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VETE

Sous-comité des anciens combattants


Délibérations du Sous-comité des Anciens combattants

Fascicule 6 - Témoignages


OTTAWA, le mercredi 14 mai 2003

Le Sous-comité des anciens combattants du Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense se réunit ce jour à 12 h 20 pour examiner les soins de santé offerts aux anciens combattants qui ont servi au cours de guerres ou dans le cadre d'opérations de maintien de la paix; les suites données aux recommandations faites dans ses rapports précédents sur ces questions; et les conditions afférentes aux services, prestations et soins de santé offerts, après leur libération, aux membres de l'armée permanente ou de la réserve, ainsi qu'aux membres de la GRC et aux civils ayant servi auprès de casques bleus en uniforme dans des fonctions d'appui rapproché et toutes les autres questions connexes.

Le sénateur Michael A. Meighen (président) occupe le fauteuil.

[Traduction]

Le président: Nous poursuivons aujourd'hui notre examen des rubriques énumérées dans notre mandat.

Nous sommes particulièrement honorés d'accueillir le ministre des Affaires des anciens combattants, M. Pagtakhan, et je tiens à le remercier d'avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui malgré son programme chargé. Avant de donner la parole au ministre, qui a je crois un exposé et est accompagné de hauts fonctionnaires de son ministère, j'aimerais lui présenter les sénateurs de notre comité.

Le sénateur Jack Wiebe, de la Saskatchewan, est un ancien lieutenant-gouverneur de cette province et il connaît bien les affaires militaires, notamment les questions concernant les réservistes. Le sénateur Norman Atkins, de l'Ontario, a eu une expérience directe de la vie militaire durant sa carrière. Il fait partie du Sénat depuis de nombreuses années et s'intéresse particulièrement aux questions concernant les services. Le sénateur Joe Day, du Nouveau-Brunswick, est vice-président du comité et diplômé du Collège militaire royal de Kingston, en Ontario. Le sénateur Forrestall, de Dartmouth en Nouvelle-Écosse, n'est pas à proprement parler membre du comité mais il s'est toujours intéressé de près aux questions concernant les anciens combattants et il assiste à beaucoup de nos réunions. Nous lui sommes reconnaissants de son expertise. Le sénateur Colin Kenny et un sénateur aux longs états de service qui préside aussi notre comité principal, le Comité sénatorial permanent de la sécurité nationale et de la défense.

Je vais maintenant donner la parole au ministre en lui renouvelant nos remerciements pour avoir pris le temps de venir nous rencontrer aujourd'hui. Je vous invite à faire votre exposé liminaire et à nous présenter vos collègues.

L'honorable Rey Pagtakhan, ministre des Anciens combattants Canada: Honorables sénateurs, je commercerai par vous exprimer ma gratitude pour avoir eu la gentillesse de m'inviter à comparaître devant votre comité. En fait, je suis honoré de faire le point avec vous de certaines des mesures que prend mon ministère pour tenir les promesses faites par le Canada aux anciens combattants. Grâce à ce qu'ils ont accompli pour nous au service de leur pays et à ce que la société a fait pour eux en retour, le Canada est devenu un pays meilleur.

Avant de commencer, je devrais peut-être vous présenter mes collaborateurs. Je suis accompagné aujourd'hui de M. Jack Stagg, sous-ministre d'Anciens combattants Canada, et de M. John Walker et M. Brian Ferguson, des Services financiers.

En mars dernier, comme vous vous en souvenez, mon personnel et moi-même avons eu l'honneur de vous accueillir à l'Administration centrale, à Charlottetown. Je n'ai malheureusement pas pu assister à cette réunion au cours de laquelle vous avez discuté de nombreux points importants tels que les soins de santé, les soins de longue durée, les soins à domicile et le syndrome de stress post-traumatique.

Le ministère accorde toujours une oreille attentive à vos conseils et idées quant à la meilleure façon de nous occuper de nos anciens combattants. Le rapport que vous avez déposé en 1999, intitulé «Relever la barre: Une nouvelle norme de soins de santé pour les anciens combattants» est en quelque sorte la pierre d'assise de notre stratégie concernant les soins en établissement qui visent à répondre aux besoins actuels et futurs de nos anciens combattants.

Notre clientèle est une grande famille. Il y a environ deux ans, la définition d'ancien combattant a été modifiée en vue d'inclure les membres des Forces canadiennes qui répondent à des normes professionnelles établies par le ministère de la Défense nationale et qui ont été libérés avec honneur. En l'occurrence, plus de 700 000 anciens combattants sont visés par cette définition. Les clients doivent bien entendu répondre à certains critères d'admissibilité.

Beaucoup d'anciens combattants admissibles n'ont pas encore communiqué avec nous. Mais, depuis un certain temps, nous avons constaté une augmentation considérable du nombre de demandes de pensions d'invalidité présentées par des anciens combattants plus âgés ayant une santé précaire, et des personnes plus jeunes.

J'ajoute qu'il y a quelques mois, le ministère a en outre accepté d'assumer la responsabilité de l'administration des pensions d'invalidité et des prestations de traitement à l'égard de quelque 4 000 pensionnés et membres libérés de la GRC.

Lors de votre dernière rencontre avec des représentants du ministère, vous avez abordé les défis que posent les soins aux anciens combattants qui avancent en âge. La situation est urgente. Il va sans dire que nous n'avons pas oublié les préoccupations de nos anciens combattants du temps de guerre et de leurs dispensateurs de soins. Cette semaine, j'ai annoncé à la Chambre que je compte présenter un projet de loi et apporter des modifications législatives afin de répondre aux besoins les plus urgents des anciens combattants canadiens du temps de guerre. Ces changements témoigneront des principales priorités des organisations nationales d'anciens combattants, ainsi que des vôtres, soit dit en passant.

Ils comprennent d'une part l'extension pour la durée de la vie des programmes pour l'autonomie des anciens combattants, des subventions et des services d'entretien ménager et de terrain pour les conjoints survivants; deuxièmement, des dispositions facilitant l'accès des anciens combattants gravement invalides aux prestations de soins de santé dont ils ont besoin; troisièmement, la mise à disposition de soins à domicile aux anciens combattants qui attendent d'être placés dans un établissement; quatrièmement, des prestations de soins de santé et de soins à long terme pour les anciens combattants alliés ayant résidé 10 ans au Canada; cinquièmement, l'amélioration des prestations aux anciens prisonniers de guerre, notamment pour des périodes d'incarcération plus courtes et plus longues; sixièmement, la mention claire dans la loi qu'un membre des Forces canadiennes doit s'être engagé pour être admissible aux prestations; et septièmement, la mise en place d'un programme d'aide à l'éducation pour les enfants à charge des membres des Forces canadiennes tués dans l'accomplissement de leur service.

Dans cette optique, je me concentrerai aujourd'hui sur quelques progrès qui ont été réalisé en regard des priorités de plus récents membres de notre clientèle, soit les Forces canadiennes et la GRC.

