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Délibérations du comité sénatorial permanent de
l'Agriculture et des forêts

Fascicule 2 - Témoignages du 26 février 2004


OTTAWA, le jeudi 26 février 2004

Le Comité sénatorial permanent de l'agriculture et des forêts, qui est autorisé à entendre de temps à autre des témoins, y compris des particuliers et des représentants d'organisations, sur l'état actuel et futur de l'agriculture et des forêts au Canada, se réunit aujourd'hui à 8 h 38.

Le sénateur Joyce Fairbairn (vice-présidente) occupe le fauteuil.

[Traduction]

La vice-présidente: Honorables sénateurs, bienvenue. Nous poursuivons notre étude sur la crise de l'ESB dans notre pays. Nous allons entendre M. Jim Laws, directeur exécutif du Conseil des viandes du Canada. M. Laws nous expliquera l'incidence de la crise de l'ESB sur les abattoirs dans ce secteur et la difficulté d'essayer de survivre au cours des derniers mois. M. Laws m'a dit qu'il était relativement nouveau dans son poste, et nous sommes heureux qu'il ait pu comparaître devant le comité aujourd'hui.

Monsieur Laws, vous avez la parole.

M. Jim Laws, directeur exécutif, Conseil des viandes du Canada: Je vous remercie de nous avoir invités à venir nous entretenir avec vous ce matin.

J'ai préparé un exposé que j'ai utilisé plus tôt cette semaine au Comité permanent de l'agriculture et de l'agroalimentaire de la Chambre des communes. Le Conseil des viandes du Canada représente les exploitants d'abattoirs et d'usines de transformation de la viande rouge sous inspection fédérale au Canada. Je vais vous parler de notre industrie dans la perspective de l'ESB. Nos grands industriels du boeuf incluent des entreprises comme Cargill, à High River (Alberta); IBP-Lakeside Packers; Tyson Foods, à Brooks (Alberta); XL Foods, à Edmonton (Alberta); St. Helen's Meat Packers, à Toronto; Better Beef à Guelph (Ontario); Delft Blue, à Cambridge (Ontario); Bellivo Transformation, à Sainte-Angèle-de-Prémont (Québec); et Levinoff Meat Products, à Montréal.

Tous nos membres exploitent des abattoirs sous inspection fédérale qui ont investi d'importantes sommes d'argent pour se conformer à des règlements fédéraux rigoureux. Nous sommes en faveur d'un régime fédéral d'inspection des aliments unique pour l'ensemble du Canada. C'est là notre position et tous nos membres y adhèrent. Nous employons des gestionnaires du contrôle de la qualité à temps plein, et un vétérinaire fédéral, de même que des inspecteurs sont présents en tout temps durant l'abattage. De récentes interventions pour améliorer la sécurité alimentaire ont coûté environ 1,5 million de dollars par abattoir.

Je vais vous donner un bref aperçu du marché bovin au Canada. Il existe quatre marchés différents qui se livrent concurrence. Avant la fermeture des frontières internationales en raison de la découverte d'un seul cas d'ESB au Canada en mai 2003, le marché était véritablement intégré au marché américain des bovins sur pied — boeuf et veau.

Le premier marché est celui des jeunes bovins pour engraissement. Les agriculteurs et les éleveurs vendent des animaux de six à douze mois d'un poids vif moyen de 600 livres à des exploitants de parcs d'engraissement qui les engraissent pour l'abattage.

Le deuxième marché est celui des bovins d'abattage sur lequel les exploitants de parcs d'engraissement vendent des bêtes de 18 à 24 mois d'un poids vif moyen d'environ 1 300 livres aux exploitants d'abattoirs. C'est de ces animaux que proviennent les morceaux de choix.

Le troisième marché est celui des vaches laitières et des vaches de boucherie des catégories D1 à D5 habituellement âgées de plus de 30 mois. La plus grande partie de la viande de ces animaux sert de boeuf à ragoût, de steak haché ou fait l'objet d'une transformation plus poussée.

Le quatrième marché est celui des veaux de lait de 18 à 20 semaines, d'un poids vif moyen de 525 livres, vendus aux exploitants d'abattoirs.

Quelle est la situation à l'heure actuelle? Les marchés fonctionnent. Les vaches et les bovins gras sont en demande et se vendent. Les exploitants d'abattoirs réussissent à vendre leur viande et les abattoirs fonctionnent presque à pleine capacité. Depuis que je suis entré en fonction au Conseil des viandes du Canada, en janvier, j'ai reçu de nombreux coups de téléphone et commentaires au sujet du prix du boeuf, et cetera, mais les abatteurs ne vendent pas leurs produits directement aux consommateurs. Nous les vendons à des détaillants, des transformateurs de second cycle, qui fabriquent des saucisses et des viandes froides, des restaurants, des distributeurs de services alimentaires et des grossistes. Nous ne sommes qu'un maillon de la chaîne. Il importe de noter que les grands détaillants canadiens achètent uniquement de la viande provenant des abattoirs sous inspection fédérale puisqu'ils opèrent au niveau national et qu'ils écoulent leurs produits dans n'importe quelle province. S'ils achetaient leur viande auprès d'abattoirs sous inspection provinciale, ils ne pourraient la vendre en dehors de la province. En outre, ils reconnaissent que tous les abattoirs sous inspection fédérale sont des établissements reconnus HACCP et les détaillants sont assurés de la plus haute qualité par des abattoirs reconnus pour leurs clients canadiens.

Les éleveurs de veaux de lait peuvent vendre leurs animaux à des abattoirs ou à des parcs d'engraissement. L'abatteur les vend ensuite à ses clients ou à des transformateurs de second cycle, qui ont les mêmes clients. Éventuellement, la viande se rend aux consommateurs. Les exploitants d'abattoirs sont un maillon important de la chaîne d'approvisionnement, mais un maillon seulement.

À l'heure actuelle, au Canada, ce chiffre change, mais les clients au détail n'achètent que 50 p. 100 de la viande consommée au Canada; le reste est vendu aux transformateurs de second cycle et aux services alimentaires. Encore une fois, les détaillants achètent habituellement les morceaux que les consommateurs recherchent bien qu'il existe de nombreuses autres coupes que l'on ne voit pas sur les tablettes des magasins et qui sont offertes aux producteurs de second cycle en vue de la fabrication d'autres produits. Les marchés évoluent continuellement étant donné qu'ils sont entièrement libres. Pour ce qui est de la qualité, de la catégorie, du prix et de l'emplacement, le marché est fondé entièrement sur la libre entreprise.

En mai 2003, on a découvert un cas d'ESB en Alberta. À l'époque, les marchés d'exportation représentaient 70 p. 100 de la production totale de boeuf et de bovin sur pied. De l'exploitation bovine en passant par les établissements d'abattage et les autres distributeurs, nous étions tous axés vers un marché international. La découverte de ce cas d'ESB a causé des ravages dans tout le réseau, chez les agriculteurs, les abatteurs et tous les autres intervenants le long de la chaîne d'approvisionnement. À la suite de la découverte de ce cas d'ESB, un grand nombre de bovins n'ont pu être écoulés.

En grande quantité, le boeuf s'est retrouvé coincé dans le réseau. Nous estimons que du boeuf et des produits carnés canadiens d'une valeur de plus de 12 millions de dollars sont demeurés coincés au Japon et en Corée à ce moment-là. Il nous a fallu dépenser beaucoup d'argent pour conserver ces produits surgelés dans des conteneurs outre-mer. Les surestaries et la destruction des produits ont entraîné des coûts supplémentaires totalisant 18 millions de dollars. Nous discutons à l'heure actuelle avec le Japon et la Corée pour les convaincre de rouvrir ces marchés, mais on nous dit qu'il nous faudra nous débarrasser de nos produits antérieurs avant de pouvoir envisager de recommencer sur de nouvelles bases. Au 13 février 2004, il y avait 691 tonnes de boeuf coincé en Corée — 510 tonnes dans un parc de stationnement de conteneurs et 181 dans des entrepôts de douane. Voilà qui montre que le pire est loin d'être passé.

Les pertes financières des exploitants d'abattoirs sont estimées à au moins 50 millions de dollars. Ces chiffres se fondent sur la valeur du bétail avant la découverte d'un cas d'ESB et sur la dévaluation des stocks. Cette situation a malheureusement entraîné des pertes d'emplois dans plusieurs abattoirs du Canada, les exploitants ayant essayé de réduire les coûts.

Depuis la fermeture des marchés d'exportation au boeuf canadien, de vastes quantités de produits destinés aux marchés d'outre-mer ont dû être conservées au Canada et envoyées à la fonte. De nombreux produits carnés qui sont très recherchés au Japon et en Corée n'ont aucune valeur sur les marchés de consommation canadiens. Ces facteurs ont été pris en compte dans l'évaluation de la situation sur l'ensemble du marché afin de déterminer combien les abatteurs pouvaient offrir pour le bétail, et cela se reflétait certainement dans la demande concurrentielle pour ces animaux. Or, c'est du passé. Des produits comme la langue, les rognons, les tripes, les pattes et les queues de boeuf étaient très prisés sur le marché asiatique, mais pas ici.

L'un des exploitants d'abattoirs a donné l'exemple d'une coupe particulière — appelée les bouts de côtes — qui était tellement en demande que toute la production nord-américaine était vendue en Corée. Maintenant, les bouts de côtes sont transformés en steak haché pour la fabrication de hamburger et d'autres produits de consommation. Nous ne touchons que 20 p. 100 de la valeur des bouts de côtes avant la perte de nos marchés d'exportation.

La Fédération canadienne pour l'exportation du boeuf en Alberta a compilé des données en collaboration avec les établissements d'abattage. Nous avons calculé que la différence de valeur entre ce que nous recevions avant la crise de l'ESB et ce que nous recevons à l'heure actuelle est d'environ 192 $ par animal. Cela représente une baisse de 63 p. 100 de la valeur.

Le tableau que vous avez en main, sénateurs, comporte trois pages. La première est intitulée «Abats et coupes minces». La première ligne est l'assiette Yoshinoya (9 pouces) qui se vendait 29,70 $ l'unité et se vend maintenant 9 $ l'unité; les langues se vendaient environ 18,78 $ l'unité et se vendent maintenant seulement 1,05 $ l'unité. C'est une différence de 17 $ l'unité. Si l'on additionne la liste, on obtient un total de 192,71 $ pour chaque animal abattu. Cela s'est répercuté brutalement sur le prix que les établissements d'abattage pouvaient offrir pour les animaux sur pied. Certains établissements inspectés par les autorités fédérales au Canada acceptent les vaches âgées de plus de 30 mois. De nouvelles règles sont en place au Canada pour l'équarrissage de certains produits comportant des risques particuliers. Ces établissements ne reçoivent rien pour les produits en question. Le montant est estimé à 312 $ par tête pour les vaches plus âgées.

Cette situation, comme le disent les dirigeants des abattoirs, est très grave. Un établissement de l'Ontario avait un important client au Japon depuis 1980 et avait même ouvert un bureau au Japon. Aujourd'hui, les établissements d'abattage d'Australie et de Nouvelle-Zélande ont pris le relais pour combler le vide sur le marché et cet établissement canadien se retrouve sans rien. Il doit repartir de zéro car il a perdu tous ses marchés en Asie depuis la découverte de cette unique vache atteinte de l'ESB. Même si les frontières étaient rouvertes demain, il lui faudrait quand même reprendre pied sur ces marchés-là. Les affaires ne reprendraient pas comme avant, parce que les Australiens et les Néo- Zélandais ont pris le relais et se sont emparé de ces marchés.

