenny: Dans un premier temps, oui, puis je vais élargir la question: comment sait-on que l'assurance ne s'applique pas — qu'il s'agisse du RARM ou d'autres polices d'assurance-vie?

M. Potvin: La protection offerte par le RARM contient des dispositions telles qu'il n'y aurait pas d'exclusion en cas de guerre.

Le sénateur Kenny: Essentiellement, un soldat peut aller n'importe où et être protégé?

M. Potvin: Exactement.

Le sénateur Kenny: Du point de vue d'autres polices, comment s'y prend-on de façon générale pour savoir s'il y aura une exclusion pour un quelconque cas de force majeure, une calamité naturelle ou une guerre?

M. Mogg: La police renferme trois ou quatre exclusions standard. Je reviens à mon exemple des pilotes de brousse. Si la police comprenait une exclusion applicable aux personnes qui «volent à titre de membres d'un équipage», il faudrait informer les pilotes de brousse du fait qu'ils ne sont pas protégés lorsqu'ils sont dans les airs.

Le sénateur Kenny: Si, par exemple, j'avais souscrit une police d'assurance-vie temporaire et que je me rendais aujourd'hui en Bosnie, devrais-je m'attendre à ce que mon agent me fasse parvenir une lettre m'indiquant que j'aurais intérêt à ne pas me rendre en Bosnie si je souhaite que ma police d'assurance-vie temporaire demeure en vigueur? Est-ce moi qui dois téléphoner à mon agent pour lui demander si, en Bosnie, je serai toujours protégé?

M. Mogg: À tort ou à raison, on tient généralement pour acquis, me semble-t-il, que vous avez lu le livret et que vous comprenez les prestations.

Le sénateur Kenny: Je l'ai fait, et on dit que je ne dois pas me rendre dans des zones de guerre. Cependant, comment puis-je savoir ce que l'agent d'assurance ou la compagnie d'assurance considère comme une zone de guerre?

M. Mogg: Je ne suis pas certain de la réponse à cette question.

Le sénateur Kenny: Pour les fins de la question, je tiens pour acquis que la police précise qu'elle ne s'applique pas si le bénéficiaire se rend dans une zone de guerre. Cela, je le conçois. Si j'ai bien compris ce qu'ont dit nos experts un peu plus tôt, les compagnies d'assurance désignent de nouvelles zones de guerre au gré des situations. Tel ou tel pays peut être considéré comme une zone de guerre un mois donné, mais plus comme une zone de guerre le mois suivant, selon l'évaluation de la compagnie d'assurance. Ai-je raison?

M. Mogg: Oui.

Le sénateur Kenny: Comment, dans ce cas, le bénéficiaire sait-il normalement que les compagnies d'assurance ont porté tel ou tel jugement?

M. Mogg: Ce que je crois comprendre, c'est que le titulaire de la police — en l'occurrence, l'employeur — serait mis au courant. Si, par conséquent, des employés étaient envoyés dans une certaine région du monde, les intéressés sauraient d'avance que la politique ne s'appliquerait pas dans telle ou telle région. Ainsi, ce serait au parrain du régime qu'il incomberait d'informer les membres du régime. Ce serait la voie de communication logique.

Le sénateur Kenny: Si on ne vous avait pas informé, vous tiendriez donc pour acquis que tout va bien et que vous pouvez aller où on vous envoie. Vous auriez là un argument.

M. Mogg: Oui, peut-être.

Le sénateur Kenny: Pendant un moment, le comité s'est demandé combien il en coûterait d'assurer une telle protection. Il est peu probable que nous nous retrouvions un jour avec 10 p. 100 des Forces armées canadiennes qui courent des dangers par rapport à 90 p. 100 qui n'en courraient pas. Il y a longtemps que le Canada n'a pas été en guerre. À l'heure actuelle, nous avons connaissance de 12 cas. Il est déraisonnable de vous demander d'effectuer un calcul actuariel pendant que vous êtes assis là, mais comment pourrions-nous nous y prendre pour obtenir une idée des coûts en jeu?

M. Mogg: Il suffirait de vous adresser à votre cabinet d'experts-conseils qui, selon toute vraisemblance, s'adresserait lui-même aux compagnies d'assurance qui offrent ce genre de protection. Il négocierait ensuite un prix en votre nom.