À l'instar des anciens combattants qui ont servi en temps de guerre, de plus en plus de clients des FC et de la GRC présentent des troubles de santé imputables au vieillissement. Par ailleurs, nous offrons aussi un soutien à un nombre important d'anciens membres et de membres actifs qui élèvent de jeunes familles. Nos clients plus jeunes entament à peine leur vie d'adulte. Quelques autres viennent juste de terminer leurs études secondaires ou collégiales.

Comme vous le comprenez, ces personnes présentent souvent des besoins aussi uniques que leurs empreintes digitales. Par exemple: ceux qui souffrent d'un handicap physique peuvent avoir besoin de soins et de soutien pendant une certaine période de temps ou toute leur vie. Beaucoup d'entre eux peuvent profiter d'un programme de réadaptation. D'autres ont vécu des événements terribles qui les ont marqués profondément. Ils ont besoin de soins prodigués dans un environnement paisible qui leur permettra de parler de leur souffrance avec des personnes qui sont formées pour les aider. Enfin, de nombreux membres des FC et de la GRC qui sont libérés ont besoin d'orientation et de soutien pour faciliter leur transition de la vie militaire à la vie civile.

Pour aider ces personnes, nous utilisons une approche très axée sur les clients. L'ancienne «approche pour un service axé sur le client» a évolué et fait place au Cadre de prestation intégrée des services, qui permettra aux membres du personnel de travailler ensemble, de façon plus efficace et plus coordonnée, pour assurer la prestation cohérente de nos services partout au pays et l'utilisation maximale de nos ressources.

Je tiens à souligner que les excellents partenariats que nous avons établis avec la Défense nationale et le Solliciteur général nous aident à offrir de meilleurs services aux clients des FC et de la GRC. Nous avons entrepris de nombreuses initiatives ensemble au cours des cinq dernières années pour répondre aux besoins de nos clients des FC et de la GRC.

Je me limiterai toutefois à quelques nouvelles initiatives et projets à long terme particulièrement intéressants qui correspondent aux thèmes abordés par le Conseil consultatif Anciens combattants Canada - Forces canadiennes.

La première initiative a trait aux avantages et aux services offerts par ACC: ACC offre des pensions d'invalidité et des soins de santé connexes aux anciens combattants et aux membres actifs des FC qui souffrent d'invalidité résultant de leur service. Nous travaillons afin d'améliorer la cohérence, l'équité et la qualité au chapitre des décisions rendues en matière de pension, et d'assurer la gestion efficace des nouveaux types d'invalidité.

Le projet de loi C-31, que j'ai déposé au début du mois d'avril, a maintenant passé l'étape de la deuxième lecture à la Chambre. La semaine passée, le Comité permanent de la défense nationale et des anciens combattants l'a approuvé à l'unanimité. Je crois savoir qu'il sera débattu en troisième lecture cet après-midi.

J'espère qu'il recevra aussi votre aval lorsqu'il vous sera transmis pour que vous l'étudiiez à votre tour. Ce projet de loi permettra d'offrir une meilleure protection aux anciens combattants ainsi qu'aux membres des Forces canadiennes et de la GRC qui sont déployés dans le cadre d'opérations qui comportent des risques élevés, au pays et à l'étranger. Il apportera notamment des modifications qui permettront au gouvernement de désigner plus facilement et plus rapidement les zones de service spécial. Il prévoit en outre la création d'un nouveau type de service, les «opérations de service spécial». Ces opérations ne se déroulent pas dans un secteur géographique spécifique, ce qui est tout à fait pertinent en cette époque de nouveaux défis mondiaux à la paix et à la sécurité.

Comme vous le savez, notre contrat relatif au système de traitement des demandes de soins de santé fonctionne en collaboration avec le Service Croix Bleue de l'Atlantique. Il nous a permis d'améliorer considérablement l'administration des prestations de traitement d'ACC. Ce contrat nous aide à administrer les avantages destinés aux membres des Forces canadiennes et de la GRC.

Nous avons réalisé beaucoup de progrès, mais il reste beaucoup à faire. Au cours des prochains mois, ACC et la Défense nationale chercheront notamment des moyens d'harmoniser leurs programmes pour que les anciens combattants des FC reçoivent le même niveau de soins et de soutien après leur libération.

À plus long terme, nous entendons procéder à une restructuration et à une actualisation des avantages et des services que nous offrons en fonction des besoins et des attentes des anciens combattants des FC et de leurs familles.

La question des services de transition préoccupe également les membres des FC et les anciens combattants. Vous êtes peut-être au fait de la stratégie nationale conjointe à quatre volets d'ACC et du MDN que le ministre de la Défense nationale et moi avons annoncée l'été dernier. Cette stratégie vise à améliorer le processus d'évaluation et de traitement du syndrome de stress post-traumatique et les autres traumatismes liés au stress opérationnel. Elle comprend un réseau de cliniques d'évaluation et de traitement, dont le centre de l'hôpital Sainte-Anne, un programme d'éducation continue destiné aux professionnels de la santé qui veulent se spécialiser dans cet important domaine, des travaux de recherche et des forums éducatifs.

Il y a tout juste deux semaines, nous avons tenu un forum éducatif, à Montréal, au cours duquel des professionnels et des intervenants de première ligne ont eu l'occasion d'échanger des idées avec des spécialistes militaires et civils de partout dans le monde.

Nous avons en outre établi un partenariat avec le MDN dans le cadre d'un réseau d'entraide par les pairs dans le but d'accroître le niveau de soutien social offert aux membres des FC et aux anciens combattants qui souffrent de TSO.

Je dois vous dire que j'ai eu le privilège il y a quelques semaines de rencontrer mon homologue américain à Washington, M. Anthony Principi. Cette réunion a été très fructueuse. Nous sommes convenus d'examiner la possibilité de collaborer pour améliorer nos connaissances quant à la meilleure façon d'aider les militaires qui souffrent du SSPT lorsqu'ils font la transition à la vie civile.

À la fin du mois dernier, j'ai également annoncé que les membres des Forces canadiennes auront accès aux services et aux programmes du ministère directement sur les sites des FC. Des équipes de services aux clients ont déjà commencé à offrir des services de transition dans 17 sites clés au Canada.

Les membres des FC peuvent y obtenir des conseils en tout temps durant leur carrière, notamment au cours de la période de transition à la vie civile. En juin, ces équipes réaliseront des entrevues à ce sujet avec des membres qui sont libérés pour des raisons médicales, afin de déterminer quand et comment ACC peut les aider.

Nous avons aussi réalisé des progrès importants quant à une nouvelle initiative qui nous permettra de répondre aux besoins de la population des FC et de leurs familles en matière de réadaptation. Cette initiative comprendra des travaux de recherche, l'amélioration de l'accès aux ressources communautaires, des services d'information aux clients et de formation du personnel, et l'établissement de réseaux des fournisseurs de services spécialisés. Le CCACC-FC prodigue également des conseils à mon ministère au sujet des questions ayant trait à la famille et au bien-être.