On estime qu'au cours des mois suivant la découverte de l'ESB au Canada en mai 2003, les établissements canadiens d'abattage et de conditionnement ont donné 1,5 million de livres de viande à des banques alimentaires d'un bout à l'autre du Canada.

Les conditionneurs ont maintenant perdu le crédit qu'ils recevaient auparavant pour l'équarrissage de la viande et des os. Compte tenu du grand nombre de bovins qui sont abattus au Canada, au fil des années, les abattoirs ont tenté d'utiliser jusqu'à la dernière miette de l'animal, non seulement pour obtenir un meilleur rendement, mais aussi pour ne pas polluer l'environnement. Il y a un nombre immense d'animaux dans l'ensemble de la chaîne. On nous donnait autrefois un crédit pour tous les produits d'équarrissage, mais ce crédit s'est maintenant transformé en un coût; et la différence est de 40 $ par tête. Les équarrisseurs avaient des marchés dans le monde entier pour leurs produits de l'équarrissage de la viande et des os. Aujourd'hui, ils ont perdu leurs marchés et cela s'est répercuté sur le montant que nous recevons au bout du compte pour le produit d'équarrissage.

On ne peut certainement pas sous-estimer l'effet du taux de change sur les prix. Après la découverte de l'ESB au Canada en mai dernier, un cas a été trouvé en décembre dans l'État de Washington. Le dollar canadien s'était renforcé et après décembre, le prix du boeuf américain a commencé à baisser. Je travaillais hier à de la documentation et j'ai demandé à des gens du secteur de la commercialisation du boeuf ce qui se serait passé si rien n'avait changé, c'est-à-dire si le dollar canadien s'était renforcé mais que tout le reste était resté égal. Quel effet cela aurait-il eu sur le prix du bétail au Canada, parce que nous sommes un marché tellement intégré? On estime que l'effet aurait peut-être été aussi élevé que 230 $ par tête. C'est un autre facteur qui influe puissamment sur ce qui se passe aujourd'hui au Canada. Cela touche tous les exportateurs, pas seulement dans le secteur du boeuf, c'est toute l'industrie qui est touchée.

Juste avant la fermeture des frontières, nous tentions d'obtenir un équivalent américain pour notre boeuf, c'est-à- dire catégorie AAA versus Choice. À l'heure actuelle, de la viande désossée est exportée aux États-Unis et au Mexique, mais les Américains ne reconnaissent pas l'équivalence. Par conséquent, on nous paye moins que si nous avions l'équivalence de nos catégories respectives. C'est un autre facteur qui influe sur le prix que reçoivent les abattoirs pour la viande destinée aux États-Unis.

Je veux vous parler de la capacité d'abattage. L'industrie peut actuellement transformer environ 70 000 bovins par semaine. Après la découverte de l'ESB, notre production a baissé à 30 000 bêtes par semaine pour remonter ensuite à 45 000 par semaine à cause de la nouvelle réalité du marché canadien. Nous sommes très heureux que les Canadiens se soient mis à manger beaucoup de boeuf. C'était une excellente chose et cela nous a certainement aidés. Le Conseil canadien du boeuf fait partie de la table ronde sur l'industrie, laquelle, de concert avec le Comité de l'agriculture et de l'agroalimentaire des communes, a demandé que les abattoirs augmentent le nombre de bêtes transformées; et nous l'avons fait. Notre production est maintenant revenue quasiment à pleine capacité.

Le tableau suivant, intitulé «Survol de l'approvisionnement en boeuf», contient des chiffres sur l'abattage de bovins gras au Canada qui sont tirés du site Web d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ce sont de jeunes bouvillons et génisses engraissés, de 18 à 24 mois. En mai, juin et juillet, les chiffres ont baissé très nettement, mais sont maintenant remontés au niveau antérieur à l'ESB. Un autre facteur important est que nos industriels du boeuf possèdent des usines et de l'équipement dont la valeur est estimée à 800 millions de dollars. Tout l'équipement est conçu sur mesure et est très spécifique à cette industrie. Si l'on fonctionne constamment à la capacité spécifiée, le coût de revient diminue et l'on peut se permettre d'offrir un prix plus élevé pour le bétail, et cetera. Or les usines et l'équipement ont été en grande partie inutilisés pendant la période où l'activité avait baissé de façon tellement draconienne. Certaines usines ont carrément fermé et d'autres fonctionnaient à la moitié de leur capacité.

Nous employons environ 10 000 Canadiens d'un bout à l'autre du Canada. Le mois dernier, j'ai visité l'usine de Guelph. Je peux vous dire que c'est du travail dur, froid, répétitif et à un rythme rapide, le plus souvent effectué debout. Ce n'est pas du travail facile et pour garder des travailleurs à leur emploi dans des conditions de travail aussi difficiles, les employeurs doivent leur offrir de bons salaires et de bonnes conditions. Une étude récente a montré que six emplois indirects sont créés pour chaque emploi direct dans le secteur du conditionnement de la viande. Certains m'ont dit que c'est épouvantable, que les abattoirs ne devraient pas faire de profits. Eh bien, les abattoirs doivent rester en affaires et doivent bien faire assez de profits pour exploiter leur entreprise. Si un conditionneur fermait ses portes au Canada, ce ne serait pas bon pour quiconque dans l'industrie. Ils peuvent seulement se permettre de payer assez cher pour le bétail dans un marché compétitif, car ils doivent avoir l'assurance de faire assez d'argent au bout du compte pour payer l'usine, l'équipement et les employés.

Depuis juillet 2003, le Canada exige l'enlèvement du matériel à risque spécifié (MRS) à l'abattoir pour tous les bovins âgés de 30 mois et plus. Cette mesure a été prise pour s'assurer que le boeuf vendu au Canada correspond aux normes les plus rigoureuses et que les Canadiens puissent en manger sans danger. Ce MRS, ce sont tous les morceaux où peuvent subsister des agents pathogènes de l'ESB: le crâne, la cervelle, les ganglions trigéminés, c'est-à-dire les nerfs rattachés à la cervelle; les yeux; les amygdales; la moelle épinière et les ganglions de la racine dorsale, c'est-à-dire les nerfs rattachés à la moelle épinière, chez tous les bovins âgés de plus de 30 mois, ainsi que l'iléon distal, qui est une partie de l'intestin grêle, chez les bovins de tous âges. Cela a fait augmenter le coût du conditionnement.

Nous devons faire le tri des bovins au poste d'abattage. Les vétérinaires vérifient tous les bovins dans les abattoirs en examinant les dents. Cela a augmenté le coût, mais nos usines relèvent des inspections fédérales et il n'est pas question pour nous de compromettre la salubrité des aliments, peu importe les coûts.

Pour ce qui est du secteur du veau, je ne vais pas passer en revue l'ensemble de la documentation. Je vais résumer tout cela à votre intention en insistant sur l'intégration de cette industrie à l'échelle de l'Amérique du Nord. Le secteur du veau s'est développé et les usines sont situées essentiellement en Ontario et au Québec. Les éleveurs possèdent les fermes, les animaux, les fabriques de provende et les abattoirs. Ils sont tout à fait intégrés verticalement. Nous encourageons toujours les agriculteurs à pratiquer l'intégration verticale et à remonter les échelons de la chaîne de valeur ajoutée. Les producteurs de veaux ont fait cela. Il y a eu passablement de changements dans le secteur. Les veaux Holstein sur pied venaient auparavant du Vermont et de l'État de New York, et les veaux de lait prêts à l'abattage étaient envoyés vers le marché américain. Quand la frontière a été fermée, les veaux ont été immobilisés de part et d'autre de la frontière. Un producteur en particulier avait des animaux prêts à l'abattage. N'oubliez pas qu'ils ne peuvent pas attendre parce que si les animaux dépassent l'âge spécifié, ils ne font plus partie de la catégorie du veau. Le producteur a donc dû faire abattre ses veaux à contrat parce qu'il n'avait pas les installations pour le faire lui-même. À l'heure actuelle, d'autres producteurs sont obligés de payer le double pour les veaux de lait au Canada. Leur situation est telle qu'ils ne peuvent pas faire venir des veaux sur pied parce que les frontières sont encore fermées et ne peuvent donc pas obtenir les vaches sur pied qu'il leur faut pour approvisionner leur ferme et poursuivre leurs activités. Ils sont dans une situation précaire.

De nouveaux investissements seront nécessaires à l'avenir pour respecter les nouvelles règles très strictes relativement au retraçage des animaux. Si un nouveau règlement est mis en place, les producteurs devront acheter de nouveaux ordinateurs, des logiciels, et cetera. Il faut constamment améliorer les installations pour demeurer compétitif.

L'incertitude persiste sur les marchés. La taille de notre secteur est en fonction du marché nord-américain. Si rien ne se passe bientôt, les producteurs devront apporter des correctifs quelconques.

Un propriétaire d'abattoir de Montréal m'a dit hier qu'il possède une machine spéciale pour enlever mécaniquement la viande des os. Il n'a plus le droit de l'utiliser au Canada. Il possède une machine qui vaut 1,5 million de dollars et qui reste inutilisée. Ce n'est qu'un exemple des problèmes qu'éprouvent les conditionneurs de viande.

Vous n'avez pas ce tableau. C'est un résumé des nouveaux coûts auxquels nous faisons face. Nos revenus vont baisser de 192 $ par tête. Les producteurs de vaches obtiennent environ 312 $ de moins par tête, parce qu'ils ne peuvent se servir de diverses parties de la vache qu'ils utilisaient auparavant. Ils doivent payer 40 $ de plus pour l'équarrissage.

Étant donné la force du dollar canadien, j'estime la perte à 230 $ de moins par tête. Le marché aurait baissé à ce niveau-là de toute manière parce que nous sommes pleinement intégrés. Il y a encore des produits écoulés vers les États-Unis, ce qui influe fortement sur les montants que les conditionneurs peuvent offrir.

J'ai une série de diapositives sur les prix de détail, ce qui n'est pas mon domaine de compétence. On m'a toutefois posé beaucoup de questions. Qu'est-ce qui se passe? Qui profite des consommateurs?

Tous les samedis matin, je vais faire mes courses avec ma fille de cinq ans et je vois beaucoup de produits en solde chez Loeb et Loblaws. J'ai pensé que les consommateurs ne me croiraient pas, parce que je travaille pour les conditionneurs et j'ai donc pris des données de Statistique Canada sur le steak de ronde, la surlonge, le steak de palette, le boeuf à ragoût et le boeuf haché dans divers coins du pays. Je crois savoir que l'on vérifie les prix quatre fois par mois d'un bout à l'autre du pays et que l'on fait une pondération pour obtenir un prix moyen. Si l'on compare août 2002 à août 2003, dans la plupart des cas, les chiffres ont baissé. La même chose est arrivée entre septembre et octobre. Je n'ai pas les données les plus récentes de Statistique Canada, mais ce tableau-ci de Statistique Canada montre que ce n'est pas vrai que les prix de détail n'ont pas bougé. Ils ont baissé. Quand il y a un rabais au magasin, cela ne compte pas pour la moyenne pondérée. Quand un produit est vendu à moitié prix, j'en achète beaucoup pour le mettre au congélateur. Je suis certain que beaucoup de Canadiens en font autant. Il y a eu beaucoup de soldes.