Le sénateur Kenny: Y a-t-il des compagnies d'assurance qui assurent les soldats dépêchés dans des zones de combat?

M. Mogg: Je n'ai pas la réponse à cette question précise.

Le sénateur Kenny: Quelqu'un connaît-il la réponse à cette question?

M. Potvin: À l'heure actuelle, les membres des Forces armées canadiennes visés par le RARM sont assurés pour...

Le sénateur Kenny: ... le maintien du revenu.

M. Potvin: Le RARM assure le maintien du revenu, mais prévoit aussi des prestations d'assurance-vie pour les membres.

Le sénateur Kenny: Au sein d'une entité de la taille du gouvernement du Canada, on pourrait aussi considérer l'auto- assurance comme une possibilité. C'est peut-être l'option la moins coûteuse.

M. Potvin: C'est certainement une possibilité. On pourrait à tout le moins obtenir une garantie selon laquelle le gouvernement du Canada, en cas de perte financière majeure, assurerait une forme de réassurance. Ce type d'arrangement serait certainement utile.

Le président: Par exemple pourrions-nous savoir combien coûtent les paiements en cas de mutilation pour les gradés à partir du grade de colonel?

Le sénateur Kenny: Je suis certain que cette protection est offerte par une compagnie d'assurance.

M. Potvin: Effectivement, oui.

Le sénateur Kenny: Est-ce le ministère de la Défense nationale qui acquitte la prime?

M. Potvin: Oui. Le Conseil du Trésor rembourse la prime versée par le ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Kenny: Pour que tout soit très clair, le Conseil du Trésor ne paie absolument rien. Il émet par exemple le chèque, mais l'argent provient du budget de la défense, n'est-ce pas?

M. Potvin: Je n'en suis pas certain.

Le sénateur Kenny: Qu'en est-il du Sénat, monsieur Ranger? Pouvez-vous nous dire d'où vient l'argent pour le Sénat?

M. Ranger: Chaque ministère dispose de crédits législatifs utilisés pour le paiement des avantages sociaux des employés, y compris l'assurance.

Le sénateur Kenny: Serait-on fondé à penser que, dans ce cas-ci, l'argent vient du budget de la défense?

M. Ranger: Oui.

Le sénateur Kenny: Le Conseil du Trésor s'assure que les règles sont bien suivies.

M. Ranger: Le Conseil du Trésor facture les divers ministères.

Le sénateur Forrestall: J'ai du mal à comprendre pourquoi personne n'a encore utilisé l'expression «zone de service spécial». Comment peut-on offrir un programme d'aide aussi vaste sans comprendre les rudiments du processus? L'expression «zone de service spécial» correspond à la définition de zone de guerre, mais on procède par décret: on évite ainsi que toute personne en service à l'étranger se trouve dans ce qu'on considère comme une zone de guerre. Franchement, si vous portez un uniforme et qu'on vous tire dessus, vous êtes dans une zone de guerre, du moins en ce qui me concerne.

Je vais lire ce que le gouvernement dit à ce sujet parce que la question me semble relativement importante. J'ai interrogé la leader du gouvernement au Sénat en ce qui concerne la nature précise de cette définition. Je cite les Débats du Sénat du 19 mars 2002. Ma question était la suivante: «Elle concerne la nature précise du déploiement des Forces canadiennes en Afghanistan et plus généralement dans le cadre de l'opération Apollo.» Cette question avait trait à la définition de la région. Elle n'a pas été en mesure de me répondre. Je cite de nouveau:

Je croyais que le décret couvrait ce sujet. C'est un sujet particulièrement restreint, bien qu'il ne le soit pas pour ceux et celles qui seraient admissibles à ces prestations. À mon avis, toutefois, le décret ne couvre pas nécessairement ce sujet.

Il s'agit d'une observation et d'un commentaire très sérieux. En d'autres termes, nous allons régler le problème ou nous n'allons pas le faire. S'il y a un décret, c'est bien. S'il n'y en a pas, nous allons revenir en arrière et en prendre un de façon rétroactive. Nous exposons des hommes et des femmes à des risques avec en plus cette éventualité qui leur pend au bout du nez. Je fais référence à l'application des règles très strictes en vertu desquelles les polices d'assurance sont en vigueur.