ACC reconnaît que les membres anciens et actifs des FC et leurs familles ont de plus en plus recours aux services de counseling pour les aider à surmonter des difficultés personnelles. En 2001, ACC a mis sur pied un service national qui offre des services de counseling professionnel aux anciens combattants des FC et à leurs familles.

Les premières communications se font par voie d'une ligne téléphonique bilingue sans frais qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours sur sept. Les consultations subséquentes se font en personne au sein ou à proximité de la collectivité du client. ACC continue en outre de travailler de concert avec le MDN et les Forces canadiennes quant à diverses activités d'amélioration des services communs afin que tous les membres des FC et leurs familles reçoivent tout le soutien et toute l'aide qu'ils peuvent obtenir dans le cadre des programmes offerts par ACC et ce, à toutes les étapes de leur transition de la vie militaire à la vie civile.

Parmi les initiatives importantes, retenons le Centre du MDN-ACC pour le soutien des militaires blessés et de leurs familles et le Projet de soutien pour traumatisme et stress opérationnel, dont fait partie le réseau de soutien par les pairs.

Le CCACC-FC a également identifié une autre priorité, soit les communications et la culture. ACC travaille en étroite collaboration avec le MDN au sujet d'initiatives clés concernant la qualité de la vie. On a en outre identifié des possibilités de communications conjointes facilitées par un groupe de travail des communications ACC/MDN. En collaboration avec le MDN, ACC tient des séances d'information pré- et post-déploiement à l'intention des membres des FC déployés outre-mer.

Les sous-officiers et officiers supérieurs affectés dans diverses bases partout au pays ont également accès à des séances d'information sur les services et les avantages offerts par ACC. Nous veillons aussi à sensibiliser davantage nos propres employés à la culture des FC par voie de vidéos, de visites de familiarisation et de participation à des démonstrations militaires.

Enfin, au chapitre des communications, nous tentons également de trouver des moyens de sensibiliser les réservistes aux programmes et services qui sont offerts par le ministère.

Le CCACC-MDN a identifié une autre question importante pour les membres des FC et des anciens combattants, à savoir la recherche. Dernièrement, ACC a créé une Direction de la recherche qui assure la liaison avec d'autres pays et suit les progrès accomplis à l'échelle internationale en ce qui concerne les traumatismes post-déploiement. Parmi les initiatives de recherche importantes, citons premièrement la création d'un volet de recherche du réseau de cliniques de santé mentale, en collaboration avec l'Hôpital Sainte-Anne; deuxièmement, la réalisation d'une étude continue sur l'hypoacousie causée par le bruit dans les Forces canadiennes, coparrainée par le MDN; troisièmement, des études sur des questions ayant trait au SSPT, à la douleur chronique et la carrière ou à l'emploi des membres de la Force régulière, à partir de données de la Force régulière; et quatrièmement, la recherche concernant les questions de santé liées à la guerre du Golfe.

En conclusion, monsieur le président, j'aimerais revenir sur la question de l'inévitable nécessité d'actualiser les programmes d'avantages et de services offerts par mon ministère pour qu'ils correspondent davantage aux besoins et aux attentes des membres des Forces canadiennes. Ce travail s'inscrit dans un processus d'évolution de la Charte des anciens combattants qui fut présentée par le gouvernement durant la Seconde Guerre mondiale afin d'aider les militaires canadiens au cours de leur transition à la vie civile. La Charte promettait aux anciens combattants «possibilités et sécurité».

La promesse a été tenue, mais au cours des 60 dernières années, les choses ont beaucoup changé au Canada. Aujourd'hui, le Canada offre une très bonne sécurité sociale. Les Forces militaires canadiennes sont maintenant composées de soldats professionnels. Nombre d'entre eux ont passé la majeure partie de leur vie d'adulte au service de leur pays et ne connaissent que la vie militaire. Il va sans dire que la Charte originale des anciens combattants n'a pas été conçue pour répondre aux besoins d'un soldat professionnel du XXIe siècle.

Les mesures inconsistantes quelconques visant à répondre à ces besoins ne rendent service ni aux anciens combattants ni à notre nation. C'est pourquoi j'ai demandé au personnel d'ACC de travailler de concert avec le Conseil consultatif sur les Forces canadiennes d'Anciens combattants Canada afin d'actualiser la Charte des anciens combattants en fonction des réalités d'aujourd'hui et des besoins des anciens combattants des FC et de leurs familles. Pour atteindre notre objectif, nous devrons compter sur le conseil et l'appui du Cabinet. Nous devrons en outre sensibiliser les Canadiens quant à diverses questions pour les aider à mieux comprendre les besoins de ceux et celles qui portent l'uniforme pour servir notre pays. Le défi sera de taille, mais il n'est jamais trop tard pour bien faire.

Je suis au service de la population et je crois sincèrement que chaque client a le droit de vivre de façon digne et autonome. Ils ont le droit de compter sur des programmes et des services de qualité qui sont offerts de façon cohérente, partout au pays, par des professionnels qui s'occuperont d'eux comme ils le méritent. C'est une façon honorable de remercier ceux et celles qui ont contribué à écrire notre histoire, et la seule façon de prendre soin de ceux et celles qui ont souvent travaillé dans des conditions hostiles et dangereuses pour défendre les libertés et les valeurs qui nous sont si chères.

Le président: Je sais que les nombreux points que vous avez abordés vont susciter de nombreuses questions, et si vous avez la gentillesse de rester un peu avec nous, je suis sûr que les sénateurs seront ravis de discuter avec vous.

Le sénateur Wiebe: Je dois dire que j'ai beaucoup apprécié vos remarques. J'ai un conflit d'horaire aujourd'hui car je suis censé assister à deux séances de comité. Je remercie notre président de m'autoriser à poser la première question.

Comme je viens de l'Ouest canadien, mes préoccupations concernent surtout les soins aux anciens combattants qui résident dans les provinces de l'Ouest. Mes préoccupations portent particulièrement sur les régions de Calgary et d'Edmonton. À Calgary, nous avons le Colonel Belcher Care Centre pour les anciens combattants. Dans la recommandation no 12 de «Relever la barre», on invitait le ministre à intervenir auprès des autres ministres pour avancer. Je crois que cela progresse bien. Pourriez-vous nous faire le point à ce sujet?

Par ailleurs, l'un de vos collaborateurs pourrait peut-être me donner des précisions sur ce qui se passe à Edmonton. Je crois savoir que les locaux ont été sous-loués et que le bail ne sera pas renouvelé à son expiration. Pourriez-vous nous dire ce que vont devenir les patients là-bas, du point de vue du ministère?

M. Pagtakhan: J'aimerais dire un mot au sujet du Colonel Belcher Care Centre. J'ai visité l'ancien établissement avant le transfert des patients dans le nouveau. À l'époque, j'ai discuté avec cinq ou six d'entre eux.