J'ai oublié d'apporter la feuille insérée dans le numéro de ce matin du Ottawa Citizen. Il y a un encart de Loeb qui porte exclusivement sur des viandes en solde. Il y a beaucoup de produits vendus à rabais d'un bout à l'autre du pays.

Quand les gens appellent, je leur dis que je ne crois pas du tout que ce ne soit pas le cas, parce que je sais que c'est le cas. Il y a eu du steak vendu à deux pour un et à moitié prix partout au Canada. Le boeuf haché se vendait 95 cents la livre il y a quelques semaines chez Atlantic Superstore.

Les gens me disent que les agriculteurs touchent 50 p. 100 de moins. Peut-être qu'ils parlent du marché de la vache ou du marché des bovins gras. On ne peut pas jouer au jeu des pourcentages. On ne peut pas dire qu'il y a eu une baisse en pourcentage parce que les coûts n'ont pas baissé d'un certain pourcentage tout le long de la chaîne. J'essaie d'expliquer aux gens comment cela fonctionne.

Les détaillants ont des coûts énormes, notamment pour la réfrigération et le personnel. Chacun doit s'assurer de rentrer dans ses frais pour rester en affaires.

La vice-présidente: Au début, après le 20 mai, les conditionneurs étaient très inquiets de la baisse rapide de leur chiffre d'affaires. Dans ma province de l'Alberta, surtout dans le sud de la province, ils prévoyaient faire des mises à pied et même fermer des usines. À un moment donné, le gouvernement fédéral, de concert avec le gouvernement de l'Alberta, a produit un régime de partage du travail qui a été offert à toutes les usines d'abattage.

Cela permettait aux employeurs de Lakeside de garder leurs employés en les payant moins cher. Néanmoins, cela leur permettait de garder leurs portes ouvertes.

Cela s'est-il produit dans d'autres usines? Je sais que c'était une offre ouverte et que cela exigeait la participation de la province. Dans la province de Québec, en particulier, ces producteurs qui sont totalement intégrés en ont-ils profité?

M. Laws: C'est une bonne question. J'occupe mon poste depuis seulement un mois. Je ne connais pas la réponse, mais je vais vous la trouver.

La vice-présidente: Ce serait bon de le savoir parce que, à l'époque, ce n'était pas une décision avantageuse pour tout le monde, mais elle permettait aux travailleurs de rentrer au travail et de gagner un peu d'argent, tout en gardant l'usine ouverte. Si vous pouviez me trouver ce renseignement, je vous en serais reconnaissante.

M. Laws: Je vais vous le trouver.

La vice-présidente: La semaine dernière, à Calgary, un groupe d'éleveurs se sont réunis et se demandaient si le moment n'était pas venu de fonder leur propre usine. J'ai remarqué qu'au Québec, les propriétaires de deux usines que vous avez mentionnées possèdent à la fois la terre et les animaux.

Que conseilleriez-vous aux Albertains qui envisagent d'en faire autant? Je suppose que ce serait tout à leur avantage, s'ils pouvaient le faire. Ce serait très coûteux de le faire maintenant.

Je suis confiante que la frontière rouvrira à un moment donné et que tout reprendra comme avant. À ce moment-là, ils ne seront peut-être pas dans une situation aussi avantageuse.

Pourriez-vous nous parler un peu de tout cela?

M. Laws: L'exemple que j'ai donné tout à l'heure était celui des veaux de lait. Certains conditionneurs possèdent aussi des parcs d'engraissement. Ils ont été obligés de le faire pour s'assurer d'avoir un approvisionnement suffisant pour leur propre usine.

Comme vous l'avez dit, avant la crise de l'ESB en mai, les agriculteurs canadiens pouvaient envoyer leur bétail de l'autre côté de la frontière, vers des abattoirs aux États-Unis. À l'époque, le dollar canadien était très faible et ils pouvaient se permettre d'expédier leurs animaux aux États-Unis. Aujourd'hui que le dollar canadien est plus fort, si la frontière était ouverte, peut-être que la situation serait changée.

Quand les conditionneurs investissent pour construire des usines, ils doivent fonctionner à pleine capacité pour rentrer dans leur argent. C'est ainsi qu'ils déterminent la capacité de leurs usines.

Si les agriculteurs de l'Alberta pouvaient garantir leur propre approvisionnement, au moins ils n'auraient pas à s'inquiéter de cela. Il faut investir énormément pour acheter l'équipement et ouvrir une usine. Je les encouragerais fortement à respecter le règlement fédéral, parce qu'ils pourraient alors expédier leurs produits partout au Canada et aussi à l'étranger.

Le sénateur Gustafson: Votre organisation représente les abattoirs partout au Canada. Ont-ils reçu de l'aide gouvernementale, des gouvernements fédéral ou provinciaux? Je vois que le gouvernement de l'Alberta verse 350 millions de dollars de subventions. Comment ce montant a-t-il été réparti? Les abattoirs en ont-ils eu une partie?

M. Laws: La question a été posée également lundi au comité permanent de la Chambre des communes. Certains de mes membres étaient présents et ils ont pu répondre que certains d'entre eux ont reçu jusqu'à la moitié de ce qui avait été demandé. Cependant, je n'ai pas les détails de tous les membres sur les montants qui ont été reçus dans les diverses provinces.

Je pense que l'argent a été offert seulement dans les provinces où il y avait partage des coûts entre les gouvernements fédéral et provincial. Je peux vous obtenir ce renseignement, à savoir combien chacun a reçu ou combien ils ont reçu au total.

Le sénateur Gustafson: C'est le gouvernement provincial de l'Alberta qui était le principal fournisseur de fonds. J'imagine que cet argent a été versé seulement aux usines de l'Alberta.

M. Laws: Oui, si tel est le cas, l'argent a dû être versé à ces usines-là. On a bien sûr débloqué des fonds considérables pour aider les agriculteurs à expédier leurs animaux vers le marché, pour leur permettre d'accepter un montant plus bas pour leurs animaux, étant donné la réalité du marché.

Le sénateur Gustafson: Je pense que cela se reflète dans les chiffres que vous avez donnés, puisque l'Alberta a subi le plus petit pourcentage de reports. Je pense que c'était de l'ordre de 6 p. 100. Est-ce bien cela?

M. Laws: Je ne pense pas avoir ce chiffre.

Le sénateur Gustafson: Il y avait une diapositive sur les pourcentages.

M. Laws: Je ne me rappelle pas du pourcentage par province.

Le sénateur Gustafson: Je suis moi-même agriculteur et toujours actif, et je me dis que nos agriculteurs sont dans une situation désespérée. Les statisticiens nous disent que leur revenu est négatif. Il n'y a pas d'argent pour eux. J'ignore dans quelle autre profession on pourrait survivre dans une telle situation.

Diriez-vous que les Canadiens s'attendent peut-être un peu trop à se nourrir à bon marché? Le Canadien moyen consacre moins de 9 p. 100 de son revenu à la nourriture; ce n'est donc pas un problème et probablement que la plupart d'entre nous, moi-même y compris, mangeons trop. Nous pourrions probablement nous contenter de la moitié de ce que nous mangeons. La nourriture n'a jamais été prioritaire. Le sénateur Sparrow et moi-même nous demandions si l'on devrait dire aux agriculteurs d'arrêter la reproduction de leurs troupeaux. Si cela continue, quelles mesures devrait- on prendre?

M. Laws: C'est une très bonne observation. Nous sommes d'accord pour dire que la situation est épouvantable pour l'ensemble du Canada. Ce n'est pas beau à voir.

Chose certaine, certains de nos membres, dont notre ancien président, qui a travaillé avec l'Agence canadienne d'inspection des aliments, l'ACIA, sont allés très souvent à Washington. Je pense que la réponse est claire: il faut ouvrir la frontière. Dès que l'on pourra en venir à une entente quelconque sur l'harmonisation des règles, dès que l'on se mettra d'accord sur la manière dont on appliquera toutes les règles entourant le matériel à risque spécifié et le traitement des animaux à l'abattage, nous pourrons retrouver nos débouchés.

Les Japonais et les Coréens ont fait savoir aux Américains que le marché est intégré à l'échelle de l'Amérique du Nord et que l'on ne peut pas tracer une ligne. Le bétail canadien se retrouve un peu partout aux États-Unis. Ils nous disent: «Il faut que vous accordiez vos violons au Canada et aux États-Unis».

Le Conseil des viandes du Canada veut faire ouvrir les frontières et nous voulons des règles communes pour que nous sachions tous comment fonctionner. Ce serait une bonne chose. C'est difficile. Beaucoup d'exploitants de parcs d'engraissement ne peuvent pas offrir autant qu'ils le voudraient parce qu'ils ignorent l'ampleur du risque. Ils ne savent pas ce qui va se passer. C'est une situation assez pénible.

J'ai vu les derniers chiffres de l'Organisation pour la coopération et le développement, l'OCDE, sur le pourcentage de leur revenu que les Canadiens consacrent à la nourriture, et je suis d'accord avec vous. Dans l'ensemble, nous sommes très chanceux. J'ai 45 ans et je peux acheter au supermarché des aliments que l'on ne trouvait nulle part quand j'étais petit. On trouve toutes sortes de choses tout le temps. On trouve du maïs en épi en janvier, et aussi des bleuets. Tout est disponible tout le temps et c'est très bon marché pour les Canadiens. C'est un marché mondial; les aliments se transportent si facilement.

Si rien ne change, il faudra qu'il y ait une correction quelconque. Nous ne pouvons pas doubler du jour au lendemain notre capacité d'abattage. Il faut des investissements énormes pour les usines et le matériel. Si la frontière s'ouvre tout à coup et que nous n'avons pas d'approvisionnement, nous aurons des problèmes, mais nous ne pouvons pas doubler notre production du jour au lendemain de toute façon. Tout le monde vit dans l'incertitude et c'est très difficile.

Le sénateur Gustafson: Depuis dix ans que je siège à ce comité, nous sommes bombardés de nouvelles catastrophiques de tous les secteurs de l'agriculture. Je suis d'avis que la situation n'a fait qu'empirer. On n'a trouvé aucune véritable solution au problème.

Supposons que la frontière américaine n'ouvre pas. Personnellement, je pense qu'il y a très peu de chances qu'elle soit rouverte avant les élections aux États-Unis, mais si cela dure encore un an, nous avons une génération de veaux qui arrive aujourd'hui, et une autre génération sera prête en novembre. Je ne pense pas qu'on puisse même envisager à quel point la situation sera grave. Comme le sénateur Sparrow me l'a dit, peut-être que nous devrions cesser d'élever du bétail. Il faut faire quelque chose.

M. Laws: C'est particulièrement catastrophique en Saskatchewan, où beaucoup de travail a été fait pour encourager les agriculteurs à diversifier leur production, pour passer des céréales au boeuf. Nous le savons tous. Voyez maintenant où nous en sommes, et tout cela à cause d'une seule vache atteinte de l'ESB en Alberta.