Il y a une différence. En ce qui concerne les blessures subies par un militaire dans une zone de guerre et l'indemnisation, on applique des règles moins strictes en ce qui a trait à la preuve que dans d'autres circonstances. On peut penser que le soldat qui se fait tirer dessus est plus susceptible d'être blessé que le gratte-papier qui travail au QG de la Défense nationale.

Ne connaissez-vous pas, monsieur Potvin, la définition de ce qu'est une «zone d'intérêt»? Ne serait-ce pas la définition que le secteur privé adopterait à ses propres fins?

M. Potvin: Ce que je retiens de la question initiale, c'est que vous voulez savoir comment l'industrie au sens large définit une zone de guerre par rapport à quelqu'un qui sert dans l'armée. Vous avez fait référence aux zones de service spécial. Ce que je crois comprendre, c'est qu'il s'agit d'une notion utilisée dans le cadre de la Loi sur les pensions, par exemple. En ce qui concerne les prestations du RARM, qu'un accident ou une blessure survienne dans une zone de service spécial ou non, les prestations sont pour l'essentiel les mêmes. La distinction est surtout utile aux fins des prestations de la Loi sur les pensions.

Le sénateur Forrestall: Très bien, nous allons revenir sur cette question avec les représentants du ministère eux- mêmes.

Je reviens à la préoccupation exprimée par le sénateur Kenny, à laquelle je vais consacrer ma question supplémentaire. Il y a un détail qui me chicote: le témoin manifestement intelligent et en bonne santé que nous avons entendu ce matin aurait préféré demeurer en poste pour terminer son contrat. Cependant, à la suite des procédures correctives effectuées à l'époque de l'accident, il n'a pu monter naturellement en grade. S'il était devenu général ou colonel, aurait-il pu, à tire rétroactif, dire qu'on lui avait fait sauter les jambes et demander une indemnisation? Pour ma part, je ne voudrais pas devoir dire non et défendre cette position devant un tribunal.

Dans ce cas, je pense qu'il a fait ses calculs lui-même puisqu'il a fait état de perte de revenu éventuelle de plus de 2 millions de dollars. Imaginons qu'il ait progressé normalement jusqu'au grade de lieutenant colonel. Les prestations de 75 p. 100 de la solde qu'il touchait au moment de l'accident, pendant qu'il était major, sont bien loin de compenser la perte de rémunération subie. On a affaire à un homme jeune qui a des enfants qui vont faire des études universitaires, et son revenu est gelé à 75 p. 100 d'une rémunération réduite, et non à 75 p. 100 de la somme que nous lui aurions volontiers allouée s'il était demeuré en poste ou qu'il n'avait pas été blessé. Comment protégeons-nous nos hommes et nos femmes contre ce genre d'anomalie? Les sommes que de telles situations nous ont coûtées paraissent insignifiantes en regard de la bonne volonté et du bien-être des hommes et des femmes qui font partie des Forces armées canadiennes. Quelqu'un a dit que cela avait coûté dix millions de dollars. Pour ma part, je n'arrive pas à croire que 12 personnes ont obtenu dix ou 12 millions de dollars. C'est une rémunération assez généreuse. Tout le monde devrait y avoir droit.

Qu'en est-il de cette question sur le plan philosophique? Qu'en est-il de la perte de potentiel? Qu'en est-il du potentiel auquel le sénateur Kenny a fait référence? N'avons-nous pas l'obligation d'en tenir compte?

M. Potvin: C'est une excellente question. Quelle est la responsabilité du gouvernement du Canada à l'égard d'une personne blessée en service comme c'est le cas ici? Je ne suis pas certain de pouvoir répondre à cette question.

Le président: Que fait-on dans le secteur privé?

M. Mogg: Si vous êtes dans le secteur privé et que vous devenez invalide, on vous verse vos prestations d'invalidité prolongée, mais vous continuez d'accumuler des prestations de retraite en vertu du service et du régime de retraite. Lorsque vous atteignez l'âge de 65 ans, on cesse de vous verser vos prestations d'invalidité prolongée, et vous touchez votre pension. Cependant, votre pension ne s'arrête pas au moment où, à un âge relativement peu avancé, vous devenez invalide.

Le sénateur Forrestall: Le régime de pension est-il bon, meilleur ou le meilleur qui soit, ou devrions-nous tout remettre sur la planche à dessin?