J'ai demandé à un ancien combattant qui était dans le hall comment il se sentait. Il m'a répondu: «Bien, jusqu'à votre arrivée». Heureusement, monsieur le président, j'ai vu son clin d'oeil. Ensuite, j'ai demandé à un autre ancien combattant s'il avait des problèmes et il m'a répondu: «Je n'ai pas de problèmes, mais mon voisin s'inquiète au sujet de la nourriture». J'ai demandé à un autre: «Est-ce que vous recommanderiez à votre fils ou à votre fille de faire carrière dans l'armée?» Il m'a répondu: «Non». Je lui ai demandé pourquoi et il m'a dit: «Parce qu'on boit beaucoup». Ensuite, j'ai parlé avec une femme qui m'a dit: «J'ai des difficultés de langage» et naturellement je lui ai tout de suite répondu: «Ne vous inquiétez pas, nous parlons tous le langage universel du coeur».

Je vous fais part de ces expériences vécues car elles témoignent de la volonté constante des anciens combattants, qui ont servi notre pays sans jamais demander grand-chose, de continuer à parler pour autrui.

J'attends avec impatience l'ouverture du nouvel établissement Colonel Belcher qui suscite une grande excitation. L'inauguration doit avoir lieu le 3 juin.

Je vais demander à M. Walker de répondre à votre question au sujet d'Edmonton.

M. John Walker, directeur, Direction soins et établissements, ministère des Anciens combattants Canada: La démarche pour l'établissement d'Edmonton sera la même que pour celle du Centre de soins Colonel Belcher. Un nouvel établissement ouvrira à Edmonton dans un avenir proche raisonnable. Nous sommes encore en négociations, mais Anciens combattants Canada versera quelque 1,25 à 1,35 millions de dollars par an pendant 10 ans pour contribuer à la mise en place de programmes spéciaux et à diverses choses qu'on nous a demandé d'inclure dans le nouvel établissement. Ce sont deux réussites.

Le sénateur Wiebe: Le syndrome de stress post-traumatique est une de mes préoccupations et j'en ai parlé à chaque fois que j'en ai eu l'occasion. Dans vos remarques, vous dites qu'il y aura 17 sites clés où l'on offrira de l'aide. Est-ce que c'est suffisant? En outre, certains membres des Forces canadiennes en service hésitent à aller demander de l'aide de peur d'être vus différemment par leurs camarades s'ils le font. Est-ce que ce sera un problème si ces cliniques sont installées sur place?

M. Pagtakhan: Les 17 sites dont j'ai parlé ne sont pas les sites de ce réseau d'excellence de cliniques de traitement du stress post-traumatique, je tiens à le préciser. En fait, nous parlons de cinq grandes cliniques au Canada: Val Cartier, Sainte-Anne, London, Winnipeg et Victoria. Ce sont les cinq cliniques essentielles qui constituent le réseau d'excellence pour le syndrome de stress post-traumatique. Les 17 sites que j'ai mentionnés dans mon discours sont des sites permanents auxquels les membres des Forces peuvent avoir accès pour n'importe quel problème et, espérons-le, avant même qu'un syndrome de stress post-traumatique soit diagnostiqué.

Vous dites que certains membres des Forces risquent d'hésiter à demander de l'aide dans un local situé à l'intérieur de la base parce qu'ils auront peur d'être vus par leurs camarades et stigmatisés, et c'est un véritable problème de santé qui m'a été mentionné aussi par un membre des Forces qui s'occupait d'un groupe de patients à Winnipeg.

J'en ai discuté avec le ministre de la Défense nationale et nous cherchons à voir la meilleure façon d'offrir des services d'évaluation et de traitement sans aucun obstacle. S'il le faut, on changera les choses, mais avant de faire des changements, nous voulons voir s'il n'est pas possible par la coopération d'éviter cette forme de stigmatisation et de faire en sorte que les membres des Forces puissent se sentir totalement à l'aise pour aller demander des conseils et un traitement pour ces troubles psychologiques très graves.

Le sénateur Atkins: Monsieur le ministre, vous nous avez fait un exposé très détaillé qui est très encourageant. Je sais que le ministère fait un travail excellent. Comme je le disais à l'un de vos collègues avant que vous arriviez, même si les chiffres diminuent légèrement de façon régulière, l'importance d'Anciens combattants Canada augmente en raison des questions critiques auxquelles vous êtes confrontés.

Je constate que vous avez étendu l'allocation du Programme pour l'autonomie des anciens combattants aux personnes qui assurent les soins. Pourriez-vous développer cela?

M. Pagtakhan: Tout d'abord, la prolongation à vie des services d'entretien pour les conjoints survivants d'anciens combattants s'adressera essentiellement à des veuves et à quelques veufs. Il est bon que le gouvernement le fasse pour montrer aux anciens combattants et à leurs familles que nous reconnaissons vraiment la valeur des soins apportés par les conjoints à leur mari ou leur femme ancien combattant avant leur décès.

Quand j'ai annoncé mon intention à la Chambre il y a quelques jours, cette idée a été reçue avec enthousiasme, ce qui montre que tout le monde reconnaît que c'est la bonne chose à faire.

Je vais inviter un de mes hauts fonctionnaires à développer cela.

M. Brian Ferguson, sous-ministre adjoint, Services aux anciens combattants, Anciens combattants Canada: Monsieur le ministre, vous avez dit l'essentiel. Les conjointes et les conjoints d'anciens combattants qui décèdent et qui touchaient des prestations d'anciens combattants continueront à toucher ces prestations toute leur vie.

Le sénateur Atkins: Y a-t-il une clause de droits acquis?

M. Ferguson: Pas pour cela.

Le sénateur Atkins: C'est une excellente nouvelle.

M. Jack Stagg, sous-ministre, Anciens combattants Canada: C'est la première priorité des associations d'anciens combattants, qui étaient très contentes que nous ayons trouvé une solution et très enthousiastes quand le ministre en a fait l'annonce lundi.

Le sénateur Atkins: Monsieur le ministre, j'ai eu le privilège de faire plusieurs pèlerinages au fil des ans. Anciens combattants Canada a fait participer des jeunes à ces pèlerinages. J'ai été sidéré par la naïveté de ces étudiants avant qu'ils rencontrent des anciens combattants lors de ces pèlerinages.

Avez-vous envisagé d'offrir aux étudiants un programme dans lequel on se servirait de vidéos ou d'un mécanisme de communications quelconque pour leur raconter ce que les anciens combattants et leur ministère font pour ce pays?

M. Pagtakhan: Certaines organisations d'anciens combattants ont des films vidéo disponibles. Mes collaborateurs vont vous dire si nous avons une présence active dans les écoles secondaires. C'est une excellente suggestion.

L'an dernier, j'ai emmené des étudiants aux cérémonies commémoratives de Vimy. J'ai discuté avec eux avant et après. Ils ont effectivement appris et compris beaucoup de choses à cette occasion.