Je me rappelle que l'ancien ministre de l'Agriculture et de l'Agroalimentaire a dit une fois à une réunion que nous avons été chanceux jusqu'à maintenant; qu'il suffirait d'un seul accident quelque part pour nous mettre tous dans le pétrin. C'est exactement ce qui est arrivé et nous en ressentons tous l'impact.

Le sénateur Gustafson: Même ce qui se passe au Japon touche le public ici à cause des médias: on a trouvé dix vaches atteintes de la maladie, et puis encore une autre. Même la maladie du poulet n'aide pas, parce que le public devient nerveux.

M. Laws: Exactement. Voyez ce qui se passe au détail. Voyez le secteur du porc. La baisse du prix du boeuf — beaucoup de produits sont écoulés à rabais — force les producteurs d'autres viandes à baisser leurs prix pour rivaliser avec ce boeuf vendu à rabais et ils sont donc touchés eux aussi. Cela ruine le marché pour tout le monde. C'est une situation néfaste.

Le sénateur Gustafson: C'est d'une portée tellement vaste. Par exemple, j'ai entendu dire l'autre jour que les gens qui vendent des bétaillères n'en ont pas vendu une seule et qu'il leur est impossible de vendre du matériel de transport du bétail parce qu'il n'y a aucun encouragement dans le secteur. Cela touche tout le monde, depuis les vendeurs de selle d'équitation jusqu'aux détaillants de bottes.

Le sénateur Hubley: Honorables sénateurs, je viens de la côte Est et, pour moi, l'ampleur de ce problème est donc renversante. En lisant votre mémoire, je me suis demandé s'il y avait des données scientifiques. Est-ce qu'il se fait de la recherche? Fait-on de la recherche quelque part dans l'industrie?

Nous avons suivi de près la situation au Royaume-Uni et nous savions que, tôt ou tard, nous nous retrouverions dans la crise actuelle. Votre industrie appuie-t-elle la recherche sur la santé animale, pour que nous puissions enrayer les problèmes avant qu'ils ne paralysent tout un secteur? Il y a eu des pertes financières énormes et des problèmes épouvantables, surtout quand on connaît la taille de l'industrie et l'ampleur de l'agriculture de nos jours. Il me semble qu'il faudra que l'industrie et le gouvernement consacrent davantage d'argent à la protection de ces industries. Votre industrie s'en occupe-t-elle? En est-il question dans les réunions? Pouvez-vous me faire un petit exposé là-dessus?

M. Laws: Absolument. Je sais que beaucoup de nos membres, y compris l'un de nos permanents, participent régulièrement à des comités sur la recherche au Canada. J'ai reçu une lettre l'autre jour à mon bureau qui était envoyée conjointement par le Canada, les États-Unis et deux autres pays et dans laquelle on proposait de consacrer 90 millions de dollars à la recherche sur un vaccin contre la fièvre aphteuse. Avec ces 90 millions de dollars, on va tenter de mettre au point un vaccin pour éradiquer ou enrayer cette maladie.

Nous savons tous que l'ESB frappe très durement le Canada, mais si nous avions une épidémie de fièvre aphteuse, l'ESB serait de la rigolade en comparaison, parce que cela toucherait beaucoup plus d'animaux. Comme vous le savez, les Pays-Bas ont été frappés par la fièvre aphteuse il y a à peine deux ou trois étés et la situation était très grave. La maladie existe encore, mais on applique un plan pour l'enrayer.

On a vu plusieurs fois un vétérinaire au téléjournal national du réseau CBC. Il travaille à l'Université de la Saskatchewan et il connaît très bien son affaire. Je pense qu'il a été embauché parce qu'il connaît bien l'ESB et ce qui s'est passé en Europe. Il se fait beaucoup de recherche en Europe sur cette question. Dans le rapport de l'Office international des épizooties, l'OIE, on disait que les Etats-Unis ne devraient pas traiter si durement leurs partenaires commerciaux à cause d'un seul cas d'ESB. Ils étudient l'affaire actuellement. Il est certain que la recherche joue un rôle important et nous avons à notre bureau un directeur de la recherche et de la réglementation. C'est absolument essentiel.

La recherche est l'un des points forts d'Agriculture et Agroalimentaire Canada. Ils ont déployé beaucoup d'efforts dans le domaine de la recherche et de la protection animale. Nous avons un appel conférence hebdomadaire avec les gens de l'Agriculture et ils nous ont tenus au courant de tout. Nous avons aussi un appel conférence entre nos membres et quelqu'un de l'Agence canadienne d'inspection des aliments, qui nous tient au courant des pourparlers en cours pour résoudre la situation.

Le sénateur Hubley: Êtes-vous d'accord pour dire qu'il n'est pas nécessaire de tester chaque animal?

M. Laws: Nous reconnaissons que ce n'est pas nécessaire. Il est scientifiquement démontré, par exemple, que l'on ne peut pas déceler l'ESB chez les animaux de moins de 30 mois; c'est impossible à déceler. On a fait des tests très poussés, on a nourri des animaux avec des quantités énormes d'agents pathogènes et l'on n'a décelé aucune trace de l'ESB chez ces animaux. Il faut plusieurs années avant que la contagion se propage. Dans notre marché, je pense que cinq animaux abattus sur six, je pense que c'est le bon chiffre, ont moins de 30 mois. La totalité des animaux exportés était des animaux d'engraissement et non pas des bêtes plus âgées.

Le sénateur Hubley: Dans la récente crise de l'ESB au Japon, est-ce que l'une de ces dix bêtes atteintes était âgée de moins de 30 mois?

M. Laws: Je ne le sais pas, je ne peux pas vous le dire.

Le sénateur Hubley: Il me semble avoir entendu dire que deux de ces animaux avaient moins de 30 mois.

La vice-présidente: C'est exact.

Le sénateur Hubley: Quand j'ai entendu cela, toutes les assurances qu'on avait données ont été balayées. Je songe à la réaction du public quand cela se saura. Premièrement, le Japon a établi une norme qui a donné au public un certain niveau d'assurance, à savoir que chaque animal serait testé. Pourtant, cette nouvelle affaire change la donne puisqu'il est possible que deux de ces bêtes avaient moins de 30 mois.

M. Laws: Bien sûr, l'Agence canadienne d'inspection des aliments prévoit augmenter le nombre des animaux testés au Canada. Ils vont cibler les bêtes qui sont incapables de marcher pour augmenter le nombre de tests de dépistage, ainsi que les animaux d'un certain âge les plus susceptibles d'être contaminés.

Le sénateur Hubley: J'ai deux brèves questions sur votre exposé. Vous avez dit qu'on examinait les dents des animaux, ce que j'ignorais totalement. Quand vous étiquetez un animal, quelle information figure sur l'étiquette? On y consigne des renseignements importants sur l'animal. Quels renseignements?

M. Laws: C'est un code à barres lu par une machine et je crois savoir qu'on indique la date de naissance et l'origine de l'animal.

Le sénateur Hubley: C'est pour le tri.

M. Laws: Passé un certain âge, les animaux ont des dents qui n'ont pas encore poussé chez les animaux plus jeunes.

Le sénateur Hubley: Cela indique l'âge de l'animal, ou bien ce renseignement est-il sur l'étiquette?

M. Laws: Il l'est, mais il faut une contre-vérification pour garantir l'exactitude du renseignement.

Le sénateur Hubley: Certains renseignements sur l'étiquette pourraient être inexacts.

M. Laws: Je ne dis pas cela, mais c'est une vérification supplémentaire.

Le sénateur Hubley: Il me semble que cela exige beaucoup de main-d'oeuvre.

M. Laws: Oui, mais cela en vaut certainement la peine. Une étiquette peut se perdre et cela arrive à l'occasion. Si l'étiquette manque, c'est une autre bonne raison de faire la vérification.

Le sénateur Hubley: Cela ne m'apparaissait pas logique. Ma deuxième brève question porte sur le coût ou le crédit pour l'équarrissage. Vous y envoyez certains produits. Comment vous débarrassez-vous des sous-produits dont la quantité doit maintenant avoir augmenté?

M. Laws: Tous ces produits inutilisés sont mis de côté à l'usine et envoyés par camion à l'usine d'équarrissage où l'on sépare les protéines et le gras animal.

Le sénateur Gustafson: Je veux dire quelque chose au sujet de l'étiquetage. Jusqu'à maintenant, on se contentait de marquer le bétail au fer rouge, et parfois on ne le faisait même pas. On ne s'en préoccupait pas beaucoup. Aujourd'hui, on commence à exiger l'étiquette dans l'oreille pour savoir exactement d'où vient l'animal. Cela complique le travail du fermier. Il a beaucoup plus de responsabilités et de travail.

M. Laws: Je crois savoir que le système canadien d'identification des animaux est beaucoup plus poussé que le système américain.

Le sénateur Gustafson: Cela pose la question suivante au sujet des Canadiens: sommes-nous en train de devenir plus catholiques que le pape dans tout cela? Dans certains pays du monde, si une chose pareille arrivait, je veux dire une vache atteinte de l'ESB, personne n'en aurait entendu parler.

M. Laws: Il faut reconnaître que nous avons pu déterminer assez rapidement d'où venaient les animaux en question. L'Agence canadienne d'inspection des aliments a pu faire le repérage.

Le sénateur Gustafson: Cela pourrait avoir des avantages à long terme, parce que je ne crois pas qu'il y ait un seul autre pays du monde qui ait pris autant de peine pour s'assurer que les animaux soient en santé à tous égards. Il faut espérer que notre pays en récoltera les fruits. Je crois que ce sera le cas.

M. Laws: Les fermiers qui ont des animaux excellents à tous égards toucheront une prime, tout dépendant de leur manière de commercialiser leurs animaux. En Ontario, ils expédient leurs animaux par train et ils touchent un meilleur prix pour une certaine catégorie, et c'est tout à leur avantage que l'animal soit bien identifié pour s'assurer que le paiement leur parvienne, pour que le prix corresponde à leurs animaux à eux.

La vice-présidente: Quand le comité international a examiné la situation et fait rapport sur notre conduite relativement à cette première vache, il a pris la peine, pour répondre au sénateur Gustafson, de nous donner la meilleure note quant à la nature et au fonctionnement de notre processus.

Le sénateur Mercer: Notre comité a une tâche difficile. Chacun des membres du comité ressent beaucoup de sympathie et d'empathie envers les agriculteurs. Nous avons également beaucoup de sympathie et d'empathie pour les travailleurs d'usine et pour les consommateurs.

Je voudrais m'attarder au coût de tout cela. On nous a dit que la marge brute des abattoirs pour la période allant du 22 septembre 2003 au 16 février 2004 était d'environ 431 $ par carcasse. Cela se compare à 144 $ par carcasse il y a un an pendant la même période. Comment expliquez-vous cette très forte augmentation de la marge brute dans les abattoirs canadiens?

M. Laws: J'ai vu les données que vous citez et je ne suis pas du tout convaincu que l'on a tenu compte de tous les aspects. La marge brute est un facteur, mais si l'on examine les revenus que nous touchons pour la totalité de l'animal, compte tenu des coûts supplémentaires qu'il faut absorber, et cetera, je ne suis pas convaincu de l'exactitude de ces chiffres sur la marge brute. J'ignore ce que vous avez exactement sous les yeux.