M. Mogg: Oui.

Le sénateur Forrestall: Oui, quoi?

Le président: M. Mogg vient du secteur privé.

M. Potvin: Faites-vous référence au régime de pensions en particulier ou à l'ensemble des prestations?

Le sénateur Forrestall: Je ne vous demande pas de dire si le régime total d'indemnisation prévu pour les Forces armées est le meilleur qui soit ou mieux qu'autre chose. D'un point de vue philosophique, les indemnités que nous offrons aux hommes et aux femmes à qui nous faisons volontairement courir des dangers pour le bien des Canadiens représente-t-il par nature un bon, un meilleur ou le meilleur régime qui soit? Devrions-nous avoir le meilleur régime? Où notre régime actuel se situe-t-il?

M. Potvin: Il m'est difficile de me prononcer à ce sujet. Dans l'ensemble, le régime de pensions et de prestations offert aux membres est bon. Il me serait difficile de dire s'il s'agit de celui qui convient.

Le sénateur Forrestall: Avez-vous assisté au témoignage que le major Henwood a présenté ce matin?

M. Potvin: Oui, j'ai assisté à une partie de son témoignage.

Le sénateur Forrestall: Vous savez qu'il serait en désaccord avec vous?

M. Potvin: Oui. Ce n'est pas parce qu'on a affaire à un régime de bonne qualité qu'il n'y a rien à corriger.

Le sénateur Day: Monsieur Potvin, je consulte le volet de votre mémoire qui porte sur le contexte historique, et j'aimerais obtenir deux ou trois éclaircissements. Vous dites que, à l'origine, le régime d'assurance-revenu des Forces armées a été conçu à titre d'entité à fonds non publics. Pourriez-vous nous expliquer brièvement de quoi il retourne?

M. Potvin: J'oublie le nom officiel, je crois que c'était entité à fonds non publics, mais essentiellement ce sont les membres des Forces canadiennes qui assumaient la totalité des coûts du régime. Le régime ne bénéficiait d'aucun financement public.

Le sénateur Day: S'il s'agissait d'une entité à fonds non publics, ce sont les membres, et non le gouvernement, qui en assumaient les coûts?

M. Potvin: Au départ, il en était ainsi. Mais ce n'est plus le cas.

Le sénateur Day: En 1969, on a constitué le régime de sécurité du revenu pour les forces armées afin d'offrir aux membres une assurance-vie et une protection du revenu en cas d'invalidité. À l'époque, avait-on retenu le principe de l'intégration en cas d'invalidité?

M. Potvin: À ma connaissance, on a toujours appliqué ce principe. On l'applique, je crois, depuis le début, mais je n'en suis pas absolument certain.

Le sénateur Day: M. Mogg a affirmé que, au sein du secteur privé, on n'a plus pour pratique courante de tenir compte de tous les autres revenus que vous pouvez recevoir par l'entremise de prestations et de régimes de pensions divers pour déterminer, le cas échéant, les sommes auxquelles vous aurez droit en cas de mutilation. Ce régime a été introduit pour les Forces armées en 1969 et n'a pas été changé. Est-ce exact?

M. Potvin: Il ne l'a pas été de ce point de vue. Cependant, il n'est pas rare qu'on tienne compte d'autres prestations du point de vue d'un régime de remplacement du revenu.

Le sénateur Day: D'accord, mais ce n'est pas ce sur quoi nous mettons l'accent aujourd'hui. Du point de vue du remplacement du revenu, il est habituel de tenir compte d'autres sources de revenu pour en arriver à 75 p. 100 du salaire.

Je veux plutôt mettre l'accent sur le volet qui concerne l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident.

M. Potvin: Le régime en question se veut un régime de remplacement du revenu. Il ne visait pas à assurer le versement d'un montant forfaitaire.

Le sénateur Day: Cependant, nous avons convenu qu'il y a deux aspects: le remplacement du revenu et l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident. Vous les avez confondus du point de vue de l'intégration et de la prise en compte d'autres sources de revenu pour déterminer l'admissibilité pour l'un et pour l'autre. Ai-je raison?

M. Potvin: Je ne dirais pas que je les ai confondus. Vous dites que le régime comporte une assurance en cas de mutilation.