Ils m'ont aussi ouvert les yeux sur quelque chose. Tous ces étudiants m'ont demandé pourquoi nous étions allés en guerre. Ils parlaient toujours de la paix, comme on peut s'y attendre de la part de notre jeunesse et comme on devrait s'y attendre de la part de tous nos concitoyens. Je leur ai expliqué que nous célébrions les anniversaires de batailles et de guerres, mais qu'il est plus essentiel de célébrer la fin de la guerre. L'anniversaire de l'Armistice en Corée est une célébration de la fin de cette guerre.

Je leur ai clairement expliqué que, quand nous nous remémorons de tels événements, nous rendons hommage à l'héroïsme des hommes et à ce qu'ils nous ont légué. Nous tenons à célébrer ces anniversaires pour qu'on se souvienne que ces soldats ont donné leur vie au service de la paix et de la liberté.

M. Ferguson: En ce qui concerne les pèlerinages, nous recevons des commentaires sur le site Web du ministère. Quand il y a des pèlerinages ou d'autres manifestations, nous les retransmettons sur notre site. Les étudiants dans tout le Canada sont encouragés à visiter ce site. Nous pouvons nous servir de cela pour accroître la participation.

Des efforts importants ont été faits pour relier les événements à l'extérieur du Canada à des événements en sol canadien — des événements liés aux grandes activités commémoratives. Le ministère envoie du matériel pédagogique aux écoles dans la semaine des anciens combattants pour encourager les enfants à participer à des manifestations qui leur permettent de mieux connaître notre histoire. On peut certainement élargir ces activités. Nous examinerons toutes les suggestions qui seront faites.

Le sénateur Atkins: Le Forum des jeunes Canadiens est un bon point de départ. Rencontres du Canada est une autre possibilité. Vous pourriez avoir une place dans leur programme. Si vous aviez le bon film vidéo, vous pourriez le distribuer dans les écoles secondaires.

J'ai assisté au lancement de votre toute dernière affiche qui a été très bien accueillie, mais cette activité était concentrée sur la Colline. Comment faites-vous pour aller plus loin? Je pense que vous faites un travail excellent et qu'il faudrait qu'un plus grand nombre de personnes soient au courant.

M. Pagtakhan: Je vais m'engager à faire quelque chose et je suis sûr que mes collaborateurs vont m'appuyer. Je vais en parler aux dirigeants du Forum des jeunes Canadiens et de Rencontres du Canada et j'espère que dans leurs programmes des années à venir ils intégreront des choses sur les anciens combattants.

Monsieur le président, je souhaiterais faire une correction. L'autre centre pour le syndrome de stress post- traumatique est situé à Calgary et non à Victoria.

Suite à la suggestion du sénateur Atkins, j'ai rencontré récemment un de mes commettants qui est professeur de musique. Je vais voir s'il serait possible de se servir d'hymnes militaires pour faire mieux connaître nos anciens combattants.

Le sénateur Kenny: Le sénateur retraité Jacques Hébert rencontre en ce moment un groupe de Katimavik à l'étage supérieur. Vous pourriez peut-être parler aussi à ce groupe.

M. Pagtakhan: Merci pour cette suggestion, sénateur Kenny.

Le sénateur Day: Messieurs, je vous assure que notre comité est très impressionné par le travail de votre ministère et l'appuie tout à fait. Nous avons eu l'occasion de visiter récemment le Centre Sainte-Anne. Nous sommes très heureux d'avoir l'occasion de voir l'excellent travail que vous accomplissez. Malheureusement, je n'ai pas pu participer à la conférence, mais j'ai hâte de lire le compte rendu des délibérations de cette réunion.

En préface à ma question, je voudrais répéter ce qu'a dit le ministre: «Je crois sincèrement que chaque client a le droit de vivre de façon digne et autonome». Vos clients, ce sont les anciens combattants. En vertu de la définition la plus large, cela inclut aussi des membres des forces armées qui sont encore en service mais qui approchent de la retraite.

J'espère et je suis convaincu que vous connaissez bien le rapport que notre comité a publié il y a quelques semaines: «Pour rectifier la position des Forces canadiennes concernant la mort ou la mutilation». Dans ce rapport, nous citons longuement un membre retraité des Forces armées canadiennes, le major Bruce Henwood, qui a perdu les deux jambes au-dessous du genou quand il servait dans les Balkans. Son véhicule a sauté sur une mine antichar. Je ne vais pas vous parler de toutes les difficultés qu'a rencontrées le major Henwood, mais mes questions vont porter sur deux points et deux recommandations que nous avons présentées.

Le ministre de la Défense nationale a rectifié la situation comme nous le recommandions dans notre rapport en disant que les membres des forces armées qui subissaient une mutilation durant leur service devraient toucher un paiement forfaitaire semblable à celui qu'on verse aux colonels et aux généraux depuis des années. Les personnes de grade inférieur n'y avaient pas droit, alors qu'elles croyaient y avoir droit parce qu'elles devaient cotiser au programme. Le ministre a reconnu cette inégalité et a rectifié la politique à partir de la date de l'annonce.

Toutefois, il reste toute une période qui n'est pas couverte, de 1982 à la date de cette annonce ce printemps. Même s'ils cotisaient au programme, les militaires de rang inférieur n'avaient pas droit à un paiement forfaitaire en cas de mutilation. L'indemnisation était fondée sur le revenu qu'ils touchent en vertu de vos programmes, et ils n'avaient donc pas le droit d'être indemnisés par un programme d'assurance auquel ils étaient obligés de cotiser.

Pourriez-vous aider le ministre de la Défense nationale, puisqu'il manifeste un certain intérêt et une certaine bonne volonté, à voir s'il serait possible de remédier à cette inégalité en rendant la mesure rétroactive à 1982? Pourriez-vous examiner cela et régler le problème?

M. Pagtakhan: Nous sommes au courant du problème et nous avons commencé à en discuter avec mes hauts fonctionnaires. Nous n'avons pas encore de conclusion catégorique mais je peux néanmoins vous répondre que nous ferons tout notre possible pour aider les anciens combattants à régler ce problème à la satisfaction de tous.

Dans mon discours, j'ai dit que nous souhaiterions harmoniser les prestations et les services avec le MDN. Cela vient en partie de ce problème auquel notre nation a été confrontée. Je vais maintenir la communication avec le ministre de la Défense nationale. Je suis ouvert au problème que vous soulevez mais je souhaiterais avoir une bonne compréhension de tout le dossier avant de m'engager. Vous savez, il peut y avoir beaucoup de complications mais ce que l'on retiendra, c'est que le ministère a entrepris des initiatives novatrices, audacieuses et créatrices au cours des derniers mois pour résoudre des griefs formulés depuis longtemps. Ma seule force, c'est la persuasion et je m'en sers auprès de mon collègue du ministère de la Défense nationale.

Le sénateur Day: Si notre comité peut faire quelque chose de plus que ce que nous disons dans notre rapport pour renforcer votre pouvoir de persuasion, ce sera avec plaisir. N'hésitez pas à faire appel à nous.