Le sénateur Mercer: Dans ce cas, voyons ce que disent vos chiffres. Vous nous avez donné, dans votre mémoire, des chiffres de Statistique Canada. Mais permettez que j'établisse d'abord le contexte. Dans les chiffres publiés en février par Statistique Canada, le prix des bovins et des veaux a baissé de 50 p. 100 entre mai et juillet 2003, d'après l'indice des produits de la ferme. D'après l'indice des prix à la consommation, le prix de détail du boeuf a bel et bien baissé de 14 p. 100 entre mai et septembre 2003, mais cette baisse est très loin de la baisse de 50 p. 100 du prix des bovins. Pouvez-vous expliquer cela?

M. Laws: Oui, je le peux. Vous citez probablement des chiffres du marché de la vache plutôt que du marché des bovins d'engraissement. Les bovins gras se vendaient environ 85 cents la livre la semaine dernière, entre 80 et 85 cents; l'année dernière, à cette époque de l'année, le prix était d'environ 1,15 $, ce qui représente une baisse de quelque 25 p. 100. C'est le marché pour les bovins d'engraissement. Ce ne sont pas les vieilles vaches. Si vous examinez le cours des vieilles vaches, nous avons perdu énormément de valeur pour ces animaux-là.

Pour toutes les pièces que nous envoyons maintenant à l'équarrissage, et aussi pour la viande qui sert aux retailles et au boeuf haché, la valeur a baissé énormément. Il y en a beaucoup au Canada à l'heure actuelle et les abattoirs n'obtiennent pas autant qu'auparavant pour chaque animal abattu. C'est un fait. Nous ne pouvons pas nous permettre d'offrir plus cher pour l'animal que ce que nous en obtiendrons au bout du compte.

Le prix des bouvillons et des génisses engraissés n'est pas la moitié de ce qu'il était l'année dernière; il est d'environ 75 p. 100 de ce qu'il était l'année dernière. Le dollar canadien s'est renforcé considérablement, ce qui est aussi un facteur. Nous avons absorbé une foule de coûts supplémentaires et il y a beaucoup de facteurs différents. Nous avons perdu nos marchés internationaux et la situation est assez grave.

Le sénateur Mercer: Nous avons entendu un agriculteur ici même la semaine dernière. Je pense qu'il contesterait votre affirmation et vous brosserait un portrait différent quant au coût du bétail qu'il vendait avant l'ESB en comparaison d'aujourd'hui. Il avait des statistiques qui m'ont fait peur.

Vous et moi avons quelque chose d'autre en commun. Vous avez dit que vous faisiez les courses le samedi matin avec votre fille de cinq ans. Pendant des années, c'est moi qui faisais les courses dans mon ménage. Je précise en passant que c'est également moi qui fait la cuisine. Je connais bien la situation du boeuf au supermarché parce que c'est moi qui fait les courses.

Je vais vous parler du rôti de côtes, que beaucoup de gens achètent. En décembre 2000, il coûtait 16,13 $ le kilo. Ensuite le prix a augmenté, passant à 17,74 $ en décembre 2001, 18,62 $ en décembre 2002, et 18,80 $ en décembre 2003. Je ne vois pas la moindre baisse; et quand j'achète le rôti pour le dimanche soir, je trouve que ce n'est pas tellement bon marché.

Pourquoi le prix de cette coupe de boeuf a-t-il atteint un point culminant en décembre 2003, alors que nous sommes encore en plein milieu de la crise de l'ESB? De plus, si le prix payé aux agriculteurs pour le boeuf a baissé de moitié — je m'en tiens à mon chiffre de 50 p. 100 parce que c'est ce que j'ai appris jusqu'à maintenant dans tout ce processus — où sont les économies pour le consommateur et où va l'argent? Je sais que ce n'est pas l'agriculteur qui l'empoche. Je sais, en tant que consommateur, que je ne fais pas une bonne affaire. Il y a des intermédiaires quelque part. Ma mission comme membre du comité est de découvrir qui touche l'argent.

M. Laws: Je répète que je ne suis pas d'accord pour dire que le prix des coupes de choix se situe à la moitié du prix de l'année dernière. Il y a un marché des bovins d'engraissement envoyés aux parcs d'engraissement. Il y a eu une baisse également de ce côté; mais ces animaux ne sont pas destinés à l'abattage, mais plutôt aux parcs d'engraissement. Le prix a baissé d'environ 25 p. 100 par rapport au prix antérieur. Je vous le répète, je vous ai montré plein de feuillets publicitaires. Il y a eu une foule de ces feuillets annonçant des rabais. J'aurais dû apporter celui de Loeb publié ce matin.

Le sénateur St. Germain: Puis-je poser une question supplémentaire? Vous avez peut-être raison pour le bovin gras, mais le sénateur est en train de vous dire que le prix des veaux de 600 livres a baissé de 50 p. 100. C'est là que l'éleveur et l'agriculteur écopent durement et ils n'arrivent pas à comprendre ce qui se passe. Je suis probablement d'accord avec vous au sujet du bovin gras, après l'engraissement; mais pourtant, l'éleveur touche 55 ou 60 cents la livre, car on peut actuellement acheter en Colombie-Britannique du bétail aux enchères, des veaux de 600 livres, et payer de 55 à 60 cents, alors que ces bovins se vendaient auparavant 1,20 $. C'est ce que le sénateur Mercer vous explique.

Le sénateur Gustafson: En réalité, ce rôti de boeuf qu'il achète pour le dîner provient d'une vache de 1 300 livres; et le parc d'engraissement a perdu environ 300 $ par tête pour nourrir cet animal et le faire passer de 600 livres à 1 300 livres. On n'abat pas l'animal quand il est encore un veau.

Le sénateur St. Germain: Je le sais. Cependant, tout ce que le sénateur vous dit, c'est que le prix payé aux éleveurs a baissé de 50 p. 100. Il a raison là-dessus. Ce que M. Laws dit, c'est que le prix a baissé de 25 p. 100.

Le sénateur Gustafson: Mon argument, c'est que l'exploitant de parcs d'engraissement a perdu de l'argent. J'en ai parlé aux gens de Poundmaker en Saskatchewan; ils perdent 350 $ par tête sur 25 000 têtes de bétail actuellement. Ce sont leurs propres chiffres.

Le sénateur St. Germain: Oui, parce qu'ils ont payé à l'origine un prix plus élevé pour ces bêtes qu'ils ont ensuite engraissées. Cependant, quand ils achètent aujourd'hui, ils payent 50 p. 100 de moins aux éleveurs et aux agriculteurs qu'auparavant.

L'éleveur touche 50 p. 100 de moins, comme le sénateur Mercer l'a dit, mais il continue d'aller acheter de la viande au marché. Il paye son rôti de boeuf plus cher qu'avant l'ESB.

Le sénateur Sparrow: Ce produit n'est pas encore arrivé au marché du détail.

Le sénateur Gustafson: Non.

La vice-présidente: Nous avons une bonne discussion de groupe, mais je voudrais demander au sénateur Mercer s'il avait fini de poser sa question.

Le sénateur Mercer: Vous avez raison. Les agriculteurs vont faire l'éducation du citadin que je suis au sujet du bétail. Mais personne ne me l'a encore expliqué.

M. Laws: Tout est là, sur le tableau.

Le sénateur Mercer: C'est un bien beau tableau qui m'explique comment on élève le bétail, comment on le commercialise et quel est son cheminement depuis l'abattoir jusqu'au restaurant. Cependant, à l'extrême droite du tableau, il y a le consommateur, et à l'extrême gauche, l'agriculteur. L'agriculteur, nous le savons, se fait avoir dans ce processus. Moi, je vous dis, en tant que consommateur, que j'ai l'impression de me faire avoir aussi parce que je sais que l'agriculteur touche moins d'argent pour son bétail et que je paye plus cher pour acheter du boeuf à l'autre bout de la chaîne.

Je veux savoir qui fait de l'argent. Vous me dites que ce n'est pas l'abattoir. Vous dites que vous avez fait des mises à pied, mais que la production a maintenant repris.

Quelqu'un, quelque part, s'empare d'une plus grosse part du gâteau. Ce n'est pas l'agriculteur. Vous me dites que ce n'est pas l'entreprise d'abattage. Allez-vous maintenant me dire que c'est le détaillant?

M. Laws: Non, je ne vais pas vous dire cela. Je dirais que personne ne fait des profits excessifs. Nous devons faire assez d'argent pour rester en affaires.

Le sénateur Mercer: Je n'en disconviens pas.

M. Laws: Sinon, nous perdrons des entreprises au Canada. La situation serait mauvaise.

Nous ne tirons pas un revenu de la totalité de l'animal, comme nous le faisions auparavant. C'est un fait. Je vous ai donné une information indépendante. Si nous n'obtenons pas autant sur le marché qu'auparavant, nous ne pouvons pas nous permettre d'offrir autant qu'auparavant pour acheter le bétail. Il n'y a pas à en sortir.

Les ventes au détail sont très bonnes. Je ne suis pas spécialiste du détail, mais je vous ai montré des documents. Je crois que les consommateurs achètent à moitié prix et stockent le produit dans leur congélateur. Les coupes de choix dont vous parlez viennent d'animaux de première catégorie. Elles ne viennent pas des veaux que l'on dirige vers les parcs d'engraissement.

Je ne représente pas les propriétaires de parcs d'engraissement, mais je sais qu'ils ont perdu beaucoup d'argent. Ils possèdent des exploitations agricoles de grande taille, ils peuvent seulement se permettre d'offrir pour les animaux un montant égal à ce qu'ils pensent pouvoir obtenir à l'autre bout. Ils sont dans une situation vraiment difficile.

Toute cette affaire est vraiment pénible. Nous espérons que les frontières vont rouvrir pour que nous puissions recommencer à écouler nos produits.

Le sénateur Mercer: Vous m'avez dit que les propriétaires de parcs d'engraissement ne font pas d'argent. Les conditionneurs et les agriculteurs ne font pas d'argent non plus. Je vous ai parlé des consommateurs. Nous sommes en train d'éliminer tous les intervenants.

Je veux en avoir le coeur net. Si le consommateur paye plus cher, je veux savoir à qui va l'argent.

Je sais que les agriculteurs ne l'obtiennent pas. Je paye plus cher au supermarché. Vous m'avez dit que les propriétaires de parcs d'engraissement ne touchent pas plus d'argent. Vous allez me dire ensuite que les restaurants et les distributeurs ne font pas d'argent non plus.

Il y a de l'argent fictif qui s'évapore dès que je l'injecte dans le système quand je vais chez Loblaws le samedi.

La vice-présidente: Sénateur Mercer, M. Laws et vous-même pourrez poursuivre cette discussion après la réunion.

Le sénateur Sparrow: À quel pourcentage de leur capacité les abattoirs produisent-ils actuellement, en comparaison de leur production habituelle?

M. Laws: Nous sommes près de la pleine capacité. Nous avons une capacité maximale de 70 000 têtes de bétail par semaine, et nous ne sommes pas loin de ce maximum.

Le sénateur Sparrow: Votre production est écoulée sur le marché canadien?