Le sénateur Day: Vous appliquez l'approche que vous utilisez au remplacement du revenu. Vous appliquez cette approche à l'aspect qui concerne l'assurance en cas de décès ou de mutilation par accident, et ce n'est pas ce qu'on fait dans le secteur privé. Agit-on de la sorte depuis 1969 et pourquoi a-t-on opté pour cette approche en 1969?

M. Potvin: Je ne peux pas vous expliquer pourquoi on a adopté cette approche en 1969. Cependant, le régime visait le remplacement du revenu, et c'est pourquoi on l'a conçu de cette façon.

Le sénateur Day: Quand a-t-on créé un programme pour les officiers généraux dans le cadre du régime général d'assurance? Vous nous avez dit que, pour les officiers généraux, il y avait un volet applicable en cas de mutilation prévoyant le versement d'un montant forfaitaire.

M. Potvin: Vous avez raison. Il s'agit d'un régime entièrement distinct.

Le sénateur Day: Quand a-t-il été introduit?

M. Potvin: Dans les années 70 ou au début des années 80.

Le sénateur Day: Pourquoi l'a-t-on limité aux gradés à partir du grade de colonel?

M. Potvin: Il vaudrait mieux poser la question à quelqu'un du RARM. Cependant, je crois comprendre qu'on a alloué cette prestation pour les officiers supérieurs par souci de conformité avec ce qu'on offre dans la fonction publique.

Le sénateur Day: À l'époque où on a introduit la prestation pour les officiers généraux, savez-vous si on s'est demandé si le régime ne serait pas avantageux pour l'ensemble des membres du personnel des Forces armées?

M. Potvin: Je l'ignore.

Le sénateur Day: Avez-vous une idée du nombre d'officiers généraux qui n'étaient pas au courant de la situation et qui sont gênés à la pensée qu'ils bénéficient d'une meilleure protection que les personnes à qui ils font courir des dangers?

M. Potvin: Je comprends ce que vous voulez dire. On doit également tenir compte des indemnisations générales prévues pour les membres de la force régulière et de l'endroit d'où elles devraient provenir. On a beaucoup parlé du RARM, mais le régime n'est peut-être pas le meilleur endroit où inscrire de telles dispositions. Si on a le sentiment que la protection offerte aux membres des Forces canadiennes n'est pas adéquate, peut-être le gouvernement devrait-il l'assurer. Peut-être faudrait-il passer par la Loi sur les pensions plutôt que par le RARM.

Le sénateur Day: Le versement de montants forfaitaires aux officiers généraux est l'un des aspects du RARM. Ces dispositions en font maintenant partie, n'est-ce pas?

M. Potvin: Oui. C'est le RARM qui administre ce volet, au moyen de fonds fournis par le gouvernement du Canada par l'entremise du Conseil du Trésor.

Le sénateur Day: Un peu plus tôt, nous avons établi que le RARM est financé par le Conseil du Trésor, mais que, dans les faits, l'argent vient du budget de la Défense nationale?

M. Potvin: C'est ce que je crois comprendre, oui.

Le sénateur Day: M. Ranger a clarifié cette question pour nous.

Le régime de remplacement du revenu du RARM est-il obligatoire pour les membres du personnel des Forces armées?

M. Potvin: Oui.

Le sénateur Day: Où dois-je m'adresser pour établir combien on a perçu et combien on a versé? Effectue-t-on une comptabilité distincte, ce qui me permettrait de suivre l'utilisation des fonds?

M. Potvin: Un représentant du RARM serait probablement mieux en mesure de répondre à cette question. L'argent fait l'objet d'une reddition de comptes.

Le sénateur Day: En 1996, le RARM est devenu une division opérationnelle de l'Agence de soutien au personnel des Forces canadiennes. S'agit-il d'une agence financée par des fonds publics ou non publics?

M. Potvin: L'entité n'est pas publique. L'Agence de soutien du personnel des Forces canadiennes est à fonds non publics.

Le sénateur Day: C'est ce que je croyais aussi avoir compris. Le RARM a donc maintenant une agence à fonds non publics qui prélève régulièrement des paiements obligatoires auprès des membres du personnel des Forces armées?

M. Potvin: Le régime d'assurance-invalidité prolongée, qui est financé par des fonds publics, est comptable au Conseil du Trésor du Canada. On doit rendre compte au gouvernement du Canada de l'utilisation des fonds, même s'ils sont administrés par le RARM.