Mon autre question concerne ce même rapport. Vous nous avez dit que vous le faisiez, mais j'aimerais avoir des précisions concernant les membres des forces armées qui ont été blessés et qui ont besoin d'aide et de soutien pour pouvoir bénéficier des programmes mis à leur disposition. Ils sont stressés, de même que leurs familles et nous avons eu l'impression qu'ils avaient du mal à présenter une demande à l'administration existante ou à savoir s'ils étaient admissibles à un programme quelconque. Nous avons recommandé que les forces armées mettent quelqu'un à la disposition de la famille et du membre des Forces canadiennes qui est blessé. Est-ce que c'est ce que vous faites quand vous parlez de fournir une aide aux membres en service et à ceux qui ont récemment pris leur retraite?

M. Pagtakhan: En fait, oui, nous allons répondre à ce besoin grâce à la ligne téléphonique sans frais qui fonctionne 24 heures sur 24, sept jours par semaine, et a des services de soutien et de counseling dans les 17 sites que nous avons ouverts dans le pays. Après le premier appel, il y aura une entrevue médicale personnelle. Je suis convaincu que cela permettra de répondre aux défis, aux dilemmes, aux besoins et aux préoccupations des anciens combattants et des membres de leurs familles. Nous allons rester à l'écoute des solutions novatrices que votre comité pourra éventuellement nous suggérer à la suite de ses délibérations.

Le sénateur Day: On pourrait prendre comme exemple concret le cas de la famille du major Henwood quand il était à l'hôpital. Il faisait toujours partie des forces armées. On ne lui avait pas dit s'il allait les quitter ou pas, même si tout le monde savait qu'il ne pourrait plus jamais reprendre du service. Sa femme ne recevait aucune aide financière pour payer des services de garde d'enfants ou prendre un taxi pour aller le voir à l'hôpital. Elle ne pouvait pas bénéficier de ce genre de soutien immédiat dont on a besoin dès les premiers moments. Est-ce que Anciens combattants Canada pourrait faire quelque chose pour cela, ou faut-il que la personne concernée reste soumise aux exigences des forces armées jusqu'au moment où on lui dit qu'elle part?

M. Ferguson: Il y a deux aspects à la réponse, dont l'un a été brièvement évoqué par le ministre tout à l'heure. Dans le cadre des programmes et avantages qu'Anciens combattants Canada peut mettre à contribution, nous avons maintenant du personnel sur place dans ces 17 bases pour commencer à aider ces gens-là à faire la transition. S'ils ont besoin d'aide, et c'est généralement le cas, nous essayons de faire le lien avec eux pour qu'ils puissent préparer leur demande d'aide et de pension au ministère, ou nous les mettons en contact avec un organisme de soutien communautaire rattaché au système global de sécurité sociale du Canada dont ils peuvent se servir.

Nous examinons les prestations de programmes que nous pouvons utiliser sur deux fronts, mais nous n'avons pas vraiment abordé ce problème précis. Nous n'avons pas nécessairement l'ensemble de prestation de programmes nécessaire pour répondre actuellement à ce genre de besoins, et nous cherchons donc à harmoniser nos services. Nous faisons une étude pour harmoniser l'interface entre le programme d'assurance de la Défense nationale et notre propre programme d'invalidité pour atténuer les difficultés. Peut-être pourrons-nous mieux répondre aux besoins que vous mentionnez en collaborant. Nous examinons aussi l'avenir plus général des prestations dans le monde moderne et les besoins contemporains auxquels il faudrait répondre.

Pour répondre brièvement à la deuxième partie de votre question, nous n'avons pas nécessairement les outils voulus pour régler ces problèmes maintenant. Si nous les avions, nous le ferions. Nous faisons pour le mieux dans le cadre de notre mandat. Nous envisageons une étude pour voir comment nous pourrions mieux harmoniser les choses.

Le sénateur Day: C'est ce que je vous encourage à faire. Quand un membre des forces armées est blessé physiquement, mentalement ou affectivement, nous vous encourageons à prendre l'initiative de contacter directement cette personne au lieu d'attendre qu'elle ou sa famille appelle le numéro 1-800. Voyez comment vous pouvez régler le problème. On ne peut pas laisser ces gens-là dans le vide entre le ministère de la Défense nationale et celui des Anciens combattants.

M. Ferguson: C'est exactement notre vision. C'est ce que nous voulons réussir à faire.

M. Pagtakhan: D'après votre question, sénateur Day, vous vous demandez si notre ministère a bien su informer les membres des forces armées des instruments dont ils disposent. Nous voulons devenir plus efficaces en informant dès maintenant les membres des forces armées, ceux qui n'ont pas encore de problèmes, pour pouvoir répondre à leurs problèmes futurs. Vous comprenez, les gens ne sont pas au courant des outils disponibles tant qu'ils n'en ont pas besoin. Nous voulons donc veiller à combler cette lacune.

Le président: Je vais poser quelques questions, peut-être en conclusion. D'après des témoignages anecdotiques, les réservistes seraient plus sujets aux traumatismes liés au stress opérationnel.

Votre ministère met-il sur pied des programmes spéciaux s'adressant aux réservistes, éventuellement avant qu'ils partent à l'étranger, pour les aider à se préparer aux situations qu'ils vont rencontrer, étant donné qu'ils ne sont pas membres à plein temps des forces armées?

M. Ferguson: Vous soulignez une question particulièrement problématique pour nous, monsieur le président, car la communication avec les réservistes est beaucoup plus compliquée qu'avec les forces permanentes dans la mesure où ils sont disséminés à travers le pays et n'ont pas les mêmes heures d'engagement. Toutefois, nous avons lancé une vaste stratégie de communication avec les réservistes qui progresse bien. C'est en cours.

Nous avons consulté les réservistes. Il y a d'ailleurs un haut gradé de la réserve au Conseil consultatif des Forces canadiennes dont le ministre a parlé tout à l'heure. J'ai écrit aux quatre commandants de la réserve du pays pour leur proposer des formules de collaboration afin de pouvoir mieux communiquer avec les réservistes, et ils appuient à fond cette initiative.

Nous avons lancé le processus. Je pense que d'ici quelques semaines ou quelques mois nous aurons une stratégie assez raisonnable.

M. Pagtakhan: Nous pourrions utiliser nos outils de communication actuels, les revues que nous avons, en y abonnant les réservistes si ce n'est pas déjà fait.

Le président: Voici une question qui m'est inspirée uniquement par des témoignages anecdotiques que nous avons entendus principalement en tant que membres du Comité principal de la sécurité nationale et de la défense. Nous avons entendu d'innombrables récits à propos des difficultés administratives auxquelles se heurtent les réservistes et les membres permanents qui passent d'une force à l'autre. Un pilote qui avait quitté l'Armée de l'air pour devenir pilote dans le civil a voulu pour une raison quelconque réintégrer l'armée. Au bout de six mois, on ne pouvait toujours pas retrouver ses dossiers. Il y a d'innombrables exemples de ce genre.

Votre ministère a-t-il de grosses difficultés à moderniser sa gestion des dossiers de façon à être capable de retrouver rapidement et efficacement des informations? Je sais bien que personne n'a assez d'argent pour faire tout ce qu'il voudrait, mais s'agit-il d'un problème financier important ou avez-vous réussi à vous sortir de cette difficulté plus astucieusement que d'autres ministères?