M. Laws: Non, nous vendons beaucoup de boeuf désossé aux États-Unis depuis le début septembre et une quantité appréciable au Mexique. Le Mexique a fermé sa frontière aux Américains le 23 décembre, ou autour de cette date, de sorte que nous écoulons maintenant des produits au Mexique également.

Le sénateur Sparrow: Le pourcentage a-t-il augmenté ou diminué au cours de la dernière année pour les exportations de boeuf désossé et empaqueté?

M. Laws: Le pourcentage de la viande écoulée au Mexique a augmenté parce que les Américains avaient une plus grande part de ce marché que nous. Cependant, une quantité appréciable est écoulée là-bas. Il me faudrait trouver les statistiques pour vous dire le pourcentage exact.

Le sénateur Sparrow: Vous parlez de la quantité de produits que nous exportons actuellement. Quel pourcentage cela représente-t-il par rapport à nos exportations d'il y a un an ou deux. Avez-vous ce chiffre?

M. Laws: Je peux vous l'obtenir et vous le faire parvenir.

Le sénateur Sparrow: Très bien.

M. Laws: Actuellement, ce sont uniquement des coupes de choix désossées.

Le sénateur Sparrow: Historiquement, dans le secteur des abattoirs et de l'emballage, les faits démontrent, et je ne sais pas jusqu'où cela remonte, que les abattoirs et les entreprises de conditionnement ne faisaient pas vraiment d'argent sur leur boeuf désossé et leurs coupes de choix. Ils faisaient plutôt du profit sur les abats. En effet, la concurrence était féroce dans d'autres domaines.

Pour revenir à la question du sénateur Mercer, si vous ne pouvez pas vendre la totalité de la viande et des os, c'est-à- dire les abats, cela représente une forte augmentation de coûts pour la production des usines.

Je ne vois aucune perte subie nulle part que nous n'ayons pas discernée. Les gens qui achètent les bovins au départ et les revendent pour la finition ne font absolument pas d'argent actuellement. La quantité de bovins qu'ils traitent a beaucoup diminué.

Au Canada, tout se fait au volume et le profit est réalisé grâce au volume. Quand ce volume est réduit de moitié, le marché ne fait pas d'argent.

Les camionneurs ne font pas d'argent parce qu'ils n'ont rien à transporter. Ils vendent leurs camions parce qu'il n'y a plus d'argent à faire. Nous savons que l'exploitant de parcs d'engraissement écope. Il ne fait pas d'argent. Il est dans une situation désespérée dans tout l'Ouest du Canada. Il n'y a aucun doute là-dessus. Les pertes sont énormes dans ce secteur.

Si l'on passe maintenant aux abattoirs, ils ne font pas d'argent sur les abats, qui étaient leur principale source de profit. Il faut que cela se répercute sur le marché de détail. Le prix doit demeurer élevé pour compenser la hausse des coûts des abattoirs. Or je constate que le détaillant ne fait pas d'argent.

Je sais que l'on peut acheter une grosse boîte de viande hachée. Normalement, cette viande hachée coûte 3 $ la livre. On peut maintenant en trouver partout au Canada à 1 $ la livre, quoique pas tous les jours. Quand ils produisent du boeuf haché, ils le produisent en blocs énormes qu'ils vendent 1 $ la livre. C'est de la viande bon marché. La semaine suivante, le prix augmente parce qu'il n'y a pas eu d'abattage d'animaux d'un certain âge destinés à la fabrication du boeuf haché.

C'est important que nous sachions tout cela pour en faire part aux consommateurs. Nous ne voulons pas que les consommateurs aient l'impression qu'ils se font voler par cette industrie, parce que je ne crois pas que ce soit le cas. Je confirme ce que vous nous dites. Les consommateurs doivent se rendre compte qu'ils en ont pour leur argent. Personne ne les vole dans ce processus. Nous pouvons continuer de manger du boeuf en toute confiance.

Notre consommation par habitant a augmenté. Je pensais que c'était de l'ordre de 75 livres par année; quelqu'un a dit hier que c'était 75 livres. Il y a 20 ans à peine, nous mangions 90 livres de boeuf par habitant.

Nous ne reviendrons pas à ce chiffre de 90 livres avant longtemps, et peut-être jamais.

Le sénateur Gustafson: Combien de temps peut-on congeler le boeuf? Ma femme me dit que la moitié d'un bouvillon est au congélateur depuis six mois et qu'il est temps de le manger.

M. Laws: C'est une bonne question. Je vais vous donner une réponse de profane. Je pense que tout dépend de l'emballage. Si le boeuf est bien emballé et ne se dessèche pas, vous pouvez le garder congelé longtemps. Je vais vous faire parvenir une réponse intelligente à cette question.

Le sénateur Sparrow: La viande congelée commence à se dégrader après six mois.

La vice-présidente: Si on l'emballe dans une feuille de plastique avant d'emballer le tout dans du papier d'aluminium, le produit se garde plus longtemps.

Le sénateur Sparrow: J'aimerais que M. Laws donne suite à nos questions.

La vice-présidente: Oui, M. Laws fera parvenir les réponses au comité.

M. Laws: Oui.

Le sénateur St. Germain: Pour ce qui est des détaillants, je ne vois pas pourquoi ils subiraient des pertes. Le seul problème que je perçois, c'est que le prix à l'unité a peut-être baissé. Si quelqu'un réussit à se sortir indemne de cette crise, c'est bien le détaillant. Si les détaillants vendent du boeuf haché à 1 $ la livre et que leurs autres produits, par exemple les coupes de choix, restent essentiellement au même prix qu'avant, alors je ne vois pas où se situe leur perte. Le prix de vente de leur boeuf haché a légèrement baissé, mais à part cela, je ne vois aucune possibilité.

M. Laws: Pour être juste envers tous les intervenants dans cette chaîne, il faut dire que les compagnies ont pour but de faire des profits et donc de survivre; c'est leur mandat. Si quelqu'un subit des pertes et fait faillite, personne n'est gagnant le long de la chaîne. Chacun des maillons de la chaîne a besoin des autres. Les agriculteurs sont absolument importants pour les abattoirs et tous les autres maillons de la chaîne, mais les détaillants sont tout aussi importants pour l'agriculteur. Ce dernier a besoin du détaillant et du conditionneur. Chacun a besoin de tous les autres. Ce n'est à l'avantage de personne si quelqu'un perd de l'argent le long de la chaîne.

Le sénateur St. Germain: Personne n'est contre le profit; dans mon coin de pays, tout le monde est en faveur du profit. Cependant, je vous dis que celui qui est le plus durement frappé, c'est l'éleveur de vaches et de veaux et l'exploitant de parcs d'engraissement. Il n'y a rien de pire que d'avoir un produit prêt à la transformation et d'être dans l'impossibilité de le transformer.

C'est une observation que je fais: je ne crois pas que le tort subi soit réparti également le long de la chaîne. Je ne veux pas que le détaillant fasse faillite, mais le détaillant ne subit pas des pertes aussi importantes que d'autres le long de la chaîne, depuis l'éleveur de veaux jusqu'au consommateur. J'ignore où vous vous situez dans le secteur de l'abattage, mais vous êtes fort probablement dans une situation plus difficile. L'éleveur de veaux n'a aucune prise sur le prix qu'on lui offre pour son produit. Il va aux enchères et il attend les offres. Je suis déjà allé à un encan où il y avait deux acheteurs pour mon bétail. Ils bavardaient et riaient et, de temps à autre, l'un d'eux levait la main. C'est affreux. Je vous demande de réagir à mes observations. Personne ne veut la faillite de qui que ce soit et nous aimerions que tous soient prospères, aucun doute là-dessus. Cependant, il y a quelqu'un le long de la chaîne qui est moins durement frappé que tous les autres et c'est le détaillant. Êtes-vous d'accord?

Le sénateur Sparrow: C'est vrai.

M. Laws: Je ne sais pas si je suis d'accord ou en désaccord.

Le sénateur St. Germain: C'est vous l'expert.

M. Laws: Je n'ai pas accès à leurs états financiers. Je suppose que l'on pourrait examiner les livres des compagnies cotées en bourse pour voir comment vont leurs affaires, mais je ne sais pas s'il y a une ventilation par catégorie. De plus, les détaillants ont soldé beaucoup de produits. Bien sûr, ils peuvent vendre à rabais quand ils achètent à meilleur prix qu'avant.

Le sénateur St. Germain: Les conditionneurs leur ont donné le produit à meilleur prix, n'est-ce pas?

M. Laws: Absolument, depuis l'année d'avant, nous leur vendons certains morceaux à prix réduits. Absolument, parce que c'est la loi de l'offre et de la demande et le marché est inondé de retailles et de viande hachée. L'offre et la demande dictent le prix parce que le marché est tout à fait libre. Quand le produit est abondant, cela se répercute à l'échelon suivant par une baisse des prix. Les conditionneurs font également face à la concurrence et il n'y a aucune entente entre eux pour fixer les prix; chacun ignore combien les autres payent.

Le sénateur St. Germain: Combien y a-t-il de grands abattoirs dans l'Ouest du Canada?

M. Laws: Vous voulez dire qui traitent du boeuf dans l'Ouest du Canada? Nous avons trois grands abattoirs.

Le sénateur St. Germain: Il n'y a donc pas beaucoup de concurrence.

M. Laws: Ce sont les abattoirs sous inspection fédérale. Il y a aussi des abattoirs plus petits inspectés par les provinces, et d'autres encore qui ne sont pas membres de notre association et je n'ai donc pas une liste de leurs noms. Cependant, en Ontario, il y a beaucoup de petits abattoirs qui conditionnent le boeuf. Ces gens-là font aussi des offres sur le bétail. Les éleveurs ont le choix entre au moins trois importantes entreprises, ce qui est mieux qu'une ou deux, c'est quand même de la concurrence. Il y a beaucoup de concurrence aux parcs d'engraissement où les offres sont scellées. C'est un marché compétitif. Dans le secteur du détail, il y a probablement un nombre égal de grandes entreprises au Canada.

Le sénateur St. Germain: Je ne dis pas qu'il n'y en a pas, mais je dis que l'éleveur de veaux est tout simplement coincé dans cette situation.

M. Laws: Je sais que beaucoup d'exploitants de parcs d'engraissement ont de lourdes dettes. Leurs coûts ne se limitent pas à l'achat des provendes, parce qu'ils ont aussi de lourdes dettes à rembourser. Quelles décisions ces agriculteurs ont-ils prises dans leurs entreprises et à quel moment? L'année dernière, avant le mois de mai, tout semblait aller très bien et ils ont probablement agrandi leur entreprise pour se retrouver ensuite coincés.

Le sénateur St. Germain: Je ne pense pas que nous blâmions qui que ce soit.

Le sénateur Callbeck: J'ai une question, monsieur Laws, sur l'harmonisation et l'incidence que cela aura sur votre secteur. Comme vous le savez, le Canada, les États-Unis et le Mexique ont convenu de renforcer l'harmonisation de la réglementation sur l'ESB. Maintenant, quelle en sera l'incidence sur les abattoirs au Canada?