Le sénateur Day: Je retiens du témoignage du major Henwood que c'est la Maritime qui agit comme compagnie d'assurance.

M. Potvin: C'est exact.

Le sénateur Day: Le RARM prélève des droits, mais il s'adresse à une autre entreprise pour obtenir l'assurance?

M. Potvin: C'est effectivement une autre société qui se charge de l'assurance.

Le sénateur Day: La Maritime agit comme assureur depuis 1969?

M. Potvin: Oui.

Le sénateur Day: Procède-t-on périodiquement à des appels d'offres publics, ou le tout se déroule-t-il selon les règles prévues pour les agences à fonds non publics? Se dispense-t-on de recourir à des appels d'offres publics?

M. Potvin: Une fois de plus, je pense que des représentants du RARM seraient mieux en mesure de répondre à cette question.

Le sénateur Day: En réponse à une question du sénateur Wiebe, vous avez dit qu'un colonel qui aurait perdu ses jambes dans la même situation aurait touché un montant forfaitaire de 250 000 $ par suite de sa mutilation. Un gestionnaire civil de niveau intermédiaire travaillant au MDN visé par le Régime d'assurance-revenu militaire aurait-il lui aussi reçu un montant forfaitaire de 250 000 $ à titre d'indemnisation?

M. Potvin: Je ne connais pas bien le Régime d'assurance pour les cadres de gestion de la fonction publique. Je sais qu'il assure aux cadres de gestion une certaine protection de base en cas de décès par accident. Je ne sais pas de façon certaine s'il protège les cadres intermédiaires.

M. Ranger: Dans le document que j'ai en main, on dit: «La présente brochure décrit la protection payée par l'employeur qui est offerte exclusivement à ces employés de niveau supérieur» On mentionne expressément qu'il s'agit des employés «de niveau supérieur».

Le sénateur Day: Nous devrions consulter une quelconque convention collective pour établir si une personne occupant un poste civil équivalant à celui de major au MDN aurait été protégée?

M. Ranger: Le Secrétariat du Conseil du Trésor devrait pouvoir vous renseigner à ce sujet.

Le sénateur Day: Le major Henwood nous a dit que, au meilleur de sa connaissance, il aurait touché 250 000 $ pour la perte de ses deux jambes s'il avait été un civil. S'il avait été colonel, il aurait touché 250 000 $. Cependant, parce qu'il était un soldat en uniforme au service de son pays, il n'a rien reçu. Auriez-vous des motifs de vous dire en désaccord avec ces affirmations?

M. Ranger: Non.

Le président: Monsieur Ranger, vous nous avez dit que tout sénateur ou député qui perdrait les deux jambes toucherait un versement forfaitaire de 250 000 $. Qu'arriverait-il si un employé du Sénat, mettons un messager, subissait la même perte?

M. Ranger: Je ne saurais vous dire.

Le président: Existe-t-il deux régimes distincts pour les employés du Parlement et les parlementaires?

M. Ranger: Oui, il y en a deux.

Le président: Pourriez-vous obtenir cette information, peut-être pour des postes différents, par exemple greffier du comité, messager, agent du service de protection ou, pendant que vous y êtes, huissier du bâton noir?

M. Ranger: Oui.

Le président: Je vous remercie.

Si les sénateurs n'ont plus de questions à poser, nous avons un détail de gestion interne à régler. Avant de le faire, je tiens à remercier nos témoins. Nous sommes conscients du fait que certaines de nos questions dépassaient peut-être légèrement vos secteurs de responsabilité immédiats, mais nous vous sommes reconnaissants de votre franchise et des renseignements précieux que vous nous avez communiqués.

Avant de conclure, la greffière m'a suggéré de demander le dépôt d'une motion portant que les documents soumis par les témoins à l'occasion des réunions du sous-comité ou après de même que ceux qui sont recueillis dans le cadre des missions d'études soient déposés à titre de pièces à appui auprès de la greffière.

Le sénateur Day: Je vais une motion à cet effet.

Le sénateur Wiebe: J'appuie la motion.

Le président: Les sénateurs sont-ils d'accord?

Des voix: D'accord.

Le président: Adopté.

La séance est levée.


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