M. Ferguson: C'est un problème sur lequel nous travaillons d'arrache-pied en collaboration avec le ministère de la Défense nationale. Nous avons beaucoup amélioré le système. Le gros problème, c'est l'accès aux dossiers. Quand une personne nous présente une demande, il est important que nous puissions retrouver ses états de service et son dossier médical. Nous avons donc étoffé les ressources qui s'occupent de toutes les bases. Pour retrouver des dossiers et les photocopier, il faut du personnel et nous avons donc ajouté des effectifs supplémentaires dans le cadre de notre transition vers des services plus intégrés, et cette stratégie est payante.

Nous regardons aussi du côté de la technologie. Le scanner devrait en particulier être un instrument très utile. C'est une technologie prometteuse, mais évidemment elle a son coût, et nous devons choisir la meilleure utilisation possible de nos ressources. Mais cette question de l'amélioration de l'accès aux dossiers est une de nos grandes priorités.

Je ne suis pas au courant des échanges de dossiers de réservistes ou de membres permanents qui partent ou qui reviennent. Naturellement, cela ne relève pas de notre ministère.

Le président: C'était un simple exemple.

M. Ferguson: Un bon exemple.

Le président: Ceci me ramène à l'affaire du major Henwood, car je pense qu'on peut dire que tout le monde, à commencer par le ministre de la Défense nationale et par vous-même, monsieur le ministre, est désolé de la situation dans laquelle se trouve le major Henwood. Comme d'autres membres des forces armées depuis 1982, il a dû quitter les forces armées après avoir été mutilé sans toucher de paiement forfaitaire. D'après les témoignages que nous avons entendus au comité principal, vous ne vous occupez que d'une douzaine de cas ou un peu plus, et pourtant il a fallu beaucoup d'efforts pour mettre à jour ses dossiers.

Les experts du secteur des pensions et des rentes nous ont dit qu'un versement forfaitaire à une personne victime d'une mutilation ne coûtait pas très cher. Étant donné que le ministre a dit tout à l'heure à juste titre qu'il ne voulait pas prendre de décision tant qu'il ne disposait pas de tout le dossier, même s'il est a priori favorable, pouvez-vous nous parler un peu de ces efforts pour retrouver les dossiers des personnes mutilées qui ont quitté les forces armées depuis 1982?

M. Stagg: Comme l'a dit M. Ferguson, la récupération électronique des dossiers est une de nos préoccupations prioritaires. Nous voulons disposer d'une solide base de données avant d'aller plus loin plutôt que de répéter les erreurs qu'on a pu constater au gouvernement ou à l'extérieur, en recommençant deux ou trois fois et en perdant beaucoup d'argent et de temps à trouver la bonne formule. Nous voulons être sûrs de notre coup, même si cela nécessite un certain temps de réflexion.

Entre-temps, une bonne partie de la recherche se fait manuellement. Nous essayons de fouiller les dossiers de façon aussi systématique que possible pour n'omettre personne, et nous remontons avec beaucoup de soin dans les dossiers jusqu'à 1982, comme vous l'avez dit. Nous n'avons pas encore terminé ce travail, mais nous avons trois ou quatre personnes qui y consacrent le plus gros de leur temps car nous voulons essayer d'obtenir ces informations le plus rapidement possible pour les utiliser à bon escient, mais c'est loin d'être facile, monsieur le président.

Nous avons donc un problème à court terme que nous essayons de résoudre manuellement. Le défi à long terme est de mettre sur pied une bonne base de données qui nous permettra de récupérer facilement les dossiers, en particulier pour les demandes de pension, et cetera.

Le président: C'est une question qui nous intéresse beaucoup et que nous allons suivre de près. Comme l'a dit le sénateur Day tout à l'heure, si nous pouvons vous aider de quelque façon que ce soit, ce sera avec plaisir.

Le sénateur Kenny: Monsieur le ministre, cette affaire traîne depuis trop longtemps. Je suis heureux que le sous- ministre souhaite mettre en place un programme qui permettra de faire ces recherches à l'avenir. C'est une question distincte.

Le problème sur lequel nous voulons nous concentrer, c'est celui de savoir comment on peut retrouver ces personnes, et nous voudrions savoir combien de temps vous mettez à le faire. Avez-vous envisagé de publier des annonces dans des journaux que ces gens-là pourraient lire? Avez-vous envisagé de faire appel à des organisations comme la Légion canadienne? Ces gens-là doivent bien avoir des amis, il doit bien y avoir quelqu'un qui les connaît; on doit bien pouvoir réussir à les retrouver sans attendre indéfiniment.

À notre avis, ce petit groupe de personnes — dont nous ignorons le nom, et nous ne savons même pas combien il y en a — n'a pas été traité correctement, et il importe de corriger cette injustice. Nous sommes certains que vous le souhaitez tout autant que nous, mais nous ne pensons pas qu'il soit suffisant de vous en remettre à quelques fonctionnaires pour faire le travail de recherche manuellement. À notre avis, vous devriez faire des annonces et dire: «Nous sommes à votre recherche, faites-nous signe». D'après nous, on pourrait tout à fait passer des annonces pour encourager ces personnes à se manifester, et ce serait peut-être plus rentable en fait que de payer des gens à fouiller pendant des heures et des heures dans les dossiers.

Nous aimerions bien que vous nous confirmiez que vous ne vous en tenez pas simplement à un travail purement administratif. Nous souhaiterions en finir avec les audiences sur ce sujet, et vous n'avez pas envie non plus de continuer à assister à des audiences comme celle-ci. Nous savons que le ministre de la Défense n'en a pas envie non plus. Nous voudrions simplement qu'on règle le problème et nous aimerions avoir des garanties un peu plus solides que celles qu'on nous a présentées aujourd'hui.

M. Pagtakhan: Monsieur le président, je vais sérieusement tenir compte de ces suggestions dans les décisions qui seront prises sur cette question. Comme je vous l'ai dit tout à l'heure, c'est une question complexe mais je suis heureux que vous ayez suggéré ces formes de communication qui pourront être utilisées une fois que nous aurons pris une décision sur certaines données préliminaires pour rejoindre des personnes qui n'auront pas été contactées au cours de cet examen.

Dans cet ordre d'idées, j'aimerais vous citer un exemple récent: Quand nous avons examiné la situation du colonel Trotter dans le contexte du débat dans les médias sur les prisonniers de guerre — et il y avait au maximum trois cas de ce genre — le ministère a décidé collectivement qu'il n'était pas question de s'en tenir uniquement à ces quelques cas. Nous lui avons accordé ainsi qu'aux deux autres un paiement à titre gracieux et nous avons décidé de verser la même indemnisation à toutes les autres personnes dans la même situation. On les a retrouvées au moyen d'une recherche manuelle. En l'occurrence, on a retrouvé les dossiers.