M. Laws: Nous sommes fervents partisans de l'harmonisation, pour que les mêmes règles s'appliquent de part et d'autre de la frontière. Au Canada, nous avons des abattoirs d'inspection fédérale et des abattoirs d'inspection provinciale. Nous avons des règles différentes à l'intérieur du Canada et nous ne sommes pas en faveur de cela. Nous voulons plutôt des règles uniformes pour toute l'Amérique du Nord. Ce serait magnifique si tout le monde était astreint aux mêmes règles du jeu dans toute l'Amérique du Nord, car alors personne ne pourrait fermer la frontière et dire: «Nous ne sommes pas d'accord avec les méthodes canadiennes parce qu'elles ne sont pas les mêmes que les nôtres». Nous croyons que ce serait une bonne chose. Dans le contexte nord-américain, si l'on apportait des changements aux règles régissant les risques spécifiés, ou encore si l'on envisageait de changer les règles sur les aliments que l'on peut donner aux animaux, nous serions très satisfaits pourvu que les mêmes changements soient apportés également dans les autres pays.

Le sénateur Callbeck: Si ces changements étaient faits, l'incidence sur l'industrie au Canada serait-elle positive?

M. Laws: Tout dépend des changements qui seraient apportés. Nous disons que si vous devez faire des changements, assurez-vous que nous le fassions ensemble pour que l'on puisse rouvrir la frontière et recommencer à s'échanger librement des animaux sur pied et de la viande de part et d'autre de la frontière, comme il se doit. Toute l'industrie au Canada est conçue en fonction d'un marché nord-américain, depuis les fermes jusqu'aux abattoirs, les exportateurs, et cetera. C'est ce qui s'est passé. Les frontières ont été fermées.

Le sénateur Callbeck: Donnez-moi quelques exemples de ce que l'on envisage d'harmoniser.

M. Laws: Par exemple, l'harmonisation des règles sur les risques spécifiques. Si nous savions exactement quelle partie nous devons enlever de l'animal parce qu'il comporte un risque spécifique, afin de garantir la salubrité ou de respecter une nouvelle règle quelconque, alors nous saurions que les mêmes règles sont en place partout. Actuellement, par exemple, il est impossible de vendre du boeuf haché au sud de la frontière et si nous pouvons nous mettre d'accord sur des règles communes, nous pouvons recommencer à écouler nos produits là-bas. Il y a actuellement de la viande désossée et des coupes de choix qui sont écoulées aux États-Unis. Et puis il y a par exemple les veaux sur pied. Les producteurs qui exploitent des élevages de veaux au Canada veulent avoir accès à un plus grand nombre de jeunes veaux mâles de race Holstein provenant du Vermont et de l'État de New York. Les données scientifiques montrent que ces bêtes sont tellement jeunes qu'il est impossible qu'elles soient contaminées. Pourquoi ne pouvons-nous pas laisser ces animaux entrer au Canada? Le Canada s'efforce de négocier des règles communes s'appliquant à ces jeunes animaux. Peut-être que l'on attend que Washington fasse le premier geste. Chaque semaine, nous entendons parler de réunions à Washington et nous espérons que tout va débloquer.

Le sénateur Gustafson: J'ai une question de portée générale. Nos gouvernements, fédéral et provinciaux et de tous les partis, ont encouragé la production; par exemple, aux alentours de Brandon, on a construit 13 nouvelles porcheries depuis deux ou trois ans et l'on produit une plus grande quantité de porc. Maple Leaf est allé s'installer là-bas pour traiter ce porc, l'idée de base étant que nous pouvons augmenter notre volume dans l'élevage des porcs, du boeuf et du poulet et exporter nos produits, mais nous sommes dans une situation épouvantable. Le producteur de porc est aussi durement frappé que le producteur de boeuf.

Avez-vous des rencontres avec des représentants d'autres secteurs au Canada pour chercher une solution?

M. Laws: Absolument. Nous avons des membres qui exploitent aussi des abattoirs de porc et nous savons que telle est la situation. Au niveau du détail, quand le prix du boeuf tombe, cela touche les autres marchés: le porc doit baisser aussi, et le poulet également. Les gens achètent ce qui est à bas prix, quel que soit le produit. Tous sont touchés. C'est une situation incroyable.

Le sénateur Gustafson: Même en Saskatchewan, d'où je viens, le gouvernement a renfloué beaucoup de producteurs de porc il y a quelques années. Puis, pendant un temps, on a pu croire que tout irait bien et l'on a donc recommencé à construire et des compagnies ont été mises sur pied, la capacité a augmenté, et cetera.

Il faudra peut-être réexaminer tout le scénario et se dire que cela ne fonctionne pas. Au Canada, en Amérique du Nord, notre niveau de vie ne cesse d'augmenter. Probablement que les Haïtiens aimeraient bien manger un peu de ce boeuf et de ce porc, s'ils pouvaient l'obtenir, mais nous ne pouvons pas nous permettre de le leur donner à cause de nos normes élevées. Nous sommes en train de nous créer nous-mêmes des problèmes assez graves, si nous ne trouvons pas des solutions.

M. Laws: Une bonne partie de l'agriculture canadienne est axée sur l'exportation et c'est un exemple de ce qui arrive en cas de catastrophe. Voyez les répercussions sur le pays. Cela veut-il dire qu'il ne faut rien faire et pratiquer l'immobilisme? Je ne le crois pas. Nous essayons d'établir des règles solides pour le commerce international, pour que les gens puissent dire «tout cela à cause d'une seule vache atteinte de l'ESB». Nous devons essayer d'injecter une certaine discipline dans le secteur commercial pour que les gens s'attardent davantage à l'aspect scientifique et nous laissent rouvrir les frontières. Vous avez soulevé un argument très valable. Il y a toujours un risque quand on crée un marché de telle manière qu'il dépende fortement d'un secteur en particulier. Si l'on examine la situation dans son ensemble, je ne vois aucune solution. La Commission canadienne du blé, par exemple, nous a dit que le prix du blé doit baisser d'un certain nombre de cents. Il a baissé au point que l'on ne peut plus rentrer dans ses frais. Le coût de revient est supérieur au prix qu'on en obtient. On dirait que c'est le même phénomène dans tout le secteur de l'alimentation à la grandeur de la planète.

Je me demande si des gens comme vous, qui exploitez de grandes entreprises et qui êtes leur porte-parole, comment vous voyez la solution éventuelle de tout cela? Existe-t-il une solution quelconque?

M. Laws: Nous avons des membres de grande envergure, comme Cargill et Lakeside, qui possèdent des usines au Canada et aux États-Unis, et c'est ce que les grandes entreprises doivent faire parce que le marché s'internationalise. Voyez ce que font McCains et Saputo: toutes ces compagnies se sont implantées partout dans le monde.

Le sénateur Gustafson: Les McCains n'ont pas perdu beaucoup d'argent au fil des années.

M. Laws: Le marché devient mondial.

Le sénateur Mercer: Je ne vais pas revenir à ma question sur les prix, sauf pour dire que vous devez étudier votre propre documentation que vous nous avez fournie ici sur les prix, en citant des chiffres de Statistique Canada. Si vous appliquez la logique jusqu'au bout, à chaque pièce de viande dont il est fait mention, vous verrez qu'il y a une hausse constante du prix. Vous constaterez qu'il n'y a aucune économie pour les consommateurs.

Mais ce n'est pas la question que je veux vous poser.

Je suis préoccupé par ce que vous avez dit tout à l'heure dans votre exposé. Vous avez dit que les conditionneurs sont également des producteurs d'une certaine manière, puisqu'ils exploitent à la fois des parcs d'engraissement et des abattoirs et qu'ils achètent du bétail d'éleveurs canadiens indépendants pour l'abattage.

Ce qui m'inquiète, c'est qu'il y a possibilité de manipulation des prix de la part de ce groupe de gens. Vous vous empresserez de me dire que cela n'arriverait jamais, mais je vous rappelle que la semaine dernière, un tribunal de Chicago a conclu que la compagnie Tyson Foods était coupable d'avoir manipulé illégalement le marché du bétail aux termes de la loi Packers and Stockyards datant de 1921. La cour a constaté que cette manipulation du secteur du boeuf se chiffrait à — écoutez bien ce chiffre — 70 milliards de dollars américains. Une amende de 1,28 milliard de dollars US a été infligée à Tyson à titre de dédommagements. Ce n'est pas de la petite monnaie.

Pouvez-vous expliquer au comité comment Tyson a pu manipuler le marché du bétail? Cela peut-il arriver ici? Cette manipulation existe-t-elle ici ou pourrait-elle se faire ici?

M. Laws: Je ne suis pas spécialiste de ce qui s'est passé en Alabama. Je ne peux pas vous expliquer ce qui est arrivé dans cette affaire précise. Cependant, on nous a posé cette question lundi également. Il y avait là un propriétaire d'abattoir de l'Ontario, à cette séance du comité permanent, et il a dit qu'il possède du bétail qui représente 3 p. 100 de leur abattage à leur usine de Guelph. Trois pour cent, ce n'est pas un volume important, loin de là.

J'ignore quel pourcentage les autres conditionneurs du Canada possèdent dans leurs parcs d'engraissement, mais je sais que ce chiffre varie. Il fluctue selon le nombre de bêtes qu'ils ont à différentes époques de l'année dans leurs parcs d'engraissement. Par ailleurs, nos membres sont également tout à fait disposés à s'entretenir avec des représentants du Bureau de la concurrence qui voudraient communiquer avec nous.

Je ne crois pas qu'il y ait un manque de concurrence au Canada. Il y a des acheteurs. Les offres se font dans un contexte concurrentiel et chacun dirige son exploitation comme une sorte d'entreprise indépendante dans le domaine de l'engraissement. Chacun doit faire des profits dans ce secteur d'activité également, faute de quoi ils ne remplissent pas leurs parcs d'engraissement.

Le sénateur St. Germain: Est-ce que Cargill, Lakeside ou XL possèdent des parcs d'engraissement?

M. Laws: Oui. Je crois que Cargill et XL possèdent des parcs d'engraissement. J'ignore si XL en possède.

Le sénateur Mercer: Le programme de rétablissement du secteur à la suite de l'ESB a permis d'injecter de l'argent dans le système. Est-ce que les propriétaires d'abattoirs ont touché une partie de cet argent?

M. Laws: Cette même question a été posée tout à l'heure. Une partie de l'argent est allée aux propriétaires d'abattoirs, mais seulement la moitié de ce que l'on a demandé jusqu'à maintenant. Je vous obtiendrez de plus amples détails.

Le sénateur Mercer: Le gouvernement du Canada, pas plus qu'aucun autre gouvernement, ne peut jamais donner autant d'argent qu'on en demande. Je veux savoir combien a été donné.

Je m'intéresse à l'argent donné à l'agriculteur et au prix payé par le consommateur. Est-ce que de l'argent a été versé à quelqu'un entre les deux? Où se retrouve cet argent? Est-ce qu'il gonfle les profits des entreprises d'abattage? Où est allé cet argent?

M. Laws: Au milieu de l'été, on subissait des pertes énormes parce qu'on avait acheté des produits auparavant à des prix plus élevés. On subissait de lourdes pertes sur les produits écoulés à l'étranger. Je peux vous obtenir de plus amples détails sur le montant que les entreprises d'abattage ont reçu des quatre provinces du Canada qui ont participé à cette initiative à frais partagés.