Quand nous déciderons de suivre la voie suggérée par le sénateur Kenny, nous explorerons toutes les possibilités. J'estime que vos propositions sont tout à fait valables.

Le sénateur Kenny: Votre réponse m'inquiète, monsieur le ministre, car vous dites: «Quand nous déciderons». Je croyais que vous aviez déjà pris la décision.

Je croyais que le ministre de la Défense, quand il a comparu devant nous, avait décidé de retrouver ces personnes et de leur rendre justice. Si vous nous dites maintenant que le gouvernement n'a pas encore pris cette décision, c'est que vous n'êtes pas dans la course. Il y a un problème, un sérieux problème ici.

M. Pagtakhan: Monsieur le président, j'ai répondu de cette façon simplement parce que je ne suis pas en mesure de parler au nom du ministre de la Défense nationale. Je lui laisse donc le soin de se prononcer. En même temps, j'estime normal de vous donner mon propre point de vue sur cette question. Je préfère être franc avec vous, car je n'ai personnellement pas connaissance d'une décision. Je ne peux pas vous parler d'une décision qui relève en réalité du ministre de la Défense nationale.

Le président: Vous reconnaissez quand même qu'il est très vraisemblable que les dossiers des personnes qui ont été mutilées et qui ont quitté l'Armée depuis 1982 sont vraisemblablement dans votre ministère? C'est là qu'ils se trouvent. Donc, c'est votre responsabilité.

M. Pagtakhan: Je comprends ce que vous voulez dire maintenant.

M. Ferguson: À cet égard, les choses sont claires. Nous allons trouver les dossiers; nous les avons et il n'y a pas de raison que nous ne puissions pas les trouver. Nous parlions du mécanisme utilisé pour les récupérer. Le travail d'analyse des dossiers s'est fait à main parce qu'ils n'étaient pas codés dans le passé.

L'informatisation nous aidera à l'avenir. Nous pourrons retrouver ces personnes sans être obligés de faire toutes ces recherches. Toutefois, ces recherches progressent bien, simplement c'est un peu plus lent que si toutes les données avaient été informatisées dans le passé en prévision de ce genre de situation.

Le président: Est-ce que c'est une question de semaines plutôt que de mois?

M. Ferguson: Je le crois. Si je me trompe, je vous tiendrai au courant.

Le sénateur Day: Pourriez-vous nous dire combien de personnes il pourrait y avoir dans ce groupe, de 1982 à maintenant?

M. Ferguson: J'hésiterais à me prononcer à ce stade. Je ne connais pas le nombre car l'évaluation n'est pas terminée.

Le sénateur Day: On nous a donné une estimation d'une douzaine ou d'une quinzaine de cas. Est-ce que je suis loin du compte?

M. Ferguson: Je ne pense pas, sénateur. Je vous le confirmerai. J'hésite à vous donner un chiffre précis tant que nous n'avons pas terminé les recherches.

M. Pagtakhan: Je dois veiller à ne pas outrepasser mes limites ministérielles.

Le président: N'ayez crainte, cela s'est déjà fait.

M. Stagg: S'il y a d'autres moyens de retrouver ces personnes, nous n'avons aucune objection à utiliser d'autres méthodes. Vos suggestions ont l'air excellentes, et il y a peut-être aussi d'autres moyens de retrouver ces personnes. Nous ne sommes nullement opposés à vos conseils ou à vos suggestions.

Le président: Je vais abuser de mon rôle de président pour poser une dernière question au sujet de l'examen des règles d'admissibilité aux lits prioritaires pour les anciens combattants. Envisagez-vous d'assouplir le régime? Je sais que vous parlez du cas des conjointes ou conjoints d'anciens combattants handicapés. Qu'en est-il des anciens combattants du Canada, tout simplement?

M. Pagtakhan: Je pense qu'une des initiatives que nous avons annoncées doit permettre une certaine souplesse.

M. Ferguson: Dans cette annonce, on a dit que les anciens combattants alliés qui justifient de 10 ans de résidence au Canada après la guerre sont admissibles à des soins de longue durée dans certains cas. Les critères pour les anciens combattants du Canada sont différents. Naturellement, s'ils ont des blessures, ces retraités répondent à certains critères.

M. Walker: Il y a maintenant une certaine souplesse dans le régime. S'il s'agit d'anciens combattants du Canada qui ne sont pas admissibles, ils sont néanmoins admissibles à un lit dans un établissement communautaire. Ils ne sont pas admissibles à un des «lits d'accès prioritaire» réservés aux anciens combattants, mais s'ils ont besoin de soins et s'ils répondent aux critères de revenu des anciens combattants du Canada, ils peuvent être admis dans l'établissement communautaire le plus proche de leur lieu de résidence. Cela leur coûte en gros 755,12 $ par mois. Il y a donc un certain degré de flexibilité à ce niveau.

M. Pagtakhan: J'aimerais aussi demander à M. Walker de vous parler, dans le cadre, de cette annonce, de l'élargissement des prestations de soins de santé pour les personnes handicapées. Vous pourriez nous en dire un peu plus?

M. Walker: Comme l'a dit le ministre, l'admission des retraités dans la tranche des 47 à 78 p. 100 ne sera plus liée à l'état de leur pension. Ils pourront obtenir un lit sans que leur admission dans l'établissement soit conditionnée par leur pension. C'est un progrès important.

Le président: Nous sommes à court de temps, mais le sénateur Forrestall va faire quelques remarques de conclusion.

Le sénateur Forrestall: Je tiens à remercier le ministre de son aimable invitation à aller en Corée cet été. C'est une guerre qui s'est évidemment déroulée de mon temps. Je voudrais poser cette question car c'est quelque chose qui me scandalise depuis des années. Pourrait-on modifier la définition du terme «ancien combattant» pour tenir compte des personnes qu'on envoie courir des risques en dehors des théâtres d'opérations traditionnels qui entraînent automatiquement la reconnaissance de ce statut?

Je songe à la crise des missiles à Cuba. Nous avons exposé la flotte canadienne — même si c'était un jour trop tard — à des risques. Or, ces gens-là ne sont pas des anciens combattants. L'un d'entre eux, en particulier, a atteint le grade d'une étoile au cours de sa carrière. On ne lui a pas accordé son dernier souhait avant qu'il perde ses facultés, qui était d'être placé parmi ses collègues, les anciens combattants, et non dans un établissement de soins de sa localité.

Je suis reconnaissant à l'amiral Murray et à des tas d'autres personnes depuis 25 ou 35 ans, mais pourquoi ne peut- on pas régler ce problème? Pourquoi refuse-t-on de reconnaître le statut d'ancien combattant à des hommes et des femmes qu'on a exposés à des risques, simplement parce que personne ne leur a tiré dessus?

Le président: Je vais peut-être demander au ministre de nous répondre par écrit. Nous sommes à court de temps. Je vais avoir de gros ennuis si nous ne levons pas la séance avant le début de la séance du Sénat. Monsieur le ministre, merci d'être venu comparaître devant notre comité.

La séance est levée.


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