J'ai entendu dire qu'on a offert 30 millions de dollars au total. C'est tout ce que je sais. Je ne connais pas les détails, mais je vais vous les obtenir.

Le sénateur Sparrow: Je pense que le témoin s'apprêtait à répondre à certaines de mes questions, mais on nous a coupés avant qu'il ait eu la chance de répondre. Par exemple, je l'ai interrogé sur la valeur et le pourcentage des abats et les répercussions qu'a eues le changement du marché des abats sur le coût de fonctionnement. Pourriez-vous répondre à cela?

M. Laws: Oui, je pense que vous demandiez si nous faisions notre profit sur la vente des abats.

Le sénateur Sparrow: J'ai demandé si c'était le cas historiquement.

M. Laws: Le profit, c'est la différence entre le revenu total de toutes les sources et l'ensemble des dépenses dans tous les domaines. Au fil des années, on a créé en Asie des marchés où l'on obtient une beaucoup plus grande valeur pour certains produits particuliers. Les conditionneurs pouvaient se permettre d'offrir plus pour le bétail qu'ils achetaient, sachant qu'ils en tiraient des revenus plus élevés en Asie. S'ils n'avaient pu compter sur cette source de revenu dans le passé, ils n'auraient pas pu offrir autant pour le bétail sur le marché libre. Tout cela fait partie de l'équation des revenus et des dépenses.

Le sénateur Sparrow: Vous ne pouvez pas me donner le pourcentage de profits bruts pour les coupes de boeuf ordinaires et pour les abats?

M. Laws: Le tableau montre des pertes de 192 $ pour les bovins gras. C'est le chiffre réel par tête, en termes de revenu.

Le sénateur Sparrow: Ce coût doit donc se refléter dans le prix global de ce qui reste pour ce produit.

M. Laws: Absolument. Cela veut dire que nous ne pouvons plus nous permettre d'offrir autant que dans le passé pour le bétail.

Le sénateur Sparrow: Nous ne pouvons plus utiliser les abats pour nourrir le bétail, par exemple. Cette porte a été fermée. Essentiellement, nous n'avons plus aucun marché local pour les abats, maintenant que le Japon et la Corée nous ont fermé la porte.

M. Laws: Étant donné l'état des dépenses et des revenus des équarrisseurs, ceux-ci ne peuvent pas nous payer pour les abats. Ils avaient des marchés internationaux qui sont disparus. Compte tenu de leur structure de coût, ils ne peuvent pas nous donner un sou pour les abats. Aujourd'hui, ils nous font payer pour nous en débarrasser.

Le sénateur Sparrow: Madame la présidente, je ne veux pas que nous partions d'ici sans avoir pris conscience que le secteur du bétail a été stable pendant longtemps dans notre pays. Nous n'avons pas créé de problèmes. Nous ne sommes pas la cause des problèmes qui frappent notre industrie.

Il y a des raisons à cela. Le cycle est plus long, et cetera. On ne peut pas entrer et sortir aussi rapidement que dans le secteur du porc. Nous avions une industrie stable.

Les éleveurs de l'Ouest du Canada ne veulent pas d'interventions gouvernementales. Ils disent qu'ils peuvent faire concurrence sur le marché mondial et assurément dans le marché nord-américain. Ils n'ont pas besoin de cette aide et ne l'ont pas demandée non plus.

Les éleveurs de veaux se sont bien tirés d'affaire pendant cette période. Les producteurs laitiers s'en sortaient bien eux aussi dans ce marché. Ils faisaient du profit sur leurs vaches de réforme et leurs veaux.

Aujourd'hui, il n'y a plus de marché pour les vaches de réforme et les veaux. Ce n'est pas la faute de l'industrie elle- même, c'est parce que les frontières sont fermées. Quand on examine le problème, il faut tenir compte de cela. Le problème n'est pas causé par le secteur du bétail.

Le sénateur a fait une comparaison avec le secteur du porc. Quand on a commencé à encourager l'expansion du secteur porcin dans l'Ouest du Canada, j'ai rencontré les responsables des syndicats du blé; je leur ai dit qu'ils commettaient une erreur en augmentant la production de porc.

Traditionnellement, dans le secteur du porc, nous avons toujours connu un cycle de trois ou quatre ans. Nous les avons encouragés à construire des porcheries. Ils avaient des exploitations comptant une centaine de truies. Ils sont passés à 1 000 ou à 10 000.

On a encouragé cela sans se rendre compte que le marché d'exportation n'était pas stable. Nous pensions que les Coréens, les Japonais et les Chinois achèteraient tout le porc que nous pourrions produire. Tout à coup, on n'arriverait plus à fournir ce marché d'exportation.

Les gouvernements s'en sont mêlés. Ils ont encouragé la production de porc au Manitoba et en Saskatchewan. Ils s'imaginaient que le marché était illimité. Mais il est limité parce qu'il ne peut pas absorber plus qu'une certaine quantité de produits.

J'ai parlé de la consommation de boeuf. Cela prend du temps pour faire passer la consommation de boeuf de 70 livres à 90 livres. Dans le secteur du porc, on peut entrer et sortir en un an. On peut perdre beaucoup d'argent en un an.

S'il y a un marché quelque part, il y a de la concurrence de la part des États-Unis et d'autres pays partout dans le monde qui peuvent approvisionner rapidement ce marché.

La vice-présidente: Nous attendons votre question avec impatience.

Le sénateur Sparrow: Nous avons encouragé l'augmentation de la production de porc. Ce qui m'inquiète aujourd'hui, c'est que nous disons qu'il faudrait agrandir les abattoirs et les installations de conditionnement de viande. Nous encourageons cet investissement massif. Nous savons que si les problèmes de frontière sont réglés, nous aurons une surcapacité dans le secteur de l'abattage et du conditionnement.

On se retrouvera devant des gens qui crient à l'aide parce que l'on aura créé une main-d'oeuvre trop nombreuse dans le secteur du conditionnement. On s'apercevra que nous avons une surcapacité et l'on demandera des subventions. Voilà ce qui m'inquiète à long terme.

Nous devons tenter de stabiliser ce marché. Cela coûtera beaucoup d'argent au gouvernement fédéral, mais il faut le faire parce que c'est une industrie importante, pas seulement pour nous au Canada, mais partout dans le monde.

Encouragez-vous les industriels à agrandir leurs entreprises dans le secteur de l'abattage et du conditionnement?

M. Laws: Dans le secteur du porc?

Le sénateur Sparrow: Non, je veux parler des bovins.

M. Laws: C'est une époque pleine d'incertitudes. Il y avait des plans d'agrandissement. Je pense que des travaux d'agrandissement sont en cours à l'usine XL d'Edmonton et doivent être achevés très bientôt, augmentant sa capacité de 1 200 vaches par semaine.

Si vous demandez aux responsables quels sont leurs plans, ils vous diront que c'est une bonne question. S'ils savaient que les frontières n'ouvriront pas, ils pourraient agrandir leurs installations pour en augmenter la capacité. Cependant, si les frontières ouvrent demain, le bétail sera envoyé aux États-Unis et ils n'utiliseront pas cette capacité. C'est une situation difficile. Qui sait ce que l'avenir nous réserve?

Le sénateur Gustafson: Nous devrions tirer les leçons apprises dans le secteur des céréales. Nous avons aujourd'hui plus de silos à grains que nous ne pouvons en remplir.

Le sénateur Sparrow: On agit sans réfléchir.

Le sénateur St. Germain: Nous ne sommes pas ici pour nous en prendre à un secteur quelconque de la chaîne. Nous avons une crise à la grandeur du pays. Où le comité devrait-il recommander que le gouvernement cible son aide? Celui qui dépend des prix, comme le sénateur Gustafson l'a dit, c'est l'éleveur de veaux. Je sais que les parcs d'engraissement indépendants ont également un problème. Tous les autres peuvent prendre leur propre sort en main, jusqu'à un certain point. Nous essayons, au comité, de formuler une recommandation au gouvernement quant au secteur précis qui doit recevoir une aide ciblée. Je suis du même avis que le sénateur Sparrow en ce sens que je ne veux pas la moindre ingérence dans le secteur bovin. Il a bien fonctionné, a été compétitif, sans intervention gouvernementale. Cependant, quand une crise comme celle-ci survient, nous devons tenter d'aider un certain segment de l'industrie. Nous essayons de déterminer qui a le plus grand besoin d'aide. J'ignore si vous voulez commenter cela. C'est un fait que les éleveurs de veaux et les exploitants de parcs d'engraissement indépendants sont fort probablement les plus durement frappés par cette crise.

M. Laws: Je peux commenter en mon nom personnel et non pas à titre de directeur exécutif du Conseil des viandes du Canada. C'est une entreprise qui fonctionne dans un contexte de libre marché et de concurrence, mais il y a, si j'ai bien compris, un nouveau programme canadien de stabilisation du revenu agricole qui remplace le CSRN, le Compte de stabilisation du revenu net. Je crois que les éleveurs de veaux sont admissibles à ce programme. Si ce n'est pas celui- là, il existe en tout cas un programme qui aide les agriculteurs à stabiliser leurs revenus, y compris en versant des paiements en cas de sinistre. À l'heure actuelle, le marché fonctionne bien. Certains se plaignent des prix, mais dans un contexte de libre entreprise, le marché reflète la réalité d'aujourd'hui. Les vaches arrivent sur le marché et sont vendues au prix sur lequel on s'entend. Des vaches et des bovins sont envoyés à l'abattoir. Il n'y a pas des réserves énormes. Un responsable d'un abattoir qui traite des vaches nous a dit lundi qu'il a seulement des réserves d'une journée. De la viande est vendue aux États-Unis, même si le dollar canadien s'est apprécié, et la libre entreprise fonctionne bien. Les gens tout au long de la chaîne font des profits, même s'ils en font peut-être moins que d'habitude. Personne n'exploite personne. Où l'aide doit-elle aller? Je pense que vous connaissez la réponse à cette question.

Le sénateur Callbeck: Ma question fait suite à celles du sénateur Sparrow au sujet de la table ronde sur la valeur ajoutée dans l'industrie du boeuf: est-ce que le Conseil des viandes du Canada en fait partie?

M. Laws: Oui. Je n'ai pas encore assisté personnellement à une réunion, parce que je viens d'entrer en fonction au conseil il y a un mois ou deux.

Le sénateur Callbeck: Apparemment, ils ont présenté un plan pour évaluer le conditionnement à valeur ajoutée au Canada. Pouvez-vous m'en parler brièvement?

M. Laws: J'aimerais pouvoir vous en parler, mais je n'ai pas encore pris connaissance du plan.

Le sénateur Gustafson: Je voudrais dire quelque chose en réponse à votre dernière observation, monsieur Laws. Si nous appliquons le principe voulant que ceux qui ne s'enrichissent pas crèvent, beaucoup d'agriculteurs vont crever; il faut faire quelque chose. Mon observation fait suite à la question du sénateur St. Germain, qui se demandait qui est le plus durement frappé.

Je vous inviterais à transmettre ce message à votre prochaine réunion pour chercher des solutions à cette crise.

La vice-présidente: Merci, monsieur Laws, d'être venu aujourd'hui.

La séance est levée.


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